Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Lycées professionnels (I)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après la réforme de l'apprentissage, le Président de la République a souhaité modifier la voie de l'enseignement professionnel, où se trouvent un tiers des lycéens. Parmi eux, un tiers n'atteint pas le bac. Pour ceux qui l'obtiennent, une proportion importante n'entre pas sur le marché du travail et la moitié de ceux qui entreprennent des études supérieures n'obtient pas de diplôme. La situation n'est pas satisfaisante.
La souveraineté industrielle de notre pays exige de placer l'enseignement professionnel au centre de notre système éducatif, pour répondre aux transformations économiques à venir. Il nous faut redonner du sens à la notion de travail. Les territoires, avec leurs bassins d'activité, doivent être associés à la réforme, et notamment à la révision de la carte des formations.
Il est temps de faire du lycée professionnel une filière d'avenir. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la réforme de cette carte des formations ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Votre attachement à faire du lycée professionnel une voie de choix et de réussite pour tous correspond au sens de la réforme présentée par le Président de la République. Nous lutterons contre le décrochage, favoriserons l'insertion professionnelle et valoriserons les filières stratégiques. Nous encourageons ainsi un vrai changement d'image.
Nous ouvrirons de nouvelles formations d'avenir, en augmentant le nombre de places dans l'écologie, le numérique ou le soin par exemple. Nous en fermerons d'autres, quand le taux d'insertion n'est pas satisfaisant.
Sur les dix métiers les plus recherchés, sept correspondent à l'ensemble des territoires.
Enfin, nous réalisons un effort inédit de 1 milliard d'euros par an pour investir dans la pédagogie, auquel s'ajoutent les investissements de France 2030 sur les plateaux techniques et la formation des professeurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Manifestations d'extrême droite
M. David Assouline . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre de l'intérieur, nous avons été choqués que vous ayez laissé se dérouler en plein Paris une manifestation d'hommes masqués menaçant des journalistes et des badauds, la veille de la commémoration de la libération du joug nazi, avec des organisateurs et participants - dont des proches de Marine Le Pen - qui se réclament de l'idéologie nazie, veulent abattre la République et appellent à la haine raciste et antisémite.
Comment le préfet de police et le Gouvernement ont-ils pu laisser faire ? Dans le même temps, vous interdisez les manifestations syndicales au prétexte qu'on y fait du bruit avec des casseroles.
Je dois vous remercier, monsieur le ministre de l'intérieur - une fois n'est pas coutume - d'avoir ensuite recadré le Gouvernement en interdisant ce type de manifestations.
Nous vous demandons à nouveau la dissolution du GUD, le Groupe union défense, qui était à la manoeuvre à Paris, et s'est reconstitué en 2022. Engagerez-vous des poursuites pour reconstitution de ligue dissoute ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Nous avons tous été choqués par les images de la manifestation de ce week-end. Vous avez entendu les propos très clairs de Gérald Darmanin.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Propos très tardifs !
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État. - Le racisme et l'antisémitisme n'ont pas leur place dans la République et les manifestations de ce type seront désormais interdites.
La main de la République ne tremble pas lorsqu'il s'agit de lutter contre l'ultra-droite. Des manifestations ont été interdites à Paris, à Lyon et dans d'autres villes. Le Gouvernement combattra par tous les moyens à sa disposition les actions et manifestations portées par l'ultra-droite.
M. David Assouline. - Vous n'avez pas répondu à ma question très précise. Le GUD s'est reconstitué en 2022. Ce groupe ne cache pas son racisme et son antisémitisme. L'ultra-droite est considérée comme la principale menace en Europe dans les démocraties occidentales (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous vous demandons d'agir vite. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
Difficultés financières des collectivités territoriales
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'Assemblée nationale a voté la semaine dernière l'ouverture du bouclier tarifaire sur l'électricité à la très grande majorité des communes, contre l'avis du Gouvernement. Aujourd'hui, le bouclier est réservé aux municipalités de moins de dix salariés et de moins de deux millions d'euros de budget. La hausse du coût de l'énergie fragilise beaucoup de collectivités, avec des factures multipliées par deux, trois ou quatre. Dans les trois quarts des intercommunalités, la facture a au moins doublé. Il y a une cote mal taillée à ajuster. La dotation globale de fonctionnement (DGF) a augmenté, après des années de gel ou de baisse, mais la hausse des dépenses incompressibles rend le bouclage des budgets difficile.
Cela obère la capacité des élus à investir ; or l'action des collectivités locales représente 70 % de l'investissement national. L'enjeu est capital, d'autant que la vague de rénovation thermique des bâtiments publics nécessite du temps et de l'argent.
Envisagez-vous d'étendre le bouclier tarifaire à certaines collectivités territoriales qui en sont aujourd'hui exclues ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Vous connaissez notre attention aux finances des collectivités locales, préoccupation partagée par le Sénat. Au 1er janvier, l'épargne brute des collectivités territoriales avait progressé de 2,2 milliards d'euros en un an, avec de grandes disparités : 2 % pour les communes, 12 % pour les intercommunalités ou 8 % pour les régions.
Ces chiffres reflètent des réalités diverses, et nous prenons cela en compte : les 2,5 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire et les 520 millions d'euros du filet de sécurité en témoignent. Les dépenses ferroviaires des régions constituent une lacune que nous allons combler. N'oublions pas les 2 milliards d'euros du fonds vert, dont 600 des 1 300 premiers projets retenus portent sur la rénovation énergétique. À l'échelon national, on dénombre près de 4 000 dossiers de rénovation énergétique dont 2 500 pour l'éclairage public.
La Première ministre a annoncé la pérennisation du dispositif ; je recevrai le 17 mai les associations d'élus pour faire le point sur la planification écologique et sur les difficultés et les mesures budgétaires à prendre.
Lycées professionnels (II)
Mme Monique de Marco . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) La réforme des lycées professionnels concerne un tiers des lycéens. Elle prévoit notamment l'allongement de la durée des stages au détriment des enseignements généraux, ou encore la réorientation des élèves vers les métiers en tension. La concertation n'a pas fait évoluer les grandes lignes.
Beaucoup craignent un rattachement de la voie professionnelle au ministère du travail, une régression totale contraire à la vision émancipatrice du lycée.
Madame la Première ministre, quand viendrez-vous devant le Parlement pour débattre de cette réforme point par point ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Esther Benbassa et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un statu quo. Il y a trop de décrochages. Notre objectif est clair : zéro décrochage et 100 % d'insertion. Les écologistes, en 2022, voulaient une réforme. Nous la faisons. Il s'agit d'investir massivement - 1 milliard d'euros par an, maintien des effectifs de professeurs, 400 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) supplémentaires pour soutenir les équipes, investissements dans les plateaux techniques, plus de 1 000 places dans les territoires. Nous investissons par exemple dans la cybersécurité, voie d'avenir. Nous préparons l'avenir de ces jeunes et les compétences nécessaires au pays. Le lycée professionnel deviendra ainsi une voie de choix et de réussite. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme Monique de Marco. - Nous sommes loin du programme écologiste. En augmentant la durée des stages au détriment des enseignements généraux, vous accentuez les inégalités entre voie générale et voie professionnelle. En adaptant les formations aux bassins d'emplois, vous renforcez les inégalités territoriales.
Cette réforme requiert une loi et un vrai débat parlementaire ; les lycéens méritent mieux que la voie réglementaire. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Assurance des dégradations subies lors de manifestations
M. Jean-Pierre Grand . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Dans beaucoup de villes, les manifestations du 1er mai ont dégénéré en violences contre la police et les commerces, notamment à Montpellier. Après les exactions hebdomadaires des gilets jaunes pendant deux ans, les commerçants rencontrés m'ont fait part de leur découragement et de leur colère, avec 140 manifestations en quatre ans.
Certains ont vu leurs contrats résiliés à la suite de plusieurs sinistres. Ils retrouvent des contrats, mais conditionnés à une période probatoire de deux ans sans sinistre. Ils sont donc contraints de ne pas déclarer les dommages subis le 1er mai pour conserver leur couverture.
Cette situation préoccupe la chambre de commerce et d'industrie de l'Hérault, qui demande au Gouvernement de prendre des mesures. Les commerçants demandent que la couverture assurantielle soit maintenue, dès lors qu'ils ne sont pas responsables des dommages.
Nous ne voulons pas que l'État se substitue aux assurances, mais que ces enjeux soient intégrés au prochain plan pour le commerce de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications . - Je vous prie d'excuser Mme Grégoire. La situation des commerçants héraultais est vécue de la même façon à Lille, Rennes ou Paris.
Il faut distinguer le cas des dommages matériels - vitrines par exemple - des pertes d'exploitation, lorsque le commerce est endommagé et nécessite une fermeture. Pour les dommages matériels, les assureurs sont en première ligne au titre des contrats multirisques professionnels. La couverture de la perte d'exploitation peut être étendue aux conséquences d'événements autres que ceux prévus par les garanties, si le contrat les mentionne.
Le Gouvernement veille à ce que des délais de carence ne soient pas demandés aux commerçants.
Nous étudierons le cas de l'Hérault avec Olivia Grégoire.
L'État est et restera présent pour accompagner les commerçants touchés. Des consignes de souplesse ont été données aux directions des finances publiques et aux Urssaf.
Comptez sur la mobilisation permanente du Gouvernement sur ce sujet. (M. Thani Mohamed Soilihi et Mme Patricia Schillinger applaudissent.)
M. Jean-Pierre Grand. - Je me fais avec calme le porte-parole de nos concitoyens : le peuple ne supporte plus ces manifestations violentes. Il y a un sentiment d'exaspération. Nous sommes en République. Beaucoup l'ignorent ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Enseignement de l'arabe et du turc
M. Philippe Tabarot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.) Je suis l'heureux papa d'un garçon qui fera en septembre sa rentrée en CE1. (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreuses travées) Comme à beaucoup de familles des Alpes-Maritimes, on m'a proposé des cours en arabe, en turc ou en portugais pour mon fils, dans le cadre des enseignements internationaux. (Quelques applaudissements à gauche) Dans son discours sur le séparatisme, le Président de la République disait vouloir mettre fin aux dérives des enseignements de langues et de cultures d'origine. (Protestations à gauche)
M. Mickaël Vallet. - Le séparatisme portugais ?
M. Philippe Tabarot. - Qui valide le contenu de ces enseignements ? Les contrôles sont inopérants. Pourquoi ne pas mettre fin aux dérives communautaristes pointées par les sénateurs dès 2003 ? Pourquoi ne pas en finir avec les influences étrangères ? (Mme Laurence Cohen proteste.) Ces enseignements clivent et encouragent le repli communautaire. Prend-on le chemin de l'intégration en dispensant aux élèves de primaire des cours d'arabe ou de turc... (Exclamations à gauche)
M. Éric Kerrouche. - Et de portugais !
M. Philippe Tabarot. - ... langues de pays avec lesquels nous ne partageons aucune frontière ? Ne serait-il pas préférable de se recentrer sur la priorité : la maîtrise de la langue française ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Rachid Temal. - Et l'anglais ?
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je souhaite une bonne rentrée à votre fils.
Depuis 2020 et le discours de Mulhouse du Président de la République, les enseignements internationaux de langues étrangères ont remplacé ceux de langues et de cultures d'origine. C'est 1 h 30 d'enseignement facultatif par semaine, du CE1 au CM2, en plus des enseignements obligatoires, dans quatre langues : l'arabe, le turc, le portugais et l'italien. (Marques d'ironie à gauche) Ce nouveau dispositif a instauré un cadre homogène, basé sur des accords bilatéraux, conditionné à un niveau B2 en langue française pour les enseignants. Enfin, les contrôles sont renforcés : dans chaque département, un inspecteur de l'éducation nationale en est chargé.
Nous ne promouvons pas particulièrement ces langues mais inscrivons leur apprentissage dans le cadre de l'école républicaine, plutôt que dans d'autres lieux inadéquats. Quelque 70 000 élèves d'école élémentaire sont concernés, soit 1 %. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
M. Philippe Tabarot. - J'habite à 40 kilomètres de l'Italie et on ne m'a pas proposé l'italien. (Rires à gauche) Farouche partisan de l'école libre, j'ai pourtant voulu inscrire mes enfants à l'école publique. Mais vous en faites un lieu de séparatisme, de communautarisme et d'échec scolaire ! (Protestations et huées à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Présence de La Poste dans les territoires
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le service public postal, symbolisé par le timbre rouge et la voiture jaune chère à Jacques Chirac, est aujourd'hui assuré par des vélos jaunes, ce dont je me félicite. Certes, le monde évolue avec le numérique, mais nous voudrions garder une place pour la poésie - qui n'a pas vibré à la réception d'une lettre d'amour dans sa boîte aux lettres ? (On s'amuse et s'attendrit sur les travées.)
Les maires redoutent une nouvelle vague de fermetures de bureaux de poste dans les communes rurales ou moyennes. Je ne ferai pas les questions et les réponses, comme M. Marchais le reprochait à M. Elkabbach - je connais mes auteurs ! Je voudrais seulement connaître la vision du Gouvernement sur le service postal. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications . - Votre témoignage sentait le vécu. (M. Rachid Temal ironise.) Le sixième contrat de présence postale territoriale, signé entre l'Association des maires de France, La Poste et l'État, définit pour 2023-2025 les modalités de cette présence sur le territoire. Il tient compte de l'évaluation de la période passée et du rapport sénatorial de MM. Chaize, Cardon et Louault.
Nous avons veillé à cinq priorités : conforter la présence postale, alors que la fréquentation des guichets baisse, grâce au maintien de 17 000 points de contact ; préserver le financement, à hauteur de 174 millions d'euros ; adapter l'ouverture des guichets, notamment le samedi et les jours d'événements locaux ; réaliser une médiation sociale vers les populations les plus vulnérables ; optimiser les règles de gouvernance et de fonctionnement des commissions départementales, pour une meilleure utilisation du fonds de péréquation. J'ajoute que les zones rurales, de montagne, les quartiers politiques de la ville et l'outre-mer sont ciblés en priorité.
Nous en débattrons lors du vote du prochain budget. Nous veillons à ce que la présence postale sur les territoires reste intacte. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Olivier Henno. - Ne péchons pas par excès de rationalité. La Poste est un symbole de la présence de l'État et de reconquête territoriale. C'est l'antidote au déclassement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
Évasion fiscale
M. Éric Bocquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Hier, M. Attal présentait dans tous les médias son plan de lutte contre la fraude fiscale. Il promet de faire payer leurs impôts aux ultra-riches et aux multinationales qui fraudent. Fichtre ! Nous n'étions pas habitués à un tel discours ; nous étions plutôt, jusqu'à présent, dans le registre de l'Hymne à l'amour.
Le ministre dit vouloir renforcer le service d'enquêtes judiciaires, mais la direction générale des finances publiques (DGFiP) va perdre 3 000 emplois d'ici à 2027.
Nous notons avec intérêt l'idée d'une COP de la fiscalité et la création d'un conseil d'évaluation.
Reste un angle mort majeur : celui des paradis fiscaux. Le Gouvernement considère-t-il, comme Bruxelles, que l'Union européenne n'en compte aucun ? Le Monde, en février 2021, dénombrait 55 000 sociétés offshore au Luxembourg, dont 17 000 détenues par des Français, pour 6 500 milliards d'euros d'actifs. On ne peut parler de la fraude fiscale sans évoquer l'évasion fiscale. Allez-vous agir à l'échelon européen et actualiser la liste des paradis fiscaux, qui compte Vanuatu, Palaos et Fidji, mais aucun pays européen ? Albert Camus disait que mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur de ce monde.
Les potentiels fraudeurs tremblent d'effroi à la vue des mesures répressives... J'imagine bien le PDG d'Amazon, Jeff Bezos, un pinceau à la main, repeignant la perception des impôts d'Armentières dans le cadre de travaux d'intérêt général ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Monsieur le sénateur, je vous remercie pour le travail que vous menez depuis longtemps sur ce sujet.
M. Rachid Temal. - Travail qui vous inspire !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Vous avez fait partie de toutes les instances qui se sont intéressées à la fraude fiscale et été un membre extrêmement actif de la commission d'enquête du Sénat. Oui, vos travaux nous ont inspirés, notamment sur la COP fiscale.
Depuis six ans, le Gouvernement a fait des choses.
M. Rachid Temal. - Lesquelles ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - La taxation minimale des multinationales dans le monde, c'est grâce à la détermination du Gouvernement français. Nous continuerons à porter ces sujets dans le cadre de la COP fiscale.
Nous renforçons les moyens domestiques pour traquer la fraude fiscale, avec 1 500 agents supplémentaires d'ici la fin du quinquennat. Nous travaillons également sur la symétrie des relations entre l'administration et les contribuables : puisque ces derniers paient des intérêts de retard, il est logique que l'administration fasse de même en cas d'erreur.
Bref, nous ne mégotons pas sur les moyens dans la lutte contre l'optimisation et la fraude fiscale. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Consigne plastique
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC) Promulguée en février 2020, la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) fixe les objectifs de collecte pour le recyclage des bouteilles en plastique et les méthodes d'évaluation, et précise qu'en concertation avec les parties prenantes, notamment les collectivités, le Gouvernement peut intervenir, après parution du bilan de l'Ademe prévu en 2023 et après évaluation des impacts environnementaux et économiques, pour mettre en oeuvre une éventuelle consigne. Tel était le préalable à toute décision.
Or, sans attendre le résultat de l'étude de l'Ademe, vous avez lancé votre propre évaluation en janvier : vous enjambez la loi (à droite : « Comme d'habitude ! »), laissant planer le doute sur vos intentions. Compte tenu des investissements engagés dans leurs territoires en faveur de la transition écologique, les élus s'interrogent. Quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je m'adresse autant à la sénatrice qu'à la présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire. La loi Agec prévoit qu'au 1er semestre 2023, le Gouvernement lance une concertation ; ce qui a été fait par Bérangère Couillard le 30 janvier. À ce stade, aucune décision n'a été prise.
La loi fixe comme objectif 77 % de recyclage des bouteilles en plastique en 2025, 90 % en 2029 ; pour les emballages plastiques, 50 % en 2025, 55 % en 2029. Nous en sommes à 60 % pour les bouteilles en plastique, et seulement à 25 % pour les emballages. Derrière ces chiffres, il y a d'énormes disparités. Les régions Île-de-France ou PACA sont aux alentours de 40 % pour les bouteilles, quand la moyenne est de 60 % ; à l'inverse, Bretagne ou Pays de la Loire sont à plus de 70 %, et la Haute-Saône à 90 %. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut s'inspirer de ce qui fonctionne : tel est l'objet de la concertation.
Les collectivités ont fait de premières propositions le 18 avril ; nous attendons une deuxième salve le 24 mai. Dans l'intervalle, le rapport de l'Ademe sera sorti. Nous n'avons pas pris de décision.
Je sais les investissements réalisés par les collectivités locales. L'important est d'être efficace : il y a un enjeu de souveraineté, un enjeu budgétaire pour les collectivités, mais aussi un enjeu de justice, car les malus sont payés par tous, quels que soient les efforts réalisés. Or les disparités entre grandes villes sont saisissantes - et ce ne sont pas ceux qui parlent le plus d'écologie qui recyclent le plus ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marta de Cidrac. - Certains territoires sont sur la bonne voie, et ce sans consigne : très bien !
Mais outre l'enjeu environnemental, il y va aussi du pouvoir d'achat des Français. Je me réjouis de la mission d'information du Sénat sur la consigne. Nos auditions sont nombreuses, et nous sommes loin d'un consensus. J'espère que lorsque vous rencontrerez les associations d'élus, vous tiendrez compte des quatorze propositions qui vous ont été faites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez et M. Alain Duffourg applaudissent également.)
Financement des collectivités territoriales
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'inflation s'est installée durablement à un haut niveau, et les Français vivent au quotidien une austérité de fait. Fin 2023, l'inflation se sera traduite par une perte de 1 milliard d'euros constants pour la seule dotation globale de fonctionnement (DGF).
Vous ne pouvez laisser l'action publique locale s'affaiblir durablement alors que les collectivités sont en première ligne au service de nos concitoyens. Les boucliers et autres amortisseurs ont des limites. Les préfectures constatent des taux de réalisation des investissements d'à peine 60 %. Il n'est pas normal que des collectivités locales renoncent à l'action pour cause de conjoncture dégradée ou de complexité administrative. Une gestion différente des dossiers éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) devrait être proposée.
Quelles mesures prévoyez-vous pour restaurer les capacités d'investissement de nos collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Pour la première fois depuis treize ans, la loi de finances prévoit une hausse de la DGF de 320 millions d'euros ; 90 % des communes rurales ont vu leur DGF augmenter. (Protestations sur les travées du groupe SER ; M. Franck Montaugé ironise.)
Mme Sophie Primas. - De 400 euros !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Parmi les mesures prises pour soutenir les finances locales, citons le bouclier tarifaire, l'amortisseur électricité, le filet de sécurité, le maintien des dotations d'investissement au plus haut, la création du fonds vert, la revalorisation des bases de fiscalité locale à hauteur de 7 %.
M. Rachid Temal. - C'est Byzance !
M. Mickaël Vallet. - C'est trop ! N'en jetez plus !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - La somme de ces mesures a été plus importante que ne l'aurait été une indexation de la DGF sur l'inflation. Le Gouvernement apporte un soutien continu aux communes. Face à l'inflation, il faut un effort partagé.
Si la situation financière des collectivités locales est encore meilleure fin 2022 qu'elle n'était fin 2021, il y a beaucoup d'hétérogénéité. (M. Loïc Hervé le confirme.) Reste que le nombre de communes en épargne brute négative baisse significativement.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je suis à votre disposition, et à celle des maires de votre département. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Franck Montaugé. - Je ne partage pas du tout votre analyse. Nombre de collectivités locales vont connaître des jours difficiles. Elles sont partie intégrante de votre plan d'austérité ; les élus locaux restent en attente de mesures efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; M. Loïc Hervé et Mme Sophie Primas applaudissent également.)
AESH
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre Ndiaye, 430 000 élèves sont reconnus en situation de handicap, soit un élève par classe en moyenne.
Il y va de la responsabilité de votre ministère, mais c'est aussi une question de justice sociale et d'humanité que d'accompagner ces élèves vers l'autonomie et la réussite scolaire. Quelque 135 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ont été recrutés - ils constituent le deuxième métier de l'éducation nationale.
Toutefois, faute d'organisation adaptée et d'une approche éducative centrée sur les besoins spécifiques de ces enfants, notre système a atteint ses limites, et met parfois l'institution scolaire en difficulté.
Notre récent rapport d'information plaide pour une politique d'inclusion scolaire efficace et fait une vingtaine de préconisations : rénover le cadre culturel, corriger l'organisation administrative, faire de l'accessibilité pédagogique la priorité, améliorer la prise en charge des élèves et les relations avec les familles, renforcer les liens avec le médico-social, professionnaliser le beau métier d'AESH.
Êtes-vous prêt à travailler, sur la base des propositions du Sénat, à la création d'un véritable service public de l'inclusion scolaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Mickaël Vallet, Mmes Marie-Arlette Carlotti et Cécile Cukierman applaudissent également.)
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je vous remercie pour votre rapport d'information, dont je partage le constat et la plupart des propositions. Vous l'avez dit, les chiffres sont importants : 430 000 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, 130 000 AESH, 3,8 milliards d'euros par an pour l'école inclusive.
Le Président de la République a fait des propositions lors de la conférence nationale sur le handicap le 26 avril dernier. Dès la rentrée 2023, tous les enfants bénéficieront d'un identifiant national qui les rattachera à l'éducation nationale et permettra de suivre leur scolarité. Nous souhaitons augmenter le temps de travail des AESH et les rapprocher des assistants d'éducation afin de les lier à un établissement et d'enrichir leur métier. Nous voulons transformer les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en structures capables d'accueillir et d'évaluer les besoins des élèves. Nous allons investir dans la formation des enseignants et dans du matériel pédagogique adapté. Enfin, nous renforçons la coopération entre le médico-social et l'école.
Nous aurons l'occasion d'échanger autour de cette ambition partagée.
Décret sur la gouvernance des ARS
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDPI) Dynamiques lors de la crise sanitaire, les collectivités ont demandé à participer plus activement à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS). La loi 3DS du 21 février 2022 a prévu le remplacement de l'actuel conseil de surveillance par un conseil d'administration, afin de renforcer l'ancrage territorial et le rôle des parlementaires.
En tant que sénatrice, j'ai été désignée par le président Larcher pour siéger au conseil d'administration de l'ARS Île-de-France, et Nadia Sollogoub à celui de l'ARS Bourgogne Franche-Comté.
Étonnée de ne pas recevoir de convocation, j'ai découvert que les décrets n'avaient toujours pas été publiés à ce jour. (M. Loïc Hervé abonde.) Les membres de ces conseils d'administration attendent impatiemment cette publication. Quel est votre plan d'action pour accélérer ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du RDPI)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Mieux associer les élus au pilotage de la santé, tel est l'esprit des déclinaisons locales Conseil national de la refondation (CNR) « Santé », qui associe également professionnels de santé et citoyens. La concertation et le dialogue, voilà notre méthode.
Je me réjouis de cette mesure votée dans la loi 3DS visant à rénover le pilotage des ARS, avec un doublement du nombre d'élus dans la gouvernance des ARS.
Appliquer les lois votées par le Parlement est l'une de mes priorités - pour preuve, l'application récente de la loi plafonnant l'intérim médical. Mme la présidente Deroche m'a interrogé hier sur l'absence de publication de ce décret. Le travail se poursuit en interministériel et avec les parties prenantes, avec pour objectif une parution cet été.
Mme Corinne Féret. - Un an et demi après !
Mme Jocelyne Guidez. - Nous avons été désignées il y a plus d'un an, et déjà les élections sénatoriales se profilent. Qui sait si je siégerai un jour à ce conseil d'administration ! Dépêchez-vous, monsieur le ministre ! (Sourires et applaudissements sur de nombreuses travées)
M. le président. - Le Journal Officiel portant nomination de Mme Guidez est daté du 10 juin 2022.
Industrie du bois
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 15 avril dernier, la Caisse des dépôts et la direction interdépartementale des routes ont suspendu tous leurs chantiers en forêt ou sur bosquet, à la suite d'une décision de l'Office français de la biodiversité (OFB) s'appuyant sur l'article L. 411-1 du code de l'environnement qui interdit toute destruction d'habitat.
Les entreprises de travaux forestiers voient leurs carnets de commandes annulés, et se retrouvent sans activité pendant cinq mois. Or les entreprises du bois contribuent à la protection contre les incendies, et le bois est non seulement un matériau de construction mais une source d'énergie renouvelable précieuse. La pénurie créera de l'inflation et contribuera à la crise du logement. Ces entreprises seront-elles les prochaines victimes de la désindustrialisation de la France ?
L'interprétation du code par l'OFB me paraît abusive et éloignée de la volonté du législateur. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Ces inquiétudes nous ont été remontées. L'enjeu est crucial. Toute notre gestion forestière est concernée. Axe de réindustrialisation, de soutien à la décarbonation, de stockage de carbone, c'est une brique essentielle de la planification écologique. D'où notre plan de plantation d'un milliard d'arbres.
M. Bruno Sido. - Ce n'est pas la question !
M. Christophe Béchu, ministre. - Outre la question des ongulés, nous devons concilier les injonctions liées à la directive Habitat et Oiseaux, les obligations légales de débroussaillement et plus largement les travaux sylvicoles de récolte, d'entretien ou d'aménagement.
Sur 200 000 chantiers sylvicoles, il n'y a eu que quinze verbalisations, comme l'année dernière.
M. Jean-François Husson. - Ils font ce qu'ils peuvent !
M. Christophe Béchu, ministre. - J'ai toutefois entendu les inquiétudes, et demandé au délégué interministériel Forêt-Bois de réunir les acteurs, ONG et entreprises sylvicoles, en liaison avec le ministère de l'agriculture, qui a compétence sur la récolte sylvicole.
M. Jean-François Husson. - Ça devient compliqué...
M. Christophe Béchu, ministre. - Les conclusions nous sont parvenues fin avril. Nous avons consulté les acteurs forestiers, et nos propositions leur conviennent. Concilier exploitation et préservation de la biodiversité, voilà le sens du compromis que nous allons bientôt rendre public avec Marc Fesneau. Nous tenons les deux bouts de la chaîne. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Crèches
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.) Après votre immobilisme lors du quinquennat précédent, il a fallu un drame pour que vous vous saisissiez du sujet de la petite enfance et des crèches. La situation n'est pourtant pas nouvelle, après des années de sous-investissement et de déréglementation.
Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) est sans appel : de manière systémique, les conditions ne sont pas réunies pour garantir la qualité d'accueil dans les crèches. Maltraitance institutionnelle, taux d'encadrement trop faible, formation insuffisante, mode de financement inadéquat, gouvernance et contrôle à renforcer... L'Igas fait le parallèle avec les Ehpad, en pointant la domination de groupes privés à but lucratif, qui a conduit à une dégradation de la qualité de l'accueil au profit de la logique marchande.
Quand investirez-vous enfin dans le secteur de la petite enfance pour que chaque enfant soit accueilli dans les conditions nécessaires à son bien-être et à son développement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Raymonde Poncet Monge et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - La sécurité des enfants doit être notre première priorité. C'est pourquoi j'ai diligenté dès mon arrivée une mission d'inspection et chargé l'Igas de faire des propositions.
L'hétérogénéité de la qualité de l'accueil n'est pas l'apanage d'un seul secteur : elle concerne autant le secteur public et associatif que le privé commercial. Cela tient à la pénurie de professionnels, au manque d'intégration des connaissances sur le jeune enfant dans les projets d'établissements et dans la formation, aux limites des contrôles par les services de PMI (protection maternelle et infantile).
J'ai fait de la lutte contre les maltraitances le fil rouge de mon action et lancé des états généraux.
Par ailleurs, la qualité et la sécurité de l'accueil étant notre priorité, il n'est pas question de laisser ouvertes des crèches ou structures d'accueil en cas de manque de professionnels. J'aurai également à coeur de mettre en oeuvre les 39 propositions de l'Igas.
Mme Laurence Rossignol. - Qu'attendez-vous ?
Mme Émilienne Poumirol. - L'hétérogénéité s'observe aussi dans le public, dites-vous, mais n'oubliez pas que les normes ne sont pas les mêmes dans les crèches publiques et dans les crèches privées. Or la dépense principale, c'est le personnel.
Nous avons besoin d'actes, pas d'intentions. Il est temps d'instaurer un véritable service public de la petite enfance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
Situation d'un détenu en Centrafrique
M. Christophe-André Frassa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a deux ans jour pour jour, le 10 mai 2021, notre compatriote Juan Rémy Quignolot était arrêté à Bangui pour de prétendus faits d'espionnage, et maintenu en détention provisoire, ce qui a provoqué des tensions entre la France et la Centrafrique. Il est désormais sous le coup d'une enquête judiciaire qui s'éternise et repose sur des allégations fantaisistes. En liberté provisoire, il est hébergé par l'ambassadeur de France, dont je salue l'implication.
Juan Rémy Quignolot a entamé une grève de la faim, mais la situation n'évolue pas, même si la France appelle à sa libération immédiate.
Le groupe des Nations unies sur la détention arbitraire doit prendre le relais : notre compatriote est l'otage de Bangui, dans une relation délétère entre la France et la Centrafrique. Rien de plus. Que ce triste anniversaire soit le dernier. La France doit tout mettre en oeuvre pour que Juan Rémy Quignolot retrouve sa liberté et son pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - Voici ce que je peux vous répondre, avec toutes les précautions qui conviennent à la situation : M. Quignolot a été arrêté à Bangui en mai 2021 ; il a été incarcéré en République centrafricaine et maintenu en détention provisoire pendant seize mois. La justice centrafricaine a décidé, le 28 septembre 2022, de sa mise en liberté provisoire afin qu'il puisse recevoir les soins médicaux nécessaires dans l'attente de son procès. Durant sa détention provisoire, il a bénéficié de la protection consulaire, conformément à la Convention de Vienne du 23 avril 1963, et reçu des visites des services consulaires. La situation est suivie quotidiennement à Paris et à Bangui, et les services du Quai d'Orsay sont en relation étroite avec sa famille. Nous espérons une résolution rapide.
M. Christophe-André Frassa. - Que Juan Rémy Quignolot sache que, loin de lui, des gens mettent tout en oeuvre pour qu'il puisse retrouver les siens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Rassemblement de gens du voyage dans le Loiret
M. Hugues Saury . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chaque année, à la Pentecôte, des milliers de pèlerins issus de la communauté des gens du voyage convergent à Nevoy, dans le Loiret, vers un terrain privé de l'association Vie et Lumière. En 2022, ils étaient 30 000 ; depuis le 6 mai dernier, ils sont plus de 40 000, dans une commune de 1 200 habitants.
Faute de place, les gens du voyage occupent illégalement des terrains agricoles, branchent leurs installations électriques et d'eau directement chez des particuliers ; les alentours sont jonchés d'immondices. Des tensions éclatent avec les habitants excédés. Il y a un problème de sécurité, de salubrité et de santé publique, d'autant que les urgences de Gien sont fermées... Aucun service public du bassin de vie n'est dimensionné pour accueillir un tel afflux.
Jusqu'ici, les élus acceptaient le principe d'un unique rassemblement, de 20 000 personnes. Ce seuil est dépassé. Et depuis quelques années, un deuxième rassemblement est organisé en août. En 2015, les élus locaux et parlementaires, dont nos collègues Sueur et Cardoux, ont alerté la Première ministre, qui s'était engagée à ce que l'État propose un lieu pour ce deuxième rassemblement. Cette promesse n'est plus respectée, et les élus se font promener d'un ministère à l'autre. Les habitants subissent au quotidien nuisances et incivilités.
Allez-vous faire respecter la parole de l'État, faire preuve d'autorité et mettre fin à cette situation inadmissible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le rassemblement évangélique de Nevoy, je le sais pour avoir échangé avec Anthony Dubois, revêt une importance toute particulière pour les gens du voyage. Il devait accueillir 20 000 personnes ; ce sont en fait 40 000 personnes qui se retrouvent dans une commune de 1 200 habitants. Je salue l'implication des élus et des services de l'État pour que cet événement se déroule au mieux. La surfréquentation pose de réels problèmes en termes d'installation, de circulation ou d'enjeux sanitaires. La préfète du Loiret a pris des mesures dans la perspective d'un second rassemblement en août. J'entends les inquiétudes des riverains et des élus. Le Gouvernement est pleinement mobilisé, et je m'engage à associer l'ensemble des parties prenantes pour dégager des solutions pérennes pour les années à venir, dans le respect des sensibilités de chacun. (Protestations à droite, la réponse étant jugée insatisfaisante.)
M. Hugues Saury. - Je constate que vous n'apportez aucune solution concrète pour le second rassemblement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.) Les habitants de Nevoy sont donc livrés à eux-mêmes. Vous actez la totale démission de l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.