Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Situation à Mayotte (I)

M. Jérémy Bacchi

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Situation à Mayotte (II)

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Notation financière de la France (I)

M. Rémi Féraud

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Crise de la nuciculture

M. Jean-Claude Requier

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Moyens de l'industrie pour la transition écologique

M. Daniel Breuiller

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Violences du 1er mai (I)

M. Claude Malhuret

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Situation à Mayotte (III)

M. François-Noël Buffet

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Notation financière de la France (II)

M. Stéphane Demilly

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Notation financière de la France (III)

M. Jean-François Husson

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Fermetures de services à l'hôpital

Mme Nicole Bonnefoy

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention

Pouvoir d'achat et logement

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Rapport du COI

M. Jean-François Longeot

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports

Politique du handicap

M. Philippe Mouiller

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées

Fin du tarif réglementé pour les factures d'énergie

M. Jean-Jacques Michau

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique

Violences du 1er mai (II)

Mme Muriel Jourda

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Désignation des grands électeurs municipaux

Mme Nathalie Goulet

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Gilets jaunes et colère sociale

Mme Esther Benbassa

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Prérogatives d'une commission d'enquête

Accessibilité et inclusion bancaires

Discussion générale

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

M. Bernard Buis

M. Jean-Claude Tissot

M. Pascal Savoldelli

Mme Sylvie Vermeillet

M. Christian Bilhac

Mme Véronique Del Fabro

M. Dany Wattebled

M. Paul Toussaint Parigi

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. Marc Laménie

ARTICLE 2

ARTICLE 3

M. Alain Cadec

APRÈS L'ARTICLE 3

ARTICLE 4

ARTICLE 5

ARTICLE 6

APRÈS L'ARTICLE 6

ARTICLE 7

APRÈS L'ARTICLE 7

Interventions sur l'ensemble

M. Rémi Féraud

M. Jean-François Husson

M. Pascal Savoldelli

Précarité énergétique

Discussion générale

M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

Mme Viviane Artigalas

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Daphné Ract-Madoux

Mme Guylène Pantel

Mme Catherine Belrhiti

M. Dany Wattebled

M. Daniel Salmon

M. Bernard Buis

M. Laurent Somon

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques

Discussion des articles

ARTICLE 1er

ARTICLE 4

M. Rémi Cardon

Programme de stabilité et orientation des finances publiques

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales

M. Pascal Savoldelli

M. Bernard Delcros

M. Christian Bilhac

M. Jérôme Bascher

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Daniel Breuiller

Mme Nicole Duranton

M. Patrice Joly

M. Vincent Capo-Canellas

M. Charles Guené

Mme Monique Lubin

M. Stéphane Sautarel

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Ordre du jour du jeudi 4 mai 2023




SÉANCE

du mercredi 3 mai 2023

83e séance de la session ordinaire 2022-2023

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Situation à Mayotte (I)

M. Jérémy Bacchi .  - Nous ne minimisons pas ce qui se passe à Mayotte : les violences et l'insécurité sont insoutenables. Pour nous, la seule réponse à cette spirale infernale est républicaine. Or, celle du Gouvernement est uniquement répressive. Pourtant, détruire les bidonvilles et expulser les sans-papiers ne rétablira pas la paix. Au contraire, vous donnez l'occasion à un vice-président du conseil départemental de Mayotte de dire tranquillement qu'il faudrait en tuer quelques-uns. L'absence de réaction au plus haut niveau de l'État à cette attaque violente de nos valeurs républicaines laisse un goût amer.

L'opération Wuambushu est une atteinte aux valeurs de la France, dont on attendait qu'elle n'agisse pas comme un chef de bande.

Ne pas comprendre que les Comores accueillent un seul peuple, c'est empêcher toute résolution. L'ONU considère cet archipel comme un même pays.

Des enfants grandissent sans leurs familles au nom du droit du sol. La République doit incarner ce qu'elle a de meilleur. Or les droits les plus essentiels, comme l'éducation ou le logement, ne sont pas respectés. La détresse sociale est grave. Monsieur le ministre, quand y répondrez-vous enfin ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER et du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Tout est scandaleux dans vos propos. (Protestations à gauche) Vous vous asseyez sur la Constitution de la République. Vous venez de dire que Mayotte était non pas française, mais comorienne. (M. Jérémy Bacchi se récrie, Mme Laurence Cohen proteste.)

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Or les Mahorais ont choisi librement de rester français, par deux référendums. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du RDSE, des groupes UC et Les Républicains)

Vous venez de dire que la France se comportait « en chef de bande », alors que chaque jour, nous en interpellons. Tous les élus mahorais, même le responsable LFI de Mayotte, soutiennent l'opération Wuambushu !

Le Gouvernement fait à Mayotte ce qu'il aurait dû faire depuis longtemps : casser la violence des bandes, et, oui, l'immigration irrégulière. Elle est inacceptable, à Mayotte comme dans toute la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Jérémy Bacchi.  - La France doit agir, mais certaines conditions, comme le visa Balladur, aggravent le fossé qui existe entre les différentes îles comoriennes. Il est grand temps de l'abroger. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Situation à Mayotte (II)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.) Depuis quelques jours, l'Hexagone découvre avec effroi les immenses difficultés de Mayotte : immigration, eau, logement... La liste est longue.

La jeunesse, qui représente plus de la moitié de la population, est particulièrement touchée, avec un système de rotation inédit qui entraîne un taux de décrochage scolaire de 75 %, contre 10 % au niveau national. Les problèmes s'amplifient, notamment en raison de l'insécurité, alimentée par les gangs. Cette situation est sans égale sur le territoire français.

L'opération Wuambushu est très attendue par la population. Elle n'est ni honteuse ni glorieuse, mais nécessaire. (Mme Éliane Assassi en doute.) Elle tranche avec l'inertie de ces dernières années.

Je rends hommage aux forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur des travées du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Wuambushu, qui signifie « reprise » en shimahorais, a pour objectif de restaurer la sécurité. Demain, il faudra un Wuambushu de l'éducation, de la santé et du logement.

Les Mahorais s'inquiètent de la suspension des reconduites, à la suite de certaines procédures judiciaires. Monsieur le ministre, quelles mesures supplémentaires entendez-vous déployer ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - C'est sur votre initiative et celle des élus mahorais que l'État a engagé à Mayotte des moyens sans précédent pour maîtriser la démographie.

Ce territoire, qui pourrait être plus beau que les Seychelles, est déstabilisé par une population faisant dériver les services publics, quels qu'ils soient. Les enfants, à Mayotte, ne vont à l'école que par demi-journée. Presque 80 % des bébés nés à l'hôpital de Mayotte ne sont pas de parents mahorais, et 900 parturientes sont accouchées chaque année par les sapeurs-pompiers. Les difficultés sociales se multiplient.

Il faut donc une reprise de la sécurité. Sur les 60 cibles de la police judiciaire, 22 ont déjà été interpellées.

Contrairement à ce que j'entends, après la destruction des bangas, les mineurs sont logés et accueillis par les services de l'enfance.

Oui, nous luttons contre l'immigration irrégulière - originaire souvent du Sri Lanka, de Madagascar, d'Afrique des Grands Lacs et des Comores. On doit se sentir à Mayotte comme dans n'importe quel département français ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)

Notation financière de la France (I)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quelques jours après le passage en force sur les retraites, même l'agence Fitch a sorti sa casserole en abaissant la note de la France ! (Sourires à gauche)

Nous ne révérons pas les agences de notation, mais toute l'action du Gouvernement a pour but de les satisfaire. Cependant, en plus d'être injuste, votre politique est inefficace. Le flou et les contradictions de votre programme de stabilité cachent toujours plus d'austérité.

Vous refusez toute justice fiscale, mais la crise sociale et démocratique due à votre politique brutale inquiète jusqu'aux marchés financiers. Il faut changer de gouvernance pour redonner l'espoir aux Français.

Attendrez-vous encore cent jours pour changer radicalement de méthode et prendre un nouveau cap plus juste, plus clair et plus efficace ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Laurence Cohen, M. Éric Bocquet et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - (Plusieurs « Ah » sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Cohen brandit La Fugue américaine, volume récemment publié par M. le ministre.) Vous lisez les bons auteurs, madame la sénatrice. (Sourires)

Il y a un peu d'inconséquence dans votre question, monsieur le sénateur : vous regrettez la décision de l'agence Fitch tout en nous disant qu'il ne faudrait réduire ni les dépenses publiques ni la dette.

En 2017 et 2018, nous avons rétabli les finances publiques, sommes revenus sous les 3 % de déficit et sortis de la procédure de déficit excessif. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER)

Nous avons ensuite fait face à trois crises : gilets jaunes, covid et inflation. À chaque fois, nous avons pris les mesures nécessaires pour protéger citoyens et entreprises. (MM. Fabien Gay et Pascal Savoldelli protestent.)

J'ai bon espoir que nous sortions de la crise inflationniste cet été.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et Fitch alors ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avec la Première ministre, nous avons engagé une revue des dépenses publiques. (M. Fabien Gay proteste ; quelques exclamations à droite.) Je tiendrai début juin les assises des finances publiques. Nous allons accélérer le désendettement, pas pour quelque agence de notation, mais pour les Français et la souveraineté de la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Rémi Féraud.  - Je n'ai pas lu tous les derniers romans, mais plutôt l'appréciation de Fitch. Vous aggravez encore votre politique en sacrifiant davantage les services publics, sans prélever de juste contribution sur les plus riches et les multinationales, mais en pénalisant les Français après une période difficile et injuste. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

Crise de la nuciculture

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC) Depuis plusieurs mois, la filière noix traverse une crise sans précédent. Les noix se vendent actuellement entre 50 centimes et 1 euro le kilo, contre 3 euros précédemment. Pourquoi ? La filière souffre d'une chute de 30 % de la consommation mondiale de noix, qui n'est pas considérée comme un produit essentiel malgré ses qualités nutritionnelles. L'inquiétude gagne les producteurs, du Lot à la Dordogne.

S'ajoutent des problèmes de trésorerie et de stockage. Dans le Lot, la Mutualité sociale agricole (MSA) et la chambre d'agriculture vont prendre en charge les cotisations sociales des exploitations en difficulté. Mais cela ne suffira pas : il faut un fonds d'urgence, peut-être même une campagne d'arrachage.

Quelles mesures prendrez-vous pour cette filière, qui pèse lourd dans l'économie de nombreux départements ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et UC)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Cette filière connaît plutôt une crise de croissance. La demande mondiale est poussée par le snacking, et les surfaces ont augmenté de 50 % en dix ans, avec un contexte de surproduction cette année. La France est le premier exportateur européen et le quatrième exportateur mondial.

Nous voulons encore conforter la filière. Nous devons donc communiquer auprès de la grande distribution pour valoriser le produit chez nous et mieux exporter.

Ensuite, les acteurs de la filière doivent se saisir des mesures de retrait et de régulation. Ils peuvent se rapprocher de France AgriMer. Nous devons travailler à plus long terme pour stabiliser les productions, en raison de l'augmentation des surfaces.

Enfin, la filière fait partie de la grande famille des fruits et légumes. Nous travaillons à réduire les produits phytosanitaires tout en conservant la compétitivité et en trouvant de nouveaux marchés.

Moyens de l'industrie pour la transition écologique

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.) L'eau est un bien commun et sa gestion durable une nécessité vitale. Le dérèglement climatique s'accélère. Les sécheresses sont redoutables et notre adaptation n'est pas à la hauteur. Il faut des interventions d'urgence et des interventions structurelles.

Depuis plusieurs jours, le maire de Grigny, dans l'Essonne, discute avec l'usine de Coca-Cola pour qu'elle arrête de puiser dans la nappe phréatique. En Isère, STMicroelectronics, qui a reçu 2,3 milliards d'euros d'argent public, consommera 29 000 mètres cubes par jour, soit le besoin d'une ville de 100 000 habitants. En Bretagne, l'usine Bridor est contestée, pour sa consommation de terres agricoles. (Mme Françoise Gatel proteste.)

Pourtant, le recyclage de l'eau existe. Mais sans conditionnalité des aides, la gestion de l'eau passera toujours au second plan.

Le Gouvernement supprime la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et renforce les aides fiscales, mais pour quelles contreparties ? Nous soutenons une réindustrialisation utile. Car oui, on peut être écologiste et pour l'industrie. Mais peut-on être libéral et soucieux de l'écologie ? Combien de milliards consacrez-vous à une industrie compatible avec le changement climatique ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe CRCE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Monsieur le sénateur, vous dites que l'on peut être à la fois écologiste et soucieux de l'industrialisation de notre pays : je vous prends au mot. Pendant trop d'années, on a fait de l'écologie grâce à la désindustrialisation, en réduisant les émissions par la fermeture d'usines. Mais on a augmenté notre empreinte par les importations.

La réindustrialisation, qui favorise les circuits courts, est exactement le chemin à suivre. Tel sera l'esprit du prochain projet de loi présenté par Bruno Le Maire.

La gestion du foncier et des ressources naturelles est un défi. Pour l'eau, la trajectoire est simple : c'est celle de la sobriété. Nous disposerons de moins d'eau à l'avenir. Aussi, il faut optimiser les usages. À Grigny, il existe d'autres solutions technologiques, notamment la réutilisation. Vous vous dites favorable à la réindustrialisation, mais, confrontés aux projets réels, vous vous abritez derrière les difficultés qu'ils rencontrent. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Daniel Breuiller.  - Nous prônons la relocalisation depuis longtemps, car c'est une condition de la transition écologique. L'industrie doit être socialement utile, soutenable et économe en eau. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Violences du 1er mai (I)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Après l'incendie des cars de gendarmerie à Sainte-Soline, des policiers eux-mêmes ont été transformés en torches vivantes, le 1er mai à Paris. Semaine après semaine, l'ultragauche et les black blocs programment l'escalade, en visant l'insurrection.

Le guide suprême de la France soumise à Poutine nous explique, vêtu d'un manteau de cuir qui aurait fait fureur dans les années 1930, qu'il faut mettre à bas la mauvaise République. Ce n'est pas un énième dérapage verbal. Un de ses sous-fifres s'est chargé de l'exégèse à l'Assemblée nationale lors de la séance des questions au Gouvernement d'hier, en s'adressant à la Première ministre ainsi : « Policiers brûlés, les coupables, c'est vous ! » Et de continuer : « À bas Macron et la mauvaise République. Vive la Constituante et la VIe République. Le 14 juillet, vous aurez votre prise de la Bastille. »

Cette névrose obsessionnelle du 14 juillet mériterait une consultation à Sainte-Anne... (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains) Méfions-nous : les émeutes ont souvent été déclenchées par des dingues.

Cette tenaille entre la violence dans la rue et la zadisation de l'Assemblée nationale sape la confiance des Français dans leurs institutions et dissout le respect pour l'ordre républicain.

Je rends hommage au policier de 27 ans brûlé, aux 405 membres des forces de l'ordre blessés ce jour-là, et aux 1 083 blessés depuis le début de l'année.

Comment mieux protéger nos forces de l'ordre contre ces voyous qui ne veulent que casser du flic ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, RDPI et Les Républicains)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Lundi, de nombreuses manifestations ont eu lieu en France. Dans la grande majorité des villes, grâce à la responsabilité des organisations syndicales et des préfets, les cortèges se sont déroulés sans heurts. Malheureusement, une fois de plus, à Paris, Nantes ou Rennes, des casseurs décidés à en découdre se sont infiltrés dans les cortèges et ont provoqué des troubles graves. Je pense aux élus, habitants, commerçants ayant subi des dégâts. Je pense aux parlementaires dont les permanences sont cassées.

Je pense aux forces de l'ordre attaquées : plus de 400 policiers et gendarmes ont été blessés, certains gravement. La France entière a été choquée par le sort du policier grièvement blessé par un cocktail Molotov. Je leur apporte tout mon soutien et celui de tous les élus, j'en suis sûre. Les auteurs de ces actions doivent être identifiés et conduits en justice.

C'est l'honneur de nos policiers et gendarmes de protéger la liberté d'expression et de manifestation. Toutes mesures renforçant leur protection seront étudiées.

Les dernières outrances du leader de La France insoumise sont une nouvelle étape de sa sape de la confiance des citoyens dans notre démocratie. Pour Jean-Luc Mélenchon, la seule bonne République, c'est lui. Nous resterons du côté de la République et de l'ordre républicain. (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP, RDSE et UC)

Situation à Mayotte (III)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Monsieur le ministre de l'intérieur, vous menez une opération d'envergure à Mayotte, territoire particulier où 50 % de la population est étrangère, dont la moitié en situation irrégulière.

Depuis de nombreuses années, nous constatons une augmentation des actes de violence.

Qu'en est-il des accords de réadmission avec les Comores ? Sans les fameux laissez-passer consulaires, les difficultés perdureront. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je vous rassure : nous coopérons efficacement avec les Comores depuis quatre ans. Chaque année, à Mayotte, 25 000 reconduites à la frontière ont lieu, dont 100 % des condamnés par la justice française : nous aimerions de tels résultats avec d'autres pays.

Les Comores ont une revendication historique sur Mayotte, qu'elles souhaitent récupérer ; les circonstances électorales actuelles ont entraîné la fin des échanges par bateau depuis cinq jours, officiellement pour des raisons techniques, avec le port d'Anjouan. Mais nous sommes en contact. Nous utilisons tous les moyens diplomatiques pour rétablir ce lien maritime.

En continuant sur le même rythme d'expulsions, nous atteindrons nos objectifs. Les 1 500 gendarmes et militaires empêchent les nouvelles arrivées de kwassa-kwassa.

J'espère que nous arriverons un jour à l'examen d'un projet de loi sur l'immigration, au sein duquel je pourrai défendre la révision du droit du sol à Mayotte. (M. François Patriat applaudit.)

M. François-Noël Buffet.  - Nous attendons avec impatience ce texte sur l'immigration, mais comme soeur Anne, nous ne voyons rien venir.

Tant que nous n'instaurerons pas de rapport de force avec les pays de départ, la situation ne s'améliorera pas. Pas de visas sans laissez-passer consulaires !

Le problème de Mayotte va au-delà : il faut un projet à long terme qui garantisse le bien-être du peuple mahorais. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP et du RDPI)

Notation financière de la France (II)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vendredi dernier, Fitch a dégradé la note de crédit de la France, la faisant passer de AA à AA-. L'agence a invoqué des déficits budgétaires importants et des progrès modestes.

Comme Standard & Poor's et Moody's, la principale activité de Fitch consiste à évaluer la capacité des États à rembourser leur dette. Nous détenions la meilleure note, AAA, avant 2012. La note de la France a donc été dégradée d'un cran supplémentaire. Cette décision va à l'encontre du signal envoyé aux marchés par le Gouvernement, avec l'adoption de la réforme des retraites, censée attester d'une maîtrise des finances publiques sur le long terme.

Mais si notre pays perd sa crédibilité, nous devrons emprunter plus cher sur les marchés et donc payer plus d'intérêts. Or la charge de la dette est passée de 37 à 50 milliards d'euros en quelques mois.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour restaurer la confiance en notre pays et pour enrayer la dégradation de sa notation ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je connais votre attachement à la bonne tenue des finances publiques, monsieur le sénateur. Je sais pouvoir compter sur votre vote favorable à la prochaine loi de programmation des finances publiques. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains)

La France n'a pas de difficultés à emprunter sur les marchés internationaux.

Si Fitch a modifié la note, Moody's l'a maintenue. Le spread avec l'Allemagne a peu évolué, de 50 à 59 points de base, ce qui montre la solidité de la France, alors que pour l'Italie, ce spread s'élève à 180 points de base.

Cela dit, je vous rejoins : il nous faut une stratégie stable, cohérente et déterminée. Pour ce faire, trois solutions : premièrement, la revue des dépenses publiques, annuelle à partir de 2023, s'assurera que chacune des dépenses remplit sa mission ; deuxièmement, les assises des finances publiques ; troisièmement, la loi de programmation des finances publiques, qui gravera dans le marbre...

M. Jean-François Husson.  - Il faudra un burin !

M. Marc-Philippe Daubresse.  - À graver dans le marbre, on écrit dans le vent !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... le désendettement de la France. Nous proposerons 4 points de désendettement supplémentaires.

Tous ceux qui, ici au Sénat, croient à la nécessité de finances publiques bien tenues, devraient nous rejoindre dans notre mission ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Notation financière de la France (III)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.) Dans un contexte de tensions sociales persistantes, la dégradation de la note de la France confirme nos inquiétudes quant à l'incapacité à réduire notre endettement, qui atteint des sommets. D'autant que, en matière de croissance, les économistes sont bien moins optimistes que le Gouvernement pour la période 2023-2027.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que ce camouflet, à tout le moins cette alerte, ne vous inspire pas d'inquiétudes particulières et que nos comptes publics ne dérivent pas dangereusement ? Quelles conséquences en tirez-vous pour l'évolution de nos conditions de financement et de la charge de notre dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je suis là pour être non pas inquiet, mais déterminé.

La détermination à rétablir nos finances publiques nous a conduits à prendre des décisions structurantes ; certaines ont été votées par votre groupe, dont je salue l'esprit de responsabilité. (Exclamations sur certaines travées à gauche) Je pense notamment à la réforme de l'assurance chômage et à la réforme des retraites, dont Fitch a salué l'efficacité pour le rétablissement financier. (Murmures à gauche)

Une autre décision concrète sera la sortie du bouclier tarifaire, la fin du gel des prix du gaz et la sortie progressive du plafonnement des prix de l'électricité d'ici la fin de 2024 et le début de 2025 ; ces mesures ne sont plus utiles dès lors que les prix baissent. J'espère que vous nous soutiendrez aussi sur ce point.

Enfin, sur la loi de programmation des finances publiques, je suis ouvert à toute amélioration pour graver dans le marbre notre engagement.

Pourquoi est-ce important ? Pas pour faire plaisir aux agences de notation. (Marques d'ironie sur certaines travées à gauche) Mais pour rétablir pleinement notre indépendance financière, et aussi parce que, en période d'augmentation des taux d'intérêt, laisser filer la dette serait jeter l'argent par les fenêtres.

Un point de taux en plus, c'est, à l'horizon 2027, 15 milliards d'euros de charges supplémentaires, soit plus que le budget du garde des sceaux... Nul doute que mon collègue et nos compatriotes préfèrent que nous dépensions cet argent pour la sécurité, la justice, l'école et l'hôpital - bref, pour les services publics plutôt que pour le service de la dette.

Vous pouvez compter sur ma détermination totale à rétablir les finances publiques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - De la détermination, dites-vous ? Vu le résultat que nous constatons depuis six ans que vous êtes aux responsabilités, vous en avez singulièrement manqué.

Pour ma part, je suis inquiet. Les dépenses inscrites dans le programme de stabilité sont supérieures de 30 milliards d'euros à celles inscrites dans la loi de programmation : la dérive se poursuit donc.

Déterminés, nous le sommes, mais pour un temps de vérité, pas pour du camouflage. Pourquoi continuez-vous à dépenser de l'argent que nous n'avons pas ? Pourquoi avoir balayé d'un revers de main les pistes d'économie que nous vous avons proposées en décembre ? Il faut vraiment se mettre au travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

Fermetures de services à l'hôpital

Mme Nicole Bonnefoy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) On ne compte plus les fermetures temporaires de services d'urgences ou hospitaliers. Fort de sa connaissance du quotidien de nos compatriotes, le Sénat vous interpelle depuis des mois, pour ne pas dire des années, sur la désertification médicale, qui se déporte vers l'hôpital.

Récemment encore, je vous ai interrogé sur le risque de fermeture des hôpitaux de Ruffec et Confolens, en Charente. Aucun territoire n'est épargné par la cascade de fermetures de service - les « suspensions temporaires », comme vous dites par euphémisme - ni l'avalanche de défections de médecins, épuisés. Les fermetures de maternités mettent en danger la vie des femmes.

Écoutez les territoires ! Non, un service fermé n'est pas un service désengorgé. La promesse d'Emmanuel Macron d'améliorer l'offre de soins d'ici la fin de l'année est un mirage. Ce matin, monsieur le ministre, vous avez livré sur France Inter un aperçu de votre boîte à outils - peu convaincant.

Les élus, les Français ont besoin de clarté sur les fermetures. Le recours massif au 15 est-il l'alpha et l'oméga de votre politique ? L'urgence, c'est l'accès à la santé, pas les retraites ! Que proposez-vous pour réguler l'accès aux soins ? Quelle est votre vision pour la continuité du service public de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Le mirage serait de faire croire aux Français que, demain, nous pourrions avoir cinq ou dix mille médecins de plus. Notre organisation globale est à repenser.

Gouvernement, professionnels de santé et élus, nous sommes en train de gagner, ensemble, le combat contre les dérives de l'intérim médical, dont dépend la survie de l'hôpital public.

L'hôpital de Confolens a pu rouvrir ses urgences grâce à la solidarité territoriale assurée par l'ARS. Il s'agit de travailler de façon plus intelligence à l'échelle d'un territoire pour garantir la continuité des parcours de soins.

Bien entendu, un service fermé n'est pas un service désengorgé. Mais nous avons les outils structurels pour désengorger les urgences, et ainsi tenir l'engagement du Président de la République.

Le service d'accès aux soins (SAS) est une des solutions pour mieux gérer l'amont. L'été dernier, grâce au 15, nous avons fait diminuer la fréquentation des urgences ; cette tendance se poursuit dans les départements qui ont mis en place le SAS.

En aval, pour la gestion des lits, d'autres solutions existent, dans le public comme le privé. Il faut aussi réorganiser nos services pour les rendre plus fluides.

Vous parlez de mirage ? En réalité, nous atteindrons notre objectif, tous ensemble et territoire par territoire. (M. François Patriat applaudit.)

Une voix à gauche. - C'est de la littérature !

Mme Nicole Bonnefoy.  - Vous gérez la crise de l'hôpital à la petite semaine, sans vision d'ensemble et sans mesurer les conséquences de vos décisions - comme sur l'intérim. Vous éradiquez la médecine de proximité et condamnez des territoires entiers à la rupture de soins ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. David Assouline renchérit ; Mme la Première ministre se récrie.)

Pouvoir d'achat et logement

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Valérie Létard applaudit également.) Madame la Première ministre, les voix se multiplient, notamment dans la presse, pour alerter sur une bombe sociale : la crise du logement cause une fatigue quotidienne pour ceux qui sont contraints d'habiter loin de leur travail, angoisse ceux qui arrivent à la fin de leur vie active sans pouvoir acheter un toit et provoque la colère de ceux qui ne peuvent habiter près de leur famille, à cause de prix dissuasifs.

En un an, cent mille mal-logés en plus, 10 % de personnes à la rue en plus, cent mille demandeurs de logement social en plus. Les taux d'intérêt flambent, la construction est en berne, le marché de la location se grippe, les parcours résidentiels sont bloqués. Bref, tous les voyants sont au rouge.

Or, jusqu'à il y a peu, le Gouvernement était dans le déni total, aux abonnés absents. Pourquoi avoir si longtemps négligé la politique du logement, au coeur de la vie quotidienne de tous les Français ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et SER ; Mme Marie-Claude Varaillas et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Le logement est bien une priorité du Gouvernement et du Président de la République depuis 2017. (On ironise à droite.)

M. Jean-François Husson.  - Ça ne s'est pas vu !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le plan logement a permis à 440 000 familles de quitter la rue.

MaPrimeRénov' fonctionne, malgré certaines difficultés : plus de 1,5 million de chantiers ont été menés à bien.

Oui, il y a une crise du logement - nous ne l'avons pas découverte dans la presse. J'ai moi-même parlé de bombe sociale, dès novembre dernier. Cette crise est la conséquence de politiques du logement insuffisantes depuis de nombreuses années. (M. Éric Kerrouche proteste.)

Nous allons y répondre, comme Mme la Première ministre l'a annoncé dans sa feuille de route. Nous agissons avec la Caisse des dépôts pour acquérir des logements et débloquer des projets.

Notre priorité est de loger tous les Français de manière digne et abordable. (Exclamations sur diverses travées ; M. Fabien Genet lève les bras au ciel.) En aidant la promotion immobilière, nous aidons toute la filière de l'habitat, privé comme social. Nous travaillons avec le ministre de l'économie...

M. Jean-François Husson.  - Il est parti !

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - ... et les banques pour faciliter l'accès au crédit.

M. François Bonhomme.  - C'est comme la culture : plus on l'étale...

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Nous maintenons le prêt à taux zéro (PTZ), qui permet à nos concitoyens modestes de disposer d'un apport.

Dans le cadre du Conseil national de la refondation-Logement, nous continuerons à travailler ensemble pour l'union sacrée du logement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Vous dressez un constat, mais ne proposez que quelques mesures conjoncturelles. Dans sa feuille de route des Cent jours, Mme la Première ministre parle simplement de faciliter l'accès au logement et de favoriser le mieux-vivre...

Nous avons besoin de remèdes structurels : il faut une remise à plat de la politique du logement et un inventaire de la réglementation. C'est du bon sens, et c'est urgent. Car, derrière la crise du logement, se profile une crise sociale explosive dans un pays déjà à fleur de peau ! (« Bravo » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également et Mme Catherine Conconne lève le pouce en signe d'approbation.)

Rapport du COI

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question notre excellent collègue Philippe Tabarot. (Marques amusées d'admiration sur les travées du groupe Les Républicains)

Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a remis son rapport à la Première ministre voilà plus de deux mois. Les principales annonces du Gouvernement sont conformes à ce que préconisait notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : effort massif pour le ferroviaire, dont la moitié pour le réseau, lancement des contrats de plan État-Région, instruction des projets de RER métropolitains par la Société du Grand Paris.

La régénération du réseau ferroviaire est urgente, d'autant que la décarbonation des transports nécessitera un report massif vers le train. Le développement de RER métropolitains est une bonne stratégie pour supprimer des millions de trajets en voiture et offrir à toutes les métropoles des transports en commun performants : grâce aux expertises combinées de la Société du Grand Paris et de SNCF Réseau, nous avons tous les atouts pour réussir.

Pouvez-vous préciser les projets du Gouvernement pour le développement de ces RER ? Plus largement, quelles sont les méthodes de financement envisagées pour mettre en oeuvre les recommandations du COI ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Notamment le contournement sud d'Auxerre ! (Sourires)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - La Première ministre a présenté, en mars dernier, un plan d'avenir ambitieux pour les transports, qui doit beaucoup aux travaux de votre commission, notamment de votre excellent collègue Philippe Tabarot. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains ; on ironise à gauche.)

La priorité sera donnée au réseau ferroviaire, âgé malgré les réinvestissements récents. Nous augmenterons progressivement de 50 % les crédits investis chaque année dans le réseau. C'est la condition pour restaurer un certain nombre de lignes délaissées, voire sinistrées, comme Bordeaux-Marseille, Paris-Limoges ou Paris-Clermont-Ferrand.

La priorité est donnée également aux services express métropolitains. Ces projets ne sont pas au service des centres-villes, mais destinés à développer une alternative à la voiture individuelle dans les périphéries. En la matière, nous soutenons la proposition de loi du député Jean-Marc Zulesi.

L'effort financier s'élève à 100 milliards d'euros. Des crédits seront prévus dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. D'autres secteurs et d'autres modes de transport seront aussi mis à contribution - sociétés autoroutières et secteur aérien notamment.

Permettez-moi d'insister sur un projet important, le Lyon-Turin.

M. Loïc Hervé.  - Très bien ! (Sourires)

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Nous avons cette priorité à coeur. J'échangerai dans quelques jours avec le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes en vue d'un effort collectif. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Politique du handicap

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, je représentais le président du Sénat à la sixième Conférence nationale du handicap (CNH).

Contrairement aux précédentes éditions, cette conférence n'a pas été un moment de partage d'objectifs : les acteurs du handicap, insatisfaits, en avaient demandé le report, afin d'engager une vraie concertation. Résultat : de nombreuses associations, dont le collectif Handicap, n'ont pas participé à la conférence. C'est regrettable, d'autant qu'un consensus pouvait être trouvé compte tenu des thématiques retenues.

Le Président de la République a énuméré des propositions pour l'accessibilité, la scolarisation, l'emploi et l'accès aux soins ; nous ne pouvons que saluer un certain nombre d'avancées, comme les 1,5 milliard d'euros annoncés pour l'accessibilité et le remboursement à 100 % des fauteuils roulants.

Mais en écoutant le Président de la République, nous nous sommes tous posé cette question : comment financer ces mesures, qui représentent plus de 4 milliards d'euros ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées .  - Attendue, cette CNH était un moment important pour le monde du handicap.

Certaines associations ont un peu grincé des dents, sans que je comprenne bien pourquoi. De fait, cette conférence a été préparée par huit groupes de travail, quarante réunions et de nombreuses contributions écrites : un vrai travail de coconstruction.

Je prends cette mauvaise humeur pour ce qu'elle est, mais je constate que la majorité des associations du collectif dont vous avez parlé étaient présentes.

Les associations sont exigeantes, et elles ont raison : les personnes handicapées doivent accéder pleinement à leurs droits, notamment en matière d'accessibilité - le Président de la République a annoncé 1,5 milliard d'euros à cette fin, en particulier pour les collectivités territoriales, les petits établissements recevant du public et les commerces du quotidien. Nous sommes très en retard : la volonté de mettre le pays en marche vers une accessibilité doit donc satisfaire les associations, dont je souhaite qu'elles reviennent toutes dans la coconstruction.

Un investissement pluriannuel est prévu, et les données vous seront communiquées quand elles seront prêtes.

M. Philippe Mouiller.  - La méthode employée est à l'image de celle du Gouvernement : mais ce n'est parce que des associations participent à des réunions de travail qu'elles valident le programme du Gouvernement.

Les sommes en jeu sont fortes parce que l'objectif est ambitieux. Au Sénat, nous serons vigilants sur la traduction financière des engagements présidentiels et sur l'absence de transfert de charges aux collectivités territoriales : quand l'État s'engage, l'État paie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Fin du tarif réglementé pour les factures d'énergie

M. Jean-Jacques Michau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) La précarité énergétique frappe un nombre croissant de nos concitoyens. Dans ce contexte, plus de 2 millions de personnes seront touchées par la fin des tarifs réglementés du gaz, le 30 juin - et même 7 millions de ménages si l'on tient compte de ceux qui ont basculé en offre de marché, mais dont les contrats sont indexés sur le tarif réglementé.

Certes, vous avez annoncé la prolongation du bouclier tarifaire jusqu'à la fin de l'année, mais ensuite ? Pouvez-vous assurer que le basculement vers l'offre passerelle ou d'autres contrats n'aura pas d'incidence sur les tarifs à court et moyen termes ? La piste d'un prix de référence déterminé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'offre aucune garantie.

Quelle est notre capacité à retrouver une maîtrise publique tarifaire sur l'électricité et le gaz, biens de première nécessité ? Alors que l'inflation et les dérèglements du marché se poursuivent, allez-vous reporter la fin des tarifs réglementés ? Quelles mesures défendez-vous en Europe pour que le prix du gaz n'atteigne pas des niveaux sans rapport avec le coût de production de l'électricité dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Contrairement à ce que vous laissez entendre, le tarif réglementé du gaz est un tarif de marché : il a augmenté de 200 % entre octobre 2021 et octobre 2022. Dès lors, c'est le bouclier énergétique qui a protégé les Français de l'emballement des prix du gaz. Ces prix sont, en gros, revenus à la normale.

Le bouclier sera prolongé jusqu'à la fin de l'année pour tous les ménages qui se chauffent et cuisinent au gaz, qu'ils soient ou non au tarif réglementé. La fin du tarif réglementé du gaz résulte d'une décision de justice. Nous accompagnerons les 2 millions de Français qui ont un contrat de ce type : s'ils ne concluent pas un nouveau contrat qui leur convient, ils bénéficieront automatiquement d'un tarif calculé par la CRE, qu'Engie s'est engagée à suivre.

Aucun pays n'a autant protégé sa population que la France contre l'évolution des prix de l'électricité et du gaz. Nous continuerons à accompagner nos concitoyens face à ces tensions. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

Violences du 1er mai (II)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce 1er mai, les forces de l'ordre ont été la cible de violences d'une brutalité inouïe. Chacun a en tête cette image d'un policier en feu ; j'espère et je pense qu'elle a horrifié la quasi-totalité de nos compatriotes. Tous nos voeux de rétablissement vont aux plus de 400 agents blessés.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déclaré que ces violences étaient inacceptables. Vous l'aviez déjà dit à Sainte-Soline, à Lorient, dans les Deux-Sèvres, à Paris, à Rennes, à Verdun... Je pourrais continuer longtemps.

Oui, ces violences sont inacceptables. Et après, que faisons-nous ? Ou plutôt, que faites-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je vous remercie de soutenir les policiers et les gendarmes.

J'applique les lois de la République, votées par les deux chambres.

Le Gouvernement était à l'écoute de la proposition de loi de M. Retailleau, adoptée par les deux assemblées, mais censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Retailleau.  - Dans la rédaction de M. Castaner !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Si le ministre de l'intérieur outrepassait les lois pour appliquer sa loi personnelle, nous ne serions pas en démocratie.

Madame la sénatrice, que proposez-vous ? Nous avons fait des propositions et sommes favorables à l'idée de remettre l'ouvrage sur le métier, par une proposition ou un projet de loi - qu'importe le père, pourvu qu'il porte de beaux enfants.

Les casseurs cherchent à tuer des policiers et des gendarmes et empêchent les manifestants de manifester. À cet égard, je salue le communiqué du Parti communiste français dénonçant l'agression de certains de ses élus par des black blocs.

On ne va pas voir un match de football avec des cocktails Molotov dans la poche. De même, on ne va pas manifester avec des cocktails Molotov dans la poche. Et pour ceux qui sont connus des services de police comme très violents, le ministre de l'intérieur devrait pouvoir leur interdire de manifester - la loi actuelle ne le lui permet pas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est un principe constitutionnel !

M. David Assouline.  - On peut faire des arrestations préventives !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Écrivons ensemble un texte pour être au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Muriel Jourda.  - Le texte dont notre groupe était à l'origine n'aurait peut-être pas été censuré si nous l'avions voté dans sa rédaction initiale.

M. Jean-François Husson.  - Et voilà !

Mme Muriel Jourda.  - Prenons la mesure de l'enjeu, celui de l'État de droit.

L'État de droit, c'est la loi votée par le Parlement appliquée par une justice efficace et des forces de l'ordre respectées. Or vous mettez à mal le Parlement par les conventions citoyennes que vous multipliez, et la justice est considérée par nos concitoyens comme si peu efficace que la justice privée prospère.

Restent les forces de l'ordre : si elles vacillent, c'est l'État de droit qui vacillera. Alors, agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Désignation des grands électeurs municipaux

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au nom de mon groupe, j'assure les forces de l'ordre de notre soutien.

Ma question pourrait paraître anecdotique, mais, pour nous, elle a son importance... Il s'agit des quarante pages de circulaire qui concernent l'élection des grands électeurs aux prochaines sénatoriales.

La date du 9 juin est à saluer ; par le passé, nous avions les listes plus tardivement. Mais nombre d'élus sont inquiets par la complexité de cette circulaire. En particulier, les indications relatives aux communes nouvelles sont trop nombreuses pour être claires ; les préfets ne sont pas en mesure de nous donner, à l'heure actuelle, le nombre exact de grands électeurs.

En outre, la date du 9 juin est fixe, alors que certains élus ne pourront être présents, notamment du fait du congrès de la Fédération des centres de gestion de la fonction publique territoriale, qui se tiendra à Ajaccio.

Comment comptez-vous simplifier les dispositifs prévus ? (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Votre question sur la date du 9 juin m'étonne un peu. Ce n'est pas à vous que je l'apprendrai : un élu absent peut faire une procuration. Par ailleurs, il semble que les sénateurs aient envie de parler aux grands électeurs : or, en juin, les associations d'élus se réunissent beaucoup. Nous avons prévenu les maires suffisamment tôt. En outre, si le quorum n'est pas atteint, le conseil municipal peut être reconvoqué.

Il y a une multiplicité de villes nouvelles, de taille de plus en plus importante. Dans ce cas, le nombre de grands électeurs doit être recalculé. Peut-être votre préfet n'a-t-il pas su vous l'expliquer, mais chaque préfet connaît le nombre de grands électeurs à désigner. Élu de Tourcoing, je sais combien de grands électeurs mon conseil municipal aura à désigner... (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)

Mme Nathalie Goulet.  - Il y a eu de nombreuses remontées, et pas seulement dans mon département. Le préfet de l'Orne a installé une hotline, ce qui n'est généralement pas bon signe...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il fait son travail !

Mme Nathalie Goulet.  - Certes, ce sujet n'est pas majeur. Mais envisagez-vous une différenciation entre les départements soumis au scrutin proportionnel et ceux soumis au scrutin majoritaire ?

Gilets jaunes et colère sociale

Mme Esther Benbassa .  - Monsieur le ministre Dussopt, attendez-vous, comme le Président de la République, que les Français se lassent ou prennent peur ?

On ne compte plus les violences ni les blessés, de part et d'autre - ce qui permet de remettre la sécurité au centre du débat public. Protéger les Français est un devoir, mais il en est un autre : les entendre et leur répondre.

Les Français ne veulent pas travailler deux ans de plus, mais leur colère a aussi d'autres raisons, plus profondes. Je connais les gilets jaunes pour les avoir longtemps côtoyés dans les rues de Paris. (Exclamations sur certaines travées à droite) Avec ou sans gilets, syndiqués ou non, jeunes ou vieux, tous n'ont qu'une exigence : vivre mieux - donc partir en retraite à un âge qui permet d'en profiter vraiment.

Vivre mieux, c'est aussi être traité autrement par les gouvernants. M. Macron peut bien se promener dans nos régions : s'il ne change pas et son gouvernement non plus, la colère ne retombera pas.

La Cinquième République est à l'agonie : votre exercice ultra-vertical du pouvoir la tue, et le RN vous remercie.

Quand admettrez-vous qu'il faut négocier, parfois céder ? Quand céderez-vous sur un texte inutile et injuste ? Céder, ce n'est pas forcément perdre ! (M. Daniel Breuiller applaudit.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Vous dites qu'il faut négocier : la réforme des retraites a fait l'objet d'une concertation de quatre mois, puis de longs débats parlementaires. Le texte a été adopté ici même à une large majorité.

M. David Assouline.  - Et le 49.3 ?

M. Olivier Dussopt, ministre.  - Ce texte est légitime et a été adopté de manière démocratique.

Vous dites qu'il faut continuer à discuter. Telle est notre intention, sur les conditions de travail, l'emploi des seniors et les carrières. Sur le partage de la valeur, nous transposerons fidèlement l'intégralité de l'accord conclu par quatre organisations syndicales et trois organisations professionnelles. Désormais, les branches professionnelles ont l'obligation de négocier des accords de prévention de l'usure professionnelle.

Vous regrettez les blessés et la violence. Mais j'ai en tête votre participation à une manifestation, il y a quelques mois, lorsque vous parodiez le passage à tabac du Président de la République. À l'instant, vous n'avez pas une fois apporté votre soutien aux forces de l'ordre, mises à rude épreuve.

Par vos encouragements aux désordres et aux outrances, c'est vous qui êtes un marchepied pour le Front national ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

Prérogatives d'une commission d'enquête

Mme le président.  - Par lettre en date de ce jour, la commission des finances demande au Sénat, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, pour une durée de trois mois, afin de mener sa mission d'information sur la création du Fonds Marianne, la sélection des projets et l'attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.

La Conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion du mardi 9 mai prochain.

Accessibilité et inclusion bancaires

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires, présentée par MM. Rémi Féraud, Jean-Claude Tissot, Patrick Kanner, Rémi Cardon, Mmes Florence Blatrix Contat, Laurence Rossignol et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi .  - Nous présentons une proposition de loi de progrès social, qui s'inscrit dans la lignée d'autres travaux sur l'accessibilité bancaire ayant permis de réels progrès, notamment en matière d'accession à l'assurance emprunteur.

Nous sortons de la crise sanitaire et sommes entrés dans une période inflationniste dont les conséquences se font gravement sentir chez les plus modestes ; en parallèle, le secteur bancaire a affiché des bénéfices records que conforte la hausse des taux directeurs.

L'association UFC-Que Choisir alerte régulièrement sur les frais bancaires : 20 euros pour un prélèvement refusé, c'est dix-sept fois plus qu'en Allemagne et huit fois plus qu'en Italie.

Le bouclier tarifaire permet de limiter la hausse des frais bancaires, mais ne suffira pas à protéger les plus fragiles, qui sont aussi ceux qui se voient infliger le plus de pénalités.

La désertification rurale s'accentue également, et le problème d'accès aux liquidités en fait partie.

Ce texte repose sur deux volets : l'accessibilité bancaire, avec pour objectif le maintien sur l'ensemble du territoire de systèmes de retrait d'argent permettant les achats quotidiens en liquide ; l'inclusion bancaire pour améliorer les dispositifs actuels en direction des publics fragiles, qui représentent une part trop importante des frais bancaires générés.

Les articles 1er et 2 ajoutent une composante territoriale à la mission de service public de La Poste. Face à la tendance de fermeture des distributeurs automatiques de billets (DAB), nous devons agir maintenant. Dans certains territoires, il est de plus en plus difficile de retirer de l'argent, témoignent les élus locaux. Les méthodes de retrait d'argent expérimentées chez les commerçants ne suffisent pas.

Certes, selon la Banque de France, 99 % des Français seraient à moins de quinze minutes d'un DAB, mais tout le monde n'a pas de voiture et l'essence coûte cher. Et il faut anticiper.

Avec la forte réduction de la circulation des espèces, nous sommes proches d'un point de bascule. Conservons un accès aisé et égal au retrait de liquidités à travers un dispositif qui ne repose pas sur l'État mais répartit le coût sur l'ensemble du système bancaire.

L'article 7 rend obligatoires les sanctions pécuniaires en cas de carence des banques dans le droit au compte ou à l'offre spécifique. Nous renforçons le principe de responsabilité.

Sur l'accessibilité sociale, nous voulons, aux articles 3 et 4, renforcer l'information dans le secteur bancaire et rendre proportionnels les plafonds des frais pour les personnes fragiles.

À l'article 5, nous limitons le montant des découverts.

L'objectif de l'article 6 est de réduire le niveau à hauteur duquel les Français les plus fragiles contribuent au système bancaire. Nous voulons des tarifs adaptés afin d'éviter une spirale infernale.

Le Sénat doit faire évoluer la législation pour plus de protection et d'équité.

Je salue l'esprit constructif du rapporteur dans son travail préparatoire. Nous souhaitons conserver cet état d'esprit : tout ce qui améliorera l'accessibilité bancaire est utile.

Nous espérons que notre proposition sera ensuite adoptée par le Sénat sans être trop dénaturée ni réduite dans sa portée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Dans un contexte marqué par l'inflation et la renonciation aux espèces, nous examinons cette proposition de loi de Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot visant à faciliter l'accès aux DAB et à redéfinir le plafonnement de certains frais bancaires pour les plus fragiles. L'examen s'est fait dans les conditions du gentleman's agreement : les divergences avec les auteurs étant trop importantes, la commission a rejeté la proposition de loi et examine donc le texte initial.

La commission des finances propose de supprimer l'article 1er, sachant que 99 % de la population vit à moins de quinze minutes en voiture d'un DAB. La nouvelle mission confiée à La Poste pourrait entraîner un effet d'aubaine conduisant au désengagement des banques. Le rapport de 2021 des sénateurs Chaize, Louault et Cardon excluait tout nouvel engagement. Le cash in shop compte déjà 25 000 entrées dans notre pays mais gagnerait à être interopérable.

L'article 2, qui prévoit un fonds spécifique pour financer cette mission, n'aurait plus d'objet si nous la supprimons. Son financement pose problème, avec une taxe spécifique sur les bénéfices des établissements bancaires, sans taux précis ni prise en compte des néobanques. De plus, la contribution frapperait les banques sans tenir compte de l'endroit de la fermeture ; enfin, elle serait injuste, car elle ne tiendrait pas compte des banques qui ont abandonné les territoires depuis longtemps.

Dernier point de divergence, l'article 7, qui prévoit d'imposer des sanctions pécuniaires de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) aux banques ne respectant pas les règles du droit au compte ou à l'offre spécifique. L'ACPR, autorité indépendante, doit rester souveraine dans ses décisions. Elle dispose déjà d'un pouvoir de sanction pécuniaire dont elle a déjà fait usage.

Les articles 3 à 6 enrichissent l'information sur le droit au compte et l'offre spécifique. La commission des finances propose de les modifier.

L'article 3 prévoit un meilleur affichage de la charte sur l'inclusion bancaire et la prévention du surendettement. Ce renforcement de l'information serait bénéfique pour nos concitoyens qui en ont besoin. Je propose d'élargir le champ des informations que les banques seront tenues de donner au public, notamment sur le traitement du surendettement, le microcrédit et l'accès aux fichiers de la Banque de France. La charte préciserait les modalités d'information - affichage ou autre - et définirait les conditions de formation de certains professionnels d'accompagnement social.

L'article 4 rend les plafonds proportionnels au revenu. Ce serait disproportionné et contraire à la confidentialité des données fiscales. Nous proposons plutôt des sous-plafonds pour les publics fragiles.

L'article 5 prévoit un découvert sans frais, proportionnel au revenu. Outre le problème de la proportionnalité, une telle disposition risque d'alimenter des spirales d'endettement et de créer un droit au crédit inexistant en droit français. Cependant, certains craignent de perdre leur droit à découvert s'ils souscrivent l'offre spécifique : nous proposons donc d'inscrire que ces deux phénomènes sont indépendants.

L'article 6 limite les frais au tiers des facturations de l'établissement de crédit et les plafonne en fonction du revenu. C'est une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle, qui plus est redondante avec le plafonnement mensuel. Un simple plafonnement des frais par opération pour les bénéficiaires du droit au compte et de l'offre spécifique, en revanche, serait utile.

Ce texte comporte des objectifs louables mais mérite d'être modifié pour être opérant. Si les amendements de la commission des finances sont retenus, elle appellera à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Le Gouvernement partage l'objectif d'assurer à l'ensemble de la population l'accès à des services bancaires de qualité à des tarifs appropriés. Mais cette proposition de loi ne permet pas de l'atteindre.

Nos concitoyens sont attachés à la proximité et à la vitalité de leurs territoires. Nous partageons la nécessité de lutter contre l'enclavement, à l'heure où l'inflation touche tous les territoires et où certains voient leur attractivité baisser. Chacun doit pouvoir accéder aux espèces. Mais le maillage des DAB est très bon et la légère diminution de leur nombre concerne surtout les zones urbaines, les mieux équipées.

La robustesse de la filière fiduciaire est globalement garantie, nous l'avons vu durant le confinement. Ce maillage permet à plus de 99 % de la population d'être située à moins de quinze minutes d'un DAB. La France est le second pays pour son maillage bancaire : 549 agences par million d'habitants, contre 255 dans l'Union européenne.

Des territoires isolés bénéficient de 30 000 points de retraits privatifs. Le retrait simple chez un commerçant renforce l'attractivité des commerces locaux et renforce le lien social.

Depuis la loi de 1990, La Poste est chargée d'une mission d'accès aux espèces et conserve à ce titre 17 000 points de contacts dans les territoires isolés, les quartiers Politique de la ville et outre-mer. L'accès aux espèces est donc préservé.

Sur l'inclusion bancaire, il est économiquement justifié que les banques facturent leurs prestations de services et des frais en cas d'incident bancaire, en raison de coûts de gestion supplémentaires.

Les Français bénéficient d'un niveau de facturation des services bancaires satisfaisant. Depuis 2017, les frais bancaires sont globalement à la baisse, en raison de la concurrence et de la digitalisation.

Enfin, le secteur limite les abus. Certains services bancaires sont gratuits, comme le relevé mensuel ou la clôture de compte.

Certains types de frais sont plafonnés pour l'ensemble de la population, comme le rejet de chèque - 30 ou 50 euros selon le montant - ou le rejet de prélèvement - 20 euros.

La proposition de loi vise à diviser par deux les plafonds de frais d'incidents pour l'ensemble de la population, et à prévoir des plafonds plus bas pour les clients les plus fragiles.

Aider les plus aisés enverrait un signal négatif. Il faut concentrer les mesures sur ceux qui en ont le plus besoin pour éviter la suraccumulation de frais et une spirale de surendettement.

Le Gouvernement a mis en place un nouveau cadre depuis 2018 selon une méthode partenariale avec les banques inédite. Désormais, les personnes fragiles ne sont exposées qu'à des frais limités à 25 ou 20 euros par mois. Ce dispositif est contrôlé par l'ACPR.

L'observatoire de l'inclusion bancaire a dressé un bilan positif de ces actions. Quatre millions de clients sont fragiles financièrement et bénéficient du plafonnement des frais, soit 20 % de plus qu'en 2018. Le montant moyen des frais facturés par les banques à leurs clients considérés comme fragiles est en diminution : 221 euros en 2021, 10 % de moins qu'en 2020. Enfin, l'offre spécifique bénéficie à 700 000 personnes, soit 56 % de plus par rapport à 2018.

Les Français peuvent compter sur un système bancaire robuste, qui applique des frais raisonnables. Le Gouvernement a agi pour renforcer l'inclusion bancaire en partenariat avec le secteur. Il restera vigilant, mais les réformes ont permis d'atteindre un point d'équilibre. Le Gouvernement présentera des amendements et s'opposera à la proposition de loi.

M. Bernard Buis .  - Plus de 4 millions de titulaires d'un compte bancaire sont considérés comme fragiles. Selon quels critères ? Le code monétaire et financier présente trois conditions : avoir déposé un dossier de surendettement recevable, avoir été inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier central des chèques et avoir été identifié par la banque comme étant en situation de fragilité financière au titre des revenus.

Autant d'éléments qui nous rappellent que nombre de nos concitoyens sont dans une situation financière fragile. Mais les mesures proposées par nos collègues nous semblent inefficientes et disproportionnées.

La mission de couverture territoriale attribuée à La Banque Postale ajouterait une charge supplémentaire non financée par l'article 2.

L'article 3 n'est qu'une redondance de la législation établie par la charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement.

L'article 4, qui impose une tarification proportionnelle aux revenus, entraînerait des difficultés d'application et ses dispositions induiraient un risque de surendettement pour les plus précaires.

D'autres mesures sont disproportionnées, comme le double plafonnement des frais de services bancaires à l'article 6, ou l'imposition d'une sanction pécuniaire aux établissements bancaires qui ne rempliraient pas leurs obligations. Imposer des sanctions sans l'intervention d'un juge pose problème au regard de l'État de droit.

Notre groupe adaptera sa position en fonction des amendements adoptés.

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte apporte une réponse cohérente et concrète aux inégalités territoriales et sociales qui frappent de nombreux territoires ruraux, comme la Loire. Je m'étonne que la droite sénatoriale, qui se veut la grande défenseure de la ruralité, ne soit pas plus favorable aux mesures que nous proposons ! La désertification rurale vient encore et toujours frapper les mêmes publics, déjà touchés par le terrible recul des services publics dans les territoires et la fermeture des commerces. Ce cumul d'inégalités d'accès crée un sentiment d'abandon. Il est urgent d'y répondre.

M. le rapporteur argue que 99 % des Français se trouvent à moins de 15 minutes d'un DAB. Mais, venant d'un département qui n'est pas si éloigné du mien, il reconnaîtra qu'à certaines périodes de l'année, cela peut prendre plus de temps. De plus, certaines personnes n'ont pas les moyens de se déplacer, pour des raisons de santé ou faute d'un moyen de transport.

La réalité de nos territoires doit guider nos actions. Les paiements en liquide sont au coeur de la vie locale, notamment pour les associations.

Les points relais commerçants et le dispositif « Allô facteur » sont intéressants, mais restent sous-utilisés. Nous proposons la création d'un fonds dédié. Le principe est clair : si une banque quitte un territoire, elle devra contribuer au financement du fonds.

Le deuxième axe concerne l'accompagnement des populations les plus précaires. Face à la complexité des démarches administratives, le renforcement de l'inclusion bancaire est nécessaire.

La Banque de France a relevé une hausse de 20 % des inscriptions au fichier des incidents de remboursements de crédit.

Le renforcement de l'information en agence est indispensable. Nous le proposons à l'article 3. La Banque Postale prend déjà en charge près de 1,6 million de clients jugés fragiles, soit 47 % de ce public. Seules des sanctions pécuniaires permettront d'impliquer les autres banques.

Je salue une nouvelle fois Rémi Féraud pour le travail réalisé en commun sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pascal Savoldelli .  - Accéder à la monnaie fiduciaire et aux espèces est-il un droit que la loi doit consacrer ? Non, pour la droite, qui fait barrage à toute garantie d'un nouveau droit.

Nous remercions nos collègues socialistes pour cette proposition de loi, avant l'opération de démantèlement que s'apprête à mener la droite sénatoriale.

Le rapporteur se cache derrière des statistiques qu'il veut implacables - 99 % des Français à moins de quinze minutes d'un DAB - mais qui cachent des réalités différentes. Sans vous faire l'offense de vous rappeler la différence entre moyenne et médiane, il faut prendre en compte les 3,6 % de la population qui habite les 12 000 communes très peu denses, et qui doivent faire 30 minutes de route, ou plus si leur distributeur est en panne.

Opportunément, cette proposition de loi propose de mettre les banques à contribution au travers d'une taxe pour financer l'implantation des DAB. Encore un impôt, s'offusque la droite - qui a peut-être d'autres idées pour financer les services publics ? Attention, entend-on, les banques vont retirer leurs DAB avant la mise en oeuvre de la loi. Arguments fallacieux ! Si 8,77 % des DAB ont disparu, ne faut-il pas y voir une stratégie des banques pour faire disparaître les espèces ?

Il existerait de nombreuses solutions alternatives, comme le dispositif « Allô facteur » par exemple. Le cash in shop permet à des commerçants de distribuer des espèces. Mais la livraison des colis dans les points relais a-t-elle bénéficié aux commerçants de proximité ? Non ! Le magasin de vêtements de centre-ville concurrencé par la vente en ligne connaîtra-t-il un élargissement de sa clientèle grâce à ce nouveau service ? Bien sûr que non ! Pis, ces commerçants exposeront leur sécurité en détenant de nombreuses espèces.

Sur le volet inclusion bancaire, nos amendements portent une triple volonté d'empêcher les banques de rémunérer sur les clients financièrement en difficulté, de sortir certaines opérations d'un objectif de rentabilité économique, et de garantir des offres de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Sylvie Vermeillet .  - Au nom du groupe UC, je salue l'initiative de Rémi Féraud, qui a raison de souligner l'inégale répartition des DAB.

Depuis 2018, plus de 8 000 DAB ont disparu, soit près de 15 %. Il faudrait surtout en connaître la répartition.

Un groupe de travail avait été créé sous l'égide de la Banque de France, et une cartographie devait nous être présentée en janvier 2019. En mars de cette même année, selon Erick Lacourrège, alors directeur général des services à l'économie et du réseau de la Banque de France, elle n'était pas terminée, mais aurait dû l'être d'ici la fin du printemps. Il n'avait pas précisé de quelle année... Je le dis avec force : c'est inadmissible. Nous devons absolument disposer de cette cartographie !

En janvier 2018, le gouverneur de la Banque de France avait promis de ne jamais abandonner les espèces. Il serait heureux que le Parlement dispose des éléments nécessaires à l'appréciation du nombre et de l'emplacement des DAB.

En l'absence de documents précis, notre groupe partage l'avis de notre rapporteur. Gare à l'engrenage qui rendrait un fonds pérenne et indispensable. Quel en serait le montant ? Comment le distribuer et respecter la concurrence entre les banques ? Nous n'avons pas la réponse.

Nous validons les améliorations pertinentes de notre rapporteur aux articles 3 à 6, car en matière d'information la qualité doit primer sur la quantité. De même, nous approuvons la suppression de l'article 7: l'ACPR doit rester souveraine.

Notre groupe votera la proposition de loi telle qu'amendée par le rapporteur.

M. Christian Bilhac .  - Les problèmes de désertification bancaire que connaissent nos territoires ruraux participent au sentiment d'abandon des populations rurales.

Contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, le problème est réel. Qui n'a pas d'exemple dans son département ? En dix ans, le nombre de DAB a baissé de 10 %.

Médecins, transports collectifs, couverture téléphonique, commerces de proximité : une partie de la population vit mal la disparition des services publics, mais aussi des services au public, ce qui la conduit à la colère et aux extrêmes. Il n'y a pourtant pas de citoyens ni de territoires de seconde zone. Or les plus fragiles sont souvent les moins mobiles et les plus dépendants des espèces pour les dépenses du quotidien. Faire des kilomètres pour retirer de l'argent n'est pas possible pour des personnes âgées ou à mobilité réduite.

Les territoires ruraux sont aussi les moins dotés en outils numériques. Considérer que la dématérialisation est bien vécue est une erreur fondamentale.

La proposition de loi d'Eric Gold de 2018 prévoyait également la création d'un fonds finançant la lutte contre la désertification rurale.

Certaines dispositions du présent texte vont dans le bon sens. Je le voterai, comme une majorité des membres du RDSE.

Mme Véronique Del Fabro .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Impossible aujourd'hui de vivre sans compte bancaire, car nombre de transactions n'ont lieu que par chèque, par carte ou par virement. Posséder un compte est un droit. Seulement 1 % de la population n'est pas bancarisée, grâce au dispositif du droit au compte. Malgré des carences, l'information est disponible. Il convient d'encourager la filière bancaire à fluidifier ce dispositif.

En matière de comportement bancaire, il faut distinguer la cigale et la fourmi. Certains ont des difficultés en raison de petits revenus, mais d'autres ne savent tout simplement pas gérer leur argent. En privilégiant une approche client au détriment d'une approche produit, le conseiller bancaire pourrait mieux accompagner ses clients et adapter ses offres.

Une autorisation de découvert sans frais, proportionnelle au revenu, n'est pas adéquate. Elle introduirait un « droit au crédit » qui n'existe pas.

L'offre spécifique doit rester une offre transitoire.

L'accès aux services bancaires est certes une question de justice sociale. Il faut travailler le maillage territorial. Mieux vaut un DAB qui fonctionne que plusieurs qui ne sont pas utilisés.

En termes de maillage, d'autres solutions existent comme le cash back. Avec le cash in shop, le Crédit Agricole offre à ses clients un retrait sans achat dans les commerces. Cela pourrait être généralisé.

Le fonds de garantie proposé repose sur une taxation des bénéfices des banques, mais quid des banques en ligne ?

Si certaines mesures de cette proposition de loi vont dans le bon sens, d'autres doivent être améliorées. C'est pourquoi le groupe Les Républicains est favorable au texte tel qu'amendé par notre rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - Les DAB sont en voie de disparition dans les campagnes, ce qui participe du cercle vicieux de la désertification : moins d'habitants, c'est moins de commerces, donc moins de transactions, donc moins de retraits, moins de distributeurs, et moins de services.

Le Sénat, chambre des territoires, doit apporter des solutions aux problèmes constatés sur les territoires.

Les espèces restent le moyen privilégié de paiement des Français : 55 % des paiements effectués en 2019, contre 35 % pour la carte. On comprend mieux pourquoi les Français s'inquiètent... Depuis la pandémie, le paiement sans contact a été favorisé par les banques et les commerçants, mais les paiements en espèces restent majoritaires.

Il ne s'agit pas de prendre parti pour les espèces ou les paiements par carte, même si la question a son intérêt : il y a beaucoup de raisons de se méfier des espèces.

Mais faut-il légiférer pour assurer le maillage du territoire ? L'objectif de la proposition de loi - un DAB à moins de quinze minutes en voiture - est déjà atteint pour 99 % des Français. L'intérêt de légiférer n'est pas réel.

En revanche, la taxe envisagée, elle, est bien réelle, et finirait par renchérir les services bancaires. Si la qualité de nos services publics était proportionnelle au nombre de taxes les finançant, la France serait championne du monde ! Une telle taxe pénaliserait le pouvoir d'achat des Français.

En revanche, la proposition de loi comporte des dispositions intéressantes pour renforcer l'information des clients et sanctionner les banques pratiquant des frais abusifs : nous les soutenons.

Il en va de même pour l'accès au crédit qui s'est durci, alors qu'il faut en faciliter l'accès. Le groupe Les indépendants votera ce texte, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Paul Toussaint Parigi .  - Le développement économique de ces dernières décennies s'est accompagné d'une dématérialisation croissante des échanges financiers. Plus que jamais, posséder un compte est la condition nécessaire de l'inclusion dans la vie économique et sociale.

Or dans le contexte de crise aiguë que nous connaissons depuis 2020, les cas de personnes privées de compte pourraient se multiplier, à l'instar de ce qui a été observé après la crise de 2008.

Le texte a le mérite d'accentuer la vigilance en direction des plus fragiles. La renonciation aux espèces contreviendrait, à terme, à la liberté dans le choix du moyen de paiement.

Même si 99 % de la population possède un compte en banque, il est de notre devoir de prévenir le basculement dans la fragilité financière et la spirale du surendettement.

Certes, l'accompagnement par les pouvoirs publics, les banques et les acteurs associatifs s'est développé, mais aucune sanction pénale n'est prévue si les frais bancaires pratiqués sont supérieurs au plafond légal. Il n'est pas acceptable qu'ils soient décorrélés du coût réel des prestations qu'ils rémunèrent ; nous avons donc déposé des amendements modulant le plafonnement en fonction des ressources.

L'inclusion territoriale est tout aussi essentielle que l'inclusion sociale. En la matière, les chiffres ne correspondent parfois pas à la réalité que nous connaissons : la répartition des agences bancaires et postales n'est pas uniforme. Une fermeture en milieu dense passe inaperçue, une fermeture dans un village rural est catastrophique.

En 2019, la Fédération bancaire française (FBF) rapportait que les communes dépourvues de distributeur étaient, à 97 %, des communes de moins de 2 000 habitants ; et 76 % de ces communes sans distributeur sont en zone rurale.

Mme le président.  - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à l'examen de la version initiale du texte.

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. Marc Laménie .  - Je salue l'initiative de nos collègues Féraud, Tissot et du groupe SER : cette proposition de loi pose le problème de l'accessibilité bancaire, et montre le rôle essentiel de La Poste.

L'article 1er porte sur l'aménagement du territoire. Au 31 décembre 2022, on compte 17 013 points de contact et 6 915 agences postales communales et intercommunales : nous regrettons la baisse des moyens humains. Certes, 99 % des Français vivent à moins de quinze minutes d'un DAB, mais dans huit départements, dont les Ardennes, c'est moins de 90 %. Je me rallierai néanmoins à la position du rapporteur, au vu des charges supplémentaires que l'article impliquerait pour La Poste.

Mme le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool et Grand.

Supprimer cet article.

M. Dany Wattebled.  - Cet article crée un service public de la distribution des billets, confié à La Banque Postale. Cela pose un problème de concurrence vis-à-vis des autres banques.

De plus, la France dispose déjà d'un bon maillage en la matière. Il convient donc de supprimer cet article.

Mme le président.  - Amendement identique n°18, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - L'accès aux espèces doit être garanti, en particulier pour les moins aisés, et chacun doit pouvoir choisir son moyen de paiement, mais cet article ne peut être adopté pour trois raisons.

D'abord, ce dispositif pourrait conduire à un désengagement territorial des banques, et le rapport sénatorial de mars 2021 excluait la création de ce nouveau service public.

Ensuite, l'objectif d'accessibilité est largement satisfait : en moyenne, 99 % de la population a accès à un DAB en moins de quinze minutes - même si, en tant qu'élu d'un département rural, je sais qu'il faut se méfier des moyennes.

Enfin, le dispositif se concentre sur le maillage des DAB, alors qu'il faut prendre en compte les autres moyens d'accès aux espèces. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur la modification du droit européen qui universaliserait l'accès au cash in shop, c'est-à-dire le retrait de liquide dans les commerces sans mouvement commercial ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable. Des travaux sont engagés sur le cash in shop pour assurer l'interopérabilité avec les banques.

M. Rémi Féraud.  - Je regrette évidemment les amendements de suppression des articles 1er et 2.

Je comprends qu'une réglementation et une taxe supplémentaires  ne vous enchantent pas. Néanmoins, plusieurs collègues, et pas seulement à gauche, ont évoqué le problème de la désertification bancaire ; le pire est peut-être devant nous.

Notre proposition, même si elle n'est peut-être pas parfaite, a le mérite d'exister. Nous avons au moins posé le débat... Le cash in shop n'est pas une réponse suffisante.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos15 rectifié et 18 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°275 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 238
Contre 104

Les amendements identiques nos15 rectifié et 18 sont adoptés et l'article 1er est supprimé.

ARTICLE 2

Mme le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool et Grand.

Supprimer cet article.

M. Dany Wattebled.  - Le fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, qui serait financé par une taxe sur les bénéfices des banques, nous semble injustifié puisque l'objectif est pratiquement atteint. L'accès n'est pas proportionnel à la taxe...

Mme le président.  - Amendement identique n°19, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Le fonds de garantie permettrait au groupe La Poste d'assurer ses missions prévues à l'article 1er. Il serait financé par une taxation des bénéfices des banques, une contribution versée par ces banques au moment de la fermeture d'un DAB, et une contribution volontaire des collectivités territoriales.

Un tel fonds serait inutile car l'objectif d'accessibilité est déjà atteint et le mécanisme retenu pose plusieurs problèmes : le taux de la taxe n'est pas fixé, elle ne concernerait pas les néobanques et elle s'appliquerait de manière indifférenciée, quel que soit le territoire concerné.

En cohérence avec la suppression de l'article 1er, nous demandons donc la suppression de l'article 2.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Cette explication de vote vaut pour l'amendement suivant, qui deviendra sans objet si celui-ci est voté. Il ne réglait pas tout, mais la sagesse aurait été plus constructive que des amendements de suppression.

Avec une hausse de 150 % du bénéfice net de BNP Paribas au premier trimestre - 4,4 milliards d'euros ! - croyez-vous qu'il n'y ait pas assez d'argent pour installer des distributeurs ?

Nous allons banaliser la fin des paiements en espèces et des DAB.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Il faut dire les choses jusqu'au bout : il y a moins de DAB, mais il y a matière à optimisation. En milieu urbain, l'offre est parfois pléthorique : les banques prétendent que les DAB coûtent cher, mais leur installation et leur entretien coûtent à peu près le même prix partout...

Le maillage doit donc être équilibré, avec une résorption des zones blanches et la mise en place de nouvelles formes de retrait d'espèces. Il nous faut aussi une cartographie en temps réel des évolutions, au-delà des chiffres bruts.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Je voterai la suppression de l'article 2, car nous ne sommes pas prêts pour une telle taxe. Nous n'avons pas la cartographie des DAB, pourtant promise pour début 2019...

Les DAB ne manquent pas tant dans le monde rural qu'à la périphérie des zones urbaines ou dans les communes touristiques, dont la population est parfois multipliée par dix en été.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos16 rectifié et 19 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°276 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 238
Contre 104

Les amendements identiques nos16 rectifié et 19 sont adoptés et l'article 2 est supprimé.

L'amendement n°8 n'a plus d'objet.

ARTICLE 3

M. Alain Cadec .  - Dans le deuxième chapitre de ce texte, qui fait référence à « l'accessibilité sociale bancaire », j'avais déposé un amendement pour obliger les banques à justifier par écrit les refus de crédits ; mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45. Il faudrait peut-être que je dépose une proposition de loi pour y échapper...

Je tiens à remercier les 55 collègues qui ont cosigné cet amendement de bon sens.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Cet amendement a été déclaré irrecevable car cette proposition de loi vise les publics fragiles, et non l'ensemble de la population. J'ai moi-même renoncé à déposer un amendement sur les saisies-attributions pour cette raison.

Mme le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Le troisième alinéa de l'article L. 312-1-1-A du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° A la deuxième phrase, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , notamment à destination des associations de consommateurs agréées et des associations et fondations à but non-lucratif dont l'objet est d'accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles, » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle définit enfin les informations relatives au droit au compte, à la procédure de traitement du surendettement, au microcrédit, à l'exercice du droit d'accès aux fichiers gérés par la Banque de France, aux moyens de contacter celle-ci sur les sujets qui précèdent ainsi qu'à l'existence des offres mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 312-1-3, que les établissements de crédit portent à la connaissance de leur clientèle et du public, et précise les modalités de diffusion de ces informations. »

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - L'article 3 inclut dans la charte d'inclusion bancaire l'affichage des informations relatives au droit au compte et à l'offre spécifique dans les agences.

On ne peut que partager cet objectif ; c'est pourquoi cet amendement modifie l'article en en préservant l'esprit, et même en allant plus loin. Il inclut en effet dans la charte des précisions sur l'information à apporter aux associations accompagnant les personnes fragiles, ainsi qu'à la clientèle et au public  - sur le traitement du surendettement et le microcrédit notamment.

Enfin, la charte préciserait les conditions de diffusion de ces informations avec l'affichage en agence, mais pas uniquement.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué.  - Avis favorable.

M. Rémi Féraud.  - Je remercie le rapporteur pour son amendement, qui poursuit le même objectif que nous, sans doute avec plus de subtilité...

L'amendement n°20 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

Mme le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-3-... ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1-3-.... -  Les bénéficiaires des aides mentionnées aux articles L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les personnes bénéficiant des bourses sur critères sociaux des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires ainsi que les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l'article L. 312-1-3 du présent code sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d'un compte bancaire. »

II. - Cet article s'applique à compter du 1er janvier 2024.

M. Pascal Savoldelli.  - N'ajoutons pas de la misère à la misère. Il faut supprimer les frais d'incident pour les 4,1 millions de personnes en situation de fragilité financière - chiffre en augmentation de 300 000 entre 2020 et 2021.

Depuis 2014, les commissions d'intervention sont plafonnées à 25 euros par mois pour les clients fragiles et 20 euros par mois et 200 euros par an pour les personnes qui ont souscrit une offre spécifique clients fragiles : c'est un premier pas, mais pas un solde de tout compte. Par exemple, pour une personne seule allocataire du RSA, le plafond des frais bancaires pour incident représente 3,34 % de ses ressources mensuelles.

Je rappelle que les banques ont fait 6 milliards d'euros de bénéfice net sur les six premiers mois de l'année 2022...

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Une exonération totale est excessive, d'autant que certaines commissions d'intervention sont hybrides : elles comprennent non seulement les frais d'incident mais aussi les frais imputés contre service rendu. Un plafonnement est préférable : c'est ce que la commission a prévu dans ses amendements aux articles 4 et 6.

En outre, la liste des critères retenus est dénuée de lien avec les objectifs poursuivis.

Enfin, votre amendement impliquerait que les banques aient accès à des données confidentielles sur leurs clients, notamment le fait qu'ils sont bénéficiaires de minima sociaux.

Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - La protection des consommateurs les plus vulnérables est une priorité pour le Gouvernement. Selon le dernier rapport de l'Observatoire de l'inclusion bancaire, les frais facturés aux clients sont en baisse - moins 17 % sur un an pour les frais liés aux incidents.

Proportionner le plafonnement d'une commission d'intervention aux revenus complexifierait le dispositif, au détriment des utilisateurs, et serait difficile à mettre en oeuvre.

Nous proposons donc de conserver le régime législatif en vigueur, avec la flexibilité qu'offrent les dispositions réglementaires.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - J'émettrai un avis personnel sur cet amendement, arrivé trop tardivement pour être examiné par la commission.

Je souscris aux préoccupations du Gouvernement sur la complexité de l'article 4. Toutefois, il convient d'en préserver l'ambition sociale. Un plafond de 20 euros, cela peut sembler peu, mais c'est beaucoup pour les plus modestes.

Je proposerai dans l'amendement n°21 une réécriture de l'article, avec un sous-plafond pour les bénéficiaires de l'offre spécifique et du droit au compte. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Rémi Féraud.  - Je regrette l'amendement de suppression du Gouvernement, qui est de toute façon défavorable à l'ensemble du texte.

En matière de frais bancaires, nous sommes loin du conte de fées décrit par le ministre dans la discussion générale. Le Gouvernement devrait davantage écouter les associations de consommateurs qui accompagnent les publics les plus fragiles.

M. Jérôme Bascher.  - Un point de méthode : pourquoi le Gouvernement dépose-t-il un amendement de suppression quelques minutes avant l'examen en séance publique ? Quelle conception du travail parlementaire cela reflète-t-il ?

Monsieur le ministre, je sais que vous représentez ici le Gouvernement par défaut. Mais la méthode est brutale : on supprime, car on n'a pas grand-chose à dire. Et passez muscade...

Il est vrai que vous n'avez pas le temps, il y a trop de textes, d'ailleurs le Sénat est débordé ! (Sourires) Non, ce n'est pas sérieux.

M. Pascal Savoldelli.  - Le groupe CRCE votera les deux amendements, car il faut apporter des réponses aux Français, notamment les 46 % d'entre eux qui sont à découvert au moins une fois par an, pour un coût moyen annuel de 232 euros. Quelque huit millions de Français doivent acquitter des frais pour incident bancaire, alors que les banques réalisent 6,5 milliards d'euros de bénéfices.

M. Jérôme Bascher.  - Cela fait des impôts !

M. Pascal Savoldelli.  - Toute avancée en matière de justice sociale est bonne à prendre : c'est pourquoi nous voterons les amendements nos4 et 21.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°4, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié : 

1° Au début de la première phrase, le mot : « Les » est remplacé par les mots : « L'ensemble des » ;

2° À la première phrase, les mots : « et par opération » sont remplacés par les mots : « , par an et par opération dans les limites respectives de 40 euros, de 300 euros et de 4 euros » ;

3° Sont ajoutés les mots : « proportionnels à leurs revenus fixés par mois, par an et par opération dans les limites respectives de 10 euros, 75 euros et 1 euro ».

M. Paul Toussaint Parigi.  - Cet amendement encadre l'ensemble des commissions d'intervention, indépendamment de leur appellation, car certaines banques utilisent des méthodologies internes pour échapper au plafonnement.

Il divise également les plafonds par deux pour l'ensemble des clients, et prévoit des plafonds spécifiques pour les plus précaires, dont le montant est fixé au quart de celui des plafonds généraux.

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces plafonds spécifiques sont réduits de moitié lorsque la moyenne semestrielle des sommes portées chaque mois au crédit du compte est inférieure à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie ».

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - L'article 4 prévoit un plafond spécifique proportionné au revenu. C'est peu lisible et difficile à mettre en oeuvre.

Cet amendement y substitue donc un sous-plafond pour les bénéficiaires de l'offre spécifique et du droit au compte, dont la situation financière est la plus délicate - lorsque le flux créditeur est inférieur à un seuil fixé par arrêté. C'est immédiatement opérationnel : La Banque Postale utilise déjà cet indicateur pour évaluer la fragilité financière de ses clients.

Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°4, au profit de l'amendement n°21 : son dispositif vise les commissions d'intervention, alors que son objet vise les frais d'incident. Par ailleurs, il méconnaît la liberté tarifaire des établissements de crédit et donc la liberté d'entreprendre.

L'amendement de la commission est plus large et plus opérationnel : j'invite mes collègues souhaitant plafonner les frais bancaires avec efficacité mais sans excès à voter l'amendement de la commission.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable aux deux amendements, dans la mesure où nous sommes défavorables à cet article.

M. Christian Bilhac.  - Bien sûr, je suis favorable aux plafonnements. Ces frais bancaires pèsent beaucoup sur les ménages modestes.

Mais n'oublions pas les travailleurs pauvres, ceux qui se lèvent tôt. Souvent, à la fin du mois, ils sont à découvert ; et un chèque émis le 12 pour un commerçant, encaissé le 22, est refusé, ce qui occasionne 50 euros de frais d'incident... C'est inadmissible.

M. Paul Toussaint Parigi.  - Je retire mon amendement, puisqu'il est satisfait.

L'amendement n°4 est retiré.

L'amendement n°21 est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

ARTICLE 5

Mme le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool, Grand et Chasseing.

Supprimer cet article.

M. Dany Wattebled.  - Nous voulons supprimer cet article, qui crée une autorisation de découvert sans frais proportionnée aux revenus des clients bénéficiant d'une offre spécifique. C'est contre-productif.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - En effet, évitons de créer un droit au crédit gratuit ; mais l'adoption de cet amendement ferait tomber celui de la commission. Retrait à son profit, sinon avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « La souscription de l'offre spécifique ne peut seule faire obstacle à l'ouverture ou au maintien d'une autorisation de découvert. »

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Le code monétaire et financier prévoit une offre spécifique pour les personnes identifiées comme fragiles, afin de prévenir les incidents bancaires. Avec cet amendement, nous proposons de préciser explicitement qu'elle ne fait pas obstacle à l'autorisation de découvert.

Nous ne pouvons retenir en l'état l'article 5, qui crée un droit au crédit gratuit à travers l'autorisation de découvert sans frais. Ne déstabilisons pas les publics déjà fragiles. Nous préférons inscrire explicitement dans la loi le maintien de l'autorisation de découvert.

Mme le président.  - Sous-amendement n°27 à l'amendement n°22 de M. Sautarel, au nom de la commission, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Amendement n° 22

I.- Avant l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

II.- Alinéa 2

Supprimer les mots :

de l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier

III.- Compléter cet amendement par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les critères pris en compte par les établissements de crédit pour caractériser une situation de fragilité au sens du deuxième alinéa sont transmis, chaque année, à l'observatoire mentionné à l'article L. 312-1-1-B. 

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article et établit une liste exhaustive des critères susceptibles d'être retenus par les établissements de crédit pour caractériser une situation de fragilité au sens du deuxième alinéa. »

M. Paul Toussaint Parigi.  - Nous proposons que le Conseil d'État encadre strictement les critères d'identification des clients en situation de fragilité financière, qui sont aujourd'hui laissés à la discrétion des banques. Il faut veiller à l'égalité entre tous les citoyens.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Je remercie M. Parigi d'avoir accepté de modifier son sous-amendement dans le sens suggéré par la commission. Nous sommes parvenus à un bon compromis : avis favorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Nous étions favorables à l'amendement du rapporteur, mais sommes défavorables au sous-amendement. D'où notre avis défavorable global.

M. Jean-François Husson.  - Dommage !

M. Rémi Féraud.  - Le groupe SER votera le sous-amendement. Que le Gouvernement soit défavorable à la fixation de critères plus objectifs, quel aveu !

Quant à l'amendement n°21, nous voterons contre : la banque trouvera toujours d'autres arguments pour interdire le découvert. Notre proposition est pragmatique, et répond aux situations dénoncées par M. Bilhac.

Le sous-amendement n°27 est adopté.

L'amendement n°22, sous-amendé, est adopté et l'article 5 est ainsi rédigé.

ARTICLE 6

Mme le président.  - Amendement n°25, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le Gouvernement a déposé des amendements ce matin, car nous attendions le dépôt des derniers amendements du rapporteur. (M. Jérôme Bascher s'insurge.)

Le dispositif de plafonnement en vigueur peut encore être amélioré, mais il a l'avantage de concilier efficacité et simplicité.

À l'inverse, l'article 6 de la proposition de loi irait à l'encontre de l'objectif de protection des clients les plus fragiles, car les grilles tarifaires varient grandement d'une banque à l'autre. La différence serait donc très grande en fonction des clients.

Cette mesure serait en outre très complexe à mettre en oeuvre.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Là encore, il s'agit d'un avis personnel. Retrait au profit de l'amendement n°23 de la commission.

Le dispositif de l'article 6 est peut-être trop ambitieux, mais sa logique est la bonne : éviter que les banques ne compensent le plafonnement introduit à l'article 4 en augmentant d'autres frais.

M. Jérôme Bascher.  - Monsieur le ministre, attendre le dernier moment pour proposer un amendement de suppression de l'article n'est pas justifiable. Vous n'avez sans doute pas assez d'expérience parlementaire... (Le ministre se récrie.) Historiquement, le Gouvernement n'attend pas le texte de la commission pour déposer des amendements. Cela fonctionne ainsi depuis plusieurs décennies !

Je suis désolé de le dire, mais vous n'avez pas travaillé, puisque vous ne proposez pas d'autre solution. En somme, tout va bien... Une fois de plus, vous méprisez la procédure parlementaire.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Sans préjudice du premier alinéa du présent article et des articles L. 131-73 et L. 133-26, ainsi que de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, pour les personnes qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l'article L. 312-1 du présent code et celles qui souscrivent l'offre mentionnée au deuxième alinéa du présent article, les tarifs applicables aux frais et services bancaires faisant l'objet de la dénomination commune mentionnée au V de l'article L. 314-7 sont plafonnés par opération dans des conditions fixées par décret. »

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Limiter l'ensemble des frais de gestion et des frais d'incident à un tiers des frais totaux serait difficile à mettre en oeuvre. Nous partageons cependant l'objectif d'éviter une compensation sur d'autres frais : d'où cet amendement qui instaure un plafonnement par opération des principaux frais bancaires, qu'il s'agisse des frais d'incident ou des frais de gestion.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le cadre en vigueur permet d'atteindre les objectifs poursuivis par ces amendements : avis défavorable.

M. Rémi Féraud.  - L'amendement du rapporteur va dans le même sens que notre proposition, mais renvoie à un décret. Espérons donc un peu de volontarisme de la part du Gouvernement ! (M. Jean-François Husson renchérit.)

L'amendement n°23 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 6

Mme le président.  - Amendement n°6, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre III du livre Ier du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° L'article L. 131-73 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « ne peuvent excéder un montant fixé par décret » sont remplacés par les mots : « sont plafonnés, dans des conditions fixées par décret, à 15 euros pour les chèques d'un montant inférieur ou égal à 50 euros et à 25 euros pour les chèques d'un montant supérieur à 50 euros » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les personnes physiques en situation de fragilité au sens de l'article L. 312-1-3, les frais mentionnés au sixième alinéa du présent article sont plafonnés, dans des conditions fixées par décret, à 4 euros pour les chèques d'un montant inférieur ou égal à 50 euros et à 6 euros pour les chèques d'un montant supérieur à 50 euros. » ;

2° L'article L. 133-26 est ainsi modifié :

a) Au II, après le mot : « décret » sont insérés les mots : « , par incident, par mois et par an dans les limites respectives de 10 euros, de 100 euros et de 500 euros » ;

b) Après le même II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Pour les personnes en situation de fragilité au sens de l'article L. 312-1-3, les frais mentionnés au II sont plafonnés dans des conditions fixées par décret par incident, par mois et par an dans les limites respectives de 2,50 euros, de 25 euros et de 125 euros. »

M. Paul Toussaint Parigi.  - La prolifération des frais pour différents incidents pèse lourdement sur les plus modestes. Nous divisons par deux les frais pour rejet de chèque et autre incident de paiement pour l'ensemble des clients, et créons des plafonds spécifiques contraignants pour les clients les plus fragiles.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. Les frais pour l'ensemble des Français sont déjà plafonnés par décret.

S'agissant des personnes fragiles, cet amendement est redondant avec mon amendement n°23, plus ambitieux et mieux ciblé sur les bénéficiaires du droit au compte ou de l'offre spécifique.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-13 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements de crédits proposent l'ouverture du compte sur livret d'épargne populaire aux clients en situation de difficulté financière mentionnés à l'article L. 312-1-3-1 qui satisfont aux conditions définies à l'article L. 221-15. »

M. Éric Bocquet.  - Pas plus que le texte relatif à la protection des épargnants, celui-ci ne traite des livrets d'épargne réglementée. Pourtant, 87 millions de livrets de type livret A, livret de développement durable et solidaire (LDDS) ou livret d'épargne populaire (LEP) sont ouverts, pour 486 milliards d'euros d'encours.

L'épargne réglementée est une particularité française : c'est une ressource stable pour le système financier, qui contribue à transformer les dépôts en emplois d'intérêt général, nous dit la Cour des comptes.

Nous proposons de rendre obligatoire la présentation du LEP aux épargnants éligibles. C'est un produit d'épargne protecteur, rémunérateur et sécurisant, liquide et fiscalement avantageux. Le non-recours est pourtant massif. En juin 2019, l'Observatoire de l'épargne réglementée estimait que seuls 21 % des personnes éligibles au LEP en bénéficiaient, alors que ce taux est de 50 % pour le livret A.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Cet amendement a déjà été déposé dans le cadre de la proposition de loi Protection des épargnants. La commission en avait demandé le retrait. En effet, l'ouverture d'un LEP est réservée aux épargnants dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil : difficile de donner à la banque l'accès à cette information. C'est plutôt à l'administration fiscale d'informer le contribuable de son éligibilité à l'épargne populaire, peut-être sur l'avis d'imposition ? Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Canévet et Bonneau, Mme Guidez, MM. Longeot, Kern et Le Nay, Mmes Vermeillet et Gacquerre, M. Moga, Mmes Billon et Saint-Pé, M. Delahaye, Mme Perrot, M. Duffourg, Mme Sollogoub, MM. P. Martin et Capo-Canellas, Mme Jacquemet, M. J.M. Arnaud, Mme Doineau, MM. Détraigne et Chauvet, Mme de La Provôté et M. Cigolotti.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes concernées par le compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l'article L. 312-1 se voient appliquer des taux d'intérêts débiteurs ne pouvant dépasser le taux de l'usure, tel que défini par les articles L. 314-6 à L. 314-9 du code de la consommation. »

Mme Sylvie Vermeillet.  - Pour protéger les plus fragiles et leur éviter des solutions coûteuses, cet amendement précise que les taux d'intérêt débiteurs ne peuvent dépasser le taux d'usure.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Il est satisfait : le taux d'usure est un maximum légal. Il est vrai néanmoins que ce taux d'usure est parfois élevé, surtout sur les prêts de faible montant.

L'amendement de la commission à l'article 6 répond à l'objectif de protection des plus fragiles en plafonnant de nombreux frais bancaires. Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

ARTICLE 7

Mme le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - L'article 7 oblige la commission des sanctions de l'ACPR à imposer une sanction pécuniaire aux banques qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière d'accessibilité et d'inclusion bancaire. Or celle-ci dispose déjà d'un pouvoir de sanction, y compris pécuniaire, en matière de droit au compte. L'ACPR doit rester souveraine dans le choix de la mesure la plus appropriée et a d'ailleurs déjà appliqué une sanction pécuniaire à trois reprises. D'où cet amendement de suppression.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis favorable

L'amendement n°24 est adopté et l'article 7 est supprimé.

APRÈS L'ARTICLE 7

Mme le président.  - Amendement n°7 rectifié ter, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa, les mots : « de l'ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet » sont remplacés par les mots : « des pièces requises mentionnées au premier alinéa du présent III » ;

2° Après la deuxième phrase du même alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Le défaut de transmission des pièces complémentaires requises par l'établissement de crédit dans le cadre des obligations mentionnées à la section 3 du chapitre 1er du titre IV du livre V du présent code ne saurait faire obstacle à l'ouverture du compte. Dans ce cas, conformément au II de l'article L. 561-8, l'ouverture de ce compte ne peut être considérée comme constitutive de l'établissement d'une relation d'affaires avant la réalisation de la première opération sur le compte. Les pièces mentionnées sont transmises à l'établissement de crédit au plus tard avant la réalisation de cette première opération. »

M. Paul Toussaint Parigi.  - Pour accompagner les clients les plus précaires, cet amendement prévoit une ouverture de compte en deux temps : d'abord, la banque ne demanderait que les documents strictement nécessaires puis, une fois le compte ouvert, elle pourrait demander des informations complémentaires pour respecter ses obligations.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - Je remercie M. Parigi d'avoir rectifié son amendement à la suite du débat en commission. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre les obligations contradictoires qui pèsent sur les banques en matière de droit au compte d'une part et de vigilance sur le blanchiment des capitaux d'autre part.

Afin de ne pas retarder l'ouverture du compte, l'amendement décale la remise des documents complémentaires après l'ouverture du compte, mais avant la première opération.

Avis favorable à l'amendement rectifié.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - La réglementation européenne en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme impose aux établissements de crédit de demander certaines informations. Si certaines modulations sont possibles, un aménagement de la procédure de droit au compte dans une situation de faible risque de blanchiment ne serait pas conforme à l'esprit du droit européen ni des recommandations du Groupe d'action financière.

La loi Rixain du 24 décembre 2021 permet à une personne victime de violences conjugales d'activer un droit au compte dans une perspective d'émancipation. Avis défavorable.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur.  - L'amendement a été rectifié et ne traite plus des victimes de violences conjugales : ce volet était effectivement satisfait.

L'amendement est sans doute perfectible mais il a le mérite d'engager la discussion. Je fais confiance à la navette pour le rendre totalement opérant.

L'amendement n°7 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

M. Rémi Féraud .  - Nous regrettons la suppression des articles 1 et 2 sur l'accessibilité bancaire et territoriale. Au moins aurons-nous lancé le débat. La réflexion a besoin d'avancer.

Le groupe SER votera le texte issu de nos travaux. J'espère qu'il poursuivra son chemin parlementaire, car les plus fragiles doivent être mieux protégés. Les pratiques se sont certes améliorées, mais trop peu et trop lentement. L'illisibilité des frais bancaires s'accroît. Une participation aussi importante des plus modestes aux 25 milliards d'euros de frais de gestion et frais bancaires est inacceptable. Je remercie le rapporteur pour son travail. (M. Patrick Kanner applaudit.)

M. Jean-François Husson .  - Je salue le travail collectif et remercie le rapporteur qui a recherché des convergences sur un texte important en ces temps de tension sociale.

Nous obtiendrons rapidement de la Banque de France un porter à connaissance national avec des cartes départementales sur les points d'accès aux DAB. Cela nous permettra de travailler à l'élimination des zones blanches d'accessibilité aux espèces.

Sur l'inclusion bancaire, le travail réalisé permet d'avancer. Je crois que le ministre partage nos orientations, malgré ses avis défavorables. Au Gouvernement de s'emparer de ce texte pour le faire prospérer. Ce serait reconnaître l'utilité des semaines d'initiative parlementaire !

M. Pascal Savoldelli .  - Nous étions très favorables à la proposition de loi initiale. Le fonds de garantie aurait aidé à disposer de la véritable cartographie. On le sait, si le DAB n'est pas celui de votre banque de dépôt, vous payez des frais après plusieurs retraits. Rien n'est gratuit ! J'aurais souhaité que le Gouvernement amende et enrichisse le texte...

Nous souhaitions ouvrir davantage le livret d'épargne populaire aux salariés pauvres, et mettre les banques à contribution plutôt que les collectivités territoriales : quand elles ramassent 6,5 milliards d'euros de frais d'incidents, elles peuvent bien participer à l'effort d'accessibilité et d'inclusion bancaire ! Le groupe CRCE s'abstiendra.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe SER)

La séance est suspendue quelques instants.

Précarité énergétique

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique, présentée par M. Rémi Cardon, Mmes Viviane Artigalas, Catherine Conconne, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe SER.

Discussion générale

M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants », dit Saint-Exupéry. Dans quel état allons-nous rendre la terre à nos enfants ? Les effets du changement climatique sont de plus en plus dramatiques. Il reste peu de temps pour inverser la situation : il est plus que temps d'agir.

Cette proposition de loi trouve sa source dans le vécu des habitants de la Somme, dans les retours d'expérience des associations. Elle n'a pas la prétention de résoudre tous les problèmes, mais crée un corpus de mesures concrètes, applicables immédiatement.

Je regrette que la commission ait rejeté ce texte sans même proposer de l'amender. Le Sénat n'enverra donc aucun message positif aux millions de Français qui souffrent de la précarité énergétique.

Certes, la commission d'enquête sur la rénovation thermique voulue par le GEST est nécessaire et débouchera sur des propositions, mais l'un n'empêche pas l'autre.

Nous fixons des objectifs toujours plus ambitieux, mais sans les moyens de les atteindre. Si les objectifs de rénovation énergétique prévus par le Grenelle de l'environnement en 2008 avaient été tenus, nous économiserions l'équivalent des importations de gaz russe !

Le logement représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et le premier poste de dépense des ménages. L'été, les températures grimpent dans les logements mal isolés ; l'hiver, les plus fragiles, qui habitent les six millions de passoires thermiques, doivent choisir entre se priver ou s'endetter pour se chauffer - sans parler des maladies induites...

Lutter contre la précarité énergétique est un enjeu social, un enjeu de santé publique, un enjeu environnemental si l'on veut respecter l'Accord de Paris.

Malgré les avancées, les résultats ne sont pas à la hauteur : selon la Cour des comptes, seuls 2 500 logements sont sortis du statut de passoire thermique grâce à MaPrimeRénov', quand le Gouvernement tablait sur 80 000. À ce rythme, il faudra encore 2 000 ans !

Trop peu de personnes s'engagent dans un parcours de rénovation thermique globale. Malgré les 3,4 milliards d'euros distribués par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), les freins perdurent : le reste à charge est de 35 000 euros en moyenne pour la rénovation d'un pavillon, or les passoires thermiques sont surtout occupées par des ménages aux revenus modestes.

Combien faudra-t-il de rapports alarmants pour que l'on s'attaque enfin au mal-logement ?

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Ce n'est pas très sénatorial...

M. Rémi Cardon.  - Ce texte ne vise pas à créer de nouvelles normes, mais à réaffecter les moyens en ciblant les conditions de vie indignes. Il y a urgence à changer de cap et à revoir la politique de rénovation énergétique, dans un contexte de prix de l'énergie élevés.

Entre interdiction de location des logements les plus énergivores et effets du zéro artificialisation nette, nos communes rurales pourraient devenir des musées à ciel ouvert de l'habitat d'antan...

Oui, la révision de la stratégie française sur l'énergie et le climat sera l'occasion de clarifier nos priorités d'actions et d'établir une stratégie de rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique plus performante et plus ambitieuse. Mais il n'y a pas de temps à perdre !

Je songe à ce couple de retraités de la Somme qui n'a toujours pas reçu la subvention MaPrimeRénov', plusieurs mois après l'achèvement des travaux, et qui a dû contracter un emprunt à 15 % pour se nourrir ; à ces personnes qui ont vu leurs travaux bâclés, à celles qui ont renoncé devant la complexité des démarches. Cette proposition de loi est pour elles.

Avec l'article 1er, nous voulons un meilleur fléchage des aides publiques vers les travaux de rénovation plus performants, ainsi qu'un reste à charge zéro pour les plus précaires. De toute évidence, la notion de reste à charge minimale obtenue par le Sénat lors de la loi Climat et résilience est aujourd'hui sans effet, car il peut atteindre 40 %.

Avec l'article 2, nous voulons favoriser « l'aller vers » en assurant un accompagnement gratuit des plus précaires, jusqu'à la fin des travaux.

L'article 3 s'adapte aux contraintes des propriétaires occupants. Enfin, l'article 4 prévoit une adaptation des normes outre-mer.

Voilà comment nous entendons replacer la question sociale au coeur de la transition écologique pour en finir avec la logique des objectifs ambitieux suivis de rétropédalages permanents.

Il est temps de passer des paroles aux actes. Envoyons des signaux positifs aux citoyens qui ne perçoivent toujours pas, dans leur quotidien, les effets concrets de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires économiques vous propose de rejeter ce texte. Cette position peut surprendre : nous aurions préféré un renvoi en commission, qui n'a pas été accepté par l'auteur de la proposition de loi ni par son groupe. Monsieur le sénateur, nous ne vous avons nullement empêché d'amender le texte.

Nous partageons les constats et les objectifs de lutte contre la précarité énergétique, mais nous pensons que les mesures de ce texte sont soit contre-productives, soit satisfaites.

Selon le rapport de l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) du 16 mars dernier, la situation s'est aggravée : en 2021, 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer leur facture énergétique, et sont considérés comme souffrant de précarité énergétique. En 2022, les impayés ont concerné 863 000 ménages, en hausse de 28 % par rapport à 2019.

La France s'était pourtant engagée, dans la loi pour la transition énergétique et la croissance verte de 2015, à rénover 500 000 logements par an et à réduire la précarité énergétique de 15 % à l'horizon 2020. Cet engagement a été réitéré lors de la loi Climat et résilience de 2021, mais nous risquons de ne pas atteindre ces objectifs.

Pour tenir les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), il faudrait 370 000 rénovations globales et performantes par an jusqu'en 2030. En 2019, 2,4 millions de logements ont bénéficié d'une aide, mais il s'agit essentiellement de rénovations partielles. Seules 66 000 rénovations globales ont été réalisées en 2022, loin de l'objectif visé ; l'Anah a distribué au total, 3,4 milliards d'euros de subventions, mais l'essentiel n'a conduit qu'à changer le mode de chauffage.

Si la massification des aides et des gestes de rénovation a été réussie, celle des rénovations globales reste à entreprendre.

Les biens les plus énergivores sont interdits à la location depuis le 1er janvier 2023, les biens classés G le seront en 2025, les E en 2028 et les D en 2034. Les mesures les plus contraignantes de la loi Climat et résilience contre les passoires thermiques commencent à entrer en vigueur. Elle impose un calendrier exigeant, qui aura des conséquences lourdes pour les propriétaires bailleurs, les vendeurs et un secteur immobilier sous tension.

Si je partage le constat et la volonté d'aller de l'avant, j'estime que cette proposition de loi vient à contretemps. En effet, le Sénat a lancé une commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments, que je préside, qui rendra ses conclusions et ses propositions fin juin. Ensuite, le Gouvernement doit présenter d'ici mi-2023 la loi de programmation quinquennale sur l'énergie. S'ensuivra l'actualisation de la SNBC et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), avec un volet rénovation énergétique.

Sur le fond, après avoir consulté les acteurs du secteur, je doute de l'efficacité des mesures proposées. Dans son article 1er, la proposition de loi prévoit un reste à charge nul pour les plus modestes alors que la loi prévoit déjà - à la demande du Sénat et sur mon initiative - un reste à charge minimal. Certes, il est trop élevé, mais ce n'est pas la loi qui changera les montants et la structure des aides. Surtout, c'est une question de respect et de dignité des personnes concernées : philosophiquement, chacun doit contribuer à la hauteur de ses moyens. (MRémi Cardon lève les yeux au ciel.) Les ménages doivent rester acteurs de la rénovation de leur logement, au risque sinon de retomber dans les travers des rénovations à 1 euro.

L'article 3 accorde jusqu'à six ans pour la réalisation d'une rénovation globale et performante, or tous les acteurs estiment préférable de réaliser les travaux en une seule fois et dans un délai de trois ans au plus.

D'autres dispositions sont satisfaites par le droit existant. Ainsi des mesures prévues à l'article 3 : sur mon initiative, la loi prévoit déjà la transmission des audits et diagnostics aux acteurs de l'aide sociale, dont les associations de lutte contre la précarité énergétique. L'ONPE a en outre déjà développé un outil de géolocalisation de la précarité énergétique dénommé Géodip, utilisé par 1 500 communes.

Enfin, l'article 4 voudrait préciser les missions du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), mais selon son président, que j'ai entendu, il dispose déjà des compétences évoquées - et la rédaction de la proposition de loi pourrait faire obstacle à leur bon exercice !

Nous devons encore travailler à des solutions qui pourront être intégrées dans la loi de programmation de l'énergie, mais aussi à partir des conclusions de la commission d'enquête, dans de futures propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - Très bien !

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - La précarité énergétique ne se voit pas : elle se joue derrière les portes d'un appartement ou d'une maison. Ce phénomène est d'autant plus prégnant en raison de l'inflation, couplée à la crise climatique. Nous sommes à la croisée des chemins.

Cette précarité a d'abord des conséquences économiques. Pour moi, point d'antagonisme entre fin du mois et fin du monde. Il serait insupportable que certains aient à choisir entre se chauffer et se nourrir. Le mal-logement a également des conséquences sanitaires : rénover, c'est améliorer, voire sauver des vies.

Les conséquences sont aussi sociales. Nous savons l'atteinte à la vie sociale pour des gens qui ont honte de recevoir dans des appartements rongés par l'humidité ou n'osent pas y élever une famille.

Des conséquences environnementales, évidemment. Les plus pauvres sont les plus sobres énergétiquement, mais cette sobriété est subie au détriment de leur confort, de leur santé, voire de leur dignité. C'est pourquoi j'ai annoncé la liste des 25 premiers quartiers résilients développant l'excellence environnementale dans les opérations de renouvellement urbain.

En un mot, l'urgence environnementale est une urgence sociale. Je ne me contente pas de ces constats. Le plus important, c'est d'agir. C'est ce que fait l'État, avec les parlementaires, les collectivités et les associations.

Avant de parler de la rénovation, ce Gouvernement a agi pour protéger les Français contre les prix élevés de l'énergie. Les boucliers tarifaires continueront de protéger les plus fragiles en 2023 ; celui sur l'électricité sera maintenu jusqu'à début 2025. Le Gouvernement se tient aux côtés des ménages.

Nous avons agi au coeur de la crise avec le chèque énergie exceptionnel, venu compléter les boucliers pour 12 millions de foyers. Nous restons vigilants sur la question des impayés de loyers et de charges.

L'aide MaPrimeRénov' est bonne pour la planète et pour le pouvoir d'achat. Elle a bénéficié à 1 million de ménages.

Plus de 70 000 rénovations performantes ont eu lieu : les 2 500 que vous évoquez, monsieur le sénateur, concernent les familles ayant sollicité le bonus. MaPrimeRénov' Sérénité complète le dispositif pour les ménages très modestes souhaitant engager une rénovation globale.

Notre objectif est d'aller vers plus de bouquets de travaux et de rénovations globales et performantes, notamment dans l'habitat collectif.

Je sais les contraintes que représentent les rénovations globales. Les rénovations par geste sont un premier pas. MaPrimeRénov' n'est pas une simple aide, l'accompagnement est au coeur de la démarche. Rénover ne doit plus être un parcours du combattant : c'est la mission du service public France Rénov' et de ses 550 guichets qui maillent le territoire. Ses 2 250 conseillers font en sorte que l'engagement dans des travaux vertueux ne soit jamais déceptif. D'Amiens à Nice, ils facilitent l'accès à la rénovation.

Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et moi-même lançons une concertation sur l'avenir du réseau et de son financement. La prolongation du programme Sare (service d'accompagnement pour la rénovation énergétique) pour une année supplémentaire sécurisera la continuité du service public en 2024.

Nous ambitionnons d'atteindre un guichet par intercommunalité d'ici 2025.

La plateforme d'agrément vient d'ouvrir. La concertation sur l'avenir de France Rénov' donnera de la visibilité aux nouveaux acteurs.

Notre cap est clair : disposer d'ici fin 2023 d'un vivier d'accompagnateurs, pour soutenir une montée en charge significative des rénovations globales en 2024.

La loi Climat et résilience interdit progressivement la mise en location de passoires énergétiques. Elle répond largement aux ambitions de cette proposition de loi. J'entends les inquiétudes des professionnels sur le calendrier, mais aussi ceux qui estiment que nous n'allons pas assez vite. Nous devons tenir le calendrier. Il y va de la crédibilité de la parole publique. Les mesures les plus contraignantes viennent d'entrer en vigueur. Depuis le 1er janvier, les biens classés G sont interdits à la location, et l'obligation de réaliser un audit énergétique pour la vente de maisons individuelles classées F et G est entrée en vigueur depuis le 1er avril.

J'ai installé le 13 avril dernier un comité des partenaires de la rénovation du parc locatif privé ; ce sera un espace d'échange et de travail pour coopérer et lever des freins opérationnels. Nous sommes dans l'action, pour apporter des réponses concrètes aux Français qui vivent dans ces logements les plus énergivores.

Si beaucoup a été fait, il faut bien sûr continuer d'agir. Le Gouvernement et le Parlement sont au travail, avec plusieurs échéances qui rendent les propositions de ce texte moins pertinentes.

Je pense par exemple aux travaux de planification écologique, conduits avec l'appui du Secrétariat général pour la planification écologique. Le 9 mai prochain, je présenterai la restitution des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) Logement. Je pense aussi à la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

Au regard du travail déjà accompli, des chantiers engagés et des échéances engagées, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi.

Nous ferons, avec vous, monter en puissance le service public de la rénovation. Nous encouragerons les rénovations globales. Ainsi, nous bâtirons une transition énergétique efficace, concrète et populaire.

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ces derniers mois, notre assemblée a débattu de plusieurs textes sur ce sujet, dont la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non décent.

S'ils n'apportent pas toujours de solutions adaptées, ces textes se fondent sur un même constat : malgré les engagements de réduction des passoires thermiques et 3,1 milliards d'euros dépensés l'année dernière pour des travaux dans 670 000 logements, les politiques publiques demeurent inefficaces face à l'ampleur des enjeux. Au contraire, la précarité énergétique s'accroît.

Pas moins de 5,6 millions de ménages sont concernés, et 37 % des passoires thermiques sont occupées par des personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Les territoires ruraux sont particulièrement touchés. Le reste à charge peut s'élever à 35 % des travaux, une dépense souvent bien trop importante.

En raison des dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov', de la fracture numérique et du manque de coordination entre les corps de métiers, les publics concernés ne sont pas suffisamment accompagnés.

Les moyens sont là, mais rien n'avance, et la France risque de passer à côté d'un enjeu majeur. Les logements les plus énergivores risquent de sortir du parc locatif : 90 000 logements du parc privé seraient concernés cette année, 160 000 au 1er janvier 2025.

La révision de la stratégie française sur l'énergie et le climat sera discutée lors des prochains mois. Agir pour résorber la précarité énergétique, une nécessité sociale et environnementale, suppose une stratégie de rénovation des logements plus performante et inclusive.

Avec ce texte, le groupe SER se veut force de proposition dans la perspective de la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie. Les objectifs de la loi Climat et résilience doivent être atteints dans la mise en oeuvre de la transition énergétique.

Nous souhaitons concentrer l'effort sur l'éradication des passoires thermiques, instaurer le reste à charge zéro pour les plus modestes, favoriser « l'aller vers » pour toucher tous les foyers concernés et affirmer l'égal accès aux accompagnateurs France Rénov' sur tout le territoire. Les propriétaires occupants sans possibilité de relogement doivent pouvoir réaliser une rénovation globale en plusieurs phases. Enfin, nous proposons d'améliorer les techniques et matériaux de rénovation pour prendre en compte les spécificités locales, notamment en outre-mer.

La lutte contre les passoires thermiques fait consensus, mais notre texte a été rejeté en commission. Il y a urgence à trouver des réponses concrètes et efficaces. Celles que nous proposons, adaptées aux situations réelles, sont fondées sur nos expériences de terrain.

En 2021, 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leur revenu pour payer les factures énergétiques de leur logement : ils sont donc considérés comme victimes de précarité énergétique. Le nombre de ménages ayant subi une intervention pour impayés de facture a augmenté de 28 % en trois ans.

Ce texte se veut une alerte : nous n'acceptons pas qu'il y ait des laissés pour compte de la transition énergétique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Résorber la précarité énergétique devrait être une priorité absolue de la Nation, surtout en cette période d'inflation. C'est un enjeu social, mais aussi environnemental et de souveraineté : plus nous dépensons pour notre énergie, plus nous sommes fragilisés dans nos échanges commerciaux.

Nous partageons le diagnostic de nos collègues du groupe SER : l'action menée n'est pas à la hauteur de la tâche.

Des décisions urgentes s'imposent. La dérégulation des prix du gaz, qui aura lieu au début de l'été, aura un effet catastrophique sur les plus précaires : nous en demandons le report. Il faut au moins doubler l'APL charges, un moyen de solvabiliser les familles. Je soutiens les démarches des gestionnaires de pensions de famille, de résidences sociales et de foyers de jeunes travailleurs qui demandent à toucher la prime énergie.

De façon structurelle, nous devons résorber les passoires thermiques et faire muter l'ensemble du parc de logements.

À vous entendre, monsieur le ministre, on a l'impression qu'il suffirait de continuer comme aujourd'hui... Mais pas un seul spécialiste ne croit que MaPrimeRénov' suffira à atteindre nos objectifs ! Allons-nous attendre que l'État soit encore condamné pour inaction ?

Il faut une révolution copernicienne. Le texte du groupe SER est une première étape. Le signal politique doit être envoyé ici et maintenant !

Il faut également garantir la qualité des travaux réalisés. Je pourrais vous donner moult exemples de travaux qui ne sont pas à la hauteur - je pense à des pompes à chaleur dont les factures sont supérieures à celles des chaudières antérieures... Il faut une certification des acteurs, et l'accompagnement doit être une prérogative de service public. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Daphné Ract-Madoux .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Sous l'influence de la hausse conjuguée du coût des matières premières et de l'inflation, la précarité énergétique a atteint en 2022 un niveau inédit.

Cette précarité touche un Français sur quatre, au-delà des frimas hivernaux : 59 % des foyers interrogés par l'ONPE estiment avoir souffert d'un excès de chaleur durant l'été. Nous devons penser une rénovation énergétique globale pour toutes les saisons.

Les boucliers tarifaires sur le gaz et l'électricité ont été des mesures conjoncturelles salvatrices. Le Gouvernement agit aussi structurellement : saluons la montée en puissance de MaPrimeRénov', mais le dispositif doit être rendu plus opérationnel, notamment en vue de massifier les rénovations globales. Sur les 670 000 rénovations individuelles déjà effectuées, on ne compte que 65 000 rénovations globales : nous devons faire mieux. La rénovation des logements collectifs doit aussi être favorisée.

Le succès de la lutte contre la précarité énergétique passera par des solutions adaptées aux territoires. En Essonne, la Prime écologique 91, aide forfaitaire versée sous condition, finance des travaux de rénovation en diminuant le reste à charge. Ce dispositif renforce l'effet de levier en matière de financement des rénovations énergétiques.

Pour agir plus efficacement, nous devons consolider le modèle des agences locales de l'énergie et du climat (Alec), qui réalisent des audits locaux. Elles ne sont pas présentes sur tous les territoires : sur quarante agences, dix sont situées en Île-de-France. Cessons d'agir en silos, bâtissons de nouvelles synergies.

Cette proposition de loi pose de bonnes questions, mais formule de mauvaises réponses. L'excellent travail de la rapporteure met en lumière les insuffisances du texte : le reste à charge doit effectivement diminuer, mais il faut responsabiliser les propriétaires. En outre, avec l'examen prochain de la programmation pluriannuelle de l'énergie, cette proposition de loi intervient à contretemps.

La précarité énergétique est un enjeu trop essentiel pour être galvaudé par des demi-mesures et des fausses promesses : nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC et du RDPI)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La précarité énergétique prend une place particulière dans le débat public. De fait, la situation est inédite : après la crise du covid, l'inflation a exacerbé la crise. L'an passé, 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid ; 69 % ont réduit leur consommation énergétique pour faire des économies.

Le RDSE rejoint la commission : il faut attendre les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale et la loi de programmation pluriannuelle sur l'énergie.

La rénovation thermique des logements est un enjeu majeur de la transition énergétique. Elle concerne également la sauvegarde de notre patrimoine bâti.

Le secteur du bâtiment fonctionne sur le temps long : il faut une vision de long terme stable pour que les acteurs puissent identifier les leviers de changement. Nous devons nous appuyer sur deux leviers indissociables : un signal législatif et réglementaire qui oriente la décision du propriétaire et un réflexe de performance énergétique à chaque occasion de travaux.

Par ailleurs, les rénovations énergétiques partielles centrées sur le changement du mode de chauffage ne suffisent pas : il faut rénover de manière pertinente et utiliser une énergie décarbonée.

Au-delà de la viabilité économique, la complexité des dossiers, la crainte des surcoûts et la difficulté à trouver des artisans sont autant de freins. Les réponses ne sont pas forcément législatives, il faut agir aussi sur la qualité des services et de l'accompagnement.

Nous partageons donc le constat de l'urgence, mais ce texte est inadapté au vu du calendrier législatif. Le RDSE se partagera entre vote pour et abstention.

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le constat est accablant : le poids des factures énergétiques aggrave la situation des plus modestes, au budget déjà grevé par l'inflation.

Il est impératif d'accélérer le rythme des rénovations énergétiques. Les objectifs fixés en 2015 et réaffirmés en 2021 étaient ambitieux : rénover 500 000 logements chaque année et réduire de 15 % la précarité énergétique. Inutile d'épiloguer : les engagements ne sont pas tenus, et les quelque 66 000 rénovations globales réalisées l'année dernière ne laissent guère présager une amélioration à venir.

Cependant, les solutions proposées par ce texte sont insuffisantes. En matière législative, il ne faut pas aller trop vite : le Sénat débattra de cette question au cours des prochaines semaines, avec les futures conclusions de la commission d'enquête et l'examen de la PPE. La commission d'enquête transpartisane a mené jusqu'à présent un travail rigoureux et complet : ses conclusions seront à la hauteur de l'enjeu.

Loin d'approfondir le sujet, cette proposition de loi fixe de nouveaux objectifs vertueux sans tenir compte des défis actuels ni prévoir les moyens nécessaires.

L'article 1er conditionne les aides à une rénovation globale pertinente et prévoit un reste à charge nul ; mais la loi prévoit déjà une incitation financière accrue pour les rénovations globales, qui doit rester souple, afin que la progressivité des aides demeure, certains ménages ne pouvant se permettre de rénover l'intégralité de leur logement. Un reste à charge nul pour les ménages aurait un coût exorbitant pour les finances publiques.

Voter cette proposition de loi est impensable : la question est trop importante pour être abordée de manière imparfaite. Le texte ne répond pas efficacement à trois problématiques essentielles : les modalités de financement, les moyens humains et matériels mis à la disposition des ménages et l'information sur le sujet.

La commission d'enquête donnera un aperçu du travail restant à réaliser pour résorber, sur le long terme, la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Dany Wattebled .  - La France a beau atteindre ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre, les émissions mondiales ne cessent de croître : il est donc à craindre que le dérèglement climatique ne se poursuive.

Nous devons redoubler d'efforts pour concilier croissance et écologie. Dans le contexte actuel, tout le monde comprend l'intérêt de la sobriété.

Cette proposition de loi entend lutter contre la précarité énergétique : nous partageons tous cette ambition. Son auteur souhaite concentrer les aides sur les plus modestes, pour qu'ils bénéficient d'un reste à charge nul. Si l'intention est louable, les besoins ne sont pas créateurs de droits.

La rentabilité est l'une des conditions nécessaires aux rénovations. Le reste à charge nul nous semble problématique : l'occupant et le propriétaire du bien récupéreront le fruit de l'investissement et doivent donc contribuer aux travaux.

Les spécificités des territoires ultramarins sont déjà prises en compte pour le choix des méthodes de rénovation.

Comme il est question d'argent public, nous devons nous assurer de l'efficacité des dispositifs existant. Il faut mieux lutter contre l'habitat indécent, comme le prévoit la proposition de loi de notre collègue Jean-Louis Lagourgue.

Le Sénat a créé une commission d'enquête pour faire le point. Ses conclusions, rendues prochainement, rendent le calendrier de cette proposition de loi inopérant.

Il ne faut pas offrir aux propriétaires une rénovation payée par l'argent public : les membres du groupe INDEP voteront contre ce texte.

M. Daniel Salmon .  - Tous les rapports, qu'ils émanent de la Cour des comptes, de l'Assemblée nationale ou de France Relance, déplorent l'échec des politiques de rénovation énergétique.

Si cette proposition de loi part d'une bonne intention - lutter contre le nombre encore trop important de passoires thermiques, l'insuffisance des rénovations et le manque de moyens -, un problème de temporalité évident se pose, alors que la commission d'enquête sénatoriale poursuit ses travaux : elle émettra des recommandations structurantes pour un effort national de rénovation énergétique, et ses conclusions pourront être reprises dans une proposition de loi ou dans le projet de loi de programmation énergétique.

Nous voulons l'accompagnement des ménages par un référent, un parcours simplifié et une baisse du reste à charge. L'adaptation des normes est également un enjeu majeur.

Nous soutenons la concentration de l'effort budgétaire sur les passoires thermiques et l'accent mis sur les plus précaires. Nous regrettons néanmoins l'absence de lisibilité des dispositifs d'ingénierie publique et des moyens des différentes agences de l'État, ainsi que l'absence de moyens pour les collectivités territoriales. Nous regrettons aussi la faible portée normative de certaines dispositions, comme l'égal accès au guichet France Rénov'.

Nous voterons ce texte, un début de réponse dans la lutte contre la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Angèle Préville, M. Jean-Claude Tissot et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En France, sur trente millions de logements, cinq millions sont des passoires énergétiques. En raison de la piètre isolation de certains foyers, quatre millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. Nous ne pouvons rester insensibles à leur étranglement financier.

Nous avons déjà agi, au travers de 416 000 subventions MaPrimeRénov' entre janvier et août 2022.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre est un défi majeur et le secteur du bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2. Nous subissons déjà les conséquences du changement climatique : il nous revient d'agir pour stopper ce phénomène.

Si le RDPI partage l'objectif de ce texte, il regrette qu'il soit examiné avant des échéances importantes, comme la présentation, en juin, des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur la rénovation énergétique.

En outre, nous émettons des réserves sur la pertinence de certaines mesures, comme le conditionnement des aides financières à la performance des rénovations globales. MaPrimeRénov' ou le bouquet travaux existent déjà. Cette proposition est contradictoire avec la massification des rénovations.

L'Institut de l'économie pour le climat estime le reste à charge à 35 000 euros pour un pavillon. Le ménage doit contribuer, même de façon minime, à la rénovation.

Enfin, l'extension de la durée de la rénovation énergétique jusqu'à six ans ajouterait de la complexité au dispositif et limiterait son efficacité. En effet, il est admis qu'une rénovation globale doit être effectuée dans un délai limité. C'est pour cette raison que le règlement prévoit entre 18 mois et trois ans pour la durée des travaux.

En raison de la date d'examen du texte et du nécessaire travail sur certaines mesures, le RDPI ne votera pas ce texte.

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je souhaite un bon anniversaire à mon collègue de la Somme, Rémi Cardon... (Exclamations amusées)

Chacun reconnaît la nécessité d'une politique de rénovation énergétique. Mais eu égard au travail de la commission d'enquête et à la future loi quinquennale de programmation, la temporalité de cette proposition de loi en réduit l'opérationnalité.

L'idéal de faciliter l'accès à la rénovation pour tous les propriétaires pose problème. Je suis sceptique sur le reste à charge nul et la proposition de n'aider que les rénovations globales.

Il faut une coordination de tous les acteurs, dont les collectivités territoriales. Plus de douze millions de personnes sont dans une situation de fragilité, et cinq millions de passoires thermiques nécessitent une rénovation indispensable, mais coûteuse. Certains doivent même emprunter dans l'attente des aides, ce qui aggrave leur précarité financière.

Monsieur le ministre, prenez acte du rapport de la Défenseure des droits sur MaPrimeRénov' : 600 des 700 réclamations sont encore sans réponse de l'Anah, faute de moyens.

Il faut un pilotage économique et social, des diagnostics territoriaux, un accompagnement administratif, technique et financier important via des subventions et des régies d'avances, la réduction de la précarité sociale et sanitaire. Voilà ce que devra comporter la future loi de programmation énergétique.

La commission d'enquête sénatoriale mène le travail de fond indispensable pour prendre les mesures nécessaires au vivre mieux dans le bien-loger. Rappelons que la Fondation Abbé-Pierre estime à 300 000 le nombre de personnes sans domicile fixe, soit 30 000 de plus en un an, et à plus de quatre millions celui des mal-logés.

Il faut territorialiser et améliorer les dispositifs, afin de résorber la précarité énergétique et sanitaire. Le Gouvernement doit aussi protéger les plus vulnérables contre les arnaques, de plus en plus fréquentes, sur les réseaux sociaux.

La proposition de loi paraît trop peu efficiente pour que nous puissions l'adopter, mais elle permettra à leurs auteurs de nourrir les futurs débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques .  - Au début de son propos, l'auteur de la proposition de loi a remis en cause la position de la commission et caricaturé l'avis de la rapporteure.

Nous sommes au Sénat : évitons les positions caricaturales et préférons le débat de fond, en général collégial et transpartisan.

M. Laurent Burgoa.  - Ici, pas de Nupes !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission.  - C'est dans cet esprit que nous recommandons d'attendre les conclusions de la commission d'enquête, par respect pour nos collègues qui y travaillent.

Certains dispositifs de la proposition de loi sont satisfaits, d'autres seraient peu opérationnels ou contre-productifs. Aussi avons-nous proposé le renvoi en commission.

Rien ne vous empêchait de déposer des amendements. Alors que la rapporteure n'a pas souhaité être désagréable à votre égard, vous avez tenu des propos un peu exagérés, qui caricaturent les méthodes de travail au sein des commissions du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Burgoa renchérit.)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

À la demande de la commission, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°277 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 101
Contre 237

Le Sénat n'a pas adopté.

Les articles 2 et 3 ne sont pas adoptés.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Les interventions sur l'article 4 vaudront interventions sur l'ensemble.

M. Rémi Cardon .  - Je m'excuse du contretemps, mais, parfois, les choix des groupes politiques n'interviennent pas dans le bon calendrier. Ce texte aurait pu être examiné à la fin de l'année dernière, dans le cadre d'une niche socialiste.

Je m'excuse aussi d'avoir froissé certains ego... (Mme Catherine Di Folco proteste.) Cet après-midi, dans une question au Gouvernement, il était question de voyants au rouge sur la rénovation thermique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Sur le logement !

M. Rémi Cardon.  - À présent, il n'y a rien d'alarmant et il faudrait continuer comme si de rien n'était... Pourtant, les indicateurs de la rénovation globale sont en baisse, toutes aides confondues. Qu'en dit le ministre ? Nous aimerions bien l'entendre.

Mme la rapporteure a vanté le logiciel Geodip, dont le déploiement est en cours. Un financement de 90 000 euros est attendu pour pérenniser cet outil, fortement utilisé : sera-t-il concrétisé ?

L'article 4 n'est pas adopté.

L'article 5 n'a plus d'objet.

Mme le président.  - En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 20.

Présidence de M. Alain Richard, vice-président

La séance reprend à 21 h 50.

Programme de stabilité et orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le programme de stabilité et l'orientation des finances publiques, à la demande de la commission des finances.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Avec ce programme de stabilité, nous vous présentons une trajectoire de redressement réaliste et déterminée. C'est un moment de bascule, avec la fin de l'ère de l'argent gratuit et l'impératif de désendettement.

Il y a cinq ans, nous présentions des améliorations sensibles de nos comptes : la France revenait sous les 3 % de déficit, sortant de la procédure pour déficit excessif.

Il y a trois ans, le covid nous a contraints à agir dans l'urgence pour éviter l'effondrement. C'était le bon choix. La dette a augmenté, mais c'était vital pour protéger nos concitoyens. De nombreuses études montrent que, si nous n'avions pas fait ce choix, la dette aurait augmenté davantage encore.

Puis est venu le plan de relance, après la crise sanitaire, suivi des mesures contre l'inflation - le bouclier tarifaire de 200 euros par facture d'énergie, par exemple. Tout au long de ces crises, notre seule ligne de force aura été de protéger les Français.

Conséquence évidente, la dette a progressé de 16 points, passant de 97 % du PIB en 2019 à 113 % en 2021. Encore cette augmentation est-elle dans la moyenne européenne : la dette allemande a progressé de 10 points, la dette italienne de 16 points, celle de l'Espagne de 20 points. Le décrochage de notre dette a commencé bien avant, avec la crise de 2008.

De plus, nous avons changé d'époque avec l'augmentation massive des taux d'intérêt, passés en un an de moins de 1 à 3 %.

C'est donc la fin de l'argent gratuit ; il faut reprendre le contrôle de notre dette pour rester indépendants et conserver la maîtrise de nos choix : soutenir la France qui travaille, mettre le paquet sur nos services publics, accélérer la transition verte.

Le changement de notation de l'agence Fitch a fait l'objet de plusieurs questions d'actualité au Gouvernement tout à l'heure, du rapporteur général et de M. Féraud notamment. Fitch a dégradé la notation de notre dette souveraine de AA avec perspective négative à AA- avec perspective stable. Bruno Le Maire l'a dit : nous ne céderons ni au pessimisme ni au fatalisme, déterminés à maintenir la crédibilité financière de la France.

L'agence Moody's a d'ailleurs maintenu notre note à AA : les observateurs croient toujours en notre résilience, car nos réformes structurelles - réforme de l'assurance chômage, baisse des impôts de production et notamment de l'impôt sur les sociétés, réforme des retraites - continueront de produire leurs effets.

Tout cela concourt à notre objectif de bâtir une société du travail prenant en compte les aspirations de nos compatriotes : travailler autrement, avec plus de liberté dans l'organisation quotidienne, plus d'opportunités dans la vie professionnelle. Nous ouvrons ce chantier avec le nouveau pacte de la vie au travail annoncé par le Président de la République.

Notre détermination à rétablir les comptes publics est totale. Je vois dans le changement de notre notation une incitation à accélérer les réformes.

En 2023, la charge de la dette augmentera de 10 milliards d'euros du seul fait de la remontée des taux d'intérêt : bientôt, ce sera à nouveau le premier poste budgétaire de l'État. À en croire certains, la solution est de ne jamais rembourser notre dette, mais la tentation de l'ardoise magique est la certitude de la faillite. Notre adversaire, c'est la dette, pas le sérieux budgétaire.

Nous commencerons à rembourser la dette à la fin du quinquennat et ramènerons les déficits des administrations publiques à moins de 3 %.

Le programme de stabilité prévoit une trajectoire de désendettement. Le précédent, l'année dernière, prévoyait un déficit public à 2,9 % en 2027 et une dette à 112,5 %. Nous ramenons ces prévisions respectives à 2,7 % en 2027 et 108,3 %.

Nous ne céderons pas au réflexe fiscal, car nous refusons de faire payer les classes moyennes. D'abord, en matière d'impôts, nous sommes déjà au taquet. (Le rapporteur général s'amuse de l'expression.) Ensuite, ce n'est pas aux ménages de payer les soubresauts de l'économie mondiale. Depuis 2017, nous avons baissé leurs impôts de 25 milliards d'euros ; ce n'est pas aujourd'hui que nous allons les augmenter.

Nous voulons aussi réaliser des économies dès 2024 : dans certains secteurs, nous dépensons trop - je le dis sans allergie à la dépense publique. La revue des dépenses que nous engageons permettra d'entrer dans le détail des économies à réaliser. Nous avons déjà engagé des efforts en ciblant davantage les dispositifs, comme la ristourne sur le carburant, qui a coûté 8 milliards d'euros l'an dernier, remplacée par une aide ciblée sur les travailleurs modestes d'un coût de 1 milliard.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.   - Si vous aviez écouté le Sénat...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Le ratio de la dépense publique sur le PIB passera à 53,5 % en 2027, quatre points de moins qu'en 2022.

Comment répartir les efforts ? Dans le précédent programme de stabilité, nous prévoyions une baisse en volume de 0,4 % des dépenses de l'État, de 0,5 % de celles des collectivités territoriales.

Nous avons entendu les parlementaires, les élus locaux et modifié dans ce programme la répartition de l'effort : 0,8 % pour l'État et 0,5 % pour les collectivités territoriales.

Un secteur de dépenses augmente : celui des administrations de sécurité sociale, avec +0,5 %. Nous préservons ainsi l'hôpital public : la rapporteure générale de la commission des affaires sociales s'en félicitera...

Ce programme de stabilité n'est donc pas un programme d'austérité. L'austérité, c'est injuste et inefficace : chaque fois qu'elle a été engagée, elle a produit plus d'impôts et de chômage, moins de croissance et, au final, plus de déficit.

Nous assumons le sérieux budgétaire, qui permet d'être ambitieux pour nos services publics : école, police, justice, armée - et l'hôpital public, avec des moyens portés pour la première fois au-delà de 100 milliards d'euros.

Nous rehaussons nos ambitions en matière de déficit sans rien renier de nos engagements pour les services publics : chaque euro dépensé doit l'être à leur bénéfice, pour qu'ils redeviennent les meilleurs d'Europe.

Parfois, nos concitoyens ont le sentiment de ne pas savoir à quoi servent leurs impôts. Nous plaçons notre stratégie de réduction du déficit sous le signe de la confiance - dans les impôts et dans les services publics. Chaque euro dépensé doit être utile, mais chaque euro dû doit être perçu : c'est l'objet du plan de lutte contre la fraude que je présenterai prochainement.

Voilà notre feuille de route pour servir au mieux les Français. Je suis convaincu que nous pourrons nous rassembler autour de ce combat.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Lors du récent déplacement du Bureau de la commission des finances à Berlin et Francfort, nous avons échangé avec nos homologues allemands sur la réforme des règles européennes de coordination budgétaire. Cette réforme prévoit une meilleure prise en compte des investissements nécessaires pour faire face aux défis de demain et une différenciation des objectifs de réduction de la dette et du déficit en fonction de la situation réelle des pays.

Cette réforme est nécessaire, car les règles précédentes n'ont pas permis de réduire les déficits. Nos économies sont sorties plus endettées des crises et nous ne pouvons ignorer le réchauffement climatique ni la nécessité de renforcer notre résilience. Cela suppose le respect de deux principes : les trajectoires présentées doivent être construites sur des hypothèses crédibles et les objectifs de maîtrise des comptes doivent être à la hauteur.

Or tel ne semble pas être le cas du programme de stabilité présenté, qui fragilise donc la parole de la France vis-à-vis de ses partenaires.

D'abord, le scénario de croissance. Le Gouvernement n'a pas révisé la prévision présentée à l'automne dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) : 1,7 % de croissance par an, alors que le Consensus Forecast prévoit 1,4 %. L'écart le plus important porte sur la consommation des ménages : 1,6 % contre 1,1 %.

En revanche, vous avez réévalué, sans la documenter, votre estimation du déflateur du PIB, qui commande l'évolution de ce dernier en valeur, sur laquelle le produit des impôts est calculé : 5,4 % en 2023, en augmentation de près de deux points par rapport au projet de loi de LPFP. Les conjoncturistes du FMI et de la Banque de France retiennent, eux, le chiffre de 3 %. Entre cette nouvelle estimation et celle du projet de LPFP, il y a un écart de 50 milliards d'euros de PIB pour 2023, soit plus de 13 milliards d'euros de recettes supplémentaires... C'est bien opportun !

La stratégie d'amélioration des comptes publics repose donc sur une hypothèse qui n'est ni documentée ni partagée. Certes, le déflateur est estimé à 5 % par la Commission européenne, mais avec une croissance bien plus faible du PIB : 30 milliards de moins que votre prévision pour cette année.

On a l'impression que le Gouvernement a choisi de retenir les hypothèses plus favorables pour la plupart des indicateurs... Vous estimez la croissance potentielle à 1,35 % par an, davantage que la plupart des conjoncturistes. Ainsi, selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), le chiffre est trop élevé, d'autant qu'il repose sur une économie qui fonctionnerait en deçà de ses capacités, ce dont on peut douter compte tenu des difficultés de recrutement.

Vos hypothèses sont trop optimistes et trop fragiles, ce qui n'est pas de nature à installer la confiance dans le cadre de notre dialogue avec la Commission européenne.

Depuis quelques jours, les ministres se prévalent des efforts en dépense dans la trajectoire des finances publiques. Là encore, la réalité est différente. D'abord vous avez revu le scénario macroéconomique, avec un PIB en 2027 supérieur de 70 milliards à la prévision présentée dans le projet de LPFP, sans aucune mesure nouvelle ! Le Gouvernement annonce, certes, des baisses d'impôts pour les classes moyennes, mais il n'y en a aucune trace dans le programme de stabilité.

La prévision d'évolution des dépenses publiques semblait en revanche plus sûre : plus 30 milliards d'euros en 2027 par rapport à la cible présentée il y a quelques mois. Dans cette hausse, 12 milliards d'euros correspondent à la hausse de la charge de la dette, premier poste de dépense de l'État. Pour le reste, les dépenses ordinaires augmenteraient de 17 à 18 milliards d'euros. Ainsi, de +0,7 % par an dans le projet de LPFP, nous passons à +0,9 %. À quoi seront affectés ces crédits supplémentaires ? Le document ne l'indique pas.

Vous dites, monsieur le ministre, avoir entendu les collectivités territoriales, avec un effort plus important qui reviendrait à l'État. Mais aucune donnée, aucun tableau ne permet de retracer les dépenses des différentes administrations : nous en restons au niveau de l'incantation.

Je reste sur la ligne suivie lors de l'examen du projet de LPFP : la trajectoire de réduction des dépenses n'est pas assez ambitieuse. Fitch semble partager cet avis...

Dans votre prévision, le déficit s'améliorerait de 4 milliards d'euros en 2027 pour s'établir à 2,7 % du PIB au lieu de 2,9 %. Ces bons résultats reposent sur un scénario macroéconomique contestable, et la hausse des recettes reste incertaine.

Le scénario proposé repose sur des estimations qui ne font pas consensus. L'amélioration des déficits et de l'endettement semble à la fois limitée et incertaine. La France n'est pas à la hauteur de ses engagements européens et paraît affaiblie vis-à-vis de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains) La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) impose au Gouvernement de transmettre le programme de stabilité et le programme national de réforme au plus tard quinze jours avant la présentation à l'Union européenne, afin que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent en débattre.

Je regrette que ce calendrier, encore une fois, ne soit pas respecté. Cette année, nous ne disposons ni du programme national de réforme ni du document d'orientation des finances publiques.

Notre débat s'inscrit cependant dans un contexte particulier : le projet de LPFP n'a pas été adopté. Le ministre nous a indiqué que l'Assemblée nationale l'examinerait à nouveau en juillet.

Avec la crise sanitaire, les incertitudes macroéconomiques étaient importantes, et les règles du pacte de stabilité et de croissance avaient été suspendues. Même en tenant compte de la crise énergétique, l'exercice de prévision redevient un peu plus fiable, et les règles budgétaires, que nous espérons réformées, s'appliqueront à nouveau à partir de 2024.

La prévision de croissance du LPFP, jugée trop optimiste par tous les experts, est reconduite. Le HCFP a donc renouvelé son message de prudence, surtout à l'égard de la croissance potentielle. L'augmentation de l'emploi lui semble surestimée. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lui, estime que 2023 sera l'année du retournement du marché du travail.

Une bataille s'était engagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale concernant la trajectoire de dépenses. Le Gouvernement manque à la transparence en ne distinguant pas la fin des mesures de soutien temporaire des dépenses courantes.

La trajectoire de dépenses reste comparable à celle présentée lors du projet de LPFP, et elle n'est pas davantage documentée : à en croire la presse, vous attendez des ministères des économies de 5 %...

Nous savons déjà sur qui le Gouvernement fait peser les efforts : le système des retraites, l'indemnisation du chômage et les minima sociaux. Nous sentons le Gouvernement prêt à courir tous les lièvres pour mettre en scène sa recherche d'économies...

Monsieur le ministre, vous venez de lancer une initiative proposant aux Français d'apprendre si, en matière d'impôts, ils en ont pour leur argent. Comme si au consentement à l'impôt, qui participe d'un modèle social, se substituait une formule thatchérienne bien connue : « I want my money back ! » - les professeurs d'anglais apprécieront... (M. Éric Bocquet le confirme.)

Un accouchement coûte 2 600 euros, mais combien rapporte à la Nation une mise au monde à l'hôpital public ? Le programme de stabilité reste dans la droite ligne de la politique gouvernementale : pas de nouvelles mesures budgétaires, si ce n'est des baisses d'impôts pour les classes moyennes, sans davantage de précisions. Je ne suis pas sûr que nos partenaires comme nos prêteurs soient rassurés par de telles annonces.

Ce programme de stabilité s'inscrit dans le schéma habituel : scénario macroéconomique optimiste, objectifs de baisse des dépenses très élevés. Je ne partage pas ces orientations, mais je me rassure : elles ne sont pas crédibles ! (Applaudissements à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) La commission des affaires sociales ne sera pas plus indulgente que la commission des finances. Les hypothèses macroéconomiques sont trop optimistes, comme en témoigne l'analyse du HCFP. Ce dernier considère que la prévision de croissance effective, de 1,7 % en moyenne entre 2025 et 2027, est très élevée ; le Haut Conseil doute des hypothèses de croissance potentielle, reposant sur des gains de productivité qui semblent surestimés.

La récente dégradation de la note française résonne comme un avertissement. Ce matin, Bertille Bayart écrivait dans sa chronique du Figaro : « Tout le monde se fiche de Fitch ». Vous avez d'ailleurs cité Moody's, qui a maintenu sa note.

Anticipez-vous les conséquences de ces prévisions sur les conditions de financement des établissements publics ? C'est sur la base de ces incertitudes qu'il faut lire les prévisions concernant les administrations de sécurité sociale (Asso).

Après un retour dans le vert en 2022, le solde consolidé des Asso navigue entre 0,6 point de PIB en 2024 et 0,9 point en 2027. Mais ce solde positif est largement tiré par des administrations hors périmètre de la loi de financement de la Sécurité sociale : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), car cet amortissement est paradoxalement enregistré comme un bénéfice, l'Assurance chômage, avec la baisse du nombre de demandeurs d'emploi, et les organismes complémentaires, dont l'Agirc-Arrco.

Les régimes de base de la sécurité sociale devraient, eux, rester en déficit : une dégradation est même prévue, de 8,2 milliards d'euros en 2023 à plus de 13 milliards en 2025 et 2026. Comment le gérer, alors que le plafond de transfert à la Cades est atteint ? Envisagez-vous de demander de nouvelles autorisations à court ou moyen terme ?

Le Gouvernement prévoit un fort dynamisme des dépenses de la sécurité sociale, l'extinction des mesures exceptionnelles étant compensée par l'inflation des dépenses de retraite et d'allocations familiales.

Les mesures du Gouvernement reposent uniquement sur la sphère sociale, qu'il s'agisse de l'assurance chômage ou de la réforme des retraites. Le Sénat a pris sa part dans ces deux réformes, en cohérence avec ses votes passés.

Mais les besoins en matière de santé et d'autonomie sont grandissants. Comment y faire face ? La documentation est lacunaire sur ce point.

Laisser filer la dette est plus qu'une inconscience : c'est une perte de liberté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Pascal Savoldelli .  - L'heure est fatidique : l'agence Fitch a dégradé la note de la dette française, qui reflète la confiance des marchés financiers. En tant que parlementaire, invité à m'exprimer sur la confiance dans ce programme de stabilité que vous transmettrez à l'Union européenne, ma note serait bien plus faible que AA-...

Le contexte favorable d'avant le covid n'a donné lieu à aucune avancée majeure pour les services publics, au contraire : déficits budgétaires importants, progrès modestes dans leur réduction, alors que vos prévisions de croissance sont optimistes.

La charge de la dette augmente de 15,2 milliards d'euros l'année prochaine, soit plus que les économies espérées de la réforme des retraites. Vous vous acharnez, quoi qu'il en coûte, à faire plaisir aux marchés financiers : cette augmentation est presque entièrement due à une augmentation temporaire des paiements d'intérêts sur les obligations indexées sur l'inflation. C'est cette indexation qui permet aux marchés d'assurer leur mise. Ainsi, vous faites payer deux fois l'inflation aux Français : dans la consommation et dans les intérêts indus de la dette.

Vous faites peser le poids de vos erreurs sur les Français, et en premier lieu les collectivités territoriales. Toute la société est malmenée. Combien de territoires en pénurie d'eau ? La désertification médicale engendre colère et, parfois, violence...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Tout cela, c'est notre faute ?

M. Pascal Savoldelli.  - L'éducation, la sécurité, les logements sont les premiers tributaires d'une cure d'austérité. Vous avez la politique hasardeuse. Est-ce aux contribuables de payer les 32 milliards d'euros du bouclier tarifaire ? Vous ne protégez ni les finances publiques ni les Français.

Votre gouvernement affirme qu'un ralentissement de l'inflation s'observera au second semestre, sous l'effet de la baisse des prix industriels et agricoles. Un rappel, monsieur le ministre : les prix ne baissent jamais, ils augmentent moins vite ! Une fois ce mensonge mis au jour, comment pourrions-nous vous faire confiance ?

Même un porte-parole de vos amis financiers s'inquiète de votre politique du moins d'impôts. Vous n'avez pas rassuré les marchés ! Emmanuel Macron a pourtant justifié le recours à l'arme lourde du 44.3 par le risque financier...

Ils sont surtout inquiets de l'agitation sociale qui ne s'arrêtera pas, alors que les Français se mobilisent depuis treize semaines. Les pressions sociales et politiques compliqueront l'assainissement budgétaire, selon l'agence de notation. Plus personne n'a confiance dans vos chiffres sur les effets des réformes structurelles, dont celle des retraites.

Les marchés financiers sont ingrats avec vous : vous les servez, ils vous sanctionnent. Il vous faut non pas un cap, mais une boussole : celle de la légitimité sociale et parlementaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Dans son programme de stabilité, le Gouvernement affiche un objectif de réduction du déficit public à 2,7 % du PIB et du ratio d'endettement public à 108,3 % d'ici quatre ans.

Le groupe UC partage l'objectif de réduction des déficits et de la dette. De moins de 40 milliards d'euros en 2021 à 70 milliards en 2027, la charge de la dette s'envole. La poursuite de la dégradation des comptes publics ne peut pas être une option.

Or près de 20 % des dépenses de l'État sont gagées par une loi de programmation qui prévoit une hausse des crédits de plusieurs ministères.

De plus, le redressement des comptes publics ne peut se faire au détriment des services publics essentiels - éducation, santé, justice -, auquel l'État doit garantir l'égal accès. Il ne peut pas davantage se faire sans les investissements nécessaires pour la transition écologique.

Quatrième impératif, la trajectoire budgétaire doit tenir compte des besoins des collectivités territoriales et ne saurait se faire au détriment du monde rural.

Il faut donc concilier le redressement des comptes avec ces impératifs de dépense. Le levier des recettes doit lui aussi être actionné. (M. Daniel Breuiller applaudit.)

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Très bien !

M. Bernard Delcros.  - C'est pourquoi le groupe UC a proposé une contribution exceptionnelle pour les entreprises ayant réalisé des bénéfices exceptionnels à la faveur de la crise.

Nous approuvons sans réserve le plan de lutte contre toutes les fraudes, qui apportera des recettes importantes. Il faudra aussi un travail de fond sur les niches fiscales, qui représentent aujourd'hui près de 88 milliards d'euros.

D'autres pistes de recettes supplémentaires peuvent être envisagées : une coupe de 5 % dans tous les ministères ne répond pas aux besoins du pays.

Il convient de trouver un équilibre entre maîtrise de la dépense publique, optimisation des rentrées fiscales et politiques de l'État au rendez-vous des enjeux. Nous apporterons notre contribution à ce défi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Voici venu mon tour de participer à cette causerie... (Sourires)

Le HCFP a émis des remarques que je partage ; et ce soir le Sénat, dans la sérénité et le respect qui le caractérisent, va causer !

Les hypothèses macroéconomiques sont empreintes d'un optimisme que ne partagent ni l'OCDE, ni Rexecode, ni la Commission européenne.

Le Gouvernement prévoit une croissance de 1,7 % par an, contre 1,4 % pour le HCFP et le Fonds monétaire international (FMI) et 1,2 % pour le Consensus Forecast. L'augmentation projetée de la consommation semble compromise par l'inflation.

Le programme de stabilité prévoit une baisse des dépenses publiques, comptant sur la fin du « quoi qu'il en coûte » et les 8 milliards d'euros d'économies escomptés de la réforme des retraites. C'est un peu optimiste...

Quel chiffre retenir pour le taux de chômage ? Le Gouvernement prévoit le retour au plein emploi pour 2027, mais un tableau indique un chômage à 4,5 % à la même date dans le document transmis.

Je regrette que le programme de stabilité ne soit que la poursuite de la politique du rabot, sans réforme des administrations centrales. Celles-ci sont préservées, alors que les services déconcentrés de l'État sont privés de moyens.

Il faut entrer dans une nouvelle phase de la décentralisation, pour que l'État se concentre sur ses missions régaliennes. À vouloir tout faire, il risque de tout faire mal.

Je crains que les économies ne portent essentiellement sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale, et bien peu sur l'État.

L'excédent prévisionnel de 0,5 % pour les collectivités territoriales est inatteignable, sauf sous la contrainte d'un nouveau pacte de Cahors.

La charge de la dette passerait de 40 milliards d'euros à 49 milliards en 2024 et 71 milliards en 2027, devenant le premier poste de dépense l'État ; la réduction de la dette est donc une impérieuse nécessité.

Je m'inquiète également des prémices d'une crise financière mondiale.

L'exécutif dit vouloir baisser les impôts - CVAE, impôts des classes moyennes ; il annonce également une loi de programmation militaire de 413 milliards d'euros, la revalorisation des enseignants, un plan pour les urgences, pour la justice, pour l'industrie verte... Où sont les économies ?

Ce programme de stabilité pourrait être fort inquiétant. Mais chacun sait que, comme les autres, il finira dans un tiroir bien fermé et sera vite oublié ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et SER)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre chargé des comptes publics, ou plutôt monsieur le ministre des comptes publics chargés (rires), qu'est-ce que ce gouvernement qui commence par ne pas respecter la Lolf ? Vous n'avez pas respecté la dernière loi voulue par votre majorité, qui prévoit la transmission du programme de stabilité au Parlement quinze jours avant sa transmission à Bruxelles. Nous sommes donc conviés à une simple causerie. Il s'agit pourtant des impôts des Français et de leur utilisation : le coeur du rôle du Parlement !

Vous avez le toupet d'évoquer le chapitre gouvernance, oubliant l'absence de vote sur la LPFP, le non-respect de la Lolf, socle de cette bonne gouvernance... Ce n'est pas très bien.

Sur la macroéconomie, le rapporteur général a été disert et a rappelé vos hypothèses optimistes. Nous serions « au top » sur tout : optimistes sur la croissance, très optimistes sur l'inflation et les taux d'intérêt... Tout va bien, et par miracle, nous passerions sous les 3 %, comme l'exige la négociation actuelle à Bruxelles sur la révision des règles du pacte de stabilité.

Et comme la magie ne vient jamais seule, c'est parce que les collectivités territoriales feront un excédent de 0,5 point de PIB, ce qui ne s'est jamais vu. Avec une amélioration plus réaliste de 0,1 point, nous ne passerions pas sous les 3 %.

Vous dites que le Gouvernement fera un effort supplémentaire, mais nous partons de plus haut : 40 milliards d'euros de plus que dans la LPFP, que nous n'avons pas votée !

Comment documentez-vous les one off, les fusils à un coup qui vous ont permis de passer entre les mailles du filet ? Où faites-vous les économies ? Le solde structurel ne s'améliore d'ailleurs pas.

On dégrade, mais c'est pour prendre de l'élan, pour mieux remonter ensuite, dites-vous. Non ! Chaque fois qu'on dégrade, on dégrade.

J'en reviens au coeur du sujet : la soutenabilité de la dette. Nous émettons 135 milliards d'euros de plus sur les marchés, car la Banque centrale européenne (BCE) a arrêté sa politique de rachat.

Mais vous soutenez aussi le plan REPowerEU, soit 550 milliards d'euros de dette supplémentaire !

« On ne meurt pas de ses dettes, disait Oscar Wilde. On meurt de ne plus pouvoir en faire.» « Un pays qui s'abandonne à la dette est un pays qui s'abandonne », disait Pierre Mendès France. Je ne voudrais pas, comme dirait un bon auteur qui nous manque, que notre dette soit « dilatée comme jamais » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La semaine dernière, Fitch a dégradé la note de la France. Notre pays est sanctionné pour avoir mené à bien une réforme courageuse. Fitch se fait paradoxalement l'écho des opposants à la réforme. C'est mal payer les efforts demandés aux Français pour rétablir les comptes publics.

Le Gouvernement est déterminé à repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027 et à réduire le taux d'endettement. Nous soutenons ces choix validés par les urnes. Il s'agit d'arbitrages stratégiques renouant avec le temps long - celui de l'industrie.

Réindustrialiser, c'est faire des territoires les tremplins d'une relance plus verte, créatrice d'emplois. C'est augmenter nos dépenses de R&D pour répondre aux défis du siècle, comme la transition écologique. C'est monter en compétence pour gagner des marchés à l'international et rééquilibrer notre balance commerciale.

D'où la baisse des impôts de production, la suppression de la CVAE le pilotage dynamique des dépenses et des recettes.

La gestion des finances publiques est parfois contre-intuitive : baisser les impôts peut augmenter les recettes, augmenter les dépenses peut réduire le déficit...

Tout est question de choix stratégiques. Le soutien massif et indifférencié n'est plus possible. Avec la remontée des taux, le « quoi qu'il en coûte » n'est plus d'actualité. Je plaide, pour ma part, pour le « mieux qu'il en coûte », qui consiste à optimiser le rendement de chaque euro dépensé. À moyens constants, nous pouvons et devons faire mieux.

Il faut redonner aux Français confiance en la puissance publique, en préservant le consentement à l'impôt. Cela passe par un audit de toutes les dépenses, et des pistes de réduction.

Le Gouvernement a engagé des actions pour renforcer la confiance des Français - elle est indispensable pour réussir les réformes à mener si nous voulons éviter le décrochage face aux géants américain et chinois. Nous attendons beaucoup, à cet égard, du projet de loi Industrie verte.

La dégradation de la note française est postérieure à la publication du programme de stabilité. Atteindre les objectifs ne suffira pas à améliorer notre note, mais ne pas les atteindre la dégraderait à coup sûr.

Les solutions de facilité qui ne trompent ni les Français, ni les marchés. Souvenez-vous du gouvernement de Liz Truss... Le rétablissement des finances publiques par la réduction du déficit et le désendettement est la seule voie de notre souveraineté. Cela passe par l'efficacité de la dépense publique et la réindustrialisation des territoires.

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.) Vous nous transmettez - avec retard - un tableau impressionniste nommé programme de stabilité. Je l'aurais pour ma part intitulé « baisse des déficits à l'horizon et au soleil levant », car tout y est dépeint en touches subtiles et en imprécisions choisies.

Vos prévisions d'inflation sont sous-estimées, vos précisions de croissance surestimées, et vous prétendez baisser de 5 % les dépenses de l'État. Où allez-vous taper ? Pas sur la santé ni sur la LPM... Alors, sur l'éducation, le soutien aux collectivités territoriales ?

Vous poursuivez le désarmement fiscal de l'État par des baisses d'impôts pour les plus riches, nous privant de recettes indispensables. Vous n'entendez pas l'urgence écologique, pas plus que les difficultés des Français face à l'inflation alimentaire, qui atteint 14 %. Ce que vous nous proposez, c'est l'instabilité et l'austérité.

Je sais qu'il n'y a pas d'argent magique, que le coût de la dette pèse lourd. Mais la dette climatique coûtera plus cher encore. Arrêtez les baisses d'impôts sans contrepartie aux entreprises du CAC 40 dont les bénéfices explosent : 19 milliards d'euros pour Total, 11 milliards pour LVMH, 23 milliards pour CMA CGM, 10 milliards pour BNP Paribas. Les dividendes sont exponentiels : 80 milliards d'euros distribués au printemps 2022. Taxez les dividendes, taxez les très hauts revenus !

Votre stratégie est d'abord au service des plus riches, et le ruissellement ne marche pas. Est-il normal que certains accumulent les dividendes record quand d'autres peinent à se nourrir ?

La réforme des retraites dégagera 8 milliards d'euros d'économies, soit le coût de la ristourne essence en 2022... Tout ça pour ça !

Après la réforme de l'assurance chômage, les Français ont compris que les économies se feraient sur leurs droits les plus essentiels. Et bientôt, le travail obligatoire pour les bénéficiaires du RSA ! Les efforts touchent toujours les mêmes, les écarts explosent. Ce n'est pas soutenable.

Sacraliser le budget des collectivités territoriales leur permettrait d'investir pour la transition écologique. Cessez de les contraindre ! La baisse de 0,5 point exigée est une mise sous tutelle. Pour être à la hauteur de la crise écologique, les collectivités devraient investir 6 milliards d'euros par an, quand le fonds vert prévoit 2 milliards sur quatre ans. Elles ont besoin d'investir, d'ingénierie. Laissez-les vivre !

Le « quoi qu'il en coûte » a été assumé pendant la pandémie, mais plus lors de la crise climatique. Pourtant, l'urgence est là.

« Lorsqu'ils auront coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d'eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, ils comprendront que l'argent ne se mange pas », dit un proverbe indien. Monsieur le ministre, votre logiciel libéral nous mène au chaos social et à l'impuissance climatique. Le rapport du Giec est sans appel. Cela devrait guider tous nos choix budgétaires, si nous voulons éviter la catastrophe climatique et l'explosion sociale. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Duranton .  - « Qui veut atteindre la perfection veut marcher sur l'horizon », écrivait Paul Carvel dans Jets d'encre. Gardons en ligne de mire cet horizon, fixé par ce programme de stabilité qui traduit deux priorités essentielles. D'une part, protéger les Français face à la hausse des prix de l'énergie tout en menant des réformes d'ampleur pour soutenir la croissance, atteindre le plein emploi, accélérer la transition écologique et numérique, garantir la souveraineté économique et réarmer le régalien. D'autre part, redresser nos comptes publics, grâce à un redressement du solde structurel de 1,3 point de PIB par an.

Le poids de la dette publique commencerait à décroître début 2026. En 2022, la dette publique était de 111,6 % du PIB, contre 112,5 % en 2021. En 2023, le ratio s'abaisserait encore, à 109,6 % du PIB.

On le sait, l'environnement économique international s'est dégradé en raison de l'invasion russe en Ukraine, qui a entraîné une augmentation de l'incertitude sur les marchés. Malgré ce contexte, l'évolution spontanée annuelle des dépenses publiques devrait s'établir à moins de 0,6 %. L'effort annoncé de 1,6 % est donc bien plus ambitieux que sous Sarkozy - 1,4 % - ou Hollande - 1 %.

France Relance et France 2030 soutiendront l'activité et le potentiel de croissance, en préservant notre souveraineté.

Comme le disait Bruno Le Maire, la France résiste mieux que ses voisins, avec le taux d'inflation le plus faible de la zone euro, à 6 %. Le Gouvernement s'engage à ne pas augmenter les impôts.

Certes, l'agence Fitch a rétrogradé la France ; mais Moody's ou Standard and Poor's ont maintenu notre note, et nous sommes dans la moyenne supérieure par rapport à nos voisins. N'oublions pas que le Gouvernement a soutenu les ménages lors de la crise covid : cette dégradation est la conséquence de ce volontarisme politique.

On peut critiquer les limites technologiques du modèle macroéconomique retenu, mais les trajectoires sont fiables.

Le cadre organique français comme le cadre européen permettront le renforcement du pilotage pluriannuel par la dépense et non plus seulement par le solde.

L'articulation avec les lois de finances et de financement de la sécurité sociale est améliorée : le HCFP peut mieux évaluer la cohérence de ces différents textes. Une trajectoire triennale est désormais présentée au Parlement dans les projets annuels de performance.

La Commission européenne émet un avis sur les projets de plans budgétaires des États membres à l'automne, avant leur discussion par le Conseil Ecofin. La conformité avec les dispositions du Pacte de stabilité et de croissance sera évaluée. La BCE maintient des taux d'intérêt bas pour stimuler l'investissement et la consommation, et le plan de relance européen s'élève à 750 milliards d'euros.

Le RDPI salue la trajectoire ambitieuse présentée par le Gouvernement et les mesures prises pour conforter le dynamisme économique en ces temps de crise.

M. Patrice Joly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous débattons du programme de stabilité après qu'il a été adressé à l'Union européenne - signe d'un manque de respect vis-à-vis du Parlement.

D'un point de vue budgétaire, il s'agit de répondre aux contraintes européennes en matière de déficit.

D'un point de vue politique, c'est le lieu où le Gouvernement surjoue l'orthodoxie libérale. Ainsi Bruno Le Maire martèle-t-il sa volonté de réduire la dette. Monsieur le ministre, vous agitez le chiffon rouge de l'augmentation de la charge de la dette, en brandissant des valeurs absolues : 35 milliards d'euros en 2021, 50 milliards en 2022, 70 milliards d'euros en 2027. C'est la stratégie du choc, détaillée par l'économiste canadienne Naomi Klein : sidérer pour avancer.

Mais si l'on parle de 1,5 % du PIB en 2021, 1,9 % en 2022 et 2 % en 2027, cela fait bien moins peur, à juste titre.

La hausse de la charge de la dette tient à l'émission croissante de titres de dettes indexés sur l'inflation, sans autre justification que de protéger les créditeurs.

Conjugué à la baisse des recettes fiscales et des cotisations, cela ne peut conduire qu'à une réduction drastique des dépenses sociales et des services publics. Vous envisagez ainsi une baisse des dépenses des collectivités territoriales de 0,5 % en volume. C'est le terreau d'une politique d'austérité intenable, alors que France Stratégie estime qu'il faudra entre 22 et 100 milliards d'euros d'ici 2030 pour assurer la transition environnementale.

Le poids de la dépense publique française s'explique par notre modèle social, par notre démographie dynamique, par notre budget de la défense. Nos services publics sont-ils en si bon état qu'il faille réduire leurs moyens ? Êtes-vous sourds à la détresse sanitaire de nos territoires ? Souhaitez-vous réduire le budget de la défense ?

Toute baisse de la dépense se fera au détriment de la qualité de vie des ménages et de la capacité à agir des collectivités locales.

La Première ministre a adressé une lettre de cadrage à ses ministres en leur demandant d'identifier une marge de manoeuvre de 5 % sur leur budget. Le nouveau monde promis ne serait-il pas en réalité le retour de l'ancien monde thatchérien ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - De François Hollande !

M. Patrice Joly.  - Pour réduire la dette, augmentez donc les impôts des plus riches, supprimez les allègements fiscaux injustifiés et inefficaces. Depuis 2017, le manque à gagner fiscal s'élève à 364 milliards d'euros de recettes ! Les 370 ménages aux revenus les plus élevés ont un taux effectif d'impôt sur le revenu de 2,5 %, et même de 0,26 % pour les 37 familles les plus riches, selon Gabriel Zucman.

Ce sont encore les classes moyennes et populaires qui feront les frais de vos politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Nous n'avons plus le temps ni les marges de manoeuvre pour tergiverser. Il fallait recaler le discours - le Gouvernement l'a fait - et la pratique. Le Gouvernement agit-il suffisamment, face à la pression des taux et des marchés ?

Notre groupe est attaché à la maîtrise des comptes publics. Nous saluons la volonté de rétablissement des finances publiques, mais regrettons-le manque de précision quant au modus operandi. La dépense publique n'est pas mauvaise en soi, mais l'argent magique n'existe pas. La condition de notre souveraineté réside dans le sérieux budgétaire.

Prévisions de croissances et d'inflation optimistes, prévision de croissance effective relevée, reposant sur une hausse de la consommation des ménages, tout cela interroge... Vous avez retenu des hypothèses avantageuses, alors même que les scénarios de la Commission européenne sont moins favorables. L'incertitude demeure élevée, dans un contexte international plus mouvant que jamais.

M. Delcros l'a dit : la volonté de contenir les dépenses ne doit pas conduire à des coups de rabot uniformes, injustes et inefficaces. Il faut une réelle stratégie d'évaluation et de hiérarchisation des dépenses, associant le Parlement.

Les crédits des ministères augmentent de 24 milliards d'euros, la charge de la dette tutoie les 60 milliards d'euros. Bref, la dépense publique en volume augmente bel et bien. La LPFP fait défaut, et doit être adoptée au plus tôt pour afficher une trajectoire crédible de réduction de la dépense publique.

Le Gouvernement a enfin pris la mesure de l'urgence pour la France de se désendetter, car la crédibilité de notre signature sur les marchés n'est pas indéfectible, comme en témoigne l'abaissement de la note de la France par Fitch. Nous devons intensifier les efforts, et vite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Charles Guené .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur général a souligné l'optimisme du Gouvernement, à rebours des analyses extérieures. L'abaissement de la note de la France par Fitch montre que nous devons convaincre le reste du monde que nous pouvons assainir nos comptes.

Notre groupe plaide depuis des années pour une démarche sincère de rétablissement des comptes publics. Nous vous avions alertés sur les risques d'une hausse des taux d'intérêt, et de fait, la charge de la dette aura presque doublé d'ici 2027. Nous sommes donc sceptiques sur le réalisme de la trajectoire envisagée. Vous risquez de devoir agir sur des variables d'ajustement... Vous tablez sur une maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités locales et une baisse des investissements en fin de cycle électoral ; vous comptez sur l'inflation pour réguler les hausses en volume, sachant que la plupart des recettes sont désormais aux mains de l'État. Vous escomptez donc un effet d'étau.

Vous envisagez d'associer les Apul à l'effort de modération de la dépense publique : exit l'article 23 de la précédente programmation et les contrats de Cahors. Dont acte.

Pourtant, les conditions d'une concertation ne semblent pas réunies. Le passage à une fiscalité nationale, ordonnancée par le Gouvernement, et la persistance d'une fiscalité locale et d'un système de financement obsolètes laisse les mains libres à l'État.

Il faut un nouveau processus permettant aux collectivités territoriales de retrouver une libre administration, via une vraie réforme de la fiscalité et des dotations, en tenant compte des charges comme des dynamiques territoriales. Il est urgent d'introduire une nouvelle gouvernance réunissant l'État, le Parlement, les collectivités. C'est seulement à ce prix que nous réintroduirons une vraie liberté d'administration propre à une démocratie moderne. Faute de quoi ce programme de stabilité restera un pacte léonin. Nous attendons une loi de programmation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le programme de stabilité le confirme : le Gouvernement persiste à creuser son sillon néolibéral.

Il s'inscrit ainsi dans la ligne de la LPFP que le Parlement a refusé d'adopter en novembre dernier. Le HCFP s'est ému, dès janvier, de l'absence de ce texte crucial. Saisi sur le PLFRSS portant réforme des retraites, il a constaté qu'il ne pouvait pas apprécier la cohérence de ce texte avec la trajectoire retenue.

Ce texte s'inscrit aussi dans la droite ligne du programme transmis en avril dernier aux institutions européennes qui, rappelons-le, ne tiennent pas le stylo du Gouvernement.

Le recul de l'âge de départ en retraite est censé accroître le taux d'emplois des seniors, mais nous avons amplement démontré l'absurdité de la démarche : les dépenses seront reportées sur d'autres branches de la sécurité sociale.

Le Gouvernement persiste à réduire l'imposition des plus riches et des grandes entreprises. Il organise la perte annuelle de 37 milliards d'euros de recettes - à comparer aux 13 milliards d'euros de déficit des retraites en 2030 qu'il prétend prévenir. Le gain attendu de la réforme des retraites, 8 milliards d'euros, correspond à la suppression de la CVAE, ce nouveau cadeau fiscal.

Inopportunes, ces baisses d'impôt sont cohérentes avec la politique du Gouvernement, qui fait porter sur la sécurité sociale le poids de la dette covid et sacrifie deux ans de la vie des Français plutôt que d'accroître les ressources.

Ces choix, le Gouvernement les paie dans la rue. Mais les Français les paient davantage encore, à travers une grave crise sociale et la dégradation de la note de la France. Quand tirerez-vous les conclusions de la crise dans laquelle vous avez plongé la France ? (Applaudissements à gauche)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici donc la nouvelle ligne budgétaire de la France pour 2027. Pour réduire la dette, vous vous appuyez sur des économies de dépenses non documentées. La crédibilité de vos prévisions interroge. Alors que l'agence Fitch, la première à se prononcer, vient de dégrader la note de la France, nos déficits miroirs - budgétaire et commercial - inquiètent tous les Européens.

La réforme des retraites doit permettre 10 milliards d'euros d'économies, chiffre infirmé par Rexecode, mais de nouveaux objectifs budgétaires plus ambitieux sont déjà nécessaires.

En dévoilant les grandes lignes du programme de stabilité, malgré l'absence d'une LPFP que vous annoncez maintenant pour cet été, vous reconnaissez la fin de l'argent gratuit. Il est temps de reprendre le contrôle de notre dette pour garder la maîtrise de nos choix.

Ramener le déficit à 2,7 % fin 2027 : il s'agit d'une légère amélioration par rapport aux précédentes prévisions. Les propositions de la commission des finances du Sénat sont enfin retenues. S'agissant de la dette, vous prévoyez de la ramener à 108,3 % du PIB, ce qui est vraiment un minimum.

Les comparaisons européennes que vous avez faites me semblent osées, alors que notre dette est 1,8 fois supérieure à celle de l'Allemagne... La charge de la dette devrait atteindre 71 milliards en 2027, représentant ainsi le premier poste de dépenses de l'État. Le déni ne peut plus durer.

Notre politique budgétaire ne peut passer par des hausses d'impôts cassant la croissance. Après avoir baissé la dépense, il faudra baisser nos prélèvements obligatoires.

Notre dépense publique est non seulement trop importante, mais aussi inefficace. Où va notre argent ? Voilà ce que demandent nos concitoyens.

La Cour des comptes et le HCFP jugent vos prévisions de croissance optimistes. Quid de la réduction de la dépense fiscale ? Ne nous répondez pas qu'elle se fera sur le dos des collectivités territoriales, qui ne sont nullement responsables de la situation budgétaire et assurent l'essentiel des investissements.

Le programme présenté par le Gouvernement ne nous convainc pas. Vous continuez à jouer avec des allumettes, alors que nous sommes assis sur un volcan ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je remercie l'ensemble des orateurs qui ont pris part à ce débat.

Non, le programme de stabilité n'a évidemment pas été transmis à la Commission européenne avant d'avoir été soumis au Parlement. Nous respectons la procédure : le programme de stabilité sera transmis aux autorités européennes dans un délai de quinze jours après sa communication au Parlement. Il sera donc transmis avec un retard d'une dizaine de jours, bien moindre que celui de l'année dernière... (M. Jérôme Bascher rit.)

Nous avons fait le choix d'attendre que la réforme des retraites soit totalement entérinée par le Conseil constitutionnel avant de finaliser le programme de stabilité ; on nous aurait reproché d'agir différemment.

La LPFP sera représentée au Parlement cet été. Je rappelle que le Sénat a bien adopté une version de ce texte, certes pas celle du Gouvernement. La discussion se poursuivra sur cette base.

Nos hypothèses macroéconomiques ont été qualifiées d'optimistes par plusieurs sénateurs, notamment MM. Husson, Delcros et Bascher. Je dirais plutôt qu'elles sont volontaristes. (M. Jérôme Bascher se gausse.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Déterminées !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous prévoyions une croissance de 2,5 % en 2022 : nous avions raison d'être volontaristes, puisqu'elle a été de 2,6 %. De même, pour 2023, les prévisions des économistes se rapprochent de plus en plus de la nôtre, à 1 %. Le HCFP tablait à l'automne sur une croissance potentielle comprise entre 0,9 et 1,3 % ; à 1,35 %, nous sommes proches du haut de sa fourchette - je rappelle que le FMI table sur 1,3 %, la Commission européenne sur 1,4 % à court terme.

Certains prévisionnistes n'ont pas tenu compte des réformes prévues dans notre programme, notamment de la réforme des retraites et de la future réforme du RSA. Nous avons tenu nos engagements pour la société du plein emploi en faisant la réforme de l'assurance chômage et celle des retraites ; de même, nous ferons celles du RSA et des lycées professionnels. (Mme Monique Lubin s'en émeut.)

En 2022, le déflateur du PIB avait été moins dynamique que prévu, en raison du choc des termes de l'échange lié à la guerre en Ukraine. Le précédent programme de stabilité tablait sur une convergence lente. Nous prévoyons désormais une convergence rapide sur 2023-2024.

Madame la rapporteure générale Doineau, l'impact de la dégradation de la note de la France par Fitch est limité à ce stade, comme Bruno Le Maire l'a indiqué lors des questions d'actualité au Gouvernement : notre spread de taux avec l'Allemagne est passé de 57 points de base avant cette annonce à 59 cet après-midi, puis 58 ce soir. Par ailleurs, monsieur Sautarel, Fitch n'a pas été la première agence à se prononcer : Moody's a maintenu notre notation inchangée.

J'en viens aux choix politiques et budgétaires qui sous-tendent notre programme de stabilité. Nous faisons le choix de l'emploi. Cela passe par la baisse de certaines fiscalités, notamment sur les entreprises et l'activité économique. Je comprendrais les critiques si cette politique n'avait pas porté ses fruits : mais nous avons créé plus de 1,5 million d'emplois, et le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans !

Mme Monique Lubin.  - Mais bien sûr...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Les allègements de cotisations sociales favorisent également l'emploi : elles avaient d'ailleurs été multipliées par deux sous le gouvernement Jospin...

Nous assumons ces choix. Nos recettes augmentent, alors même que nous baissons les taux d'imposition. Ainsi, nous n'avons jamais collecté autant d'impôt sur les sociétés que depuis que son taux est à 25 % !

Monsieur Breuiller, madame Lubin, les baisses d'impôts pour les particuliers ne concernent pas principalement les plus riches, mais les classes moyennes. Quand nos concitoyens vous parlent de leur taxe d'habitation et de leur redevance supprimées, je suis sûr que vous ne les considérez pas comme des nantis. Ils font partie de cette France qui travaille que nous voulons soutenir. Pour un ménage, la suppression de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle peut représenter 1 000 euros par an.

Monsieur Savoldelli, on ne peut parler d'un délaissement des services publics quand le budget de l'hôpital public dépasse les 100 milliards d'euros et que nous prévoyons 4 milliards d'euros supplémentaires pour l'éducation nationale, un effort inédit.

Mme Monique Lubin.  - Avec quelle inflation ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Pour la défense, l'augmentation sera de 75 % entre 2017 et 2027. Quant au budget de la justice, il a augmenté de 42 % en six ans.

Mme Annie Le Houerou.  - Pourquoi donc les services publics sont-ils aussi délabrés ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - L'enjeu n'est pas de dépenser plus, mais mieux.

Il en va de même pour la transition écologique. Monsieur Breuiller, il n'y a pas à choisir entre les 3 % et les 3 degrés. Nous devons investir, donc disposer de conditions de financement qui nous permettent de le faire : c'est pourquoi il faut être sérieux avec la dépense publique.

La nouvelle répartition de l'effort entre État et collectivités territoriales ne figure pas dans le programme de stabilité, car elle n'a pas à y être. Elle sera inscrite dans la LPFP.

En 2024, les collectivités territoriales dépenseront 13 milliards d'euros de plus. On est loin de l'austérité... Nous cherchons à maîtriser la progression de nos dépenses de fonctionnement, et nous y travaillons avec les associations d'élus dans le cadre des Assises des finances publiques. J'ai bon espoir que nous nous accordions sur la maîtrise des dépenses publiques.

Je remercie Bernard Delcros d'avoir insisté sur la lutte contre la fraude. À cet égard, l'année dernière a été historique : 14,6 milliards d'euros de droits notifiés à la suite des contrôles de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), et 800 millions d'euros de redressements opérés les Urssaf. Je présenterai dans les prochains jours un plan Fraudes, dans lequel vous retrouverez nombre de vos propositions.

Cette trajectoire est effectivement ambitieuse, bien plus que l'année dernière : 4 points de dette en moins en 2027, un déficit revu à la baisse par rapport à la précédente copie... L'enjeu est d'y arriver ensemble. L'initiative des dialogues de Bercy sera enrichie cette année, avec un démarrage plus précoce.

Les enjeux sont majeurs : avançons de concert, j'y suis prêt (Applaudissement sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC)

Prochaine séance demain, jeudi 4 mai 2023, à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 45.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 4 mai 2023

Séance publique

De 10 h 30 à 13 h et de 14 h 30 à 16 h 30

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente, M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

(Ordre du jour réservé au RDPI)

1. Débat sur le thème : « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? »

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche (texte de la commission, n°520, 2022-2023)