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Table des matières
Faillite de la Silicon Valley Bank
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
Fermeture d'usines dans le Nord
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Lutte contre les dérives sectaires
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Comité national d'éthique dans le sport
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
Capacité des hôpitaux pendant les JO
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Défense extérieure contre l'incendie et territoires ruraux
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Représentation des communes au sein des conseils communautaires
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Conseil européen des 23 et 24 mars 2023
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes
Faillite de la Silicon Valley Bank
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
Fermeture d'usines dans le Nord
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Lutte contre les dérives sectaires
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Comité national d'éthique dans le sport
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
Capacité des hôpitaux pendant les JO
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Défense extérieure contre l'incendie et territoires ruraux
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Représentation des communes au sein des conseils communautaires
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes
Ordre du jour du jeudi 16 mars 2023
Ordre du jour du jeudi 16 mars 2023
SÉANCE
du mercredi 15 mars 2023
71e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Loïc Hervé, Mme Jacqueline Eustache-Brinio
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Faillite de la Silicon Valley Bank
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes INDEP et UC) Madame la Première ministre, les déboires de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la Signature Bank nous renvoient aux mauvais souvenirs de la crise financière de 2008. Ces défaillances ont affolé les marchés et suscité, outre-Atlantique, une crainte qu'il pourrait s'étendre en Europe.
Depuis quelques jours, les commentaires se multiplient pour inviter à garder confiance. La Fed et le Trésor américain ont évité le pire, et les règles prudentielles en Europe se sont durcies depuis dix ans. Je n'ose demander s'il existe le moindre risque systémique au sein de l'Union européenne, car le reconnaître serait l'encourager. C'est bien le problème des marchés financiers - pas le seul, d'ailleurs : la fébrilité s'alimente des déclarations alarmistes.
On peut espérer que l'incendie soit éteint. Mais ces bank runs interrogent sur les effets de la politique monétaire menée depuis des mois. La remontée des taux d'intérêt comme principale boussole ne commence-t-elle pas à montrer ses limites ? Pendant ce temps, nos concitoyens, en particulier les plus modestes, souffrent de l'inflation.
À la veille du conseil des gouverneurs de la BCE, doit-on s'attendre à une nouvelle hausse des taux, au risque de restreindre encore les liquidités ? Si oui, les banques françaises sont-elles assez capitalisées pour continuer à jouer leur rôle de prêteur aux entreprises et aux particuliers ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Les raisons de la faillite de la SVB sont bien connues : exposition au seul secteur technologique, capitalisation insuffisante et manque de fonds propres, supervision défaillante.
Les autorités américaines ont pris immédiatement les mesures de stabilisation qui s'imposaient. Je vous confirme, à la suite du ministre des finances, que les banques françaises ne sont exposées à aucun risque. Elles respectent des exigences de fonds propres et de liquidités parmi les plus fortes au monde, sont soumises à une supervision européenne et ont des activités diversifiées.
Plus proche de nous, le Crédit Suisse connaît des difficultés connues de longue date. Je rappelle que cette banque n'est pas soumise à la supervision européenne. Cette question est du ressort des autorités suisses.
Nous sommes vigilants, mais la situation est très différente de celle de 2008 : depuis lors, de nombreuses règles prudentielles ont été édictées dans la zone euro. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Jean-Claude Requier. - Espérons que, après le covid et la guerre en Ukraine, nous n'aurons pas une crise financière. En économie comme ailleurs, la confiance se perd en litres mais se gagne en gouttes ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)
Réforme des retraites (I)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans une démocratie parlementaire normale, aujourd'hui serait la journée de l'apaisement : après des années de négociation avec les partenaires sociaux et les forces politiques, un consensus aurait été trouvé sur l'avenir du travail et de notre système de retraites, dont la réforme serait en passe d'être largement adoptée.
C'est ce qui se passe dans tous les pays européens, que vous aimez tant citer en exemple. Mais pas en France : parce que, en France, le Gouvernement aime avoir raison tout seul, en n'écoutant personne et en agissant contre tout le monde.
Hormis une partie des Républicains, personne, monsieur le ministre, n'est d'accord avec vous : 75 % de la société est contre cette réforme, et 93 % des actifs ; aucun syndicat ne la soutient ; même la majorité parlementaire n'est pas certaine.
Pendant que les Français sont encore massivement dans la rue, sept députés, qui n'ont même pas étudié l'intégralité du texte, et sept sénateurs, à qui le Gouvernement a imposé un vote bloqué, viennent de décider, à huis clos, de prendre deux ans de repos aux plus précaires.
Dans un pays transformé en poudrière, vous hésitez entre une majorité de quelques voix et l'adoption sans vote d'une réforme minoritaire : l'une et l'autre de ces options sont une folie ! Ce n'est pas parce que des outils sont légaux, que leur utilisation est légitime, qu'ils répondent aux standards modernes d'une démocratie digne de ce nom.
Arrêtez les frais ! À ce stade de tension, l'urgence est de sortir de cette dynamique mortifère et d'organiser la transition vers une République vraiment parlementaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Si j'ai bien compris votre question, ou plutôt votre interpellation, vous considérez pratiquement que nous ne sommes pas dans une démocratie moderne. (M. Thomas Dossus renchérit.)
Nous y sommes bien : nous permettons l'expression des oppositions dans la limite du respect de l'ordre public. Les organisations syndicales parviennent très bien à éviter les débordements dans les manifestations. Mais il faut aussi condamner les coupures d'électricité sauvages, notamment contre des élus. (Applaudissements des travées du RDPI jusqu'aux travées du groupe Les Républicains) Ces coupures mettent en danger des commerces, des administrations, mais aussi des personnes hospitalisées à domicile.
Le fonctionnement de nos institutions doit également être respecté. Au Sénat, j'ai eu le plaisir de passer avec vous dix jours de débats, au cours desquels chaque disposition du projet de loi a été examinée.
M. Guillaume Gontard. - C'est faux !
M. Hussein Bourgi. - Et le vote bloqué ?
M. Olivier Dussopt, ministre. - C'est une procédure constitutionnelle : elle a été employée ici en 2010 et en 2013 à l'Assemblée nationale, notamment. Son mérite est de contourner l'obstruction.
M. Pierre Laurent. - C'est un passage en force !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Car il y a eu obstruction au Sénat, certes d'une nature différente de celle de l'Assemblée nationale : vous avez méthodiquement cherché à paralyser la délibération.
M. Jean-Marc Todeschini. - N'importe quoi !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Samedi soir, le Sénat a adopté la réforme. Je forme maintenant le voeu que la commission mixte paritaire trouve un texte de consensus. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP et sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains)
Fermeture d'usines dans le Nord
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Laissez-moi vous lire la lettre d'un salarié de l'usine Buitoni de Caudry, adressée à Nestlé, son employeur.
« En mars 2022, j'apprends le rappel de la production de pizzas. On me demande de rester chez moi, c'est inquiétant. J'apprends que le fruit de mon travail aurait handicapé et tué des enfants. Je suis aussi père : rempli de honte, je pleure. Au restau du coin, quelqu'un me lance : « assassin de chez Buitoni ». Les chaînes d'info nous accablent : les salariés sont sales, c'est bien fait pour eux. Pourquoi Nestlé ne dit-il pas que ses employés ne sont pas responsables ? Début janvier 2023, les activités reprennent, mais les commandes ne suivent pas. La fermeture du site est décidée. » Voilà la détresse des 150 salariés de l'usine de Caudry depuis douze mois.
La même semaine, la fermeture de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres a été annoncée : 150 emplois, là aussi, sont en jeu. À force d'appliquer les normes de façon plus drastique que nos voisins, nous détruisons notre filière betteravière.
Le Gouvernement parle de réindustrialisation des territoires, mais je peux d'avance vous annoncer que d'autres fermetures suivront.
Ce sont d'énormes coups de massue pour le Cambraisis et le Caudraisis. Comment comptez-vous agir pour sauvegarder ces usines ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci d'avoir fait entendre ces mots, que j'ai, moi aussi, entendus avant-hier à Caudry.
Les salariés ont pris comme un coup de massue l'annonce de la suspension de l'activité et comme une énorme injustice les accusations qui leur sont adressées depuis un an, alors qu'ils ne sont en aucun cas responsables du drame sanitaire. Il est hors de question qu'ils en soient les victimes collatérales.
Nous travaillons avec la direction de Nestlé pour trouver d'autres solutions. Je souhaite qu'on produise sur ce site et ferai tout pour cela.
Une autre nouvelle difficile a suivi : la fermeture de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres. Des fermetures d'usine, ça arrive et ça peut arriver encore, mais pas quand une entreprise gagne de l'argent, se désendette et que le prix du sucre est au plus haut. Nous rencontrons la direction demain pour obtenir des explications précises.
M. Pascal Savoldelli. - Et après ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Pourquoi une entreprise qui va mieux ferme-t-elle une usine ?
Dans le cadre du programme Rebond industriel, nous déployons 3 millions d'euros pour la réindustrialisation du territoire. Le Nord va mieux : des gigafactories, à une heure ou deux de Caudry, créeront des milliers d'emplois. Nous ne devons pas pour autant abandonner les territoires délaissés : nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe INDEP)
Dépenses publiques
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis des années, monsieur le ministre de l'économie, nous ne cessons d'appeler votre attention sur la non-maîtrise des dépenses publiques. Le constat est partagé par la Cour des comptes, qui vient de vous adresser une mise en garde sévère, pour ne pas dire un carton rouge : hors aides exceptionnelles, la dépense publique continue sa dérive.
Pouvez-vous confirmer que la France détient le plus haut niveau de dépenses publiques en Europe, à 58 % du PIB ? Comment avez-vous pu laisser nos comptes publics dériver ainsi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains) Je connais votre attachement au rétablissement des finances publiques ; j'espère donc que vous soutiendrez notre méthode, grâce à laquelle nous sommes revenus sous les 3 % de déficit en 2018, sortant la France de la procédure pour déficit excessif. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Cette méthode, c'est d'abord un objectif : ramener les dépenses publiques de 57 à 54 % du PIB, ce qui suppose que tout le monde fasse un effort.
M. Jean-Marc Todeschini. - Pas les plus riches !
M. Rachid Temal. - Et l'ISF ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ainsi, il faut s'abstenir de proposer des hausses de la dépense publique.
Nous comptons revenir sous les 3 % de déficit dès 2027 et réduire la dette à partir de 2026.
Nous proposons une méthode pour y parvenir.
M. Jean-Marc Todeschini. - Faire payer les pauvres !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Une revue, inédite, de toutes les dépenses publiques, y compris des collectivités territoriales (murmures sur de nombreuses travées) et des associations. La dépense publique, c'est 50 % de dépenses sociales, 30 % de dépenses de l'État et 20 % de dépenses des collectivités territoriales. Chacun doit participer à l'engagement collectif sur la base d'un diagnostic partagé.
Nous organiserons ensuite un séminaire sous l'autorité de la Première ministre (exclamations ironiques sur de nombreuses travées), pour examiner les dépenses de chaque ministère. Je proposerai à toutes les collectivités territoriales de s'engager dans cette direction, dans le respect de leur libre administration. (On s'écrie : « Cahors ! » sur plusieurs travées à droite et à gauche.) Nous ferons de même pour les associations.
Nous tiendrons, avant l'été, des assises des finances publiques, pour établir le montant et le calendrier de la réduction de dépenses. Dès le projet de loi de finances pour 2024, des réductions significatives seront prévues pour tenir nos objectifs, que je vous propose de soutenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson. - En septembre dernier, vous avez confié à votre majorité le soin de trouver des économies : vous avez rendu copie blanche.
Vous parlez doctement de votre méthode, mais jamais depuis la Seconde Guerre mondiale la France n'a connu un tel niveau d'endettement. Nous empruntons cette année 270 milliards d'euros, alors que les taux d'intérêt remontent. La France se retrouve en difficulté.
Dette publique, prélèvements obligatoires, déficit public, déficit commercial : la France est en queue de peloton. Cela ne peut pas durer. À quand des économies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)
Lutte contre les dérives sectaires
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La terre est-elle plate ? La question paraît absurde, mais, pour certains, toutes les affirmations, aussi farfelues et complotistes soient-elles, ont leur place dans le débat public, au côté des faits scientifiquement établis - quand elles ne sont pas considérées comme des « thèses minoritaires », comme je l'ai entendu récemment sur France Inter.
Ce mélange des genres est dangereux, et ses conséquences peuvent être désastreuses, notamment pour la santé : d'aucuns expliquent que le cancer se soigne par le jeûne ou que les vaccins servent au contrôle mental des populations. Des charlatans abusent de certains pour leur vendre des pseudos thérapies ; sous prétexte de bien-être, ils mettent peu à peu leurs victimes sous emprise, les entraînant dans un engrenage sectaire. L'un d'entre eux a été récemment mis en examen, mais n'est-ce pas l'arbre qui cache la forêt ?
L'État est-il suffisamment armé pour lutter contre ce phénomène ? Notre position vis-à-vis de ces dérives sectaires, quasiment unique au monde, peut-elle être conciliée avec la législation européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Je vous remercie d'avoir participé aux Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Celles-ci touchent des dizaines de milliers de personnes chaque année.
Les assises ont beaucoup insisté sur la prévention. Comment nos compatriotes peuvent-ils placer sur le même plan un fait scientifique et des croyances ? Ma collègue Sarah El Haïry a pris des engagements forts en matière d'éducation à l'information ; cette éducation doit être adaptée à l'ère des réseaux sociaux. Un travail important sera mené avec les plateformes pour qu'elles ne soutiennent pas ces dérives.
En matière de santé, où les dérives explosent, ma collègue Agnès Firmin Le Bodo a annoncé un encadrement des pratiques non conventionnelles de soins. Nos compatriotes ont accès à un grand nombre de naturopathes, dont les pratiques ne sont absolument pas vérifiées. (Mme Sonia de La Provôté abonde.)
Enfin, il faut accompagner les victimes et punir plus sévèrement les gourous et charlatans. Nous devons renforcer notre arsenal pénal, et je compte sur le Sénat pour nous y aider. (Applaudissements sur des travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Dominique Vérien. - L'arsenal pénal est peut-être à renforcer, mais il faut aussi travailler sur l'emprise. La CEDH doit être convaincue qu'une personne sous emprise n'est pas libre. On a toute liberté de choisir sa religion, mais une sujétion peut être un danger mortel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Rachid Temal, Mickaël Vallet et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)
Réforme des retraites (II)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Hier, madame la Première ministre, vous avez dit aux députés que chacun devait assumer ses choix. Assumez donc les vôtres : coup de force antidémocratique et régression sociale.
Depuis deux mois, le peuple vous dit non ! Grèves et manifestations demeurent ce qu'elles ont toujours été : des outils du progrès social.
Hier, vous avez reproché avec nervosité à André Chassaigne d'opposer les légitimités de la rue et du Parlement. À vous qui aimez souligner votre passé de gauche, faut-il rappeler que c'est la rue qui a bâti les conquêtes sociales ? Sans remonter jusqu'à 1789 (murmures sur les travées du groupe Les Républicains), contestez-vous la légitimité des grèves de 1906, 1936 et 1968 et de tous les progrès qui en ont résulté ? Les victoires de 1995 contre la réforme Juppé et de 2006 contre le CPE n'ont-elles pas confirmé la force et la légitimité du mouvement social ?
Oui, il y a une légalité résultant de l'élection, mais aussi une légitimité sociale qui, aujourd'hui, s'impose à vous. Notre peuple refuse votre choix de société, un choix de droite et de classe.
L'union des droites, de Renaissance à LR, est électoralement minoritaire. Votre autoritarisme conjoint, que devrait confirmer la CMP d'aujourd'hui, est dangereux pour la démocratie. Nous ne vous laisserons pas faire ; nous ne lâcherons rien, y compris avec les moyens constitutionnels à notre disposition. (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Il y a quelque chose de grave à opposer systématiquement la légitimité de la rue à celle du Parlement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains) Il y a quelque chose de dangereux à tenter, par tous les moyens, de bloquer le débat. (Marques d'assentiment sur les mêmes travées ; protestations à gauche)
MM. Thomas Dossus et Hussein Bourgi. - C'est vous qui l'avez bloqué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - La gauche sénatoriale a revendiqué un seul objectif : empêcher un vote sur le texte. (Protestations à gauche) Elle n'a pas réussi : après de longs débats et l'examen de tous les articles, le projet de loi a été adopté à une large majorité.
M. Pierre Laurent. - Par un vote bloqué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Évidemment, j'aurais préféré plus d'idées et moins de postures. Mais vous en avez décidé autrement. C'est le fait unique de ce qui devient la Nupes sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; protestations vives et prolongées à gauche)
M. Vincent Éblé. - C'est vraiment tout petit !
M. Pierre Laurent. - Zéro !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je salue l'attitude responsable de la majorité sénatoriale. (Exclamations ironiques à gauche) Le texte a été enrichi de nombreuses propositions, notamment sur les pensions des femmes et l'emploi des seniors.
M. Hussein Bourgi. - Avez-vous vraiment besoin de lire vos fiches ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - De nombreux amendements déposés à l'Assemblée nationale ont aussi été repris.
Quand j'entends des parlementaires de la Nupes parler de prise d'otage à propos du processus démocratique en cours, j'y vois une entreprise de disqualification de nos institutions. Venant d'élus de la Nation, c'est insupportable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; vives protestations à gauche)
M. Pascal Savoldelli. - Vous voulez nous interdire ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour le travail parlementaire, qui se poursuit en ce moment même.
M. Hussein Bourgi. - Vous avez vraiment besoin de fiches pour dire cela ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je suis convaincue que le Sénat et l'Assemblée nationale peuvent s'accorder sur un projet qui garantira la retraite par répartition, réduira l'écart de pension entre les femmes et les hommes, fermera les principaux régimes spéciaux, améliorera l'emploi des seniors et protégera ceux qui sont usés par le travail.
M. Pascal Savoldelli. - Vous êtes plus durs avec nous qu'avec le RN : c'est grave !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nécessaire, cette réforme a été enrichie par votre assemblée. Le Gouvernement est mobilisé pour qu'une majorité la vote ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Comité national d'éthique dans le sport
Mme Samantha Cazebonne . - L'Institut de la jeunesse et de l'éducation populaire vient de rendre public un baromètre des pratiques sportives très encourageant : 60 % des Français ont pratiqué une activité physique une fois par semaine en moyenne au cours des douze derniers mois, soit six points de plus qu'en 2018.
Malheureusement, ces résultats ont pu être occultés par les profondes crises de gouvernance de certaines institutions du sport français, dont les fédérations françaises de rugby et de football.
Le sport est vecteur d'émancipation ; il réunit autour des valeurs d'équité, de respect, d'inclusion et de persévérance. Rien ne doit entacher le projet politique et sociétal dont il est porteur. Alors que la France se prépare à accueillir deux événements sportifs mondiaux majeurs, nous devons promouvoir des valeurs sportives irréprochables.
Dans cette perspective, un comité national vient d'être créé pour renforcer l'éthique dans le sport. Quels seront son fonctionnement, ses objectifs et ses missions ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Philippe Tabarot. - Question difficile ! Allô ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - En effet, les derniers mois ont été marqués par une série de crises, qui ont mis en lumière la nécessité d'améliorer la gouvernance du sport français.
Les errements dans certaines fédérations ne sauraient se reproduire, s'agissant d'organisations délégataires d'une mission de service public et responsables d'une partie de notre jeunesse. Mais ils ne doivent pas occulter les progrès dans la pratique sportive, ni l'engagement remarquable des éducateurs et bénévoles. Beaucoup de fédérations vont bien. Et la démocratie sportive progresse, notamment sous l'effet de la loi du 2 mars 2022, qui a instauré la parité des instances dirigeantes.
Il faut amplifier cette amélioration de la gouvernance : c'est le sens de ce comité national d'éthique, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana ; y siégeront des personnalités incontestables et diverses, dont Jean-François Lamour, Arsène Wenger, Stéphanie Frappart et Isabelle Autissier. Il me fera des propositions à l'automne pour une gouvernance du sport plus éthique, plus démocratique et plus protectrice, notamment contre les violences à caractère sexiste et sexuel. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Réforme des retraites (III)
M. Rémi Cardon . - (Applaudissements sur des travées du groupe SER) Hier, M. Dussopt a dit aux députés : pour atteindre le port, il faut un cap. Le vôtre serait : progrès, justice et équilibre pour nos retraites. Nous le cherchons toujours...
Les retraités ne verront jamais leurs 1 200 euros de pension minimale : voilà pour le progrès !
Les femmes continueront de toucher des pensions inférieures de 39 % à celles des hommes : voilà pour la justice !
Tous les efforts reposeront sur une seule génération, et le patronat ne sera jamais sollicité : voilà pour l'équilibre !
Nous ne partageons pas le même cap. Nous sommes des millions à refuser d'embarquer avec la droite sénatoriale sur votre radeau de la méduse. (Murmures sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Unis et unanimes, syndicats, travailleurs et manifestants ne lâcheront rien. Madame la Première ministre, pour qui et avec qui gouvernez-vous ? De façon mortifère, vous préparez le terrain à la prise du pouvoir par le RN : êtes-vous inconscients ou irresponsables ? (Quelques sénateurs du groupe SER applaudissent ; protestations sur des travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Nous sommes convaincus que notre réforme a une majorité : elle peut être votée par toutes celles et tous ceux qui veulent préserver le système par répartition, protéger les carrières longues et ceux qui sont les plus exposés à la pénibilité, améliorer l'emploi des seniors et revaloriser les petites retraites. (On le nie à gauche.)
La gauche, aujourd'hui, est déconnectée des classes populaires. (Exclamations à gauche) Grâce à cette réforme, 1,8 million de retraités bénéficieront d'une revalorisation mensuelle de 25 à 100 euros ; pour la moitié, cette revalorisation sera supérieure à 70 euros. Si vous considérez que, pour des retraités qui touchent 800 ou 1 000 euros par mois, cela n'est rien, c'est que vous avez perdu le sens de la réalité.
L'irresponsabilité est dans votre camp, car vous ne faites rien alors que notre système s'écroule. (On le conteste à gauche.) Pendant le débat, dont vous n'avez visiblement pas retenu grand-chose, vous avez tenu des propos assez outranciers, comme à l'instant : c'est la preuve que la mélenchonisation des esprits vous gagne, comme l'ensemble de la gauche française ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; vives protestations à gauche)
M. Thomas Dossus. - Ça vous obsède !
M. Rémi Cardon. - Monsieur Dussopt,...
Plusieurs voix à droite. - Monsieur le ministre !
M. Rémi Cardon. - Monsieur le ministre, gouverner contre le peuple est dangereux pour la démocratie. Le groupe SER demandera un référendum d'initiative parlementaire pour sauver la démocratie et la République de vos bâillons ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER ; nombreuses marques d'indignation sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDPI)
M. Max Brisson. - N'importe quoi !
Prix du logement
M. Marc-Philippe Daubresse . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La récente publication des chiffres de la construction neuve pour 2022 confirme que la situation est catastrophique : moins 25 % pour la promotion privée, moins 30 % pour la construction individuelle, 350 000 unités prévues en 2023 alors que, du temps du plan Borloo, nous étions à 486 000... Des faillites en cascade sont attendues. Votre funeste réforme des APL (aides personnalisées au logement) a asséché les finances des organismes HLM, nous sommes depuis trois ans en dessous des 100 000 logements sociaux. Sans parler du ZAN (zéro artificialisation nette), que le Sénat tente de corriger.
Avez-vous prévu un plan de relance de la construction neuve, comme nous l'avions fait sous les présidences Chirac et Sarkozy ? Ou des mesures fiscales exceptionnelles, comme sous le gouvernement Fillon ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Voici des chiffres récents : les autorisations augmentent de 3 % en 2022 pour atteindre plus de 480 000, un niveau inconnu depuis six ans (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste), mais les mises en chantier baissent de 3 %, à 376 000. Les refus de prêts augmentent fortement, avec la hausse des taux d'intérêt et du coût de la construction. La demande baisse de 39 % au dernier trimestre.
Nous avons réformé le taux d'usure, pour agir rapidement.
Le CNR (Conseil national de la refondation) logement, qui se termine en avril, devrait proposer des réformes structurelles, en lien avec les élus. Le Président de la République souhaite ouvrir le chantier de la décentralisation des politiques du logement (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste), dans un dialogue franc avec les collectivités territoriales. Changement des zonages, décentralisation des dispositifs, soutien aux maires bâtisseurs, nous y travaillons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Révisez vos chiffres, monsieur le ministre (Mme Frédérique Puissat applaudit) : le nombre de permis de construire a baissé de 25 % au dernier trimestre 2022 par rapport à l'année précédente. Rapporté au nombre de ménages, c'est le plus bas chiffre depuis 1951 ; à l'époque, cela avait donné l'appel de l'abbé Pierre... Vous sous-estimez le problème, réveillez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées du groupe SER)
Action de la France en Haïti
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Haïti pleurant tous les jours ses morts et ses blessés ; Haïti affamée, livrée aux mains des gangs ; Haïti assistant au viol de ses femmes, où les enfants sont recrutés par des groupes armés ; Haïti sans gouvernement, sans État, qui s'enfonce dans le chaos, sans que la France ne dise un mot.
Nous avons pourtant une dette morale envers Haïti, François Hollande l'a dit en 2015. Première colonie noire à prendre son indépendance, en 1804, Haïti a ouvert le chemin, mais s'est affaibli par le fardeau indigne d'une dette insoutenable pour acheter sa liberté.
La résolution des Nations unies d'octobre dernier est un premier pas symbolique, mais elle ne saurait justifier notre inaction collective.
Alors que le Canada a choisi une politique active, que fait la France ? Et l'Europe ? Il faut plus que des sanctions face au massacre des Haïtiens : organiser la coopération dans le bassin caribéen et envoyer une force de maintien de la paix. Depuis l'assassinat du président Moïse, en 2017, le pays n'a plus de gouvernement. Combien de morts, combien de viols, avant d'agir ? (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - Veuillez excuser l'absence de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Nous sommes d'accord : la situation en Haïti est très grave, sur les plans humanitaire, sécuritaire et politique. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur l'inaction de la France. Aux côtés des États-Unis et du Canada, elle soutient la police nationale haïtienne ; elle apporte une aide de 8,5 millions d'euros, dont 5 millions d'aide alimentaire directe ; elle a été active à l'ONU pour faire adopter la résolution 2653, qui inflige des sanctions aux criminels ; elle envisage d'apporter un soutien matériel à une éventuelle force internationale d'appui à la police nationale.
La sortie de crise implique un accord inclusif entre acteurs politiques. La création du Haut Conseil de transition permet d'envisager des élections, comme prévu dans le document de consensus national du 21 décembre dernier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Conconne. - Je déplore la très grande discrétion de vos actions ; mais il est vrai que Haïti n'a ni pétrole ni gaz... (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Grève des éboueurs à Paris
Mme Catherine Dumas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plus d'une semaine, Paris est submergée par une montagne de déchets (marques d'agacement à gauche) : 7 000 tonnes de poubelles non ramassées et une grève annoncée jusqu'au 20 mars ! La présence des rats, les « surmulots » comme on les appelle à Paris, aggrave la situation sanitaire. Les Parisiens sont en colère, mais Mme Hidalgo, loin de s'en émouvoir, annonce son soutien total au mouvement social. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
La cheffe de file de l'opposition, Mme Rachida Dati (« Ah ! » à gauche), vous a saisi hier, monsieur le ministre de l'intérieur. Le préfet de police a donc demandé à la mairie de Paris que les moyens matériels et humains nécessaires soient réquisitionnés. En réponse ce matin, le premier adjoint de Mme Hidalgo affirme que le Gouvernement est responsable de cette situation. (On le confirme à gauche.) Quel déni ! Quelle mauvaise volonté !
Quand l'État se substituera-t-il à la mairie de Paris pour faire ramasser ces déchets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon et Mme Évelyne Perrot applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Après neuf jours de grève, chacun, Parisien d'occasion ou d'habitude, constate l'amoncellement de poubelles à Paris. Il y va de la sécurité et de la salubrité publiques. Ancien élu, je connais ces désagréments.
Au nom de la salubrité publique, après avoir été saisi par Mme Dati et des élus de tous bords, j'ai demandé à Mme Hidalgo de faire ce que la loi permet : réquisitionner pour enlever et incinérer les déchets - il en avait été ainsi lors de l'examen de la loi Travail.
J'attends sa réponse écrite. S'il était confirmé ce soir que la mairie de Paris ne prend pas ses responsabilités, le préfet de police de Paris procédera aux réquisitions. Les Parisiens, qu'ils soient pour ou contre la réforme, l'en remercieront. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Catherine Dumas. - À chaque grève, Paris s'enfonce un peu plus dans l'insalubrité. À 500 jours des JOP, l'image de Paris est écornée, les observateurs extérieurs sont sidérés. Il est grand temps d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Vente du Stade de France
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vous avez annoncé, madame la ministre des sports, que l'État travaillait à la cession ou au renouvellement de la concession du Stade de France. Le Gouvernement n'a pas encore arrêté son choix. La Direction du Trésor a donc engagé deux procédures parallèles, mais les objectifs du Gouvernement ne sont pas clairs.
Que souhaitent les fédérations de football et de rugby, principales utilisatrices du stade ? Qu'en est-il de l'athlétisme, qui n'apparaît plus dans les consultations ? Sur quels critères choisiriez-vous la cession ? L'État français est-il prêt à vendre le Stade de France à une structure appartenant à un État étranger, alors qu'il s'agit depuis la Coupe du monde de football de 1998 d'un emblème du sport français ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - La concession actuelle court jusqu'à l'été 2025. D'ici là, le Gouvernement souhaite faire émerger le meilleur projet de long terme, avec une double exigence : préserver la vocation sportive du stade, mais aussi les intérêts économiques et financiers de l'État.
Les fédérations sont libres de candidater, de s'associer à un candidat et de négocier les conditions d'utilisation du stade, dans le respect de l'équité et du droit de la concurrence.
Tous les grands événements internationaux doivent pouvoir être accueillis, y compris l'athlétisme.
Deux critères ont été retenus : un critère relatif à l'avantage économique global pour l'État et un critère commercial et technique, relatif à l'amélioration de l'accueil et à l'attractivité du stade dans son territoire.
Enfin, nous ne pourrions écarter par principe un investisseur étranger qui répondrait aux conditions protectrices fixées par la loi, qu'il investisse seul ou au sein d'un groupement.
Nous travaillons à un projet ambitieux, de long terme, à la hauteur de la place qu'occupe ce stade dans le récit sportif national et qui réponde aux attentes des élus et des habitants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Capacité des hôpitaux pendant les JO
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Cinq cents jours : voilà ce qui nous sépare de la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). La parade nautique de 6 km de long est un lourd défi en termes de sécurité, et le budget semble de plus en plus difficile à tenir. Nous n'avons pas droit à l'erreur.
Mais qu'en est-il de la situation et de la capacité d'accueil des hôpitaux ? Les 15 000 athlètes et leurs accompagnateurs bénéficieront d'un centre de santé dédié, mais quid des dix millions de visiteurs attendus, alors que nos hôpitaux parisiens fonctionnent déjà difficilement, que les urgences sont débordées et les équipes médicales réduites l'été ? Gouverner, c'est prévoir : qu'avez-vous prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Le Gouvernement est totalement mobilisé pour faire de la Coupe du monde de rugby et des JOP de grandes fêtes sportives.
Pendant le déroulement des épreuves, mon ministère assurera l'accès aux soins dans tous les territoires concernés : Île-de-France, Hauts-de-France, Paca. Nous mobilisons le public, le privé, la médecine libérale, en anticipant une augmentation de la fréquentation de 5 %. Nous serons attentifs à la prise en charge des touristes, avec des capacités de traduction. Il faudra aussi des parcours de soins identifiés, en particulier pour les sportifs et les personnes en situation de handicap.
Les risques climatiques, infectieux, NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) et de cyberattaque ont été bien anticipés.
Enfin, nous avons à coeur l'héritage du sport-santé des JOP. Le Président de la République a annoncé que le sport serait grande cause nationale en 2024. La prévention, axe fort de mon ministère, permettra d'améliorer l'état de santé globale de nos concitoyens.
Mme Frédérique Puissat. - Le personnel de santé s'inquiète. Ma question est donc légitime, mais aussi préventive, au regard du fiasco de la finale de la Ligue des Champions. Soyons sur le podium pour l'organisation de la santé pendant les JOP, autour des épreuves, mais aussi au quotidien sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Réforme de la PJ
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre de l'intérieur, le 3 mars dernier, vous répondiez aux inquiétudes concernant la police judiciaire (PJ), sans même attendre la parution du rapport du Sénat.
La mission que j'ai menée avec Nadine Bellurot émettait pourtant 22 recommandations, adoptées à l'unanimité, pour vous aider à faire cette réforme nécessaire. Mais vous avez voulu aller vite, et vous n'avez pas rassuré les PJistes, pas plus que les magistrats et les avocats, qui manifesteront demain.
Surtout, vous n'avez répondu à aucun des quatre rapports sur le sujet : les inspections dénonçaient l'insuffisance du cadrage de l'expérimentation ; Philippe Dominati invitait à ne pas déshabiller la PJ ; Ugo Bernalicis craignait une mise à mal de son indépendance ; le Sénat demandait un moratoire jusqu'aux jeux Olympiques afin de ne pas fragiliser notre appareil sécuritaire avant 2024.
Pourquoi ne pas avoir suivi nos recommandations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Cette réforme est très importante, la première aussi structurante depuis soixante ans. Évidemment, cela bouscule les habitudes.
Le Sénat, dans sa majorité, a adopté cette réforme en votant la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), coconstruite ensemble.
Vous dites que nous n'avons pas pris connaissance de vos propositions, mais c'est faux : j'ai refusé d'attendre la fin des jeux Olympiques pour mettre en oeuvre cette réforme travaillée par le ministre Joxe - cela ne nous rajeunit pas (M. Alain Richard le confirme en souriant) -, et déjà imaginée par mes prédécesseurs. J'y travaille depuis deux ans et demi.
Nous suivons toutes vos autres recommandations : la formation particulière des directeurs départementaux de la police nationale (DDPN) est prévue ; leur évaluation se fera avec les procureurs de la République ; les magistrats pourront saisir les services d'enquête ; une mission sur le stock des procédures en attente est en cours ; les moyens spécialisés des directions départementales sont conservés ; les magistrats pourront saisir directement les offices centraux...
M. le président. - Il faut conclure.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous le voyez, je ne puis citer toutes les bonnes recommandations que nous suivons... (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. Jérôme Durain. - Sans PJ, pas de lutte efficace contre la drogue ou la criminalité organisée économique et financière. La dilution de l'expertise de la PJ, le « tout-voie publique », le rétrécissement départemental et la prééminence de l'administratif sur le judiciaire sont des impasses. Pour la sécurité des Français, sauvez la PJ ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Nombre de communes
M. Bruno Sido . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans son dernier rapport, la Cour des comptes préconise la réduction du nombre de communes, notamment des plus petites. Mais le fait communal et le fait départemental précèdent le fait républicain. La loi Marcellin de 1971 a voulu fusionner les communes, sans grand succès : aucune fusion dans le propre département de M. Marcellin ! Sur les 200 communes de Haute-Marne qui ont fusionné, la moitié a divorcé l'année suivante. Aujourd'hui, on attaque les communes pour assainir les finances de l'État...
Quelle est votre position sur les préconisations de la Cour des comptes, rarement suivies par les gouvernements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Mme Deroche et MM. Piednoir, Bigot et Capus vous le confirmeront : le Maine-et-Loire est le département qui a connu le plus de fusions - 48 % des communes s'y sont engagées, leur nombre passant de 358 à 186. Ne plaquons pas de modèle national : je ne crois qu'aux mariages d'amour. (Sourires)
On comptait 44 000 communes en 1790, 38 000 en 1960, 34 000 aujourd'hui. Depuis 2014, il n'y a eu que 235 fusions. Les propositions de loi Gatel et Sido ont cherché à définir un statut intermédiaire. (M. Loïc Hervé le confirme.)
Rien ne se fera sous la contrainte. L'intercommunalité ne fonctionne qu'avec une conférence des maires et un pacte de gouvernance. Les mutualisations doivent être au service de la vie quotidienne des habitants et d'un meilleur usage des deniers publics. Les modes d'association doivent être différenciés, en faisant confiance aux élus et en s'adaptant à l'histoire et aux réalités locales.
M. Bruno Sido. - Les Français sont plus que jamais attachés à leur commune. Crise des gilets jaunes et crise sanitaire sont passées par là. Nos 500 000 élus sont bénévoles. Souvenons-nous du couple maire-préfet : M. Castex parlait des maires comme des piliers de la République. Et aujourd'hui, on voudrait les sacrifier au nom des finances publiques ?
Vous ne m'avez pas convaincu. Aussi je répète ma question : allez-vous faire payer aux petites communes le laxisme budgétaire du Gouvernement, en les supprimant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Prix de l'électricité
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En l'espace d'un an, la question du coût de l'énergie est devenue cruciale pour nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités locales. La loi du 16 août 2022 prévoit que le prix de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) ne peut être inférieur à 49,50 euros le mégawattheure (MWh). Mais le Gouvernement veut soumettre ce prix largement inférieur au marché à la Commission européenne. Vous n'écoutez pas le Conseil d'État, qui vous dit que c'est inutile, mais n'avez toujours pas sollicité la Commission européenne. Pourquoi cette surdité gouvernementale, mâtinée d'une étonnante procrastination ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Je vais essayer de vous répondre pour Mme Pannier-Runacher, retenue à l'Assemblée nationale, avec les éléments dont je dispose.
Le Gouvernement français est mobilisé pour notre mix énergétique et la réforme du marché européen de l'énergie. Nous investissons 4 à 5 milliards d'euros par an dans le nucléaire via EDF, 50 milliards depuis 2015 pour le grand carénage, autant pour les futurs EPR2. L'État n'a pas lésiné : nous avons recapitalisé deux fois EDF, à hauteur de 4 milliards en 2017 et de 3 milliards en 2022. Il continuera d'être au rendez-vous.
Les Français sont protégés face à la hausse des prix de l'énergie par l'Arenh, quoi qu'en dise le Conseil d'État, par le bouclier tarifaire et par les aides énergétiques.
Sur la réforme du marché européen, nous n'avons rien lâché. Après un an de travail, la proposition de la Commission européenne reprend trois de nos revendications : une électricité à un prix proche du coût de production national, l'éligibilité du nucléaire et celle des installations existantes. C'est une bonne base de travail, et nous espérons une adoption dans l'année. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Piednoir. - L'implication du Gouvernement en faveur de la filière nucléaire est récente. Les moyens de notre outil industriel doivent être consolidés : EDF fait face à une dette de 64 milliards d'euros et un mur d'investissements. Pour Luc Rémond, l'avenir d'EDF n'est pas assuré si le prix de l'Arenh reste à 42 euros le MWh. Mme Pannier-Runacher reconnaît elle-même que le coût de production est autour de 58 euros : l'écart est trop grand ! Ne piétinez pas les décisions du Parlement et saisissez-vous du véhicule législatif en cours d'examen à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Défense extérieure contre l'incendie et territoires ruraux
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l'incendie à la réalité des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues.
Discussion générale
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi . - (Mme Anne-Catherine Loisier applaudit.) Cette proposition de loi est le fruit des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, initiés à la demande du Président du Sénat qui rappelait qu'il n'est pas normal que la quasi-totalité de l'investissement des communes soit consacrée à la défense extérieure contre l'incendie (Deci). Franck Montaugé et moi-même avions publié en juillet 2021 un rapport intitulé Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires. Le Sénat en avait débattu le 5 janvier 2022, à la demande de la délégation et de sa présidente Françoise Gatel, que je remercie.
Nous avions alors constaté que Gouvernement n'était pas conscient des difficultés, d'où notre proposition de loi. L'article 32 de la loi 3DS, à l'initiative du Sénat, prévoyait un rapport d'évaluation de l'impact de la Deci sur les communes. Si le Gouvernement ne l'a jamais remis formellement, j'en ai reçu une copie. Bien qu'il n'ait été élaboré qu'avec les préfets et sans consulter les maires, ce document confirme largement nos conclusions.
La loi du 17 mai 2011 a substitué à la réglementation nationale une réglementation départementale établie par le préfet en concertation avec les élus locaux, pour mieux répondre aux spécificités des territoires. Comme le souligne l'excellent rapport de Loïc Hervé, cette réforme était attendue de longue date. Hélas, douze ans après, elle n'a pas répondu aux attentes.
La consultation prévue par le décret de 2015 a été mise en oeuvre très inégalement : 70 % des maires la jugent insatisfaisante. S'ajoute l'absence d'évaluation de la mise en oeuvre locale des règles de Deci et de leurs conséquences financières pour les communes.
Ainsi, les règlements ne répondent pas toujours aux spécificités infra-départementales et ne sont pas proportionnés à la réalité des risques. Dans l'Eure, la règle, très stricte, impose une distance de 200 m entre toute habitation et un point d'eau incendie, tant en zone urbaine que rurale. Le rapport du Gouvernement considère pourtant qu'on ne peut demander à des communes peu peuplées de disposer d'une couverture de Deci identique à celle des communes urbaines. Et pourtant ! Il invite même à envisager l'absence de couverture, plutôt qu'une « Deci coûteuse et pénalisante pour assurer la couverture incendie d'un bâti à risque très faible », alors que le poids pour les finances des communes est considérable - plusieurs centaines de milliers d'euros. Ainsi de la commune des Bottereaux, dans l'Eure : 380 habitants, un budget d'investissement de 200 000 euros, et des travaux de mise aux normes estimés à 3,6 millions d'euros !
Pour y faire face, les maires sont donc contraints de renoncer à d'autres investissements qui pourtant bénéficieraient davantage à la population et aux entreprises locales, voire à refuser toute autorisation d'urbanisme, enclenchant le cercle vicieux de baisse de population, de ressources et de fermeture d'écoles.
Si certains préfets ont modifié le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI), comme en Seine-Maritime, ce n'est pas le cas partout. Il faut donc une réponse législative. C'est l'objet de cette proposition de loi, enrichie par le rapporteur et la commission.
Ainsi, le règlement deviendra un volet du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (Sdacr). La consultation des élus dans le cadre de son élaboration sera renforcée et élargie. Le préfet devra recueillir l'avis des communes et des intercommunalités compétentes, et une évaluation préalable objectivera les difficultés.
En outre, le règlement départemental n'étant pas figé, il doit pouvoir être modifié à l'issue du vote de cette proposition de loi, s'il n'a pas été révisé dans les cinq dernières années.
Les règles devront respecter plusieurs principes : l'adaptation aux spécificités du territoire, au niveau infra-départemental ; l'équilibre entre les moyens des communes et ceux des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ; la prise en compte de l'impact budgétaire sur les finances communales.
Le règlement départemental de RDDECI ne doit pas être la variable d'ajustement des moyens des Sdis, mais doit éviter de faire peser des investissements disproportionnés sur les collectivités.
Enfin, ce texte crée une commission départementale chargée du suivi de l'application de ces règlements, souhaitée par le ministre de l'intérieur. Composée de maires, elle évaluera les conséquences en matière budgétaire, d'urbanisme et de développement économique, et pourra proposer au préfet des modifications du règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois . - La question est la suivante : la défense contre les incendies est-elle suffisamment grave pour n'être confiée qu'à ceux qui ont la maîtrise de l'art ?
Les communes rurales connaissent le problème lancinant de la Deci.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le répertoire de nos questions écrites illustre les velléités de l'État sur ce sujet, devenu un irritant pour les maires ruraux.
M. François Bonhomme. - Un de plus !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Hervé Maurey, très mobilisé sur ce sujet et coauteur avec Franck Montaugé d'un rapport d'information, nous propose d'avancer avec cette proposition de loi.
La loi Warsmann de 2011 avait pourtant révisé le cadre juridique, avec le RDDECI, arrêté par le préfet de département après consultation des maires et avis du conseil d'administration du Sdis. Ce règlement départemental doit tenir compte du référentiel national (RNDECI), qui s'impose à tous.
Outre le délai, jugé excessif, de mise en application de cette réforme, les difficultés des communes demeurent : une concertation avec les élus jugée inégale ; une couverture du risque défaillante ; une inadéquation entre les prescriptions et les risques réels, faute d'évaluation et d'adaptation aux spécificités locales. Qui ne connaît pas la tristement célèbre règle des 200 ou 400 m, qui était déjà au coeur des sénatoriales de 2020 ? Le coût financier pèse sur le budget mais aussi sur le développement économique, quand une autorisation d'urbanisme ne peut être délivrée faute de couverture du risque incendie.
La commission a simplifié et renforcé le dispositif en faisant du RDDECI un volet à part entière du Sdacr. Il était incongru que les deux documents coexistent, sans articulation entre eux.
Or la prise en compte des moyens et des difficultés des communes en matière de Deci doit être un élément de la stratégie des Sdis, a fortiori dans un contexte de changement climatique qui expose à des risques accrus. Le Sdacr doit adapter ses prescriptions en fonction des forces et faiblesses de la Deci dans un département.
La conformité des arrêtés communaux et intercommunaux avec ce volet Deci du Sdacr, qui porterait donc règlement départemental, serait une mesure de simplification.
Nous nous inspirons de la procédure d'adoption du règlement départemental, avec une consultation élargie, pour avis, du conseil départemental et des conseils municipaux ou intercommunaux. Le principe d'une révision concomitante du Sdacr et de son volet Deci serait conservé.
La commission a également adopté un amendement d'Hervé Maurey créant une commission départementale de suivi, constituée d'élus. Elle publierait un rapport annuel et formulerait le cas échéant des propositions d'évolutions. Cela me semble consensuel, et offrirait aux élus un espace d'écoute et de dialogue. Nous prévoyons même une incompatibilité entre siéger à la commission départementale et au conseil d'administration du Sdis, pour garantir un véritable échange.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Enfin, le rapport annuel de cette commission, sur décision du conseil d'administration du Sdis, pourra faire fonction d'évaluation préalable avant la révision du Sdacr. Elle gagne donc un rôle majeur dans l'élaboration du volet Deci du Sdacr, tout en simplifiant les procédures.
Ce texte est équilibré, pragmatique et consensuel. Je remercie ceux qui, sur tous les bancs, ont contribué à cette amélioration. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et INDEP)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Cette proposition de loi résulte, notamment, du rapport d'information réalisé au nom de la délégation aux collectivités territoriales, que je salue.
La Deci date de la fin du XIXe siècle. Responsabilité ancienne des maires, elle a pour objet d'assurer l'alimentation en eau des services d'incendie et de secours (SIS) et participe de leurs bonnes conditions d'intervention. Il y va de la sécurité des populations, et de celle des sapeurs-pompiers engagés.
Il faut concilier ces impératifs absolus avec une organisation et un financement réalistes et adaptés au terrain.
La Deci s'inscrit, en outre, dans un contexte climatique défavorable. Les feux menacent désormais toute la France : cet été, un feu de chaume et de bosquets, sur 90 ha, a détruit des habitations dans l'Essonne...
M. Jean-Raymond Hugonet. - Absolument !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Cette proposition de loi suit la révision du cadre législatif et réglementaire achevée en 2015, qui a remplacé des circulaires datant des années 1950. La Deci n'est plus nationale, mais décentralisée. Ainsi les volumes et distances des points d'eau incendie (PEI) sont précisés dans le RDDECI, arrêté par le préfet après avoir été élaboré par le SIS, en concertation obligatoire avec les maires. Il doit être cohérent avec le règlement opérationnel du SIS et le Sdacr.
Nous avons évolué vers plus de décentralisation et une meilleure prise en compte des spécificités locales, mais le dispositif reste perfectible. Les élus restent souvent sans appui sur ce sujet complexe.
La proposition de loi améliore l'articulation entre le RDDECI et le Sdacr et instaure une consultation des maires avant l'élaboration de ce même règlement. Je souscris à ces mesures, mais vous propose de les mettre en oeuvre par voie réglementaire.
Votre article 1er transforme la nature même du Sdacr en créant un volet prescriptif consacré à la Deci. Or ce schéma doit rester un document stratégique, et non opposable. La distinction entre le Sdacr, document d'analyse et d'orientation, et le RDDECI, texte réglementaire spécifique à la défense contre l'incendie, est pertinente.
À l'article 2, nous rejoignons votre constat d'une insuffisante concertation dans certains territoires. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'instituer par la loi une nouvelle commission, alors que tous partagent le constat d'un trop grand nombre d'instances de ce type.
Je vous propose donc que le Gouvernement fasse évoluer le dispositif dans l'esprit qui est proposé ici, pour un lancement avant l'été 2023. Ce plan d'action comprend deux mesures directement inspirées de la proposition de loi, que nous pourrions travailler avec Hervé Maurey et Loïc Hervé.
Ainsi, je propose que la Deci soit discutée au sein d'une instance départementale existante, la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), dont nous élargirions les compétences par décret. Je m'engage à le faire rapidement.
Deuxièmement, je propose de lier, par voie réglementaire, RDDECI et Sdacr, sans toutefois donner de portée réglementaire à ce dernier.
Nous allons produire un guide de bonnes pratiques à destination des SIS sur le déploiement de la Deci, pour favoriser le développement des schémas communaux et intercommunaux.
Enfin, nous améliorerons la synergie entre les règlements d'urbanisme et la Deci, sous la forme d'un référentiel technique.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à cette proposition de loi. (M. François-Noël Buffet le déplore.) En lieu et place, nous vous proposons ce plan d'action. Comptez sur ma détermination.
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Semaine bobologie au Sénat : traitement des urticaires et irritants, du ZAN à la défense incendie.
ZAN et Deci, c'est le blocage de toute velléité de construction, le découragement, le renoncement, et à la clé, la chute de la population, la fermeture des commerces et des écoles dans nos territoires ruraux...
Je remercie Hervé Maurey et Franck Montaugé pour leur rapport, la présidente Françoise Gatel, notre bonne fée des collectivités territoriales (sourires ; Mme Françoise Gatel se récrie), et le rapporteur Loïc Hervé.
Le constat est sans appel. La réforme de 2011 n'a pas tenu ses promesses : 70 % des maires considèrent que la concertation n'a pas été suffisante ; 81 %, que leur territoire n'est que partiellement couvert - un habitant sur trois serait hors du champ !
Depuis 2011, les communes restent soumises au règlement départemental de Deci tout en contribuant à son financement. L'évaluation procède d'un document distinct, le Sdacr. Le décalage est parfois total entre ces documents et les réalités du terrain - on a parlé de la règle des 200 ou 400 m. Les coûts sont tels qu'ils absorbent l'essentiel de la DETR. La concertation des élus est insuffisante, et surtout inégale.
M. François Bonhomme. - C'est laconique !
Mme Nathalie Goulet. - Ce constat appelait une réforme. L'intégration du RDDECI au Sdacr est un effort de simplification bienvenu, et la création d'une commission départementale de suivi garantit une meilleure association des élus à la gouvernance.
Mme la ministre nous promet d'avancer par voie réglementaire, mais il faut bien une loi pour modifier des dispositifs légaux !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Absolument !
Mme Nathalie Goulet. - Certes, cela suppose une adoption à l'Assemblée nationale... Mais rien ne vous empêche de prendre une circulaire en attendant. Plus on facilitera la vie des territoires ruraux, mieux ça ira !
Lors de la discussion budgétaire, le Gouvernement a écarté des amendements de bon sens de notre collègue Anne-Catherine Loisier sur l'entretien des forêts. Gestion des espaces forestiers et risque incendie sont pourtant intrinsèquement liés. Il faudrait travailler avec Bercy et le ministère en charge des forêts à des mesures adaptées, en amont du prochain projet de loi de finances. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
Notre groupe votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
Mme Nathalie Delattre . - Les incendies de cet été ont durablement marqué les esprits, notamment en Gironde : la prise de conscience a été abrupte, alors que le dérèglement climatique va démultiplier les risques, exigeant de nouveaux moyens matériels et humains. Une proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie sera prochainement examinée au Sénat : nous sommes dans l'anticipation.
Mais parlons planification et outils juridiques. Je salue les auteurs de cette proposition de loi. Nous avions débattu en janvier 2022 sur les conclusions du rapport d'information. Celui-ci soulignait que de nombreux maires n'étaient pas en capacité de s'approprier la Deci, faute de compétences techniques. Éric Gold rappelait alors la complexité des règles, inadaptées aux réalités de nos communes.
Nous devons simplifier les outils et les rendre plus cohérents. Loïc Hervé a mené un travail d'orfèvre en ce sens. Il propose d'intégrer le RDDECI au Sdacr, pour assurer la concomitance des deux documents : c'est un gage d'efficacité.
Le groupe RDSE votera unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et INDEP)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Kristina Pluchet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires : voilà la difficile mission de la Deci. Dans l'Eure, toutes les semaines, je constate l'impossibilité de mettre en oeuvre le RDDECI dans les communes, pour des raisons de complexité ou de coût. Il faut un PEI tous les 200 m : manque de débit, absence de foncier disponible, siphonage des budgets communaux, blocage des permis de construire - et donc conflit avec les habitants. Voilà l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les élus, avec la crainte de l'engagement de la responsabilité de la commune en cas de sinistre.
La création des RDDECI, qui se voulaient au plus près des territoires, a manqué sa cible.
Le rapport d'évaluation du Gouvernement de juin 2022 reconnaît les dysfonctionnements et les crispations, et préconise une révision et une adaptation des règlements au niveau infra-départemental.
L'Eure, déjà citée, est la parfaite illustration d'une Deci coûteuse et pénalisante, qui plus est souvent inopérante. Le montant des dossiers DETR sur ce sujet est vingt fois supérieur à la moyenne, pour un résultat très en deçà des objectifs du RDDECI.
D'autres départements ont trouvé des solutions : dérogations, évolution des doctrines ou révision de leur RDDECI. Il faut une Deci déconcentrée et évolutive, avec une concertation périodique des élus pour trouver des issues en cas de règlement trop uniforme et trop rigide.
Je salue l'intégration du RDDECI dans le Sdacr et l'obligation de révision dans l'année. Il faut prendre en compte la disponibilité de la ressource et les capacités budgétaires des communes. (M. Loïc Hervé acquiesce.) Enfin, la récurrence des feux invite à repenser notre modèle de défense incendie. Je voterai ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)
M. Pierre-Jean Verzelen . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La Deci est parfois mal identifiée, mal comprise, alors que c'est un enjeu essentiel de sécurité publique. La responsabilité incombe au maire ; ce travail doit se faire main dans la main avec les Sdis.
Jusqu'en 2011, la Deci relevait d'une logique nationale, et était très éloignée du terrain. Comme maire et président de Sdis, j'ai apprécié de pouvoir élaborer des documents départementaux, mais les résultats sont inégaux selon les départements. Dans les communes rurales, les moyens manquent pour élaborer un document si complexe.
La réforme n'a pas eu tous les effets escomptés. Les maires estiment ne pas avoir été assez associés à l'élaboration des règles. Le volet financier n'est pas satisfaisant : pour une commune composée de nombreux hameaux, les coûts sont intenables. Il faudrait peut-être des financements déplafonnés à hauteur de 100 %, comme cela existe pour les investissements dans le patrimoine ?
Cette proposition de loi, modifiée par la commission, apportera une plus grande souplesse. La commission départementale et l'évaluation préalable offriront plus de cohérence dans la couverture des risques. Le groupe INDEP votera ce texte qui répond aux attentes des élus locaux, mais sans perdre de vue l'objectif premier de la Deci qui reste la sécurité publique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Monique de Marco . - Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), plus de 80 % de nos nappes phréatiques ont un niveau inférieur à la moyenne, et 40 % un niveau bas ou très bas. La situation ne va pas s'améliorer, et le renouveau végétal est trop faible. Cela laisse augurer un été 2023 encore plus sec que le fut l'été 2022, ce qui n'est pas sans incidence sur le risque incendie. La Gironde en a fait la douloureuse expérience l'été dernier. C'est dans cet état de vigilance que nous abordons l'examen de cette proposition de loi.
Le nouveau cadre de la Deci mis en place en 2011 n'est pas satisfaisant : faible mise en conformité des communes, déficit de concertation lors de l'élaboration des RDDECI, coûts trop importants. La création et l'entretien des PEI et des réseaux afférents représentent des charges exorbitantes pour les petites communes.
Cette proposition de loi ne contient aucun instrument financier. Sans plan national d'accompagnement financier pour ce qui a trait à la compétence communale de l'eau, toute initiative sera vaine. Or Mme la ministre n'a pas abordé le sujet...
Les impacts du texte sont difficiles à évaluer. Certes, la mise en place de commissions consultatives dédiées et l'obligation d'information des communes en amont vont dans le bon sens. En revanche, la possibilité pour les communes de déroger aux normes de sécurité prévues par le référentiel national risque de favoriser la délivrance de permis de construire en zone non sécurisée... Attention à ne pas affaiblir leurs capacités d'action. L'évaluation préalable des coûts servira à justifier les dérogations pour les communes moins exposées au risque incendie, mais qu'en sera-t-il demain ? Nous faisons courir des risques aux générations futures. Nous défendrons un amendement sur ce point.
Nous proposerons également de faire l'inventaire des points d'eau incendie privatifs, comme les piscines, pour les intégrer aux schémas communaux et les substituer aux bornes communales.
En l'état actuel du texte, nous nous abstiendrons.
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte s'inspire du rapport de 2021 de MM. Maurey et Montaugé, qui formulait des recommandations pour une meilleure application de la Deci dans les territoires ruraux.
Dans sa première mouture, le texte prévoyait une révision du RDDECI dans les six mois suivant la promulgation de la loi, ainsi qu'une meilleure concertation des élus et une évaluation des conséquences financières, urbanistiques et économiques.
La commission des lois l'a remanié et a fait fusionner RDDECI et Sdacr, en faisant du premier un volet du second. Elle a également voté la création d'une commission départementale de suivi chargée de procéder à l'évaluation régulière de la couverture des risques et d'adresser au préfet des propositions d'évolution.
L'ambition du texte est louable, au regard des difficultés rencontrées par les maires et de l'accroissement du risque incendie. Nous sommes toutefois partagés sur la méthode, certaines mesures relevant plutôt du domaine réglementaire, et sur la fusion entre Sdacr et RDDECI, deux dispositifs de nature et de finalité différentes. Ce débat trouvera mieux sa place dans la proposition de loi de Jean Bacci visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, qui s'inscrit dans la stratégie de lutte contre les incendies de forêt voulue par le président de la République.
La multiplication des textes sur le sujet ne concourt pas à la lisibilité de nos travaux. Nous nous abstiendrons. (Mme Françoise Gatel le déplore.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au Sénat, nombre de nos travaux sont transpartisans. C'est le cas pour ce qui a trait à la lutte contre l'incendie. La reconnaissance que nous devons à nos pompiers est partagée sur tous les bancs. (M. Loïc Hervé le confirme.)
Nous avons beaucoup travaillé pour nos pompiers, avec quatre propositions de loi entre 2021 et 2022, la proposition de résolution de Roland Courteau sur le régime de retraite des sapeurs-pompiers volontaires en 2017, ou encore les nombreux amendements au récent PLFRSS visant à mieux prendre en compte l'engagement des sapeurs-pompiers.
Madame la ministre, vous dites vouloir vous inspirer de notre travail pour le transformer en dispositions réglementaires.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Absolument.
M. Patrick Kanner. - Permettez néanmoins au législateur de poursuivre ses travaux : nous ne doutons pas de votre bonne volonté, mais préférons décider par nous-mêmes ! (Mme Françoise Gatel le confirme.)
Le rapport de Franck Montaugé et Hervé Maurey a montré la déconnexion de l'exécutif sur le problème qui nous intéresse. Lors du débat organisé en janvier 2022, le Gouvernement avait annoncé un audit par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Nous l'attendons toujours, et les élus locaux dénoncent l'inadaptation des obligations en matière de Deci à la réalité du terrain. En zone rurale, des millions de personnes ne seraient pas couvertes contre le risque incendie.
La Deci relève du maire, ou de l'EPCI si la compétence a été déléguée. Les élus locaux ont du mal à faire face aux dépenses nécessaires, notamment pour la création de points d'eau. Les impacts financiers et en matière d'urbanisme ont été évoqués.
La loi de 2011 a mis en place des déclinaisons départementales du référentiel national, censées mieux prendre en compte les réalités de chaque territoire. Mais l'organisation de la concertation a été laissée à l'appréciation des préfets, d'où une mise en oeuvre très inégale.
Ce texte prévoit la révision du règlement départemental dans un délai restreint. C'est un progrès, au vu de la situation actuelle, car nous avons besoin d'une vision plus globale.
Le dynamisme des travaux du Sénat témoigne de notre engagement à défendre les conditions de travail des sapeurs-pompiers et à protéger nos concitoyens du risque incendie.
Le groupe SER votera ce texte, en proposant, avec Franck Montaugé, plusieurs amendements pour l'améliorer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Céline Brulin . - Cette proposition de loi est bienvenue : le groupe CRCE la votera. La Deci peut empoisonner la vie des communes rurales : plus l'État abandonne ses missions, plus il se montre exigeant et procédurier...
Comme le rapporteur l'a dit, la déclinaison départementale du référentiel national, sans concertation, restrictive et disproportionnée, va à l'encontre des objectifs de protection de la population.
En Seine-Maritime, nous avons obtenu une révision du règlement départemental, qui ne prenait pas en compte les réalités de terrain. Nous avons dû prendre l'initiative d'une consultation des communes, multiplier les interventions auprès du préfet et du Gouvernement, pointer des aberrations comme celles qui concernaient les communes du bord de Seine, qui se voyaient refuser la prise en compte du fleuve...
Il nous a fallu aussi alerter sur l'impossibilité de se conformer à la Deci faute de débit suffisant, ou en raison de l'incapacité financière de certaines communes, qui souvent devaient y consacrer le budget d'investissement d'un mandat entier.
Nous avons dû formuler des propositions simples et peu coûteuses dans un recueil remis au préfet pour faire la démonstration que des solutions de bon sens existaient.
Bref, il a fallu beaucoup d'énergie.
Malheureusement, ce qui a été possible dans mon département ne l'est pas partout... Madame la ministre, votre refus de soutenir cette proposition de loi, moyennant de vagues engagements à des mesures réglementaires, risque d'être mal pris alors que les élus et le Sénat vous alertent depuis plusieurs années. Rien n'a bougé. Nous attendons toujours le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement.
Il est donc nécessaire d'en passer par la loi. Elle n'épuisera pas tout le sujet : il faudra ouvrir le volet financier. Nous aurons, là aussi, de nombreuses propositions à vous faire, notamment celle de moins faire contribuer les communes, et davantage les compagnies d'assurances (Mme Françoise Gatel l'approuve), qui ont tout à gagner à une meilleure protection contre les incendies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et UC)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi de simplification et d'amélioration du droit, les nombreuses insuffisances en matière de défense incendie ont conduit Hervé Maurey et Franck Montaugé à déposer un rapport sur le sujet, aboutissant à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
La Deci est une préoccupation sensible pour les élus locaux. Les règlements de lutte contre l'incendie sont une avancée, mais ils font peser une responsabilité accrue sur les maires, avec la mise en oeuvre d'un service public de la Deci, la prise d'arrêtés communaux relatifs à la sécurité incendie et de nouvelles charges financières.
Il fallait une approche réaliste et opérationnelle. Les règles sont, localement, jugées trop sévères ; d'où la nécessité d'adapter le cadre actuel.
La mutualisation à l'échelle des territoires est un levier important, qui a l'avantage de rapprocher la gestion du service public de l'eau et de la Deci.
Il est opportun de renforcer l'éligibilité des travaux en matière de Deci aux dotations de l'État.
Je voterai avec enthousiasme ce texte qui représente une avancée. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Très bien !
M. Édouard Courtial . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Alors que notre pays a connu son année la plus chaude et que 80 % des nappes phréatiques atteignent un niveau inquiétant, cette proposition de loi, que j'ai cosignée, a un écho particulier. Elle est issue d'une mission d'information de notre chambre.
La Deci vise à garantir l'alimentation en eau des Sdis par l'intermédiaire de points d'eau identifiés. Elle a longtemps été encadrée par voie réglementaire, puis réformée en 2011 par voie législative. Cependant, de nombreuses insuffisances ont été relevées.
Dans la continuité du rapport de notre collègue Maurey de juillet 2021, cette proposition de loi modifie les modalités de révision des RDDECI pour mieux prendre en compte les intérêts communaux. Je partage la nécessité de renforcer la cohérence entre le RDDECI et le Sdacr. Nous le savons, l'eau devient, comme l'énergie, un enjeu majeur pour les collectivités. Toute mesure tendant à une meilleure prise en compte des réalités locales, à la simplification et à la concertation doit être saluée. C'est pourquoi je vous appelle à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Discussion des articles
ARTICLE 1er
M. Franck Montaugé . - Je ne suis pas signataire de ce texte, mais rassurez-vous : ce n'est pas un signe de dédain pour le sujet, bien au contraire. Le rapport que j'ai présenté avec Hervé Maurey en témoigne.
Sans acrimonie, je regrette de ne pas avoir été sollicité pour signer ce texte, d'autant que j'avais cosigné une précédente proposition de loi sur le sujet, avec Hervé Maurey.
Ce coup de canif dans notre façon de travailler est regrettable, non pour moi, mais eu égard à la reconnaissance réciproque que nous nous devons au-delà des engagements partisans. Je le dis à Mme Gatel, qui préside la délégation aux collectivités territoriales. (M. Patrick Kanner applaudit.)
M. Hervé Maurey . - Nous débattons au sein d'un espace réservé au groupe UC, ce qui explique que cette proposition de loi, qui reprend en grande partie celle que j'avais cosignée avec Franck Montaugé, ne soit présentée que par moi.
Madame la ministre, vous partagez le constat et souscrivez à la philosophie du texte, ce dont je me réjouis, mais vous n'y êtes pas favorable. Et vous proposez de créer une commission, grand classique depuis Clemenceau...
Parlez avec M. Darmanin ! J'ai ici un courrier de sa part, du 24 octobre, dans lequel il propose de créer par décret une commission départementale spécifique.
Un renvoi par décret à la commission d'accessibilité, c'est tout ce dont nous ne voulons pas (M. Loïc Hervé abonde) : il y a trois maires et neuf représentants de l'administration ! On a fait mieux pour entendre les élus.
Enfin, vous oubliez la nécessité de réviser les schémas. En 2022, plus de 70 départements n'avaient pas entamé la révision. Certains préfets ne le veulent pas, ou ne le peuvent pas.
M. Mickaël Vallet . - Je salue le travail du Sénat sur un sujet qui préoccupe beaucoup les élus locaux. Il est toujours tentant de laisser la règle s'appliquer aux autres, en réclamant des exceptions pour sa collectivité ; mais, en matière de sécurité incendie, il faut des règles claires, tenant compte des réalités, sur lesquelles les règlements se fracassent.
En Charente-Maritime, on trouve tous les types d'habitat. Je salue ce texte, qui en tient compte. La concertation entre élus, Sdis et préfets est le meilleur moyen d'atteindre un équilibre, en matière de partage de responsabilités, de diagnostic et de coûts. Le maire connaît le mieux sa commune, le Sdis connaît le risque incendie et le préfet fait appliquer la loi et le règlement.
En Haute Saintonge comme dans l'Aunis, le Sdis doit savoir ce qu'on attend de lui pour calibrer l'achat d'engins. J'appelle le Sénat à adopter ce texte, quels que soient les amendements retenus, et le Gouvernement à s'en saisir. Ne réinventez pas l'eau tiède, madame la ministre ; c'est d'eau tout court qu'il est question, et le Sénat vous apporte une solution clé en main ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe UC)
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 8, 22 et 32
Supprimer les mots :
le cas échéant,
M. Franck Montaugé. - La question de fond reste celle des moyens. Nous avons essayé plusieurs fois, dans les PLF successifs, de réserver des crédits pour la mise en conformité des Deci, en vain.
L'état des lieux des réseaux de Deci est préoccupant. Nous n'avons pas obtenu de vision précise sur le sujet. La responsabilité juridique des maires est en jeu. Cela nous renvoie à la problématique des ponts.
La commission des lois a donné valeur législative au RNDECI. Mais le texte de la proposition de loi ne met pas assez en évidence le lien fonctionnel entre le règlement national et les règlements départementaux. Les RDDECO doivent prendre en compte le RNDECI.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le RDDECI doit-il être conforme au RNDECI ? L'ambition de la commission était plus modeste : ne pas rehausser toutes les dispositions réglementaires relatives au RNDECI au niveau législatif. En effet, si nous avions prévu une conformité au règlement national sans qu'il soit de niveau législatif, nous aurions couru le risque d'une incompétence négative.
Le référentiel national n'est rien d'autre qu'un guide pour la rédaction du règlement départemental. Attention aux conséquences juridiques. Retrait ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Même avis. Le RNDECI est un guide méthodologique. Le Gouvernement, réservé sur l'article 1er, estime que cette dimension réglementaire ne correspond pas à la vocation du Sdacr.
L'amendement n°8 est retiré.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Maurey.
Alinéas 8 et 22, seconde phrase
Compléter ces phrases par les mots :
et aux différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales situées sur ledit territoire
M. Hervé Maurey. - Le RNDECI n'a jamais exigé une couverture uniforme du risque. Il n'est pas concevable de demander aux communes rurales peu dotées une couverture identique à celle des communes urbaines. D'où cet amendement, qui prévoit la prise en compte des spécificités territoriales infra-départementales dans l'élaboration du règlement départemental.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - C'est une bonne idée. Chaque territoire doit se voir appliquer le principe de différenciation que nous essayons d'instiller dans bien des dispositifs législatifs.
Cependant, seule une vraie appropriation des documents par les acteurs locaux fera vivre la différenciation. Cela permettra de mieux prendre en compte les spécificités urbanistiques et rurales. Avis favorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Nous partageons pleinement la préoccupation du sénateur Maurey, mais, je le répète, le Gouvernement ne souhaite pas que le Sdacr se voie conférer un caractère réglementaire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - L'appréciation au plus près du terrain est utile. Saint-Martin d'Ordon, dans l'Yonne, se voit refuser l'installation de panneaux photovoltaïques, car le point d'eau voisin a un débit légèrement inférieur à 30 m3. Mais il n'y a pas que les bornes. Il faut aussi compter les moyens prépositionnés à proximité. Il se trouve que cette commune est voisine d'une autoroute et de deux sites Seveso - il y a donc du matériel disponible très rapidement. L'appréciation fine des moyens ne peut que rendre l'analyse plus juste.
Cet amendement est frappé au coin du bon sens.
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Maurey.
I. - Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles doivent prendre en compte les moyens financiers des communes et des établissements de coopération intercommunale compétents en matière de défense extérieure contre l'incendie.
II. - Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles doivent prendre en compte les moyens financiers des collectivités compétentes en matière de défense extérieure contre l'incendie.
II. - Alinéa 33
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles doivent prendre en compte les moyens financiers de la collectivité territoriale.
M. Hervé Maurey. - Les coûts liés au Deci sont parfois insoutenables pour les communes. Le règlement départemental doit prendre en compte les moyens financiers des communes et EPCI concernés.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je comprends l'intention, mais je veux apporter une nuance. Cet amendement est satisfait par celui que j'ai fait intégrer au texte de la commission, qui prévoit un équilibre et une complémentarité entre les moyens déployés par les communes compétentes ou les EPCI, le cas échéant, et le Sdis. Un excès de précision dans la rédaction nous contraindrait à rechercher un équilibre sur les moyens techniques également. Le dispositif doit rester juridiquement opérant.
Si nous visons une adoption conforme par l'Assemblée nationale, nous devons en rester au texte de la commission. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Retrait ou avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Sagesse.
M. Hervé Maurey. - Je fais confiance au rapporteur.
L'amendement n°3 est retiré.
Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. J.B. Blanc, Allizard, Anglars, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mme Canayer, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, D. Laurent et Darnaud, Mmes Di Folco, Drexler, Dumont et Estrosi Sassone, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Klinger, Laménie et Lefèvre, Mme Lherbier, M. Milon, Mme Noël, MM. Pointereau, Reichardt, Saury, Sol et Somon et Mme Ventalon.
Alinéas 10 et 24, première phrase
Remplacer la seconde occurrence du mot :
et
par les mots :
, notamment les maires des communes rurales, ainsi que
M. Jean-Baptiste Blanc. - Le volet relatif à la Deci du Sdacr doit être élaboré avec les maires, notamment ruraux.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous chérissons la ruralité et les maires des communes rurales, mais demander leur prise en compte particulière alors qu'ils sont déjà concernés par le texte, et qu'ils sont très majoritaires dans les instances prévues, ne semble pas utile. Avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Même avis.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Dans certains départements, les maires ruraux ne sont pas suffisamment représentés, d'où ma demande de précision.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
du conseil d'administration du service d'incendie et de secours, en tenant
par les mots :
conforme du conseil d'administration du service d'incendie et de secours, qui tient
II. - Alinéa 25
Remplacer les mots :
du conseil d'administration du service départemental métropolitain d'incendie et de secours, en tenant
par les mots :
conforme du conseil d'administration du service départemental métropolitain d'incendie et de secours, qui tient
M. Franck Montaugé. - Le volet du Sdacr relatif à la Deci doit être pris après avis conforme du conseil d'administration du service d'incendie et de secours (Casis), qui tient lui-même compte des avis des départements, des communes et, le cas échéant, des EPCI.
Il s'agit de gommer les défauts constatés : des communes ont subi des conséquences budgétaires très lourdes, obérant leurs marges de manoeuvre budgétaire.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous comprenons l'intention, mais nous préférons conserver l'avis simple du Casis. Sinon, les pouvoirs du préfet seraient liés. Retrait ou avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le Gouvernement demande le retrait. L'association des représentants des collectivités territoriales dans les Deci doit être améliorée, mais cela passe par le suivi dans la durée par une instance départementale, et non par un avis conforme. De plus, le Gouvernement est réservé sur l'opposabilité du Sdacr prévue par cet article 1er.
M. Franck Montaugé. - Nous appelons l'attention sur l'aspect financier de ces questions. Les communes doivent investir dans les Deci, mais il faut que tous les acteurs prennent leurs responsabilités, afin que nos concitoyens soient défendus contre le risque d'incendie. Cet avis conforme responsabiliserait davantage les acteurs. Le texte ne résoudra pas le problème de fond : celui des moyens, et nous aurons légiféré une fois de plus pour rien. (Mme la ministre acquiesce.)
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du B du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation à l'article L. 2213-32, lorsqu'un groupement de collectivités est compétent en matière de défense extérieure contre l'incendie, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités peuvent transférer au président de ce groupement, à l'unanimité, des attributions lui permettant de réglementer l'activité de défense extérieure contre l'incendie. »
M. Franck Montaugé. - La police spéciale de la Deci doit pouvoir être transférée à l'EPCI, dans une perspective de mutualisation, de rationalisation et de plus grande efficience dans la lutte contre les incendies. Pas de contraintes, pas d'obligations : une simple unanimité est demandée.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du B du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation à l'article L. 2213-32, lorsqu'un groupement de collectivités est compétent en matière de défense extérieure contre l'incendie, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités peuvent transférer au président de ce groupement des attributions lui permettant de réglementer l'activité de défense extérieure contre l'incendie. »
M. Franck Montaugé. - La police spéciale de la Deci doit pouvoir être transférée vers les syndicats des eaux ayant déjà la compétence Deci, pour améliorer l'articulation des acteurs.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Demande de retrait de l'amendement n°7 rectifié bis, satisfait par la loi 3DS : le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit qu'un EPCI peut transférer toute compétence à un ou plusieurs syndicats situés sur tout ou partie de son territoire.
Quant à l'amendement n°10 rectifié, qui tend à conférer un pouvoir de police au président du syndicat des eaux, l'idée est bonne pour une meilleure efficacité de l'action publique. Avis favorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable aux deux amendements. (Plusieurs sénateurs s'interrogent.)
M. Franck Montaugé. - Madame la ministre, nous aurions aimé entendre quelques arguments... J'entends le rapporteur sur l'amendement n°7 rectifié bis, mais mon amendement précise que ce transfert doit avoir lieu à l'unanimité, cette précision n'étant pas dans le code général des collectivités territoriales. Je le retire cependant.
L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - L'amendement de M. Montaugé crée une nouvelle possibilité de transfert de la police spéciale au syndicat compétent en matière d'eau. Un tel transfert devrait être conditionné au fait que le groupement dispose de la compétence Deci, distincte du service public de l'eau. L'amendement risquerait de disjoindre exercice de la compétence et exercice de la police spéciale.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement a été rectifié dans l'intervalle et prend en compte vos observations.
M. Franck Montaugé. - Tout à fait, il a été rectifié.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je fais confiance au rapporteur, et m'en remets à l'avis de la commission : avis favorable à l'amendement n°10 rectifié.
L'amendement n°10 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 2
M. Vincent Segouin . - Un impératif légal de réserves d'eau d'au moins 30m3 existe pour les communes. Dans l'Orne, un tiers des communes ne sont pas aux normes, comme bien des communes rurales. Ces manques sont autant de dangers pour les sapeurs-pompiers.
Les préfets n'ont pas la possibilité de demander des camions-citernes de grande capacité - 10 à 15 m3 - venant en complément des réserves des communes, et ne faisant pas l'objet d'un transfert de responsabilité. Cette disposition simple et efficace est attendue par le terrain. Madame la ministre, il vous revient de prendre cette décision par voie réglementaire. L'Orne est volontaire pour une expérimentation. (Mme Nathalie Goulet s'en amuse.)
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Maurey.
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et aux parlementaires élus dans le département
M. Hervé Maurey. - Le rapport annuel de la commission départementale chargée de la Deci doit être adressé aux parlementaires du département concerné.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable : laissons à cette commission que nous créons la plus grande latitude possible pour organiser ses travaux. Au lieu d'une contrainte, nous préférerions faire confiance aux élus locaux pour organiser leurs travaux et leur publicité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - La problématique de la Deci peut être examinée au sein de la CCDSA présidée par le préfet, associant les maires. Au sein de cette CCDSA, nous pourrions créer une sous-commission chargée de la Deci, à laquelle nous confierions la même mission que cette proposition de loi.
Cela passe par le niveau réglementaire. Cette commission serait placée sous la présidence du préfet, détenteur du pouvoir de police générale.
Quant à l'amendement, nous suivons la commission : avis défavorable.
M. Hervé Maurey. - Madame la ministre, vous revenez sur nos échanges, et je vous ferai la même réponse que tout à l'heure. La commission à laquelle vous proposez de donner cette compétence ne nous convient pas, car elle est composée de trois élus pour neuf fonctionnaires. Cela n'est pas de nature à représenter la volonté des communes, notamment rurales !
Je maintiens mon amendement : nous nous plaignons tous, depuis la fin du cumul des mandats, de ne plus être au courant de rien. Il s'agit d'assurer le suivi d'un règlement concernant les élus, en application du texte. Ce rapport est important, et pourrait nous être transmis sans que nous devions le mendier.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'association des parlementaires au sein des départements pourrait faire l'objet d'une autre proposition de loi. Mais le problème est que si, dans tous les textes, on précise qu'il faut une transmission de tous les documents, on alourdit le droit...
La commission indépendante, éclairant les travaux du Sdis comme du préfet, ne doit pas recevoir cette obligation. Le Sénat reste attaché à la liberté.
Mme Laurence Harribey. - Je souscris à l'argument du rapporteur : n'instrumentalisons pas un texte visant à renforcer les élus locaux pour corriger le manque d'information des parlementaires. Ces sujets sont différents.
Mme Céline Brulin. - Madame la ministre, vous pourriez envoyer un signe en vous engageant à fournir le rapport sur la défense incendie prévu par la loi 3DS. (Marques d'approbation)
Ce sujet préoccupe nombre de départements et de communes tentant de se mettre en conformité avec les exigences de la défense incendie, mais n'y parvenant pas, malgré leur bonne volonté... Sans l'avoir lu, et pour cause, je soupçonne que ce rapport conforte nos propos et propose des pistes d'amélioration. Encore 7 millions de nos concitoyens ne seraient pas couverts vis-à-vis du risque incendie : c'est un vrai sujet !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nul besoin de soupçonner : le rapport a été transmis à la commission des lois, et le sera à l'ensemble des parlementaires.
Mme Céline Brulin. - Très bien !
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
au regard de l'état de connaissance des conséquences climatiques sur le risque incendie dans le territoire concerné
Mme Monique de Marco. - Cette proposition de loi suscite des inquiétudes dans les communes, que ce soit avec le remplacement du règlement départemental ou la rédaction de l'évaluation préalable.
Sous l'effet du réchauffement climatique et de la multiplication des sécheresses, le risque incendie va croître. Les études préalables doivent prendre en compte le risque climatique.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Étant donné l'importance de ce sujet, notamment pour la Gironde - où l'on constate l'herméticité entre Sdacr et RDDECI -, la commission émet un avis de sagesse.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°13 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dossus, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Ce rapport établit un inventaire de l'ensemble des points d'eau disponibles sur le territoire, publics ou privés, dont le volume dépasse 5000 litres. Cet inventaire inclut les piscines privatives mais exclut les points d'eau constitués au moyen du pompage des nappes phréatiques.
Mme Monique de Marco. - Le rapport d'information recommandait de recenser les points d'eau : la Deci repose sur une équation pondérée de la ressource en eau. Il faut trouver les points d'équilibre entre les contraintes, en prenant en compte l'ensemble de la ressource en eau, pour alléger les autres variables, comme la distance.
Il faut mieux prendre en compte l'ensemble des ressources en eau, y compris privées.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable. Laissons aux commissions départementales et aux élus la liberté de lister leurs points d'eau, et ne mettons pas ce genre de dispositions trop précises dans la loi - ne revenons pas au code civil d'il y a 200 ans !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable également, même si nous comprenons l'esprit.
M. André Reichardt. - Pour faire sourire : les piscines privatives doivent-elles être pleines d'eau ou vides ? (Mme Monique de Marco est perplexe.)
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. J.B. Blanc, Allizard, Anglars, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mme Canayer, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, D. Laurent et Darnaud, Mmes Di Folco, Drexler, Dumont et Estrosi Sassone, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Klinger, Laménie et Lefèvre, Mme Lherbier, M. Milon, Mme Noël, MM. Pointereau, Reichardt, Saury, Sol et Somon et Mme Ventalon.
Alinéa 5
Après les mots :
maires du département
insérer les mots :
, dont l'association départementale des maires ruraux,
M. Jean-Baptiste Blanc. - Les membres de la commission départementale de suivi doivent être désignés sur proposition, notamment, de l'association départementale des maires ruraux.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Joli « notamment », dont la commission des lois a horreur ! Le Sénat a adopté tout à l'heure une précision du même esprit. Mais il n'y a pas d'association des maires ruraux dans tous les départements. De plus, en plaçant l'association des maires ruraux au même niveau que l'association des maires, nous susciterions des demandes de toutes les associations d'élus. Je le redis : les maires ruraux sont majoritaires dans les départements ruraux, et donc dans l'association départementale des maires. Avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable. Nous sommes réservés sur la création d'une nouvelle instance par la loi et sur sa composition.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Dans de nombreux endroits, monsieur le rapporteur, cela ne fonctionne pas.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - L'alinéa 5 de l'article 2 mentionne bien les associations des maires de département, au pluriel. Le texte, tel qu'il est rédigé, n'englobe-t-il pas déjà les autres associations ?
M. Jean-Marie Mizzon. - Les départements sont variés : urbains, ruraux, ou bien l'un et l'autre, comme mon département de la Moselle. Notre préfet invite toujours les deux associations de maires, qui ont toutes une compétence générale, et non thématique. Je voterai cet amendement, respectueux de la diversité des situations. (M. Bernard Fournier acquiesce.)
M. Jean-François Longeot. - Mon département du Doubs comporte deux associations des maires. Le président de l'association départementale des maires siège à l'association des maires ruraux, et vice-versa. Il serait incompréhensible que l'une soit présente, et pas l'autre. Quelques départements sans association des maires ruraux ne doivent pas exclure les associations de tous les autres. Je voterai l'amendement.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Qu'on ne se méprenne pas : je suis moi-même issu d'un département en grande partie rural.
Mais cet amendement pousserait d'autres associations comme les communes forestières à demander à être membres. Habituellement, soit le Sénat reconnaît la juridiction de l'AMF, soit il ouvre complètement à toutes les associations de maires, générales comme thématiques. Nous avions eu ce débat en commission des lois. Restons-en à la seule association départementale des maires.
Mme Nathalie Goulet. - Une solution, madame la ministre : vous vous êtes engagée, tout à l'heure, à prendre des mesures réglementaires. Vous pouvez donner l'instruction de consulter l'ensemble des associations de chaque département. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Maurey.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation au neuvième alinéa de l'article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales et aux derniers alinéas des articles L. 1424-70 et L. 1424-91 du même code, les révisions des volets relatifs à la défense extérieure contre l'incendie des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques prévues à ces alinéas interviennent dans les douze mois suivant la publication de la présente loi si les règlements départementaux de défense contre l'incendie ou tout règlement d'application locale s'y substituant sur le territoire couvert par les schémas précités n'ont pas été révisés pendant les cinq années qui précèdent la promulgation de la présente loi.
M. Hervé Maurey. - Il faut prévoir une révision des schémas non modifiés depuis leur élaboration, c'est-à-dire depuis cinq ans. Beaucoup de départements sont concernés. Un bilan des règlements est utile et certaines situations ne sauraient perdurer.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Sagesse. L'Eure est concernée, et ce type de dispositif est bienvenu.
Madame la ministre, si nous divergeons sur la manière d'agir, nous nous devons de saisir au bond votre proposition d'action selon quatre axes. Je vous prie de prendre en compte les éléments que nos collègues, notamment Mme Goulet et M. Segouin, ont évoqués, sur l'adéquation des moyens matériels. Ces propositions seraient source d'économies très importantes.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Sagesse.
Monsieur le rapporteur, je serai heureuse de travailler avec vous et de prendre en compte les propositions de chacun.
L'amendement n°6 est adopté et devient un article additionnel.
Explications de vote
M. Franck Montaugé . - Le groupe SER votera le texte. Je rappelle nos inquiétudes sur la mise en conformité des réseaux de Deci, alors que les élus n'en ont pas les moyens.
Je salue les services d'incendie et de secours, qui font face au feu malgré les difficultés. Ils trouvent toujours des solutions, mais l'inquiétude demeure.
Certains préfets acceptent que la DETR y soit consacrée ; mais, madame la ministre, il faut aller bien au-delà dans la budgétisation au niveau national.
Enfin, avec Mme Gatel et M. Maurey, nous avons rencontré le ministre de l'intérieur, qui a lancé un audit interne de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Un retour serait intéressant.
Mme Nathalie Goulet . - Nous voterons, nous aussi, ce texte, et soutenons vos initiatives, madame la ministre. Le dispositif ornais semble particulièrement intéressant, Vincent Segouin l'a évoqué. En attendant, les maires ont un besoin urgent d'aide face à cet irritant supplémentaire, qui bloque tant de projets. Nous vous attendons sur ces sujets.
Mme Céline Brulin . - Le groupe CRCE votera cette proposition de loi, qui n'épuise toutefois pas le sujet. Je relève la volonté de Mme la ministre de s'associer aux améliorations. Le coût demeure important pour les communes, et la DETR ne peut être le seul vecteur de financement, car cela se ferait au détriment d'autres projets. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)
Il faudrait aussi prévoir un agrément ministériel pour les bureaux d'études aidant les communes ; cela aiderait à juger de leur probité. Certains ont parfois la main un peu lourde. Idéalement, comme en Seine-Maritime, les Sdis peuvent mettre des personnes à disposition des communes.
Il faut évaluer le coût pour les Sdis comparé à celui pour les communes.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
M. Loïc Hervé. - Incroyable ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Représentation des communes au sein des conseils communautaires
Discussion générale
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi . - L'égalité de représentation des femmes et des hommes est un principe constitutionnel depuis 1999. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, la parité des conseils municipaux et communautaires est ainsi prévue. En 2020, le nombre de femmes présentes dans les conseils communautaires atteint 39 %, soit une hausse de 4 points.
Rappelons que l'intercommunalité n'est pas une collectivité, mais un établissement public de coopération : ses élus sont avant tout des élus municipaux. Comme dans les syndicats, la composition du conseil communautaire dépend des élections municipales.
En cas de vacance en cours de mandat concernant les communes disposant de plus d'un conseiller communautaire, le siège doit être pourvu par un élu du même sexe. Cela provoque parfois une vacance durable, et donc une sous-représentation de la commune. On le constate à Reims, au Havre, à Fécamp ou dans de petites communes de la Nièvre ou de la Vendée, comme Talmont-Saint-Hilaire. Celles-ci en souffrent particulièrement. La loi avait perçu le problème : c'est la raison d'être de la règle particulière pour les communes ne disposant que d'un conseiller communautaire.
Corrigeons cette rupture d'égalité pour les autres communes de plus de 1 000 habitants. La plupart des exemples que j'ai mentionnés bénéficieraient d'ailleurs aux femmes, car - sans que je sache pourquoi - les hommes démissionnent en effet plus souvent que celles-ci. (Mme Cécile Cukierman s'en amuse.)
En outre, l'application stricte de la parité provoque parfois de fâcheux accidents démocratiques, avec une perte de représentation de certaines oppositions, alors que le pluralisme des idées a acquis valeur constitutionnelle.
Ces cas risquent de se multiplier. En pleine crise de l'engagement, et alors que de plus en plus d'élus démissionnent - 930 maires démissionnaires depuis 2020 - il faut agir.
Je remercie Nadine Bellurot, notre rapporteure, pour son travail. Tout comme la démocratie, l'engagement communal est fragilisé. Je gage que ce petit pas législatif sera un grand pas pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans un contexte de crise des vocations, les vacances de postes de conseillers communautaires se multiplient, aboutissant à des situations ubuesques. Certains députés s'en inquiètent aussi - Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger rappelaient ainsi dans leur rapport l'absence de marges de manoeuvre des élus face à ces obligations. L'ancien ministre des collectivités Joël Giraud invitait à répondre par la loi à ces situations : nous y sommes.
La vacance d'un siège amoindrit la représentation des communes, alors même que les intercommunalités exercent de nombreuses compétences.
Ensuite, cela réduit souvent les droits de l'opposition, parfois privée de représentation, faute d'un réservoir de candidats de même sexe suffisant.
Enfin, cela nuit au fonctionnement des EPCI à fiscalité propre, dont la légitimité peut souffrir de ces situations.
La solution semble pourtant simple : une fois que l'on constate l'impossibilité de pourvoir le siège, pourquoi ne pas ouvrir le remplacement à un conseiller de l'autre sexe ? C'est ce que prévoit la proposition de loi.
Ce point d'équilibre applicable aux communes de plus de 1 000 habitants, soit 30 % des communes, concilie l'exigence de parité et celle d'une représentation juste des communes.
Sans rien enlever au droit existant, nous éviterons donc des vacances de siège, jamais souhaitables.
Afin d'éviter tout contournement du dispositif par des démissions en cascade juste après l'élection, il ne pourra s'appliquer qu'un an, au plus tôt, après le début du mandat.
Je remercie Françoise Gatel pour le travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDSE)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Cette proposition de loi vise à garantir la continuité de la représentation des communes dans les EPCI, préoccupation légitime, en particulier au Sénat.
Actuellement, toute vacance de poste doit être pourvue par un candidat fléché de même sexe et de la même liste, et à défaut, un candidat de même sexe non fléché. Si ce n'est pas possible, le poste reste vacant jusqu'à la fin du mandat du conseiller communautaire, conduisant une commune à ne plus être représentée au sein de l'EPCI.
La loi a pour but de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, principe cardinal pour notre démocratie - mon parcours d'élue locale me permet de dire à quel point c'est important. Cependant, cette absence potentielle de représentation pose une difficulté. Il nous manque des chiffres consolidés et je ne crois pas que cela soit massif, mais des cas bien réels nous sont néanmoins rapportés.
Isabelle Rome et moi savons à quel point les progrès de la parité sont fragiles. Les conclusions de la mission flash de l'Assemblée nationale consacrée au sujet montrent bien que notre dispositif électoral a des angles morts, et que nous devons prolonger le développement de la parité, établie depuis 2000 dans notre code électoral. Le principe de parité s'impose, mais le législateur est libre d'employer des moyens déterminés pour y parvenir, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La même instance rappelle que ce principe de parité doit être concilié avec le principe énoncé à l'article 4 de la Constitution, l'expression pluraliste des opinions. Il y va de la capacité des communes à participer aux délibérations intercommunales, au risque d'être dépossédées de leurs choix.
Si nous n'étions pas persuadés qu'une association effective des communes à leur EPCI est indispensable, pourquoi aurions-nous prévu le pacte de gouvernance et la conférence des maires dans la loi Engagement et proximité ?
Le principe d'égalité entre hommes et femmes ne peut aboutir à ce qu'une commune ne soit pas représentée dans son EPCI. J'ai entendu que des doutes s'étaient exprimés et je salue l'engagement pour la parité, mais la solution de Mme Gatel ne revient aucunement sur ce principe ; elle évite simplement une impasse institutionnelle et démocratique. Mon avis sera donc favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Yves Roux . - Il reste beaucoup à faire pour garantir un égal accès aux postes à responsabilités - je pense, au-delà du sexe, aux origines sociales. Nous saluons tous les progrès en matière de parité dans les institutions publiques et les assemblées élues, depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui introduisait dans la Constitution le paragraphe suivant : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. »
Avec la loi du 6 juin 2000, la loi du 31 janvier 2007 et des dispositions dans la loi de 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, départementaux et communautaires, entre autres, le législateur n'a pas failli à sa tâche. Le code électoral précise, en son article L. 273-10 : « Lorsque le siège d'un conseiller communautaire devient vacant, pour quelque cause que ce soit, il est pourvu par le candidat de même sexe élu conseiller municipal ou conseiller d'arrondissement suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu. »
Mais les mécanismes incitatifs ou coercitifs ne devraient pas conduire à des blocages. Il faut donc corriger le dispositif actuel, qui suscite des vacances de mandats communautaires.
La commission a rendu le texte initial plus opérant. Je remercie tous ceux qui y ont travaillé. Le groupe RDSE votera en faveur de ce texte. (Mme Françoise Gatel et Mme la ministre remercient l'orateur.)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) L'unité dans la diversité : cette devise européenne pourrait être celle des intercommunalités, dont la nouvelle gouvernance repose sur la légitimité des élus des communes membres.
La représentativité du conseil communautaire, entre majorité et opposition, entre différentes communes et entre hommes et femmes est un enjeu important. Il faut concilier tous ces aspects.
Ce sujet est très important pour la démocratie locale ; il est prégnant par exemple en Seine-Maritime.
Les règles actuelles ont montré leurs limites : les vacances durables au conseil communautaire réduisent la représentation des communes, alimentant un sentiment pernicieux quand on connaît l'importance des EPCI dans la vie de nos concitoyens.
Nous mesurons les effets inattendus de l'application du principe d'égalité. Les règles générales résistent mal aux réalités du terrain.
À Tourville-sur-Arques, en Seine-Maritime, le maire voulait s'entourer de deux adjointes, mais la parité le lui a interdit... Il a fallu choisir un homme - pas forcément volontaire - et la seconde adjointe a dû se résigner au poste de conseillère déléguée...
Au Havre, le conseil municipal siège dans sa totalité au conseil communautaire. Or un siège est vacant au conseil communautaire, car une nouvelle élue qui a remplacé l'un des conseillers municipaux de sexe masculin ne peut pas y prendre sa place. Idem à Fécamp et Bolbec, dont Céline Brulin et moi avons parlé.
Ce texte répond à une difficulté réelle rencontrée sur le terrain ; aussi le groupe Les Républicains le votera-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Certaines communes sont confrontées à des vacances durables de postes de conseillers communautaires. Je me félicite donc de l'initiative de Mme Gatel, car ces vacances sont très dommageables pour les communes comme pour les intercommunalités : affaiblissement de la représentation des communes, diminution des droits de l'opposition, remise en cause de la légitimité des décisions.
La commission a fait que le dispositif s'applique seulement un an après l'installation du conseil communautaire, pour éviter des effets d'aubaine et des démissions en cascade.
Cette proposition de loi contribue au bon exercice de la démocratie. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Parité, diversité, autant d'éléments considérés comme bénéfiques pour la démocratie. La contrainte a eu des effets salutaires, puisque les femmes sont entrées massivement dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants : de 25 % en 1995, leur proportion est passée à 48,5 % en 2008. Elles étaient 35,8 % dans les conseils communautaires en 2020.
La proportion des femmes augmentant d'abord parmi les jeunes élues, cela augure de progrès à venir dans ce domaine.
Mais en parallèle, les vocations s'essoufflent, engendrant des problèmes de vacances, préjudiciables aux communes comme aux conseils communautaires.
Personne ne peut accuser le GEST d'être insensible aux questions de représentativité dans les EPCI, y compris à statut spécifique. Cette situation peut condamner une opposition à ne plus être représentée. Notre groupe restera néanmoins attentif à l'utilisation de cette loi, car l'imagination des hommes politiques est parfois sans limites.
Mme Françoise Gatel. - Des exemples !
M. Guy Benarroche. - Le délai de réserve d'un an est un garde-fou utile.
Notre groupe a conscience de l'exigence de représentativité, notamment des groupes minoritaires, au sein des assemblées - et en particulier en CMP... Certains d'entre nous, dont je fais partie, voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. Alain Richard . - Cette proposition judicieuse est la conjonction de deux principes électoraux. Le premier est le fléchage de l'élection des conseillers communautaires au sein des listes municipales, qui garantit une solidarité entre majorité municipale et représentation à l'intercommunalité. J'entends certains appeler de leurs voeux une élection « directe » des conseillers communautaires ; ce serait en réalité une élection supra-communale qui changerait la nature des intercommunalités.
Le second principe est celui de la parité. Mais parmi toutes les élections au scrutin de liste, cette règle spécifique ne s'applique qu'à celle des conseils communautaires. Les remplacements des députés européens, des conseillers régionaux et des conseillers municipaux se font toujours en allant chercher le suivant sur la liste, quel que soit son sexe.
En réalité, vu le nombre des communes ayant un nombre impair de conseillers communautaires - un ou trois, les hommes étant majoritaires - l'absence de la règle en vigueur aurait conduit à l'élection de plus de femmes...
Deux situations ont été décrites - grandes villes où presque tous les conseillers municipaux sont conseillers communautaires, ou villes centres importantes entourées de petites communes - qui peuvent conduire à des déficits de représentation au détriment de ces dernières.
Le dispositif proposé y remédie. Le RDPI votera ce texte.
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Parfois, les règles appliquées aux collectivités territoriales peuvent relever du cabinet de curiosités : Mme Gatel a le don de les débusquer. (Mme la ministre s'amuse.) Il arrive aussi qu'elle participe à leur naissance, comme celle de la commune-communauté...(Sourires)
Mme Françoise Gatel. - Belle invention !
M. Éric Kerrouche. - En ce qui concerne ce texte, il a pour objet de corriger une bizarrerie. Ce n'est pas le cas le plus fréquent, mais pourquoi laisser des postes vacants s'il y a une possibilité de remplacement ? Le groupe SER votera ce texte de bon sens.
Ce débat nous renvoie à deux problématiques adjacentes.
D'abord, le scrutin de nos communes de moins de 1 000 habitants est exotique. On pouvait jusqu'à récemment être élu à l'insu de son plein gré ; le panachage était autorisé, ce qui revenait en fait à une forme de tir aux pigeons électoral, souvent au détriment du maire.
Il faudrait unifier le mode de scrutin pour imposer la parité dans les 18 000 communes françaises de moins de 1 000 habitants - là encore, un trait atypique.
La proposition de loi renvoie aux moyens de parvenir à la parité. Nous avions déposé un amendement qui a été jugé irrecevable, alors qu'il reprenait un amendement déjà présenté pour Engagement et proximité, et repris dans une proposition de loi : une parité miroir, avec une proportion de vice-présidentes au moins équivalente à la proportion de conseillères au sein du conseil communautaire.
Cette proposition, adoptée de haute lutte par le Sénat lors de l'examen de la loi Engagement et proximité, avait été rejetée par la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale.
Le code électoral aurait dû être modifié avant le 31 décembre 2021. Nous sommes le 15 mars 2023, et toujours rien... L'adoption de notre amendement aurait été utile.
Dans cette attente, le groupe SER votera ce texte de bon sens, mais pas l'amendement de M. Maurey, qui va au-delà du périmètre de la proposition de Mme Gatel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman . - Ce texte assure la continuité de la représentation dans les conseils communautaires, alors que les EPCI exercent des compétences de plus en plus importantes. Il résout certaines situations vécues dans les exécutifs locaux, qui appellent des réponses concrètes.
J'entends les inquiétudes, mais ce n'est pas faire offense à l'auteure du texte que de dire qu'il ne concerne que quelques communes et ne remet aucunement en cause le principe de parité.
Avec ce texte, nous permettons aussi aux groupes d'opposition de mieux faire entendre leur voix au sein du conseil communautaire : ils n'ont pas toujours un nombre suffisant de remplaçants pour remplacer un démissionnaire de même sexe.
Ce texte corrige ainsi, de manière pérenne, les défauts de la législation en vigueur, afin d'assurer la mission première confiée aux élus : la représentation de leur commune.
Attaché au principe de la représentation des communes dans les EPCI, le groupe CRCE votera cette proposition de loi. Mais l'éternel chantier, le plus fondamental, reste devant nous : la place des femmes et des hommes dans la politique locale et nationale. Si une proposition de loi suffisait à le régler, cela se saurait ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Françoise Gatel. - Absolument !
Mme Nathalie Goulet . - Je remercie Mme Gatel, dont la perspicacité a, une fois de plus, fait merveille. Ce texte répond à un problème ponctuel. Madame la ministre, félicitez-vous de l'existence de notre délégation aux collectivités locales, si attentive aux problèmes des élus, qui, sans elle, pourraient passer inaperçus. (Mme la ministre acquiesce.)
Rien à ajouter, sinon qu'il faut écouter le Sénat, et que les niches parlementaires permettent d'apporter des solutions à ceux qui en ont besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Charles Guené applaudit également.)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative judicieuse de Françoise Gatel et le travail de notre rapporteure Nadine Bellurot.
La loi du 17 mai 2013 a prévu, pour les communes de plus de 1 000 habitants, des listes des candidats aux conseils communautaires composées alternativement de candidats de chaque sexe. La parité réelle n'est toujours pas atteinte, mais la représentation des femmes a néanmoins considérablement progressé, atteignant 48,5 % dans les conseils municipaux. Les conseils communautaires restent cependant une zone blanche de la parité avec seulement 36 % de conseillères, 25,6 % de vice-présidentes et 11 % de présidentes.
Mais l'obligation de parité instituée par le législateur peut engendrer des situations incongrues et non anticipées. L'obligation de remplacer un conseiller municipal démissionnaire par un élu de même sexe crée parfois des vacances qui évincent certaines petites communes, renforçant à l'excès le poids de la commune la plus importante de l'EPCI.
Un exemple : le recours gracieux du préfet de la Nièvre en 2021 contre le remplacement d'un membre démissionnaire du conseil communautaire par une conseillère municipale, faute de candidat masculin. Ces situations pourraient se multiplier, en raison des démissions de plus en plus fréquentes d'élus locaux qui assument de plus en plus de responsabilités, dans des conditions juridiques et financières difficiles.
La solution retenue par Françoise Gatel est pragmatique. Elle répond aux inquiétudes des élus sans porter atteinte au principe de parité.
Nous voterons donc sans réserve ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE UNIQUE
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Pluchet, MM. Sautarel, Canévet et Delahaye, Mme de La Provôté, M. Cigolotti, Mmes Sollogoub et Noël, MM. Guerriau et Laugier, Mme Vermeillet, M. Duffourg, Mme Demas, MM. J.P. Vogel et Chasseing, Mme Férat, MM. Hingray, Rietmann, Perrin, Mandelli et de Nicolaÿ, Mme Jacquemet, MM. Belin, Pellevat, B. Fournier, Laménie, Paccaud, Wattebled et Klinger, Mme Drexler et MM. Panunzi, Cadec, Menonville, Longeot, Levi et Le Nay.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 273-11 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « À compter de la première réunion suivant le renouvellement du conseil municipal, » ;
b) Après le mot : « sont », sont insérés les mots : « , sous réserve de l'article L. 273-12, » ;
2° L'article L. 273-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 273-12. - I. - En cas de cessation du mandat d'un conseiller communautaire pour toute autre cause que celle mentionnée au second alinéa de l'article L. 273-11, il est remplacé par un membre du conseil municipal désigné par celui-ci parmi les membres n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire dans les conditions prévues, selon les cas, aux II ou III du présent article.
« II. - Dans les communes qui ne disposent que d'un seul conseiller communautaire, le conseil municipal désigne, dès la première réunion suivant son renouvellement, un suppléant appelé à remplacer le conseiller communautaire pour l'application du I.
« Si un suppléant désigné cesse d'exercer son mandat municipal ou devient lui-même conseiller communautaire, le conseil municipal désigne un nouveau suppléant dès la première réunion suivant cet événement. Jusqu'à cette réunion, les fonctions de conseiller suppléant sont, pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, exercées par le premier conseiller municipal dans l'ordre du tableau établi à la date à laquelle le suppléant désigné a définitivement cessé d'exercer ses fonctions au conseil municipal ou est devenu conseiller communautaire.
« III. - Dans les communes autres que celles mentionnées au II, le remplaçant du conseiller communautaire dont le siège est devenu vacant est désigné lors de la première réunion du conseil municipal suivant la date à laquelle cette vacance est devenue définitive. Jusqu'à cette réunion, l'élu dont le siège devient vacant est remplacé au conseil communautaire par le premier conseiller municipal n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire dans l'ordre du tableau établi à la date où cette vacance devient définitive. »
II. - À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».
III. - Le présent article est applicable à compter du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la publication de la présente loi.
Mme Nadia Sollogoub. - Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les remplaçants sont désignés dans l'ordre du tableau du conseil municipal, mais cette règle est trop contraignante. D'où cet amendement qui prévoit que le remplaçant du conseiller communautaire démissionnaire peut être désigné par le conseil municipal.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - La règle que vous entendez modifier a été adoptée en 2013, par analogie avec le système de fléchage dans les communes de 1 000 habitants et plus. II y a un lien entre le tableau et le suffrage universel ; le remettre en cause serait dangereux.
L'ordre du tableau du conseil municipal doit aussi être respecté pour la suppléance, car le suppléant a vocation à devenir conseiller titulaire si ce dernier cesse d'exercer ses fonctions.
Le texte vise les vacances pérennes de sièges communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants ayant plusieurs conseillers communautaires. Nous ne souhaitons pas aller au-delà de ce périmètre très circonscrit. Avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme Nadia Sollogoub. - Mme la ministre a pourtant dit qu'il fallait porter une attention particulière aux situations particulières... Dans une commune de la Nièvre, le maire, hospitalisé, devait être remplacé au conseil communautaire par son premier adjoint, mais ce dernier travaillait de nuit, si bien que la commune n'a pu être représentée au conseil communautaire pendant de longs mois. Le premier adjoint, en l'espèce, aurait souhaité qu'un autre que lui soit désigné. Faisons preuve de souplesse.
M. Éric Kerrouche. - Je partage l'avis de la rapporteure. Le texte de Mme Gatel concerne les communes de plus de 1 000 habitants.
Je comprends la logique de l'amendement, mais si le suivant dans l'ordre du tableau ne veut pas être désigné, il suffit qu'il démissionne. Il est délicat de toucher à l'ordre du tableau, qui a une signification démocratique. Le texte de Mme Gatel est palliatif, cet amendement est correctif.
M. Guy Benarroche. - Sous prétexte de souplesse, cet amendement remet en cause le résultat du suffrage universel. Le GEST ne le votera pas.
Mme Cécile Cukierman. - Il est toujours délicat de modifier le code électoral au détour d'un amendement. De plus, ne laissons pas croire que le texte laisserait de côté, à dessein, les communes de moins de 1 000 habitants, pour lesquelles il n'y a pas d'obligation d'alternance de sexe. La difficulté évoquée par le texte ne les concerne pas. Je ne voterai pas cet amendement : le cadre n'est pas le bon.
Mme Françoise Gatel. - J'entends la question de notre collègue, mais le contexte est effectivement différent. Pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui n'ont souvent qu'un représentant dans les conseils communautaires, l'ordre du tableau s'impose, sans parité. Le champ de la proposition de loi est volontairement étroit. Cet amendement toucherait au code électoral qui, comme la Constitution, ne peut être modifié qu'avec la plus grande prudence. (Mme Cécile Cukierman abonde.)
Cet amendement doit néanmoins nous amener à réfléchir sur le scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - En effet, la question mérite réflexion. En l'état du droit, le conseiller qui ne souhaite pas être conseiller communautaire démissionne et est remplacé par le suivant sur la liste. (Mme Nadia Sollogoub fait signe que non.)
Mme Françoise Gatel. - Oui, il y a une solution !
L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE UNIQUE
M. Jean-Pierre Sueur . - J'aurais voulu défendre les excellents amendements de M. Kerrouche, mais l'article 45, malheureusement, nous a interdit leur examen...
Madame la ministre, il faut s'atteler à la question de la parité au sein des exécutifs communautaires, comme nous y invitait l'amendement adopté par le Sénat, mais repoussé par l'Assemblée nationale. Il n'y a pourtant plus d'obstacle à la mise en oeuvre de cette parité, puisque les effectifs féminins sont désormais largement suffisants.
L'autre solution, si la première ne peut être mise en oeuvre, serait que la composition de l'exécutif soit homothétique à celle de l'assemblée. Ce serait une avancée très attendue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
L'article unique est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 55.
Présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Conseil européen des 23 et 24 mars 2023
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023.
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe . - C'est un plaisir de vous retrouver pour échanger avec vous sur les principaux sujets qui seront traités lors du prochain Conseil européen. La guerre en Ukraine reste le sujet le plus brûlant, mais le Conseil abordera également la réponse de l'Union européenne à l'Inflation Reduction Act (IRA) et la réforme de la gouvernance économique européenne, la situation énergétique et les questions migratoires. Il échangera sur la conférence de soutien aux populations turque et syrienne frappées par les tremblements de terre du 6 février.
La situation change tous les jours et les positions que je vais vous exposer sont encore susceptibles d'évoluer.
Sur l'Ukraine, le Conseil européen condamnera à nouveau la guerre d'agression de la Russie, en faisant référence à la résolution de l'ONU du 23 février dernier pour une paix juste et durable et au plan de paix en dix points du président Zelensky. Il insistera sur la poursuite des sanctions à l'égard de la Russie et sur la lutte contre l'impunité, avec la création du centre international pour juger du crime d'agression, et dénoncera les transferts massifs et forcés d'enfants ukrainiens en Russie.
Nous devons rester unis et fermes sur les messages envoyés. En accueillant le président de la Rada le 18 février dernier, le Sénat a témoigné du soutien indéfectible de la France à l'Ukraine.
La question de la production et la livraison de munitions à l'Ukraine sera abordée le 20 mars prochain lors du Conseil des ministres des affaires étrangères et de la défense. Les Vingt-Sept réitéreront leur engagement en faveur de la reconstruction de l'Ukraine et leur souhait de recourir aux actifs russes gelés. Enfin, nous espérons que l'initiative céréalière de la mer Noire sera prolongée.
En matière économique, le Conseil sera l'occasion de confirmer et d'amplifier la dynamique vers une souveraineté stratégique européenne. Pour passer d'un espace économique à un espace puissance, l'Europe doit démontrer une capacité d'influence. Avec son marché de 500 millions de consommateurs et son pouvoir normatif, l'Union européenne peut peser sur l'organisation des échanges internationaux.
Notre politique industrielle se veut très ambitieuse, comme l'a rappelé votre proposition de résolution du 8 février. Il s'agit d'apporter une réponse européenne forte à l'IRA, par des outils de défense commerciale et par une nouvelle politique industrielle européenne. L'affirmation de cette souveraineté européenne est dans la droite ligne du discours de la Sorbonne de 2017 ; elle est l'inspiration du sommet de Versailles de mars 2022 et de la présidence française du Conseil, et demeure notre boussole.
Il nous faut fixer des objectifs et accompagner l'implantation de capacités de production européennes pour répondre à nos besoins stratégiques - matières premières ou semi-conducteurs - afin de réduire notre dépendance et réussir notre transition écologique.
Il existe plusieurs leviers : simplifier le cadre réglementaire pour l'octroi de permis, adapter la commande publique et accélérer les procédures pour les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) ou les aides d'État ; mobiliser les capacités d'investissement publiques et privées ; développer un vivier de talents dans les secteurs clé ; poursuivre un dialogue soutenu et exigeant avec nos partenaires, quitte à mobiliser nos instruments de défense commerciale.
Il y aura un échange sur la nouvelle gouvernance économique adoptée hier par le Conseil des affaires économiques et financières (Ecofin). Le statu quo n'est pas tenable, au vu des exigences de transition écologique et de souveraineté industrielle. Il faut nous accorder sur des orientations communes, dans une logique de différenciation par pays tout en assurant la crédibilité des trajectoires budgétaires. Nous souhaitons que la Commission présente rapidement une proposition législative.
En matière d'énergie, nous aborderons la réforme du marché de l'électricité, quelques jours avant le Conseil des ministres de l'énergie fin mars. La Commission a fait une nouvelle proposition hier. Il faut avancer rapidement, l'objectif étant de parvenir à une adoption avant la fin de l'année pour agir rapidement sur les prix de l'énergie.
Le cadre de marché devra offrir plus de prévisibilité aux producteurs et aux consommateurs, et garantir des prix plus stables et moins dépendants des cours des énergies fossiles. Ce cadre sera plus incitatif pour investir dans les énergies décarbonées.
Le Conseil s'intéressera aussi à l'hydrogène et à notre état de préparation pour l'hiver 2023-2024. La France ne change pas de position : il faut s'y préparer le plus en amont possible, notamment concernant notre approvisionnement en gaz naturel.
En matière de migrations, l'Union européenne doit renforcer son action à l'égard des pays tiers d'origine et de transit, pour prévenir les départs irréguliers, éviter les pertes de vies humaines, lutter contre les trafics et favoriser le retour durable des déboutés du droit d'asile. Nous devons mobiliser de manière coordonnée les outils à notre disposition, responsabiliser nos partenaires face à la situation en Méditerranée centrale. L'augmentation constante des départs depuis la Libye, la Tunisie et la Turquie conduisent à trop de drames humains, comme le 26 février au large des côtes italiennes.
Il faut ensuite maintenir le cap des négociations sur le pacte sur l'asile et les migrations. Nous visons une adoption d'ici un an. Vous avez raison d'insister dans votre proposition de résolution sur le rôle clé que joue Frontex en la matière.
Le tremblement de terre du 6 février a fait 52 000 morts en Turquie et en Syrie. L'Union européenne et ses États membres se sont mobilisés pour apporter une aide financière et matérielle. La situation est très grave, les besoins immenses. Dans cet esprit de solidarité, la présidence suédoise de l'Union et la Commission européenne organisent une conférence de donateurs le 20 mars à Bruxelles en faveur des populations sinistrées, afin de bien coordonner l'aide - nous savons combien la logistique est difficile.
Voilà, en quelques mots, les enjeux de ce Conseil. Merci pour votre attention. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Pascale Gruny applaudit également.)
M. Olivier Cadic, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Les 10 et 11 mars 2022, les dirigeants des Vingt-Sept se réunissaient à Versailles pour un sommet fondateur de notre politique extérieure commune. Les États membres se sont engagés pour une véritable souveraineté européenne. Alors que la guerre se poursuit dans notre voisinage, il est essentiel que l'Union européenne démontre son unité et sa détermination à devenir un acteur géopolitique à part entière.
Dès février 2022, la facilité européenne pour la paix (FEP) s'est révélée être un succès. Les sept enveloppes d'aide adoptées à l'unanimité et son refinancement témoignent de son efficacité. Mais nous rencontrons un nouvel obstacle : les limites industrielles de la production de munitions. Selon Josep Borrell, 50 000 munitions sont tirées tous les jours par l'artillerie russe. Le secrétaire général de l'Otan estime, lui, que les forces ukrainiennes utilisent des munitions plus vite que l'Alliance n'en produit.
Quels sont les leviers dont dispose l'Union européenne pour accélérer les cadences de production ?
À moyen terme, l'épreuve actuelle doit jouer un rôle de catalyseur pour construire une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) autonome. Nous accusons un réel retard : seulement 18 % des dépenses de défense sont réalisées en commun, cela nuit à notre crédibilité et à notre unité. Gare à ne pas accroître notre dépendance à l'industrie de défense américaine. De quels instruments disposons-nous pour défendre notre souveraineté en la matière ? Quelle est la position de la France sur l'instrument Edirpa d'achat d'armements en commun, actuellement devant le Parlement européen ?
À long terme, nous devons envisager les conséquences diplomatiques de la guerre en Ukraine, et notamment le risque de déstabilisation des Balkans occidentaux. L'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord doivent aboutir à des améliorations concrètes pour les populations. Nous devons leur donner des gages de notre engagement en faveur de l'élargissement. Quelle est la position de la France sur la stratégie européenne dans les Balkans ?
Enfin, quel est le bilan de l'initiative française de la Communauté politique européenne, dont le deuxième sommet aura lieu en Moldavie en juin ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Après avoir suspendu l'application des règles du Pacte de stabilité et de croissance en 2020 lors de la crise sanitaire, la Commission européenne a engagé une réflexion sur la révision de la gouvernance des finances publiques en Europe.
Les règles bien connues - déficit inférieur à 3 % du PIB, endettement inférieur à 60 %, correction des écarts - n'auront pas permis d'assainir les finances de l'ensemble des États membres. Trop uniformes, elles ne tenaient pas compte des particularités des pays. Trop complexes, elles reposaient sur des variables économiques difficiles à évaluer. Trop rigides, elles ne permettaient pas de distinguer les dépenses à maîtriser et les dépenses utiles.
J'ai donc salué l'ouverture de la réflexion sur la gouvernance budgétaire de l'Union. La Commission européenne a présenté hier des pistes au Conseil Ecofin. Sans revenir sur la règle de limitation de la dette et du déficit, elle propose : de maintenir le cadre commun de surveillance avec des sanctions plus automatiques ; de demander aux États de s'engager sur des trajectoires pluriannuelles en décrivant les réformes et les investissements envisagés ; de tenir compte des investissements pour la transition écologique, le numérique et la défense ; de différencier les objectifs en fonction des finances publiques de chaque État. Des initiatives législatives sont attendues.
Les règles de convergence budgétaire en Europe sont la condition de notre participation à la monnaie unique et au marché commun.
Le pragmatisme du cadre de gouvernance proposé engage la France. Vu notre endettement et notre déficit, le Gouvernement doit faire plus d'efforts pour réduire les dépenses publiques d'ici 2027. La loi de programmation des finances publiques n'était pas conforme à nos engagements européens ; il est temps d'anticiper et d'agir.
Depuis la crise énergétique, l'État a engagé des dizaines de milliards d'euros pour en contrer les effets. Ces dépenses étaient nécessaires pour soutenir les entreprises et les ménages les plus fragiles ; mais à plus long terme, la situation n'est pas tenable. Une réforme structurelle du marché de l'électricité est indispensable. Hélas, le Gouvernement semble ne pas avoir su faire valoir nos intérêts. Prix du gaz et de l'électricité ne seront pas décorrélés : lors de la prochaine crise des prix, il faudra encore prendre des mesures d'urgence palliatives, coûteuses et peu efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - Ne perdons pas de vue les décisions structurantes à venir lors de la réunion du prochain Conseil européen. Nous avons été sensibles à votre présence, madame la ministre, à Strasbourg hier, où nous étions venus échanger avec des eurodéputés français et rencontrer le commissaire Thierry Breton.
Le conflit en Ukraine, nous a-t-il dit, entre dans une phase critique : les prochaines semaines seront décisives. En matière de munitions - sujet sur lequel le Sénat alerte depuis plusieurs années - comment la France peut-elle répondre aux besoins ukrainiens ? Allons-nous entrer dans une économie de guerre ?
Nous sommes également préoccupés par le sort de la Moldavie, qui pourrait devenir la prochaine Ukraine. Vous vous êtes rendue à Chisinau la semaine dernière pour soutenir la Présidente Maia Sandu. Le Conseil européen de juin 2022 a en effet décidé d'accorder à la Moldavie le statut de pays candidat, et Chisinau accueillera le deuxième rendez-vous de la communauté politique européenne. Notre commission se propose de prolonger cette démarche au plan parlementaire. Madame la ministre, pourriez-vous appuyer un éventuel déplacement, en solidarité avec le Parlement moldave ?
Le deuxième enjeu du Conseil est de finaliser la réponse européenne à l'IRA. M. Breton nous en a présenté les grands traits : de trop nombreuses entreprises sont proprement aspirées vers les États-Unis, et la réponse européenne a tardé. Elle semble cependant satisfaisante ; elle favorisera l'autonomie européenne sur les matières premières critiques et prévoit un nouvel assouplissement du régime des aides d'État, avec une clause d'alignement pour prévenir les délocalisations, ainsi qu'un règlement zéro émission nette.
La durée de l'assouplissement prévu sera-t-elle alignée sur ce que prévoit l'IRA ? Les technologies nucléaires seront-elles incluses dans le périmètre du règlement zéro émission nette ? Le levier de la commande public sera-t-il activé ? Quid de la préférence européenne ?
La dernière brique de la réponse à l'IRA est la réforme du marché de l'électricité, destinée à juguler les prix de l'énergie. Or les principes fondamentaux ne sont pas modifiés. Les mix nationaux seront-ils bien pris en compte, et observera-t-on un bénéfice sur la facture des consommateurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Véronique Guillotin . - Plus d'un an après l'agression russe, le conflit s'installe et se durcit. Doit-on craindre sa généralisation ? Le flou de Pékin sur d'éventuelles livraisons d'armes à Moscou interroge, de même que les efforts russes pour pousser l'Iran à l'offensive contre l'Occident.
Aussi l'Union européenne doit-elle affûter ses armes. Une chose est claire : face à la Russie de Vladimir Pouline, les États de l'Union doivent partager les craintes exprimées par les pays d'Europe centrale et baltes. Présidente du groupe d'amitié France-Moldavie, je m'inquiète des tentatives de déstabilisation de ce pays par la Russie. Je ne doute pas que le prochain Conseil européen réaffirmera son soutien à l'Ukraine ainsi qu'à tous ses voisins menacés par l'impérialisme russe.
Le RDSE soutient le plafonnement du prix des produits pétroliers, ainsi que les mesures restrictives et les dispositifs anti-contournement qui les accompagnent. Le dernier Conseil européen a exprimé son soutien au plan Zelensky en dix points. En attendant, le conflit est dans l'impasse.
La question de l'énergie sera une nouvelle fois à l'ordre du jour. Madame la ministre, comment recevez-vous les propositions de Bruxelles sur le marché de l'électricité ? La réforme promise par la présidente de la Commission s'éloigne au profit d'une simple stabilisation des prix. La possibilité pour les États membres de réduire la facture des consommateurs est cependant bienvenue, en cette période d'inflation galopante, tout comme le régime de garantie ou le soutien à l'achat de combustibles non fossiles pour les PME.
Mais il faudra aussi des mesures de long terme pour retrouver une part de souveraineté énergétique. Difficile de nous passer de nos centrales nucléaires, mais la France doit aussi combler son retard en matière d'énergies renouvelables ; j'espère que la loi récemment adoptée tiendra ses promesses.
Le Bureau européen des unions de consommateurs réclame l'interdiction des allégations climatiques trompeuses sur les aliments, telles que « banane climatiquement neutre », qui induisent en erreur. Veillons aussi à la protection des indications géographiques protégées (IGP) : une approche harmonisée ne doit pas remettre en cause la diversité de nos produits d'excellence. Or il serait question d'externaliser les cahiers des charges des indications d'origine vers l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle. Nos viticulteurs s'inquiètent. Merci de rassurer nos producteurs et artisans du goût ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes Les Républicains et INDEP)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Parmi les nombreux sujets abordés les 23 et 24 mars figurera la compétitivité de l'Union européenne. Elle doit être ardemment soutenue dans les domaines agricole et industriel ; c'est l'objet du Pacte vert, dont l'ambition est de décarboner notre économie et enrayer notre déclin industriel. Il y a urgence !
Depuis plusieurs décennies, nous subissons la concurrence croissante des pays émergents, y compris dans l'aéronautique, le nucléaire ou la grande vitesse ferroviaire. Pendant que l'Europe s'évertue à respecter les règles multilatérales, la Chine continue ses pratiques déloyales, les États-Unis se réfugient dans un néoprotectionnisme assumé, illustré par l'IRA qui creusera encore les écarts de compétitivité et augmentera le risque de délocalisation de nos entreprises. Sans réaction européenne, la France pourrait perdre 10 milliards d'euros d'investissements et 10 000 emplois potentiels.
Bâtir une politique industrielle européenne est désormais une obligation. Pour jouer à armes égales avec nos concurrents, exigeons la réciprocité dans les relations commerciales, adaptons notre politique de concurrence au XXIe siècle, conditionnons les subventions à des exigences de localisation des approvisionnements et de la production.
La réponse européenne engagée avec le règlement « zéro émission nette » est pourtant bien timide, alors qu'il faut un changement de paradigme. Comment comprendre que le nucléaire soit exclu du champ d'application ? Comment être à la fois compétitif et sobre en carbone en snobant l'atome ? L'alliance du nucléaire lancée par Agnès Pannier-Runacher semble mal partie.
Le risque de déclassement touche aussi le secteur agricole. Le sucrier Tereos vient d'annoncer la fermeture de deux usines en France, conséquence directe de la pression réglementaire sur les betteraviers. Les surtranspositions nationales et les distorsions de concurrence aboutissent à une attrition des surfaces de betteraves. Le choix politique d'interdire les néonicotinoïdes a mis la filière dans l'impasse. Allez-vous activer la réserve de crise agricole de l'Union européenne pour lui venir en aide ?
Un mot sur la création d'un espace européen des données de santé. Il convient, comme l'a demandé le Parlement européen, que ces données soient protégées, et donc hébergées sur le territoire de l'Union européenne et soumises au règlement général sur la protection des données (RGPD). Cela suppose des technologies de pointe, donc un investissement accru dans le numérique. Il y va de la compétitivité de nos entreprises.
Il faut aussi être attentif à certaines propositions, comme le projet de révision du système de redevances perçues par l'Agence européenne des médicaments. La future réforme de la législation pharmaceutique devra permettre le développement d'une industrie pharmaceutique innovante sur le territoire de l'Union mais également la production de médicaments plus matures, pour éviter les pénuries.
Je travaille également sur la directive sur les travailleurs de plateforme, pour laquelle les négociations patinent. Peut-on espérer un accord sous présidence suédoise, ou faudra-t-il attendre la présidence espagnole ? La France est-elle prête à des concessions ?
Sur tous ces sujets, le volontarisme s'impose ; à défaut, l'Europe sera balayée par ses concurrents internationaux. Nous sommes à la croisée des chemins ; l'Europe deviendra-t-elle un continent sous influence ? Choisissons le sursaut, et non le renoncement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Mme Colette Mélot . - Plus d'un an que les atrocités continuent en Ukraine, que des enfants ukrainiens sont déplacés, naturalisés, renommés en Russie ; on leur réinvente même une filiation. Je salue le travail des nombreuses organisations qui font la lumière sur ces faits. À l'initiative d'André Gattolin, la commission a préparé une résolution européenne sur ce thème. L'Union européenne doit continuer à faire pression sur la Russie, documenter les faits pour que justice se fasse en temps et en heure.
Le 7 février, le groupe INDEP a fait adopter à une large majorité une proposition de résolution de soutien à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Russie et appelant au renforcement de l'aide. J'espère que la France relaiera ces propositions au Conseil européen.
La Commission européenne a présenté son projet de réforme du marché de l'électricité. Madame la ministre, que défendrez-vous au-delà du découplage des prix du gaz et de l'électricité, qui n'a visiblement pas été retenu ? Que se passera-t-il l'hiver prochain ? Les citoyens européens ont besoin de prévisibilité sur les prix de l'énergie, sans compter que notre compétitivité est affectée à long terme.
L'IRA met en danger le marché commun, malgré des objectifs louables en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Nous ne pouvons pas laisser partir notre industrie et voir notre marché envahi par des produits fabriqués hors Union européenne. Les règles de concurrence doivent rester équitables.
La souveraineté n'est pas une option. Le plan industriel vert présenté demain prévoit notamment la simplification de l'autorisation des aides d'État. Madame la ministre, comme le Gouvernement pourra-t-il s'assurer que ces règles s'appliquent rapidement et correctement ? Une ingénierie locale est-elle prévue pour nos concitoyens, parfois démunis face aux règles européennes ?
Last but not least, notre relation avec le Royaume-Uni. Nous avons été émus du choix des Britanniques, dénoncé l'attitude de notre partenaire dans les négociations, sommes restés fermes face aux tentatives de renégociation du Northern Ireland Protocol. Enfin, le 27 février, le cadre de Windsor a posé une première pierre pour une relation nouvelle, à tel point que certains ont parlé de normalisation. Mais la relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne sera toujours extraordinaire...
Les règles adoptées sur l'Irlande du Nord permettent-elles de protéger le marché unique européen ? D'un point de vue pratique, sommes-nous sûrs de pouvoir assurer les contrôles à la frontière irlandaise ? Quelles étapes restent à franchir dans le cas contraire ? Le prochain Conseil européen sera crucial.
Vous n'avez d'autre choix que de réussir, mais vous avez toute notre confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE, du RDPI et au banc des commissions)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Hier, la Commission européenne a présenté sa proposition de réforme du marché de l'électricité pour soulager le consommateur, orienter le marché vers les énergies renouvelables et moins dépendre du coût des fossiles. Sur ces enjeux, faut-il se résigner à voir notre pays se comporter comme un petit État obnubilé par la défense de sa spécificité nucléaire ?
Le Gouvernement a obtenu la promotion des contrats différents pour les technologies non soumises à la concurrence d'une nouvelle entrée sur le marché ; son lobbying s'est étendu à la performance énergétique des bâtiments, à l'hydrogène nucléaire... Pendant ce temps, la France reste le seul État membre à débourser 500 millions d'euros pour n'avoir pas atteint son objectif d'énergie renouvelable pour 2020. Nous sommes à la traîne sur l'éolien et le solaire, qui est en plein boom mondial et dont les bas coûts sont avérés.
Le Giec le martèle : c'est dans les dix années à venir que les investissements dans le renouvelable doivent produire leurs résultats pour le climat. Chaque euro dans le nucléaire est perdu pour le renouvelable. Incidents à Penly, déchets, pollution, électricité coûteuse, autant d'arguments pour ne pas nous engager dans cette voie.
Votre lobbying confine au cynisme : a contrario de ses demandes de moratoire sur l'uranium russe, la Commission a plié face à Emmanuel Macron, renonçant à sanctionner des cadres importants du nucléaire russe, comme ceux de Rosatom. La France a triplé ses importations d'uranium enrichi depuis l'aire d'influence russe et exporté vers la Russie l'intégralité de son uranium de retraitement !
Notre secrétaire d'État à la mer, la semaine dernière, qualifiait le traité sur la haute mer d'historique, tout en défendant le chalutage de fond dans les aires marines protégées ! L'écart entre la communication et les pratiques réelles est sidérant, s'offusque Jacques Attali...
Les scientifiques du Conseil international pour l'exploration de la mer invitent à fermer les zones de pêche concernées pendant les pics d'échouage de dauphins tout en indemnisant les pêcheurs. La mort de centaines de dauphins sur la côte atlantique finira par nous valoir une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Je salue néanmoins le cap maintenu par le Gouvernement sur l'échéance européenne de fin de vente de véhicules à moteur thermique en 2035 ; le revirement allemand est inacceptable, sous la pression d'un parti libéral-démocrate en déconfiture électorale, de mèche avec de petits constructeurs et sous-traitants. L'échéance 2035 est une nécessité écologique et industrielle. C'est le Green Deal qui réduira l'écart avec les constructeurs chinois et répondra à l'IRA. Tenons bon sur 2035 !
Je salue enfin le vote par le Parlement européen d'un revenu minimum européen, avec pour objectif de réduire la pauvreté de moitié d'ici à 2030. En France, une personne pauvre sur deux a moins de 30 ans ; la France doit mettre un terme à la discrimination des moins de 25 ans dans l'accès au RSA. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. André Gattolin . - (M. Olivier Cadic applaudit.) L'Union européenne se trouve dans une situation paradoxale. Après avoir honorablement fait face à trois crises existentielles, elle semble menacée par un banal accident de voiture...
Les trois crises, ces trois astres noirs qui ont fait irruption dans la galaxie Europe, nous les connaissons.
D'abord le Brexit, le Royaume-Uni claquant la porte et posant des conditions irréalistes, donnant lieu à des négociations et renégociations prolongées. Nous avons cependant évité les divisions fratricides entre États européens et sommes parvenus à une résolution acceptable du problème douanier en Irlande du Nord avec le protocole de Windsor. Le récent sommet bilatéral scelle les bases d'une nouvelle relation constructive. La nouvelle donne internationale et surtout la dégradation de la situation économique outre-Manche semblent ouvrir la voie à des relations plus apaisées. Qu'en est-il ?
La seconde crise est sanitaire, économique et sociale : c'est la pandémie. L'Union a vite réagi, notamment dans le secteur de la santé, qui ne relevait pas de ses compétences. Elle a agi dans le domaine économique en suspendant les sacro-saintes règles sur le déficit et l'endettement. Le rebond des économies européennes en 2021, inespéré, s'est fait au prix d'un endettement important, et la Commission appelle désormais à la responsabilité. Quelle est la philosophie de la Commission européenne, notamment au regard des conséquences économiques de la guerre en Ukraine ?
Troisième crise : la terrible guerre d'agression menée par la Russie, et ses conséquences politiques et économiques très lourdes. L'instabilité géopolitique est grande, ce ne sera peut-être pas la dernière crise...
L'Union a réagi plus vite que nous n'aurions pu l'imaginer. Ce réveil géopolitique de l'Europe nous frappe plus par le contraste avec l'inanité qui régnait auparavant face à la menace extérieure que par le volume financier - l'effet « waouh » n'est pas encore là ! Il faut cependant admettre que l'Union a su faire preuve de cohérence et de résilience, même si la Hongrie fait un peu tache. Viktor Orban pourra-t-il bloquer des sanctions nouvelles ou de nouvelles adhésions ? Son attitude aura au moins mis à bas le groupe de Visegrad et permis un rééquilibrage Est-Ouest. Pologne et Roumanie prennent un virage qui pourrait favoriser leur intégration politique et économique.
Nous restons encore loin de « l'Union », cette prophétie auto-réalisatrice choisie en 1992. Nous commençons à peine à devenir une vraie « communauté » de nations et de peuples. Le progrès vers la souveraineté n'est pas linéaire, et nous ne sommes jamais à l'abri d'une régression.
J'en reviens à l'accident de la route : l'Allemagne vient soudainement remettre en cause interdiction de la vente des voitures thermiques à partir de 2035. Jean-Claude Juncker, en 2018, s'était précipité à Washington pour préserver des foudres de la taxe Trump les véhicules européens - allemands à 80 % - au détriment des vins et produits de luxe, majoritairement français et italiens. Cette attitude de cavalier seul est délétère, comme le fut le choix allemand de la dépendance au gaz russe. Berlin semble renouer avec une posture plus nationale qu'européenne, plus mercantile que politique au sein de l'Union. Il faudra y remédier rapidement. (Mme Colette Mélot, MM. Olivier Cadic et Jacques Fernique applaudissent.)
M. Jean-Yves Leconte . - En 2021, les recettes commerciales de l'Union atteignaient 55 milliards d'euros. En 2022, son déficit commercial était de 430 milliards.
Ne cherchons pas des boucs émissaires. Le défi commun est bien de changer de modèle. Nous devons avancer vers le Green Deal, de manière solidaire.
N'en déplaise aux écopessimistes, nous restons une forte puissance commerciale. L'atout est réel, mais insuffisant. Voyez le Brexit : difficile de faire du commerce sans s'aimer.
Construire un nouveau modèle passe par des accords commerciaux acceptés par les populations, respectant l'environnement et les exigences de développement durable. La Commission européenne envisagerait de dissocier les volets commerce et politique, pour éviter de passer devant les parlements nationaux ? Ce n'est pas sérieux. Ne négocions pas comme au siècle dernier. Il faut agir de manière plus politique.
Nous devons nous mobiliser aux côtés de l'Ukraine, lui fournir des armes, accueillir les réfugiés. La Cour pénale internationale doit pouvoir lancer des mandats d'arrêt - je salue la proposition de résolution européenne d'André Gattolin sur les enfants. Il ne faut tolérer aucune impunité, et faire respecter l'État de droit. La résolution doit être totale, vis-à-vis des États membres comme des candidats à l'adhésion - pas question de transiger sur la liberté de la presse, par exemple.
Le statut de candidat accordé à l'Ukraine était indispensable ; il doit être source d'un nouveau dynamisme, notamment pour les Balkans. Les perspectives d'adhésion doivent être crédibilisées. Il ne faudra pas décevoir le peuple ukrainien, qui s'est battu d'abord car il souhaitait devenir européen.
Les procédures d'adhésion seront difficiles. L'Ukraine est une puissance agricole sans équivalent en Europe, mais tous les pays européens y gagneront.
Nous devons aussi avancer sur tous les aspects du Pacte sur la migration et l'asile, au-delà du seul volet répressif, notamment en matière de liberté de circulation des personnes et des travailleurs, en nous inspirant de la protection temporaire consentie aux Ukrainiens. La politique de visas européenne donne de nous une bien mauvaise image, notamment en Afrique.
Enfin, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la situation en Tunisie. L'Europe n'est elle-même que lorsqu'elle reste fidèle à ses valeurs et se tient résolue aux côtés de la liberté, auprès de tous les peuples du monde. « Femme, vie, liberté », voilà un message que nous devons soutenir sans limites. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Jacques Fernique et André Gattolin applaudissent également.)
M. Pascal Savoldelli . - En cette période de disette de progrès social, réjouissons-nous que le Parlement européen ait entériné, avec 376 votes pour, la directive sur la présomption de salariat des travailleurs de plateformes. On est loin de la démarche d'Emmanuel Macron, qui s'intéresse aux retraites avant de s'intéresser au travail. En France, l'ubérisation représente 6 milliards d'euros de cotisations perdues pour les finances publiques. Voilà une piste de financement qui ferait d'une pierre deux coups. Le Gouvernement continuera-t-il à dénier des droits nouveaux aux travailleurs des plateformes ?
Comme en Espagne, la réforme des retraites est exigée par la Commission européenne. N'y voyez aucun complotisme : après une première injonction le 5 juin 2019, le Conseil européen a recommandé le 1er juillet 2022 que la France « s'attache en 2022 et 2023 à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite afin de renforcer l'équité du système tout en soutenant sa durabilité ». Où est l'équité dans cette réforme ?
L'Union européenne aurait préféré une retraite par points, s'orientant moins sournoisement que le Gouvernement vers la capitalisation. Une manne à venir pour les banques ! Quand les banques américaines font faillite sans garantie des dépôts, cela devrait nous faire réfléchir. Il ne suffit pas de répéter « Calm down ! », comme Bruno Le Maire !
Je le dis solennellement : les réformes contre le progrès social réarment les extrêmes droites ; en affaiblissant les parlements, on prépare des régimes autoritaires. Notre idéal démocratique est mis à l'épreuve.
Les volontés austéritaires de l'Union européenne - 3 % de déficit, une hérésie ; 60 % de dette, une fable - sont inapplicables, car inappliquées. Jamais le peuple n'a décidé de telles trajectoires.
La Commission propose de nouvelles méthodes. Il n'y aurait plus de règles uniformes, chaque État définissant sa trajectoire sur quatre ans. Mais si des délais supplémentaires étaient accordés, ce ne serait qu'à la condition de réformes structurelles et d'investissements stratégiques en faveur de la croissance. Quel chantage ! C'est le libéralisme contre les classes populaires. Mais quelle croissance ? Pour quels emplois, quels progrès sociaux ? On ne peut plus vouloir la croissance pour la croissance.
« Plus de marges de manoeuvre pour plus de rigueur », comme l'écrivait un média allemand ? Je vois bien la rigueur, moins les marges de manoeuvre. Avec le maintien de la procédure pour déficit excessif, nous savons que nous allons prendre perpétuité, et sans remise de peine ! Sanctions financières, sanctions de réputation telle que la convocation à une audition au Parlement, blocage des fonds structurels... Mais rassurez-vous : ce sera préventif ! La Grèce a bien connu les effets de ces méthodes. Les piliers du pacte budgétaire sont d'ailleurs maintenus.
Les finances publiques, c'est aussi un patrimoine financier et immobilier. En en tenant compte, la dette de la France n'est plus que de 87 % du PIB. Nous serions plus près de l'objectif infondé, et nos concitoyens auraient le droit de décider de leurs propres politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je m'intéresserai à la compétitivité et à l'énergie.
La crise énergétique a affecté la balance commerciale de tous les pays de l'Union, mais le déficit commercial atteint 160 milliards d'euros en France. Les aides de l'IRA laissent craindre une nouvelle perte de compétitivité. Comment éviter la fuite de l'industrie vers les États-Unis ? Le renchérissement du dollar face à l'euro pourrait être un levier de réindustrialisation, mais comment éviter la concurrence entre États membres de l'Union européenne ?
Depuis peu, les plans de relance incluent un volet REPowerEU sur l'énergie, dans le cadre duquel la France pourrait recevoir 2,32 milliards d'euros. Il est aussi possible de puiser dans le fonds européen de développement régional (Feder) à hauteur de 5,7 % ; mais cela se fera-t-il au détriment des investissements essentiels dans nos régions ?
Les collectivités ont été tenues à l'écart des plans de résilience et de redressement. Je le regrette.
La commissaire européenne à l'énergie Kadri Simson a annoncé trois mesures majeures : le merit order a été maintenu - la demande de la France d'un découplage des prix du gaz et de l'électricité n'a donc pas été entendue ; pour le bas-carbone, la Commission européenne plaide pour des contrats différenciés, ce qui favoriserait nos investissements dans le nucléaire ; enfin, l'agence européenne des régulateurs de l'énergie accroîtrait sa surveillance sur les régulateurs nationaux. Quelle est la position de la France ?
J'en viens à la stratégie mobilités. L'Allemagne vient de surprendre tous ses partenaires en s'opposant à la fin du moteur thermique en 2035, entraînant dans son sillage, entre autres, la Hongrie. Il faut des alternatives au tout électrique. Il ne faudrait pas imposer une technologie précise aux industriels.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Jean-Michel Arnaud. - Sur l'utilisation de carburants synthétiques que propose Berlin, quelle voix la France entend-elle porter au Conseil, alors que plusieurs de nos constructeurs, dont Renault et Stellantis, pourront produire des véhicules zéro émission d'ici 2030 ?
Deux directives vont entrer en vigueur pour mieux réguler le numérique - je rappelle que les Gafam ont un chiffre d'affaires égal à la totalité de nos recettes fiscales. Le DMA (Digital Markets Act) vise à stimuler l'innovation sur le marché numérique en favorisant une concurrence loyale. Le DSA (Digital Services Act) rendra illégal en ligne ce qui l'est déjà hors ligne. Quelle sera la position de la France au Conseil ? Il est aussi question ici de lutter contre la manipulation de l'information - le Sénat a d'ailleurs lancé une commission d'enquête sur TikTok. Le Gouvernement français et l'Europe doivent être très volontaires sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Loïc Hervé et André Gattolin applaudissent également.) Guerre en Ukraine, difficultés d'approvisionnement en matières premières, pénurie de semi-conducteurs, hausse sans précédent des prix de l'énergie : l'Europe traverse une période de turbulences. Le doublement, le triplement des factures d'électricité place nos entreprises et nos collectivités territoriales dans une situation délicate. Le bouclier tarifaire les protège, mais pour combien de temps ?
Le marché européen de l'électricité est incapable de protéger les consommateurs des problèmes d'approvisionnement en gaz, comme l'a reconnu la commissaire européenne à l'énergie. Les règles européennes, qui font dépendre le prix de l'électricité du cours d'énergies fossiles, sont dépassées. Nous ne pouvons sacrifier notre modèle pour conserver un marché dérégulé qui ne joue plus son rôle. Le mécanisme mis en oeuvre par nos voisins espagnol et portugais est efficace, mais engendre une concurrence déloyale. Nous avons besoin d'une réponse commune.
Le 12 octobre, la Première ministre a reconnu devant le Sénat qu'il fallait réviser les règles européennes. Pourtant, les annonces de la commissaire Kadri Simson montrent que la Commission n'a pas pris la mesure du problème : des mesures ciblées, sans refonte complète des règles. Le système du merit order est conservé, le découplage des prix du gaz et de l'électricité n'est toujours pas à l'ordre du jour.
La Commission souhaite aussi lancer une stratégie de décarbonation massive de nos productions industrielles, mais en excluant le nucléaire des énergies éligibles. C'est un anachronisme : nous avons besoin du nucléaire, le Giec nous le rappelle régulièrement. Les États décident souverainement de leur mix énergétique. L'Allemagne, en doublant sa production de centrales à gaz, place l'Europe en situation de dépendance. Partout, le nucléaire fait son retour. Comme le rappelle Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'Europe ne doit pas manquer le saut technologique du nucléaire.
La réforme du marché de l'électricité est un enjeu économique, mais aussi de compétitivité. Nos États subissent à la fois les conséquences de l'IRA et l'absence de choix forts au niveau européen.
Il faut inciter nos industriels à relocaliser et à accélérer les investissements de transition vers une économie décarbonée. Or notre industrie n'a aucune visibilité sur ses coûts d'approvisionnement, alors que ses concurrents ont une visibilité de dix, voire vingt ans, et une électricité peu chère. Le rétablissement des contrats de long terme est indispensable.
La Savoie compte plusieurs industries hyperélectrointensives. Si elles ne peuvent renouveler leurs contrats de long terme, elles devront réduire, voire arrêter leur production. Seules alternatives, la Chine et la Russie. Le rétablissement de ces contrats fait partie des mesures ciblées de la Commission ; c'est une bonne nouvelle, mais il faudra prendre en compte le nucléaire.
La nécessité d'une nouvelle politique énergétique fait l'unanimité ; saisissons l'occasion du prochain Conseil européen pour défendre une réforme ambitieuse du marché de l'électricité, sans oublier la question du renouvellement des concessions hydroélectriques. Nous comptons sur vous, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - En l'espace d'un an, le paysage énergétique a changé. Les prix mondiaux du pétrole ont augmenté de 200 %, ceux du charbon de 400 %, ceux du gaz européen jusqu'à 1 000 %, avec de lourdes conséquences sur les ménages, notamment modestes, et les entreprises, en particulier les PME. Les États membres ont instauré des mécanismes d'urgence - contrôle des prix et amortisseurs.
La réforme ciblée du marché européen de l'électricité annoncée par la Commission est-elle suffisante ? Ses objectifs - électricité non fossile abordable, transparence accrue pour les consommateurs, élargissement du choix de fournisseurs, contrats de long terme pour les entreprises - sont à saluer, mais les fondamentaux du fonctionnement du marché sont maintenus, alors qu'il est défaillant.
De plus, le découplage strict entre électricité et gaz n'est pas prévu, alors que le ministre en avait fait son cheval de bataille. Aucun calendrier n'a été évoqué. La baisse des prix n'est pas certaine, car elle dépend de beaucoup d'autres facteurs, comme la disponibilité du parc nucléaire, la météo ou le marché mondial du gaz.
Les ménages, les États auront-ils à temps une énergie à tarif compétitif, alors qu'il faut relocaliser et investir dans l'industrie verte ? Le coût de l'énergie, central dans les coûts de production, reste le nerf de la guerre.
Que penser de ce texte qui se présente comme une facette de la réponse européenne à l'IRA ? L'Europe doit-elle s'aligner ? La reconquête industrielle, la transition écologique ne peuvent plus attendre. Le logiciel pseudo-économique de l'Union européenne est à bout de souffle. L'IRA ne doit pas se réduire à une tentative protectionniste : Joe Biden s'est engagé auprès d'Ursula von der Leyen à ne pas attiser une concurrence délétère pour attirer les industries vertes. Ce serait une « compétition à somme nulle », selon ses mots. Il est heureux que les États-Unis souhaitent réduire de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, même s'ils autorisent l'exploitation de pétrole en Alaska.
Il est vital de mettre en place une politique industrielle et de transition écologique. Il s'agit d'accélérer les investissements bas-carbone en s'attachant à la racine de la crise : notre dépendance aux énergies fossiles.
La transition doit aussi prendre en compte un pilier social : pas de durabilité environnementale sans durabilité sociale. Augmentons le budget du Fonds social pour le climat.
L'industrie européenne doit aussi être préparée aux objectifs du Pacte vert, et tenir une position de leader international. Pour cela, il faut des subventions, de la planification, des pouvoirs publics forts et, parfois, protéger nos industries.
Il faudra activer plusieurs leviers financiers. L'Union doit se doter de nouvelles ressources propres - extension des marchés carbone, ajustement carbone aux frontières, taxe sur les transactions financières, taxation des bénéfices des multinationales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Véronique Guillotin a opportunément évoqué les menaces de la Russie sur la Moldavie. La Géorgie fait face à un mouvement contestataire d'ampleur contre l'adoption par le Parlement d'une loi, inspirée de la législation russe, destinée à museler les ONG et les médias d'opposition. Le Gouvernement, inféodé à la Russie, a plié devant une population acquise à plus de 80 % à la cause de l'Europe. Lavrov n'a pas hésité à comparer ces événements à la révolution ukrainienne de 2014...
En juin 2022, l'Union européenne a accordé le statut de pays candidat à la Géorgie : quelles sont les prochaines étapes ? Cette question sera-t-elle évoquée lors du prochain Conseil européen ?
Alors que les combats en Ukraine s'intensifient, l'Europe prévoit l'utilisation de la FEP à hauteur de 1 milliard d'euros et la libération des stocks de munitions. Thierry Breton appelle à identifier les freins à une production européenne massive. Cette stratégie conduira-t-elle à augmenter notre production de munitions et à préserver notre souveraineté européenne ?
La récente proposition de résolution européenne d'André Gattolin dénonce les transferts massifs d'enfants ukrainiens vers la Russie. La France et l'Europe prévoient-elles des moyens d'enquête ?
En Indo-Pacifique, le président chinois, qui appuie Moscou, combat le monde démocratique. Alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie y affirment une stratégie commune, l'Union européenne peine à se faire entendre. La zone est pourtant au centre d'une concurrence géopolitique intense, la Chine affirmant son expansionnisme et augmentant son budget militaire. En décembre 2022, le Japon a prévu de doubler son budget annuel de la défense pour le porter à 2 % du PIB d'ici à 2027. Le président philippin a convoqué l'ambassadeur chinois pour dénoncer les menées chinoises dans ses eaux. La situation dans l'Indo-Pacifique n'a jamais été aussi dangereuse depuis la Seconde Guerre mondiale, selon Gillian Bird, ambassadrice d'Australie en France. La question sera-t-elle discutée au Conseil européen ?
Le procès à Hong Kong de 47 personnes ayant organisé une primaire non officielle en 2020 a débuté le mois dernier. Il vise à écraser la dissidence. Seize de ces personnes seront jugées, les autres ayant plaidé coupables. Pékin s'est affranchi de ses engagements internationaux. L'Union européenne prendra-t-elle position sur ces procès politiques, qui nous rappellent les procès staliniens et qui montrent que le slogan « un pays, deux systèmes » a vécu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Le Conseil européen des 23 et 24 mars intervient dans un climat compliqué pour l'Union européenne, confrontée à plusieurs crises.
La première est la guerre russo-ukrainienne. L'Europe tangue face aux répercussions de ce conflit. Je salue nos collectivités, nos élus et nos concitoyens qui, en Mayenne, ont accueilli des réfugiés.
La France envoie des camions Caesar et des munitions ; l'Union européenne attribuera 2 milliards d'euros d'aides. La fin de la paix en Europe interroge nos capacités militaires aux niveaux national et européen. Quel est l'état de nos coopérations militaires ? Existe-t-il une ligne rouge dans l'aide à l'Ukraine ? Le Conseil va-t-il aborder la boussole stratégique pour l'Europe de la défense ?
Autre sujet au menu du Conseil européen : l'augmentation vertigineuse des prix de l'énergie, qui frappe nos artisans et commerçants. Entre le sous-investissement dans la filière nucléaire et l'arrêt de plusieurs réacteurs, la France a échappé de peu à la catastrophe, mais qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Une réforme du marché européen de l'électricité est indispensable. Le couplage de l'électricité et du gaz est devenu totalement inéquitable, le gaz ne représentant que 7 % de la production totale d'électricité. La France peut-elle peser pour faire aboutir ces négociations avant l'été ?
L'Union européenne subit aussi l'IRA : 370 milliards de dollars de subventions destiné à stimuler le développement des énergies renouvelables. C'est une offensive économique pour attirer nos entreprises aux États-Unis, car pour être éligible aux subventions, il faut produire sur place. L'Europe doit agir très vite pour éviter une fuite des cerveaux et, pis encore, de nos savoir-faire technologiques.
La réponse du Pacte vert semble insuffisante. L'assouplissement des aides d'État est bienvenu, mais risque de créer une distorsion en faveur des États membres à fortes capacités fiscales. L'Europe aurait besoin de 350 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an pour atteindre son objectif de réduction des émissions à l'horizon 2030, pour les seuls systèmes énergétiques.
Le projet de taxe carbone ne peut qu'être salué. L'Union européenne a importé l'équivalent du PIB de la France en 2019. C'est aussi une mesure de compétitivité économique, avec les conditions d'une concurrence loyale entre entreprises européennes et mondiales, et un outil de lutte contre les délocalisations. La taxe sera-t-elle bien effective en 2026 ?
L'empilement des réglementations européennes est un vrai point noir. Quelque 116 propositions de la Commission seraient en attente ! Madame la ministre, pensez à nos agriculteurs, si fragilisés dans leur compétitivité par cette surcharge réglementaire.
Je rappelais récemment combien les initiatives européennes en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) laissaient craindre un choc de complexité pour nos PME. Peut-on espérer une Europe moins technocratique ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Non !
M. Guillaume Chevrollier. - Peut-on espérer une Europe moins naïve au plan militaire et au plan économique ?
Nous sommes tous attachés à l'Europe, mais il faut nous adapter à un monde qui change. C'est la condition sine qua non d'une Europe puissante face aux menaces, au retour des empires, mais aussi face aux défis enthousiasmants du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe . - Je vous remercie pour vos interventions et toutes vos questions.
Les combats restent très intenses en Ukraine. Les discussions sur l'aide militaire et les munitions se poursuivent à Bruxelles. Les Russes tirent 10 000 obus par jour ! Une initiative de 2 milliards d'euros prélevés sur la FEP est envisagée. Il faut encourager la cession des stocks, faciliter les achats conjoints via l'Agence européenne de défense et renforcer les capacités de production européennes.
Le Président de la République a été clair sur les lignes rouges : rien n'est exclu, mais nos envois de matériel sont soumis à trois critères. Il faut qu'ils aient une efficacité immédiate, qu'ils ne contribuent pas à l'escalade et qu'ils n'obèrent pas nos propres capacités de défense.
Le dixième paquet de sanctions a déjà permis de sanctionner quatre personnes responsables des ignobles transferts forcés d'enfants ukrainiens en Russie, dont le vice-premier ministre de la République de Bachkirie, le numéro deux de l'oblast de Moscou, et la commissaire russe pour les droits de l'homme.
Je ne peux que vous encourager à aller apporter votre soutien à la Moldavie. J'y étais la semaine dernière et nous avons évoqué avec la présidente le développement de nos coopérations sur l'État de droit et la justice, le soutien à la société civile et la préparation du deuxième sommet de la Communauté politique européenne. La diplomatie parlementaire a un rôle à jouer.
J'ai reçu ce matin la présidente de la commission des affaires étrangères du Parlement géorgien. Sur douze recommandations, onze enregistrent des progrès, mais le sujet de la polarisation de la vie politique reste difficile. Nous avons échangé sur les points de convergence, pour mettre en oeuvre toutes les recommandations de l'Union européenne.
Pour les Balkans occidentaux, il faut les accompagner, pour ne pas les laisser dans une salle d'attente trop longtemps.
Le fossé de compétitivité européen est bien lié au prix de l'énergie. La réforme du marché est donc essentielle, et tout le Gouvernement s'est mobilisé, pour protéger les consommateurs, lutter contre la volatilité des prix et donner plus de visibilité aux entreprises. La proposition de la Commission est une base solide et large, car elle inclut le nucléaire existant. Les contrats à long terme permettront de sécuriser entreprises et particuliers. Nous espérons une adoption avant la fin de l'année.
Le plan Zéro émission nette est une réponse à l'IRA, très offensive en matière industrielle et commerciale, même si vous regrettez l'absence d'effet « waouh ».
Nous devons mettre en place une plateforme d'investissement pour mobiliser rapidement toutes les ressources sur nos secteurs stratégiques.
Nous travaillons à la réduction des délais d'autorisation, pour faire de la rapidité des procédures un avantage compétitif. C'est bien une réduction de la bureaucratie européenne, monsieur Husson. La liste des technologies doit toutefois être encore étendue, pour intégrer le nucléaire, la chaleur renouvelable et la biomasse.
L'accord de Windsor permet d'avancer sur le protocole nord-irlandais. Des produits resteront sur le marché britannique, avec des tests aléatoires, et des produits iront sur le marché unique, avec des tests systématiques. Un système de contrôle des données d'échanges commerciaux permettra d'identifier les fraudes. Notre ligne est la suivante : exigence maximale sur le respect des accords conclus dans le cadre du Brexit ; ouverture maximale au travail avec le Royaume-Uni.
L'interdiction des véhicules thermiques en 2035 doit rester un signal clair. C'est nécessaire sur le plan écologique comme industriel. La ministre de l'environnement allemande ne dit pas autre chose, ce qui me donne beaucoup d'espoir.
M. Franck Menonville. - Oui, de l'espoir !
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État. - Pas seulement, du travail aussi.
Lorsque le Premier ministre hongrois s'est rendu à Paris, il lui a été rappelé que la Hongrie devait ratifier l'entrée de la Finlande et de la Suède dans l'Otan et que nous devions être unis dans notre soutien à l'Ukraine face à l'agression russe.
Il est vrai qu'il n'y a pas eu de progrès sur les travailleurs des plateformes sous la présidence suédoise. Les discussions se poursuivent. La France défendra une position équilibrée.
Je le redis : la Commission européenne n'exige en rien une réforme des retraites, c'est une recommandation, et non un jalon du plan de relance.
La mise en oeuvre du DMA-DSA est en cours. Un projet de loi vous sera soumis à la fin du premier semestre. (Applaudissements)
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci de vos réponses, précises.
La situation en Ukraine est vraiment dramatique, sur le plan humain, politique et géopolitique. Notre effort doit être constant, nous devons y consacrer tous les moyens possibles. Notre chambre vous apporte un soutien très large.
Nous devons avancer pour réviser le cadre financier pluriannuel - les lignes, à budget égal, vont bouger - et le pacte de stabilité. Le président Raynal s'y intéresse ; nous attendons des lignes directrices claires. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, jeudi 16 mars 2023, à 9 heures.
La séance est levée à 23 h 45.
Mercredi 15 mars 2023 |
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Sommaire
Questions d'actualité1
Faillite de la Silicon Valley Bank1
M. Jean-Claude Requier1
Mme Élisabeth Borne, Première ministre1
Réforme des retraites (I)1
Mme Mélanie Vogel1
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion2
Fermeture d'usines dans le Nord2
M. Dany Wattebled2
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie2
Dépenses publiques2
M. Jean-François Husson2
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique2
Lutte contre les dérives sectaires2
Mme Dominique Vérien2
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté2
Réforme des retraites (II)2
Mme Éliane Assassi2
Mme Élisabeth Borne, Première ministre2
Comité national d'éthique dans le sport2
Mme Samantha Cazebonne2
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques2
Réforme des retraites (III)2
M. Rémi Cardon2
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion2
Prix du logement2
M. Marc-Philippe Daubresse2
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires2
Action de la France en Haïti2
Mme Catherine Conconne2
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger2
Grève des éboueurs à Paris2
Mme Catherine Dumas2
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer2
Vente du Stade de France2
M. Laurent Lafon2
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques2
Capacité des hôpitaux pendant les JO2
Mme Frédérique Puissat2
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention2
Réforme de la PJ2
M. Jérôme Durain2
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer2
Nombre de communes2
M. Bruno Sido2
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires2
Prix de l'électricité2
M. Stéphane Piednoir2
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme2
Accord en CMP2
Défense extérieure contre l'incendie et territoires ruraux2
Discussion générale2
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi2
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
Mme Nathalie Goulet2
Mme Nathalie Delattre2
Mme Kristina Pluchet2
M. Pierre-Jean Verzelen2
Mme Monique de Marco2
M. Dominique Théophile2
M. Patrick Kanner2
Mme Céline Brulin2
M. Patrick Chaize2
M. Édouard Courtial2
Discussion des articles2
ARTICLE 1er2
M. Franck Montaugé2
M. Hervé Maurey2
M. Mickaël Vallet2
APRÈS L'ARTICLE 1er2
ARTICLE 22
M. Vincent Segouin2
APRÈS L'ARTICLE 22
Explications de vote2
M. Franck Montaugé2
Mme Nathalie Goulet2
Mme Céline Brulin2
Accord en CMP2
Représentation des communes au sein des conseils communautaires2
Discussion générale2
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi2
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois2
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité2
M. Jean-Yves Roux2
Mme Agnès Canayer2
M. Dany Wattebled2
M. Guy Benarroche2
M. Alain Richard2
M. Éric Kerrouche2
Mme Cécile Cukierman2
Mme Nathalie Goulet2
Mme Laure Darcos2
Discussion des articles2
AVANT L'ARTICLE UNIQUE2
ARTICLE UNIQUE2
M. Jean-Pierre Sueur2
Réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 20232
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe2
M. Olivier Cadic, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées2
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances2
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes2
Mme Véronique Guillotin2
Mme Pascale Gruny2
Mme Colette Mélot2
M. Jacques Fernique2
M. André Gattolin2
M. Jean-Yves Leconte2
M. Pascal Savoldelli2
M. Jean-Michel Arnaud2
Mme Martine Berthet2
M. Patrice Joly2
M. Olivier Cadic2
M. Guillaume Chevrollier2
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe2
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes2
Ordre du jour du jeudi 16 mars 20232
SÉANCE
du mercredi 15 mars 2023
71e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Loïc Hervé, Mme Jacqueline Eustache-Brinio
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Faillite de la Silicon Valley Bank
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes INDEP et UC) Madame la Première ministre, les déboires de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la Signature Bank nous renvoient aux mauvais souvenirs de la crise financière de 2008. Ces défaillances ont affolé les marchés et suscité, outre-Atlantique, une crainte qu'il pourrait s'étendre en Europe.
Depuis quelques jours, les commentaires se multiplient pour inviter à garder confiance. La Fed et le Trésor américain ont évité le pire, et les règles prudentielles en Europe se sont durcies depuis dix ans. Je n'ose demander s'il existe le moindre risque systémique au sein de l'Union européenne, car le reconnaître serait l'encourager. C'est bien le problème des marchés financiers - pas le seul, d'ailleurs : la fébrilité s'alimente des déclarations alarmistes.
On peut espérer que l'incendie soit éteint. Mais ces bank runs interrogent sur les effets de la politique monétaire menée depuis des mois. La remontée des taux d'intérêt comme principale boussole ne commence-t-elle pas à montrer ses limites ? Pendant ce temps, nos concitoyens, en particulier les plus modestes, souffrent de l'inflation.
À la veille du conseil des gouverneurs de la BCE, doit-on s'attendre à une nouvelle hausse des taux, au risque de restreindre encore les liquidités ? Si oui, les banques françaises sont-elles assez capitalisées pour continuer à jouer leur rôle de prêteur aux entreprises et aux particuliers ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Les raisons de la faillite de la SVB sont bien connues : exposition au seul secteur technologique, capitalisation insuffisante et manque de fonds propres, supervision défaillante.
Les autorités américaines ont pris immédiatement les mesures de stabilisation qui s'imposaient. Je vous confirme, à la suite du ministre des finances, que les banques françaises ne sont exposées à aucun risque. Elles respectent des exigences de fonds propres et de liquidités parmi les plus fortes au monde, sont soumises à une supervision européenne et ont des activités diversifiées.
Plus proche de nous, le Crédit Suisse connaît des difficultés connues de longue date. Je rappelle que cette banque n'est pas soumise à la supervision européenne. Cette question est du ressort des autorités suisses.
Nous sommes vigilants, mais la situation est très différente de celle de 2008 : depuis lors, de nombreuses règles prudentielles ont été édictées dans la zone euro. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Jean-Claude Requier. - Espérons que, après le covid et la guerre en Ukraine, nous n'aurons pas une crise financière. En économie comme ailleurs, la confiance se perd en litres mais se gagne en gouttes ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)
Réforme des retraites (I)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans une démocratie parlementaire normale, aujourd'hui serait la journée de l'apaisement : après des années de négociation avec les partenaires sociaux et les forces politiques, un consensus aurait été trouvé sur l'avenir du travail et de notre système de retraites, dont la réforme serait en passe d'être largement adoptée.
C'est ce qui se passe dans tous les pays européens, que vous aimez tant citer en exemple. Mais pas en France : parce que, en France, le Gouvernement aime avoir raison tout seul, en n'écoutant personne et en agissant contre tout le monde.
Hormis une partie des Républicains, personne, monsieur le ministre, n'est d'accord avec vous : 75 % de la société est contre cette réforme, et 93 % des actifs ; aucun syndicat ne la soutient ; même la majorité parlementaire n'est pas certaine.
Pendant que les Français sont encore massivement dans la rue, sept députés, qui n'ont même pas étudié l'intégralité du texte, et sept sénateurs, à qui le Gouvernement a imposé un vote bloqué, viennent de décider, à huis clos, de prendre deux ans de repos aux plus précaires.
Dans un pays transformé en poudrière, vous hésitez entre une majorité de quelques voix et l'adoption sans vote d'une réforme minoritaire : l'une et l'autre de ces options sont une folie ! Ce n'est pas parce que des outils sont légaux, que leur utilisation est légitime, qu'ils répondent aux standards modernes d'une démocratie digne de ce nom.
Arrêtez les frais ! À ce stade de tension, l'urgence est de sortir de cette dynamique mortifère et d'organiser la transition vers une République vraiment parlementaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Si j'ai bien compris votre question, ou plutôt votre interpellation, vous considérez pratiquement que nous ne sommes pas dans une démocratie moderne. (M. Thomas Dossus renchérit.)
Nous y sommes bien : nous permettons l'expression des oppositions dans la limite du respect de l'ordre public. Les organisations syndicales parviennent très bien à éviter les débordements dans les manifestations. Mais il faut aussi condamner les coupures d'électricité sauvages, notamment contre des élus. (Applaudissements des travées du RDPI jusqu'aux travées du groupe Les Républicains) Ces coupures mettent en danger des commerces, des administrations, mais aussi des personnes hospitalisées à domicile.
Le fonctionnement de nos institutions doit également être respecté. Au Sénat, j'ai eu le plaisir de passer avec vous dix jours de débats, au cours desquels chaque disposition du projet de loi a été examinée.
M. Guillaume Gontard. - C'est faux !
M. Hussein Bourgi. - Et le vote bloqué ?
M. Olivier Dussopt, ministre. - C'est une procédure constitutionnelle : elle a été employée ici en 2010 et en 2013 à l'Assemblée nationale, notamment. Son mérite est de contourner l'obstruction.
M. Pierre Laurent. - C'est un passage en force !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Car il y a eu obstruction au Sénat, certes d'une nature différente de celle de l'Assemblée nationale : vous avez méthodiquement cherché à paralyser la délibération.
M. Jean-Marc Todeschini. - N'importe quoi !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Samedi soir, le Sénat a adopté la réforme. Je forme maintenant le voeu que la commission mixte paritaire trouve un texte de consensus. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP et sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains)
Fermeture d'usines dans le Nord
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Laissez-moi vous lire la lettre d'un salarié de l'usine Buitoni de Caudry, adressée à Nestlé, son employeur.
« En mars 2022, j'apprends le rappel de la production de pizzas. On me demande de rester chez moi, c'est inquiétant. J'apprends que le fruit de mon travail aurait handicapé et tué des enfants. Je suis aussi père : rempli de honte, je pleure. Au restau du coin, quelqu'un me lance : « assassin de chez Buitoni ». Les chaînes d'info nous accablent : les salariés sont sales, c'est bien fait pour eux. Pourquoi Nestlé ne dit-il pas que ses employés ne sont pas responsables ? Début janvier 2023, les activités reprennent, mais les commandes ne suivent pas. La fermeture du site est décidée. » Voilà la détresse des 150 salariés de l'usine de Caudry depuis douze mois.
La même semaine, la fermeture de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres a été annoncée : 150 emplois, là aussi, sont en jeu. À force d'appliquer les normes de façon plus drastique que nos voisins, nous détruisons notre filière betteravière.
Le Gouvernement parle de réindustrialisation des territoires, mais je peux d'avance vous annoncer que d'autres fermetures suivront.
Ce sont d'énormes coups de massue pour le Cambraisis et le Caudraisis. Comment comptez-vous agir pour sauvegarder ces usines ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci d'avoir fait entendre ces mots, que j'ai, moi aussi, entendus avant-hier à Caudry.
Les salariés ont pris comme un coup de massue l'annonce de la suspension de l'activité et comme une énorme injustice les accusations qui leur sont adressées depuis un an, alors qu'ils ne sont en aucun cas responsables du drame sanitaire. Il est hors de question qu'ils en soient les victimes collatérales.
Nous travaillons avec la direction de Nestlé pour trouver d'autres solutions. Je souhaite qu'on produise sur ce site et ferai tout pour cela.
Une autre nouvelle difficile a suivi : la fermeture de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres. Des fermetures d'usine, ça arrive et ça peut arriver encore, mais pas quand une entreprise gagne de l'argent, se désendette et que le prix du sucre est au plus haut. Nous rencontrons la direction demain pour obtenir des explications précises.
M. Pascal Savoldelli. - Et après ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Pourquoi une entreprise qui va mieux ferme-t-elle une usine ?
Dans le cadre du programme Rebond industriel, nous déployons 3 millions d'euros pour la réindustrialisation du territoire. Le Nord va mieux : des gigafactories, à une heure ou deux de Caudry, créeront des milliers d'emplois. Nous ne devons pas pour autant abandonner les territoires délaissés : nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe INDEP)
Dépenses publiques
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis des années, monsieur le ministre de l'économie, nous ne cessons d'appeler votre attention sur la non-maîtrise des dépenses publiques. Le constat est partagé par la Cour des comptes, qui vient de vous adresser une mise en garde sévère, pour ne pas dire un carton rouge : hors aides exceptionnelles, la dépense publique continue sa dérive.
Pouvez-vous confirmer que la France détient le plus haut niveau de dépenses publiques en Europe, à 58 % du PIB ? Comment avez-vous pu laisser nos comptes publics dériver ainsi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains) Je connais votre attachement au rétablissement des finances publiques ; j'espère donc que vous soutiendrez notre méthode, grâce à laquelle nous sommes revenus sous les 3 % de déficit en 2018, sortant la France de la procédure pour déficit excessif. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Cette méthode, c'est d'abord un objectif : ramener les dépenses publiques de 57 à 54 % du PIB, ce qui suppose que tout le monde fasse un effort.
M. Jean-Marc Todeschini. - Pas les plus riches !
M. Rachid Temal. - Et l'ISF ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ainsi, il faut s'abstenir de proposer des hausses de la dépense publique.
Nous comptons revenir sous les 3 % de déficit dès 2027 et réduire la dette à partir de 2026.
Nous proposons une méthode pour y parvenir.
M. Jean-Marc Todeschini. - Faire payer les pauvres !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Une revue, inédite, de toutes les dépenses publiques, y compris des collectivités territoriales (murmures sur de nombreuses travées) et des associations. La dépense publique, c'est 50 % de dépenses sociales, 30 % de dépenses de l'État et 20 % de dépenses des collectivités territoriales. Chacun doit participer à l'engagement collectif sur la base d'un diagnostic partagé.
Nous organiserons ensuite un séminaire sous l'autorité de la Première ministre (exclamations ironiques sur de nombreuses travées), pour examiner les dépenses de chaque ministère. Je proposerai à toutes les collectivités territoriales de s'engager dans cette direction, dans le respect de leur libre administration. (On s'écrie : « Cahors ! » sur plusieurs travées à droite et à gauche.) Nous ferons de même pour les associations.
Nous tiendrons, avant l'été, des assises des finances publiques, pour établir le montant et le calendrier de la réduction de dépenses. Dès le projet de loi de finances pour 2024, des réductions significatives seront prévues pour tenir nos objectifs, que je vous propose de soutenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson. - En septembre dernier, vous avez confié à votre majorité le soin de trouver des économies : vous avez rendu copie blanche.
Vous parlez doctement de votre méthode, mais jamais depuis la Seconde Guerre mondiale la France n'a connu un tel niveau d'endettement. Nous empruntons cette année 270 milliards d'euros, alors que les taux d'intérêt remontent. La France se retrouve en difficulté.
Dette publique, prélèvements obligatoires, déficit public, déficit commercial : la France est en queue de peloton. Cela ne peut pas durer. À quand des économies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)
Lutte contre les dérives sectaires
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La terre est-elle plate ? La question paraît absurde, mais, pour certains, toutes les affirmations, aussi farfelues et complotistes soient-elles, ont leur place dans le débat public, au côté des faits scientifiquement établis - quand elles ne sont pas considérées comme des « thèses minoritaires », comme je l'ai entendu récemment sur France Inter.
Ce mélange des genres est dangereux, et ses conséquences peuvent être désastreuses, notamment pour la santé : d'aucuns expliquent que le cancer se soigne par le jeûne ou que les vaccins servent au contrôle mental des populations. Des charlatans abusent de certains pour leur vendre des pseudos thérapies ; sous prétexte de bien-être, ils mettent peu à peu leurs victimes sous emprise, les entraînant dans un engrenage sectaire. L'un d'entre eux a été récemment mis en examen, mais n'est-ce pas l'arbre qui cache la forêt ?
L'État est-il suffisamment armé pour lutter contre ce phénomène ? Notre position vis-à-vis de ces dérives sectaires, quasiment unique au monde, peut-elle être conciliée avec la législation européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Je vous remercie d'avoir participé aux Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Celles-ci touchent des dizaines de milliers de personnes chaque année.
Les assises ont beaucoup insisté sur la prévention. Comment nos compatriotes peuvent-ils placer sur le même plan un fait scientifique et des croyances ? Ma collègue Sarah El Haïry a pris des engagements forts en matière d'éducation à l'information ; cette éducation doit être adaptée à l'ère des réseaux sociaux. Un travail important sera mené avec les plateformes pour qu'elles ne soutiennent pas ces dérives.
En matière de santé, où les dérives explosent, ma collègue Agnès Firmin Le Bodo a annoncé un encadrement des pratiques non conventionnelles de soins. Nos compatriotes ont accès à un grand nombre de naturopathes, dont les pratiques ne sont absolument pas vérifiées. (Mme Sonia de La Provôté abonde.)
Enfin, il faut accompagner les victimes et punir plus sévèrement les gourous et charlatans. Nous devons renforcer notre arsenal pénal, et je compte sur le Sénat pour nous y aider. (Applaudissements sur des travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Dominique Vérien. - L'arsenal pénal est peut-être à renforcer, mais il faut aussi travailler sur l'emprise. La CEDH doit être convaincue qu'une personne sous emprise n'est pas libre. On a toute liberté de choisir sa religion, mais une sujétion peut être un danger mortel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Rachid Temal, Mickaël Vallet et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)
Réforme des retraites (II)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Hier, madame la Première ministre, vous avez dit aux députés que chacun devait assumer ses choix. Assumez donc les vôtres : coup de force antidémocratique et régression sociale.
Depuis deux mois, le peuple vous dit non ! Grèves et manifestations demeurent ce qu'elles ont toujours été : des outils du progrès social.
Hier, vous avez reproché avec nervosité à André Chassaigne d'opposer les légitimités de la rue et du Parlement. À vous qui aimez souligner votre passé de gauche, faut-il rappeler que c'est la rue qui a bâti les conquêtes sociales ? Sans remonter jusqu'à 1789 (murmures sur les travées du groupe Les Républicains), contestez-vous la légitimité des grèves de 1906, 1936 et 1968 et de tous les progrès qui en ont résulté ? Les victoires de 1995 contre la réforme Juppé et de 2006 contre le CPE n'ont-elles pas confirmé la force et la légitimité du mouvement social ?
Oui, il y a une légalité résultant de l'élection, mais aussi une légitimité sociale qui, aujourd'hui, s'impose à vous. Notre peuple refuse votre choix de société, un choix de droite et de classe.
L'union des droites, de Renaissance à LR, est électoralement minoritaire. Votre autoritarisme conjoint, que devrait confirmer la CMP d'aujourd'hui, est dangereux pour la démocratie. Nous ne vous laisserons pas faire ; nous ne lâcherons rien, y compris avec les moyens constitutionnels à notre disposition. (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Il y a quelque chose de grave à opposer systématiquement la légitimité de la rue à celle du Parlement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains) Il y a quelque chose de dangereux à tenter, par tous les moyens, de bloquer le débat. (Marques d'assentiment sur les mêmes travées ; protestations à gauche)
MM. Thomas Dossus et Hussein Bourgi. - C'est vous qui l'avez bloqué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - La gauche sénatoriale a revendiqué un seul objectif : empêcher un vote sur le texte. (Protestations à gauche) Elle n'a pas réussi : après de longs débats et l'examen de tous les articles, le projet de loi a été adopté à une large majorité.
M. Pierre Laurent. - Par un vote bloqué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Évidemment, j'aurais préféré plus d'idées et moins de postures. Mais vous en avez décidé autrement. C'est le fait unique de ce qui devient la Nupes sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; protestations vives et prolongées à gauche)
M. Vincent Éblé. - C'est vraiment tout petit !
M. Pierre Laurent. - Zéro !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je salue l'attitude responsable de la majorité sénatoriale. (Exclamations ironiques à gauche) Le texte a été enrichi de nombreuses propositions, notamment sur les pensions des femmes et l'emploi des seniors.
M. Hussein Bourgi. - Avez-vous vraiment besoin de lire vos fiches ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - De nombreux amendements déposés à l'Assemblée nationale ont aussi été repris.
Quand j'entends des parlementaires de la Nupes parler de prise d'otage à propos du processus démocratique en cours, j'y vois une entreprise de disqualification de nos institutions. Venant d'élus de la Nation, c'est insupportable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; vives protestations à gauche)
M. Pascal Savoldelli. - Vous voulez nous interdire ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour le travail parlementaire, qui se poursuit en ce moment même.
M. Hussein Bourgi. - Vous avez vraiment besoin de fiches pour dire cela ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je suis convaincue que le Sénat et l'Assemblée nationale peuvent s'accorder sur un projet qui garantira la retraite par répartition, réduira l'écart de pension entre les femmes et les hommes, fermera les principaux régimes spéciaux, améliorera l'emploi des seniors et protégera ceux qui sont usés par le travail.
M. Pascal Savoldelli. - Vous êtes plus durs avec nous qu'avec le RN : c'est grave !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nécessaire, cette réforme a été enrichie par votre assemblée. Le Gouvernement est mobilisé pour qu'une majorité la vote ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Comité national d'éthique dans le sport
Mme Samantha Cazebonne . - L'Institut de la jeunesse et de l'éducation populaire vient de rendre public un baromètre des pratiques sportives très encourageant : 60 % des Français ont pratiqué une activité physique une fois par semaine en moyenne au cours des douze derniers mois, soit six points de plus qu'en 2018.
Malheureusement, ces résultats ont pu être occultés par les profondes crises de gouvernance de certaines institutions du sport français, dont les fédérations françaises de rugby et de football.
Le sport est vecteur d'émancipation ; il réunit autour des valeurs d'équité, de respect, d'inclusion et de persévérance. Rien ne doit entacher le projet politique et sociétal dont il est porteur. Alors que la France se prépare à accueillir deux événements sportifs mondiaux majeurs, nous devons promouvoir des valeurs sportives irréprochables.
Dans cette perspective, un comité national vient d'être créé pour renforcer l'éthique dans le sport. Quels seront son fonctionnement, ses objectifs et ses missions ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Philippe Tabarot. - Question difficile ! Allô ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - En effet, les derniers mois ont été marqués par une série de crises, qui ont mis en lumière la nécessité d'améliorer la gouvernance du sport français.
Les errements dans certaines fédérations ne sauraient se reproduire, s'agissant d'organisations délégataires d'une mission de service public et responsables d'une partie de notre jeunesse. Mais ils ne doivent pas occulter les progrès dans la pratique sportive, ni l'engagement remarquable des éducateurs et bénévoles. Beaucoup de fédérations vont bien. Et la démocratie sportive progresse, notamment sous l'effet de la loi du 2 mars 2022, qui a instauré la parité des instances dirigeantes.
Il faut amplifier cette amélioration de la gouvernance : c'est le sens de ce comité national d'éthique, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana ; y siégeront des personnalités incontestables et diverses, dont Jean-François Lamour, Arsène Wenger, Stéphanie Frappart et Isabelle Autissier. Il me fera des propositions à l'automne pour une gouvernance du sport plus éthique, plus démocratique et plus protectrice, notamment contre les violences à caractère sexiste et sexuel. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Réforme des retraites (III)
M. Rémi Cardon . - (Applaudissements sur des travées du groupe SER) Hier, M. Dussopt a dit aux députés : pour atteindre le port, il faut un cap. Le vôtre serait : progrès, justice et équilibre pour nos retraites. Nous le cherchons toujours...
Les retraités ne verront jamais leurs 1 200 euros de pension minimale : voilà pour le progrès !
Les femmes continueront de toucher des pensions inférieures de 39 % à celles des hommes : voilà pour la justice !
Tous les efforts reposeront sur une seule génération, et le patronat ne sera jamais sollicité : voilà pour l'équilibre !
Nous ne partageons pas le même cap. Nous sommes des millions à refuser d'embarquer avec la droite sénatoriale sur votre radeau de la méduse. (Murmures sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Unis et unanimes, syndicats, travailleurs et manifestants ne lâcheront rien. Madame la Première ministre, pour qui et avec qui gouvernez-vous ? De façon mortifère, vous préparez le terrain à la prise du pouvoir par le RN : êtes-vous inconscients ou irresponsables ? (Quelques sénateurs du groupe SER applaudissent ; protestations sur des travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Nous sommes convaincus que notre réforme a une majorité : elle peut être votée par toutes celles et tous ceux qui veulent préserver le système par répartition, protéger les carrières longues et ceux qui sont les plus exposés à la pénibilité, améliorer l'emploi des seniors et revaloriser les petites retraites. (On le nie à gauche.)
La gauche, aujourd'hui, est déconnectée des classes populaires. (Exclamations à gauche) Grâce à cette réforme, 1,8 million de retraités bénéficieront d'une revalorisation mensuelle de 25 à 100 euros ; pour la moitié, cette revalorisation sera supérieure à 70 euros. Si vous considérez que, pour des retraités qui touchent 800 ou 1 000 euros par mois, cela n'est rien, c'est que vous avez perdu le sens de la réalité.
L'irresponsabilité est dans votre camp, car vous ne faites rien alors que notre système s'écroule. (On le conteste à gauche.) Pendant le débat, dont vous n'avez visiblement pas retenu grand-chose, vous avez tenu des propos assez outranciers, comme à l'instant : c'est la preuve que la mélenchonisation des esprits vous gagne, comme l'ensemble de la gauche française ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; vives protestations à gauche)
M. Thomas Dossus. - Ça vous obsède !
M. Rémi Cardon. - Monsieur Dussopt,...
Plusieurs voix à droite. - Monsieur le ministre !
M. Rémi Cardon. - Monsieur le ministre, gouverner contre le peuple est dangereux pour la démocratie. Le groupe SER demandera un référendum d'initiative parlementaire pour sauver la démocratie et la République de vos bâillons ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER ; nombreuses marques d'indignation sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDPI)
M. Marc-Philippe Daubresse . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La récente publication des chiffres de la construction neuve pour 2022 confirme que la situation est catastrophique : moins 25 % pour la promotion privée, moins 30 % pour la construction individuelle, 350 000 unités prévues en 2023 alors que, du temps du plan Borloo, nous étions à 486 000... Des faillites en cascade sont attendues. Votre funeste réforme des APL (aides personnalisées au logement) a asséché les finances des organismes HLM, nous sommes depuis trois ans en dessous des 100 000 logements sociaux. Sans parler du ZAN (zéro artificialisation nette), que le Sénat tente de corriger.
Avez-vous prévu un plan de relance de la construction neuve, comme nous l'avions fait sous les présidences Chirac et Sarkozy ? Ou des mesures fiscales exceptionnelles, comme sous le gouvernement Fillon ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Voici des chiffres récents : les autorisations augmentent de 3 % en 2022 pour atteindre plus de 480 000, un niveau inconnu depuis six ans (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste), mais les mises en chantier baissent de 3 %, à 376 000. Les refus de prêts augmentent fortement, avec la hausse des taux d'intérêt et du coût de la construction. La demande baisse de 39 % au dernier trimestre.
Nous avons réformé le taux d'usure, pour agir rapidement.
Le CNR (Conseil national de la refondation) logement, qui se termine en avril, devrait proposer des réformes structurelles, en lien avec les élus. Le Président de la République souhaite ouvrir le chantier de la décentralisation des politiques du logement (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste), dans un dialogue franc avec les collectivités territoriales. Changement des zonages, décentralisation des dispositifs, soutien aux maires bâtisseurs, nous y travaillons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Révisez vos chiffres, monsieur le ministre (Mme Frédérique Puissat applaudit) : le nombre de permis de construire a baissé de 25 % au dernier trimestre 2022 par rapport à l'année précédente. Rapporté au nombre de ménages, c'est le plus bas chiffre depuis 1951 ; à l'époque, cela avait donné l'appel de l'abbé Pierre... Vous sous-estimez le problème, réveillez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées du groupe SER)
Action de la France en Haïti
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Haïti pleurant tous les jours ses morts et ses blessés ; Haïti affamée, livrée aux mains des gangs ; Haïti assistant au viol de ses femmes, où les enfants sont recrutés par des groupes armés ; Haïti sans gouvernement, sans État, qui s'enfonce dans le chaos, sans que la France ne dise un mot.
Nous avons pourtant une dette morale envers Haïti, François Hollande l'a dit en 2015. Première colonie noire à prendre son indépendance, en 1804, Haïti a ouvert le chemin, mais s'est affaibli par le fardeau indigne d'une dette insoutenable pour acheter sa liberté.
La résolution des Nations unies d'octobre dernier est un premier pas symbolique, mais elle ne saurait justifier notre inaction collective.
Alors que le Canada a choisi une politique active, que fait la France ? Et l'Europe ? Il faut plus que des sanctions face au massacre des Haïtiens : organiser la coopération dans le bassin caribéen et envoyer une force de maintien de la paix. Depuis l'assassinat du président Moïse, en 2017, le pays n'a plus de gouvernement. Combien de morts, combien de viols, avant d'agir ? (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - Veuillez excuser l'absence de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Nous sommes d'accord : la situation en Haïti est très grave, sur les plans humanitaire, sécuritaire et politique. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur l'inaction de la France. Aux côtés des États-Unis et du Canada, elle soutient la police nationale haïtienne ; elle apporte une aide de 8,5 millions d'euros, dont 5 millions d'aide alimentaire directe ; elle a été active à l'ONU pour faire adopter la résolution 2653, qui inflige des sanctions aux criminels ; elle envisage d'apporter un soutien matériel à une éventuelle force internationale d'appui à la police nationale.
La sortie de crise implique un accord inclusif entre acteurs politiques. La création du Haut Conseil de transition permet d'envisager des élections, comme prévu dans le document de consensus national du 21 décembre dernier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Conconne. - Je déplore la très grande discrétion de vos actions ; mais il est vrai que Haïti n'a ni pétrole ni gaz... (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Grève des éboueurs à Paris
Mme Catherine Dumas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plus d'une semaine, Paris est submergée par une montagne de déchets (marques d'agacement à gauche) : 7 000 tonnes de poubelles non ramassées et une grève annoncée jusqu'au 20 mars ! La présence des rats, les « surmulots » comme on les appelle à Paris, aggrave la situation sanitaire. Les Parisiens sont en colère, mais Mme Hidalgo, loin de s'en émouvoir, annonce son soutien total au mouvement social. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
La cheffe de file de l'opposition, Mme Rachida Dati (« Ah ! » à gauche), vous a saisi hier, monsieur le ministre de l'intérieur. Le préfet de police a donc demandé à la mairie de Paris que les moyens matériels et humains nécessaires soient réquisitionnés. En réponse ce matin, le premier adjoint de Mme Hidalgo affirme que le Gouvernement est responsable de cette situation. (On le confirme à gauche.) Quel déni ! Quelle mauvaise volonté !
Quand l'État se substituera-t-il à la mairie de Paris pour faire ramasser ces déchets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon et Mme Évelyne Perrot applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Après neuf jours de grève, chacun, Parisien d'occasion ou d'habitude, constate l'amoncellement de poubelles à Paris. Il y va de la sécurité et de la salubrité publiques. Ancien élu, je connais ces désagréments.
Au nom de la salubrité publique, après avoir été saisi par Mme Dati et des élus de tous bords, j'ai demandé à Mme Hidalgo de faire ce que la loi permet : réquisitionner pour enlever et incinérer les déchets - il en avait été ainsi lors de l'examen de la loi Travail.
J'attends sa réponse écrite. S'il était confirmé ce soir que la mairie de Paris ne prend pas ses responsabilités, le préfet de police de Paris procédera aux réquisitions. Les Parisiens, qu'ils soient pour ou contre la réforme, l'en remercieront. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Catherine Dumas. - À chaque grève, Paris s'enfonce un peu plus dans l'insalubrité. À 500 jours des JOP, l'image de Paris est écornée, les observateurs extérieurs sont sidérés. Il est grand temps d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Vente du Stade de France
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vous avez annoncé, madame la ministre des sports, que l'État travaillait à la cession ou au renouvellement de la concession du Stade de France. Le Gouvernement n'a pas encore arrêté son choix. La Direction du Trésor a donc engagé deux procédures parallèles, mais les objectifs du Gouvernement ne sont pas clairs.
Que souhaitent les fédérations de football et de rugby, principales utilisatrices du stade ? Qu'en est-il de l'athlétisme, qui n'apparaît plus dans les consultations ? Sur quels critères choisiriez-vous la cession ? L'État français est-il prêt à vendre le Stade de France à une structure appartenant à un État étranger, alors qu'il s'agit depuis la Coupe du monde de football de 1998 d'un emblème du sport français ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - La concession actuelle court jusqu'à l'été 2025. D'ici là, le Gouvernement souhaite faire émerger le meilleur projet de long terme, avec une double exigence : préserver la vocation sportive du stade, mais aussi les intérêts économiques et financiers de l'État.
Les fédérations sont libres de candidater, de s'associer à un candidat et de négocier les conditions d'utilisation du stade, dans le respect de l'équité et du droit de la concurrence.
Tous les grands événements internationaux doivent pouvoir être accueillis, y compris l'athlétisme.
Deux critères ont été retenus : un critère relatif à l'avantage économique global pour l'État et un critère commercial et technique, relatif à l'amélioration de l'accueil et à l'attractivité du stade dans son territoire.
Enfin, nous ne pourrions écarter par principe un investisseur étranger qui répondrait aux conditions protectrices fixées par la loi, qu'il investisse seul ou au sein d'un groupement.
Nous travaillons à un projet ambitieux, de long terme, à la hauteur de la place qu'occupe ce stade dans le récit sportif national et qui réponde aux attentes des élus et des habitants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Capacité des hôpitaux pendant les JO
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Cinq cents jours : voilà ce qui nous sépare de la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). La parade nautique de 6 km de long est un lourd défi en termes de sécurité, et le budget semble de plus en plus difficile à tenir. Nous n'avons pas droit à l'erreur.
Mais qu'en est-il de la situation et de la capacité d'accueil des hôpitaux ? Les 15 000 athlètes et leurs accompagnateurs bénéficieront d'un centre de santé dédié, mais quid des dix millions de visiteurs attendus, alors que nos hôpitaux parisiens fonctionnent déjà difficilement, que les urgences sont débordées et les équipes médicales réduites l'été ? Gouverner, c'est prévoir : qu'avez-vous prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Le Gouvernement est totalement mobilisé pour faire de la Coupe du monde de rugby et des JOP de grandes fêtes sportives.
Pendant le déroulement des épreuves, mon ministère assurera l'accès aux soins dans tous les territoires concernés : Île-de-France, Hauts-de-France, Paca. Nous mobilisons le public, le privé, la médecine libérale, en anticipant une augmentation de la fréquentation de 5 %. Nous serons attentifs à la prise en charge des touristes, avec des capacités de traduction. Il faudra aussi des parcours de soins identifiés, en particulier pour les sportifs et les personnes en situation de handicap.
Les risques climatiques, infectieux, NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) et de cyberattaque ont été bien anticipés.
Enfin, nous avons à coeur l'héritage du sport-santé des JOP. Le Président de la République a annoncé que le sport serait grande cause nationale en 2024. La prévention, axe fort de mon ministère, permettra d'améliorer l'état de santé globale de nos concitoyens.
Mme Frédérique Puissat. - Le personnel de santé s'inquiète. Ma question est donc légitime, mais aussi préventive, au regard du fiasco de la finale de la Ligue des Champions. Soyons sur le podium pour l'organisation de la santé pendant les JOP, autour des épreuves, mais aussi au quotidien sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Réforme de la PJ
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre de l'intérieur, le 3 mars dernier, vous répondiez aux inquiétudes concernant la police judiciaire (PJ), sans même attendre la parution du rapport du Sénat.
La mission que j'ai menée avec Nadine Bellurot émettait pourtant 22 recommandations, adoptées à l'unanimité, pour vous aider à faire cette réforme nécessaire. Mais vous avez voulu aller vite, et vous n'avez pas rassuré les PJistes, pas plus que les magistrats et les avocats, qui manifesteront demain.
Surtout, vous n'avez répondu à aucun des quatre rapports sur le sujet : les inspections dénonçaient l'insuffisance du cadrage de l'expérimentation ; Philippe Dominati invitait à ne pas déshabiller la PJ ; Ugo Bernalicis craignait une mise à mal de son indépendance ; le Sénat demandait un moratoire jusqu'aux jeux Olympiques afin de ne pas fragiliser notre appareil sécuritaire avant 2024.
Pourquoi ne pas avoir suivi nos recommandations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Cette réforme est très importante, la première aussi structurante depuis soixante ans. Évidemment, cela bouscule les habitudes.
Le Sénat, dans sa majorité, a adopté cette réforme en votant la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), coconstruite ensemble.
Vous dites que nous n'avons pas pris connaissance de vos propositions, mais c'est faux : j'ai refusé d'attendre la fin des jeux Olympiques pour mettre en oeuvre cette réforme travaillée par le ministre Joxe - cela ne nous rajeunit pas (M. Alain Richard le confirme en souriant) -, et déjà imaginée par mes prédécesseurs. J'y travaille depuis deux ans et demi.
Nous suivons toutes vos autres recommandations : la formation particulière des directeurs départementaux de la police nationale (DDPN) est prévue ; leur évaluation se fera avec les procureurs de la République ; les magistrats pourront saisir les services d'enquête ; une mission sur le stock des procédures en attente est en cours ; les moyens spécialisés des directions départementales sont conservés ; les magistrats pourront saisir directement les offices centraux...
M. le président. - Il faut conclure.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous le voyez, je ne puis citer toutes les bonnes recommandations que nous suivons... (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. Jérôme Durain. - Sans PJ, pas de lutte efficace contre la drogue ou la criminalité organisée économique et financière. La dilution de l'expertise de la PJ, le « tout-voie publique », le rétrécissement départemental et la prééminence de l'administratif sur le judiciaire sont des impasses. Pour la sécurité des Français, sauvez la PJ ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Nombre de communes
M. Bruno Sido . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans son dernier rapport, la Cour des comptes préconise la réduction du nombre de communes, notamment des plus petites. Mais le fait communal et le fait départemental précèdent le fait républicain. La loi Marcellin de 1971 a voulu fusionner les communes, sans grand succès : aucune fusion dans le propre département de M. Marcellin ! Sur les 200 communes de Haute-Marne qui ont fusionné, la moitié a divorcé l'année suivante. Aujourd'hui, on attaque les communes pour assainir les finances de l'État...
Quelle est votre position sur les préconisations de la Cour des comptes, rarement suivies par les gouvernements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Mme Deroche et MM. Piednoir, Bigot et Capus vous le confirmeront : le Maine-et-Loire est le département qui a connu le plus de fusions - 48 % des communes s'y sont engagées, leur nombre passant de 358 à 186. Ne plaquons pas de modèle national : je ne crois qu'aux mariages d'amour. (Sourires)
On comptait 44 000 communes en 1790, 38 000 en 1960, 34 000 aujourd'hui. Depuis 2014, il n'y a eu que 235 fusions. Les propositions de loi Gatel et Sido ont cherché à définir un statut intermédiaire. (M. Loïc Hervé le confirme.)
Rien ne se fera sous la contrainte. L'intercommunalité ne fonctionne qu'avec une conférence des maires et un pacte de gouvernance. Les mutualisations doivent être au service de la vie quotidienne des habitants et d'un meilleur usage des deniers publics. Les modes d'association doivent être différenciés, en faisant confiance aux élus et en s'adaptant à l'histoire et aux réalités locales.
M. Bruno Sido. - Les Français sont plus que jamais attachés à leur commune. Crise des gilets jaunes et crise sanitaire sont passées par là. Nos 500 000 élus sont bénévoles. Souvenons-nous du couple maire-préfet : M. Castex parlait des maires comme des piliers de la République. Et aujourd'hui, on voudrait les sacrifier au nom des finances publiques ?
Vous ne m'avez pas convaincu. Aussi je répète ma question : allez-vous faire payer aux petites communes le laxisme budgétaire du Gouvernement, en les supprimant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Prix de l'électricité
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En l'espace d'un an, la question du coût de l'énergie est devenue cruciale pour nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités locales. La loi du 16 août 2022 prévoit que le prix de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) ne peut être inférieur à 49,50 euros le mégawattheure (MWh). Mais le Gouvernement veut soumettre ce prix largement inférieur au marché à la Commission européenne. Vous n'écoutez pas le Conseil d'État, qui vous dit que c'est inutile, mais n'avez toujours pas sollicité la Commission européenne. Pourquoi cette surdité gouvernementale, mâtinée d'une étonnante procrastination ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Je vais essayer de vous répondre pour Mme Pannier-Runacher, retenue à l'Assemblée nationale, avec les éléments dont je dispose.
Le Gouvernement français est mobilisé pour notre mix énergétique et la réforme du marché européen de l'énergie. Nous investissons 4 à 5 milliards d'euros par an dans le nucléaire via EDF, 50 milliards depuis 2015 pour le grand carénage, autant pour les futurs EPR2. L'État n'a pas lésiné : nous avons recapitalisé deux fois EDF, à hauteur de 4 milliards en 2017 et de 3 milliards en 2022. Il continuera d'être au rendez-vous.
Les Français sont protégés face à la hausse des prix de l'énergie par l'Arenh, quoi qu'en dise le Conseil d'État, par le bouclier tarifaire et par les aides énergétiques.
Sur la réforme du marché européen, nous n'avons rien lâché. Après un an de travail, la proposition de la Commission européenne reprend trois de nos revendications : une électricité à un prix proche du coût de production national, l'éligibilité du nucléaire et celle des installations existantes. C'est une bonne base de travail, et nous espérons une adoption dans l'année. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Piednoir. - L'implication du Gouvernement en faveur de la filière nucléaire est récente. Les moyens de notre outil industriel doivent être consolidés : EDF fait face à une dette de 64 milliards d'euros et un mur d'investissements. Pour Luc Rémond, l'avenir d'EDF n'est pas assuré si le prix de l'Arenh reste à 42 euros le MWh. Mme Pannier-Runacher reconnaît elle-même que le coût de production est autour de 58 euros : l'écart est trop grand ! Ne piétinez pas les décisions du Parlement et saisissez-vous du véhicule législatif en cours d'examen à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Défense extérieure contre l'incendie et territoires ruraux
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l'incendie à la réalité des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues.
Discussion générale
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi . - (Mme Anne-Catherine Loisier applaudit.) Cette proposition de loi est le fruit des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, initiés à la demande du Président du Sénat qui rappelait qu'il n'est pas normal que la quasi-totalité de l'investissement des communes soit consacrée à la défense extérieure contre l'incendie (Deci). Franck Montaugé et moi-même avions publié en juillet 2021 un rapport intitulé Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires. Le Sénat en avait débattu le 5 janvier 2022, à la demande de la délégation et de sa présidente Françoise Gatel, que je remercie.
Nous avions alors constaté que Gouvernement n'était pas conscient des difficultés, d'où notre proposition de loi. L'article 32 de la loi 3DS, à l'initiative du Sénat, prévoyait un rapport d'évaluation de l'impact de la Deci sur les communes. Si le Gouvernement ne l'a jamais remis formellement, j'en ai reçu une copie. Bien qu'il n'ait été élaboré qu'avec les préfets et sans consulter les maires, ce document confirme largement nos conclusions.
La loi du 17 mai 2011 a substitué à la réglementation nationale une réglementation départementale établie par le préfet en concertation avec les élus locaux, pour mieux répondre aux spécificités des territoires. Comme le souligne l'excellent rapport de Loïc Hervé, cette réforme était attendue de longue date. Hélas, douze ans après, elle n'a pas répondu aux attentes.
La consultation prévue par le décret de 2015 a été mise en oeuvre très inégalement : 70 % des maires la jugent insatisfaisante. S'ajoute l'absence d'évaluation de la mise en oeuvre locale des règles de Deci et de leurs conséquences financières pour les communes.
Ainsi, les règlements ne répondent pas toujours aux spécificités infra-départementales et ne sont pas proportionnés à la réalité des risques. Dans l'Eure, la règle, très stricte, impose une distance de 200 m entre toute habitation et un point d'eau incendie, tant en zone urbaine que rurale. Le rapport du Gouvernement considère pourtant qu'on ne peut demander à des communes peu peuplées de disposer d'une couverture de Deci identique à celle des communes urbaines. Et pourtant ! Il invite même à envisager l'absence de couverture, plutôt qu'une « Deci coûteuse et pénalisante pour assurer la couverture incendie d'un bâti à risque très faible », alors que le poids pour les finances des communes est considérable - plusieurs centaines de milliers d'euros. Ainsi de la commune des Bottereaux, dans l'Eure : 380 habitants, un budget d'investissement de 200 000 euros, et des travaux de mise aux normes estimés à 3,6 millions d'euros !
Pour y faire face, les maires sont donc contraints de renoncer à d'autres investissements qui pourtant bénéficieraient davantage à la population et aux entreprises locales, voire à refuser toute autorisation d'urbanisme, enclenchant le cercle vicieux de baisse de population, de ressources et de fermeture d'écoles.
Si certains préfets ont modifié le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI), comme en Seine-Maritime, ce n'est pas le cas partout. Il faut donc une réponse législative. C'est l'objet de cette proposition de loi, enrichie par le rapporteur et la commission.
Ainsi, le règlement deviendra un volet du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (Sdacr). La consultation des élus dans le cadre de son élaboration sera renforcée et élargie. Le préfet devra recueillir l'avis des communes et des intercommunalités compétentes, et une évaluation préalable objectivera les difficultés.
En outre, le règlement départemental n'étant pas figé, il doit pouvoir être modifié à l'issue du vote de cette proposition de loi, s'il n'a pas été révisé dans les cinq dernières années.
Les règles devront respecter plusieurs principes : l'adaptation aux spécificités du territoire, au niveau infra-départemental ; l'équilibre entre les moyens des communes et ceux des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ; la prise en compte de l'impact budgétaire sur les finances communales.
Le règlement départemental de RDDECI ne doit pas être la variable d'ajustement des moyens des Sdis, mais doit éviter de faire peser des investissements disproportionnés sur les collectivités.
Enfin, ce texte crée une commission départementale chargée du suivi de l'application de ces règlements, souhaitée par le ministre de l'intérieur. Composée de maires, elle évaluera les conséquences en matière budgétaire, d'urbanisme et de développement économique, et pourra proposer au préfet des modifications du règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois . - La question est la suivante : la défense contre les incendies est-elle suffisamment grave pour n'être confiée qu'à ceux qui ont la maîtrise de l'art ?
Les communes rurales connaissent le problème lancinant de la Deci.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est vrai.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le répertoire de nos questions écrites illustre les velléités de l'État sur ce sujet, devenu un irritant pour les maires ruraux.
M. François Bonhomme. - Un de plus !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Hervé Maurey, très mobilisé sur ce sujet et coauteur avec Franck Montaugé d'un rapport d'information, nous propose d'avancer avec cette proposition de loi.
La loi Warsmann de 2011 avait pourtant révisé le cadre juridique, avec le RDDECI, arrêté par le préfet de département après consultation des maires et avis du conseil d'administration du Sdis. Ce règlement départemental doit tenir compte du référentiel national (RNDECI), qui s'impose à tous.
Outre le délai, jugé excessif, de mise en application de cette réforme, les difficultés des communes demeurent : une concertation avec les élus jugée inégale ; une couverture du risque défaillante ; une inadéquation entre les prescriptions et les risques réels, faute d'évaluation et d'adaptation aux spécificités locales. Qui ne connaît pas la tristement célèbre règle des 200 ou 400 m, qui était déjà au coeur des sénatoriales de 2020 ? Le coût financier pèse sur le budget mais aussi sur le développement économique, quand une autorisation d'urbanisme ne peut être délivrée faute de couverture du risque incendie.
La commission a simplifié et renforcé le dispositif en faisant du RDDECI un volet à part entière du Sdacr. Il était incongru que les deux documents coexistent, sans articulation entre eux.
Or la prise en compte des moyens et des difficultés des communes en matière de Deci doit être un élément de la stratégie des Sdis, a fortiori dans un contexte de changement climatique qui expose à des risques accrus. Le Sdacr doit adapter ses prescriptions en fonction des forces et faiblesses de la Deci dans un département.
La conformité des arrêtés communaux et intercommunaux avec ce volet Deci du Sdacr, qui porterait donc règlement départemental, serait une mesure de simplification.
Nous nous inspirons de la procédure d'adoption du règlement départemental, avec une consultation élargie, pour avis, du conseil départemental et des conseils municipaux ou intercommunaux. Le principe d'une révision concomitante du Sdacr et de son volet Deci serait conservé.
La commission a également adopté un amendement d'Hervé Maurey créant une commission départementale de suivi, constituée d'élus. Elle publierait un rapport annuel et formulerait le cas échéant des propositions d'évolutions. Cela me semble consensuel, et offrirait aux élus un espace d'écoute et de dialogue. Nous prévoyons même une incompatibilité entre siéger à la commission départementale et au conseil d'administration du Sdis, pour garantir un véritable échange.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Enfin, le rapport annuel de cette commission, sur décision du conseil d'administration du Sdis, pourra faire fonction d'évaluation préalable avant la révision du Sdacr. Elle gagne donc un rôle majeur dans l'élaboration du volet Deci du Sdacr, tout en simplifiant les procédures.
Ce texte est équilibré, pragmatique et consensuel. Je remercie ceux qui, sur tous les bancs, ont contribué à cette amélioration. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et INDEP)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Cette proposition de loi résulte, notamment, du rapport d'information réalisé au nom de la délégation aux collectivités territoriales, que je salue.
La Deci date de la fin du XIXe siècle. Responsabilité ancienne des maires, elle a pour objet d'assurer l'alimentation en eau des services d'incendie et de secours (SIS) et participe de leurs bonnes conditions d'intervention. Il y va de la sécurité des populations, et de celle des sapeurs-pompiers engagés.
Il faut concilier ces impératifs absolus avec une organisation et un financement réalistes et adaptés au terrain.
La Deci s'inscrit, en outre, dans un contexte climatique défavorable. Les feux menacent désormais toute la France : cet été, un feu de chaume et de bosquets, sur 90 ha, a détruit des habitations dans l'Essonne...
M. Jean-Raymond Hugonet. - Absolument !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Cette proposition de loi suit la révision du cadre législatif et réglementaire achevée en 2015, qui a remplacé des circulaires datant des années 1950. La Deci n'est plus nationale, mais décentralisée. Ainsi les volumes et distances des points d'eau incendie (PEI) sont précisés dans le RDDECI, arrêté par le préfet après avoir été élaboré par le SIS, en concertation obligatoire avec les maires. Il doit être cohérent avec le règlement opérationnel du SIS et le Sdacr.
Nous avons évolué vers plus de décentralisation et une meilleure prise en compte des spécificités locales, mais le dispositif reste perfectible. Les élus restent souvent sans appui sur ce sujet complexe.
La proposition de loi améliore l'articulation entre le RDDECI et le Sdacr et instaure une consultation des maires avant l'élaboration de ce même règlement. Je souscris à ces mesures, mais vous propose de les mettre en oeuvre par voie réglementaire.
Votre article 1er transforme la nature même du Sdacr en créant un volet prescriptif consacré à la Deci. Or ce schéma doit rester un document stratégique, et non opposable. La distinction entre le Sdacr, document d'analyse et d'orientation, et le RDDECI, texte réglementaire spécifique à la défense contre l'incendie, est pertinente.
À l'article 2, nous rejoignons votre constat d'une insuffisante concertation dans certains territoires. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'instituer par la loi une nouvelle commission, alors que tous partagent le constat d'un trop grand nombre d'instances de ce type.
Je vous propose donc que le Gouvernement fasse évoluer le dispositif dans l'esprit qui est proposé ici, pour un lancement avant l'été 2023. Ce plan d'action comprend deux mesures directement inspirées de la proposition de loi, que nous pourrions travailler avec Hervé Maurey et Loïc Hervé.
Ainsi, je propose que la Deci soit discutée au sein d'une instance départementale existante, la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), dont nous élargirions les compétences par décret. Je m'engage à le faire rapidement.
Deuxièmement, je propose de lier, par voie réglementaire, RDDECI et Sdacr, sans toutefois donner de portée réglementaire à ce dernier.
Nous allons produire un guide de bonnes pratiques à destination des SIS sur le déploiement de la Deci, pour favoriser le développement des schémas communaux et intercommunaux.
Enfin, nous améliorerons la synergie entre les règlements d'urbanisme et la Deci, sous la forme d'un référentiel technique.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à cette proposition de loi. (M. François-Noël Buffet le déplore.) En lieu et place, nous vous proposons ce plan d'action. Comptez sur ma détermination.
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Semaine bobologie au Sénat : traitement des urticaires et irritants, du ZAN à la défense incendie.
ZAN et Deci, c'est le blocage de toute velléité de construction, le découragement, le renoncement, et à la clé, la chute de la population, la fermeture des commerces et des écoles dans nos territoires ruraux...
Je remercie Hervé Maurey et Franck Montaugé pour leur rapport, la présidente Françoise Gatel, notre bonne fée des collectivités territoriales (sourires ; Mme Françoise Gatel se récrie), et le rapporteur Loïc Hervé.
Le constat est sans appel. La réforme de 2011 n'a pas tenu ses promesses : 70 % des maires considèrent que la concertation n'a pas été suffisante ; 81 %, que leur territoire n'est que partiellement couvert - un habitant sur trois serait hors du champ !
Depuis 2011, les communes restent soumises au règlement départemental de Deci tout en contribuant à son financement. L'évaluation procède d'un document distinct, le Sdacr. Le décalage est parfois total entre ces documents et les réalités du terrain - on a parlé de la règle des 200 ou 400 m. Les coûts sont tels qu'ils absorbent l'essentiel de la DETR. La concertation des élus est insuffisante, et surtout inégale.
M. François Bonhomme. - C'est laconique !
Mme Nathalie Goulet. - Ce constat appelait une réforme. L'intégration du RDDECI au Sdacr est un effort de simplification bienvenu, et la création d'une commission départementale de suivi garantit une meilleure association des élus à la gouvernance.
Mme la ministre nous promet d'avancer par voie réglementaire, mais il faut bien une loi pour modifier des dispositifs légaux !
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Absolument !
Mme Nathalie Goulet. - Certes, cela suppose une adoption à l'Assemblée nationale... Mais rien ne vous empêche de prendre une circulaire en attendant. Plus on facilitera la vie des territoires ruraux, mieux ça ira !
Lors de la discussion budgétaire, le Gouvernement a écarté des amendements de bon sens de notre collègue Anne-Catherine Loisier sur l'entretien des forêts. Gestion des espaces forestiers et risque incendie sont pourtant intrinsèquement liés. Il faudrait travailler avec Bercy et le ministère en charge des forêts à des mesures adaptées, en amont du prochain projet de loi de finances. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
Notre groupe votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
Mme Nathalie Delattre . - Les incendies de cet été ont durablement marqué les esprits, notamment en Gironde : la prise de conscience a été abrupte, alors que le dérèglement climatique va démultiplier les risques, exigeant de nouveaux moyens matériels et humains. Une proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie sera prochainement examinée au Sénat : nous sommes dans l'anticipation.
Mais parlons planification et outils juridiques. Je salue les auteurs de cette proposition de loi. Nous avions débattu en janvier 2022 sur les conclusions du rapport d'information. Celui-ci soulignait que de nombreux maires n'étaient pas en capacité de s'approprier la Deci, faute de compétences techniques. Éric Gold rappelait alors la complexité des règles, inadaptées aux réalités de nos communes.
Nous devons simplifier les outils et les rendre plus cohérents. Loïc Hervé a mené un travail d'orfèvre en ce sens. Il propose d'intégrer le RDDECI au Sdacr, pour assurer la concomitance des deux documents : c'est un gage d'efficacité.
Le groupe RDSE votera unanimement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et INDEP)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Kristina Pluchet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires : voilà la difficile mission de la Deci. Dans l'Eure, toutes les semaines, je constate l'impossibilité de mettre en oeuvre le RDDECI dans les communes, pour des raisons de complexité ou de coût. Il faut un PEI tous les 200 m : manque de débit, absence de foncier disponible, siphonage des budgets communaux, blocage des permis de construire - et donc conflit avec les habitants. Voilà l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les élus, avec la crainte de l'engagement de la responsabilité de la commune en cas de sinistre.
La création des RDDECI, qui se voulaient au plus près des territoires, a manqué sa cible.
Le rapport d'évaluation du Gouvernement de juin 2022 reconnaît les dysfonctionnements et les crispations, et préconise une révision et une adaptation des règlements au niveau infra-départemental.
L'Eure, déjà citée, est la parfaite illustration d'une Deci coûteuse et pénalisante, qui plus est souvent inopérante. Le montant des dossiers DETR sur ce sujet est vingt fois supérieur à la moyenne, pour un résultat très en deçà des objectifs du RDDECI.
D'autres départements ont trouvé des solutions : dérogations, évolution des doctrines ou révision de leur RDDECI. Il faut une Deci déconcentrée et évolutive, avec une concertation périodique des élus pour trouver des issues en cas de règlement trop uniforme et trop rigide.
Je salue l'intégration du RDDECI dans le Sdacr et l'obligation de révision dans l'année. Il faut prendre en compte la disponibilité de la ressource et les capacités budgétaires des communes. (M. Loïc Hervé acquiesce.) Enfin, la récurrence des feux invite à repenser notre modèle de défense incendie. Je voterai ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)
M. Pierre-Jean Verzelen . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La Deci est parfois mal identifiée, mal comprise, alors que c'est un enjeu essentiel de sécurité publique. La responsabilité incombe au maire ; ce travail doit se faire main dans la main avec les Sdis.
Jusqu'en 2011, la Deci relevait d'une logique nationale, et était très éloignée du terrain. Comme maire et président de Sdis, j'ai apprécié de pouvoir élaborer des documents départementaux, mais les résultats sont inégaux selon les départements. Dans les communes rurales, les moyens manquent pour élaborer un document si complexe.
La réforme n'a pas eu tous les effets escomptés. Les maires estiment ne pas avoir été assez associés à l'élaboration des règles. Le volet financier n'est pas satisfaisant : pour une commune composée de nombreux hameaux, les coûts sont intenables. Il faudrait peut-être des financements déplafonnés à hauteur de 100 %, comme cela existe pour les investissements dans le patrimoine ?
Cette proposition de loi, modifiée par la commission, apportera une plus grande souplesse. La commission départementale et l'évaluation préalable offriront plus de cohérence dans la couverture des risques. Le groupe INDEP votera ce texte qui répond aux attentes des élus locaux, mais sans perdre de vue l'objectif premier de la Deci qui reste la sécurité publique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Monique de Marco . - Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), plus de 80 % de nos nappes phréatiques ont un niveau inférieur à la moyenne, et 40 % un niveau bas ou très bas. La situation ne va pas s'améliorer, et le renouveau végétal est trop faible. Cela laisse augurer un été 2023 encore plus sec que le fut l'été 2022, ce qui n'est pas sans incidence sur le risque incendie. La Gironde en a fait la douloureuse expérience l'été dernier. C'est dans cet état de vigilance que nous abordons l'examen de cette proposition de loi.
Le nouveau cadre de la Deci mis en place en 2011 n'est pas satisfaisant : faible mise en conformité des communes, déficit de concertation lors de l'élaboration des RDDECI, coûts trop importants. La création et l'entretien des PEI et des réseaux afférents représentent des charges exorbitantes pour les petites communes.
Cette proposition de loi ne contient aucun instrument financier. Sans plan national d'accompagnement financier pour ce qui a trait à la compétence communale de l'eau, toute initiative sera vaine. Or Mme la ministre n'a pas abordé le sujet...
Les impacts du texte sont difficiles à évaluer. Certes, la mise en place de commissions consultatives dédiées et l'obligation d'information des communes en amont vont dans le bon sens. En revanche, la possibilité pour les communes de déroger aux normes de sécurité prévues par le référentiel national risque de favoriser la délivrance de permis de construire en zone non sécurisée... Attention à ne pas affaiblir leurs capacités d'action. L'évaluation préalable des coûts servira à justifier les dérogations pour les communes moins exposées au risque incendie, mais qu'en sera-t-il demain ? Nous faisons courir des risques aux générations futures. Nous défendrons un amendement sur ce point.
Nous proposerons également de faire l'inventaire des points d'eau incendie privatifs, comme les piscines, pour les intégrer aux schémas communaux et les substituer aux bornes communales.
En l'état actuel du texte, nous nous abstiendrons.
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte s'inspire du rapport de 2021 de MM. Maurey et Montaugé, qui formulait des recommandations pour une meilleure application de la Deci dans les territoires ruraux.
Dans sa première mouture, le texte prévoyait une révision du RDDECI dans les six mois suivant la promulgation de la loi, ainsi qu'une meilleure concertation des élus et une évaluation des conséquences financières, urbanistiques et économiques.
La commission des lois l'a remanié et a fait fusionner RDDECI et Sdacr, en faisant du premier un volet du second. Elle a également voté la création d'une commission départementale de suivi chargée de procéder à l'évaluation régulière de la couverture des risques et d'adresser au préfet des propositions d'évolution.
L'ambition du texte est louable, au regard des difficultés rencontrées par les maires et de l'accroissement du risque incendie. Nous sommes toutefois partagés sur la méthode, certaines mesures relevant plutôt du domaine réglementaire, et sur la fusion entre Sdacr et RDDECI, deux dispositifs de nature et de finalité différentes. Ce débat trouvera mieux sa place dans la proposition de loi de Jean Bacci visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, qui s'inscrit dans la stratégie de lutte contre les incendies de forêt voulue par le président de la République.
La multiplication des textes sur le sujet ne concourt pas à la lisibilité de nos travaux. Nous nous abstiendrons. (Mme Françoise Gatel le déplore.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au Sénat, nombre de nos travaux sont transpartisans. C'est le cas pour ce qui a trait à la lutte contre l'incendie. La reconnaissance que nous devons à nos pompiers est partagée sur tous les bancs. (M. Loïc Hervé le confirme.)
Nous avons beaucoup travaillé pour nos pompiers, avec quatre propositions de loi entre 2021 et 2022, la proposition de résolution de Roland Courteau sur le régime de retraite des sapeurs-pompiers volontaires en 2017, ou encore les nombreux amendements au récent PLFRSS visant à mieux prendre en compte l'engagement des sapeurs-pompiers.
Madame la ministre, vous dites vouloir vous inspirer de notre travail pour le transformer en dispositions réglementaires.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Absolument.
M. Patrick Kanner. - Permettez néanmoins au législateur de poursuivre ses travaux : nous ne doutons pas de votre bonne volonté, mais préférons décider par nous-mêmes ! (Mme Françoise Gatel le confirme.)
Le rapport de Franck Montaugé et Hervé Maurey a montré la déconnexion de l'exécutif sur le problème qui nous intéresse. Lors du débat organisé en janvier 2022, le Gouvernement avait annoncé un audit par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises. Nous l'attendons toujours, et les élus locaux dénoncent l'inadaptation des obligations en matière de Deci à la réalité du terrain. En zone rurale, des millions de personnes ne seraient pas couvertes contre le risque incendie.
La Deci relève du maire, ou de l'EPCI si la compétence a été déléguée. Les élus locaux ont du mal à faire face aux dépenses nécessaires, notamment pour la création de points d'eau. Les impacts financiers et en matière d'urbanisme ont été évoqués.
La loi de 2011 a mis en place des déclinaisons départementales du référentiel national, censées mieux prendre en compte les réalités de chaque territoire. Mais l'organisation de la concertation a été laissée à l'appréciation des préfets, d'où une mise en oeuvre très inégale.
Ce texte prévoit la révision du règlement départemental dans un délai restreint. C'est un progrès, au vu de la situation actuelle, car nous avons besoin d'une vision plus globale.
Le dynamisme des travaux du Sénat témoigne de notre engagement à défendre les conditions de travail des sapeurs-pompiers et à protéger nos concitoyens du risque incendie.
Le groupe SER votera ce texte, en proposant, avec Franck Montaugé, plusieurs amendements pour l'améliorer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Céline Brulin . - Cette proposition de loi est bienvenue : le groupe CRCE la votera. La Deci peut empoisonner la vie des communes rurales : plus l'État abandonne ses missions, plus il se montre exigeant et procédurier...
Comme le rapporteur l'a dit, la déclinaison départementale du référentiel national, sans concertation, restrictive et disproportionnée, va à l'encontre des objectifs de protection de la population.
En Seine-Maritime, nous avons obtenu une révision du règlement départemental, qui ne prenait pas en compte les réalités de terrain. Nous avons dû prendre l'initiative d'une consultation des communes, multiplier les interventions auprès du préfet et du Gouvernement, pointer des aberrations comme celles qui concernaient les communes du bord de Seine, qui se voyaient refuser la prise en compte du fleuve...
Il nous a fallu aussi alerter sur l'impossibilité de se conformer à la Deci faute de débit suffisant, ou en raison de l'incapacité financière de certaines communes, qui souvent devaient y consacrer le budget d'investissement d'un mandat entier.
Nous avons dû formuler des propositions simples et peu coûteuses dans un recueil remis au préfet pour faire la démonstration que des solutions de bon sens existaient.
Bref, il a fallu beaucoup d'énergie.
Malheureusement, ce qui a été possible dans mon département ne l'est pas partout... Madame la ministre, votre refus de soutenir cette proposition de loi, moyennant de vagues engagements à des mesures réglementaires, risque d'être mal pris alors que les élus et le Sénat vous alertent depuis plusieurs années. Rien n'a bougé. Nous attendons toujours le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement.
Il est donc nécessaire d'en passer par la loi. Elle n'épuisera pas tout le sujet : il faudra ouvrir le volet financier. Nous aurons, là aussi, de nombreuses propositions à vous faire, notamment celle de moins faire contribuer les communes, et davantage les compagnies d'assurances (Mme Françoise Gatel l'approuve), qui ont tout à gagner à une meilleure protection contre les incendies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et UC)
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi de simplification et d'amélioration du droit, les nombreuses insuffisances en matière de défense incendie ont conduit Hervé Maurey et Franck Montaugé à déposer un rapport sur le sujet, aboutissant à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
La Deci est une préoccupation sensible pour les élus locaux. Les règlements de lutte contre l'incendie sont une avancée, mais ils font peser une responsabilité accrue sur les maires, avec la mise en oeuvre d'un service public de la Deci, la prise d'arrêtés communaux relatifs à la sécurité incendie et de nouvelles charges financières.
Il fallait une approche réaliste et opérationnelle. Les règles sont, localement, jugées trop sévères ; d'où la nécessité d'adapter le cadre actuel.
La mutualisation à l'échelle des territoires est un levier important, qui a l'avantage de rapprocher la gestion du service public de l'eau et de la Deci.
Il est opportun de renforcer l'éligibilité des travaux en matière de Deci aux dotations de l'État.
Je voterai avec enthousiasme ce texte qui représente une avancée. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Très bien !
M. Édouard Courtial . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Alors que notre pays a connu son année la plus chaude et que 80 % des nappes phréatiques atteignent un niveau inquiétant, cette proposition de loi, que j'ai cosignée, a un écho particulier. Elle est issue d'une mission d'information de notre chambre.
La Deci vise à garantir l'alimentation en eau des Sdis par l'intermédiaire de points d'eau identifiés. Elle a longtemps été encadrée par voie réglementaire, puis réformée en 2011 par voie législative. Cependant, de nombreuses insuffisances ont été relevées.
Dans la continuité du rapport de notre collègue Maurey de juillet 2021, cette proposition de loi modifie les modalités de révision des RDDECI pour mieux prendre en compte les intérêts communaux. Je partage la nécessité de renforcer la cohérence entre le RDDECI et le Sdacr. Nous le savons, l'eau devient, comme l'énergie, un enjeu majeur pour les collectivités. Toute mesure tendant à une meilleure prise en compte des réalités locales, à la simplification et à la concertation doit être saluée. C'est pourquoi je vous appelle à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Franck Montaugé . - Je ne suis pas signataire de ce texte, mais rassurez-vous : ce n'est pas un signe de dédain pour le sujet, bien au contraire. Le rapport que j'ai présenté avec Hervé Maurey en témoigne.
Sans acrimonie, je regrette de ne pas avoir été sollicité pour signer ce texte, d'autant que j'avais cosigné une précédente proposition de loi sur le sujet, avec Hervé Maurey.
Ce coup de canif dans notre façon de travailler est regrettable, non pour moi, mais eu égard à la reconnaissance réciproque que nous nous devons au-delà des engagements partisans. Je le dis à Mme Gatel, qui préside la délégation aux collectivités territoriales. (M. Patrick Kanner applaudit.)
M. Hervé Maurey . - Nous débattons au sein d'un espace réservé au groupe UC, ce qui explique que cette proposition de loi, qui reprend en grande partie celle que j'avais cosignée avec Franck Montaugé, ne soit présentée que par moi.
Madame la ministre, vous partagez le constat et souscrivez à la philosophie du texte, ce dont je me réjouis, mais vous n'y êtes pas favorable. Et vous proposez de créer une commission, grand classique depuis Clemenceau...
Parlez avec M. Darmanin ! J'ai ici un courrier de sa part, du 24 octobre, dans lequel il propose de créer par décret une commission départementale spécifique.
Un renvoi par décret à la commission d'accessibilité, c'est tout ce dont nous ne voulons pas (M. Loïc Hervé abonde) : il y a trois maires et neuf représentants de l'administration ! On a fait mieux pour entendre les élus.
Enfin, vous oubliez la nécessité de réviser les schémas. En 2022, plus de 70 départements n'avaient pas entamé la révision. Certains préfets ne le veulent pas, ou ne le peuvent pas.
M. Mickaël Vallet . - Je salue le travail du Sénat sur un sujet qui préoccupe beaucoup les élus locaux. Il est toujours tentant de laisser la règle s'appliquer aux autres, en réclamant des exceptions pour sa collectivité ; mais, en matière de sécurité incendie, il faut des règles claires, tenant compte des réalités, sur lesquelles les règlements se fracassent.
En Charente-Maritime, on trouve tous les types d'habitat. Je salue ce texte, qui en tient compte. La concertation entre élus, Sdis et préfets est le meilleur moyen d'atteindre un équilibre, en matière de partage de responsabilités, de diagnostic et de coûts. Le maire connaît le mieux sa commune, le Sdis connaît le risque incendie et le préfet fait appliquer la loi et le règlement.
En Haute Saintonge comme dans l'Aunis, le Sdis doit savoir ce qu'on attend de lui pour calibrer l'achat d'engins. J'appelle le Sénat à adopter ce texte, quels que soient les amendements retenus, et le Gouvernement à s'en saisir. Ne réinventez pas l'eau tiède, madame la ministre ; c'est d'eau tout court qu'il est question, et le Sénat vous apporte une solution clé en main ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe UC)
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 8, 22 et 32
Supprimer les mots :
le cas échéant,
M. Franck Montaugé. - La question de fond reste celle des moyens. Nous avons essayé plusieurs fois, dans les PLF successifs, de réserver des crédits pour la mise en conformité des Deci, en vain.
L'état des lieux des réseaux de Deci est préoccupant. Nous n'avons pas obtenu de vision précise sur le sujet. La responsabilité juridique des maires est en jeu. Cela nous renvoie à la problématique des ponts.
La commission des lois a donné valeur législative au RNDECI. Mais le texte de la proposition de loi ne met pas assez en évidence le lien fonctionnel entre le règlement national et les règlements départementaux. Les RDDECO doivent prendre en compte le RNDECI.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Le RDDECI doit-il être conforme au RNDECI ? L'ambition de la commission était plus modeste : ne pas rehausser toutes les dispositions réglementaires relatives au RNDECI au niveau législatif. En effet, si nous avions prévu une conformité au règlement national sans qu'il soit de niveau législatif, nous aurions couru le risque d'une incompétence négative.
Le référentiel national n'est rien d'autre qu'un guide pour la rédaction du règlement départemental. Attention aux conséquences juridiques. Retrait ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Même avis. Le RNDECI est un guide méthodologique. Le Gouvernement, réservé sur l'article 1er, estime que cette dimension réglementaire ne correspond pas à la vocation du Sdacr.
L'amendement n°8 est retiré.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Maurey.
Alinéas 8 et 22, seconde phrase
Compléter ces phrases par les mots :
et aux différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales situées sur ledit territoire
M. Hervé Maurey. - Le RNDECI n'a jamais exigé une couverture uniforme du risque. Il n'est pas concevable de demander aux communes rurales peu dotées une couverture identique à celle des communes urbaines. D'où cet amendement, qui prévoit la prise en compte des spécificités territoriales infra-départementales dans l'élaboration du règlement départemental.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - C'est une bonne idée. Chaque territoire doit se voir appliquer le principe de différenciation que nous essayons d'instiller dans bien des dispositifs législatifs.
Cependant, seule une vraie appropriation des documents par les acteurs locaux fera vivre la différenciation. Cela permettra de mieux prendre en compte les spécificités urbanistiques et rurales. Avis favorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Nous partageons pleinement la préoccupation du sénateur Maurey, mais, je le répète, le Gouvernement ne souhaite pas que le Sdacr se voie conférer un caractère réglementaire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - L'appréciation au plus près du terrain est utile. Saint-Martin d'Ordon, dans l'Yonne, se voit refuser l'installation de panneaux photovoltaïques, car le point d'eau voisin a un débit légèrement inférieur à 30 m3. Mais il n'y a pas que les bornes. Il faut aussi compter les moyens prépositionnés à proximité. Il se trouve que cette commune est voisine d'une autoroute et de deux sites Seveso - il y a donc du matériel disponible très rapidement. L'appréciation fine des moyens ne peut que rendre l'analyse plus juste.
Cet amendement est frappé au coin du bon sens.
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Maurey.
I. - Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles doivent prendre en compte les moyens financiers des communes et des établissements de coopération intercommunale compétents en matière de défense extérieure contre l'incendie.
II. - Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles doivent prendre en compte les moyens financiers des collectivités compétentes en matière de défense extérieure contre l'incendie.
II. - Alinéa 33
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles doivent prendre en compte les moyens financiers de la collectivité territoriale.
M. Hervé Maurey. - Les coûts liés au Deci sont parfois insoutenables pour les communes. Le règlement départemental doit prendre en compte les moyens financiers des communes et EPCI concernés.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Je comprends l'intention, mais je veux apporter une nuance. Cet amendement est satisfait par celui que j'ai fait intégrer au texte de la commission, qui prévoit un équilibre et une complémentarité entre les moyens déployés par les communes compétentes ou les EPCI, le cas échéant, et le Sdis. Un excès de précision dans la rédaction nous contraindrait à rechercher un équilibre sur les moyens techniques également. Le dispositif doit rester juridiquement opérant.
Si nous visons une adoption conforme par l'Assemblée nationale, nous devons en rester au texte de la commission. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) Retrait ou avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Sagesse.
M. Hervé Maurey. - Je fais confiance au rapporteur.
L'amendement n°3 est retiré.
Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. J.B. Blanc, Allizard, Anglars, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mme Canayer, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, D. Laurent et Darnaud, Mmes Di Folco, Drexler, Dumont et Estrosi Sassone, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Klinger, Laménie et Lefèvre, Mme Lherbier, M. Milon, Mme Noël, MM. Pointereau, Reichardt, Saury, Sol et Somon et Mme Ventalon.
Alinéas 10 et 24, première phrase
Remplacer la seconde occurrence du mot :
et
par les mots :
, notamment les maires des communes rurales, ainsi que
M. Jean-Baptiste Blanc. - Le volet relatif à la Deci du Sdacr doit être élaboré avec les maires, notamment ruraux.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous chérissons la ruralité et les maires des communes rurales, mais demander leur prise en compte particulière alors qu'ils sont déjà concernés par le texte, et qu'ils sont très majoritaires dans les instances prévues, ne semble pas utile. Avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Même avis.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Dans certains départements, les maires ruraux ne sont pas suffisamment représentés, d'où ma demande de précision.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
du conseil d'administration du service d'incendie et de secours, en tenant
par les mots :
conforme du conseil d'administration du service d'incendie et de secours, qui tient
II. - Alinéa 25
Remplacer les mots :
du conseil d'administration du service départemental métropolitain d'incendie et de secours, en tenant
par les mots :
conforme du conseil d'administration du service départemental métropolitain d'incendie et de secours, qui tient
M. Franck Montaugé. - Le volet du Sdacr relatif à la Deci doit être pris après avis conforme du conseil d'administration du service d'incendie et de secours (Casis), qui tient lui-même compte des avis des départements, des communes et, le cas échéant, des EPCI.
Il s'agit de gommer les défauts constatés : des communes ont subi des conséquences budgétaires très lourdes, obérant leurs marges de manoeuvre budgétaire.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Nous comprenons l'intention, mais nous préférons conserver l'avis simple du Casis. Sinon, les pouvoirs du préfet seraient liés. Retrait ou avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Le Gouvernement demande le retrait. L'association des représentants des collectivités territoriales dans les Deci doit être améliorée, mais cela passe par le suivi dans la durée par une instance départementale, et non par un avis conforme. De plus, le Gouvernement est réservé sur l'opposabilité du Sdacr prévue par cet article 1er.
M. Franck Montaugé. - Nous appelons l'attention sur l'aspect financier de ces questions. Les communes doivent investir dans les Deci, mais il faut que tous les acteurs prennent leurs responsabilités, afin que nos concitoyens soient défendus contre le risque d'incendie. Cet avis conforme responsabiliserait davantage les acteurs. Le texte ne résoudra pas le problème de fond : celui des moyens, et nous aurons légiféré une fois de plus pour rien. (Mme la ministre acquiesce.)
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 1er
M. le président. - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du B du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation à l'article L. 2213-32, lorsqu'un groupement de collectivités est compétent en matière de défense extérieure contre l'incendie, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités peuvent transférer au président de ce groupement, à l'unanimité, des attributions lui permettant de réglementer l'activité de défense extérieure contre l'incendie. »
M. Franck Montaugé. - La police spéciale de la Deci doit pouvoir être transférée à l'EPCI, dans une perspective de mutualisation, de rationalisation et de plus grande efficience dans la lutte contre les incendies. Pas de contraintes, pas d'obligations : une simple unanimité est demandée.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du B du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation à l'article L. 2213-32, lorsqu'un groupement de collectivités est compétent en matière de défense extérieure contre l'incendie, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre membre du groupement de collectivités peuvent transférer au président de ce groupement des attributions lui permettant de réglementer l'activité de défense extérieure contre l'incendie. »
M. Franck Montaugé. - La police spéciale de la Deci doit pouvoir être transférée vers les syndicats des eaux ayant déjà la compétence Deci, pour améliorer l'articulation des acteurs.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Demande de retrait de l'amendement n°7 rectifié bis, satisfait par la loi 3DS : le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit qu'un EPCI peut transférer toute compétence à un ou plusieurs syndicats situés sur tout ou partie de son territoire.
Quant à l'amendement n°10 rectifié, qui tend à conférer un pouvoir de police au président du syndicat des eaux, l'idée est bonne pour une meilleure efficacité de l'action publique. Avis favorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable aux deux amendements. (Plusieurs sénateurs s'interrogent.)
M. Franck Montaugé. - Madame la ministre, nous aurions aimé entendre quelques arguments... J'entends le rapporteur sur l'amendement n°7 rectifié bis, mais mon amendement précise que ce transfert doit avoir lieu à l'unanimité, cette précision n'étant pas dans le code général des collectivités territoriales. Je le retire cependant.
L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - L'amendement de M. Montaugé crée une nouvelle possibilité de transfert de la police spéciale au syndicat compétent en matière d'eau. Un tel transfert devrait être conditionné au fait que le groupement dispose de la compétence Deci, distincte du service public de l'eau. L'amendement risquerait de disjoindre exercice de la compétence et exercice de la police spéciale.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement a été rectifié dans l'intervalle et prend en compte vos observations.
M. Franck Montaugé. - Tout à fait, il a été rectifié.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Je fais confiance au rapporteur, et m'en remets à l'avis de la commission : avis favorable à l'amendement n°10 rectifié.
L'amendement n°10 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 2
M. Vincent Segouin . - Un impératif légal de réserves d'eau d'au moins 30m3 existe pour les communes. Dans l'Orne, un tiers des communes ne sont pas aux normes, comme bien des communes rurales. Ces manques sont autant de dangers pour les sapeurs-pompiers.
Les préfets n'ont pas la possibilité de demander des camions-citernes de grande capacité - 10 à 15 m3 - venant en complément des réserves des communes, et ne faisant pas l'objet d'un transfert de responsabilité. Cette disposition simple et efficace est attendue par le terrain. Madame la ministre, il vous revient de prendre cette décision par voie réglementaire. L'Orne est volontaire pour une expérimentation. (Mme Nathalie Goulet s'en amuse.)
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Maurey.
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et aux parlementaires élus dans le département
M. Hervé Maurey. - Le rapport annuel de la commission départementale chargée de la Deci doit être adressé aux parlementaires du département concerné.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable : laissons à cette commission que nous créons la plus grande latitude possible pour organiser ses travaux. Au lieu d'une contrainte, nous préférerions faire confiance aux élus locaux pour organiser leurs travaux et leur publicité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - La problématique de la Deci peut être examinée au sein de la CCDSA présidée par le préfet, associant les maires. Au sein de cette CCDSA, nous pourrions créer une sous-commission chargée de la Deci, à laquelle nous confierions la même mission que cette proposition de loi.
Cela passe par le niveau réglementaire. Cette commission serait placée sous la présidence du préfet, détenteur du pouvoir de police générale.
Quant à l'amendement, nous suivons la commission : avis défavorable.
M. Hervé Maurey. - Madame la ministre, vous revenez sur nos échanges, et je vous ferai la même réponse que tout à l'heure. La commission à laquelle vous proposez de donner cette compétence ne nous convient pas, car elle est composée de trois élus pour neuf fonctionnaires. Cela n'est pas de nature à représenter la volonté des communes, notamment rurales !
Je maintiens mon amendement : nous nous plaignons tous, depuis la fin du cumul des mandats, de ne plus être au courant de rien. Il s'agit d'assurer le suivi d'un règlement concernant les élus, en application du texte. Ce rapport est important, et pourrait nous être transmis sans que nous devions le mendier.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'association des parlementaires au sein des départements pourrait faire l'objet d'une autre proposition de loi. Mais le problème est que si, dans tous les textes, on précise qu'il faut une transmission de tous les documents, on alourdit le droit...
La commission indépendante, éclairant les travaux du Sdis comme du préfet, ne doit pas recevoir cette obligation. Le Sénat reste attaché à la liberté.
Mme Laurence Harribey. - Je souscris à l'argument du rapporteur : n'instrumentalisons pas un texte visant à renforcer les élus locaux pour corriger le manque d'information des parlementaires. Ces sujets sont différents.
Mme Céline Brulin. - Madame la ministre, vous pourriez envoyer un signe en vous engageant à fournir le rapport sur la défense incendie prévu par la loi 3DS. (Marques d'approbation)
Ce sujet préoccupe nombre de départements et de communes tentant de se mettre en conformité avec les exigences de la défense incendie, mais n'y parvenant pas, malgré leur bonne volonté... Sans l'avoir lu, et pour cause, je soupçonne que ce rapport conforte nos propos et propose des pistes d'amélioration. Encore 7 millions de nos concitoyens ne seraient pas couverts vis-à-vis du risque incendie : c'est un vrai sujet !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Nul besoin de soupçonner : le rapport a été transmis à la commission des lois, et le sera à l'ensemble des parlementaires.
Mme Céline Brulin. - Très bien !
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
au regard de l'état de connaissance des conséquences climatiques sur le risque incendie dans le territoire concerné
Mme Monique de Marco. - Cette proposition de loi suscite des inquiétudes dans les communes, que ce soit avec le remplacement du règlement départemental ou la rédaction de l'évaluation préalable.
Sous l'effet du réchauffement climatique et de la multiplication des sécheresses, le risque incendie va croître. Les études préalables doivent prendre en compte le risque climatique.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Étant donné l'importance de ce sujet, notamment pour la Gironde - où l'on constate l'herméticité entre Sdacr et RDDECI -, la commission émet un avis de sagesse.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°13 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dossus, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 3, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Ce rapport établit un inventaire de l'ensemble des points d'eau disponibles sur le territoire, publics ou privés, dont le volume dépasse 5000 litres. Cet inventaire inclut les piscines privatives mais exclut les points d'eau constitués au moyen du pompage des nappes phréatiques.
Mme Monique de Marco. - Le rapport d'information recommandait de recenser les points d'eau : la Deci repose sur une équation pondérée de la ressource en eau. Il faut trouver les points d'équilibre entre les contraintes, en prenant en compte l'ensemble de la ressource en eau, pour alléger les autres variables, comme la distance.
Il faut mieux prendre en compte l'ensemble des ressources en eau, y compris privées.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avis défavorable. Laissons aux commissions départementales et aux élus la liberté de lister leurs points d'eau, et ne mettons pas ce genre de dispositions trop précises dans la loi - ne revenons pas au code civil d'il y a 200 ans !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable également, même si nous comprenons l'esprit.
M. André Reichardt. - Pour faire sourire : les piscines privatives doivent-elles être pleines d'eau ou vides ? (Mme Monique de Marco est perplexe.)
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. J.B. Blanc, Allizard, Anglars, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, M. Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa et Cambon, Mme Canayer, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial, D. Laurent et Darnaud, Mmes Di Folco, Drexler, Dumont et Estrosi Sassone, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam, F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, MM. Klinger, Laménie et Lefèvre, Mme Lherbier, M. Milon, Mme Noël, MM. Pointereau, Reichardt, Saury, Sol et Somon et Mme Ventalon.
Alinéa 5
Après les mots :
maires du département
insérer les mots :
, dont l'association départementale des maires ruraux,
M. Jean-Baptiste Blanc. - Les membres de la commission départementale de suivi doivent être désignés sur proposition, notamment, de l'association départementale des maires ruraux.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Joli « notamment », dont la commission des lois a horreur ! Le Sénat a adopté tout à l'heure une précision du même esprit. Mais il n'y a pas d'association des maires ruraux dans tous les départements. De plus, en plaçant l'association des maires ruraux au même niveau que l'association des maires, nous susciterions des demandes de toutes les associations d'élus. Je le redis : les maires ruraux sont majoritaires dans les départements ruraux, et donc dans l'association départementale des maires. Avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable. Nous sommes réservés sur la création d'une nouvelle instance par la loi et sur sa composition.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Dans de nombreux endroits, monsieur le rapporteur, cela ne fonctionne pas.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - L'alinéa 5 de l'article 2 mentionne bien les associations des maires de département, au pluriel. Le texte, tel qu'il est rédigé, n'englobe-t-il pas déjà les autres associations ?
M. Jean-Marie Mizzon. - Les départements sont variés : urbains, ruraux, ou bien l'un et l'autre, comme mon département de la Moselle. Notre préfet invite toujours les deux associations de maires, qui ont toutes une compétence générale, et non thématique. Je voterai cet amendement, respectueux de la diversité des situations. (M. Bernard Fournier acquiesce.)
M. Jean-François Longeot. - Mon département du Doubs comporte deux associations des maires. Le président de l'association départementale des maires siège à l'association des maires ruraux, et vice-versa. Il serait incompréhensible que l'une soit présente, et pas l'autre. Quelques départements sans association des maires ruraux ne doivent pas exclure les associations de tous les autres. Je voterai l'amendement.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Qu'on ne se méprenne pas : je suis moi-même issu d'un département en grande partie rural.
Mais cet amendement pousserait d'autres associations comme les communes forestières à demander à être membres. Habituellement, soit le Sénat reconnaît la juridiction de l'AMF, soit il ouvre complètement à toutes les associations de maires, générales comme thématiques. Nous avions eu ce débat en commission des lois. Restons-en à la seule association départementale des maires.
Mme Nathalie Goulet. - Une solution, madame la ministre : vous vous êtes engagée, tout à l'heure, à prendre des mesures réglementaires. Vous pouvez donner l'instruction de consulter l'ensemble des associations de chaque département. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Maurey.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation au neuvième alinéa de l'article L. 1424-7 du code général des collectivités territoriales et aux derniers alinéas des articles L. 1424-70 et L. 1424-91 du même code, les révisions des volets relatifs à la défense extérieure contre l'incendie des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques prévues à ces alinéas interviennent dans les douze mois suivant la publication de la présente loi si les règlements départementaux de défense contre l'incendie ou tout règlement d'application locale s'y substituant sur le territoire couvert par les schémas précités n'ont pas été révisés pendant les cinq années qui précèdent la promulgation de la présente loi.
M. Hervé Maurey. - Il faut prévoir une révision des schémas non modifiés depuis leur élaboration, c'est-à-dire depuis cinq ans. Beaucoup de départements sont concernés. Un bilan des règlements est utile et certaines situations ne sauraient perdurer.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - Sagesse. L'Eure est concernée, et ce type de dispositif est bienvenu.
Madame la ministre, si nous divergeons sur la manière d'agir, nous nous devons de saisir au bond votre proposition d'action selon quatre axes. Je vous prie de prendre en compte les éléments que nos collègues, notamment Mme Goulet et M. Segouin, ont évoqués, sur l'adéquation des moyens matériels. Ces propositions seraient source d'économies très importantes.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Sagesse.
Monsieur le rapporteur, je serai heureuse de travailler avec vous et de prendre en compte les propositions de chacun.
L'amendement n°6 est adopté et devient un article additionnel.
Explications de vote
M. Franck Montaugé . - Le groupe SER votera le texte. Je rappelle nos inquiétudes sur la mise en conformité des réseaux de Deci, alors que les élus n'en ont pas les moyens.
Je salue les services d'incendie et de secours, qui font face au feu malgré les difficultés. Ils trouvent toujours des solutions, mais l'inquiétude demeure.
Certains préfets acceptent que la DETR y soit consacrée ; mais, madame la ministre, il faut aller bien au-delà dans la budgétisation au niveau national.
Enfin, avec Mme Gatel et M. Maurey, nous avons rencontré le ministre de l'intérieur, qui a lancé un audit interne de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Un retour serait intéressant.
Mme Nathalie Goulet . - Nous voterons, nous aussi, ce texte, et soutenons vos initiatives, madame la ministre. Le dispositif ornais semble particulièrement intéressant, Vincent Segouin l'a évoqué. En attendant, les maires ont un besoin urgent d'aide face à cet irritant supplémentaire, qui bloque tant de projets. Nous vous attendons sur ces sujets.
Mme Céline Brulin . - Le groupe CRCE votera cette proposition de loi, qui n'épuise toutefois pas le sujet. Je relève la volonté de Mme la ministre de s'associer aux améliorations. Le coût demeure important pour les communes, et la DETR ne peut être le seul vecteur de financement, car cela se ferait au détriment d'autres projets. (Mme Nathalie Goulet le confirme.)
Il faudrait aussi prévoir un agrément ministériel pour les bureaux d'études aidant les communes ; cela aiderait à juger de leur probité. Certains ont parfois la main un peu lourde. Idéalement, comme en Seine-Maritime, les Sdis peuvent mettre des personnes à disposition des communes.
Il faut évaluer le coût pour les Sdis comparé à celui pour les communes.
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
M. Loïc Hervé. - Incroyable ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Représentation des communes au sein des conseils communautaires
Discussion générale
Mme Françoise Gatel, auteur de la proposition de loi . - L'égalité de représentation des femmes et des hommes est un principe constitutionnel depuis 1999. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, la parité des conseils municipaux et communautaires est ainsi prévue. En 2020, le nombre de femmes présentes dans les conseils communautaires atteint 39 %, soit une hausse de 4 points.
Rappelons que l'intercommunalité n'est pas une collectivité, mais un établissement public de coopération : ses élus sont avant tout des élus municipaux. Comme dans les syndicats, la composition du conseil communautaire dépend des élections municipales.
En cas de vacance en cours de mandat concernant les communes disposant de plus d'un conseiller communautaire, le siège doit être pourvu par un élu du même sexe. Cela provoque parfois une vacance durable, et donc une sous-représentation de la commune. On le constate à Reims, au Havre, à Fécamp ou dans de petites communes de la Nièvre ou de la Vendée, comme Talmont-Saint-Hilaire. Celles-ci en souffrent particulièrement. La loi avait perçu le problème : c'est la raison d'être de la règle particulière pour les communes ne disposant que d'un conseiller communautaire.
Corrigeons cette rupture d'égalité pour les autres communes de plus de 1 000 habitants. La plupart des exemples que j'ai mentionnés bénéficieraient d'ailleurs aux femmes, car - sans que je sache pourquoi - les hommes démissionnent en effet plus souvent que celles-ci. (Mme Cécile Cukierman s'en amuse.)
En outre, l'application stricte de la parité provoque parfois de fâcheux accidents démocratiques, avec une perte de représentation de certaines oppositions, alors que le pluralisme des idées a acquis valeur constitutionnelle.
Ces cas risquent de se multiplier. En pleine crise de l'engagement, et alors que de plus en plus d'élus démissionnent - 930 maires démissionnaires depuis 2020 - il faut agir.
Je remercie Nadine Bellurot, notre rapporteure, pour son travail. Tout comme la démocratie, l'engagement communal est fragilisé. Je gage que ce petit pas législatif sera un grand pas pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans un contexte de crise des vocations, les vacances de postes de conseillers communautaires se multiplient, aboutissant à des situations ubuesques. Certains députés s'en inquiètent aussi - Élodie Jacquier-Laforge et Raphaël Schellenberger rappelaient ainsi dans leur rapport l'absence de marges de manoeuvre des élus face à ces obligations. L'ancien ministre des collectivités Joël Giraud invitait à répondre par la loi à ces situations : nous y sommes.
La vacance d'un siège amoindrit la représentation des communes, alors même que les intercommunalités exercent de nombreuses compétences.
Ensuite, cela réduit souvent les droits de l'opposition, parfois privée de représentation, faute d'un réservoir de candidats de même sexe suffisant.
Enfin, cela nuit au fonctionnement des EPCI à fiscalité propre, dont la légitimité peut souffrir de ces situations.
La solution semble pourtant simple : une fois que l'on constate l'impossibilité de pourvoir le siège, pourquoi ne pas ouvrir le remplacement à un conseiller de l'autre sexe ? C'est ce que prévoit la proposition de loi.
Ce point d'équilibre applicable aux communes de plus de 1 000 habitants, soit 30 % des communes, concilie l'exigence de parité et celle d'une représentation juste des communes.
Sans rien enlever au droit existant, nous éviterons donc des vacances de siège, jamais souhaitables.
Afin d'éviter tout contournement du dispositif par des démissions en cascade juste après l'élection, il ne pourra s'appliquer qu'un an, au plus tôt, après le début du mandat.
Je remercie Françoise Gatel pour le travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDSE)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Cette proposition de loi vise à garantir la continuité de la représentation des communes dans les EPCI, préoccupation légitime, en particulier au Sénat.
Actuellement, toute vacance de poste doit être pourvue par un candidat fléché de même sexe et de la même liste, et à défaut, un candidat de même sexe non fléché. Si ce n'est pas possible, le poste reste vacant jusqu'à la fin du mandat du conseiller communautaire, conduisant une commune à ne plus être représentée au sein de l'EPCI.
La loi a pour but de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, principe cardinal pour notre démocratie - mon parcours d'élue locale me permet de dire à quel point c'est important. Cependant, cette absence potentielle de représentation pose une difficulté. Il nous manque des chiffres consolidés et je ne crois pas que cela soit massif, mais des cas bien réels nous sont néanmoins rapportés.
Isabelle Rome et moi savons à quel point les progrès de la parité sont fragiles. Les conclusions de la mission flash de l'Assemblée nationale consacrée au sujet montrent bien que notre dispositif électoral a des angles morts, et que nous devons prolonger le développement de la parité, établie depuis 2000 dans notre code électoral. Le principe de parité s'impose, mais le législateur est libre d'employer des moyens déterminés pour y parvenir, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La même instance rappelle que ce principe de parité doit être concilié avec le principe énoncé à l'article 4 de la Constitution, l'expression pluraliste des opinions. Il y va de la capacité des communes à participer aux délibérations intercommunales, au risque d'être dépossédées de leurs choix.
Si nous n'étions pas persuadés qu'une association effective des communes à leur EPCI est indispensable, pourquoi aurions-nous prévu le pacte de gouvernance et la conférence des maires dans la loi Engagement et proximité ?
Le principe d'égalité entre hommes et femmes ne peut aboutir à ce qu'une commune ne soit pas représentée dans son EPCI. J'ai entendu que des doutes s'étaient exprimés et je salue l'engagement pour la parité, mais la solution de Mme Gatel ne revient aucunement sur ce principe ; elle évite simplement une impasse institutionnelle et démocratique. Mon avis sera donc favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Yves Roux . - Il reste beaucoup à faire pour garantir un égal accès aux postes à responsabilités - je pense, au-delà du sexe, aux origines sociales. Nous saluons tous les progrès en matière de parité dans les institutions publiques et les assemblées élues, depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui introduisait dans la Constitution le paragraphe suivant : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. »
Avec la loi du 6 juin 2000, la loi du 31 janvier 2007 et des dispositions dans la loi de 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, départementaux et communautaires, entre autres, le législateur n'a pas failli à sa tâche. Le code électoral précise, en son article L. 273-10 : « Lorsque le siège d'un conseiller communautaire devient vacant, pour quelque cause que ce soit, il est pourvu par le candidat de même sexe élu conseiller municipal ou conseiller d'arrondissement suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu. »
Mais les mécanismes incitatifs ou coercitifs ne devraient pas conduire à des blocages. Il faut donc corriger le dispositif actuel, qui suscite des vacances de mandats communautaires.
La commission a rendu le texte initial plus opérant. Je remercie tous ceux qui y ont travaillé. Le groupe RDSE votera en faveur de ce texte. (Mme Françoise Gatel et Mme la ministre remercient l'orateur.)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) L'unité dans la diversité : cette devise européenne pourrait être celle des intercommunalités, dont la nouvelle gouvernance repose sur la légitimité des élus des communes membres.
La représentativité du conseil communautaire, entre majorité et opposition, entre différentes communes et entre hommes et femmes est un enjeu important. Il faut concilier tous ces aspects.
Ce sujet est très important pour la démocratie locale ; il est prégnant par exemple en Seine-Maritime.
Les règles actuelles ont montré leurs limites : les vacances durables au conseil communautaire réduisent la représentation des communes, alimentant un sentiment pernicieux quand on connaît l'importance des EPCI dans la vie de nos concitoyens.
Nous mesurons les effets inattendus de l'application du principe d'égalité. Les règles générales résistent mal aux réalités du terrain.
À Tourville-sur-Arques, en Seine-Maritime, le maire voulait s'entourer de deux adjointes, mais la parité le lui a interdit... Il a fallu choisir un homme - pas forcément volontaire - et la seconde adjointe a dû se résigner au poste de conseillère déléguée...
Au Havre, le conseil municipal siège dans sa totalité au conseil communautaire. Or un siège est vacant au conseil communautaire, car une nouvelle élue qui a remplacé l'un des conseillers municipaux de sexe masculin ne peut pas y prendre sa place. Idem à Fécamp et Bolbec, dont Céline Brulin et moi avons parlé.
Ce texte répond à une difficulté réelle rencontrée sur le terrain ; aussi le groupe Les Républicains le votera-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Certaines communes sont confrontées à des vacances durables de postes de conseillers communautaires. Je me félicite donc de l'initiative de Mme Gatel, car ces vacances sont très dommageables pour les communes comme pour les intercommunalités : affaiblissement de la représentation des communes, diminution des droits de l'opposition, remise en cause de la légitimité des décisions.
La commission a fait que le dispositif s'applique seulement un an après l'installation du conseil communautaire, pour éviter des effets d'aubaine et des démissions en cascade.
Cette proposition de loi contribue au bon exercice de la démocratie. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Parité, diversité, autant d'éléments considérés comme bénéfiques pour la démocratie. La contrainte a eu des effets salutaires, puisque les femmes sont entrées massivement dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants : de 25 % en 1995, leur proportion est passée à 48,5 % en 2008. Elles étaient 35,8 % dans les conseils communautaires en 2020.
La proportion des femmes augmentant d'abord parmi les jeunes élues, cela augure de progrès à venir dans ce domaine.
Mais en parallèle, les vocations s'essoufflent, engendrant des problèmes de vacances, préjudiciables aux communes comme aux conseils communautaires.
Personne ne peut accuser le GEST d'être insensible aux questions de représentativité dans les EPCI, y compris à statut spécifique. Cette situation peut condamner une opposition à ne plus être représentée. Notre groupe restera néanmoins attentif à l'utilisation de cette loi, car l'imagination des hommes politiques est parfois sans limites.
Mme Françoise Gatel. - Des exemples !
M. Guy Benarroche. - Le délai de réserve d'un an est un garde-fou utile.
Notre groupe a conscience de l'exigence de représentativité, notamment des groupes minoritaires, au sein des assemblées - et en particulier en CMP... Certains d'entre nous, dont je fais partie, voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
M. Alain Richard . - Cette proposition judicieuse est la conjonction de deux principes électoraux. Le premier est le fléchage de l'élection des conseillers communautaires au sein des listes municipales, qui garantit une solidarité entre majorité municipale et représentation à l'intercommunalité. J'entends certains appeler de leurs voeux une élection « directe » des conseillers communautaires ; ce serait en réalité une élection supra-communale qui changerait la nature des intercommunalités.
Le second principe est celui de la parité. Mais parmi toutes les élections au scrutin de liste, cette règle spécifique ne s'applique qu'à celle des conseils communautaires. Les remplacements des députés européens, des conseillers régionaux et des conseillers municipaux se font toujours en allant chercher le suivant sur la liste, quel que soit son sexe.
En réalité, vu le nombre des communes ayant un nombre impair de conseillers communautaires - un ou trois, les hommes étant majoritaires - l'absence de la règle en vigueur aurait conduit à l'élection de plus de femmes...
Deux situations ont été décrites - grandes villes où presque tous les conseillers municipaux sont conseillers communautaires, ou villes centres importantes entourées de petites communes - qui peuvent conduire à des déficits de représentation au détriment de ces dernières.
Le dispositif proposé y remédie. Le RDPI votera ce texte.
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Parfois, les règles appliquées aux collectivités territoriales peuvent relever du cabinet de curiosités : Mme Gatel a le don de les débusquer. (Mme la ministre s'amuse.) Il arrive aussi qu'elle participe à leur naissance, comme celle de la commune-communauté...(Sourires)
Mme Françoise Gatel. - Belle invention !
M. Éric Kerrouche. - En ce qui concerne ce texte, il a pour objet de corriger une bizarrerie. Ce n'est pas le cas le plus fréquent, mais pourquoi laisser des postes vacants s'il y a une possibilité de remplacement ? Le groupe SER votera ce texte de bon sens.
Ce débat nous renvoie à deux problématiques adjacentes.
D'abord, le scrutin de nos communes de moins de 1 000 habitants est exotique. On pouvait jusqu'à récemment être élu à l'insu de son plein gré ; le panachage était autorisé, ce qui revenait en fait à une forme de tir aux pigeons électoral, souvent au détriment du maire.
Il faudrait unifier le mode de scrutin pour imposer la parité dans les 18 000 communes françaises de moins de 1 000 habitants - là encore, un trait atypique.
La proposition de loi renvoie aux moyens de parvenir à la parité. Nous avions déposé un amendement qui a été jugé irrecevable, alors qu'il reprenait un amendement déjà présenté pour Engagement et proximité, et repris dans une proposition de loi : une parité miroir, avec une proportion de vice-présidentes au moins équivalente à la proportion de conseillères au sein du conseil communautaire.
Cette proposition, adoptée de haute lutte par le Sénat lors de l'examen de la loi Engagement et proximité, avait été rejetée par la majorité présidentielle à l'Assemblée nationale.
Le code électoral aurait dû être modifié avant le 31 décembre 2021. Nous sommes le 15 mars 2023, et toujours rien... L'adoption de notre amendement aurait été utile.
Dans cette attente, le groupe SER votera ce texte de bon sens, mais pas l'amendement de M. Maurey, qui va au-delà du périmètre de la proposition de Mme Gatel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman . - Ce texte assure la continuité de la représentation dans les conseils communautaires, alors que les EPCI exercent des compétences de plus en plus importantes. Il résout certaines situations vécues dans les exécutifs locaux, qui appellent des réponses concrètes.
J'entends les inquiétudes, mais ce n'est pas faire offense à l'auteure du texte que de dire qu'il ne concerne que quelques communes et ne remet aucunement en cause le principe de parité.
Avec ce texte, nous permettons aussi aux groupes d'opposition de mieux faire entendre leur voix au sein du conseil communautaire : ils n'ont pas toujours un nombre suffisant de remplaçants pour remplacer un démissionnaire de même sexe.
Ce texte corrige ainsi, de manière pérenne, les défauts de la législation en vigueur, afin d'assurer la mission première confiée aux élus : la représentation de leur commune.
Attaché au principe de la représentation des communes dans les EPCI, le groupe CRCE votera cette proposition de loi. Mais l'éternel chantier, le plus fondamental, reste devant nous : la place des femmes et des hommes dans la politique locale et nationale. Si une proposition de loi suffisait à le régler, cela se saurait ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Françoise Gatel. - Absolument !
Mme Nathalie Goulet . - Je remercie Mme Gatel, dont la perspicacité a, une fois de plus, fait merveille. Ce texte répond à un problème ponctuel. Madame la ministre, félicitez-vous de l'existence de notre délégation aux collectivités locales, si attentive aux problèmes des élus, qui, sans elle, pourraient passer inaperçus. (Mme la ministre acquiesce.)
Rien à ajouter, sinon qu'il faut écouter le Sénat, et que les niches parlementaires permettent d'apporter des solutions à ceux qui en ont besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Charles Guené applaudit également.)
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative judicieuse de Françoise Gatel et le travail de notre rapporteure Nadine Bellurot.
La loi du 17 mai 2013 a prévu, pour les communes de plus de 1 000 habitants, des listes des candidats aux conseils communautaires composées alternativement de candidats de chaque sexe. La parité réelle n'est toujours pas atteinte, mais la représentation des femmes a néanmoins considérablement progressé, atteignant 48,5 % dans les conseils municipaux. Les conseils communautaires restent cependant une zone blanche de la parité avec seulement 36 % de conseillères, 25,6 % de vice-présidentes et 11 % de présidentes.
Mais l'obligation de parité instituée par le législateur peut engendrer des situations incongrues et non anticipées. L'obligation de remplacer un conseiller municipal démissionnaire par un élu de même sexe crée parfois des vacances qui évincent certaines petites communes, renforçant à l'excès le poids de la commune la plus importante de l'EPCI.
Un exemple : le recours gracieux du préfet de la Nièvre en 2021 contre le remplacement d'un membre démissionnaire du conseil communautaire par une conseillère municipale, faute de candidat masculin. Ces situations pourraient se multiplier, en raison des démissions de plus en plus fréquentes d'élus locaux qui assument de plus en plus de responsabilités, dans des conditions juridiques et financières difficiles.
La solution retenue par Françoise Gatel est pragmatique. Elle répond aux inquiétudes des élus sans porter atteinte au principe de parité.
Nous voterons donc sans réserve ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE UNIQUE
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Pluchet, MM. Sautarel, Canévet et Delahaye, Mme de La Provôté, M. Cigolotti, Mmes Sollogoub et Noël, MM. Guerriau et Laugier, Mme Vermeillet, M. Duffourg, Mme Demas, MM. J.P. Vogel et Chasseing, Mme Férat, MM. Hingray, Rietmann, Perrin, Mandelli et de Nicolaÿ, Mme Jacquemet, MM. Belin, Pellevat, B. Fournier, Laménie, Paccaud, Wattebled et Klinger, Mme Drexler et MM. Panunzi, Cadec, Menonville, Longeot, Levi et Le Nay.
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 273-11 est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « À compter de la première réunion suivant le renouvellement du conseil municipal, » ;
b) Après le mot : « sont », sont insérés les mots : « , sous réserve de l'article L. 273-12, » ;
2° L'article L. 273-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 273-12. - I. - En cas de cessation du mandat d'un conseiller communautaire pour toute autre cause que celle mentionnée au second alinéa de l'article L. 273-11, il est remplacé par un membre du conseil municipal désigné par celui-ci parmi les membres n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire dans les conditions prévues, selon les cas, aux II ou III du présent article.
« II. - Dans les communes qui ne disposent que d'un seul conseiller communautaire, le conseil municipal désigne, dès la première réunion suivant son renouvellement, un suppléant appelé à remplacer le conseiller communautaire pour l'application du I.
« Si un suppléant désigné cesse d'exercer son mandat municipal ou devient lui-même conseiller communautaire, le conseil municipal désigne un nouveau suppléant dès la première réunion suivant cet événement. Jusqu'à cette réunion, les fonctions de conseiller suppléant sont, pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, exercées par le premier conseiller municipal dans l'ordre du tableau établi à la date à laquelle le suppléant désigné a définitivement cessé d'exercer ses fonctions au conseil municipal ou est devenu conseiller communautaire.
« III. - Dans les communes autres que celles mentionnées au II, le remplaçant du conseiller communautaire dont le siège est devenu vacant est désigné lors de la première réunion du conseil municipal suivant la date à laquelle cette vacance est devenue définitive. Jusqu'à cette réunion, l'élu dont le siège devient vacant est remplacé au conseil communautaire par le premier conseiller municipal n'exerçant pas de mandat de conseiller communautaire dans l'ordre du tableau établi à la date où cette vacance devient définitive. »
II. - À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».
III. - Le présent article est applicable à compter du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la publication de la présente loi.
Mme Nadia Sollogoub. - Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les remplaçants sont désignés dans l'ordre du tableau du conseil municipal, mais cette règle est trop contraignante. D'où cet amendement qui prévoit que le remplaçant du conseiller communautaire démissionnaire peut être désigné par le conseil municipal.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - La règle que vous entendez modifier a été adoptée en 2013, par analogie avec le système de fléchage dans les communes de 1 000 habitants et plus. II y a un lien entre le tableau et le suffrage universel ; le remettre en cause serait dangereux.
L'ordre du tableau du conseil municipal doit aussi être respecté pour la suppléance, car le suppléant a vocation à devenir conseiller titulaire si ce dernier cesse d'exercer ses fonctions.
Le texte vise les vacances pérennes de sièges communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants ayant plusieurs conseillers communautaires. Nous ne souhaitons pas aller au-delà de ce périmètre très circonscrit. Avis défavorable.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Mme Nadia Sollogoub. - Mme la ministre a pourtant dit qu'il fallait porter une attention particulière aux situations particulières... Dans une commune de la Nièvre, le maire, hospitalisé, devait être remplacé au conseil communautaire par son premier adjoint, mais ce dernier travaillait de nuit, si bien que la commune n'a pu être représentée au conseil communautaire pendant de longs mois. Le premier adjoint, en l'espèce, aurait souhaité qu'un autre que lui soit désigné. Faisons preuve de souplesse.
M. Éric Kerrouche. - Je partage l'avis de la rapporteure. Le texte de Mme Gatel concerne les communes de plus de 1 000 habitants.
Je comprends la logique de l'amendement, mais si le suivant dans l'ordre du tableau ne veut pas être désigné, il suffit qu'il démissionne. Il est délicat de toucher à l'ordre du tableau, qui a une signification démocratique. Le texte de Mme Gatel est palliatif, cet amendement est correctif.
M. Guy Benarroche. - Sous prétexte de souplesse, cet amendement remet en cause le résultat du suffrage universel. Le GEST ne le votera pas.
Mme Cécile Cukierman. - Il est toujours délicat de modifier le code électoral au détour d'un amendement. De plus, ne laissons pas croire que le texte laisserait de côté, à dessein, les communes de moins de 1 000 habitants, pour lesquelles il n'y a pas d'obligation d'alternance de sexe. La difficulté évoquée par le texte ne les concerne pas. Je ne voterai pas cet amendement : le cadre n'est pas le bon.
Mme Françoise Gatel. - J'entends la question de notre collègue, mais le contexte est effectivement différent. Pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui n'ont souvent qu'un représentant dans les conseils communautaires, l'ordre du tableau s'impose, sans parité. Le champ de la proposition de loi est volontairement étroit. Cet amendement toucherait au code électoral qui, comme la Constitution, ne peut être modifié qu'avec la plus grande prudence. (Mme Cécile Cukierman abonde.)
Cet amendement doit néanmoins nous amener à réfléchir sur le scrutin de liste dans les communes de moins de 1 000 habitants.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - En effet, la question mérite réflexion. En l'état du droit, le conseiller qui ne souhaite pas être conseiller communautaire démissionne et est remplacé par le suivant sur la liste. (Mme Nadia Sollogoub fait signe que non.)
Mme Françoise Gatel. - Oui, il y a une solution !
L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE UNIQUE
M. Jean-Pierre Sueur . - J'aurais voulu défendre les excellents amendements de M. Kerrouche, mais l'article 45, malheureusement, nous a interdit leur examen...
Madame la ministre, il faut s'atteler à la question de la parité au sein des exécutifs communautaires, comme nous y invitait l'amendement adopté par le Sénat, mais repoussé par l'Assemblée nationale. Il n'y a pourtant plus d'obstacle à la mise en oeuvre de cette parité, puisque les effectifs féminins sont désormais largement suffisants.
L'autre solution, si la première ne peut être mise en oeuvre, serait que la composition de l'exécutif soit homothétique à celle de l'assemblée. Ce serait une avancée très attendue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
L'article unique est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 55.
Présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 21 h 30.
Réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023.
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe . - C'est un plaisir de vous retrouver pour échanger avec vous sur les principaux sujets qui seront traités lors du prochain Conseil européen. La guerre en Ukraine reste le sujet le plus brûlant, mais le Conseil abordera également la réponse de l'Union européenne à l'Inflation Reduction Act (IRA) et la réforme de la gouvernance économique européenne, la situation énergétique et les questions migratoires. Il échangera sur la conférence de soutien aux populations turque et syrienne frappées par les tremblements de terre du 6 février.
La situation change tous les jours et les positions que je vais vous exposer sont encore susceptibles d'évoluer.
Sur l'Ukraine, le Conseil européen condamnera à nouveau la guerre d'agression de la Russie, en faisant référence à la résolution de l'ONU du 23 février dernier pour une paix juste et durable et au plan de paix en dix points du président Zelensky. Il insistera sur la poursuite des sanctions à l'égard de la Russie et sur la lutte contre l'impunité, avec la création du centre international pour juger du crime d'agression, et dénoncera les transferts massifs et forcés d'enfants ukrainiens en Russie.
Nous devons rester unis et fermes sur les messages envoyés. En accueillant le président de la Rada le 18 février dernier, le Sénat a témoigné du soutien indéfectible de la France à l'Ukraine.
La question de la production et la livraison de munitions à l'Ukraine sera abordée le 20 mars prochain lors du Conseil des ministres des affaires étrangères et de la défense. Les Vingt-Sept réitéreront leur engagement en faveur de la reconstruction de l'Ukraine et leur souhait de recourir aux actifs russes gelés. Enfin, nous espérons que l'initiative céréalière de la mer Noire sera prolongée.
En matière économique, le Conseil sera l'occasion de confirmer et d'amplifier la dynamique vers une souveraineté stratégique européenne. Pour passer d'un espace économique à un espace puissance, l'Europe doit démontrer une capacité d'influence. Avec son marché de 500 millions de consommateurs et son pouvoir normatif, l'Union européenne peut peser sur l'organisation des échanges internationaux.
Notre politique industrielle se veut très ambitieuse, comme l'a rappelé votre proposition de résolution du 8 février. Il s'agit d'apporter une réponse européenne forte à l'IRA, par des outils de défense commerciale et par une nouvelle politique industrielle européenne. L'affirmation de cette souveraineté européenne est dans la droite ligne du discours de la Sorbonne de 2017 ; elle est l'inspiration du sommet de Versailles de mars 2022 et de la présidence française du Conseil, et demeure notre boussole.
Il nous faut fixer des objectifs et accompagner l'implantation de capacités de production européennes pour répondre à nos besoins stratégiques - matières premières ou semi-conducteurs - afin de réduire notre dépendance et réussir notre transition écologique.
Il existe plusieurs leviers : simplifier le cadre réglementaire pour l'octroi de permis, adapter la commande publique et accélérer les procédures pour les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) ou les aides d'État ; mobiliser les capacités d'investissement publiques et privées ; développer un vivier de talents dans les secteurs clé ; poursuivre un dialogue soutenu et exigeant avec nos partenaires, quitte à mobiliser nos instruments de défense commerciale.
Il y aura un échange sur la nouvelle gouvernance économique adoptée hier par le Conseil des affaires économiques et financières (Ecofin). Le statu quo n'est pas tenable, au vu des exigences de transition écologique et de souveraineté industrielle. Il faut nous accorder sur des orientations communes, dans une logique de différenciation par pays tout en assurant la crédibilité des trajectoires budgétaires. Nous souhaitons que la Commission présente rapidement une proposition législative.
En matière d'énergie, nous aborderons la réforme du marché de l'électricité, quelques jours avant le Conseil des ministres de l'énergie fin mars. La Commission a fait une nouvelle proposition hier. Il faut avancer rapidement, l'objectif étant de parvenir à une adoption avant la fin de l'année pour agir rapidement sur les prix de l'énergie.
Le cadre de marché devra offrir plus de prévisibilité aux producteurs et aux consommateurs, et garantir des prix plus stables et moins dépendants des cours des énergies fossiles. Ce cadre sera plus incitatif pour investir dans les énergies décarbonées.
Le Conseil s'intéressera aussi à l'hydrogène et à notre état de préparation pour l'hiver 2023-2024. La France ne change pas de position : il faut s'y préparer le plus en amont possible, notamment concernant notre approvisionnement en gaz naturel.
En matière de migrations, l'Union européenne doit renforcer son action à l'égard des pays tiers d'origine et de transit, pour prévenir les départs irréguliers, éviter les pertes de vies humaines, lutter contre les trafics et favoriser le retour durable des déboutés du droit d'asile. Nous devons mobiliser de manière coordonnée les outils à notre disposition, responsabiliser nos partenaires face à la situation en Méditerranée centrale. L'augmentation constante des départs depuis la Libye, la Tunisie et la Turquie conduisent à trop de drames humains, comme le 26 février au large des côtes italiennes.
Il faut ensuite maintenir le cap des négociations sur le pacte sur l'asile et les migrations. Nous visons une adoption d'ici un an. Vous avez raison d'insister dans votre proposition de résolution sur le rôle clé que joue Frontex en la matière.
Le tremblement de terre du 6 février a fait 52 000 morts en Turquie et en Syrie. L'Union européenne et ses États membres se sont mobilisés pour apporter une aide financière et matérielle. La situation est très grave, les besoins immenses. Dans cet esprit de solidarité, la présidence suédoise de l'Union et la Commission européenne organisent une conférence de donateurs le 20 mars à Bruxelles en faveur des populations sinistrées, afin de bien coordonner l'aide - nous savons combien la logistique est difficile.
Voilà, en quelques mots, les enjeux de ce Conseil. Merci pour votre attention. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Pascale Gruny applaudit également.)
M. Olivier Cadic, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Les 10 et 11 mars 2022, les dirigeants des Vingt-Sept se réunissaient à Versailles pour un sommet fondateur de notre politique extérieure commune. Les États membres se sont engagés pour une véritable souveraineté européenne. Alors que la guerre se poursuit dans notre voisinage, il est essentiel que l'Union européenne démontre son unité et sa détermination à devenir un acteur géopolitique à part entière.
Dès février 2022, la facilité européenne pour la paix (FEP) s'est révélée être un succès. Les sept enveloppes d'aide adoptées à l'unanimité et son refinancement témoignent de son efficacité. Mais nous rencontrons un nouvel obstacle : les limites industrielles de la production de munitions. Selon Josep Borrell, 50 000 munitions sont tirées tous les jours par l'artillerie russe. Le secrétaire général de l'Otan estime, lui, que les forces ukrainiennes utilisent des munitions plus vite que l'Alliance n'en produit.
Quels sont les leviers dont dispose l'Union européenne pour accélérer les cadences de production ?
À moyen terme, l'épreuve actuelle doit jouer un rôle de catalyseur pour construire une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) autonome. Nous accusons un réel retard : seulement 18 % des dépenses de défense sont réalisées en commun, cela nuit à notre crédibilité et à notre unité. Gare à ne pas accroître notre dépendance à l'industrie de défense américaine. De quels instruments disposons-nous pour défendre notre souveraineté en la matière ? Quelle est la position de la France sur l'instrument Edirpa d'achat d'armements en commun, actuellement devant le Parlement européen ?
À long terme, nous devons envisager les conséquences diplomatiques de la guerre en Ukraine, et notamment le risque de déstabilisation des Balkans occidentaux. L'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Albanie et la Macédoine du Nord doivent aboutir à des améliorations concrètes pour les populations. Nous devons leur donner des gages de notre engagement en faveur de l'élargissement. Quelle est la position de la France sur la stratégie européenne dans les Balkans ?
Enfin, quel est le bilan de l'initiative française de la Communauté politique européenne, dont le deuxième sommet aura lieu en Moldavie en juin ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Après avoir suspendu l'application des règles du Pacte de stabilité et de croissance en 2020 lors de la crise sanitaire, la Commission européenne a engagé une réflexion sur la révision de la gouvernance des finances publiques en Europe.
Les règles bien connues - déficit inférieur à 3 % du PIB, endettement inférieur à 60 %, correction des écarts - n'auront pas permis d'assainir les finances de l'ensemble des États membres. Trop uniformes, elles ne tenaient pas compte des particularités des pays. Trop complexes, elles reposaient sur des variables économiques difficiles à évaluer. Trop rigides, elles ne permettaient pas de distinguer les dépenses à maîtriser et les dépenses utiles.
J'ai donc salué l'ouverture de la réflexion sur la gouvernance budgétaire de l'Union. La Commission européenne a présenté hier des pistes au Conseil Ecofin. Sans revenir sur la règle de limitation de la dette et du déficit, elle propose : de maintenir le cadre commun de surveillance avec des sanctions plus automatiques ; de demander aux États de s'engager sur des trajectoires pluriannuelles en décrivant les réformes et les investissements envisagés ; de tenir compte des investissements pour la transition écologique, le numérique et la défense ; de différencier les objectifs en fonction des finances publiques de chaque État. Des initiatives législatives sont attendues.
Les règles de convergence budgétaire en Europe sont la condition de notre participation à la monnaie unique et au marché commun.
Le pragmatisme du cadre de gouvernance proposé engage la France. Vu notre endettement et notre déficit, le Gouvernement doit faire plus d'efforts pour réduire les dépenses publiques d'ici 2027. La loi de programmation des finances publiques n'était pas conforme à nos engagements européens ; il est temps d'anticiper et d'agir.
Depuis la crise énergétique, l'État a engagé des dizaines de milliards d'euros pour en contrer les effets. Ces dépenses étaient nécessaires pour soutenir les entreprises et les ménages les plus fragiles ; mais à plus long terme, la situation n'est pas tenable. Une réforme structurelle du marché de l'électricité est indispensable. Hélas, le Gouvernement semble ne pas avoir su faire valoir nos intérêts. Prix du gaz et de l'électricité ne seront pas décorrélés : lors de la prochaine crise des prix, il faudra encore prendre des mesures d'urgence palliatives, coûteuses et peu efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - Ne perdons pas de vue les décisions structurantes à venir lors de la réunion du prochain Conseil européen. Nous avons été sensibles à votre présence, madame la ministre, à Strasbourg hier, où nous étions venus échanger avec des eurodéputés français et rencontrer le commissaire Thierry Breton.
Le conflit en Ukraine, nous a-t-il dit, entre dans une phase critique : les prochaines semaines seront décisives. En matière de munitions - sujet sur lequel le Sénat alerte depuis plusieurs années - comment la France peut-elle répondre aux besoins ukrainiens ? Allons-nous entrer dans une économie de guerre ?
Nous sommes également préoccupés par le sort de la Moldavie, qui pourrait devenir la prochaine Ukraine. Vous vous êtes rendue à Chisinau la semaine dernière pour soutenir la Présidente Maia Sandu. Le Conseil européen de juin 2022 a en effet décidé d'accorder à la Moldavie le statut de pays candidat, et Chisinau accueillera le deuxième rendez-vous de la communauté politique européenne. Notre commission se propose de prolonger cette démarche au plan parlementaire. Madame la ministre, pourriez-vous appuyer un éventuel déplacement, en solidarité avec le Parlement moldave ?
Le deuxième enjeu du Conseil est de finaliser la réponse européenne à l'IRA. M. Breton nous en a présenté les grands traits : de trop nombreuses entreprises sont proprement aspirées vers les États-Unis, et la réponse européenne a tardé. Elle semble cependant satisfaisante ; elle favorisera l'autonomie européenne sur les matières premières critiques et prévoit un nouvel assouplissement du régime des aides d'État, avec une clause d'alignement pour prévenir les délocalisations, ainsi qu'un règlement zéro émission nette.
La durée de l'assouplissement prévu sera-t-elle alignée sur ce que prévoit l'IRA ? Les technologies nucléaires seront-elles incluses dans le périmètre du règlement zéro émission nette ? Le levier de la commande public sera-t-il activé ? Quid de la préférence européenne ?
La dernière brique de la réponse à l'IRA est la réforme du marché de l'électricité, destinée à juguler les prix de l'énergie. Or les principes fondamentaux ne sont pas modifiés. Les mix nationaux seront-ils bien pris en compte, et observera-t-on un bénéfice sur la facture des consommateurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Véronique Guillotin . - Plus d'un an après l'agression russe, le conflit s'installe et se durcit. Doit-on craindre sa généralisation ? Le flou de Pékin sur d'éventuelles livraisons d'armes à Moscou interroge, de même que les efforts russes pour pousser l'Iran à l'offensive contre l'Occident.
Aussi l'Union européenne doit-elle affûter ses armes. Une chose est claire : face à la Russie de Vladimir Pouline, les États de l'Union doivent partager les craintes exprimées par les pays d'Europe centrale et baltes. Présidente du groupe d'amitié France-Moldavie, je m'inquiète des tentatives de déstabilisation de ce pays par la Russie. Je ne doute pas que le prochain Conseil européen réaffirmera son soutien à l'Ukraine ainsi qu'à tous ses voisins menacés par l'impérialisme russe.
Le RDSE soutient le plafonnement du prix des produits pétroliers, ainsi que les mesures restrictives et les dispositifs anti-contournement qui les accompagnent. Le dernier Conseil européen a exprimé son soutien au plan Zelensky en dix points. En attendant, le conflit est dans l'impasse.
La question de l'énergie sera une nouvelle fois à l'ordre du jour. Madame la ministre, comment recevez-vous les propositions de Bruxelles sur le marché de l'électricité ? La réforme promise par la présidente de la Commission s'éloigne au profit d'une simple stabilisation des prix. La possibilité pour les États membres de réduire la facture des consommateurs est cependant bienvenue, en cette période d'inflation galopante, tout comme le régime de garantie ou le soutien à l'achat de combustibles non fossiles pour les PME.
Mais il faudra aussi des mesures de long terme pour retrouver une part de souveraineté énergétique. Difficile de nous passer de nos centrales nucléaires, mais la France doit aussi combler son retard en matière d'énergies renouvelables ; j'espère que la loi récemment adoptée tiendra ses promesses.
Le Bureau européen des unions de consommateurs réclame l'interdiction des allégations climatiques trompeuses sur les aliments, telles que « banane climatiquement neutre », qui induisent en erreur. Veillons aussi à la protection des indications géographiques protégées (IGP) : une approche harmonisée ne doit pas remettre en cause la diversité de nos produits d'excellence. Or il serait question d'externaliser les cahiers des charges des indications d'origine vers l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle. Nos viticulteurs s'inquiètent. Merci de rassurer nos producteurs et artisans du goût ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes Les Républicains et INDEP)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Parmi les nombreux sujets abordés les 23 et 24 mars figurera la compétitivité de l'Union européenne. Elle doit être ardemment soutenue dans les domaines agricole et industriel ; c'est l'objet du Pacte vert, dont l'ambition est de décarboner notre économie et enrayer notre déclin industriel. Il y a urgence !
Depuis plusieurs décennies, nous subissons la concurrence croissante des pays émergents, y compris dans l'aéronautique, le nucléaire ou la grande vitesse ferroviaire. Pendant que l'Europe s'évertue à respecter les règles multilatérales, la Chine continue ses pratiques déloyales, les États-Unis se réfugient dans un néoprotectionnisme assumé, illustré par l'IRA qui creusera encore les écarts de compétitivité et augmentera le risque de délocalisation de nos entreprises. Sans réaction européenne, la France pourrait perdre 10 milliards d'euros d'investissements et 10 000 emplois potentiels.
Bâtir une politique industrielle européenne est désormais une obligation. Pour jouer à armes égales avec nos concurrents, exigeons la réciprocité dans les relations commerciales, adaptons notre politique de concurrence au XXIe siècle, conditionnons les subventions à des exigences de localisation des approvisionnements et de la production.
La réponse européenne engagée avec le règlement « zéro émission nette » est pourtant bien timide, alors qu'il faut un changement de paradigme. Comment comprendre que le nucléaire soit exclu du champ d'application ? Comment être à la fois compétitif et sobre en carbone en snobant l'atome ? L'alliance du nucléaire lancée par Agnès Pannier-Runacher semble mal partie.
Le risque de déclassement touche aussi le secteur agricole. Le sucrier Tereos vient d'annoncer la fermeture de deux usines en France, conséquence directe de la pression réglementaire sur les betteraviers. Les surtranspositions nationales et les distorsions de concurrence aboutissent à une attrition des surfaces de betteraves. Le choix politique d'interdire les néonicotinoïdes a mis la filière dans l'impasse. Allez-vous activer la réserve de crise agricole de l'Union européenne pour lui venir en aide ?
Un mot sur la création d'un espace européen des données de santé. Il convient, comme l'a demandé le Parlement européen, que ces données soient protégées, et donc hébergées sur le territoire de l'Union européenne et soumises au règlement général sur la protection des données (RGPD). Cela suppose des technologies de pointe, donc un investissement accru dans le numérique. Il y va de la compétitivité de nos entreprises.
Il faut aussi être attentif à certaines propositions, comme le projet de révision du système de redevances perçues par l'Agence européenne des médicaments. La future réforme de la législation pharmaceutique devra permettre le développement d'une industrie pharmaceutique innovante sur le territoire de l'Union mais également la production de médicaments plus matures, pour éviter les pénuries.
Je travaille également sur la directive sur les travailleurs de plateforme, pour laquelle les négociations patinent. Peut-on espérer un accord sous présidence suédoise, ou faudra-t-il attendre la présidence espagnole ? La France est-elle prête à des concessions ?
Sur tous ces sujets, le volontarisme s'impose ; à défaut, l'Europe sera balayée par ses concurrents internationaux. Nous sommes à la croisée des chemins ; l'Europe deviendra-t-elle un continent sous influence ? Choisissons le sursaut, et non le renoncement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Mme Colette Mélot . - Plus d'un an que les atrocités continuent en Ukraine, que des enfants ukrainiens sont déplacés, naturalisés, renommés en Russie ; on leur réinvente même une filiation. Je salue le travail des nombreuses organisations qui font la lumière sur ces faits. À l'initiative d'André Gattolin, la commission a préparé une résolution européenne sur ce thème. L'Union européenne doit continuer à faire pression sur la Russie, documenter les faits pour que justice se fasse en temps et en heure.
Le 7 février, le groupe INDEP a fait adopter à une large majorité une proposition de résolution de soutien à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Russie et appelant au renforcement de l'aide. J'espère que la France relaiera ces propositions au Conseil européen.
La Commission européenne a présenté son projet de réforme du marché de l'électricité. Madame la ministre, que défendrez-vous au-delà du découplage des prix du gaz et de l'électricité, qui n'a visiblement pas été retenu ? Que se passera-t-il l'hiver prochain ? Les citoyens européens ont besoin de prévisibilité sur les prix de l'énergie, sans compter que notre compétitivité est affectée à long terme.
L'IRA met en danger le marché commun, malgré des objectifs louables en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Nous ne pouvons pas laisser partir notre industrie et voir notre marché envahi par des produits fabriqués hors Union européenne. Les règles de concurrence doivent rester équitables.
La souveraineté n'est pas une option. Le plan industriel vert présenté demain prévoit notamment la simplification de l'autorisation des aides d'État. Madame la ministre, comme le Gouvernement pourra-t-il s'assurer que ces règles s'appliquent rapidement et correctement ? Une ingénierie locale est-elle prévue pour nos concitoyens, parfois démunis face aux règles européennes ?
Last but not least, notre relation avec le Royaume-Uni. Nous avons été émus du choix des Britanniques, dénoncé l'attitude de notre partenaire dans les négociations, sommes restés fermes face aux tentatives de renégociation du Northern Ireland Protocol. Enfin, le 27 février, le cadre de Windsor a posé une première pierre pour une relation nouvelle, à tel point que certains ont parlé de normalisation. Mais la relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne sera toujours extraordinaire...
Les règles adoptées sur l'Irlande du Nord permettent-elles de protéger le marché unique européen ? D'un point de vue pratique, sommes-nous sûrs de pouvoir assurer les contrôles à la frontière irlandaise ? Quelles étapes restent à franchir dans le cas contraire ? Le prochain Conseil européen sera crucial.
Vous n'avez d'autre choix que de réussir, mais vous avez toute notre confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDSE, du RDPI et au banc des commissions)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Hier, la Commission européenne a présenté sa proposition de réforme du marché de l'électricité pour soulager le consommateur, orienter le marché vers les énergies renouvelables et moins dépendre du coût des fossiles. Sur ces enjeux, faut-il se résigner à voir notre pays se comporter comme un petit État obnubilé par la défense de sa spécificité nucléaire ?
Le Gouvernement a obtenu la promotion des contrats différents pour les technologies non soumises à la concurrence d'une nouvelle entrée sur le marché ; son lobbying s'est étendu à la performance énergétique des bâtiments, à l'hydrogène nucléaire... Pendant ce temps, la France reste le seul État membre à débourser 500 millions d'euros pour n'avoir pas atteint son objectif d'énergie renouvelable pour 2020. Nous sommes à la traîne sur l'éolien et le solaire, qui est en plein boom mondial et dont les bas coûts sont avérés.
Le Giec le martèle : c'est dans les dix années à venir que les investissements dans le renouvelable doivent produire leurs résultats pour le climat. Chaque euro dans le nucléaire est perdu pour le renouvelable. Incidents à Penly, déchets, pollution, électricité coûteuse, autant d'arguments pour ne pas nous engager dans cette voie.
Votre lobbying confine au cynisme : a contrario de ses demandes de moratoire sur l'uranium russe, la Commission a plié face à Emmanuel Macron, renonçant à sanctionner des cadres importants du nucléaire russe, comme ceux de Rosatom. La France a triplé ses importations d'uranium enrichi depuis l'aire d'influence russe et exporté vers la Russie l'intégralité de son uranium de retraitement !
Notre secrétaire d'État à la mer, la semaine dernière, qualifiait le traité sur la haute mer d'historique, tout en défendant le chalutage de fond dans les aires marines protégées ! L'écart entre la communication et les pratiques réelles est sidérant, s'offusque Jacques Attali...
Les scientifiques du Conseil international pour l'exploration de la mer invitent à fermer les zones de pêche concernées pendant les pics d'échouage de dauphins tout en indemnisant les pêcheurs. La mort de centaines de dauphins sur la côte atlantique finira par nous valoir une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Je salue néanmoins le cap maintenu par le Gouvernement sur l'échéance européenne de fin de vente de véhicules à moteur thermique en 2035 ; le revirement allemand est inacceptable, sous la pression d'un parti libéral-démocrate en déconfiture électorale, de mèche avec de petits constructeurs et sous-traitants. L'échéance 2035 est une nécessité écologique et industrielle. C'est le Green Deal qui réduira l'écart avec les constructeurs chinois et répondra à l'IRA. Tenons bon sur 2035 !
Je salue enfin le vote par le Parlement européen d'un revenu minimum européen, avec pour objectif de réduire la pauvreté de moitié d'ici à 2030. En France, une personne pauvre sur deux a moins de 30 ans ; la France doit mettre un terme à la discrimination des moins de 25 ans dans l'accès au RSA. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. André Gattolin . - (M. Olivier Cadic applaudit.) L'Union européenne se trouve dans une situation paradoxale. Après avoir honorablement fait face à trois crises existentielles, elle semble menacée par un banal accident de voiture...
Les trois crises, ces trois astres noirs qui ont fait irruption dans la galaxie Europe, nous les connaissons.
D'abord le Brexit, le Royaume-Uni claquant la porte et posant des conditions irréalistes, donnant lieu à des négociations et renégociations prolongées. Nous avons cependant évité les divisions fratricides entre États européens et sommes parvenus à une résolution acceptable du problème douanier en Irlande du Nord avec le protocole de Windsor. Le récent sommet bilatéral scelle les bases d'une nouvelle relation constructive. La nouvelle donne internationale et surtout la dégradation de la situation économique outre-Manche semblent ouvrir la voie à des relations plus apaisées. Qu'en est-il ?
La seconde crise est sanitaire, économique et sociale : c'est la pandémie. L'Union a vite réagi, notamment dans le secteur de la santé, qui ne relevait pas de ses compétences. Elle a agi dans le domaine économique en suspendant les sacro-saintes règles sur le déficit et l'endettement. Le rebond des économies européennes en 2021, inespéré, s'est fait au prix d'un endettement important, et la Commission appelle désormais à la responsabilité. Quelle est la philosophie de la Commission européenne, notamment au regard des conséquences économiques de la guerre en Ukraine ?
Troisième crise : la terrible guerre d'agression menée par la Russie, et ses conséquences politiques et économiques très lourdes. L'instabilité géopolitique est grande, ce ne sera peut-être pas la dernière crise...
L'Union a réagi plus vite que nous n'aurions pu l'imaginer. Ce réveil géopolitique de l'Europe nous frappe plus par le contraste avec l'inanité qui régnait auparavant face à la menace extérieure que par le volume financier - l'effet « waouh » n'est pas encore là ! Il faut cependant admettre que l'Union a su faire preuve de cohérence et de résilience, même si la Hongrie fait un peu tache. Viktor Orban pourra-t-il bloquer des sanctions nouvelles ou de nouvelles adhésions ? Son attitude aura au moins mis à bas le groupe de Visegrad et permis un rééquilibrage Est-Ouest. Pologne et Roumanie prennent un virage qui pourrait favoriser leur intégration politique et économique.
Nous restons encore loin de « l'Union », cette prophétie auto-réalisatrice choisie en 1992. Nous commençons à peine à devenir une vraie « communauté » de nations et de peuples. Le progrès vers la souveraineté n'est pas linéaire, et nous ne sommes jamais à l'abri d'une régression.
J'en reviens à l'accident de la route : l'Allemagne vient soudainement remettre en cause interdiction de la vente des voitures thermiques à partir de 2035. Jean-Claude Juncker, en 2018, s'était précipité à Washington pour préserver des foudres de la taxe Trump les véhicules européens - allemands à 80 % - au détriment des vins et produits de luxe, majoritairement français et italiens. Cette attitude de cavalier seul est délétère, comme le fut le choix allemand de la dépendance au gaz russe. Berlin semble renouer avec une posture plus nationale qu'européenne, plus mercantile que politique au sein de l'Union. Il faudra y remédier rapidement. (Mme Colette Mélot, MM. Olivier Cadic et Jacques Fernique applaudissent.)
M. Jean-Yves Leconte . - En 2021, les recettes commerciales de l'Union atteignaient 55 milliards d'euros. En 2022, son déficit commercial était de 430 milliards.
Ne cherchons pas des boucs émissaires. Le défi commun est bien de changer de modèle. Nous devons avancer vers le Green Deal, de manière solidaire.
N'en déplaise aux écopessimistes, nous restons une forte puissance commerciale. L'atout est réel, mais insuffisant. Voyez le Brexit : difficile de faire du commerce sans s'aimer.
Construire un nouveau modèle passe par des accords commerciaux acceptés par les populations, respectant l'environnement et les exigences de développement durable. La Commission européenne envisagerait de dissocier les volets commerce et politique, pour éviter de passer devant les parlements nationaux ? Ce n'est pas sérieux. Ne négocions pas comme au siècle dernier. Il faut agir de manière plus politique.
Nous devons nous mobiliser aux côtés de l'Ukraine, lui fournir des armes, accueillir les réfugiés. La Cour pénale internationale doit pouvoir lancer des mandats d'arrêt - je salue la proposition de résolution européenne d'André Gattolin sur les enfants. Il ne faut tolérer aucune impunité, et faire respecter l'État de droit. La résolution doit être totale, vis-à-vis des États membres comme des candidats à l'adhésion - pas question de transiger sur la liberté de la presse, par exemple.
Le statut de candidat accordé à l'Ukraine était indispensable ; il doit être source d'un nouveau dynamisme, notamment pour les Balkans. Les perspectives d'adhésion doivent être crédibilisées. Il ne faudra pas décevoir le peuple ukrainien, qui s'est battu d'abord car il souhaitait devenir européen.
Les procédures d'adhésion seront difficiles. L'Ukraine est une puissance agricole sans équivalent en Europe, mais tous les pays européens y gagneront.
Nous devons aussi avancer sur tous les aspects du Pacte sur la migration et l'asile, au-delà du seul volet répressif, notamment en matière de liberté de circulation des personnes et des travailleurs, en nous inspirant de la protection temporaire consentie aux Ukrainiens. La politique de visas européenne donne de nous une bien mauvaise image, notamment en Afrique.
Enfin, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la situation en Tunisie. L'Europe n'est elle-même que lorsqu'elle reste fidèle à ses valeurs et se tient résolue aux côtés de la liberté, auprès de tous les peuples du monde. « Femme, vie, liberté », voilà un message que nous devons soutenir sans limites. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Jacques Fernique et André Gattolin applaudissent également.)
M. Pascal Savoldelli . - En cette période de disette de progrès social, réjouissons-nous que le Parlement européen ait entériné, avec 376 votes pour, la directive sur la présomption de salariat des travailleurs de plateformes. On est loin de la démarche d'Emmanuel Macron, qui s'intéresse aux retraites avant de s'intéresser au travail. En France, l'ubérisation représente 6 milliards d'euros de cotisations perdues pour les finances publiques. Voilà une piste de financement qui ferait d'une pierre deux coups. Le Gouvernement continuera-t-il à dénier des droits nouveaux aux travailleurs des plateformes ?
Comme en Espagne, la réforme des retraites est exigée par la Commission européenne. N'y voyez aucun complotisme : après une première injonction le 5 juin 2019, le Conseil européen a recommandé le 1er juillet 2022 que la France « s'attache en 2022 et 2023 à réformer le système de retraite pour uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite afin de renforcer l'équité du système tout en soutenant sa durabilité ». Où est l'équité dans cette réforme ?
L'Union européenne aurait préféré une retraite par points, s'orientant moins sournoisement que le Gouvernement vers la capitalisation. Une manne à venir pour les banques ! Quand les banques américaines font faillite sans garantie des dépôts, cela devrait nous faire réfléchir. Il ne suffit pas de répéter « Calm down ! », comme Bruno Le Maire !
Je le dis solennellement : les réformes contre le progrès social réarment les extrêmes droites ; en affaiblissant les parlements, on prépare des régimes autoritaires. Notre idéal démocratique est mis à l'épreuve.
Les volontés austéritaires de l'Union européenne - 3 % de déficit, une hérésie ; 60 % de dette, une fable - sont inapplicables, car inappliquées. Jamais le peuple n'a décidé de telles trajectoires.
La Commission propose de nouvelles méthodes. Il n'y aurait plus de règles uniformes, chaque État définissant sa trajectoire sur quatre ans. Mais si des délais supplémentaires étaient accordés, ce ne serait qu'à la condition de réformes structurelles et d'investissements stratégiques en faveur de la croissance. Quel chantage ! C'est le libéralisme contre les classes populaires. Mais quelle croissance ? Pour quels emplois, quels progrès sociaux ? On ne peut plus vouloir la croissance pour la croissance.
« Plus de marges de manoeuvre pour plus de rigueur », comme l'écrivait un média allemand ? Je vois bien la rigueur, moins les marges de manoeuvre. Avec le maintien de la procédure pour déficit excessif, nous savons que nous allons prendre perpétuité, et sans remise de peine ! Sanctions financières, sanctions de réputation telle que la convocation à une audition au Parlement, blocage des fonds structurels... Mais rassurez-vous : ce sera préventif ! La Grèce a bien connu les effets de ces méthodes. Les piliers du pacte budgétaire sont d'ailleurs maintenus.
Les finances publiques, c'est aussi un patrimoine financier et immobilier. En en tenant compte, la dette de la France n'est plus que de 87 % du PIB. Nous serions plus près de l'objectif infondé, et nos concitoyens auraient le droit de décider de leurs propres politiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je m'intéresserai à la compétitivité et à l'énergie.
La crise énergétique a affecté la balance commerciale de tous les pays de l'Union, mais le déficit commercial atteint 160 milliards d'euros en France. Les aides de l'IRA laissent craindre une nouvelle perte de compétitivité. Comment éviter la fuite de l'industrie vers les États-Unis ? Le renchérissement du dollar face à l'euro pourrait être un levier de réindustrialisation, mais comment éviter la concurrence entre États membres de l'Union européenne ?
Depuis peu, les plans de relance incluent un volet REPowerEU sur l'énergie, dans le cadre duquel la France pourrait recevoir 2,32 milliards d'euros. Il est aussi possible de puiser dans le fonds européen de développement régional (Feder) à hauteur de 5,7 % ; mais cela se fera-t-il au détriment des investissements essentiels dans nos régions ?
Les collectivités ont été tenues à l'écart des plans de résilience et de redressement. Je le regrette.
La commissaire européenne à l'énergie Kadri Simson a annoncé trois mesures majeures : le merit order a été maintenu - la demande de la France d'un découplage des prix du gaz et de l'électricité n'a donc pas été entendue ; pour le bas-carbone, la Commission européenne plaide pour des contrats différenciés, ce qui favoriserait nos investissements dans le nucléaire ; enfin, l'agence européenne des régulateurs de l'énergie accroîtrait sa surveillance sur les régulateurs nationaux. Quelle est la position de la France ?
J'en viens à la stratégie mobilités. L'Allemagne vient de surprendre tous ses partenaires en s'opposant à la fin du moteur thermique en 2035, entraînant dans son sillage, entre autres, la Hongrie. Il faut des alternatives au tout électrique. Il ne faudrait pas imposer une technologie précise aux industriels.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Jean-Michel Arnaud. - Sur l'utilisation de carburants synthétiques que propose Berlin, quelle voix la France entend-elle porter au Conseil, alors que plusieurs de nos constructeurs, dont Renault et Stellantis, pourront produire des véhicules zéro émission d'ici 2030 ?
Deux directives vont entrer en vigueur pour mieux réguler le numérique - je rappelle que les Gafam ont un chiffre d'affaires égal à la totalité de nos recettes fiscales. Le DMA (Digital Markets Act) vise à stimuler l'innovation sur le marché numérique en favorisant une concurrence loyale. Le DSA (Digital Services Act) rendra illégal en ligne ce qui l'est déjà hors ligne. Quelle sera la position de la France au Conseil ? Il est aussi question ici de lutter contre la manipulation de l'information - le Sénat a d'ailleurs lancé une commission d'enquête sur TikTok. Le Gouvernement français et l'Europe doivent être très volontaires sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Loïc Hervé et André Gattolin applaudissent également.) Guerre en Ukraine, difficultés d'approvisionnement en matières premières, pénurie de semi-conducteurs, hausse sans précédent des prix de l'énergie : l'Europe traverse une période de turbulences. Le doublement, le triplement des factures d'électricité place nos entreprises et nos collectivités territoriales dans une situation délicate. Le bouclier tarifaire les protège, mais pour combien de temps ?
Le marché européen de l'électricité est incapable de protéger les consommateurs des problèmes d'approvisionnement en gaz, comme l'a reconnu la commissaire européenne à l'énergie. Les règles européennes, qui font dépendre le prix de l'électricité du cours d'énergies fossiles, sont dépassées. Nous ne pouvons sacrifier notre modèle pour conserver un marché dérégulé qui ne joue plus son rôle. Le mécanisme mis en oeuvre par nos voisins espagnol et portugais est efficace, mais engendre une concurrence déloyale. Nous avons besoin d'une réponse commune.
Le 12 octobre, la Première ministre a reconnu devant le Sénat qu'il fallait réviser les règles européennes. Pourtant, les annonces de la commissaire Kadri Simson montrent que la Commission n'a pas pris la mesure du problème : des mesures ciblées, sans refonte complète des règles. Le système du merit order est conservé, le découplage des prix du gaz et de l'électricité n'est toujours pas à l'ordre du jour.
La Commission souhaite aussi lancer une stratégie de décarbonation massive de nos productions industrielles, mais en excluant le nucléaire des énergies éligibles. C'est un anachronisme : nous avons besoin du nucléaire, le Giec nous le rappelle régulièrement. Les États décident souverainement de leur mix énergétique. L'Allemagne, en doublant sa production de centrales à gaz, place l'Europe en situation de dépendance. Partout, le nucléaire fait son retour. Comme le rappelle Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l'Europe ne doit pas manquer le saut technologique du nucléaire.
La réforme du marché de l'électricité est un enjeu économique, mais aussi de compétitivité. Nos États subissent à la fois les conséquences de l'IRA et l'absence de choix forts au niveau européen.
Il faut inciter nos industriels à relocaliser et à accélérer les investissements de transition vers une économie décarbonée. Or notre industrie n'a aucune visibilité sur ses coûts d'approvisionnement, alors que ses concurrents ont une visibilité de dix, voire vingt ans, et une électricité peu chère. Le rétablissement des contrats de long terme est indispensable.
La Savoie compte plusieurs industries hyperélectrointensives. Si elles ne peuvent renouveler leurs contrats de long terme, elles devront réduire, voire arrêter leur production. Seules alternatives, la Chine et la Russie. Le rétablissement de ces contrats fait partie des mesures ciblées de la Commission ; c'est une bonne nouvelle, mais il faudra prendre en compte le nucléaire.
La nécessité d'une nouvelle politique énergétique fait l'unanimité ; saisissons l'occasion du prochain Conseil européen pour défendre une réforme ambitieuse du marché de l'électricité, sans oublier la question du renouvellement des concessions hydroélectriques. Nous comptons sur vous, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - En l'espace d'un an, le paysage énergétique a changé. Les prix mondiaux du pétrole ont augmenté de 200 %, ceux du charbon de 400 %, ceux du gaz européen jusqu'à 1 000 %, avec de lourdes conséquences sur les ménages, notamment modestes, et les entreprises, en particulier les PME. Les États membres ont instauré des mécanismes d'urgence - contrôle des prix et amortisseurs.
La réforme ciblée du marché européen de l'électricité annoncée par la Commission est-elle suffisante ? Ses objectifs - électricité non fossile abordable, transparence accrue pour les consommateurs, élargissement du choix de fournisseurs, contrats de long terme pour les entreprises - sont à saluer, mais les fondamentaux du fonctionnement du marché sont maintenus, alors qu'il est défaillant.
De plus, le découplage strict entre électricité et gaz n'est pas prévu, alors que le ministre en avait fait son cheval de bataille. Aucun calendrier n'a été évoqué. La baisse des prix n'est pas certaine, car elle dépend de beaucoup d'autres facteurs, comme la disponibilité du parc nucléaire, la météo ou le marché mondial du gaz.
Les ménages, les États auront-ils à temps une énergie à tarif compétitif, alors qu'il faut relocaliser et investir dans l'industrie verte ? Le coût de l'énergie, central dans les coûts de production, reste le nerf de la guerre.
Que penser de ce texte qui se présente comme une facette de la réponse européenne à l'IRA ? L'Europe doit-elle s'aligner ? La reconquête industrielle, la transition écologique ne peuvent plus attendre. Le logiciel pseudo-économique de l'Union européenne est à bout de souffle. L'IRA ne doit pas se réduire à une tentative protectionniste : Joe Biden s'est engagé auprès d'Ursula von der Leyen à ne pas attiser une concurrence délétère pour attirer les industries vertes. Ce serait une « compétition à somme nulle », selon ses mots. Il est heureux que les États-Unis souhaitent réduire de moitié leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, même s'ils autorisent l'exploitation de pétrole en Alaska.
Il est vital de mettre en place une politique industrielle et de transition écologique. Il s'agit d'accélérer les investissements bas-carbone en s'attachant à la racine de la crise : notre dépendance aux énergies fossiles.
La transition doit aussi prendre en compte un pilier social : pas de durabilité environnementale sans durabilité sociale. Augmentons le budget du Fonds social pour le climat.
L'industrie européenne doit aussi être préparée aux objectifs du Pacte vert, et tenir une position de leader international. Pour cela, il faut des subventions, de la planification, des pouvoirs publics forts et, parfois, protéger nos industries.
Il faudra activer plusieurs leviers financiers. L'Union doit se doter de nouvelles ressources propres - extension des marchés carbone, ajustement carbone aux frontières, taxe sur les transactions financières, taxation des bénéfices des multinationales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Véronique Guillotin a opportunément évoqué les menaces de la Russie sur la Moldavie. La Géorgie fait face à un mouvement contestataire d'ampleur contre l'adoption par le Parlement d'une loi, inspirée de la législation russe, destinée à museler les ONG et les médias d'opposition. Le Gouvernement, inféodé à la Russie, a plié devant une population acquise à plus de 80 % à la cause de l'Europe. Lavrov n'a pas hésité à comparer ces événements à la révolution ukrainienne de 2014...
En juin 2022, l'Union européenne a accordé le statut de pays candidat à la Géorgie : quelles sont les prochaines étapes ? Cette question sera-t-elle évoquée lors du prochain Conseil européen ?
Alors que les combats en Ukraine s'intensifient, l'Europe prévoit l'utilisation de la FEP à hauteur de 1 milliard d'euros et la libération des stocks de munitions. Thierry Breton appelle à identifier les freins à une production européenne massive. Cette stratégie conduira-t-elle à augmenter notre production de munitions et à préserver notre souveraineté européenne ?
La récente proposition de résolution européenne d'André Gattolin dénonce les transferts massifs d'enfants ukrainiens vers la Russie. La France et l'Europe prévoient-elles des moyens d'enquête ?
En Indo-Pacifique, le président chinois, qui appuie Moscou, combat le monde démocratique. Alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie y affirment une stratégie commune, l'Union européenne peine à se faire entendre. La zone est pourtant au centre d'une concurrence géopolitique intense, la Chine affirmant son expansionnisme et augmentant son budget militaire. En décembre 2022, le Japon a prévu de doubler son budget annuel de la défense pour le porter à 2 % du PIB d'ici à 2027. Le président philippin a convoqué l'ambassadeur chinois pour dénoncer les menées chinoises dans ses eaux. La situation dans l'Indo-Pacifique n'a jamais été aussi dangereuse depuis la Seconde Guerre mondiale, selon Gillian Bird, ambassadrice d'Australie en France. La question sera-t-elle discutée au Conseil européen ?
Le procès à Hong Kong de 47 personnes ayant organisé une primaire non officielle en 2020 a débuté le mois dernier. Il vise à écraser la dissidence. Seize de ces personnes seront jugées, les autres ayant plaidé coupables. Pékin s'est affranchi de ses engagements internationaux. L'Union européenne prendra-t-elle position sur ces procès politiques, qui nous rappellent les procès staliniens et qui montrent que le slogan « un pays, deux systèmes » a vécu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Le Conseil européen des 23 et 24 mars intervient dans un climat compliqué pour l'Union européenne, confrontée à plusieurs crises.
La première est la guerre russo-ukrainienne. L'Europe tangue face aux répercussions de ce conflit. Je salue nos collectivités, nos élus et nos concitoyens qui, en Mayenne, ont accueilli des réfugiés.
La France envoie des camions Caesar et des munitions ; l'Union européenne attribuera 2 milliards d'euros d'aides. La fin de la paix en Europe interroge nos capacités militaires aux niveaux national et européen. Quel est l'état de nos coopérations militaires ? Existe-t-il une ligne rouge dans l'aide à l'Ukraine ? Le Conseil va-t-il aborder la boussole stratégique pour l'Europe de la défense ?
Autre sujet au menu du Conseil européen : l'augmentation vertigineuse des prix de l'énergie, qui frappe nos artisans et commerçants. Entre le sous-investissement dans la filière nucléaire et l'arrêt de plusieurs réacteurs, la France a échappé de peu à la catastrophe, mais qu'en sera-t-il l'an prochain ?
Une réforme du marché européen de l'électricité est indispensable. Le couplage de l'électricité et du gaz est devenu totalement inéquitable, le gaz ne représentant que 7 % de la production totale d'électricité. La France peut-elle peser pour faire aboutir ces négociations avant l'été ?
L'Union européenne subit aussi l'IRA : 370 milliards de dollars de subventions destiné à stimuler le développement des énergies renouvelables. C'est une offensive économique pour attirer nos entreprises aux États-Unis, car pour être éligible aux subventions, il faut produire sur place. L'Europe doit agir très vite pour éviter une fuite des cerveaux et, pis encore, de nos savoir-faire technologiques.
La réponse du Pacte vert semble insuffisante. L'assouplissement des aides d'État est bienvenu, mais risque de créer une distorsion en faveur des États membres à fortes capacités fiscales. L'Europe aurait besoin de 350 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an pour atteindre son objectif de réduction des émissions à l'horizon 2030, pour les seuls systèmes énergétiques.
Le projet de taxe carbone ne peut qu'être salué. L'Union européenne a importé l'équivalent du PIB de la France en 2019. C'est aussi une mesure de compétitivité économique, avec les conditions d'une concurrence loyale entre entreprises européennes et mondiales, et un outil de lutte contre les délocalisations. La taxe sera-t-elle bien effective en 2026 ?
L'empilement des réglementations européennes est un vrai point noir. Quelque 116 propositions de la Commission seraient en attente ! Madame la ministre, pensez à nos agriculteurs, si fragilisés dans leur compétitivité par cette surcharge réglementaire.
Je rappelais récemment combien les initiatives européennes en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) laissaient craindre un choc de complexité pour nos PME. Peut-on espérer une Europe moins technocratique ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Non !
M. Guillaume Chevrollier. - Peut-on espérer une Europe moins naïve au plan militaire et au plan économique ?
Nous sommes tous attachés à l'Europe, mais il faut nous adapter à un monde qui change. C'est la condition sine qua non d'une Europe puissante face aux menaces, au retour des empires, mais aussi face aux défis enthousiasmants du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe . - Je vous remercie pour vos interventions et toutes vos questions.
Les combats restent très intenses en Ukraine. Les discussions sur l'aide militaire et les munitions se poursuivent à Bruxelles. Les Russes tirent 10 000 obus par jour ! Une initiative de 2 milliards d'euros prélevés sur la FEP est envisagée. Il faut encourager la cession des stocks, faciliter les achats conjoints via l'Agence européenne de défense et renforcer les capacités de production européennes.
Le Président de la République a été clair sur les lignes rouges : rien n'est exclu, mais nos envois de matériel sont soumis à trois critères. Il faut qu'ils aient une efficacité immédiate, qu'ils ne contribuent pas à l'escalade et qu'ils n'obèrent pas nos propres capacités de défense.
Le dixième paquet de sanctions a déjà permis de sanctionner quatre personnes responsables des ignobles transferts forcés d'enfants ukrainiens en Russie, dont le vice-premier ministre de la République de Bachkirie, le numéro deux de l'oblast de Moscou, et la commissaire russe pour les droits de l'homme.
Je ne peux que vous encourager à aller apporter votre soutien à la Moldavie. J'y étais la semaine dernière et nous avons évoqué avec la présidente le développement de nos coopérations sur l'État de droit et la justice, le soutien à la société civile et la préparation du deuxième sommet de la Communauté politique européenne. La diplomatie parlementaire a un rôle à jouer.
J'ai reçu ce matin la présidente de la commission des affaires étrangères du Parlement géorgien. Sur douze recommandations, onze enregistrent des progrès, mais le sujet de la polarisation de la vie politique reste difficile. Nous avons échangé sur les points de convergence, pour mettre en oeuvre toutes les recommandations de l'Union européenne.
Pour les Balkans occidentaux, il faut les accompagner, pour ne pas les laisser dans une salle d'attente trop longtemps.
Le fossé de compétitivité européen est bien lié au prix de l'énergie. La réforme du marché est donc essentielle, et tout le Gouvernement s'est mobilisé, pour protéger les consommateurs, lutter contre la volatilité des prix et donner plus de visibilité aux entreprises. La proposition de la Commission est une base solide et large, car elle inclut le nucléaire existant. Les contrats à long terme permettront de sécuriser entreprises et particuliers. Nous espérons une adoption avant la fin de l'année.
Le plan Zéro émission nette est une réponse à l'IRA, très offensive en matière industrielle et commerciale, même si vous regrettez l'absence d'effet « waouh ».
Nous devons mettre en place une plateforme d'investissement pour mobiliser rapidement toutes les ressources sur nos secteurs stratégiques.
Nous travaillons à la réduction des délais d'autorisation, pour faire de la rapidité des procédures un avantage compétitif. C'est bien une réduction de la bureaucratie européenne, monsieur Husson. La liste des technologies doit toutefois être encore étendue, pour intégrer le nucléaire, la chaleur renouvelable et la biomasse.
L'accord de Windsor permet d'avancer sur le protocole nord-irlandais. Des produits resteront sur le marché britannique, avec des tests aléatoires, et des produits iront sur le marché unique, avec des tests systématiques. Un système de contrôle des données d'échanges commerciaux permettra d'identifier les fraudes. Notre ligne est la suivante : exigence maximale sur le respect des accords conclus dans le cadre du Brexit ; ouverture maximale au travail avec le Royaume-Uni.
L'interdiction des véhicules thermiques en 2035 doit rester un signal clair. C'est nécessaire sur le plan écologique comme industriel. La ministre de l'environnement allemande ne dit pas autre chose, ce qui me donne beaucoup d'espoir.
M. Franck Menonville. - Oui, de l'espoir !
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État. - Pas seulement, du travail aussi.
Lorsque le Premier ministre hongrois s'est rendu à Paris, il lui a été rappelé que la Hongrie devait ratifier l'entrée de la Finlande et de la Suède dans l'Otan et que nous devions être unis dans notre soutien à l'Ukraine face à l'agression russe.
Il est vrai qu'il n'y a pas eu de progrès sur les travailleurs des plateformes sous la présidence suédoise. Les discussions se poursuivent. La France défendra une position équilibrée.
Je le redis : la Commission européenne n'exige en rien une réforme des retraites, c'est une recommandation, et non un jalon du plan de relance.
La mise en oeuvre du DMA-DSA est en cours. Un projet de loi vous sera soumis à la fin du premier semestre. (Applaudissements)
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci de vos réponses, précises.
La situation en Ukraine est vraiment dramatique, sur le plan humain, politique et géopolitique. Notre effort doit être constant, nous devons y consacrer tous les moyens possibles. Notre chambre vous apporte un soutien très large.
Nous devons avancer pour réviser le cadre financier pluriannuel - les lignes, à budget égal, vont bouger - et le pacte de stabilité. Le président Raynal s'y intéresse ; nous attendons des lignes directrices claires. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, jeudi 16 mars 2023, à 9 heures.
La séance est levée à 23 h 45.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 16 mars 2023
Séance publique
À 9 heures, à 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président,M. Alain Richard, vice-président, Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)
2. Proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent, présentée par M. Jean-Louis Lagourgue et plusieurs de ses collègues (n°821, 2021-2022)
3. Proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°414, 2022-2023)
4. Proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau et Assainissement », présentée par M. Jean?Yves Roux et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°382, 2021-2022)
5. Proposition de loi portant réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, présentée par M. Bernard Fialaire et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°403, 2022-2023)
6. Suite de la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires, présentée par M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Valérie Létard et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°416, 2022-2023) (demande de la commission spéciale)
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Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 16 mars 2023
Séance publique
À 9 heures, à 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président,M. Alain Richard, vice-président, Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution)
2. Proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent, présentée par M. Jean-Louis Lagourgue et plusieurs de ses collègues (n°821, 2021-2022)
3. Proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°414, 2022-2023)
4. Proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence « Eau et Assainissement », présentée par M. Jean?Yves Roux et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°382, 2021-2022)
5. Proposition de loi portant réforme de la loi du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique, présentée par M. Bernard Fialaire et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°403, 2022-2023)
6. Suite de la proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires, présentée par M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Valérie Létard et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°416, 2022-2023) (demande de la commission spéciale)