SÉANCE
du mercredi 15 mars 2023
71e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Loïc Hervé, Mme Jacqueline Eustache-Brinio
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Faillite de la Silicon Valley Bank
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes INDEP et UC) Madame la Première ministre, les déboires de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la Signature Bank nous renvoient aux mauvais souvenirs de la crise financière de 2008. Ces défaillances ont affolé les marchés et suscité, outre-Atlantique, une crainte qu'il pourrait s'étendre en Europe.
Depuis quelques jours, les commentaires se multiplient pour inviter à garder confiance. La Fed et le Trésor américain ont évité le pire, et les règles prudentielles en Europe se sont durcies depuis dix ans. Je n'ose demander s'il existe le moindre risque systémique au sein de l'Union européenne, car le reconnaître serait l'encourager. C'est bien le problème des marchés financiers - pas le seul, d'ailleurs : la fébrilité s'alimente des déclarations alarmistes.
On peut espérer que l'incendie soit éteint. Mais ces bank runs interrogent sur les effets de la politique monétaire menée depuis des mois. La remontée des taux d'intérêt comme principale boussole ne commence-t-elle pas à montrer ses limites ? Pendant ce temps, nos concitoyens, en particulier les plus modestes, souffrent de l'inflation.
À la veille du conseil des gouverneurs de la BCE, doit-on s'attendre à une nouvelle hausse des taux, au risque de restreindre encore les liquidités ? Si oui, les banques françaises sont-elles assez capitalisées pour continuer à jouer leur rôle de prêteur aux entreprises et aux particuliers ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Les raisons de la faillite de la SVB sont bien connues : exposition au seul secteur technologique, capitalisation insuffisante et manque de fonds propres, supervision défaillante.
Les autorités américaines ont pris immédiatement les mesures de stabilisation qui s'imposaient. Je vous confirme, à la suite du ministre des finances, que les banques françaises ne sont exposées à aucun risque. Elles respectent des exigences de fonds propres et de liquidités parmi les plus fortes au monde, sont soumises à une supervision européenne et ont des activités diversifiées.
Plus proche de nous, le Crédit Suisse connaît des difficultés connues de longue date. Je rappelle que cette banque n'est pas soumise à la supervision européenne. Cette question est du ressort des autorités suisses.
Nous sommes vigilants, mais la situation est très différente de celle de 2008 : depuis lors, de nombreuses règles prudentielles ont été édictées dans la zone euro. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Jean-Claude Requier. - Espérons que, après le covid et la guerre en Ukraine, nous n'aurons pas une crise financière. En économie comme ailleurs, la confiance se perd en litres mais se gagne en gouttes ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)
Réforme des retraites (I)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans une démocratie parlementaire normale, aujourd'hui serait la journée de l'apaisement : après des années de négociation avec les partenaires sociaux et les forces politiques, un consensus aurait été trouvé sur l'avenir du travail et de notre système de retraites, dont la réforme serait en passe d'être largement adoptée.
C'est ce qui se passe dans tous les pays européens, que vous aimez tant citer en exemple. Mais pas en France : parce que, en France, le Gouvernement aime avoir raison tout seul, en n'écoutant personne et en agissant contre tout le monde.
Hormis une partie des Républicains, personne, monsieur le ministre, n'est d'accord avec vous : 75 % de la société est contre cette réforme, et 93 % des actifs ; aucun syndicat ne la soutient ; même la majorité parlementaire n'est pas certaine.
Pendant que les Français sont encore massivement dans la rue, sept députés, qui n'ont même pas étudié l'intégralité du texte, et sept sénateurs, à qui le Gouvernement a imposé un vote bloqué, viennent de décider, à huis clos, de prendre deux ans de repos aux plus précaires.
Dans un pays transformé en poudrière, vous hésitez entre une majorité de quelques voix et l'adoption sans vote d'une réforme minoritaire : l'une et l'autre de ces options sont une folie ! Ce n'est pas parce que des outils sont légaux, que leur utilisation est légitime, qu'ils répondent aux standards modernes d'une démocratie digne de ce nom.
Arrêtez les frais ! À ce stade de tension, l'urgence est de sortir de cette dynamique mortifère et d'organiser la transition vers une République vraiment parlementaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Si j'ai bien compris votre question, ou plutôt votre interpellation, vous considérez pratiquement que nous ne sommes pas dans une démocratie moderne. (M. Thomas Dossus renchérit.)
Nous y sommes bien : nous permettons l'expression des oppositions dans la limite du respect de l'ordre public. Les organisations syndicales parviennent très bien à éviter les débordements dans les manifestations. Mais il faut aussi condamner les coupures d'électricité sauvages, notamment contre des élus. (Applaudissements des travées du RDPI jusqu'aux travées du groupe Les Républicains) Ces coupures mettent en danger des commerces, des administrations, mais aussi des personnes hospitalisées à domicile.
Le fonctionnement de nos institutions doit également être respecté. Au Sénat, j'ai eu le plaisir de passer avec vous dix jours de débats, au cours desquels chaque disposition du projet de loi a été examinée.
M. Guillaume Gontard. - C'est faux !
M. Hussein Bourgi. - Et le vote bloqué ?
M. Olivier Dussopt, ministre. - C'est une procédure constitutionnelle : elle a été employée ici en 2010 et en 2013 à l'Assemblée nationale, notamment. Son mérite est de contourner l'obstruction.
M. Pierre Laurent. - C'est un passage en force !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Car il y a eu obstruction au Sénat, certes d'une nature différente de celle de l'Assemblée nationale : vous avez méthodiquement cherché à paralyser la délibération.
M. Jean-Marc Todeschini. - N'importe quoi !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Samedi soir, le Sénat a adopté la réforme. Je forme maintenant le voeu que la commission mixte paritaire trouve un texte de consensus. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP et sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains)
Fermeture d'usines dans le Nord
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Laissez-moi vous lire la lettre d'un salarié de l'usine Buitoni de Caudry, adressée à Nestlé, son employeur.
« En mars 2022, j'apprends le rappel de la production de pizzas. On me demande de rester chez moi, c'est inquiétant. J'apprends que le fruit de mon travail aurait handicapé et tué des enfants. Je suis aussi père : rempli de honte, je pleure. Au restau du coin, quelqu'un me lance : « assassin de chez Buitoni ». Les chaînes d'info nous accablent : les salariés sont sales, c'est bien fait pour eux. Pourquoi Nestlé ne dit-il pas que ses employés ne sont pas responsables ? Début janvier 2023, les activités reprennent, mais les commandes ne suivent pas. La fermeture du site est décidée. » Voilà la détresse des 150 salariés de l'usine de Caudry depuis douze mois.
La même semaine, la fermeture de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres a été annoncée : 150 emplois, là aussi, sont en jeu. À force d'appliquer les normes de façon plus drastique que nos voisins, nous détruisons notre filière betteravière.
Le Gouvernement parle de réindustrialisation des territoires, mais je peux d'avance vous annoncer que d'autres fermetures suivront.
Ce sont d'énormes coups de massue pour le Cambraisis et le Caudraisis. Comment comptez-vous agir pour sauvegarder ces usines ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci d'avoir fait entendre ces mots, que j'ai, moi aussi, entendus avant-hier à Caudry.
Les salariés ont pris comme un coup de massue l'annonce de la suspension de l'activité et comme une énorme injustice les accusations qui leur sont adressées depuis un an, alors qu'ils ne sont en aucun cas responsables du drame sanitaire. Il est hors de question qu'ils en soient les victimes collatérales.
Nous travaillons avec la direction de Nestlé pour trouver d'autres solutions. Je souhaite qu'on produise sur ce site et ferai tout pour cela.
Une autre nouvelle difficile a suivi : la fermeture de l'usine Tereos d'Escaudoeuvres. Des fermetures d'usine, ça arrive et ça peut arriver encore, mais pas quand une entreprise gagne de l'argent, se désendette et que le prix du sucre est au plus haut. Nous rencontrons la direction demain pour obtenir des explications précises.
M. Pascal Savoldelli. - Et après ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Pourquoi une entreprise qui va mieux ferme-t-elle une usine ?
Dans le cadre du programme Rebond industriel, nous déployons 3 millions d'euros pour la réindustrialisation du territoire. Le Nord va mieux : des gigafactories, à une heure ou deux de Caudry, créeront des milliers d'emplois. Nous ne devons pas pour autant abandonner les territoires délaissés : nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées du groupe INDEP)
Dépenses publiques
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis des années, monsieur le ministre de l'économie, nous ne cessons d'appeler votre attention sur la non-maîtrise des dépenses publiques. Le constat est partagé par la Cour des comptes, qui vient de vous adresser une mise en garde sévère, pour ne pas dire un carton rouge : hors aides exceptionnelles, la dépense publique continue sa dérive.
Pouvez-vous confirmer que la France détient le plus haut niveau de dépenses publiques en Europe, à 58 % du PIB ? Comment avez-vous pu laisser nos comptes publics dériver ainsi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains) Je connais votre attachement au rétablissement des finances publiques ; j'espère donc que vous soutiendrez notre méthode, grâce à laquelle nous sommes revenus sous les 3 % de déficit en 2018, sortant la France de la procédure pour déficit excessif. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Cette méthode, c'est d'abord un objectif : ramener les dépenses publiques de 57 à 54 % du PIB, ce qui suppose que tout le monde fasse un effort.
M. Jean-Marc Todeschini. - Pas les plus riches !
M. Rachid Temal. - Et l'ISF ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ainsi, il faut s'abstenir de proposer des hausses de la dépense publique.
Nous comptons revenir sous les 3 % de déficit dès 2027 et réduire la dette à partir de 2026.
Nous proposons une méthode pour y parvenir.
M. Jean-Marc Todeschini. - Faire payer les pauvres !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Une revue, inédite, de toutes les dépenses publiques, y compris des collectivités territoriales (murmures sur de nombreuses travées) et des associations. La dépense publique, c'est 50 % de dépenses sociales, 30 % de dépenses de l'État et 20 % de dépenses des collectivités territoriales. Chacun doit participer à l'engagement collectif sur la base d'un diagnostic partagé.
Nous organiserons ensuite un séminaire sous l'autorité de la Première ministre (exclamations ironiques sur de nombreuses travées), pour examiner les dépenses de chaque ministère. Je proposerai à toutes les collectivités territoriales de s'engager dans cette direction, dans le respect de leur libre administration. (On s'écrie : « Cahors ! » sur plusieurs travées à droite et à gauche.) Nous ferons de même pour les associations.
Nous tiendrons, avant l'été, des assises des finances publiques, pour établir le montant et le calendrier de la réduction de dépenses. Dès le projet de loi de finances pour 2024, des réductions significatives seront prévues pour tenir nos objectifs, que je vous propose de soutenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Husson. - En septembre dernier, vous avez confié à votre majorité le soin de trouver des économies : vous avez rendu copie blanche.
Vous parlez doctement de votre méthode, mais jamais depuis la Seconde Guerre mondiale la France n'a connu un tel niveau d'endettement. Nous empruntons cette année 270 milliards d'euros, alors que les taux d'intérêt remontent. La France se retrouve en difficulté.
Dette publique, prélèvements obligatoires, déficit public, déficit commercial : la France est en queue de peloton. Cela ne peut pas durer. À quand des économies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)
Lutte contre les dérives sectaires
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La terre est-elle plate ? La question paraît absurde, mais, pour certains, toutes les affirmations, aussi farfelues et complotistes soient-elles, ont leur place dans le débat public, au côté des faits scientifiquement établis - quand elles ne sont pas considérées comme des « thèses minoritaires », comme je l'ai entendu récemment sur France Inter.
Ce mélange des genres est dangereux, et ses conséquences peuvent être désastreuses, notamment pour la santé : d'aucuns expliquent que le cancer se soigne par le jeûne ou que les vaccins servent au contrôle mental des populations. Des charlatans abusent de certains pour leur vendre des pseudos thérapies ; sous prétexte de bien-être, ils mettent peu à peu leurs victimes sous emprise, les entraînant dans un engrenage sectaire. L'un d'entre eux a été récemment mis en examen, mais n'est-ce pas l'arbre qui cache la forêt ?
L'État est-il suffisamment armé pour lutter contre ce phénomène ? Notre position vis-à-vis de ces dérives sectaires, quasiment unique au monde, peut-elle être conciliée avec la législation européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Je vous remercie d'avoir participé aux Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires. Celles-ci touchent des dizaines de milliers de personnes chaque année.
Les assises ont beaucoup insisté sur la prévention. Comment nos compatriotes peuvent-ils placer sur le même plan un fait scientifique et des croyances ? Ma collègue Sarah El Haïry a pris des engagements forts en matière d'éducation à l'information ; cette éducation doit être adaptée à l'ère des réseaux sociaux. Un travail important sera mené avec les plateformes pour qu'elles ne soutiennent pas ces dérives.
En matière de santé, où les dérives explosent, ma collègue Agnès Firmin Le Bodo a annoncé un encadrement des pratiques non conventionnelles de soins. Nos compatriotes ont accès à un grand nombre de naturopathes, dont les pratiques ne sont absolument pas vérifiées. (Mme Sonia de La Provôté abonde.)
Enfin, il faut accompagner les victimes et punir plus sévèrement les gourous et charlatans. Nous devons renforcer notre arsenal pénal, et je compte sur le Sénat pour nous y aider. (Applaudissements sur des travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Dominique Vérien. - L'arsenal pénal est peut-être à renforcer, mais il faut aussi travailler sur l'emprise. La CEDH doit être convaincue qu'une personne sous emprise n'est pas libre. On a toute liberté de choisir sa religion, mais une sujétion peut être un danger mortel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Rachid Temal, Mickaël Vallet et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)
Réforme des retraites (II)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Hier, madame la Première ministre, vous avez dit aux députés que chacun devait assumer ses choix. Assumez donc les vôtres : coup de force antidémocratique et régression sociale.
Depuis deux mois, le peuple vous dit non ! Grèves et manifestations demeurent ce qu'elles ont toujours été : des outils du progrès social.
Hier, vous avez reproché avec nervosité à André Chassaigne d'opposer les légitimités de la rue et du Parlement. À vous qui aimez souligner votre passé de gauche, faut-il rappeler que c'est la rue qui a bâti les conquêtes sociales ? Sans remonter jusqu'à 1789 (murmures sur les travées du groupe Les Républicains), contestez-vous la légitimité des grèves de 1906, 1936 et 1968 et de tous les progrès qui en ont résulté ? Les victoires de 1995 contre la réforme Juppé et de 2006 contre le CPE n'ont-elles pas confirmé la force et la légitimité du mouvement social ?
Oui, il y a une légalité résultant de l'élection, mais aussi une légitimité sociale qui, aujourd'hui, s'impose à vous. Notre peuple refuse votre choix de société, un choix de droite et de classe.
L'union des droites, de Renaissance à LR, est électoralement minoritaire. Votre autoritarisme conjoint, que devrait confirmer la CMP d'aujourd'hui, est dangereux pour la démocratie. Nous ne vous laisserons pas faire ; nous ne lâcherons rien, y compris avec les moyens constitutionnels à notre disposition. (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Il y a quelque chose de grave à opposer systématiquement la légitimité de la rue à celle du Parlement. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains) Il y a quelque chose de dangereux à tenter, par tous les moyens, de bloquer le débat. (Marques d'assentiment sur les mêmes travées ; protestations à gauche)
MM. Thomas Dossus et Hussein Bourgi. - C'est vous qui l'avez bloqué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - La gauche sénatoriale a revendiqué un seul objectif : empêcher un vote sur le texte. (Protestations à gauche) Elle n'a pas réussi : après de longs débats et l'examen de tous les articles, le projet de loi a été adopté à une large majorité.
M. Pierre Laurent. - Par un vote bloqué !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Évidemment, j'aurais préféré plus d'idées et moins de postures. Mais vous en avez décidé autrement. C'est le fait unique de ce qui devient la Nupes sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RDPI, et des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; protestations vives et prolongées à gauche)
M. Vincent Éblé. - C'est vraiment tout petit !
M. Pierre Laurent. - Zéro !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je salue l'attitude responsable de la majorité sénatoriale. (Exclamations ironiques à gauche) Le texte a été enrichi de nombreuses propositions, notamment sur les pensions des femmes et l'emploi des seniors.
M. Hussein Bourgi. - Avez-vous vraiment besoin de lire vos fiches ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - De nombreux amendements déposés à l'Assemblée nationale ont aussi été repris.
Quand j'entends des parlementaires de la Nupes parler de prise d'otage à propos du processus démocratique en cours, j'y vois une entreprise de disqualification de nos institutions. Venant d'élus de la Nation, c'est insupportable. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; vives protestations à gauche)
M. Pascal Savoldelli. - Vous voulez nous interdire ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour le travail parlementaire, qui se poursuit en ce moment même.
M. Hussein Bourgi. - Vous avez vraiment besoin de fiches pour dire cela ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je suis convaincue que le Sénat et l'Assemblée nationale peuvent s'accorder sur un projet qui garantira la retraite par répartition, réduira l'écart de pension entre les femmes et les hommes, fermera les principaux régimes spéciaux, améliorera l'emploi des seniors et protégera ceux qui sont usés par le travail.
M. Pascal Savoldelli. - Vous êtes plus durs avec nous qu'avec le RN : c'est grave !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nécessaire, cette réforme a été enrichie par votre assemblée. Le Gouvernement est mobilisé pour qu'une majorité la vote ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Comité national d'éthique dans le sport
Mme Samantha Cazebonne . - L'Institut de la jeunesse et de l'éducation populaire vient de rendre public un baromètre des pratiques sportives très encourageant : 60 % des Français ont pratiqué une activité physique une fois par semaine en moyenne au cours des douze derniers mois, soit six points de plus qu'en 2018.
Malheureusement, ces résultats ont pu être occultés par les profondes crises de gouvernance de certaines institutions du sport français, dont les fédérations françaises de rugby et de football.
Le sport est vecteur d'émancipation ; il réunit autour des valeurs d'équité, de respect, d'inclusion et de persévérance. Rien ne doit entacher le projet politique et sociétal dont il est porteur. Alors que la France se prépare à accueillir deux événements sportifs mondiaux majeurs, nous devons promouvoir des valeurs sportives irréprochables.
Dans cette perspective, un comité national vient d'être créé pour renforcer l'éthique dans le sport. Quels seront son fonctionnement, ses objectifs et ses missions ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Philippe Tabarot. - Question difficile ! Allô ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - En effet, les derniers mois ont été marqués par une série de crises, qui ont mis en lumière la nécessité d'améliorer la gouvernance du sport français.
Les errements dans certaines fédérations ne sauraient se reproduire, s'agissant d'organisations délégataires d'une mission de service public et responsables d'une partie de notre jeunesse. Mais ils ne doivent pas occulter les progrès dans la pratique sportive, ni l'engagement remarquable des éducateurs et bénévoles. Beaucoup de fédérations vont bien. Et la démocratie sportive progresse, notamment sous l'effet de la loi du 2 mars 2022, qui a instauré la parité des instances dirigeantes.
Il faut amplifier cette amélioration de la gouvernance : c'est le sens de ce comité national d'éthique, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana ; y siégeront des personnalités incontestables et diverses, dont Jean-François Lamour, Arsène Wenger, Stéphanie Frappart et Isabelle Autissier. Il me fera des propositions à l'automne pour une gouvernance du sport plus éthique, plus démocratique et plus protectrice, notamment contre les violences à caractère sexiste et sexuel. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Réforme des retraites (III)
M. Rémi Cardon . - (Applaudissements sur des travées du groupe SER) Hier, M. Dussopt a dit aux députés : pour atteindre le port, il faut un cap. Le vôtre serait : progrès, justice et équilibre pour nos retraites. Nous le cherchons toujours...
Les retraités ne verront jamais leurs 1 200 euros de pension minimale : voilà pour le progrès !
Les femmes continueront de toucher des pensions inférieures de 39 % à celles des hommes : voilà pour la justice !
Tous les efforts reposeront sur une seule génération, et le patronat ne sera jamais sollicité : voilà pour l'équilibre !
Nous ne partageons pas le même cap. Nous sommes des millions à refuser d'embarquer avec la droite sénatoriale sur votre radeau de la méduse. (Murmures sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Unis et unanimes, syndicats, travailleurs et manifestants ne lâcheront rien. Madame la Première ministre, pour qui et avec qui gouvernez-vous ? De façon mortifère, vous préparez le terrain à la prise du pouvoir par le RN : êtes-vous inconscients ou irresponsables ? (Quelques sénateurs du groupe SER applaudissent ; protestations sur des travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Nous sommes convaincus que notre réforme a une majorité : elle peut être votée par toutes celles et tous ceux qui veulent préserver le système par répartition, protéger les carrières longues et ceux qui sont les plus exposés à la pénibilité, améliorer l'emploi des seniors et revaloriser les petites retraites. (On le nie à gauche.)
La gauche, aujourd'hui, est déconnectée des classes populaires. (Exclamations à gauche) Grâce à cette réforme, 1,8 million de retraités bénéficieront d'une revalorisation mensuelle de 25 à 100 euros ; pour la moitié, cette revalorisation sera supérieure à 70 euros. Si vous considérez que, pour des retraités qui touchent 800 ou 1 000 euros par mois, cela n'est rien, c'est que vous avez perdu le sens de la réalité.
L'irresponsabilité est dans votre camp, car vous ne faites rien alors que notre système s'écroule. (On le conteste à gauche.) Pendant le débat, dont vous n'avez visiblement pas retenu grand-chose, vous avez tenu des propos assez outranciers, comme à l'instant : c'est la preuve que la mélenchonisation des esprits vous gagne, comme l'ensemble de la gauche française ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; vives protestations à gauche)
M. Thomas Dossus. - Ça vous obsède !
M. Rémi Cardon. - Monsieur Dussopt,...
Plusieurs voix à droite. - Monsieur le ministre !
M. Rémi Cardon. - Monsieur le ministre, gouverner contre le peuple est dangereux pour la démocratie. Le groupe SER demandera un référendum d'initiative parlementaire pour sauver la démocratie et la République de vos bâillons ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER ; nombreuses marques d'indignation sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que du RDPI)
M. Max Brisson. - N'importe quoi !
Prix du logement
M. Marc-Philippe Daubresse . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La récente publication des chiffres de la construction neuve pour 2022 confirme que la situation est catastrophique : moins 25 % pour la promotion privée, moins 30 % pour la construction individuelle, 350 000 unités prévues en 2023 alors que, du temps du plan Borloo, nous étions à 486 000... Des faillites en cascade sont attendues. Votre funeste réforme des APL (aides personnalisées au logement) a asséché les finances des organismes HLM, nous sommes depuis trois ans en dessous des 100 000 logements sociaux. Sans parler du ZAN (zéro artificialisation nette), que le Sénat tente de corriger.
Avez-vous prévu un plan de relance de la construction neuve, comme nous l'avions fait sous les présidences Chirac et Sarkozy ? Ou des mesures fiscales exceptionnelles, comme sous le gouvernement Fillon ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Voici des chiffres récents : les autorisations augmentent de 3 % en 2022 pour atteindre plus de 480 000, un niveau inconnu depuis six ans (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste), mais les mises en chantier baissent de 3 %, à 376 000. Les refus de prêts augmentent fortement, avec la hausse des taux d'intérêt et du coût de la construction. La demande baisse de 39 % au dernier trimestre.
Nous avons réformé le taux d'usure, pour agir rapidement.
Le CNR (Conseil national de la refondation) logement, qui se termine en avril, devrait proposer des réformes structurelles, en lien avec les élus. Le Président de la République souhaite ouvrir le chantier de la décentralisation des politiques du logement (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste), dans un dialogue franc avec les collectivités territoriales. Changement des zonages, décentralisation des dispositifs, soutien aux maires bâtisseurs, nous y travaillons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Révisez vos chiffres, monsieur le ministre (Mme Frédérique Puissat applaudit) : le nombre de permis de construire a baissé de 25 % au dernier trimestre 2022 par rapport à l'année précédente. Rapporté au nombre de ménages, c'est le plus bas chiffre depuis 1951 ; à l'époque, cela avait donné l'appel de l'abbé Pierre... Vous sous-estimez le problème, réveillez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées du groupe SER)
Action de la France en Haïti
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Haïti pleurant tous les jours ses morts et ses blessés ; Haïti affamée, livrée aux mains des gangs ; Haïti assistant au viol de ses femmes, où les enfants sont recrutés par des groupes armés ; Haïti sans gouvernement, sans État, qui s'enfonce dans le chaos, sans que la France ne dise un mot.
Nous avons pourtant une dette morale envers Haïti, François Hollande l'a dit en 2015. Première colonie noire à prendre son indépendance, en 1804, Haïti a ouvert le chemin, mais s'est affaibli par le fardeau indigne d'une dette insoutenable pour acheter sa liberté.
La résolution des Nations unies d'octobre dernier est un premier pas symbolique, mais elle ne saurait justifier notre inaction collective.
Alors que le Canada a choisi une politique active, que fait la France ? Et l'Europe ? Il faut plus que des sanctions face au massacre des Haïtiens : organiser la coopération dans le bassin caribéen et envoyer une force de maintien de la paix. Depuis l'assassinat du président Moïse, en 2017, le pays n'a plus de gouvernement. Combien de morts, combien de viols, avant d'agir ? (Applaudissements à gauche)
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - Veuillez excuser l'absence de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Nous sommes d'accord : la situation en Haïti est très grave, sur les plans humanitaire, sécuritaire et politique. En revanche, nous ne sommes pas d'accord sur l'inaction de la France. Aux côtés des États-Unis et du Canada, elle soutient la police nationale haïtienne ; elle apporte une aide de 8,5 millions d'euros, dont 5 millions d'aide alimentaire directe ; elle a été active à l'ONU pour faire adopter la résolution 2653, qui inflige des sanctions aux criminels ; elle envisage d'apporter un soutien matériel à une éventuelle force internationale d'appui à la police nationale.
La sortie de crise implique un accord inclusif entre acteurs politiques. La création du Haut Conseil de transition permet d'envisager des élections, comme prévu dans le document de consensus national du 21 décembre dernier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Conconne. - Je déplore la très grande discrétion de vos actions ; mais il est vrai que Haïti n'a ni pétrole ni gaz... (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER et du GEST ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Grève des éboueurs à Paris
Mme Catherine Dumas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plus d'une semaine, Paris est submergée par une montagne de déchets (marques d'agacement à gauche) : 7 000 tonnes de poubelles non ramassées et une grève annoncée jusqu'au 20 mars ! La présence des rats, les « surmulots » comme on les appelle à Paris, aggrave la situation sanitaire. Les Parisiens sont en colère, mais Mme Hidalgo, loin de s'en émouvoir, annonce son soutien total au mouvement social. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
La cheffe de file de l'opposition, Mme Rachida Dati (« Ah ! » à gauche), vous a saisi hier, monsieur le ministre de l'intérieur. Le préfet de police a donc demandé à la mairie de Paris que les moyens matériels et humains nécessaires soient réquisitionnés. En réponse ce matin, le premier adjoint de Mme Hidalgo affirme que le Gouvernement est responsable de cette situation. (On le confirme à gauche.) Quel déni ! Quelle mauvaise volonté !
Quand l'État se substituera-t-il à la mairie de Paris pour faire ramasser ces déchets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon et Mme Évelyne Perrot applaudissent également.)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Après neuf jours de grève, chacun, Parisien d'occasion ou d'habitude, constate l'amoncellement de poubelles à Paris. Il y va de la sécurité et de la salubrité publiques. Ancien élu, je connais ces désagréments.
Au nom de la salubrité publique, après avoir été saisi par Mme Dati et des élus de tous bords, j'ai demandé à Mme Hidalgo de faire ce que la loi permet : réquisitionner pour enlever et incinérer les déchets - il en avait été ainsi lors de l'examen de la loi Travail.
J'attends sa réponse écrite. S'il était confirmé ce soir que la mairie de Paris ne prend pas ses responsabilités, le préfet de police de Paris procédera aux réquisitions. Les Parisiens, qu'ils soient pour ou contre la réforme, l'en remercieront. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Catherine Dumas. - À chaque grève, Paris s'enfonce un peu plus dans l'insalubrité. À 500 jours des JOP, l'image de Paris est écornée, les observateurs extérieurs sont sidérés. Il est grand temps d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Vente du Stade de France
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vous avez annoncé, madame la ministre des sports, que l'État travaillait à la cession ou au renouvellement de la concession du Stade de France. Le Gouvernement n'a pas encore arrêté son choix. La Direction du Trésor a donc engagé deux procédures parallèles, mais les objectifs du Gouvernement ne sont pas clairs.
Que souhaitent les fédérations de football et de rugby, principales utilisatrices du stade ? Qu'en est-il de l'athlétisme, qui n'apparaît plus dans les consultations ? Sur quels critères choisiriez-vous la cession ? L'État français est-il prêt à vendre le Stade de France à une structure appartenant à un État étranger, alors qu'il s'agit depuis la Coupe du monde de football de 1998 d'un emblème du sport français ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - La concession actuelle court jusqu'à l'été 2025. D'ici là, le Gouvernement souhaite faire émerger le meilleur projet de long terme, avec une double exigence : préserver la vocation sportive du stade, mais aussi les intérêts économiques et financiers de l'État.
Les fédérations sont libres de candidater, de s'associer à un candidat et de négocier les conditions d'utilisation du stade, dans le respect de l'équité et du droit de la concurrence.
Tous les grands événements internationaux doivent pouvoir être accueillis, y compris l'athlétisme.
Deux critères ont été retenus : un critère relatif à l'avantage économique global pour l'État et un critère commercial et technique, relatif à l'amélioration de l'accueil et à l'attractivité du stade dans son territoire.
Enfin, nous ne pourrions écarter par principe un investisseur étranger qui répondrait aux conditions protectrices fixées par la loi, qu'il investisse seul ou au sein d'un groupement.
Nous travaillons à un projet ambitieux, de long terme, à la hauteur de la place qu'occupe ce stade dans le récit sportif national et qui réponde aux attentes des élus et des habitants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Capacité des hôpitaux pendant les JO
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Cinq cents jours : voilà ce qui nous sépare de la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). La parade nautique de 6 km de long est un lourd défi en termes de sécurité, et le budget semble de plus en plus difficile à tenir. Nous n'avons pas droit à l'erreur.
Mais qu'en est-il de la situation et de la capacité d'accueil des hôpitaux ? Les 15 000 athlètes et leurs accompagnateurs bénéficieront d'un centre de santé dédié, mais quid des dix millions de visiteurs attendus, alors que nos hôpitaux parisiens fonctionnent déjà difficilement, que les urgences sont débordées et les équipes médicales réduites l'été ? Gouverner, c'est prévoir : qu'avez-vous prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Le Gouvernement est totalement mobilisé pour faire de la Coupe du monde de rugby et des JOP de grandes fêtes sportives.
Pendant le déroulement des épreuves, mon ministère assurera l'accès aux soins dans tous les territoires concernés : Île-de-France, Hauts-de-France, Paca. Nous mobilisons le public, le privé, la médecine libérale, en anticipant une augmentation de la fréquentation de 5 %. Nous serons attentifs à la prise en charge des touristes, avec des capacités de traduction. Il faudra aussi des parcours de soins identifiés, en particulier pour les sportifs et les personnes en situation de handicap.
Les risques climatiques, infectieux, NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) et de cyberattaque ont été bien anticipés.
Enfin, nous avons à coeur l'héritage du sport-santé des JOP. Le Président de la République a annoncé que le sport serait grande cause nationale en 2024. La prévention, axe fort de mon ministère, permettra d'améliorer l'état de santé globale de nos concitoyens.
Mme Frédérique Puissat. - Le personnel de santé s'inquiète. Ma question est donc légitime, mais aussi préventive, au regard du fiasco de la finale de la Ligue des Champions. Soyons sur le podium pour l'organisation de la santé pendant les JOP, autour des épreuves, mais aussi au quotidien sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Réforme de la PJ
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre de l'intérieur, le 3 mars dernier, vous répondiez aux inquiétudes concernant la police judiciaire (PJ), sans même attendre la parution du rapport du Sénat.
La mission que j'ai menée avec Nadine Bellurot émettait pourtant 22 recommandations, adoptées à l'unanimité, pour vous aider à faire cette réforme nécessaire. Mais vous avez voulu aller vite, et vous n'avez pas rassuré les PJistes, pas plus que les magistrats et les avocats, qui manifesteront demain.
Surtout, vous n'avez répondu à aucun des quatre rapports sur le sujet : les inspections dénonçaient l'insuffisance du cadrage de l'expérimentation ; Philippe Dominati invitait à ne pas déshabiller la PJ ; Ugo Bernalicis craignait une mise à mal de son indépendance ; le Sénat demandait un moratoire jusqu'aux jeux Olympiques afin de ne pas fragiliser notre appareil sécuritaire avant 2024.
Pourquoi ne pas avoir suivi nos recommandations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Cette réforme est très importante, la première aussi structurante depuis soixante ans. Évidemment, cela bouscule les habitudes.
Le Sénat, dans sa majorité, a adopté cette réforme en votant la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), coconstruite ensemble.
Vous dites que nous n'avons pas pris connaissance de vos propositions, mais c'est faux : j'ai refusé d'attendre la fin des jeux Olympiques pour mettre en oeuvre cette réforme travaillée par le ministre Joxe - cela ne nous rajeunit pas (M. Alain Richard le confirme en souriant) -, et déjà imaginée par mes prédécesseurs. J'y travaille depuis deux ans et demi.
Nous suivons toutes vos autres recommandations : la formation particulière des directeurs départementaux de la police nationale (DDPN) est prévue ; leur évaluation se fera avec les procureurs de la République ; les magistrats pourront saisir les services d'enquête ; une mission sur le stock des procédures en attente est en cours ; les moyens spécialisés des directions départementales sont conservés ; les magistrats pourront saisir directement les offices centraux...
M. le président. - Il faut conclure.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous le voyez, je ne puis citer toutes les bonnes recommandations que nous suivons... (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)
M. Jérôme Durain. - Sans PJ, pas de lutte efficace contre la drogue ou la criminalité organisée économique et financière. La dilution de l'expertise de la PJ, le « tout-voie publique », le rétrécissement départemental et la prééminence de l'administratif sur le judiciaire sont des impasses. Pour la sécurité des Français, sauvez la PJ ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Nombre de communes
M. Bruno Sido . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans son dernier rapport, la Cour des comptes préconise la réduction du nombre de communes, notamment des plus petites. Mais le fait communal et le fait départemental précèdent le fait républicain. La loi Marcellin de 1971 a voulu fusionner les communes, sans grand succès : aucune fusion dans le propre département de M. Marcellin ! Sur les 200 communes de Haute-Marne qui ont fusionné, la moitié a divorcé l'année suivante. Aujourd'hui, on attaque les communes pour assainir les finances de l'État...
Quelle est votre position sur les préconisations de la Cour des comptes, rarement suivies par les gouvernements ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Mme Deroche et MM. Piednoir, Bigot et Capus vous le confirmeront : le Maine-et-Loire est le département qui a connu le plus de fusions - 48 % des communes s'y sont engagées, leur nombre passant de 358 à 186. Ne plaquons pas de modèle national : je ne crois qu'aux mariages d'amour. (Sourires)
On comptait 44 000 communes en 1790, 38 000 en 1960, 34 000 aujourd'hui. Depuis 2014, il n'y a eu que 235 fusions. Les propositions de loi Gatel et Sido ont cherché à définir un statut intermédiaire. (M. Loïc Hervé le confirme.)
Rien ne se fera sous la contrainte. L'intercommunalité ne fonctionne qu'avec une conférence des maires et un pacte de gouvernance. Les mutualisations doivent être au service de la vie quotidienne des habitants et d'un meilleur usage des deniers publics. Les modes d'association doivent être différenciés, en faisant confiance aux élus et en s'adaptant à l'histoire et aux réalités locales.
M. Bruno Sido. - Les Français sont plus que jamais attachés à leur commune. Crise des gilets jaunes et crise sanitaire sont passées par là. Nos 500 000 élus sont bénévoles. Souvenons-nous du couple maire-préfet : M. Castex parlait des maires comme des piliers de la République. Et aujourd'hui, on voudrait les sacrifier au nom des finances publiques ?
Vous ne m'avez pas convaincu. Aussi je répète ma question : allez-vous faire payer aux petites communes le laxisme budgétaire du Gouvernement, en les supprimant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Prix de l'électricité
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En l'espace d'un an, la question du coût de l'énergie est devenue cruciale pour nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités locales. La loi du 16 août 2022 prévoit que le prix de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) ne peut être inférieur à 49,50 euros le mégawattheure (MWh). Mais le Gouvernement veut soumettre ce prix largement inférieur au marché à la Commission européenne. Vous n'écoutez pas le Conseil d'État, qui vous dit que c'est inutile, mais n'avez toujours pas sollicité la Commission européenne. Pourquoi cette surdité gouvernementale, mâtinée d'une étonnante procrastination ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Je vais essayer de vous répondre pour Mme Pannier-Runacher, retenue à l'Assemblée nationale, avec les éléments dont je dispose.
Le Gouvernement français est mobilisé pour notre mix énergétique et la réforme du marché européen de l'énergie. Nous investissons 4 à 5 milliards d'euros par an dans le nucléaire via EDF, 50 milliards depuis 2015 pour le grand carénage, autant pour les futurs EPR2. L'État n'a pas lésiné : nous avons recapitalisé deux fois EDF, à hauteur de 4 milliards en 2017 et de 3 milliards en 2022. Il continuera d'être au rendez-vous.
Les Français sont protégés face à la hausse des prix de l'énergie par l'Arenh, quoi qu'en dise le Conseil d'État, par le bouclier tarifaire et par les aides énergétiques.
Sur la réforme du marché européen, nous n'avons rien lâché. Après un an de travail, la proposition de la Commission européenne reprend trois de nos revendications : une électricité à un prix proche du coût de production national, l'éligibilité du nucléaire et celle des installations existantes. C'est une bonne base de travail, et nous espérons une adoption dans l'année. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Piednoir. - L'implication du Gouvernement en faveur de la filière nucléaire est récente. Les moyens de notre outil industriel doivent être consolidés : EDF fait face à une dette de 64 milliards d'euros et un mur d'investissements. Pour Luc Rémond, l'avenir d'EDF n'est pas assuré si le prix de l'Arenh reste à 42 euros le MWh. Mme Pannier-Runacher reconnaît elle-même que le coût de production est autour de 58 euros : l'écart est trop grand ! Ne piétinez pas les décisions du Parlement et saisissez-vous du véhicule législatif en cours d'examen à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.