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Table des matières
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales (Deuxième lecture)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales
Adaptation au droit de l'Union européenne (Conclusions de la CMP)
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Procédure accélérée)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois
Ordre du jour du mercredi 1er mars 2023
SÉANCE
du jeudi 16 février 2023
58e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Conventions internationales (Procédure simplifiée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de deux conventions internationales en procédure simplifiée.
Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Cour pénale internationale sur l'exécution des peines prononcées par la Cour, est définitivement adopté.
Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles, est adopté.
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.
Discussion générale
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Nous tenons entre nos mains un objet précieux : un texte législatif qui, dès qu'il sera appliqué, changera des vies. En cas de violences conjugales, il est toujours difficile de tourner le dos à son bourreau. Rien ne doit freiner le courage des femmes qui décident de recouvrer leur liberté. Si nous le pouvions, nous ferions disparaître l'emprise mortifère qui les détruit et aiderions chacune à boucler sa valise. Nous pouvons tout de même agir : le Gouvernement, avec le « pack nouveau départ » annoncé par la Première ministre en septembre 2022 ; la sénatrice Valérie Létard, en déposant cette proposition de loi ; le Sénat et l'Assemblée nationale, en l'adoptant à l'unanimité en première lecture. Je me réjouis d'un nouveau vote transpartisan, car face à ce fléau, seule l'union fait la force.
Pour que le dispositif s'adapte à toutes, quels que soient les parcours et les situations, le Gouvernement a modifié l'article 1er. Les principes du texte sont ceux de la République. Il contient des solutions pratiques pour aider les femmes concrètement.
Lorsque j'étais magistrate, j'ai croisé des femmes qui n'étaient plus que l'ombre d'elles-mêmes. Je me souviens de Gisèle, séquestrée et violée par son conjoint, qui s'enfuit grâce à une amie ; de Solange, enfin partie, à 75 ans, après des années de violence. J'ai gardé leurs mots en mémoire, et je n'oublierai pas non plus les visages de celles que je n'ai vues qu'en photo, parce que c'était trop tard, comme Leïla, massacrée devant ses enfants. J'aurais voulu les aider à partir. (La voix de Mme la ministre se teinte d'émotion.) Leurs visages m'accompagnent.
Cette proposition de loi permettra à des femmes de relever la tête. Chaque cas est unique, il faut répondre à tous. Elle complétera le « pack nouveau départ », qui propose aux victimes un parcours coordonné pour débloquer toutes les aides auxquelles elles ont droit, et dont le Président de la République a réaffirmé le caractère prioritaire le 25 novembre dernier. Je pense également au Grenelle, quasi intégralement mis en oeuvre.
Lorsque les obstacles et freins au départ peuvent être levés par des politiques publiques, il faut être au rendez-vous. Dans ce moment charnière, où tout peut encore basculer, nous pouvons, en faisant cesser la dépendance économique, rompre l'emprise et le cycle de la violence. Car tout non-départ, tout retour en arrière peut être fatal.
C'est pourquoi j'ai voulu que le prêt puisse aussi prendre la forme d'un don, car il est impensable que la victime se retrouve en position de débiteur pour se protéger. Le départ est une décision difficile, et il faut éviter tout faux départ. Nous posons donc le principe d'une aide d'urgence aux victimes de violences conjugales, financée par l'État, sous forme de don ou de prêt qui, le cas échéant, devra être remboursé par l'auteur condamné, pour le mettre face à sa responsabilité.
Notre proposition repose sur les principes de souplesse, pour répondre aux besoins de chacun, de rapidité, car chaque seconde passée avec son bourreau est une seconde de trop, et d'universalité, car toutes les victimes doivent y avoir accès, sans conditions de ressources.
Protéger nos concitoyennes : cela dépasse les clivages partisans. En votant ce texte, vous soulagez celles qui veulent s'extraire des griffes de leurs bourreaux, vous sauvez des vies. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de faire un pas de plus dans la lutte contre les violences faites aux femmes : saisissons-la.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Mme Valérie Létard applaudit.) Le 20 octobre dernier, le Sénat adoptait à l'unanimité la proposition de loi de Valérie Létard. Moins de quatre mois plus tard, le texte nous revient après le vote unanime de l'Assemblée nationale, qui y a toutefois apporté des modifications substantielles.
Le texte du Sénat prévoyait une aide d'urgence, octroyée par la caisse d'allocations familiales (CAF), sous la forme d'un prêt à taux zéro, pour aider les victimes à quitter le domicile conjugal, alors que 19 % d'entre elles déclarent subir des violences économiques lors de leur appel au 3919.
Le dispositif était issu d'une expérimentation menée dans le Nord. Le premier versement devait intervenir sous trois jours et l'aide était assortie d'un mécanisme de remboursement par l'auteur des violences. La CAF pouvait se constituer partie civile pour le compte de la victime si celle-ci renonçait à exercer ses droits.
Les députés ont adopté des amendements du Gouvernement, enfin sorti de sa réserve, mais ont gardé intacte l'ambition de donner aux victimes, dans un délai très court, les moyens financiers de partir. C'est pourquoi la commission a adopté le texte sans modification, pour permettre son application rapide.
Nous nous réjouissons des avancées introduites : le financement de l'aide d'urgence a été transféré de la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) à l'État ; le droit pour toute victime de bénéficier d'un accompagnement global a été affirmé ; la Mutualité sociale agricole (MSA) est intégrée au dispositif. Nous saluons ces modifications, que les règles de recevabilité financière ne nous permettaient pas de proposer.
L'aide pourra prendre la forme d'un prêt ou d'une aide non remboursable, et les montants pourront être modulés selon les besoins de la personne, notamment sa situation financière et sociale, en tenant compte de la présence d'enfants à charge.
L'Assemblée nationale a porté le délai de premier versement de l'aide de trois à cinq jours ouvrés si la victime n'est pas allocataire de la CAF. Même si cet allongement n'est pas souhaitable en soi, nous comprenons les inquiétudes de la Cnaf.
Toujours à l'article 1er, le mécanisme de récupération de l'aide a été conservé, avec le principe du remboursement par l'auteur des violences, qui pourra être prononcé par la juridiction pénale.
L'Assemblée nationale a respecté l'esprit du texte adopté par le Sénat, nous nous en réjouissons.
À l'article 2, les députés ont maintenu l'obligation faite aux gendarmes et policiers d'informer la victime déposant plainte de la possibilité de demander l'aide d'urgence. Mais l'enregistrement de la demande n'est plus systématique : sans doute les députés ont-ils considéré que les acteurs de terrain l'appliqueraient.
En outre-mer, les victimes de violences conjugales sont encore plus nombreuses que dans l'Hexagone. L'article 1er bis autorise le Gouvernement à adapter la loi à Mayotte par ordonnance.
L'Assemblée nationale a aussi inséré quelques articles plus anecdotiques. L'article 1er ter prévoit une loi de programmation pluriannuelle en matière la lutte contre les violences faites aux femmes - mesure symbolique mais non normative. Enfin, les articles 2 ter et 2 quater sont des demandes de rapport sur lesquelles, une fois n'est pas coutume, la commission a été indulgente.
Elle a donc adopté ce texte sans modification. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait levé le gage financier. Cette proposition de loi, issue du terrain, complétera utilement les dispositifs existants. La commission vous invite à l'adopter conforme. (Applaudissements)
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je renouvelle nos remerciements à Mme Létard pour cette proposition de loi : son obstination a permis d'aboutir. Il est temps que la navette parlementaire s'arrête et que le texte soit promulgué et mis en oeuvre : les femmes l'attendent.
L'un des principaux freins au départ est la crainte des victimes de se retrouver dans la précarité, sans ressources, a fortiori si elles ont des enfants à charge. Cette crainte les pousse à taire leur calvaire et à se résigner à rester au domicile conjugal, devenu prison.
L'indépendance économique des femmes est une étape indispensable pour leur émancipation. Nous avons beaucoup progressé, grâce à la mobilisation des féministes : accès au compte bancaire, droit de travailler sans le consentement du mari, suppression des interdictions professionnelles, etc.
Nous poursuivons cette mobilisation pour avancer sur le chemin de l'égalité professionnelle, faire tomber les stéréotypes - en cette journée du numérique, remarquons que les filles s'engagent encore trop peu dans ces métiers d'avenir.
Je défends la déconjugalisation de l'allocation de soutien familial ou encore l'augmentation du Smic, car 60 % des salariés au Smic sont des femmes. Augmenter le Smic, c'est augmenter les femmes !
Nous fêtons les cinq ans du mouvement #MeToo. Je me réjouis de la mobilisation de la société, des pouvoirs publics mais aussi, et c'est nouveau, des collectivités locales : un atelier spécifique avait d'ailleurs été organisé lors du Congrès des maires. Communes et intercommunalités s'emparent du sujet, car elles sont concernées par les violences dont peuvent être victimes leurs habitantes, leurs fonctionnaires ou encore leurs élues - mais aussi par les violences qui peuvent être commises par des élus... On retrouve les mêmes statistiques à chaque échelon de la société.
Beaucoup de chantiers restent à ouvrir : restriction de l'autorité parentale et du droit de visite et d'hébergement de l'auteur des violences, renforcement de l'ordonnance de protection, dissimulation de l'adresse de résidence et de l'école des enfants, signalement à la victime de la remise en liberté de son agresseur, abrogation du délit de non-représentation de l'enfant - arme à fragmentation pour les mères qui protègent leurs enfants et, enfin, création d'une juridiction spécialisée sur les violences intrafamiliales rassemblant justice civile et pénale. Sur ce sujet, nous serons à vos côtés, madame la ministre.
Ce texte est essentiel. Les violences contre les femmes coûtent 3,3 milliards d'euros à la société. Les sommes engagées sont bien peu au regard de ce coût collectif. (Applaudissements)
Mme Laurence Cohen . - Cette proposition de loi aura connu un parcours tumultueux. Mme Létard a repris une proposition de loi déposée par Michelle Gréaume en février 2021 ; je salue leur travail, ainsi que celui de la rapporteure.
Par amendement à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a intégralement réécrit l'article 1er. À l'initiative du groupe GDR, les conditions de régularité au séjour et de difficultés financières immédiates ont été supprimées : une aide universelle doit être telle, même si elle est modulée. Qu'elle soit gérée par l'État et non par la Cnaf est positif.
La loi de programmation pluriannuelle prévue à l'article 3 - certes non normatif - est attendue. Madame la ministre, verra-t-elle le jour avec les moyens nécessaires, notamment pour le 3919 et les associations ?
Enrichi par des amendements émanant des groupes Les Républicains, centriste et socialiste, ce texte est largement transpartisan. Cela s'explique par l'augmentation des violences conjugales : 213 000 victimes en 2019. Le ministère de l'intérieur a signalé une augmentation de 20 % des féminicides en 2021 : 122, contre 102 en 2020.
Il est indispensable d'accompagner les victimes pour les sortir de l'emprise morale et économique exercée par le conjoint.
Nous regrettons que la grande cause du quinquennat d'Emmanuel Macron ne bénéficie pas des 2 milliards d'euros demandés par les associations féministes, pour agir sur l'éducation et la prévention.
Madame la ministre, si nous voulons débarrasser notre société de ce fléau, soumettez au Parlement un projet de loi-cadre sur les violences faites aux femmes en vous appuyant sur le travail des associations et notamment du Collectif national pour les droits des femmes.
En attendant, le CRCE votera ce texte, en espérant son entrée en vigueur rapide. (Applaudissements)
Mme Valérie Létard . - Nous voici arrivés au terme de l'examen de cette proposition de loi - en quatre mois, c'est un record !
Je prends la parole avec émotion et fierté. Qu'une initiative de terrain, nourrie par une expérimentation conduite par les professionnels de mon territoire, ait trouvé une traduction législative est une excellente chose.
Nous espérons que ce texte contribuera à changer le destin des trop nombreuses victimes, grâce à une aide financière qui devra être simple d'accès et universelle. Les montants et modalités, qui seront fixés par décret, devront être à la hauteur des besoins, madame la ministre.
Aide remboursable ou non, l'objectif reste le même : permettre à la victime de s'extirper de l'emprise de son bourreau, pendant la période nécessaire pour rétablir ses droits. Aucun milieu social, aucune génération n'est épargnée : l'universalité de l'aide était une condition essentielle de son succès. On ne saurait exclure les femmes salariées, les moins de 25 ans non éligibles au RSA, les retraitées...
Merci à la commission pour son écoute attentive, à nos collègues qui ont enrichi le texte et renforcé sa portée. L'unanimité du Sénat a sans doute permis au Gouvernement de surmonter ses réserves initiales.
Je remercie également la présidente de l'Assemblée nationale, qui a créé les conditions d'un vote unanime, et la rapporteure Béatrice Descamps, députée du Nord. Parmi les ajouts bienvenus, citons l'accompagnement social et professionnel, les droits sociaux liés, la transmission simplifiée des demandes à la CAF et au département. Merci à Mme la ministre d'avoir levé le gage. Je me réjouis également que la MSA puisse gérer ses propres bénéficiaires.
Cette unanimité montre que nos assemblées sont capables de surmonter leurs divisions. La loi doit protéger les plus fragiles : ce principe essentiel m'a toujours guidée. Merci à vous tous de donner tout son sens à l'engagement politique et à l'action publique. Ce texte est une grande avancée pour les plus vulnérables : nous pouvons collectivement être fiers de notre travail. (Applaudissements)
M. Éric Gold . - L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications qui ont amélioré ce texte, grâce au Gouvernement qui est sorti de sa réserve initiale. Saluons le travail consensuel entre le Parlement et le Gouvernement, preuve que nous pouvons travailler en bonne intelligence.
Près de 300 000 personnes sont victimes chaque année de violences familiales - 72 % d'entre elles sont des femmes. Or la précarité financière retarde, voire empêche le départ du domicile conjugal.
En complément des mesures existantes, cette proposition de loi s'attaque à la question de la dépendance financière en instaurant un prêt à taux zéro ou une aide non remboursable, modulés en fonction des besoins de la victime et des enfants à charge. Sur décision de justice, le remboursement pourra être mis à la charge de l'auteur des violences.
Cette aide est toutefois conditionnée à un dépôt de plainte ; policiers et gendarmes devront informer la victime de son existence.
En sus des demandes de rapport, nous regrettons également l'inscription, purement symbolique, d'une demande de loi de programmation pluriannuelle. Le Gouvernement n'est pas tenu de déposer un tel projet de loi, gardons-nous de créer de faux espoirs.
La suppression de la condition de régularité de séjour et de résidence stable en France me paraît peu opérationnelle. Chaque victime doit pouvoir être aidée, mais les personnes en situation irrégulière ne se rendront pas au commissariat pour porter plainte...
La dépendance financière ajoute à la vulnérabilité des femmes et repousse la mise à l'abri. Si ce texte peut convaincre ne serait-ce qu'une victime de partir, nous aurons peut-être sauvé une vie. Le RDSE le votera d'une seule voix. (Applaudissements)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Elles avaient 19, 30, 51 ou 90 ans. La plupart étaient mères ; leurs enfants ont parfois été témoins, ou même victimes. Certaines ont été brûlées vives, étranglées, poignardées. Des meurtres perpétrés le plus souvent par des hommes déjà connus de la police pour des faits de violences conjugales.
En 2022, 147 femmes et 18 hommes ont été tués par leur conjoint ou ex-conjoint. Un enfant est tué par l'un de ses parents tous les cinq jours. Derrière ces chiffres, une réalité : celle de la souffrance des victimes. Voilà pourquoi le Sénat a adopté à l'unanimité la proposition de loi de Valérie Létard, le 20 octobre dernier. Enfin, une mesure concrète, associant les collectivités territoriales ; je m'en réjouis, car tel est le but du travail sénatorial.
La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat universel. Je m'y suis engagée depuis plus de dix ans, aux côtés de Maître Nathalie Tomasini et du juge Édouard Durand. Je salue le travail de notre délégation aux droits des femmes, notamment sa dynamique présidente. Mais nous n'avançons jamais assez vite !
Voilà des années que nous demandons une grande loi sur les violences conjugales, mais il faut nous contenter de propositions de loi successives : la loi du 9 juillet 2010 de Guy Geoffroy ou encore les lois du 28 décembre 2019 et du 30 juillet 2020. Certaines mesures, comme la suspension et le retrait de l'autorité parentale du parent violent, ont longtemps été systématiquement rejetées par les gouvernements Hollande et Macron. Nous en reparlerons bientôt.
Ces causes méritent que nous dépassions les clivages politiques.
L'analyse des appels au 3919 montre une augmentation des viols conjugaux, menaces de mort et tentatives de féminicide : en 2019, 2 100 auteurs de violences étaient récidivistes.
Je me réjouis que ce texte responsabilise l'auteur des violences, qui devra rembourser l'aide à l'issue de la procédure.
Bien sûr, ce texte ne résorbera pas toutes les failles. Selon un rapport de 2019 sur les homicides conjugaux, 41 % des victimes avaient alerté les forces de sécurité, mais 82 % des mains courantes n'avaient donné lieu à aucune investigation et 80 % des plaintes avaient été classées sans suite.
Commençons par faire appliquer les lois existantes. Un exemple : la loi de 2019 a créé un comité de pilotage chargé de suivre les différentes expérimentations ; il ne s'est réuni que deux fois en quatre ans...
J'espère que cette belle loi sera adoptée à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, SER, du RDSE et du RDPI)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) En octobre dernier, le Sénat adoptait à l'unanimité la proposition de loi de Valérie Létard. Cette initiative qui intègre dans la loi ces pratiques qui ont fait leurs preuves sur le terrain est un cas d'école.
L'expérimentation menée à Valenciennes est un succès. Dans mon département de Seine-et-Marne, la CAF a mis en place un système d'aide aux victimes, qui fonctionne également.
Je remercie Valérie Létard pour son initiative et nous voterons ce texte afin qu'il soit rapidement mis en oeuvre.
Je me réjouis également du soutien de l'Assemblée nationale, qui a corrigé quelques lacunes du texte - notamment l'intégration de la MSA - et du Gouvernement.
J'avais déposé un amendement, retiré en début de séance, qui revenait sur la rédaction de l'article 1er ter. Nous devons viser toutes les victimes de violences, femmes et hommes. (Mme Laurence Rossignol s'en émeut.) Bien sûr, les violences conjugales sont le plus souvent commises par des hommes, mais ils en sont parfois victimes également.
J'espère que ce texte sera mis en oeuvre au plus vite : les victimes l'attendent ! (Applaudissements)
Mme Mélanie Vogel . - Le 25 novembre 2017, Emmanuel Macron promettait de faire de l'élimination des violences faites aux femmes la grande cause de son quinquennat. Or chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences ; 147 féminicides ont été commis en 2022, 25 % de plus qu'en 2021.
Les féminicides n'ont donc pas baissé. Voilà pourquoi les parlementaires ont pris le relais et je salue le travail de Valérie Létard. Nous voterons ce texte, qui vise à surmonter la barrière économique. En moyenne, les femmes gagnent 22 % de moins que les hommes, alors qu'elles sont plus diplômées. Dans les couples hétérosexuels, l'écart de rémunération atteint 47 %. Ce manque d'autonomie financière est un frein majeur au départ. Les violences conjugales se doublent parfois de violences économiques - interdiction d'accès aux comptes bancaires, contrôle des dépenses, etc.
L'annonce de la séparation est le moment le plus dangereux celui où les femmes risquent la mort : « Elle le quitte, il la tue ». La proposition de loi apporte une réponse à ces situations dramatiques.
La première version ne prévoyait que l'octroi d'un prêt. Je me réjouis que le texte prévoie désormais également une aide financière d'urgence non remboursable, calibrée selon les besoins de la victime et dont le remboursement pourra être imputé à l'auteur des violences.
Toutefois, ce texte n'est qu'une première brique : nous demandons 2 milliards d'euros, soit 1 % du PIB, pour protéger 50 % de la population, afin que le décompte macabre des féminicides cesse de nous hanter ! (Applaudissements)
Mme Nadège Havet . - Je salue l'engagement de Valérie Létard. Mon groupe votera ce texte.
Il prévoit désormais un soutien financier accessible rapidement aux victimes. Il faut absolument éviter que le départ soit retardé, voire empêché pour des raisons financières. La nouvelle aide prendra la forme d'un prêt à taux zéro, débloqué trois à cinq jours ouvrés après la demande. La notion de prêt pouvait être source d'insécurité pour les plus précaires : l'Assemblée nationale a répondu à ces inquiétudes. C'est une belle avancée.
Les chiffres sont glaçants : 122 féminicides en 2021, 160 000 plaintes en 2020 - peut-être le double en réalité.
L'avance financière doit se doubler d'un accompagnement social et professionnel. L'article 2 prévoit ainsi que l'officier de police judiciaire informera la CAF et les services sociaux du conseil départemental.
Le 3919, numéro national d'écoute et d'orientation, est anonyme et gratuit. Rappelons ce numéro encore et toujours. (Applaudissements)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2009, le Sénat a débattu de nombreux textes portant sur la lutte contre les violences conjugales et voté d'utiles mesures. Mais face à l'urgence, le Parlement accélère la cadence. Nous étions en retard : la première étude statistique ne date que de 2006... Malgré ce volontarisme, les violences conjugales augmentent et les crimes violents continuent de briser des vies et des familles.
Cette proposition de loi sonne comme une évidence, car l'aide est primordiale dans un moment particulièrement éprouvant pour les victimes, celui du départ, qui est un saut dans l'inconnu. C'est pourquoi de nombreuses victimes préfèrent le statu quo.
Cette aide viendra soutenir leur courage au moment du départ. Elle marque aussi symboliquement le soutien de la société à ces victimes, en leur permettant d'entrevoir un après. Je salue cette avancée majeure et le travail collectif de terrain réalisé par Valérie Létard.
La méthodologie d'élaboration a été exemplaire, fondée sur l'écoute des acteurs du secteur médico-social, de l'aide juridique, du logement et de l'insertion professionnelle. En matière de violences conjugales, seule une approche multidimensionnelle associant les collectivités locales, les travailleurs sociaux, les gendarmeries et les CAF permet d'avancer.
J'appelle de mes voeux la création d'une juridiction spécialisée, qui a fait ses preuves en Espagne. Nous devons intensifier notre lutte contre les violences conjugales et mieux coordonner les acteurs.
Dans l'attente d'une grande loi de lutte contre les violences conjugales, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi attendue et utile. Merci, chère Valérie Létard. (Applaudissements)
Les articles 1er, 1er bis, 1er ter, 2, 2 ter, 2 quater et 2 quinquies sont successivement adoptés.
La proposition de loi est adoptée.(Applaudissements)
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. - Madame Létard, je vous remercie, ainsi que tous les sénateurs et sénatrices pour leur mobilisation pour cette grande cause qui nous mobilise tous. Madame la ministre, nous attendons un texte global sur les violences faites aux femmes. Vous trouverez dans le Sénat un partenaire. (Applaudissements)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. - Émue de cette adoption à l'unanimité, je vous remercie pour la qualité de nos échanges. Je me félicite que l'aide puisse être non remboursable. Nous allons maintenant nous atteler à la publication des décrets. Je salue le travail constructif mené avec la délégation aux droits des femmes et la présidente Billon. Madame Rossignol, Monsieur Brisson, le travail continue : la notion de justice spécialisée est fondamentale, car ces violences nécessitent une prise en charge spécifique. J'attends avec intérêt le rapport de Mmes Vérien et Chandler. Vous pouvez compter sur moi, comme je compte sur vous : face à ces violences, l'union fait la force. (Applaudissements)
Adaptation au droit de l'Union européenne (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 9 février dernier, la CMP est parvenue à un accord sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue). Je salue la rapporteure de l'Assemblée nationale et l'ensemble de nos rapporteurs. De nombreuses dispositions n'ont été modifiées que très marginalement par les députés.
La CMP a intégré les évolutions souhaitées par le Sénat en matière de handicap, en prenant en compte la dimension territoriale.
Concernant la santé, la CMP a précisé les catégories de personnes et de services autorisées à délivrer des denrées alimentaires destinées à des fins médicales.
Dans le champ de l'économie, elle a renforcé le mécanisme d'enregistrement auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) des prestataires de services sur actifs numériques.
En matière de transport, l'Autorité de régulation de transport (ART) pourra collecter automatiquement certaines données, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) rendra un avis sur le décret d'application.
Pour l'agriculture, les aides à l'installation versées par les régions seront conditionnées à la capacité du demandeur à réaliser un projet viable.
Voilà les principales modifications issues de la CMP : je vous invite à en adopter les conclusions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Au nom du Gouvernement, je vous remercie d'être parvenus à cet accord. Il s'agissait de mettre en conformité notre droit avec celui de l'Union européenne et de transposer directives et règlements dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.
Je suis satisfaite de l'adoption d'un régime pilote ambitieux qui nous permettra de mener des expérimentations en matière de blockchains et conférera un avantage comparatif à la place de Paris.
L'article 5 bis sur l'encadrement des prestataires de services sur actifs numériques a été introduit par le Sénat : l'accord trouvé est plus dur en matière de calendrier, ce que je regrette.
L'article 8, sur la responsabilité sociale des entreprises, est maintenu, je m'en réjouis.
L'article 12 a beaucoup évolué, passant d'une habilitation à une réécriture totale. C'est un pas important pour nos concitoyens en situation de handicap. Le sujet me tient tout particulièrement à coeur et nous accusions un retard collectif inacceptable.
L'article 14 sur les congés parentaux a également évolué favorablement grâce au Sénat.
À l'article 23 qui porte sur la surveillance des dispositifs médicaux, le Sénat s'est attaché à éviter les risques de ruptures en renforçant les sanctions.
Les sénateurs se sont également mobilisés sur les transports et l'agriculture, notamment la programmation de la PAC 2023-2027.
Nous partageons l'ambition que ces mesures se concrétisent rapidement pour l'ensemble de nos concitoyens.
Discussion de l'article 5 bis
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 31
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
...° Au 1° du II des articles L. 773-40, L. 774-40 et L. 775-34, et au I des articles L. 772-4 et L. 772-10, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « dix-neuvième » ;
...° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 783-8, L. 784-8 et L. 785-7 est ainsi modifié :
a) La troisième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 621-7 à l'exception du 4° de son IV |
la loi n° |
» ;
b) La sixième ligne est ainsi rédigée :
«
L. 621-9 à l'exception des 14° et 20° de son II |
la loi n° |
».
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Amendement de coordination pour l'outre-mer.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Avis favorable, cela corrige un oubli de la commission, et c'est important pour nos amis ultramarins.
L'amendement n°1 est adopté.
L'article 5 bis, modifié, est adopté.
Explications de vote
M. Pascal Savoldelli . - Ce texte est un catalogue de régressions et de reculs sociaux, contre lequel nous voterons.
Hervé Maurey souhaitait soumettre les prestataires de services sur actifs numériques à l'agrément de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cessons d'opposer innovation technologique et régulation ! La société Bykep proposait ainsi d'acheter des bitcoins chez les buralistes ; l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a alerté sur les risques de blanchiment, de financement du terrorisme ou de vol, et une enquête a abouti à la radiation de l'entreprise en septembre dernier. Le compromis trouvé en CMP permettra au moins, dans l'attente de la directive Markets in Crypto-Assets (MiCA), de limiter les dérives de ce secteur aussi innovant pour les technologies que pour la fraude.
L'article 8 sur la durabilité des entreprises est prématuré : la directive n'est pas prête. Mais à l'article 7 sur la transparence des revenus des entreprises pays par pays, on transpose trop tard. Nous préférons les textes en dur, même Jean-Noël Barrot a reconnu que cela aurait été préférable.
Le Sénat a alerté sur le manque de données fiables sur les entreprises, c'est l'objet même de la directive et de notre proposition de loi qui abaisse le seuil de publication aux entreprises de plus de 50 salariés. Ces informations sont une mine d'or pour conduire les politiques publiques. Les 160 milliards d'euros annuels d'aides publiques aux entreprises doivent être conditionnés. Les entreprises doivent intégrer plus fortement la réduction des émissions dans leurs modèles économiques : BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole, Total ont une empreinte carbone supérieure à celle de la France.
Enfin, vous permettez à des entreprises délinquantes de contourner les décisions du juge pour soumissionner à des marchés publics : il s'agit parfois de blanchiment, de terrorisme, de traite d'êtres humains ! Le droit européen est vicié, le Parlement devrait se dresser quand le droit est si contraire aux droits humains et à notre bloc de constitutionnalité.
Mme Jocelyne Guidez . - Je salue le travail de notre rapporteure. Aucun des 31 articles n'a été adopté dans la rédaction du Sénat, mais les apports du Sénat ont été retenus.
Dès le 1er janvier 2024, les prestataires de cryptoactifs seront mieux encadrés pour répondre notamment au risque cyber et protéger les épargnants sans nuire à l'innovation financière.
Le Sénat a été entendu sur la limitation du champ de l'habilitation à l'article 8.
La dimension physique et territoriale de l'accessibilité des terminaux en libre-service a été prise en compte, comme le souhaitait le Sénat.
L'article 20 sur les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales retient notre volonté de sécurisation.
En matière de transport, le Sénat a aussi été entendu sur l'automatisation de la collecte des données. L'ART pourra ainsi mener ses missions à bien.
Enfin, les aides à l'installation des agriculteurs ont été conditionnées.
Nous voterons ces conclusions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)
M. Henri Cabanel . - Ce texte, d'apparence complexe, est porteur de réelles avancées. Le RDSE, attaché à la solidarité, voulait la rendre plus inclusive. Produits et services numériques devaient être rendus plus accessibles. La loi de 2005 a été appliquée avec retard, l'État se devait d'être volontaire pour encourager les entreprises à améliorer l'accessibilité, notamment en zone rurale.
Autant d'inquiétudes auxquelles la CMP a répondu : le RDSE se réjouit que l'effort d'inclusion soit réalisé par transposition du droit européen et non par ordonnance.
La mise en conformité des produits et services interviendra ainsi dans des délais courts, les contrôles et les sanctions étant renforcés. Je me réjouis que la garantie - ajoutée par le Sénat - d'une répartition territoriale des équipements rendus accessibles ait été conservée.
En matière de transport, nous nous réjouissons de la transposition de la directive Eurovignette, qui prévoit une majoration pour les véhicules les plus émetteurs. Les autoroutes françaises sont responsables de 7 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 54 % proviennent des poids lourds : il faut verdir les flottes. L'offre industrielle de véhicules hybrides est encore trop faible, ce qui freine la transition ; en attendant de lever ces incertitudes technologiques, levons les incertitudes politiques, même si la démarche doit rester incitative et non punitive.
Satisfait des avancées sur ces deux thématiques, le RDSE votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi rassemble des dispositions très diverses. Je salue le travail des rapporteurs, contraints par des délais très limités.
La CMP a heureusement retenu l'exigence d'un équilibre territorial dans l'amélioration de l'accessibilité des guichets automatiques. Les congés paternité pourront être comptés pour la participation à l'intéressement des salariés.
Les exigences ont été renforcées concernant les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales. À l'initiative de la rapporteure Gruny, les opérateurs de dispositifs médicaux seront contraints d'alerter l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en cas de risque de pénurie.
La commission des affaires économiques, à l'initiative de Laurent Duplomb, s'est penchée sur les aides accordées aux jeunes agriculteurs. Le renouvellement des générations est un enjeu crucial : 43 % des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite en 2030. La CMP a trouvé un compromis, les régions pouvant accorder des aides au cas par cas.
La commission des finances a introduit un article sur proposition du rapporteur Hervé Maurey sur le régime des prestataires de services sur actifs numériques. Le Sénat souhaitait imposer l'agrément de l'AMF ; les députés l'ont remplacé par un enregistrement renforcé, qui entrera en vigueur à la date souhaitée par le Sénat.
Le Sénat a contraint le Gouvernement à agir sur les cessions et fusions transfrontalières en trois mois au lieu de six, comme l'avait proposé le rapporteur Didier Marie.
La commission du développement durable a transposé la directive Eurovignette et élargi les obligations envers les personnes en situation de handicap aux entreprises ferroviaires et aux gestionnaires de gares, qui devront les indemniser en cas de manquements.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements au banc des commissions) Ce projet de loi a été adopté rapidement dans les deux assemblées, à l'issue de travaux rigoureux. Nous sommes parvenus en deux mois à une CMP conclusive. Mais il reste très technique. Je salue le travail de l'ensemble des rapporteurs.
Je me réjouis de voir que l'économie, le transport, les sujets agricoles ont été traités avec la même efficacité que les sujets sociaux.
Les décisions prises à 27 améliorent la vie des citoyens. L'Union européenne fait partie de notre quotidien, c'est une chance à saisir.
Dans le secteur de la santé et du travail, le texte est équilibré : l'article 14 favorise un équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et les proches aidants, dont je salue le dévouement. L'article 23 favorisera l'anticipation concernant l'approvisionnement crucial des dispositifs médicaux. C'est une question de souveraineté.
Les décisions prises depuis l'arrivée de la nouvelle Commission européenne nous touchent directement, notamment dans le cadre des transitions écologique et numérique. Le dernier Conseil européen a tracé une nouvelle feuille de route ouvrant la voie à des directives et règlements qui nécessiteront de nouvelles adaptations de notre droit : les parlementaires nationaux devront en garantir l'équilibre.
La surtransposition ou l'erreur de transposition ne sont pas des options, et je sais l'engagement du Gouvernement à ce sujet.
Le texte issu de la CMP répond aux objectifs fixés ; nous le voterons.
M. Jacques Fernique . - En première lecture, nous avions voté ce texte hétéroclite, qui a mobilisé nombre de commissions et de rapporteurs. En maîtriser la globalité n'était pas chose aisée... Après les modifications à l'Assemblée nationale, mon groupe réitérera son vote positif.
Malgré des transpositions parfois trop peu ambitieuses, ce texte technique aura des effets concrets sur les congés paternité, l'accessibilité, les transports, l'agriculture, la durabilité des entreprises.
Je regrette l'insuffisance des avancées dans le domaine social : le texte va dans le bon sens sur les proches aidants, l'aide sociale à l'enfance, l'accessibilité des services en ligne pour les personnes en situation de handicap ; mais la demande du collectif Handicap d'une stratégie nationale sur l'accessibilité n'a pas été entendue.
Pour le congé paternité, il faut aller plus loin : pourquoi pas seize semaines pour les deux parents, non transférables et rémunérées à 100 %, comme en Espagne ?
Sur les transports, la situation française est atypique : les péages alimentent les entreprises concessionnaires d'autoroutes, la France ayant renoncé à une redevance pollueur-payeur telle qu'elle est pratiquée par l'essentiel de nos voisins.
Pour la transposition d'Eurovignette, le texte se limite aux futures hypothétiques concessions autoroutières et épargne les grands véhicules et utilitaires légers. Hypothétiques, car nous ne savons pas encore par quoi les actuelles concessions seront remplacées à leur terme, dans huit à treize ans... Le président du Conseil d'orientation des infrastructures a fait remarquer que les recettes baisseraient de 70 % avec les règles européennes en vigueur, ce qui encouragera singulièrement la route et freinera le report modal.
Il faudra rééquilibrer les choses en faveur des transports durables : si la Collectivité européenne d'Alsace réussit à taxer le transport routier de marchandises, elle démontrera que c'est possible. La région Grand Est faisant de même sur le sillon lorrain pour éviter les effets de bords, cela ouvrira la voie pour tout le réseau routier du pays, ce qui améliorera la cohérence avec nos voisins.
Mme Nadège Havet . - Nous débattions la semaine dernière de la réponse européenne à apporter aux mesures protectionnistes américaines. J'avais appelé à une simplification des procédures, à une réflexion sur la commande publique réorientée vers les technologies propres, au développement de la formation aux métiers de demain.
Ce projet de loi participe à la construction de cette réponse, et le RDPI le votera. Il comporte de réelles avancées pour les droits sociaux et la transition écologique.
Des compromis ont été trouvés sur les 31 articles restant en discussion, permettant une CMP conclusive, ce qui est toujours une satisfaction.
À l'article 12, la proposition du Sénat a été conservée pour une répartition équilibrée des guichets automatiques accessibles. L'article 9 a été réécrit. L'article 5 bis a également fait l'objet d'un compromis.
Le texte rendra plus accessibles certains produits et services, notamment sur internet.
L'article 27 renforce les droits des voyageurs en situation de handicap ou à mobilité réduite, qui seront assistés à l'embarquement et au débarquement.
Le congé paternité sera pris en compte dans le calcul de l'ancienneté, comme l'est déjà le congé maternité. Une information sur les éléments essentiels de la relation de travail est créée.
L'article 26 vise à encourager un transport de marchandises plus écologique.
Attaché à la construction européenne, le RDPI soutient ces avancées.
Mme Corinne Féret . - Notre droit s'enrichit régulièrement des dispositions issues du droit européen. Nous devons le mettre en conformité, mais les délais ont été contraints : ce n'est pas acceptable en démocratie, compte tenu de la technicité des sujets.
Ce texte est un fourre-tout de trente articles, traitant des sujets importants. Il va parfois dans le bon sens, pour l'accessibilité des transports ou l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Après la CMP, l'article 12 étend les obligations de la loi de 2005 en matière d'accessibilité des produits et services, visant notamment les guichets automatiques. Le Sénat a souhaité garantir leur répartition équilibrée sur le territoire, notamment pour les distributeurs de billets.
Au vu des retards dans l'application de la loi de 2005, le Gouvernement devra faire preuve de volontarisme : quand douze millions de personnes souffrent d'un handicap, l'absence d'une société pleinement inclusive est une anomalie.
Notre groupe est réservé sur l'article 8, qui porte sur la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d'information sur la durabilité des entreprises. La transposition nécessite un travail approfondi qui justifiait un examen par le Parlement, plutôt qu'un recours aux ordonnances ; c'est un élément important du pacte vert européen.
Malgré ces réserves, nous voterons ce texte en Européens convaincus.
Les conclusions de la CMP sont adoptées.
La séance est suspendue quelques instants.
Favoriser les travaux de rénovation énergétique (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Transition écologique et cohésion des territoires - nous y sommes avec cette proposition de loi, qui répond à la question : comment soutenir les élus locaux et leur donner les moyens pour accélérer la rénovation des bâtiments publics ?
Notre pays s'est engagé comme toute l'Europe dans une stratégie de décarbonation, afin de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030. Nous avons trois leviers à disposition : l'énergie, renouvelable ou nucléaire, les infrastructures et la rénovation des bâtiments.
Le secteur résidentiel représente les deux tiers des émissions des bâtiments ; MaPrimeRénov' y répond. Restent les bâtiments publics, soit 400 millions de mètres carrés, dont 100 millions appartiennent à l'État et 300 millions aux collectivités territoriales - des bâtiments scolaires pour la moitié. C'est dire si c'est un patrimoine vivant.
Ce texte a pour mots d'ordre efficacité et exemplarité. Efficacité, car il faut rénover les bâtiments publics pour atteindre nos objectifs ; exemplarité, car nous devons faire un effort avant d'en demander à nos concitoyens.
Le coût de la rénovation de 400 millions de mètres carrés se chiffre en centaines de milliards d'euros. Comment faire face ? Les subventions et les crédits ont des limites : si l'on additionne le Fonds vert de 2 milliards d'euros, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), le fonds chaleur avec 520 millions d'euros, on arrive à 4 milliards...
Il faut donc sortir du cadre et desserrer le frein : permettre de lisser les paiements en se remboursant sur les économies d'énergie.
Ce n'est pas une réhabilitation des partenariats public-privé (PPP) ; c'est une dérogation spécifique qui conserve à la fois une grande exigence dans l'utilisation des fonds publics et un levier pour la rénovation écologique. Pendant cinq ans, les propriétaires publics pourront signer des contrats de performance énergétique avec des personnes publiques ou privées, dans lesquels seul le chantier sera délégué, et non la gestion postérieure de l'équipement.
Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité, tant à l'Assemblée nationale qu'en commission au Sénat. Les amendements de la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio apportent des garde-fous et lèvent des freins, comme sur la mutualisation des travaux par les EPCI ou les syndicats d'énergie.
La simplification de la procédure est cruciale, sans quoi les plus petites collectivités territoriales n'y auront pas recours. Je souhaite que ce texte recueille l'assentiment le plus large possible.
En le votant, nous ne contraignons personne : nous offrons aux élus un outil dont ils pourront se saisir, ou non. Nous sortons de l'injonction contradictoire entre transition écologique et maîtrise des finances publiques. Il profitera directement aux usagers, élèves comme enseignants, entre autres.
Une fois le texte voté, des prêts adaptés seront mis à disposition d'ici un mois, notamment grâce à la Banque des territoires - j'y travaille en temps masqué.
Plus largement, avec les associations d'élus locaux, nous discuterons cette année des budgets verts et de la dette verte, qui consiste à dépenser aujourd'hui pour économiser demain : le climat est un usurier, et l'inaction a un coût. (Mme Nadège Havet applaudit.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois . - Derrière l'aspect technique, les enjeux sont considérables : réussir la transition énergétique sans dérapage des finances publiques.
Le dispositif est simple : déroger au code de la commande publique en autorisant l'État et les collectivités à différer le paiement des travaux de rénovation énergétique. Le paiement initial serait réalisé par un tiers, puis remboursé par les économies sur les factures d'énergie.
La rénovation énergétique des bâtiments nécessite des investissements colossaux. La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) impose une réduction de 60 % de la consommation finale d'énergie en 2050 par rapport à 2010. C'est un défi colossal, qui mobilisera près de 400 milliards d'euros, dont 80 milliards pour les bâtiments de l'État.
Impossible d'atteindre ces objectifs sans ressources supplémentaires. Ce texte apporte donc une solution pour aider les personnes publiques à relever le défi - mais ce n'est pas une solution miracle qui nous dédouanerait de toute réflexion. Cette expérimentation n'est pas un remède pour alléger le budget des collectivités peinant à attendre leurs objectifs, mais plutôt un outil pour favoriser la transition.
Il y a de bonnes raisons pour que le droit de la commande publique et la jurisprudence constitutionnelle encadrent le paiement différé. Le tiers financeur répercutera en effet sur les acteurs publics le coût de l'avance de trésorerie. Ce dispositif sera donc plus coûteux qu'un financement classique. Toutes les personnes auditionnées nous l'ont dit : les économies d'énergie ne compenseront pas le coût total des travaux.
Les contraintes, inspirées des PPP, seront assez lourdes, ce qui limitera l'intérêt du dispositif. C'est pourquoi la commission a rendu cette expérimentation plus accessible. Nous l'avons aussi étendue aux EPCI et aux syndicats d'énergie, qui pourront mener des travaux pour le compte de leurs membres.
En parallèle, nous avons renforcé le suivi de l'expérimentation. Il s'agira de s'assurer que les dérogations au code de la commande publique sont pleinement justifiées et que les collectivités territoriales en difficulté sont accompagnées.
Compte tenu des améliorations qu'elle lui a apportées, la commission des lois vous invite, à l'unanimité, à adopter ce texte.
Mme Jocelyne Guidez . - La rénovation énergétique des bâtiments est une des solutions principales pour maîtriser la consommation d'énergie.
Cette proposition de loi répond à une double nécessité : exemplarité et atteinte de nos objectifs de réduction des émissions carbone. Le patrimoine immobilier du secteur public représente 400 millions de mètres carrés. Rénover ce parc coûterait plusieurs centaines de milliards d'euros. Des ressources supplémentaires sont nécessaires, surtout pour la rénovation des bâtiments scolaires, soit la moitié du bâti des collectivités territoriales.
Le tiers financement est une solution. Le texte vise à déroger à titre expérimental, pendant cinq ans, au code de la commande publique, qui interdit le paiement différé. Cette dérogation vise les contrats de performance énergétique, un outil qui reste peu employé par les acheteurs publics.
Nous soutenons le principe d'une expérimentation, qui donnera lieu à évaluation. Je salue les améliorations apportées en commission : extension aux EPCI, assouplissement des conditions de mise en oeuvre, étude de soutenabilité plus précise pour prévenir les situations de surendettement.
Toutefois, certaines interrogations subsistent. Certaines entreprises ne proposeront-elles pas que des solutions copiées-collées ? Et quelle sera la nature de la dette engendrée ?
Malgré tout, nous voterons ce texte. (Marques de satisfaction au banc des commissions)
Mme Nathalie Delattre . - Entre les records de chaleur et les vagues de froid, les derniers mois ont souligné l'urgence climatique et l'impérieuse nécessité d'agir en faveur de la transition énergétique, sur des fronts multiples.
La rénovation énergétique des bâtiments est un enjeu de taille. Les bâtiments publics occupent une place considérable dans les émissions de gaz à effet de serre. Or trop peu de rénovations sont engagées.
Cette proposition de loi s'inscrit dans une dynamique attendue : plus de souplesse pour plus d'efficacité. Les contrats de performance énergétique sont trop peu utilisés, car ils sont difficiles à mettre en oeuvre pour les collectivités territoriales.
Les règles de la commande publique sont contraignantes, le plus souvent pour de bonnes raisons. L'usage des deniers publics doit être encadré, ce qui justifie l'interdiction du paiement différé. Toutefois, cette règle ne doit pas conduire l'administration à s'isoler - sans jeu de mot... - du reste de la société.
Le tiers financement permettrait aux administrations de mener des travaux de rénovation d'envergure. Le RDSE souscrit à cette souplesse, d'autant qu'elle vient en complément des solutions existantes.
Il faut toutefois rester vigilant. À l'issue de l'expérimentation, nous devrons nous assurer que les collectivités territoriales se sont saisies du dispositif et que celui-ci n'a pas entraîné de mauvaises pratiques ni de mauvaises dettes.
Ce travail d'évaluation devra être mené sérieusement : le Sénat est la chambre idéale pour s'en charger.
Notre groupe votera cette proposition de loi, surtout après les améliorations apportées par la rapporteure, notamment sur le renforcement des mécanismes de contrôle et la création d'études de soutenabilité.
Grâce à eux, le texte est équilibré : le groupe RDSE se réjouit de son adoption probable.
Mme Valérie Boyer . - Le Sénat a toujours été très attentif aux finances des collectivités territoriales et à l'environnement. Ce texte, de prime abord technique, vise à accélérer la rénovation thermique des bâtiments publics, qui représentent le chiffre colossal de 400 millions de mètres carrés.
Cette accélération est indispensable. La maîtrise des consommations est devenue un enjeu crucial. Dans le contexte géopolitique actuel, certaines communes sont forcées à des choix difficiles : nous connaissons tous leur détresse. Dans un climat financier dégradé, les contrats de performance énergétique ont été peu utilisés - 383 contrats signés seulement entre 2007 et 2021.
Cette proposition de loi vise à assouplir les règles de la commande publique. Le dispositif proposé contribuera à lever les freins à l'investissement : les économies générées contribueront au paiement des travaux.
Toutefois, il n'est qu'un outil complémentaire, qui n'a pas vocation à être systématisé. Il ne doit pas non plus fragiliser les finances locales.
In fine, les choix décisifs seront faits à l'échelle locale. Plusieurs amendements adoptés en commission ont amélioré le dispositif : extension aux EPCI et syndicats d'énergie, renforcement de la soutenabilité budgétaire.
J'espère que le rapport d'évaluation ne constituera pas un frein à son maintien futur. Je me réjouis de son existence, car on nous refuse nombre de rapports. Il est pourtant essentiel que le Parlement dispose d'une bonne information. Je ne parle même pas de l'étude d'impact absente sur la réforme des retraites...
Compte tenu des améliorations apportées en commission, notre groupe votera ce texte.
M. Claude Malhuret . - La décarbonation du bâti public est un défi majeur. Ce parc de 400 à 500 millions de mètres carrés se déprécie peu à peu. Les investissements sont colossaux, les enjeux immenses. Il est donc urgent d'accompagner les élus.
Ce texte vise à lisser dans le temps le paiement des investissements liés aux contrats de performance énergétique, de manière encadrée et sécurisée. Le Sénat a adapté le texte aux territoires ruraux, en ouvrant le dispositif aux EPCI. C'est une carte supplémentaire dans le jeu des élus locaux, qui permettra de lancer les chantiers. Nous devrons en tirer le bilan à terme.
Les associations d'élus soutiennent le texte : c'est un bon indicateur. Il apporte des solutions concrètes aux élus, l'expérimentation est innovante. Mais il faudra en tirer toutes les conséquences.
Le contexte actuel nous rappelle l'urgence d'agir. Nous devons envoyer un signal de souplesse pour déclencher les projets locaux, souvent revus à la baisse face à l'augmentation des factures des communes. Les passoires thermiques dans le parc public ne sont plus acceptables.
En votant ce texte, le Parlement ouvrira la voie à de nombreux projets d'ampleur : c'est un bon signal pour l'environnement comme pour le dynamisme de nos communes.
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La Cour des comptes signalait l'année dernière l'incohérence des mesures gouvernementales en faveur de la transition énergétique.
Notre groupe alerte depuis longtemps sur les problématiques des passoires thermiques et les charges qui pèsent sur les foyers modestes. Les bâtiments publics ne sont pas épargnés : ils sont la première source de consommation d'énergie. À Marseille, une école sur trois dépasse le seuil de surconsommation, fixé à 20 000 MW par an, soit la consommation d'une ville de 7 000 habitants ! L'effort sur les écoles a été trop longtemps repoussé, et les factures s'envolent.
Cette proposition de loi tente de répondre à la problématique du coût très élevé des travaux. Notre groupe soutient l'expérimentation, mais nous avons des interrogations. Souvenons-nous des PPP et des abus commis par les acteurs privés.
J'approuve le constat de la rapporteure : ce dispositif doit être complémentaire, non central, car le tiers financement entraîne des surcoûts. L'expérimentation est une bonne idée, car nos objectifs ne pourront être atteints sans accompagnement. Mais il faudra faire le bilan des actions qui fonctionnent ou non. Les difficultés sont présentes partout : en ville comme en milieu rural, dans les petites collectivités territoriales comme dans les grandes.
Nous voterons ce texte, en restant vigilants sur les possibles dérives du marché de la rénovation, notamment dans le cadre de la commission d'enquête dont Guillaume Gontard est rapporteur.
Mme Nadège Havet . - L'objectif de 60 % de réduction d'émission des bâtiments publics est un défi majeur. La presse a pu parler de chantier du siècle.
De fait, le parc public fait 400 millions de mètres carrés, et des centaines de milliards d'euros de rénovation sont nécessaires. Dans le cadre de notre droit de tirage pour 2023, nous avons demandé la création d'une mission d'information sur la situation particulière des écoles, collèges et lycées, qui représentent 50 % du parc des collectivités territoriales.
Déposée par la présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, Aurore Bergé, cette proposition de loi tend à encourager les personnes publiques à avoir recours aux contrats de performance énergétique. En dérogeant au code de la commande publique, les travaux de rénovation énergétique pourront être entamés, et le remboursement sera progressif sous forme de loyer annuel, en partie payé par les économies réalisées.
Le tiers financement permettra aux élus de garder la main sur les projets. La commission a adapté le dispositif pour le rendre plus souple. De plus, le ministre a sollicité la Banque des territoires pour soutenir les collectivités territoriales en matière d'ingénierie.
Le groupe RDPI soutient ce texte et souhaite que le tiers financement soit opérationnel dès cet été.
M. Jean-Yves Leconte . - Grenelle de l'environnement, accord de Paris, loi Elan : chaque fois on constate les mêmes engagements, selon le principe que la meilleure énergie est celle que l'on ne consomme pas.
Au niveau européen, un trilogue est engagé sur la refonte du marché carbone. Il est essentiel de répondre aux exigences, surtout après le coup de tonnerre de l'agression russe en Ukraine, qui a mis en évidence notre dépendance aux énergies fossiles.
Trouver des solutions est indispensable, en particulier pour le parc public : la rénovation coûterait 400 milliards d'euros, soit vingt points de PIB !
Le principe de l'expérimentation pour déroger au code de la commande publique est intéressant, même si ce dispositif ne résoudra pas tout. Les besoins sont urgents, nous ne pouvons que saluer ce texte.
Il faudra veiller à ce qu'il ne favorise pas les gros maîtres d'oeuvre, bénéficiant d'une ingénierie financière, au détriment des petits artisans et des PME. Ensuite, certaines collectivités sont dans des situations précaires : le risque d'accumulation d'engagements financiers est réel - voyez les PPP, voyez la situation du ministère de la justice. Un suivi rigoureux sera nécessaire.
Je regrette que l'Union européenne et l'État ne donnent pas plus de moyens, mais le groupe SER votera la proposition de loi.
Mme Michelle Gréaume . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Je salue la volonté du Gouvernement de mettre au coeur des débats la transition énergétique, tant les conséquences sont importantes pour les générations futures. La rénovation énergétique est très coûteuse, alors que la précarité énergétique des ménages est souvent très grande. Les acteurs publics se doivent d'être exemplaires.
Le chauffage des bâtiments publics représente 2,6 % de la consommation finale d'électricité en France. Un bâtiment public sur deux est un bâtiment scolaire. S'ils sont mal isolés, une spirale négative commence : absence de professeurs, fermetures en raison des canicules. Il faut rénover.
Cette proposition de loi accompagne cette rénovation énergétique ; les communes, notamment rurales, pourront réaliser des investissements. Mais nous restons dubitatifs : quand on veut respecter les standards, les normes sont si nombreuses que c'est toute la structure du bâti qui doit être revue. Par ailleurs, des formations sont nécessaires pour assurer les travaux. Les PME seront sûrement sacrifiées face aux grandes entreprises. Près de quatre élus sur dix disent ne pas avoir les moyens de mettre en oeuvre les projets de rénovation. Les collectivités territoriales doivent présenter des budgets équilibrés, contrairement à l'État. Quant à l'impact des rénovations, nous manquons de visibilité.
L'État ne peut se désengager. Un grand plan de rénovation publique porté par l'État, surtout pour les écoles, est nécessaire. Nous nous abstiendrons sur ce texte. Si des évaluations plus poussées sont menées, nous pourrions changer de position.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, mercredi 1er mars 2023, à 15 heures.
La séance est levée à 13 h 20.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 1er mars 2023
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30 et le soir
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur l'utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d'influence (droit de tirage du groupe INDEP)
3. Débat d'actualité
4. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique, présentée par Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen, Laurence Rossignol et plusieurs de leurs collègues (n°260, 2022-2023) (demande du groupe UC)
5. Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à renforcer la voix des élus locaux au sein du service public de l'assainissement francilien, présentée par Mme Marta de Cidrac et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°351, 2022-2023) (demande du groupe Les Républicains)