Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Concessions autoroutières (I)
M. Vincent Delahaye . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Le groupe UC s'associe à la solidarité envers les peuples turc et syrien.
Notre commission d'enquête sénatoriale sur les concessions autoroutières a mis en évidence une surrentabilité de 30 milliards d'euros d'ici la fin des contrats, qui a été confirmée par un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF).
Notre commission a dénoncé le cycle infernal de prorogation des contrats de concession en échange de travaux et proposé de se mettre d'accord sur l'équilibre économique et financier de ces contrats. M. Beaune m'avait dit qu'un groupe de travail serait créé en ce début d'année. Quand ?
Le 1er février, les tarifs ont augmenté de 4,75 %, soit un profit supplémentaire de 300 millions d'euros par an d'ici la fin des contrats. Quelle est la part des efforts demandés à Vinci ? Sont-ils équivalents à cette somme ? Pourquoi rien n'a-t-il été demandé à Eiffage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jean-Raymond Hugonet et Jérôme Bascher applaudissent également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je salue la qualité du rapport sénatorial de septembre 2020. Vous avez mentionné le rapport de l'IGF. Les conclusions du rapport de l'Autorité de régulation des transports (ART) diffèrent légèrement. Elles appellent à la prudence, l'impact du covid n'ayant pas encore été intégré.
L'augmentation du 1er février était prévue dans les contrats. Mais l'une des préconisations de votre rapport s'applique, puisque le prix des péages diminue de 5 % pour les véhicules électriques.
Le 13 janvier dernier, nous avons remporté une bataille devant le tribunal administratif, dans le cadre de l'augmentation des impôts des sociétés autoroutières. Elles ont jusqu'au 13 mars pour faire appel. Nous poursuivons la réflexion pour leur demander un effort supplémentaire.
Dans votre rapport, vous avez indiqué que la renationalisation n'était pas la solution : je salue cette position.
Nous sommes prêts à travailler avec vous, dès que le contentieux sera clos. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Vincent Delahaye. - Vous ne m'apprenez pas grand-chose et ne répondez pas à ma question. Quand travaillerons-nous ensemble sur l'équilibre financier des contrats ? Pourquoi un manque de transparence sur les conditions demandées à Eiffage et à Vinci ? Nous sommes garants de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et SER)
Concessions autoroutières (II)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - À notre tour, nous assurons les peuples turc et syrien de tout notre soutien.
Les tarifs autoroutiers augmentent de 4,75 % alors que les profits des concessionnaires explosent. Depuis la privatisation des autoroutes, les péages sont toujours plus chers.
Ce constat scandalise au sein même de Bercy. Le rapport de l'IGF, très instructif, explique que la rentabilité des sociétés d'autoroute est très supérieure à celle attendue et va contre le principe de rémunération raisonnable. L'État doit réagir. Il dispose du support juridique nécessaire.
Les sommes engendrées rendraient possible une réduction de 60 % des péages, ou un prélèvement de l'État de 55,4 milliards d'euros ! L'Autorité de régulation des transports (ART) a constaté une hausse de la rentabilité de 47 % en 2021. L'État ne peut plus faire l'autruche. Nous demandons la renationalisation des autoroutes.
Comment justifiez-vous que l'État ne mette pas fin à ces concessions ? Travaillerez-vous avec nous à une renationalisation ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Le Gouvernement est prêt, au-delà du mois de mars, à se pencher sur l'avenir des concessions.
M. Pascal Savoldelli. - Il ne s'agit pas de se pencher...
M. Christophe Béchu, ministre. - La renationalisation, c'est non ! (Protestations sur quelques travées du groupe CRCE) Elle représente 50 milliards d'euros. Nous devons les utiliser, non pour la route, mais...
M. Jean-François Husson. - Pour l'énergie.
M. Christophe Béchu, ministre. - ... pour la décarbonation des transports, au profit du fluvial et du ferroviaire. La renationalisation irait à l'encontre de la transition écologique. C'est la conclusion même du rapport Delahaye, qui parle de fausse bonne idée. (M. Fabien Gay et Mme Marie-Noëlle Lienemann se récrient.)
Il faut donc augmenter la contribution des autoroutes. Nous l'avons fait avec l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire dans le PLF 2020. Par la route, nous financerons une partie du report modal. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et les recettes ?
Projet d'un « Inflation Reduction Act » européen
M. Alain Richard . - (Applaudissements sur quelques travées du RDPI) Nous sommes face à un grand défi : accélérer la décarbonation de l'industrie. Aux États-Unis, l'Inflation Reduction Act (IRA) commence à s'appliquer, avec le risque que ses subventions massives discriminent les vendeurs européens.
Monsieur le ministre de l'économie, vous revenez d'une visite aux États-Unis avec votre collègue allemand, M. Habeck, pour rétablir une concurrence normale. Le travail se poursuit à Bruxelles entre la Commission et les gouvernements, pour enclencher un plan européen de soutien à nos industries en mutation. Quel bilan tirez-vous de vos discussions aux États-Unis ? Où en est le réarmement industriel européen ? Comment comptez-vous traiter le sujet des règles de concurrence interne et des aides d'État ? Un sérieux effort de convergence est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je tire trois conclusions simples de ce déplacement. Premièrement, l'efficacité du couple franco-allemand (M. Alain Richard acquiesce) et son alignement quant à la nécessité d'accélérer nos investissements en faveur de la décarbonation de notre industrie.
Deuxièmement, nos alliés américains sont prêts à inclure certains biens européens, comme les véhicules et les batteries électriques ou leurs composants. Ils sont aussi prêts à une transparence totale sur le montant des subventions et des aides, et à ce que nous préservions nos investissements stratégiques.
Troisièmement, l'Europe doit aller au bout de la révolution stratégique défendue par le Président de la République en vue de renforcer notre souveraineté. Les propositions de simplification des aides, de soutien de la production d'hydrogène ou de batteries électriques sur notre territoire vont dans le bon sens. Je souhaite que le projet de la Commission européenne soit mis en place sans délai : il y va de notre souveraineté et de notre indépendance. Il faut surmonter nos divergences pour que l'Europe continue de jouer les premiers rôles. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Réforme des retraites (I)
M. Yan Chantrel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Elle s'appelle Véronique, elle a 53 ans : je l'ai rencontrée hier lors de la manifestation contre la réforme des retraites.
Plusieurs membres du Gouvernement. - Ah, ça faisait longtemps !
M. Yan Chantrel. - Après deux années d'apprentissage, elle a commencé à travailler à 16 ans. Elle a trimé de nombreuses années sur les marchés, dans le froid, soulevant des charges lourdes, si bien qu'à 33 ans, elle a dû se faire opérer de la colonne vertébrale. Malgré cette vie de labeur, Véronique ne pourra partir à la retraite qu'après 44 années de cotisation. C'est plus que vous et moi.
Où est la justice ? Votre réforme n'en est pas une : c'est un rééquilibrage financier après que vous avez grevé le budget de l'État par des cadeaux aux grandes entreprises. Suppression de l'ISF, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), flat tax...Vous en faites payer la facture à toutes les Véronique de France. (Plusieurs membres du Gouvernement soupirent.) Total a annoncé un profit record de 19,1 milliards d'euros. C'est plus que les 13,5 milliards d'euros de déficit que vous prévoyez pour le système de retraites à horizon 2030. Quand taxerez-vous ces superprofits ? Quand écouterez-vous les Français dans la rue contre la retraite à 64 ans ? Quand retirerez-vous votre projet injuste et brutal ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Merci pour votre question. Véronique a 53 ans. Elle a commencé à l'âge de 16 ans : vous pouvez lui dire qu'elle partira au plus tard à 60 ans, voire à 58 ans si elle a commencé un peu plus tôt. (Applaudissements sur les travées du RDPI) Sa situation s'améliorera.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Tout va bien !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Si Véronique a porté des charges lourdes, elle remplit des critères de pénibilité. Lorsque vous examinerez le projet de loi, vous verrez que celui-ci est porteur d'avancées sociales inédites. (On s'en indigne à gauche.) Il est meilleur que les précédents, y compris celui que j'ai voté lorsque j'étais député socialiste. (Applaudissements sur les travées du RDPI) À l'époque, la gauche de gouvernement était capable de prendre des décisions, même difficiles, pour conforter notre modèle social. Mais aujourd'hui, je n'ai pas de regret de l'avoir quittée. (Huées sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Éric Kerrouche et plusieurs voix à gauche. - Nous non plus !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Nous célébrions l'idée qu'un jour, nous pensions inverser la courbe du chômage. Il a fallu attendre 2017... Cela peut vous peiner à titre personnel, monsieur le sénateur, mais comme je suis sûr que vous servez l'intérêt général, vous devriez vous en réjouir. (La voix du ministre est couverte par les protestations.)
Enfin, ne me dites pas que vous confondez le bénéfice d'un groupe mondial avec le financement d'une caisse de retraite.
M. Patrick Kanner. - Il y a des symboles !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Vous mélangez les carottes et les pommes de terre ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Yan Chantrel. - Je n'ai pas de leçon à recevoir de quelqu'un qui a voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'une des premières décisions d'Emmanuel Macron a été de supprimer des critères de pénibilité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Revenez sur les exonérations de cotisation, améliorez le taux d'emploi des seniors et taxez ces superprofits ! Ainsi, on pourra financer les retraites. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST)
Dysfonctionnements de MaPrimeRénov'
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je veux vous alerter, une nouvelle fois, sur les dysfonctionnements de certains dispositifs de transition écologique. Il est regrettable que MaPrimeRénov' rencontre autant de difficultés. Maires, élus, artisans : tous se plaignent de la complexité du dispositif, et de son site internet. Imaginez les conséquences pour les 14 millions de Français qui souffrent d'illectronisme. Les délais de réception des subventions sont très longs et elles sont parfois très en deçà de ce qui avait été annoncé.
Lorsque les entreprises attendent le versement de la prime pour faire payer le client, elles se mettent en situation délicate. Selon la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), certaines se trouvent confrontées à des négociations difficiles avec les banques, voire à des licenciements. Comment améliorerez-vous ce dispositif ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Frédérique Puissat, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ et Stéphane Demilly applaudissent également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - En moyenne, 25 000 dossiers sont traités chaque semaine par l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Plus d'1,5 million de dossiers MaPrimeRénov' ont été traités depuis ses débuts. Beaucoup de trains arrivent à l'heure (M. Jérôme Bascher le conteste) : la Défenseure des droits a indiqué que seuls 2 % des dossiers posaient problème.
Comment fluidifier le dispositif et le rendre plus efficace ? À partir du 1er septembre 2023, nous mettrons en place « Mon accompagnateur Rénov » pour faciliter l'application du dispositif et supprimer le reste à charge des Français plus modestes.
Nous voulons éviter une simplification à l'extrême qui entraînerait des effets de bord, mais nous voulons aussi réduire les délais pour associer pleinement les artisans. Ces délais sont de cinq semaines en moyenne : deux semaines pour le dépôt de la demande et trois semaines pour le paiement. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Éric Gold. - Le problème est réel, notamment pour les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Réforme des retraites (II)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Lors de ses voeux pour 2021, le Président de la République louait les première, deuxième et troisième lignes qui ont tenu notre pays pendant la pandémie. S'y cachaient Marie, infirmière, Fouad, animateur, Rosalie, vendeuse... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Ces héros de notre République étaient hier dans la rue. Ils y retourneront samedi et ne lâcheront pas, car ils ne comprennent pas votre acharnement à leur prendre deux années de vie. Madame la Première ministre, je ne vous comprends pas non plus. Rien de tout cela ne vous ressemble : vous disiez que les Français nous demandaient des pratiques nouvelles, la recherche active de compromis, mais vous répondez 49.3 et 47-1. Vous savez que l'on ne gouverne pas contre le peuple. Cessez de passer en force, d'ignorer les syndicats, les parlementaires et une société qui change.
Marie, Fouad et Rosalie sont fatigués, mais ils ne lâcheront pas. Quand retirerez-vous votre projet inutile et injuste ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Une fois de plus, vous multipliez les phrases définitives et les caricatures. (Protestations sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Une fois de plus, dans le même esprit de responsabilité, je vous rappelle les faits. Le nombre de personnes qui cotisent diminue...
M. Pierre Laurent. - Et les exonérations de cotisations ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - ... par rapport au nombre de retraités. Le déficit se creusera si nous ne faisons rien, menaçant la pérennité de notre système par répartition. Voulons-nous le préserver ?
Pour y parvenir, il est vrai que nous demandons un effort aux Français, mais c'est le seul chemin pour assurer l'équilibre de notre système. (Mme Laurence Cohen s'indigne.)
M. Éric Kerrouche. - Pas du tout !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Il y a de réelles convergences entre nos propositions et les travaux de votre assemblée, qui, chaque année, demande le report de l'âge légal à 64 ans.
De nombreuses voix à gauche. - Pas nous !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous mesurons l'effort. Nous avons mené des consultations avec les représentants patronaux et syndicaux.
Mme Monique Lubin. - Pour quel résultat ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Quatre Français sur dix n'auront pas à travailler jusqu'à 64 ans. Je n'ai pas de doute que ce sera le cas de Rosalie, Fouad et Marie. Que proposez-vous ? Une augmentation des impôts, ce qui conduirait à une baisse du pouvoir d'achat et à une hausse du chômage ?
M. Pascal Savoldelli. - Et l'égalité salariale ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Monsieur Gontard, vous vous trompez de cible : les plus riches auront toujours une retraite (M. Pascal Savoldelli et Mme Cathy Apourceau-Poly s'indignent), quand les classes moyennes en auront moins.
Notre projet n'est pas figé. Il a déjà évolué après consultation des organisations patronales et syndicales. (De nombreux membres des groupes SER et CRCE le contestent.)
M. Pascal Savoldelli. - Quel mensonge !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Je sais que la dirigeante de votre parti a appelé à faire du Parlement une ZAD, mais je ne doute pas que le Sénat sera attentif à un débat respectueux. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Guillaume Gontard. - Ce sont nos retraites qui sont une ZAD, une zone à défendre ! Oui, il existe d'autres solutions. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains) Il suffit d'écouter les syndicats et les parlementaires. Il n'est pas possible de dire qu'il n'y a pas d'argent dans notre pays : on peut taxer le capital. (Mme Olivia Grégoire ironise.) Il y a d'autres possibilités ! (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes CRCE et SER)
Fermetures de classes (I)
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'éducation nationale vient d'informer de nombreux maires ruraux de projets de fermetures de classes, sans qu'ils aient été préalablement consultés. En Loire-Atlantique, 29 communes sont concernées.
Les écoles rurales sont le théâtre d'un drame. Les fermetures de classes pénalisent les familles et privent les communes d'un élément central d'attractivité. En 2019, le Président de la République avait affirmé qu'aucune classe ne fermerait sans l'accord du maire. Monsieur le ministre, votre ministère s'était engagé à mieux prendre en compte les besoins territoriaux.
La gestion de la carte scolaire n'est pas adaptée aux réalités rurales. Les décisions de fermeture ne sont-elles pas prises trop tôt ? De petites communes investissent beaucoup pour mettre leur école aux normes. Mais le nombre de professeurs disponibles sert de variable d'ajustement.
Le système actuel pâtit d'effets de seuil : il suffit d'un seul élève pour fermer une classe, mais il en faut beaucoup plus pour en ouvrir une.
Comment comptez-vous aider les communes rurales ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Bruno Belin, Stéphane Sautarel et Laurent Burgoa applaudissent également.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - La baisse des effectifs scolaires s'accélère, avec 500 000 élèves de moins dans les cinq années à venir, et entre 90 000 et 100 000 de moins à la rentrée prochaine. Nous menons un travail complexe, qui aboutira à une carte scolaire stabilisée en août.
Notre ligne est simple : nous nous adaptons aux réalités locales tout en tenant compte des territoires ruraux.
Dans votre département de Loire-Atlantique, entre 2017 et 2022, on compte 2 500 élèves en moins. À la rentrée 2023, on attend 723 élèves en moins. En parallèle, 326 postes d'enseignement sont créés. Sur les 33 écoles situées dans les communes les plus rurales, le nombre moyen d'élèves par classe est de 19, ratio inférieur au niveau moyen de 22,5 élèves par classe. S'il y a neuf fermetures de classes, il y a aussi quatre ouvertures.
Le projet de carte scolaire fait l'objet d'ajustements, en février, en juin et en août : je suis à votre disposition pour en parler avec vous. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Joël Guerriau. - D'un côté, les communes investissent dans les écoles malgré des moyens limités, et, de l'autre, votre ministère suit sa propre logique annuelle. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir écouter l'inquiétude des élus locaux. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Élus locaux face aux injonctions du Gouvernement
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom du président Retailleau et de notre groupe, nous exprimons notre solidarité aux peuples turc et syrien et notre reconnaissance aux secouristes français.
Les ministres ont tous une feuille de route : pour Bruno Le Maire, la réindustrialisation ; pour Marc Fesneau, la souveraineté alimentaire ; pour Clément Beaune, les lignes à grande vitesse (LGV) ; pour Bérangère Couillard, la sauvegarde de la biodiversité ; pour Olivier Klein, 400 000 logements supplémentaires ; pour Agnès Pannier-Runacher, l'accélération des énergies renouvelables et le nucléaire ; pour Éric Dupond-Moretti, de nouvelles prisons ; et pour Christophe Béchu, le défi du zéro artificialisation nette (ZAN).
Mais au bout de vos priorités en silo, ceux qui doivent appliquer ces injonctions contradictoires, ce sont les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Sur les maires, il pleut comme à Gravelotte des priorités toutes prioritaires. Aucune planification territoriale n'est plus possible ; donnez un cap ! Quelles sont vos priorités, madame la Première ministre ? (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - (Huées à droite) Je comprends votre déception...
M. Jean-François Husson. - Sors du silo !
Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. - Et la Première ministre ?
M. Christophe Béchu, ministre. - ... mais je vais tenter de répondre à votre question. Dans ces injonctions contradictoires, il y a ce qui relève du Gouvernement, et ce qui relève du Parlement, à l'image de ce qui a été voté au Sénat sur le ZAN. Les décrets seront réécrits, mais la loi...
M. Marc-Philippe Daubresse. - Le problème, c'est le décret et non la loi !
M. Christophe Béchu, ministre. - Des points sont mis en lumière par la proposition de loi de Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc. Si certains points de ce que vous avez voté n'étaient pas à corriger, nous n'aurions pas cette discussion. La garantie rurale n'était pas prévue, par exemple...
Des enjeux sectoriels ne peuvent pas passer par la poursuite de l'artificialisation au rythme actuel. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas. - Ce n'est pas ma question !
M. Christophe Béchu, ministre. - Comment faire, donc, pour développer des projets et tenir compte de l'artificialisation ?
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vous verrez la crise du logement !
M. Christophe Béchu, ministre. - J'ai déjà indiqué les points sur lesquels nous sommes prêts à bouger. Nous en rediscuterons au mois de mars. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Fermetures de classes (II)
M. Jean-Marc Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La suppression de centaines de classes a été justifiée par la baisse du nombre d'élèves. Le ministre parle chiffres, taux, ratios. Pourtant le candidat Macron avait déclaré qu'il n'y aurait pas de fermeture de classes sans l'aval du maire. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)
La réalité est tout autre : 2 000 postes sont supprimés ! Les maires réclament de la concertation et demandent la prise en compte de l'éloignement et de la spécificité des classes multi-âge.
Alors que vous multipliez le dédoublement des classes dans les zones prioritaires, le monde rural paie votre vision comptable déséquilibrée. Or l'école rurale est une chance. Nos villages sont aussi des zones prioritaires.
M. Max Brisson. - Bravo !
M. Jean-Marc Boyer. - Monsieur le ministre, à quand un moratoire sur les fermetures de classes dans le monde rural ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier et MM. Claude Kern et Joël Guerriau applaudissent également.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Aucune fermeture d'école - et non de classe - ne peut intervenir sans l'accord du maire - eh oui, ce n'est pas la même chose. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hussein Bourgi ironise.)
Le Puy-de-Dôme perdra 616 élèves à la rentrée 2023. Il faudrait 25 professeurs en moins, selon une vision comptable, mais nous n'en retirerons que 9 : le taux d'encadrement va donc s'améliorer.
Nous sommes attentifs aux 491 écoles de votre département dans lequel nous envisageons la fermeture d'une trentaine de classes, mais l'ouverture d'une vingtaine d'autres.
Vous avez raison de mentionner l'éloignement. Nous avons créé les territoires éducatifs ruraux, qui associent école et collège. (M. Max Brisson s'inquiète.) L'un d'entre eux fonctionne très bien dans le Puy-de-Dôme. Nous examinons l'opportunité de les étendre. Ils sont le pendant de ce qui est expérimenté en ville. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Marc Boyer. - Vous amplifiez la colère des maires et des citoyens de ces territoires, qui subissent déjà les déserts médicaux, le ZAN, les éoliennes (protestations sur les travées du GEST), la diminution des tournées de facteur, les problèmes d'accessibilité, etc. Cessez ce sacrifice de la ruralité sur l'autel des chiffres et des normes. Sinon, les Gaulois réfractaires risquent de se réveiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Concurrence d'Airbnb
M. Mickaël Vallet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quand les plateformes d'économie numérique menacent notre cohésion républicaine, la puissance publique doit reprendre la main. Certaines villes font les frais d'une concurrence insupportable entre logement classique et meublés de tourisme.
À Oléron, en Charente-Maritime, les abus sur la taxe de séjour sont nombreux. À La Rochelle, en 2022, plus de 1 700 meublés de tourisme ont été nouvellement déclarés, évinçant étudiants et travailleurs en mal de logement. La ville s'est attaquée au problème dès 2019, en instaurant des régimes d'autorisation, étendus aux sociétés civiles immobilières (SCI) en 2022. Elle a aussi imposé des mesures de compensation et favorisé la réservation des petits logements au profit des étudiants et des jeunes actifs. Malheureusement, les plateformes jouent des ambiguïtés du droit.
Avoir un toit pour étudier et travailler auprès des siens est le premier élément d'insertion dans la communauté nationale. Quelles mesures envisagez-vous pour soutenir ces démarches ? La plateformisation du logement mine notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Sophie Primas et M. Max Brisson applaudissent également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Mardi prochain, M. Klein, Mme Faure et moi-même recevrons les associations d'élus pour évoquer la décentralisation du logement, au sens large (marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) : les zones tendues doivent-elles être déterminées par le ministère ? Le Pinel breton est un bon exemple. (Mme Françoise Gatel acquiesce.)
Nous voulons échanger sur les difficultés de la rénovation, de la construction, de l'accompagnement des personnes. Bien sûr, la question des plateformes sera aussi posée. Les outils à la main des collectivités dépendent de leur classement. Certaines communes touristiques, comme La Baule ou Bayonne, ont pris des dispositions, sur la base du droit existant, avec un réel succès. Certes, il existe quelques trous dans la raquette, mais nous pouvons déjà agir efficacement.
Avec les associations d'élus, nous tiendrons compte de l'hétérogénéité des territoires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Étiquetage des volailles
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les labels de qualité de la volaille française vont-ils disparaître ? Depuis des années, la filière travaille sur le respect des normes de qualité, avec un étiquetage clair et simple pour le consommateur.
Mais voilà que fin 2022, la Commission européenne a autorisé tous les labels, sans contrôle. Poulet des champs, poulet de plein vent... Les labels les plus fantaisistes vont émerger. Quelle est votre stratégie pour sauver nos labels et la filière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La France a déjà exprimé son désaccord devant le Conseil européen. Cette initiative de la Commission nous inquiète, d'autant que les États ne sont consultés que pour avis.
Le premier risque est un risque de tromperie des consommateurs. Autre risque : que les filières de plein air et le label rouge ne soient plus aussi bien valorisés.
Nous travaillons avec la Commission afin que la proposition qui sera examinée le 22 février prochain par le comité d'experts respecte les règles édictées dans les années 1990.
Dans l'Orne comme ailleurs, la filière volaille connaît déjà d'importantes difficultés, notamment à cause de la crise aviaire. Nous sommes à son chevet pour trouver des solutions de court et long termes, avec la vaccination. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Vincent Segouin. - Comme hier sur le déficit commercial ou la ferme France, le Sénat ne cesse de vous alerter sur le déclin de notre pays sous le poids des normes. La ferme France a perdu de nombreuses batailles : il ne nous reste que le poulet du dimanche, défendez nos labels !
Notre administration contrôle toujours plus les agriculteurs français, au lieu de contrôler les produits importés. On attend toujours les clauses miroirs. La ferme France brûle, et nous regardons ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Négociations sur l'hydrogène bas-carbone
Mme Denise Saint-Pé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les négociations européennes patinent sur l'hydrogène bas-carbone : le trilogue a été reporté au 6 mars. L'hydrogène devra être produit à partir d'énergie renouvelable, sans mention du nucléaire. En l'état, la France aura du mal à atteindre les objectifs européens.
L'Union européenne avait déjà tenté d'exclure le nucléaire de la taxonomie ; voilà une nouvelle attaque. Madame la ministre, vous aviez qualifié cette exclusion de climaticide : bravo ! Car l'énergie nucléaire est la moins carbonée.
La France n'est pas le seul État membre à défendre cette position. Comment se présentent les négociations ? Si la France n'obtient pas gain de cause, bloquerez-vous la directive ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; le GEST se scandalise.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - C'est vrai, les négociations ne prennent pas bonne tournure. L'engagement de la France pour les énergies renouvelables est sans ambiguïté : le Président de la République a lancé le Green Deal ; j'ai présidé le Conseil qui a adopté le paquet « climat » européen ; hier, vous avez adopté le projet de loi visant à accélérer le développement des énergies renouvelables.
Ne nous trompons pas de combat : le nôtre, c'est la décarbonation et la fossilisation. Tous les leviers sont bons. Le nucléaire émet moins de carbone que l'éolien et le photovoltaïque ; c'est pour cela que j'affirme que s'y opposer est climaticide. (Protestations sur les travées du GEST)
Neuf pays, dont la France, ont déjà décarboné leur énergie grâce au nucléaire. Nous avons signé deux accords avec l'Allemagne et l'Espagne qui reconnaissent le rôle de l'hydrogène bas-carbone dans la lutte contre le changement climatique. Je ne laisserai pas un texte contraire à cet objectif être adopté. Avec huit pays derrière nous, nous avons une minorité de blocage. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Réforme du collège
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chaque nouvelle évaluation souligne les carences de notre système éducatif : 27 % des élèves de 6e n'ont pas le niveau en français et un tiers ne maîtrise pas les fondamentaux en mathématiques.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une mesurette : la création d'une heure de renforcement dans ces deux disciplines, mais sans dire qui assurera cet enseignement ni évoquer l'école primaire. Dommage collatéral : la suppression du cours de technologie. Quelle stratégie, avec quelle concertation, vous a conduit à prendre une telle décision ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Les évaluations de 6e ne sont satisfaisantes ni en français ni en mathématiques. Or cette classe est décisive pour l'avenir des élèves. Nous réfléchissons à l'ensemble du cycle 3 : pour les classes de cours moyen, nous mettons l'accent sur l'écriture - seulement 7 % du temps scolaire hebdomadaire. Il faut multiplier les dictées, mais aussi les rédactions, même si cela fait un peu vieux jeu.
M. François Bonhomme. - Cela me va !
M. Pap Ndiaye, ministre. - De même, le calcul mental est primordial. Des circulaires ont été adressées en ce sens.
Une heure de renforcement en français et en mathématiques est prévue, sur le modèle des classes de 6e tremplin de l'académie d'Amiens, qui ont donné de bons résultats. Le dispositif « devoirs faits » sera aussi rendu obligatoire. Il s'agit donc d'un dispositif global qui vise à renforcer les savoirs fondamentaux.
Quant aux cours de technologie, ils sont renforcés de la 5e à la 3e. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Piednoir. - Votre prestation serait sévèrement évaluée à l'oral du baccalauréat : ni thèse, ni antithèse, ni synthèse. (Protestations sur les travées du RDPI) En réalité, l'éducation nationale prend l'eau de toutes parts et vous écopez à la petite cuillère. Vous passez votre temps à improviser sur des élèves cobayes. Les enseignants sont lassés de vos annonces permanentes.
Il est grand temps de prendre conscience de l'incurie des programmes : les enjeux sociétaux sont rabâchés à des élèves qui ne savent pas calculer un pourcentage et croient que l'alexandrin est un habitant d'Alexandrie. Proposez-nous autre chose que de l'enfumage d'hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Action de l'État pour les familles sans abri
Mme Laurence Harribey . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le projet d'union sacrée pour le logement entre le Gouvernement et les associations peine à prendre forme. Dans une tribune récente, vous accusez Utopia 56 et la Fondation Abbé Pierre de jouer avec la misère des gens ! Seules les associations proposent des chiffres ! Le 4 février, vingt maires de gauche ont interpellé le Président de la République et proposé sept mesures pour lutter contre le mal-logement. Que leur répondez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Breuiller et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - La question du sans-abrisme nous préoccupe et le Gouvernement agit de façon inédite : 200 000 places d'hébergement d'urgence, 5,7 millions d'euros chaque soir pour héberger les plus fragiles... Et ce n'est que justice.
Grâce au plan Logement d'abord I, 440 000 personnes qui étaient à la rue ont retrouvé un toit. La moitié des communes que vous citez sont des territoires d'accélération de ce plan. Dans le cadre de la préparation du plan Logement d'abord II, je réunis régulièrement les maires afin d'accélérer les mises à l'abri, de construire des résidences sociales et des pensions de famille et de renforcer l'accompagnement social.
Jamais nous n'accepterons que des familles soient à la rue et que des enfants ne soient pas scolarisés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Harribey. - Je ne mets pas en cause votre volonté personnelle ni votre expérience d'élu local. Mais nous manquons d'une vision globale et le logement reste une variable d'ajustement budgétaire. Ces maires attendent un plan d'urgence national. Mais voulons-nous travailler tous ensemble ? Un simple atelier du Conseil national de la refondation ne saurait suffire. Vous dites qu'une association est mal inspirée quand elle tombe dans l'outrance. Je le dis en toute humilité : un gouvernement est mal inspiré quand il est suffisant. Nous sommes prêts à coconstruire et préparons une proposition de loi : nous verrons quelle sera votre volonté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Attractivité du métier d'enseignant
Mme Toine Bourrat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En France, de moins en moins d'adultes veulent se retrouver devant une classe d'enfants pour les instruire, ou plutôt tenter de le faire. Professeur : le plus beau métier du monde après celui de parent, disait Charles Péguy. Quel recul !
Oui, notre pays vit une crise des vocations sans précédent : en mathématiques, on compte moins de candidats que de postes à pourvoir ; à peine plus de 6 % des professeurs de français se sentent considérés ; le climat scolaire se dégrade. Dans ce contexte, plus de 1 600 enseignants ont démissionné en 2021, un taux en hausse constante depuis dix ans. La France est le pays d'Europe où il y a le plus de problèmes de discipline en classe - au sein de l'OCDE, seuls le Brésil et l'Argentine font pire. Voilà les enseignements d'un rapport de la Cour des comptes de la semaine dernière.
Que comptez-vous faire pour réhabiliter la profession d'enseignant et un savoir sans lequel il n'y a plus de promesse républicaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - En 2023, le budget du ministère augmente de 6,5 % - c'est inédit. Cela nous permettra de mieux rémunérer les enseignants.
Ces questions d'attractivité se posent dans la majorité des pays du monde et dans tous les pays européens, sauf deux.
La rémunération des enseignants connaîtra une augmentation socle de 10 % en moyenne, conformément à l'engagement du Président de la République. Une augmentation supplémentaire sera accordée à ceux qui accepteront de nouvelles missions, telles que des remplacements de courte durée dans le secondaire ou les heures de soutien et d'approfondissement en 6e. Nous négocions actuellement avec les organisations syndicales.
Le salaire n'est pas le seul critère d'attractivité. Il faut aussi repenser la carrière, avec des portes d'entrée et de sortie.
Mme Toine Bourrat. - Le mal-être du monde éducatif est connu. Le plus beau métier du monde est devenu impossible. Votre mission, c'est de refaire de l'école le temple de la connaissance et du respect. (Acclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Déserts médicaux
M. Bruno Rojouan . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je déplore l'absence du ministre de la santé. Madame la ministre déléguée, en sept mois, quelles décisions concrètes avez-vous prises pour lutter contre les déserts médicaux ? Débats, questions, véhicules législatifs de toutes sortes, le Sénat propose !
Votre ministère répond que tout le pays est touché par le manque de médecins. Cela vous permet de ne pas agir. Or certains territoires souffrent plus que d'autres.
Patients abandonnés, maires de France attendent vos décisions et pas celles d'un comité « machin-chose » qui ne débouche sur rien. Que fait le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La santé est notre bien commun.
M. François Bonhomme. - Nous voilà rassurés !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Nous sommes pleinement dans l'action. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons fixé le cap de la refondation de notre système de santé. À l'hôpital, nous voulons octroyer plus de souplesse, via la reconnaissance de la pénibilité, la refonte de l'organisation et la sortie du tout-T2A. Pour la médecine de ville, nous voulons que les soignants aient plus de temps pour soigner : nous créerons 10 000 postes d'assistants médicaux d'ici à 2024. Les tâches administratives seront simplifiées. Cela passe aussi par la responsabilisation de nos concitoyens : 28 millions de rendez-vous ne sont pas honorés. (M. Vincent Segouin ironise.)
Nous favorisons aussi le travail en équipe, avec une répartition des tâches autour du médecin traitant, notamment grâce à des délégations d'actes à d'autres professionnels.
Enfin, nous allons construire un pacte territorial avec les élus, dans une stratégie gagnant-gagnant, en nous appuyant sur le Conseil national de la refondation (CNR) en santé. Vous le voyez : nous sommes pleinement engagés dans la refondation de notre système de santé ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. François Bonhomme. - C'est flagrant !
M. Bruno Rojouan. - Madame la ministre, le constat est connu, les solutions vous ont été proposées. Il est temps de décider ! Cette tâche vous incombe, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 35.