Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mises au point au sujet de votes

CMP (Nominations)

Politique du logement

Discussion générale

M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de loi

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des finances

M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Anglars

Mme Colette Mélot

M. Daniel Breuiller

Mme Nicole Duranton

Mme Isabelle Briquet

M. Pascal Savoldelli

M. Jean-Michel Arnaud

M. Max Brisson

Discussion des articles

ARTICLE 1er

APRÈS L'ARTICLE 1er

ARTICLE 2

Réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple »

Discussion générale

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire

Mise au point au sujet de votes

Modification de l'ordre du jour

Réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Guillaume Gontard, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Pascal Allizard

Mme Colette Mélot

M. Guy Benarroche

M. André Gattolin

M. Yannick Vaugrenard

Mme Michelle Gréaume

M. Olivier Cigolotti

M. André Guiol

M. Antoine Lefèvre

M. Marc Laménie

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Claude Tissot

M. Olivier Paccaud

M. Ronan Dantec

M. Rachid Temal

M. Jacques Fernique

Interventions sur l'ensemble

M. Guillaume Gontard, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Yannick Vaugrenard

Mme Michelle Gréaume

M. Rachid Temal

M. André Gattolin

M. Guy Benarroche

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire

Protéger les logements contre l'occupation illicite (Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 1er A (Suite)

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

ARTICLE 1er B

APRÈS L'ARTICLE 1er B

ARTICLE 1er

ARTICLE 1er BIS A

APRÈS L'ARTICLE 1er BIS

ARTICLE 2

APRÈS L'ARTICLE 2

ARTICLE 2 BIS

ARTICLE 2 TER

APRÈS L'ARTICLE 2 TER

CHAPITRE II : SÉCURISER LES RAPPORTS LOCATIFS

ARTICLE 4

ARTICLE 5

APRÈS L'ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 7

APRÈS L'ARTICLE 8

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Interventions sur l'ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Éliane Assassi

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois

M. Daniel Salmon

Mme Catherine Procaccia

Mme Valérie Létard

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Ordre du jour du mardi 7 février 2023




SÉANCE

du jeudi 2 février 2023

52e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mises au point au sujet de votes

M. Antoine Lefèvre.  - Lors du scrutin public n°119, M. Philippe Paul et moi-même souhaitions nous abstenir.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Lors du scrutin n°119, M. Olivier Cadic souhaitait voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

CMP (Nominations)

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Politique du logement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement, à la demande du GEST, présentée par M. Ronan Dantec et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Ronan Dantec, auteur de la proposition de loi .  - Voici ma conviction : les difficultés d'accès au logement sont l'un des principaux, sinon le principal facteur de déstabilisation de la société française. Je crois que ce constat des sénateurs du GEST est partagé sur toutes les travées.

Ce sentiment d'injustice, ces difficultés quotidiennes nourrissent l'aigreur collective et le vote pour une offre extrémiste de recroquevillement. Néanmoins, toute la France ne se résigne pas, comme l'ont montré les manifestations de mardi.

Le coût du logement augmente sans cesse depuis les années 1990, d'abord à Paris et en petite couronne, puis à Nantes ou Rennes dans les années 2000, ou Bordeaux dix ans plus tard.

Des biens se vendent aujourd'hui en euros au même prix qu'il y a trente ans, à ceci près qu'il était alors libellé en francs : il a été multiplié par six !

La mixité résidentielle et scolaire en pâtit, sans compter les mobilités subies, l'étalement urbain et la consommation de terrains, d'où la nécessité du zéro artificialisation nette (ZAN).

Ces trente dernières années, la ruée vers les littoraux du sud et du sud-ouest a entraîné des fractures. D'origine finistérienne, je ne pouvais imaginer qu'un jour, les habitants de certaines communes, auxquelles ils sont particulièrement attachés, seraient dans l'incapacité d'y acheter une maison, même petite. En Loire-Atlantique, département marqué à la fois par la métropolisation et le tourisme, où je suis élu, c'est dans les départements limitrophes que les ménages modestes doivent s'installer.

Je ne parle même pas de ceux qui ne parviennent pas à se loger : les chiffres de la fondation Abbé Pierre sont éloquents, en particulier sur le mal-logement en zone littorale.

La situation est grave. Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avions poussé plusieurs cris d'alerte. Cette proposition de loi n'a pas la prétention de tout résoudre, mais elle devrait faciliter le financement de l'action des collectivités territoriales dans ce domaine.

Depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), les régions ont acquis une compétence pour faciliter l'accès au logement. Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) devient le document de référence, où se construit la cartographie du ZAN.

Nous savons que certaines régions sont réticentes à se positionner plus fortement sur cette compétence. Cette proposition de loi les y incite en leur donnant davantage de moyens.

Le renforcement du rôle des établissements publics fonciers locaux (EPFL) est plus consensuel : tous les élus le demandent. Je n'ai pas abordé la question de l'articulation des EPFL et des établissements publics fonciers de l'État (EPFE) : le débat eût été trop large. Nous avons simplement cherché à répondre à l'urgence.

En Loire-Atlantique, l'EPFL est incapable de répondre à toutes les demandes des communes. L'article 2 du texte devrait être consensuel ; ne perdons pas de temps !

Mais qui dit dépenses pour les régions et les EPFL, dit recettes - c'est là que le consensus finit. Nous proposons d'asseoir le financement sur l'explosion constatée du nombre de résidences secondaires - près de 300 000 en Bretagne, et Max Brisson connaît le même phénomène au Pays basque - qui participe à la déstabilisation du marché. En instaurant une surtaxe entre 0 et 25 %, nous n'espérons pas les remettre sur le marché, mais améliorer la capacité de financement des EPFL. Je précise qu'il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation : les élus décideront. Nous avons repris une proposition consensuelle de Philippe Bas -  mais cela reste-t-il toujours une référence après hier soir ? (Sourires)

Le Sénat regrette régulièrement la perte d'autonomie fiscale des collectivités territoriales : ce texte la renforce. Avec ces mesures consensuelles, nous espérons que notre texte recueillera une large majorité ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission des finances .  - Nous avons longuement débattu du développement des résidences secondaires lors du dernier projet de loi de finances. Depuis 2010, leur nombre a augmenté de 16,5 % contre moins de 10 % pour les résidences principales. Cela accentue les tensions sur le marché du logement, en particulier sur le littoral atlantique et en Corse.

Évitons toutefois d'adopter une vision uniforme : les résidences secondaires constituent aussi une source d'attractivité et d'enrichissement. La fiscalité locale a évolué significativement : la taxe d'habitation a été progressivement supprimée, mais reste applicable à compter de 2023 pour les résidences secondaires, sous le nom de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale (THRS).

La loi de finances pour 2023 a par ailleurs étendu le périmètre - autrefois limité aux zones tendues de plus de 50 000 habitants - où s'applique de la taxe sur les logements vacants (TLV) et où les communes peuvent majorer la THRS de 5 à 60 %. Certes, la liste des communes concernées n'est pas encore connue, faute de parution du décret d'application ; monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quand il le sera ? Lorsque le zonage sera connu, je pense que des milliers de communes se saisiront de cette possibilité.

Je salue le travail de Ronan Dantec, et la qualité de nos échanges. Les deux articles du texte visent à créer deux taxes additionnelles, la première au profit de la région, la seconde au profit des EPFL et de l'office foncier de Corse - le territoire couvert par ces derniers étant assez restreint. Avec un taux de 0 à 25 % selon les délibérations, il s'agirait de taxes de rendement, visant d'abord à apporter des ressources.

Les effets sur les propriétaires de résidences secondaires sont difficiles à déterminer. Certains pourraient chercher des biens dans des zones sans taxe. Je m'interroge sur la cohérence de la politique du logement, sur laquelle l'État garde la main, mais dont la mise en oeuvre relève au niveau local des communes et des intercommunalités. N'y aura-t-il pas des interférences entre les régions et le bloc communal ? De plus, rien ne garantit que le produit de cette ressource soit affecté au logement. Enfin, les augmentations seraient importantes pour les contribuables : un logement pourrait être taxé jusqu'à 90 %. Le risque d'inconstitutionnalité est élevé.

En outre, comment justifier que la taxe prévue par l'article 2 puisse frapper les territoires concernés par un EPFL et non par un EPFE ?

La commission des finances a rejeté la proposition de loi. L'application du ZAN entraînera une baisse de la ressource foncière. Les établissements publics fonciers doivent donc être aidés. La dotation qu'ils perçoivent en compensation de la suppression de la taxe d'habitation doit-elle être renforcée, ou doit-on envisager une nouvelle ressource moins soumise aux décisions annuelles de l'État ? La question doit être abordée dans une perspective plus large. Il faut aussi laisser le temps aux communes de se saisir des possibilités offertes par la loi de finances pour 2023.

Les conditions d'application du ZAN doivent évoluer avec la révision des décrets d'application et, nous l'espérons, une évolution légale grâce à la proposition de loi pour laquelle le Sénat a constitué hier une commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Ce texte met en lumière un phénomène prégnant. Monsieur Dantec, votre constat est très clair et très juste. Les habitants de certaines communes, qui y résident parfois depuis des générations, n'arrivent plus à s'y loger, notamment à cause de la multiplication des résidences secondaires.

Ce phénomène touche non seulement le Sud, mais aussi le littoral atlantique et des métropoles comme Lyon, Toulouse ou Bordeaux. Certaines personnes doivent déménager loin de leur lieu de travail et de communes auxquelles ils sont attachés, lesquelles se dévitalisent.

Vous proposez une réponse fiscale. L'incitation financière a son rôle à jouer, mais elle ne peut à elle seule tout résoudre. (M. Ronan Dantec le concède.) Les problèmes de notre pays ne peuvent être réglés par une multiplication des prélèvements...

Une voix à gauche. - Surtout sur les plus riches !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - ... d'autant que 34 % seulement des propriétaires de résidence secondaire appartiennent au décile des plus hauts revenus.

Les communes ont déjà la possibilité de majorer la THRS. Le Gouvernement est attentif à la maîtrise de la pression fiscale. De plus, le Conseil constitutionnel pourrait estimer qu'il s'agit de prélèvements confiscatoires : le taux d'impôt sur les résidences secondaires situées à Grenoble, par exemple, pourrait atteindre 84 %. En outre, les EPF perçoivent déjà des taxes spéciales d'équipement (TSE) dans une limite de 20 euros par habitant. Le montant moyen perçu étant de 11 euros, des marges existent.

Nous avons beaucoup avancé sur ces sujets lors de l'examen de la loi de finances. La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales crée déjà un différentiel avec les résidences secondaires, qui y restent assujetties.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, grâce à un amendement du député Xavier Roseren, la définition des zones tendues a été complétée pour intégrer pleinement les communes touristiques. C'est un levier très puissant.

Dans les zones en tension, la TLV s'applique automatiquement après un an de vacance. Le conseil municipal peut décider d'une surtaxe de 5 à 60 %. La dernière loi de finances a augmenté d'un tiers les taux de la TLV, portés de 12,5 à 17 % la première année et de 25 à 34 % la deuxième.

M. Max Brisson.  - Cela n'impressionne personne.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Je crois que cette réforme répond à la demande des élus dans les Alpes, en Corse, sur le littoral atlantique et en Bretagne. Le Gouvernement travaille avec les associations d'élus sur le décret d'application qui précisera le zonage. Certaines communes étaient déçues de ne pouvoir appliquer la majoration dès cette année. Je tiens à vous rassurer : le décret sera pris rapidement, pour qu'il soit appliqué avant le 1er octobre prochain.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Très bien !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Ces mesures offrent de nouvelles ressources aux communes au service de l'aménagement du territoire, de l'offre de services publics et du financement de projets immobiliers.

Ce produit supplémentaire pourra être utilisé pour abonder les budgets des EPF.

Le Gouvernement ne fait pas de la fiscalité l'alpha et l'oméga de la politique du logement. Je n'ignore pas que les plateformes de location de logements ont eu un impact important, en réduisant l'offre locative de longue durée ; de plus ces locations brèves tendent à se professionnaliser, se concentrant sur des biens qui constituent la première étape d'un parcours résidentiel en habitation principale pour les plus modestes.

Depuis la loi Elan, les communes peuvent prétendre à un droit de compensation sur le changement d'usage d'un logement. Mais elles ne se sont pas suffisamment saisies de cet outil. Les ministres Dominique Faure et Olivia Grégoire réfléchissent à la question.

Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cette proposition de loi, même si nous souscrivons à ses objectifs.

M. Jean-Claude Requier .  - On ne peut que louer l'intention de ce texte, car l'accès au logement dans le lieu de naissance est un enjeu important.

Des zones entières sont touchées par la hausse des prix. L'afflux de populations à fort pouvoir d'achat dans un territoire fait fuir les habitants historiques et les jeunes. Or l'attachement au territoire demeure important et, paradoxalement, d'autant plus fort que la perte des repères est marquée. (M. Mickaël Vallet acquiesce.)

Le phénomène n'est pas confiné au littoral : dans le Sud-Ouest, nous sommes habitués à la présence de résidents britanniques à fort pouvoir d'achat, même si le Brexit a rendu leur situation plus compliquée.

Le marché immobilier souffre de défaillances. La spéculation immobilière pèse sur nos concitoyens dans les zones tendues alors que dans des territoires moins attractifs, la revente d'un bien est plus difficile.

Cette proposition de loi apporte-t-elle une réponse adéquate en créant deux taxes ? On peut en douter. La première serait perçue par la région sur les résidences secondaires, renforçant ses capacités d'animation territoriale. La seconde est une taxe additionnelle à la THRS au profit des établissements publics fonciers, leur permettant de préempter des biens immobiliers dans une dynamique de rééquilibrage territorial.

La pression fiscale étant déjà très forte, je partage les réserves du rapporteur. De plus, peut-on être sûr que ces ressources nouvelles seront affectées à la politique du logement ?

Ne nous attaquons pas trop aux résidences secondaires, avec une imposition pouvant dépasser 50 %, car elles jouent un rôle majeur dans l'économie du territoire.

Le RDSE votera contre ce texte.

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Les difficultés des ménages à se loger sont connues et régulièrement abordées dans l'actualité et les travaux parlementaires. Lors d'un débat sur la politique du logement en janvier 2022, nous avions fait le bilan d'un quinquennat marqué par une hausse de l'immobilier et du foncier et une baisse du nombre de nouveaux logements.

L'objectif est louable, mais le titre quelque peu exagéré, car ce texte ne concerne en réalité que les régions et les EPF.

La création d'une nouvelle taxe régionale sur les résidences secondaires n'est pas utile, alors que le maire a vu ses possibilités d'agir renforcées voici un mois lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, avec la faculté de majoration de la THRS. Notre rapporteur général y voyait la suite bâclée de la suppression de la taxe d'habitation...

Le groupe Les Républicains a choisi de donner aux communes la possibilité d'augmenter jusqu'à 25 % la THRS sans augmenter la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

De plus, l'augmentation de la fiscalité sur les actifs immobiliers ne produit pas les effets escomptés, comme l'a montré la délégation des collectivités territoriales du Sénat dans un rapport de mai 2020 intitulé « Les communes face à l'inflation des prix de l'immobilier ». Plusieurs dispositifs juridiques récents visant à limiter la hausse des prix n'ont eu que des conséquences marginales, et la hausse de la pression fiscale a suivi celle des prix. Ce n'est pas une solution.

Le logement est un problème communal, plus que régional. Les communes agissent via les plans locaux d'urbanisme (PLU). La décentralisation a complexifié la répartition des compétences : nul besoin d'en rajouter.

Les maires ne doivent pas être limités dans leur action par d'autres collectivités territoriales. Les communes rurales, qui représentent 88 % des communes et 33 % de la population, voient leurs atouts mieux reconnus depuis la crise du covid : comme un rapport de l'Insee de décembre 2022 en atteste, une part croissante de la population souhaite s'y installer.

Comment, enfin, ne pas évoquer le ZAN, qui est aussi une occasion de densifier les zones construites et de réhabiliter le bâti ancien ? Pour cela, le fonds vert, déconcentré et à la main des préfets, doit être prolongé, car il contribue à un développement équilibré à l'échelle de la commune.

Le groupe Les Républicains suivra l'avis réservé du rapporteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Colette Mélot .  - L'accès à l'immobilier est une préoccupation importante des Français, le logement étant le premier poste de leur budget.

Depuis le début des années 2000, l'indice des prix des logements neufs et anciens a augmenté de plus de 180 %. La loi Climat et résilience de 2021 risque d'aggraver le phénomène, avec l'interdiction des passoires thermiques à la location et à la vente. Certes, nous en partageons les objectifs environnementaux, mais on ne peut ignorer la situation.

Le ZAN oblige les collectivités territoriales à renoncer à l'étalement urbain. Là encore, les conséquences sur le marché immobilier seront significatives.

Certaines situations locales sont encore plus complexes, notamment dans les zones tendues où le développement des résidences secondaires contraint encore plus l'offre disponible. Cela crée des tensions entre les populations locales et saisonnières.

Nous partageons le constat, mais divergeons sur l'analyse. L'étude de l'Insee citée dans l'exposé des motifs révèle aussi deux réalités qui ne sont pas mentionnées. D'abord, la modification des structures familiales : le nombre de résidences principales a augmenté de 50 % depuis 1982, alors que la population n'augmentait que de 20 %.

Ensuite, les résidences secondaires ne représentent que 10 % du parc de logements. Leur nombre a augmenté de 35 % en vingt ans, alors que les prix de l'immobilier augmentaient de 180 % : le premier phénomène ne suffit pas à expliquer le second.

Par conséquent, le groupe INDEP ne votera pas ce texte. Certes, il convient de soutenir l'action des collectivités territoriales en matière de logement, mais cette proposition de loi se limite à créer des taxes sur les résidences secondaires. S'il suffisait de taxer les Français pour résoudre le problème du logement, il aurait été résolu depuis longtemps...

M. Ronan Dantec. - Absolument !

Mme Colette Mélot.  - En matière de prélèvements obligatoires, la France est déjà au deuxième rang des pays de l'OCDE.

De plus, en matière de logement, les communes et intercommunalités sont l'échelon de proximité : pourquoi créer une taxe au bénéfice des régions ?

Ce texte apporte une mauvaise solution à un vrai problème. (M. Bruno Belin applaudit.)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Personne ne peut plus simplement vivre ici » : ainsi chantait Jean Ferrat, parlant de la société moderne qui contraint les jeunes à quitter « un à un le pays pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés »...

Désormais, c'est l'inverse : nombre de jeunes veulent revenir vivre au pays, mais ils ne le peuvent plus. Airbnb oblige, l'augmentation des prix les force à se loger toujours plus loin. Cette ségrégation sociale et spatiale se développe à grande vitesse.

La proposition de loi de Ronan Dantec montre que nous pourrions agir, modestement, à deux niveaux : l'effet de la multiplication des résidences secondaires sur les prix de l'immobilier et la maîtrise foncière des villes.

Ce texte répond à de nombreuses sollicitations d'élus, dont le collectif des maires du Val de Saire qui dénonce les conséquences du phénomène : baisse de la population permanente, accélération du vieillissement, fermeture de services publics.

Nous entendons les inquiétudes des élus communaux sur la place que l'article 1er réserve aux régions ; mais l'amendement d'Isabelle Briquet qui le réécrit pour décorréler taxe foncière et THRS me semble y répondre. Il reprend un amendement voté par le Sénat dans le projet de loi de finances et supprimé par le 49.3. Le rétablir serait un signal fort aux collectivités territoriales.

L'article 2, qui renforce les EPFL, devrait recueillir un large assentiment. Certes, monsieur le ministre, vous pourriez tout aussi bien augmenter leur dotation, mais il n'est pas sûr que vous choisissiez cette voie...

Donnons à nos collègues élus locaux la possibilité d'agir en toute autonomie fiscale. Ce serait une décision magnifique de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Isabelle Briquet et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

Mme Nicole Duranton .  - La hausse vertigineuse des prix de l'immobilier depuis l'an 2000 contraint les populations à se loger toujours plus loin de leur région d'origine ou de leur travail.

Mais un logement sur dix étant une résidence secondaire, leur augmentation n'est pas le seul facteur de la hausse des prix.

De plus, tous les jeunes ne souhaitent pas rester dans leur commune d'origine. Il peut être sain, pour un jeune, de vouloir quitter sa commune à la recherche d'autres horizons.

M. Daniel Breuiller.  - On ne veut pas l'interdire !

Mme Nicole Duranton.  - Beaucoup de résidences secondaires n'ont de secondaire que le nom, car elles contribuent au dynamisme des territoires et à leur attractivité économique.

Dans les années 1960, mon père, adjoint au maire dans une commune de Normandie, se réjouissait de l'engouement des Parisiens pour les longères. Cela permettait d'entretenir le patrimoine bâti et les propriétaires devenaient souvent des résidents permanents à la retraite.

Avec ce texte, vous proposez une réorganisation du marché locatif pour dissuader les propriétaires de conserver leur résidence secondaire.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a voté un amendement élargissant le dispositif de la surtaxe à la THRS. Conservons cet équilibre ; sinon, les seuls qui seront amenés à céder leurs biens seront les propriétaires en difficulté financière. Ce n'est pas juste.

Les régions ne sont pas l'échelon pertinent pour une nouvelle surtaxe, d'autant qu'elles ne sont pas demandeuses de cette ressource.

M. Ronan Dantec.  - Cela dépend desquelles !

Mme Nicole Duranton.  - Avec la double augmentation de la THRS, vous créerez un prélèvement confiscatoire pour des propriétaires qui, parfois, ont seulement hérité d'un bien et considèrent avoir une obligation morale de le conserver. Évitons les caricatures.

La commission des finances n'a pas adopté cette proposition de loi, c'est un signal fort.

Le groupe SER propose d'amender l'article 1er pour décorréler TFPB et THRS. C'est sans doute plus consensuel, mais cela n'améliorerait pas l'état du droit. La corrélation des taux était une mesure d'équité, et non un principe jacobin.

Moins représentés aux conseils municipaux, les propriétaires de résidences secondaires paient la taxe foncière, comme les résidents permanents, alors qu'ils ont moins recours aux services publics locaux. De plus, ils ne sont pas concernés par la suppression de la taxe d'habitation. N'allons pas plus loin : justice fiscale, oui, racket fiscal, non !

Cette proposition de loi ne répond pas au problème : le RDPI votera contre.

Mme Isabelle Briquet .  - Cette proposition de loi répond à un réel besoin, celui de lutter contre la hausse des prix de l'immobilier pour que chacun puisse se loger. Elle appelle une réponse politique pour lutter contre la fracture territoriale.

L'inégalité face au logement accentue les autres inégalités sociales, comme l'accès au travail, à l'éducation, aux soins ou aux loisirs.

Donnons la possibilité aux ménages d'habiter dans leur bassin de vie, près de leur travail ou des services publics. Pour cela, il faut doter les communes des outils nécessaires.

Ce sujet entre en résonance avec l'application du ZAN qui nécessite un accompagnement des élus locaux.

Le groupe SER partage les objectifs de cette proposition de loi, qui est de permettre à nos concitoyens de rester vivre au pays. C'est pourquoi nous avons déposé trois amendements pour renforcer l'efficacité du dispositif.

Nous proposons d'abord de réécrire l'article 1er afin de décorréler TFPB et THRS : la corrélation a des conséquences lourdes pour les communes touristiques, où la transformation des résidences principales en résidences secondaires entraîne un étiolement des activités sociales et économiques. Les communes pourront agir plus librement sur la THRS tout en prenant en compte les besoins locaux.

Notre amendement reprend la version présentée par Philippe Bas dans le projet de loi de finances pour 2023, et adoptée très largement par le Sénat. Puisque nous partageons l'objectif, nous pouvons nous entendre. Je ne comprendrais pas un revirement de notre assemblée sur cet amendement, au seul motif qu'il serait porté par d'autres.

L'éloignement des populations dû à la hausse de l'immobilier touche les jeunes ménages, avec des conséquences sur la vie des communes. Ce phénomène concerne aussi les zones moins denses. Nous proposons donc un article additionnel après l'article 1er pour que toutes les communes qui le souhaitent puissent majorer le plafond de la THRS, la majoration étant portée de 60 à 100 %.

L'article 2 crée une taxe au bénéfice des EPF, outils importants pour l'aménagement du territoire.

Cette proposition de loi a le mérite de traiter un sujet primordial. C'est une première avancée à compléter. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Pascal Savoldelli .  - Cela va sans dire : il est du devoir de l'État de garantir le droit au logement. Or les gouvernements successifs ont relégué la politique du logement. La loi Elan a mis en difficulté les bailleurs sociaux, avec des conséquences sur le logement social - le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.

Le droit au logement n'est donc pas devenu une norme, un droit, une réalité. La fondation Abbé Pierre dénonce une situation alarmante. Dans mon département du Val-de-Marne, les demandeurs de logement se comptent en dizaines de milliers.

Fin mars, nous disposerons du bilan triennal de l'application de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU). Dans mon département, près d'un quart des villes n'en respectent pas les obligations.

Nos collègues du GEST ont évoqué la loi NOTRe, contre laquelle le groupe CRCE avait voté, déposant un amendement pour que le droit à un logement décent reste de la compétence de l'État. C'était en janvier 2015 ; c'est toujours d'actualité.

Au départ, nous comptions nous abstenir sur ce texte à cause de l'article 1er : la région n'a pas la compétence du logement et elle n'aurait pas été obligée d'y affecter le produit de la taxe. Mais l'amendement du groupe SER le réécrit dans un sens plus conforme à nos positions.

Je me réjouis que le débat parlementaire porte ses fruits et que nous obtenions un consensus transpartisan. C'est pourquoi nous voterons l'amendement d'Isabelle Briquet et la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Se loger de manière décente est une nécessité. Nous constatons dans les territoires un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande.

Dans mon département des Hautes-Alpes, la déconnexion entre les biens et les prix suscite des difficultés, notamment pour les jeunes. Le maire d'une commune du domaine de Serre Chevalier, par exemple, est locataire, n'ayant pas les moyens d'acheter dans la municipalité qu'il administre...

Le recours au levier fiscal fait l'objet d'un débat récurrent. Le 1er janvier 2023 la suppression, regrettable, de la taxe d'habitation est entrée en vigueur, mais il reste la THRS pour les locaux meublés et propres à l'habitation.

Notre assemblée devrait se pencher sur les dispositions fiscales applicables aux résidences meublées. Élu d'une commune de montagne, je propose que les multipropriétaires soient obligés de louer une partie de leur patrimoine immobilier en résidences permanentes. Cela ne pénalisera pas l'attractivité.

Ce texte procède d'une belle ambition et de volontés louables, mais les réponses proposées ne sont pas adéquates. L'article 1er accroît la capacité d'action des régions, alors que l'échelon régional n'est pas le plus pertinent en matière de logement. Les conseils régionaux ont peu investi ce champ, qui relève historiquement du bloc communal, et ne sont pas demandeurs d'une telle évolution.

Le caractère facultatif du dispositif pose aussi problème : il pourrait entraîner une concurrence fiscale entre les territoires. La THRS demeure une source de revenus pour le bloc communal, surtout depuis que les communes peuvent en majorer le taux. J'apprécie les propos rassurants du ministre sur la possibilité de mobiliser cette taxe à partir de 2024.

Enfin, le rapporteur a raison de souligner le risque d'inconstitutionnalité, le cumul de taxes pouvant conduire à un taux d'imposition de 86 % de la valeur locative, un niveau probablement confiscatoire.

Le groupe UC votera contre ce texte, mais il appelle de ses voeux un traitement global des enjeux d'accès du logement. En la matière, les sujets ne manquent pas. La mise en oeuvre du ZAN sera l'occasion d'aborder ces questions. En particulier, il est indispensable de reterritorialiser les objectifs du ZAN pour préserver une constructibilité minimale dans les petites communes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je partage le constat de M. Dantec. Il est primordial d'agir pour contenir les excès constatés dans certaines zones tendues, qui conduisent à une transformation accélérée de l'habitat.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, la part des résidences secondaires est de 15 % et dépasse 50 % dans certaines communes du littoral. Plus de 900 résidences secondaires apparaissent chaque année, dont 600 étaient auparavant habitées de façon permanente.

Ce phénomène entraîne une raréfaction des locations durables. Les conséquences sont alarmantes : flambée des prix, multiplication des locations précaires sur dix mois. Cette spirale infernale touche d'abord les jeunes et les personnes fragiles, obligés de s'éloigner toujours plus loin des centres. (M. Ronan Dantec acquiesce.)

Vingt et une communes basques ont été placées en zone tendue. Toutes ont mis en place la majoration maximale de la taxe d'habitation, indépendamment des sensibilités politiques, mais cela ne suffit pas. Dès le 1er mars, la communauté d'agglomération du Pays basque expérimentera un système de compensation : pour tout bien placé en résidence secondaire, il faudra proposer un bien en location à l'année.

Face à une crise globale du logement, les élus de tous bords cherchent des solutions. Créer de nouvelles taxes au bénéfice des collectivités territoriales est toujours alléchant, et je ne doute pas qu'elles en feraient bon usage. Mais soyons réalistes : une taxe supplémentaire ne suffira pas - même si, monsieur le rapporteur, le besoin de recettes est réel.

La réponse passe d'abord par la production de logements sociaux et l'accession à la propriété. Or la construction devient insoutenable pour les bailleurs sociaux. Les coûts explosent, et, à force de leur avoir fait les poches, ils n'ont plus de fonds propres suffisants.

Nous avons besoin d'un nouveau modèle de financement du logement social. Pour éviter l'éviction des classes moyennes, réformons le bail réel solidaire (BRS) et le bail réel immobilier (BRI). Supprimons aussi les avantages fiscaux dont bénéficient les locations saisonnières, que le Gouvernement a reconduits en loi de finances contre l'avis du Sénat. Le nombre maximal de jours de location saisonnière est une autre piste à explorer.

Par ailleurs, la procédure de changement d'usage ne devrait plus être une simple formalité, mais s'appuyer sur un véritable agrément pour donner la main aux maires en leur permettant d'exercer un réel contrôle.

Cela renvoie à la responsabilité de l'État, qui devrait être animateur et stratège et non prescripteur de normes et censeur impitoyable. C'est ainsi que nous relancerons des parcours résidentiels actuellement figés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le 1° du b du 1 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « peuvent » est remplacé par le mot : « peut » et le mot : « augmentés » est remplacé par le mot : « augmenté » ;

3° Au dernier alinéa, le mot : « doivent » est remplacé par le mot : « doit » et le mot « diminués » est remplacé par le mot : « diminué » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale ne peut être augmenté dans une proportion supérieure à 25 % de la moyenne des taux constatés dans la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours des six années précédentes. »

II.  -  Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

....  -  La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme Isabelle Briquet.  - Dans un souci de consensus, nous reprenons l'amendement de M. Bas adopté par notre assemblée dans le cadre de la loi de finances pour 2023.

Il s'agit de décorréler la THRS de la TFPB afin de lutter contre l'éviction des populations dans les zones à fort potentiel touristique. Les communes pourraient agir plus librement, au plus près des besoins locaux - l'échelon régional, en effet, n'est pas pertinent.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Cet amendement n'a que peu de rapport avec l'article 1er.

Certes, la question soulevée est légitime, mais l'amendement est prématuré : une proposition de loi est en cours d'élaboration sur le ZAN, et notre commission des finances mènera une mission de contrôle sur les EPFL.

La solution ne passe pas forcément par la hausse de la fiscalité locale. Laissons le temps aux articles 73 et 74 de la loi de finances pour 2023 de faire effet. En l'état, retrait, sinon avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Même avis.

M. Ronan Dantec.  - Ma proposition de loi vise à renforcer les moyens des collectivités territoriales en faveur du logement. L'amendement de Mme Briquet s'inscrit parfaitement dans cet objet.

La loi NOTRe a donné aux régions une compétence en matière de logement. Certes, toutes ne s'en sont pas encore saisies, et les mégarégions compliquent les choses - nous n'avons pas fini de payer les errements de Manuel Valls... Reste que les régions devraient investir ce champ, compte tenu de leur puissance économique. Il est faux de dire qu'elles ne veulent pas de ce dispositif, au demeurant optionnel.

Nous restons régionalistes - contrairement à nos collègues communistes - mais voterons ce dispositif que le Sénat a déjà très largement adopté. Le 49.3, non démocratique, a empêché cette mesure de prospérer. Retrouvons le même consensus qu'en loi de finances !

Mme Frédérique Espagnac.  - Cet amendement apporte une réponse consensuelle et efficace aux difficultés structurelles qui touchent de nombreux territoires : les Pyrénées-Atlantiques, mais aussi la Corse, la Bretagne... Lors de l'examen de la loi de finances, nous avons déjà voté la déliaison, sur l'initiative de Philippe Bas.

Monsieur le rapporteur, il y a urgence : les communes attendent des décisions rapides pour endiguer l'exode des populations locales. Le Gouvernement a commis l'erreur de ne pas retenir cet apport du Sénat dans le cadre du 49.3. Soyons efficaces et pragmatiques pour venir en aide aux jeunes et aux plus fragiles. Des mesures sont prévues pour éviter les effets d'aubaine.

M. Max Brisson.  - Mon intervention sera complémentaire de celle de Mme Espagnac.

Monsieur le rapporteur, je comprends une partie seulement de vos réserves. Lorsque vous dites que la disposition est prématurée, vous parlez comme Gabriel Attal. Il y a urgence ! Nous ne pouvons retourner dans nos territoires sans solution. Les répercussions sociales et politiques de cette crise risquent d'être très graves.

J'étais en colère lorsque le Gouvernement n'a pas retenu l'amendement de Philippe Bas. Je serai cohérent avec moi-même : je voterai de nouveau ce dispositif, devenu l'amendement Bas-Briquet. Donnons aux communes les moyens d'agir ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe SER et du GEST)

Mme Isabelle Briquet.  - Il n'y a rien de prématuré. L'attente est forte, et adopter cette mesure n'obérerait aucune évolution future.

M. Michel Canévet.  - En Bretagne aussi, nous rencontrons des problèmes croissants, et pas seulement sur le littoral. Il est temps d'agir.

On nous parle de dispositions qui ne s'appliqueront qu'en 2024, et pour 4 000 communes seulement - choisies selon quels critères ? En Bretagne, il y a des zones tendues partout.

Décorréler les taux des taxes est absolument nécessaire : laissons aux élus locaux la liberté de définir leur stratégie fiscale et donnons-leur les moyens d'agir sur le logement. Je voterai cet amendement.

M. Daniel Breuiller.  - Dans la discussion générale, j'ai fait un lapsus signifiant en parlant de « décolération »... (Sourires) Oui, je suis en colère que le Gouvernement ait exclu du 49.3 la mesure votée par le Sénat, devenu l'amendement Bas-Briquet-Breuiller - car j'avais déposé en loi de finances un amendement identique...

Il n'est pas prématuré de faire un premier pas. Cette mesure ne réglera pas tout, mais mieux vaut faire ce pas que de rester en stand-by.

M. Pascal Savoldelli.  - Ce n'est pas ce texte qui résoudra le problème des 93 000 logements manquants dans mon département... Faisons donc preuve d'humilité.

Cet amendement n'est pas un cavalier, il affecte des moyens à un autre niveau de collectivités territoriales. J'y suis favorable.

Monsieur le rapporteur, il n'y a pas de travail prématuré lorsque nous débattons dans l'hémicycle.

Si l'amendement est adopté, nous voterons la proposition de loi ; dans le cas contraire, nous nous abstiendrons.

M. Rémi Féraud.  - Depuis mon élection, en 2017, j'ai été lanceur d'alerte sur la crise du logement liée aux résidences secondaires et meublés touristiques. Ce problème parisien s'est désormais étendu à de nombreux territoires, et cela va continuer.

Il ne s'agit pas d'empêcher les résidences secondaires, mais de maîtriser leur développement pour qu'elles n'empêchent pas les locaux de se loger. Max Brisson et Frédérique Espagnac avaient fait adopter un amendement au projet de loi de finances sur les meublés touristiques, malheureusement non retenu dans le 49.3. Montrons notre détermination à répondre à ce problème croissant qui menace de nombreux territoires, bien au-delà des coeurs métropolitains.

M. Daniel Salmon.  - La France est championne du monde des résidences secondaires. Ce n'est pas un problème en soi, mais il est profondément injuste que de jeunes actifs soient contraints à de longues migrations pour se rendre à leur travail. C'est économiquement néfaste et écologiquement non soutenable, avec un gâchis d'énergie et des pollutions multiples.

Le Sénat peut se grandir encore une fois en adoptant une position transpartisane. Il s'agit aussi de défendre l'autonomie fiscale. De plus en plus de territoires sont soumis à cette pression, y compris loin du littoral - en Bretagne, je pense à Paimpont.

Mme Christine Lavarde.  - Nous voyons bien le tour de passe-passe du groupe SER pour tenter de nous mettre en porte à faux. Les mesures fiscales relèvent de la loi de finances. Vous prétendez résoudre avec cet amendement de multiples problèmes : crise du logement, autonomie fiscale...

En loi de finances, le Gouvernement nous avait promis moult groupes de travail ; jusqu'ici, nous n'avons reçu aucune invitation. (M. Ronan Dantec le confirme.) Le Gouvernement a reporté de deux ans la réforme des valeurs locatives, pourtant totalement déconnectées de la valeur d'usage et de la valeur vénale. Il y a aussi des injustices en matière de résidence principale. (M. Jean-Raymond Hugonet renchérit.)

Nous voterons contre cet amendement, qui ne traite qu'une petite partie du problème. Il y a urgence à s'attaquer à la réforme de la fiscalité locale de manière globale. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud.  - L'amendement de Mme Briquet fait consensus auprès des élus locaux, qui veulent asseoir la fiscalité des résidences secondaires sur une base différente de celle des locaux. Dans sa majorité, le groupe centriste le votera. Les multipropriétaires doivent être contraints de mettre sur le marché une partie de leurs biens en location permanente.

Mme Sylvie Vermeillet.  - J'associe Denise Saint-Pé à ma prise de parole. Je voterai cet amendement, en cohérence avec la position prise en loi de finances.

Il faut privilégier les résidences principales. En 2023, la hausse des valeurs locatives fera exploser la taxe foncière. Il y a urgence à décorréler pour protéger les habitants de nos territoires !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Au travers de cet amendement, vous réécrivez la fiscalité locale. Nous allons nous y atteler dans les prochaines semaines. La corrélation est un principe général de la fiscalité locale. Devons-nous la repenser via un amendement ?

M. Ronan Dantec et Mme Frédérique Espagnac.  - L'amendement a déjà été voté !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Les régions demandent-elles cette taxe ? Non, selon l'Association des régions de France (ARF). Il s'agit aussi de savoir quelle force nous voulons donner aux Sraddet, qui tendent à devenir le principal document de planification.

Les EPFL du littoral sont très demandeurs, mais pas les autres, qui préfèrent être associés à la mission de contrôle. Le bloc communal est-il demandeur d'une telle décorrélation ? Je ne sais pas. Prenons quelques semaines de plus pour travailler sérieusement et inventer une fiscalité locale verte.

M. Guillaume Gontard.  - Cette proposition de loi ne porte pas sur la fiscalité régionale. L'amendement de Mme Briquet réécrit en partie le texte pour le concentrer sur une urgence absolue. Nous représentons les territoires : tous formulent cette demande...

En Isère, ce sujet dépasse le cas des seules stations. Il faut que les jeunes puissent accéder à un logement à un prix correct.

Nous avons aussi enlevé l'autonomie financière des communes, ce qui pose problème.

Je ne comprendrais pas que notre assemblée ne vote pas cette mesure !

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Le Gouvernement est à l'écoute du Sénat sur le sujet. Supprimer la taxe d'habitation sur les résidences principales augmente de fait la différence de fiscalité entre les résidences principales et secondaires. Nous allons revoir la cartographie, en lien avec les associations d'élus. Le décret sera publié rapidement, pour que les communes augmentent leurs taxes en 2024.

M. Jean-Claude Requier.  - Je suis un peu à contre-courant : je suis réservé sur la décorrélation. Je n'ai donc pas voté l'amendement de Philippe Bas - je ne parle pas de celui d'hier... (Sourires) Souvent, les propriétaires de résidence secondaire ne sont pas élus au conseil municipal. Celui-ci peut donc être tenté de taxer fortement les résidences secondaires. Il faut éviter cette dérive.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement 1 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°120 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 153
Contre 165

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

APRÈS L'ARTICLE 1er

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa du I de l'article 1407 ter du code général des impôts, les mots : « Dans les communes classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l'article 232, » sont supprimés et le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».

Mme Viviane Artigalas.  - La part des ménages propriétaires de leur résidence principale ne progresse plus depuis 2010, tandis que la part de résidences secondaires et de logements occasionnels ne cesse d'augmenter. D'où un sentiment d'abandon et d'injustice chez les jeunes.

Nous voulons étendre la possibilité de majorer le plafond de la THRS à toutes les communes qui le souhaitent, y compris en zones non tendues, notamment rurales, en application du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Faisons confiance aux maires ! La majoration pourrait également atteindre 100 %, comme le propose le Conseil des prélèvements obligatoires.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Cet amendement, récurrent à chaque loi de finances, vise à contourner la règle de liaison des taux afin de peser davantage sur une catégorie de contribuables, d'une manière peu justifiée au regard des nécessités de l'action publique.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires propose d'élargir le périmètre de la taxe, mais en s'en tenant aux seules zones tendues.

Attendons de voir comment s'applique l'extension du zonage votée en loi de finances : retrait ou avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l'article 232

Mme Viviane Artigalas.  - Nous élargissons le dispositif optionnel à l'ensemble des territoires. La liste des communes actuellement concernées n'est toujours pas connue, faute de décret d'application.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Cet amendement ne corrige pas l'une des difficultés de l'article 2, à savoir l'inégalité de traitement selon que le logement est situé dans le périmètre d'un EPFL ou d'un EPFE. Il crée en outre une taxe dans les zones non denses, où les résidences secondaires sont plutôt source d'attractivité. Cela pourrait aller à l'encontre des choix des élus locaux. Avis défavorable.

M. Franck Riester, ministre délégué.  - Même avis.

M. Ronan Dantec.  - Nous nous sommes limités aux seules zones tendues pour éviter tout risque constitutionnel, sachant que le taux n'a rien de confiscatoire et que l'État lui-même reconnaît les difficultés en zones tendues.

Vous avez tous reçu un courrier du réseau des EPFL soutenant notre proposition. Ceux-ci ne peuvent répondre à la demande croissante, qui augmentera encore avec le ZAN. C'est le bloc communal qui décide ; l'autonomie fiscale des communes est préservée.

Oui, il faut des recettes. Soit les EPFL augmentent le taux pour la totalité des taxes, y compris la fiscalité économique, soit ils limitent l'augmentation aux résidences secondaires, qui déstabilisent le marché dans les zones tendues.

Je ne vois aucune raison de ne pas voter cet article.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Encore une fois, l'urgence absolue concerne les EPFL du littoral.

M. Ronan Dantec.  - Vous avez pourtant reçu le courrier !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur.  - Les autres EPF peuvent avoir une approche différente.

Les EPF fonctionnent à partir de dotations budgétaires de l'État. Nous n'avons pas encore connaissance d'une éventuelle baisse de celles-ci. À ce stade, une telle proposition paraît prématurée.

M. Daniel Breuiller.  - Notre position est constante : nous soutenons l'intelligence territoriale et souhaitons donner plus d'autonomie aux maires et aux présidents d'intercommunalités.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos avis détaillés ! Le rapporteur partage notre volonté de donner plus de moyens, même s'il juge notre texte prématuré. Les EPFL ont besoin de moyens dont ils ne disposent pas pour répondre aux besoins. Nous n'augmentons pas la fiscalité, nous donnons aux élus locaux la possibilité de choisir les politiques qu'ils entendent mener sur leur territoire.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

M. Paul Toussaint Parigi.  - Chacun l'a dit : la situation est grave, mais peut-être pas désespérée. Ce texte a le mérite de soulever les problèmes. J'entends les réticences, mais ayons conscience que le débat ne pourra pas toujours être reporté !

Les habitants de nos régions sont menacés. Défendre le droit de vivre au pays, c'est éviter le déracinement de populations attachées à leur terre, leur culture et leurs traditions. Cet exode serait préjudiciable à la richesse même de nos régions. La Corse conjugue un taux très élevé de résidences secondaires - 40 %, et 60 % dans les zones touristiques - avec un afflux démographique important. Cela entraîne une spéculation effrénée, et les infrastructures sont inadaptées pour traiter l'eau ou les déchets.

Nous devons résoudre ces problèmes de manière consensuelle et vertueuse. (Applaudissements sur les travées du GEST)

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°121 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption  77
Contre 249

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple »

Discussion générale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale, à la demande du GEST.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les assemblées parlementaires se sont penchées sur la question sensible et complexe des militaires « fusillés pour l'exemple ». Les débats ont toujours transcendé les clivages politiques, car personne n'a le monopole de l'émotion.

Nous parlons de 639 militaires condamnés à mort par la justice militaire d'un pays au bord du gouffre, dans la panique des premiers revers, alors que le consensus social d'alors exigeait de la sévérité. Il y eut parmi eux des tirés au sort, même si cela fut exceptionnellement rare : ceux-là ont été réhabilités.

Nul ne peut contester l'application, dans bien des cas, d'une force injuste de la loi. Les contemporains s'en sont émus, les historiens l'ont confirmé, les plus hautes autorités de la République l'ont reconnu.

C'est Lionel Jospin, en novembre 1998, au chemin des Dames, demandant que ces soldats « fusillés pour l'exemple » réintègrent pleinement notre mémoire collective nationale.

C'est le président Sarkozy, en 2008, évoquant ceux qui n'ont pas résisté à la pression trop forte, à l'horreur trop grande, qui un jour sont restés paralysés au moment de monter à l'assaut ; ces hommes qui étaient allés jusqu'à l'extrême limite de leurs forces ; ces hommes comme nous, qui auraient pu être nos enfants, qui furent les victimes d'une fatalité qui dévora tant d'hommes.

C'est le président Hollande appelant, en 2017, non plus à juger mais à rassembler, évoquant ces soldats qui aimaient leur patrie mais qui n'étaient que des hommes, faillibles, confrontés à la démesure d'une guerre sans limites, et dont le souvenir appartient aujourd'hui à la Nation.

Le travail des historiens fait consensus. Les archives de ces procédures sont accessibles en ligne ; en lisant les jugements parfois sommaires, on comprend que la part laissée à la défense avait été faible, les témoins trop souvent ni recherchés ni entendus.

Il y a aussi un consensus sur la mémoire : la volonté de ces hommes avait été abolie par la violence des combats. On connaît aujourd'hui les syndromes post-traumatiques, les effets psychologiques des bombardements.

Oui, il faut faire mémoire de ces hommes, mais pas dans n'importe quelles conditions. Pourquoi écarter cette proposition de loi en l'état ? Pour maintenir un troisième consensus, sur la méthode. Dans les années 1920 et 1930, les assemblées n'ont pas dévié d'un principe : à une condamnation individuelle ne peut répondre qu'une réhabilitation individuelle, au nom de la séparation des pouvoirs.

En 2016, Jean-Marc Todeschini, à qui la mémoire des fusillés doit tant, écartait une réhabilitation générale, arguant que si la plupart des « fusillés pour l'exemple » ont été condamnés par l'arbitraire d'une justice militaire expéditive, certaines condamnations étaient hélas légitimes. On ne peut répondre à une injustice par une autre injustice, à un arbitraire par un autre arbitraire. Regardons l'histoire en face, mais ne cédons pas à deux tentations dangereuses : la réécrire ou rejuger.

La diversité des situations individuelles appartient non au législateur mais aux historiens. La réhabilitation est du ressort de la justice. Passer outre, c'est déroger au principe essentiel de séparation des pouvoirs. L'inscription sur les monuments aux morts bute sur le fait que ces hommes n'étaient pas tous innocents. Peut-on panser les blessures du passé en braquant une large partie du monde combattant ?

Cette proposition de loi laisse aussi des zones d'ombre sur la procédure. Cela rejaillira sur les maires : devront-ils faire leurs propres recherches ? Le texte ne le dit pas.

Une procédure collective ne répond pas à l'hétérogénéité des cas individuels. Dès lors, soit vous rejetez la proposition de loi pour éviter ses effets généraux, soit vous l'amendez. Ne prenez pas le risque de son adoption en l'état, sous le coup d'une légitime émotion.

M. Rachid Temal.  - Un siècle plus tard...

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État.  - L'amendement déposé par M. Gattolin répond à ces remarques. Avec le président Patriat, il a recherché un compromis qui satisfait le monde combattant. En l'adoptant, vous voteriez un texte de conciliation et de réconciliation. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

La séance est suspendue à 12 h 55.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

Mise au point au sujet de votes

M. André Gattolin.  - Lors du scrutin public n°120, M. Didier Rambaud souhaitait voter pour, M. Alain Richard souhaitait voter contre.

Mme le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Modification de l'ordre du jour

Mme le président.  - Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du jeudi 16 février matin et, éventuellement, l'après-midi, après l'examen de la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, sous réserve de leur dépôt.

Il en est ainsi décidé.

Réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Guillaume Gontard, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur quelques travées du GEST) Le 10 mars 2015, les poilus de la 21e compagnie du 336e régiment d'infanterie refusent d'aller à une mort certaine. Vingt-quatre sont tirés au sort ; quatre caporaux sont fusillés à mort par leurs propres camarades, quelques heures avant que n'arrive la grâce.

Le 14 juin 1915, Joseph Gabrielli, blessé, ne parlant que le corse, ne parvient pas à rejoindre sa compagnie. Condamné à mort pour abandon de poste, il est fusillé pour l'exemple.

Le 21 mai 1916, quatre soldats ayant retardé d'une heure le départ de leur compagnie sont fusillés pour l'exemple.

Des récits semblables, glaçants d'injustice et qui confinent à l'absurde, les historiens en ont recensé des centaines.

Les conseils de guerre instaurés par le décret du 6 septembre 1914 ont donné droit de vie et de mort aux gradés sur leurs soldats : même sans conseil de guerre, les officiers pouvaient exécuter sommairement les soldats dont la conduite était jugée dangereuse.

En France plus qu'ailleurs, la justice militaire était implacable et voulait faire des exemples, ne laissant le choix qu'entre une mort certaine ou probable. Celui qui refusait de tirer prenait la place de son camarade.

Dès août 1914, le ministre de la guerre endossait cette responsabilité en prônant l'exemple.

Le rapport des historiens dirigés par Antoine Prost a dénombré plus environ 740 fusillés pour l'exemple. À la demande de l'ancien secrétaire d'État Kader Arif, le service historique de la défense a recensé 639 soldats fusillés pour l'exemple, 141 pour faits de droit commun et 126 pour espionnage.

La présente proposition de loi réhabilite ces 639 soldats. Sont-ils morts pour la France, comme le considèrent les maires qui ont inscrit leurs noms sur les monuments aux morts ? Ce qui est certain, c'est qu'ils ont été tués par la France.

Ce serait accepter l'histoire dans toute sa complexité, sans la réécrire, que de reconnaître que, prise à la gorge, la République a commis une lourde faute en confiant à des conseils de guerre spéciaux la mission de rendre justice. Ce n'est pas porter un jugement de valeur sur des faits vieux d'un siècle. Chacun sait combien il est difficile de gouverner un pays assailli. Il ne s'agit pas non plus de blâmer l'armée.

Mais dans ces graves circonstances, des centaines d'hommes ont été victimes d'un déni de justice qui entache notre mémoire collective. L'opprobre s'est abattu sur leurs familles, voire leurs communes. Quelle est la distinction entre celui tiré au sort et fusillé, et celui qui a aussi refusé d'aller au feu, mais qui est mort au combat ensuite ?

En 1916, les conseils de guerre spéciaux ont été supprimés. En 1917, seule une trentaine de soldats mutins a été condamnée à mort. L'essentiel des fusillés l'ont été en 1914 et 1915. Les travaux d'historiens ont montré le rôle de certains officiers particulièrement zélés.

Au lendemain de la guerre, la réhabilitation des fusillés était consensuelle. Entre les deux guerres, le Parlement adopte largement plusieurs textes pour réparer les erreurs commises : loi d'amnistie en 1921, lois pour faciliter les procédures de réhabilitation, réforme du code de justice militaire en 1928, création d'une cour spéciale de justice entre 1932 et 1935, aboutissant à la réhabilitation de 10 % des fusillés. C'est peu, car il fallait des témoins, une forte implication des familles et des associations, inaccessible pour les familles modestes.

Une réhabilitation au cas par cas serait idéale, mais elle est impossible : il manque plus de 20 % des dossiers ; certains sont vides ou incomplets. La réhabilitation ne peut être que collective.

Le temps de la justice est passé, celui des historiens aussi. Au politique de se prononcer sur la mémoire de la Nation. En 1998, à Craonne, Lionel Jospin a souhaité que ces fusillés réintègrent la mémoire nationale. Nicolas Sarkozy les a évoqués à Douaumont en 2008, puis en 2009 sous l'Arc de Triomphe. En 2014, sous la présidence de François Hollande, un espace leur a été consacré au sein du musée de l'Armée.

Deux mille communes, trente-et-un départements et six régions ont adopté des voeux pour les réhabiliter. Des monuments ont été érigés, y compris dans l'Aisne.

Le Sénat s'est déjà prononcé sur une proposition de loi de Guy Fischer. Désormais, cette proposition de loi de Bastien Lachaud a été adoptée par l'Assemblée nationale. Notre commission des affaires étrangères a voté, à une courte majorité, contre ce texte, estimant qu'il posait un problème juridique, et préférant des réhabilitations individuelles. Certains craignaient une réécriture de l'Histoire.

Personnellement, j'estime que le Parlement doit conclure ce qu'il a commencé en 1916, alors qu'une nouvelle guerre de tranchées se déroule en Ukraine. Nul ne devrait être condamné à mort sommairement en raison d'un moment de doute ou d'effroi avant une bataille d'infanterie. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que des groupes SER et CRCE ; M. André Guiol applaudit également.)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est délicat de considérer l'histoire avec les yeux et les mentalités aujourd'hui. Comment nos actions seront-elles jugées dans un siècle ? Nul ne le sait. Notre vision semblera peut-être inappropriée...

En 1914-18, la guerre était totale. Chaque partie jouait sa survie. La France faisait face à l'Allemagne, puissance économique, industrielle et militaire considérable. Le traumatisme de 1870 hantait les esprits : une nouvelle défaite aurait signifié la fin de la France. Le niveau de violence de cette guerre industrielle, aux armes meurtrières et terrorisantes, était inouï ; les conditions de vie particulièrement dures. De nombreuses vies ont été sacrifiées en raison d'offensives inutiles ou d'erreurs de commandement.

Les combats de 1914 et 1915, les plus meurtriers et les moins préparés, ont conduit à de nombreux fusillés, comme l'établit le rapport Prost de 2013. De nombreux soldats étaient atteints de syndromes post-traumatiques, qui annihilaient leur volonté.

Pour autant, la France ne pouvait se permettre une désobéissance générale face à un ennemi coriace. Des mesures radicales ont été prises, conformes à l'esprit de l'époque et au climat de guerre.

Il me paraît néanmoins inapproprié de mettre sur un même plan ceux qui ont accompli leur devoir jusqu'au bout, y laissant la vie, et ceux qui n'ont pas voulu se battre. Je me garderai bien de juger ces derniers. Des réhabilitations ont eu lieu dès les années 1920.

Cette proposition de loi est l'occasion de rappeler la mémoire de cette guerre qui a épuisé les corps et les esprits, mais je ne la voterai pas.

Mme Colette Mélot .  - La jeunesse du XXIe siècle a connu les confinements ; celle du début du XXe siècle connaissait les tranchées, les gaz, les feux roulants et les shrapnells.

Nous avons du mal à nous représenter l'horreur des combats, malgré quelques lettres, et les traces d'écrivains comme Roland Dorgelès, Ernst Jünger ou Maurice Genevoix. En 2008 disparaissait Lazare Ponticelli, le dernier poilu. Les monuments aux morts, lieux fondamentaux de la République et de la Nation, rappellent la mémoire de ceux qui ont combattu.

La Première Guerre mondiale a fait 4 millions de blessés et tué près de 1,5 million de soldats français. On peine à se représenter l'ampleur du massacre.

Certains sont morts sous des balles françaises, condamnés à mort par une justice de guerre qui a exécuté des déserteurs, mais aussi des soldats tirés au sort et des fous. Le Parlement français a mis fin, dès 1916, à ces tribunaux spéciaux, simulacres de justice.

Plusieurs vagues de réhabilitation ont eu lieu, mais l'examen individuel n'est pas toujours envisageable, faute de dossier suffisamment exploitable. Nous sommes tous soucieux de leur mémoire et de la cohésion de la Nation.

Le rapporteur évoque des moments de faiblesse. À la guerre, ces moments n'ont-ils pas des conséquences funestes pour les autres soldats et pour la patrie ? Certes, nul ne doit être condamné à la peine de mort.

Nous sommes donc face à notre conscience. Chaque membre du groupe INDEP votera selon la sienne.

M. Guy Benarroche .  - C'est une loi de justice que nous examinons, qui revient sur le déni d'une justice militaire arbitraire, bafouant les droits à la défense. Elle rend leur honneur à des soldats parfois tirés au sort. Elle dépasse tout clivage partisan.

De nombreuses associations ont fait de cette réhabilitation un devoir. M. Gosselin, député de la Manche, évoquait à l'Assemblée nationale le cas de Théophile Maupas, réhabilité en 1932. Nicolas Sarkozy avait estimé que ces soldats ne s'étaient pas déshonorés, car ils avaient été jusqu'à la limite de leurs forces.

La Grande Guerre a décimé nos villages. Des conseils municipaux, départementaux et régionaux ont demandé justice pour ceux qui ne comprenaient pas les ordres ou qui étaient blessés.

Je remercie le rapporteur pour ses travaux.

L'examen au cas par cas, alors que 20 % des archives ont disparu, ajouterait de l'injustice. Les fusillés pour l'exemple n'ont commis aucun crime de droit commun ni d'espionnage. Au début d'un conflit si terrible, ils ont été accusés de mutilation volontaire ou d'abandon de poste. Dès 1925, un médecin légiste estimait qu'il était impossible de savoir si une blessure était volontaire.

J'entends les réticences de ceux qui craignent une loi de réécriture de l'histoire. Nous voulons non pas regarder le passé avec les yeux du présent, mais réhabiliter. Dès 1916, l'armée s'est interrogée sur ce simulacre de justice militaire et a supprimé les conseils militaires spéciaux.

Cette réhabilitation passe par la reconnaissance de ces 639 martyrs de l'armée. Ce sont des jeunes de 18 à 20 ans qui ont payé de leur vie cette justice arbitraire et méritent que leur nom soit inscrit sur nos monuments aux morts.

Prononçons-nous non sur l'histoire, mais sur la mémoire de la Nation. Rares sont les textes qui nous rassemblent pour la mémoire de notre pays. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. André Gattolin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de loi est particulièrement sensible. Quel statut accorder à ces 639 militaires condamnés pour désobéissance entre 1914 et 1918 et non réhabilités depuis lors ?

Disons-le clairement : par leurs actes, ils ne sont ni des héros ni des salauds. Ils sont morts par la France, mais pas pour la France. Toutefois, aucun n'a été condamné pour espionnage ou trahison. C'étaient juste des soldats qui, dans une guerre d'une férocité inouïe, ont refusé d'obéir aux ordres. En dépit des gestes de Lionel Jospin puis de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, ils demeurent des parias de la Nation. C'est inadmissible.

Reste que cette proposition de loi est entachée de nombreuses imperfections, voire de vices de constitutionnalité. Elle instruit une sorte de procès des autorités politiques, militaires et judiciaires de l'époque.

Historien de formation, j'examine toujours avec beaucoup de précautions les lois mémorielles. Nous sommes des législateurs, soucieux de ne pas enfreindre la Constitution. Il est dommage que nous n'ayons pas sollicité l'avis du Conseil d'État.

Je suis sceptique sur une réhabilitation collective du Parlement, en lieu et place d'un examen individuel par le juge. D'où mon amendement visant à substituer la notion de réinscription des militaires fusillés dans la mémoire nationale à celle, très discutable, de réhabilitation collective.

M. François Patriat.  - Très bien !

M. André Gattolin.  - Si je suis favorable à l'érection d'un monument à ces fusillés, je ne suis pas favorable à la précision selon laquelle ce monument leur rend hommage. Mon amendement a été rejeté par la commission, mais je regrette que davantage d'amendements n'aient pas été déposés, pour clarifier le sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. André Guiol applaudit également.)

M. Yannick Vaugrenard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Fusillés pour l'exemple : expression terrible et qui fait froid dans le dos. L'histoire et l'actualité nous enseignent que toute guerre a ses horreurs et laisse peu de place à l'humanité. Lorsque des humains défendent un territoire, la discipline collective fait partie de leur engagement. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit : ils avaient 18 ou 20 ans, combattaient dans des conditions atroces, progressant de tranchée en tranchée.

Nous pourrions penser que ces fusillés pour l'exemple étaient ceux qui refusaient cette irrationalité ; mais non, les condamnés de 1914 et 1915 étaient en retrait de la ligne de front et n'ont rien à voir avec les mutins de 1917. Lorsque la sentence tombait, pas de défense possible. Certains furent tirés au sort. Que dire de celui qui, refusant de porter le pantalon souillé de sang de son camarade mort, fut fusillé pour l'exemple le jour même ?

En 1916, le Parlement est revenu sur cette justice d'exception : 95 % des condamnés à mort furent graciés. Une forme de réhabilitation était en marche. Souvenons-nous que les familles des fusillés pour l'exemple souffraient de l'opprobre dans leur village et recevaient la facture de la balle et du poteau d'exécution.

Éric Orsenna l'écrit : « la mémoire est la santé du monde. » Ce devoir de mémoire, de compassion et de réparation doit s'inscrire au tableau d'honneur de notre assemblée. Reconnaissons combien les officiers sont aujourd'hui soucieux de préserver la vie et la santé de leurs soldats. C'était moins le cas en 1914 et 1915.

De nombreux historiens se sont penchés sur ces questions. Faire du cas par cas était juridiquement logique, mais, selon les historiens, en raison de la disparition des archives, une réhabilitation collective est préférable.

Les services historiques du ministère des armées ont estimé que 639 fusillés pour l'exemple n'étaient ni des traîtres ni des condamnés de droit commun. De nombreuses avancées ont permis de reconnaître les fautes commises. Notre collègue Jean-Marc Todeschini, alors secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire, rappelait en 2016 que cette histoire est désormais intégrée au musée de l'armée.

Aujourd'hui, nous devons franchir une dernière étape : la réhabilitation générale, qui serait à l'honneur de notre République. Je songe à ces jeunes gens et à leurs familles : redonnons-leur l'honneur d'appartenir à une communauté nationale capable de reconnaître ses erreurs. Je pense aussi que la jeunesse d'aujourd'hui approuverait cette démarche.

Cela serait reconnaître que la France est véritablement le pays des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Michelle Gréaume .  - Dans un monde en feu où les grandes puissances s'affrontaient pour le partage des ressources et des colonies, la guerre de 14-18 fut une accumulation d'horreurs, tant pour les soldats que les civils. Des milliers de militaires furent exécutés, fusillés ou abattus au détour d'une tranchée par un officier, pour rébellion ou appartenance à une association ouvrière pacifiste.

Je rends hommage à Guy Fischer, qui avait porté avec brio ces questions dans notre hémicycle. Notre groupe avait déposé en 2013 une proposition de loi mémorielle proposant une réhabilitation globale, car un siècle plus tard, il n'est plus possible de faire le tri.

Le parti pris du texte d'aujourd'hui est différent : il ne propose de réhabiliter que les hommes exécutés pour indiscipline. Nous avons fait le choix constructif de ne pas amender le texte.

Les histoires sont poignantes : que l'on songe aux blessés fusillés sur des brancards, ou à celui qui a refusé de porter le pantalon souillé de son frère d'armes.

M. Christian Cambon.  - Il a été réhabilité.

Mme Michelle Gréaume.  - Je salue le travail des associations.

Le sujet divise les tenants d'une discipline garante de l'intégrité nationale et les humanistes qui considèrent que ces hommes n'étaient ni des lâches ni des traîtres, mais usés par la violence des combats. Ils ne méritaient certainement pas la mort. L'indignité dont ils sont frappés doit être lavée.

En tant que communiste et républicaine, je suis convaincue que ce texte serait un geste fraternel à la mémoire de ces hommes vaincus par l'épuisement.

Certains préféreraient des réhabilitations individuelles, mais les historiens sont unanimes : près de 20 % des dossiers ont disparu. Une telle demande repousserait toute réhabilitation.

Le groupe CRCE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Olivier Cigolotti .  - Voilà un volet douloureux de la Première Guerre mondiale. Preuve en sont nos échanges en commission et les témoignages, forts. Je salue le travail précis et documenté de notre rapporteur, Guillaume Gontard.

La proposition de loi réhabilite les 639 fusillés pour désobéissance militaire : les actes individuels, comme le recul pendant l'assaut ou la mutilation volontaire, mettaient en péril la mobilisation générale. Le rapport Prost établit que certains de ces fusillés ont été exécutés pour des raisons sérieuses.

Cette question n'est pas nouvelle. Les associations, les anciens combattants et les élus se sont rapidement mobilisés. Les lois d'amnistie de 1919 et 1921 ont été votées à l'unanimité, complétées par d'autres dispositions : la loi du 9 août 1924 qui réhabilite les soldats exécutés sans jugement ; la loi du 3 janvier 1925 qui crée une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation ; la loi du 9 mars 1932 qui crée une cour spéciale de justice compétente pour réviser les jugements des conseils de guerre. Une quarantaine de cas ont ainsi été réhabilités, comme les fusillés de Vingré.

En 1998, Lionel Jospin a été le premier à réhabiliter les fusillés pour l'exemple à Craonne, avant Nicolas Sarkozy en 2008. Un espace leur est dédié au musée des Invalides, ainsi que sur le site « mémoire des hommes ».

Le travail juridique et historique, indispensable, a été réalisé.

Une réhabilitation collective et générale sous-entendrait que toutes les condamnations ont été prononcées à tort, ce que nous ne pouvons établir. Cette solution n'est pas satisfaisante : la réhabilitation doit être individuelle, et non résulter d'un texte général.

Dans sa grande majorité, le groupe UC votera contre ce texte, politiquement inadapté et à la limite des principes constitutionnels.

M. André Guiol .  - Ce texte nous replonge avec émotion dans l'un des plus tragiques épisodes de la Première Guerre mondiale, dans le quotidien atroce des soldats - la boue, les tranchées de « ceux de 14 ». Le poilu André Fribourg écrivait en 1915 ne pas s'être déshabillé ni déchaussé d'un mois, avoir passé toutes ses nuits par terre, s'être baigné avec des chevaux morts.

La Nation a reconnu les sacrifices de ses soldats. Mais une ombre subsiste au tableau d'honneur : les fusillés pour l'exemple.

Le législateur ne doit pas se conduire en historien : le travail a été fait en particulier par Antoine Prost, dans son rapport remis en 2013.

Notre émotion face au sort de ces soldats brisés, sans droit à la défense, est-elle anachronique ? Je ne le crois pas : le malaise a été reconnu dès 1916 et certains officiers ont été relevés de leurs fonctions. Je pense aussi à ceux qui ont tenu le fusil et qui, en pleurs, la boule au ventre, ont dû tuer leurs camarades. Quel traumatisme !

La réhabilitation, c'est rendre l'estime publique. Ici se rencontrent la justice et la discipline militaire : notre discernement doit nous conduire à construire la fraternité. La majorité du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Parmi les événements historiques qui jalonnent notre passé, aucun n'a davantage façonné le territoire et la société de l'Aisne que la Grande Guerre.

À Fontenoy, berceau de ma famille paternelle, une histoire me glaçait le sang lorsque j'étais enfant : celle du jeune soldat Lucien Bersot qui, en février 1915, portant toujours le même pantalon de toile blanc reçu à sa mobilisation et grelottant de froid, demanda un pantalon de laine, comme ses camarades, et reçut un pantalon déchiré, maculé de sang, récupéré sur le cadavre d'un soldat. Refusant de le porter, il fut condamné à huit jours de prison, avant d'être fusillé pour l'exemple.

Si Lucien Bersot a été réhabilité, aucun texte ne pansera toutes les plaies de ces années de violence meurtrière. La politique s'est déjà penchée sur l'injustice de leur sort.

L'intention des auteurs de ce texte est hautement honorable. Je salue le travail de Guillaume Gontard sur ce sujet, mais il n'appartient pas au législateur de réécrire l'histoire. Il lui revient de consacrer l'histoire comme disant quelque chose de la société aujourd'hui : quelle est la valeur de l'histoire si nous ne la lisons pas à la lumière de sa contemporanéité ?

Le législateur n'est pas l'historien. Réhabiliter collectivement, c'est mettre sous le même drapeau déserteurs, innocents, traîtres et mutilés volontaires. (Protestations sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Rachid Temal.  - Ce n'est pas le texte !

M. Antoine Lefèvre.  - De nouvelles réhabilitations au cas par cas sont sans doute nécessaires. Le travail de mémoire sur la Grande Guerre doit être poursuivi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - Je remercie nos collègues du GEST d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour. Adopté le 13 janvier à l'Assemblée nationale, il vise à réhabiliter les militaires fusillés pour l'exemple durant la Première Guerre mondiale, sujet hautement sensible.

Il convient de replacer les faits dans leur contexte : la Grande Guerre a mobilisé des dizaines de milliers d'hommes dans le monde, faisant des millions de morts, de veuves, de mutilés.

Rapporteur spécial de la commission des finances pour la mémoire et le monde combattant, je sais l'important travail réalisé à l'occasion du centenaire 2014-2018. Dans les Ardennes, j'ai rencontré de nombreuses associations. La notion de devoir de mémoire et de reconnaissance a été largement rappelée. Les plus hautes autorités de l'État se sont engagées.

Je comprends la position de la commission, mais à titre personnel, je voterai cette proposition de loi. (Vifs applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État.  - J'ai entendu dire que les balles étaient facturées aux familles. Soyons sérieux : c'est faux, vous le savez. Débattons de faits, pas d'idées reçues. Les frais de justice sont à la charge de la partie condamnée.

M. Rachid Temal.  - Et donc ?

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État.  - Chacun des orateurs a dénoncé les conditions dans lesquelles cette justice de guerre a été rendue, à raison. Ce constat nous rassemble. Les fusillés tirés au sort ont été réhabilités.

Les nombreux exemples cités à la tribune nous révoltent tous. Ce qui nous divise, c'est la méthode : il ne peut y avoir de réhabilitation collective. (MM. François Patriat et Antoine Lefèvre applaudissent.)

Discussion des articles

ARTICLE 1er

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères .  - Je me réjouis qu'un débat si sensible se tienne dans des conditions de dignité qui font honneur à notre Assemblée. Je remercie pour cela l'ensemble des orateurs.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a rejeté ce texte par 20 voix contre 17. Les sénateurs qui ont voté contre n'ignorent ni ne méprisent les situations dont il est question, parmi lesquelles certainement des injustices effrayantes. Mais nous ne pensons pas que la méthode proposée puisse résoudre un problème qui relève de l'histoire.

Encore une fois, je me félicite que nous soyons en mesure de débattre avec tenue de questions aussi douloureuses. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Tissot .  - Je voudrais convaincre les réticents. Cette proposition de loi ne réhabilite ni traîtres, ni espions, ni déserteurs. Les 639 dont il s'agit sont des personnes qui se sont endormies à leur poste ou n'ont pas compris un ordre, par exemple. Les fusillés de Vingré ont été exécutés pour avoir obéi à un ordre de repli ; ceux-là ont déjà été réhabilités.

Cette proposition de loi ne réécrit pas l'histoire. Antoine Prost l'a dit : il n'y a aucun mystère sur les fusillés de 1914. Nos alliés anglais et canadiens ont réalisé ce travail de mémoire. Cette proposition de loi ne ternira en rien la mémoire des soldats célébrés le 11 novembre.

Législateurs, nous avons la possibilité de rassembler enfin les différents soldats morts pendant la Grande Guerre. Ils n'avaient pas d'hostilité pour leurs frères d'armes, mais pour les embusqués et les profiteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST)

M. Olivier Paccaud .  - Je m'exprime comme sénateur de l'Oise, mais aussi comme agrégé d'histoire et citoyen picard. L'Aisne, l'Oise et la Somme ont été particulièrement meurtries. Pas une famille n'a été épargnée.

Ce débat est particulièrement douloureux. Nul ne peut accepter le déni de justice que ces punitions collectives, par définition aveugles, ont constitué.

Sur les 639 cas évoqués, chacun est particulier. La plupart de ces hommes n'étaient ni des traîtres ni des lâches, certains étaient même des héros. Il s'agissait souvent de conscrits, pas de militaires de carrière.

Nous avons envie de tous les réhabiliter. Mais autant la punition collective est injuste, autant la réhabilitation collective, qui met sur le même pied des hommes ignoblement fusillés - je pense à cet officier exécuté sur son brancard - et ceux qui ont trahi, n'est pas la solution.

Faisons plutôt travailler nos étudiants en histoire sur ces sujets, pour ouvrir la voie à des réhabilitations individuelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ronan Dantec .  - Nous faisons fausse route. Parce que, dans les 639, quelques-uns seraient coupables, on ne pourrait réhabiliter personne ?

Mme Laure Darcos.  - Ce n'est pas ce que nous disons. (M. Olivier Paccaud abonde.)

M. Ronan Dantec.  - Ils ont été fusillés pour l'exemple, par choix politique, pour éviter que l'armée ne recule. C'est pour la France qu'ils ont été fusillés, comme ont été sacrifiés les hommes envoyés vers des lignes infranchissables. Face au risque d'effondrement du front, l'armée, l'État ont décidé de faire des exemples. Ces hommes l'ont payé de leur vie. Les réhabiliter, c'est réhabiliter aussi l'armée française. Il ne s'agit pas que d'injustices individuelles. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Nathalie Goulet manifeste sa désapprobation.)

M. Rachid Temal .  - Les 639 cas dont nous parlons sont issus d'un travail du service historique des armées. Les traîtres ne sont pas de cette catégorie. Il n'y a pas lieu de polémiquer à cet égard.

D'aucuns expliquent que le Parlement ne doit pas écrire l'histoire, mais, la semaine prochaine, nous examinerons un texte qui concerne l'histoire d'un pays étranger. Je voterai les deux textes et vous invite à la même cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Jacques Fernique .  - Les réserves exprimées sont entendables, mais il n'est pas question de se substituer aux historiens, de départager différentes lectures de l'histoire. Nous prenons acte d'un travail historique, notamment d'Antoine Prost.

Il revient au Parlement de clore le travail entamé dès 1916 en mettant résolument en cause les modalités de ces conseils de guerre spéciaux, beaucoup plus napoléoniens que républicains. Réhabilitons tous ceux qui ont subi une justice expéditive destinée à impressionner la masse.

Formellement, nous n'invaliderons pas les 639 décisions de justice. Nous restons souples. Cette proposition de loi restera avant tout comme un message à la jeunesse. Ma génération a été marquée par le film Les Sentiers de la gloire, qui a attendu dix-huit ans avant de pouvoir être projeté. Les jeunes doivent avoir connaissance des zones d'ombre. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

Mme le président.  - Amendement n°1, présenté par MM. Gattolin et Patriat.

Rédiger ainsi cet article :

La Nation reconnaît solennellement que les militaires en service dans les armées françaises du 2 août 1914 au 11 novembre 1918 qui ont été condamnés à mort pour les seuls faits de désobéissance militaire ou mutilation volontaire par les conseils de guerre spéciaux créés par le décret du 6 septembre 1914 relatif au fonctionnement des conseils de guerre ainsi que par les conseils de guerre rétablis par la loi du 27 avril 1916 relative au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires, sont réintégrés dans la mémoire nationale.

Un monument national est érigé en leur mémoire.

Le présent article n'est pas applicable aux militaires dont la situation a été révisée par la Cour de Cassation, sur le fondement de la loi du 29 avril 1921 relative à l'amnistie et de la loi du 3 janvier 1925 portant amnistie, et par la Cour spéciale de justice militaire chargée de la révision des jugements rendus dans la zone des opérations des armées de terre et de mer par des juridictions d'exception.

M. François Patriat.  - Ce sujet est douloureux et nous interroge tous.

Pourquoi notre amendement de compromis a-t-il reçu un accueil si méprisant ? Nous proposions une réintégration dans la mémoire nationale plutôt qu'une réhabilitation.

M. Rachid Temal.  - C'est une avancée...

M. François Patriat.  - L'amendement prévoyait aussi un monument national érigé à la mémoire des 639 fusillés, ce qui est une forme de réhabilitation.

Or il a été rejeté en commission sans qu'aucun groupe ne prenne la peine d'expliquer pourquoi. Dans ces conditions, je le retire, à regret.

M. Rachid Temal.  - Nous voulions en débattre ! (M. Yannick Vaugrenard renchérit.)

L'amendement n°1 est retiré.

Mme le président.  - L'article 2 étant un gage, le vote sur l'article 1er vaudra vote sur l'ensemble du texte.

Interventions sur l'ensemble

M. Guillaume Gontard, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Ce sujet est fort, empreint d'émotion. Nous en avons débattu en commission de façon respectueuse et sereine. Nous ne rouvrons aucune brèche. Au contraire, nous avons besoin de clore ce chapitre.

Les historiens ont mené un travail approfondi ; le chiffre de 639 en est le fruit. Ils ont terminé leur travail, à nous de faire le nôtre pour, peut-être, tourner la page.

Cette proposition de loi, votée à l'Assemblée nationale, sera repoussée à plus tard si nous ne la votons pas conforme. Or 639 familles attendent cette réhabilitation. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe SER)

M. Yannick Vaugrenard .  - L'amendement retiré par M. Patriat était un artifice de procédure destiné à empêcher un vote conforme. (M. André Gattolin s'exclame.)

Que pense la jeunesse actuelle de nos débats ? Je me félicite que les débats en commission aient été de haute tenue. Concrètement, le 11 novembre, notamment dans l'ouest de la France, une gerbe est déposée par le Souvenir français pour les anciens combattants, puis une autre par les associations qui demandent la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple ».

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas le cas chez moi.

M. Yannick Vaugrenard.  - Les historiens estiment que la réhabilitation au cas par cas n'est pas possible, faute d'éléments de preuve.

Nous avons parfois commis des erreurs. Prenons la responsabilité politique de le reconnaître.

J'en prends le pari : cette réhabilitation prendra cinq ans, dix peut-être, mais elle se fera ! (MmeÉmilienne Poumirol et Raymonde Poncet Monge applaudissent.)

Mme le président. Je vous demande de respecter le temps de parole.

Mme Michelle Gréaume .  - Nous avons l'occasion de clore un chapitre douloureux de notre histoire. Il n'y a plus de témoins, et 20 % des dossiers sont manquants. Pensez à tous ceux qui ont été au bout d'eux-mêmes !

M. Rachid Temal .  - Monsieur Patriat, le rejet d'un amendement n'est pas du mépris : c'est un vote. Par ailleurs, le Gouvernement aurait pu présenter une autre proposition. L'amendement de M. Gattolin est un jeu de passe-passe.

La réhabilitation individuelle est impossible. Je le répète, cette proposition de loi s'appuie sur le travail du service historique des armées. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. André Gattolin .  - Non, mon amendement n'était pas un artifice de procédure. Un problème juridique se pose, vous le savez bien.

Le Royaume-Uni a réhabilité plus de 300 « fusillés pour l'exemple », via une juridiction spéciale pour respecter la séparation entre pouvoir judiciaire et pouvoir législatif. Déposez une proposition de loi en ce sens !

En commission, personne n'a expliqué la raison de son vote contre.

M. Guy Benarroche .  - Cet amendement avait été rejeté par la commission : il n'y a pas là une injustice.

M. François Patriat.  - Rejeté sans explication !

M. Guy Benarroche.  - Mais revenons au fond : les textes qui peuvent nous unir de façon transpartisane sont extrêmement rares, celui-ci en est un. Réhabilitons la mémoire de condamnés dont on sait parfaitement qu'ils l'ont été pour un motif d'exemplarité, et non pour des faits réels.

L'étude au cas par cas a déjà été menée. Il n'est pas possible de l'approfondir, les dossiers n'existant plus. La réhabilitation serait l'honneur de l'armée et de la France.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire .  - Ce débat suscite une grande émotion. Sur les 639 dont vous parlez, une quarantaine ont déjà été réhabilités.

Il est dangereux de revenir sur des décisions de justice. Cette proposition de loi réhabilite François M, fusillé le 22 octobre 1915 pour désertion et abandon de poste devant l'ennemi. Que dirons-nous aux descendants de Léon Schlier, fusillé pour l'exemple ? La réhabilitation collective n'est pas possible. (M. Guy Benarroche le conteste.)

Antoine Prost considère que la meilleure des solutions législatives est de ne rien faire. Le législateur n'est pas un juge. Nous devons respecter la séparation des pouvoirs. (M. François Patriat applaudit.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°122 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 113
Contre 218

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 2 n'a plus d'objet.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Merci pour eux !

La séance est suspendue quelques instants.

Protéger les logements contre l'occupation illicite (Suite)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 1er A (Suite)

Mme le président.  - Amendement n°78, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

M. Denis Bouad.  - Nous souhaitons supprimer le nouveau délit prévu à l'article 1er A, inutile et qui n'aurait aucun effet dissuasif. La criminalisation des locataires qui rencontrent des difficultés de paiement de leur loyer est scandaleuse et immorale. Imposer des poursuites judiciaires contre les plus démunis est choquant et n'améliorera en rien leur situation.

Mme le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

Mme Éliane Assassi.  - Les entrées par effraction existent, mais elles sont très minoritaires parmi les 17 000 expulsions annuelles. Il y aurait dix logements vides pour un SDF. Cela ne légitime ni le recours à la force ni même l'atteinte au droit de propriété, mais, quand 300 000 personnes sont à la rue, comment laisser 3 millions de logements vides ? Le plus jeune mort de la rue en 2021 était âgé d'un mois...

Seulement 3 % des propriétaires possèdent 50 % du parc locatif. Ils ont au moins cinq logements et profitent de quelques faits divers médiatisés pour justifier de telles lois rétrogrades.

Vous ne voulez pas de squatteurs, moi non plus. Mais ne faisons pas d'amalgame entre pauvreté et criminalité et ne créons pas un nouveau délit de vagabondage, anachronique. Supprimons la peine de prison pour les personnes qui ne peuvent payer leur loyer.

Mme le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 6

Supprimer les mots :

de six mois d'emprisonnement et

M. Guy Benarroche.  - Nous voulions supprimer tout l'article, qui criminalise les locataires en prévoyant une amende et une peine d'emprisonnement, mais notre amendement a été rejeté. Nous ne souhaitons pas que la prison pour dette, bannie de la République depuis des lustres, soit rétablie uniquement pour la situation dont nous parlons. C'est le sens de cet amendement de repli.

Mme le président.  - Amendement identique n°82 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti et Mme Férat.

Mme Valérie Létard.  - Je fais la même demande. En fin de processus, un locataire incapable d'honorer sa dette doit être sanctionné, mais une peine d'emprisonnement de six mois ne changera rien.

Certains locataires défaillants peuvent avoir dégradé leur logement. Dans ce cas particulier, le code pénal prévoit déjà un arsenal de sanctions. (Mme Éliane Assassi approuve.)

L'emprisonnement serait contre-productif, mais maintenons la sanction financière : c'est une position juste et équilibrée.

Mme le président.  - Amendement n°60, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 6

1° Après le mot :

emprisonnement

insérer les mots :

avec sursis

2° Compléter cet alinéa par les mots :

avec sursis

Mme Éliane Assassi.  - On propose de la prison ferme pour les locataires devant être expulsés. Pour bénéficier d'un relogement au titre du droit au logement opposable (Dalo), il faut un jugement d'expulsion. Or une fois ce jugement passé, il faut plusieurs mois à la commission de médiation pour reconnaître la priorité. Certains pourraient donc être emprisonnés avant d'avoir la réponse à leur recours.

Nous proposons du sursis plutôt que de la prison ferme, d'autant que nos prisons sont déjà bien remplies. C'est la longueur des démarches qui conduit parfois ces personnes à rester dans le logement. Dans la grande majorité des cas, ne pas payer le loyer n'est pas un principe de vie, mais la conséquence d'une perte de revenus.

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois.  - Le dispositif de l'Assemblée nationale est bien encadré : l'infraction ne s'applique qu'après l'expiration de tous les recours et ne concerne pas les locataires du parc social. Faisons confiance au discernement des parquets. Avis défavorable à l'amendement n°78, de même qu'à l'amendement n°59.

Les amendements identiques nos34 et 82 rectifié bis visent à supprimer des peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois, généralement aménagées.

Je suis sensible à la dimension symbolique de la peine d'emprisonnement. Avis favorable, toutefois, pour prendre en compte l'avis des associations. (Mme Valérie Létard s'en félicite.) De ce fait, l'amendement n°60 est sans objet.

M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement .  - Les débats à l'Assemblée nationale ont déjà bien amélioré le texte.

Avis favorable aux amendements identiques nos34 et 82 rectifié bis, qui suppriment la peine d'emprisonnement.

Je suis réservé sur la suppression de l'article. Seules des personnes de mauvaise foi seraient sanctionnées. Sagesse, donc, sur les amendements nos78 et 59.

Le sursis relève d'une décision du juge. Mais, compte tenu de mon avis favorable aux amendements identiques, cela importe peu.

Mme Nathalie Goulet.  - Je remercie le rapporteur pour son avis favorable à l'amendement de Mme Létard - et, donc, à celui de M. Benarroche. La prison n'a pas beaucoup de sens, ou le sens qu'elle a est choquant. Cette position est humaine et intelligente. Venant de la Haute Assemblée, je ne suis pas surprise.

L'amendement n°78 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°59.

Les amendements identiques nos34 et 82 rectifié bis sont adoptés.

L'amendement n°60 n'a plus d'objet.

Les amendements nos11 rectifié bis, 12 rectifié bis et 13 rectifié bis ne sont pas défendus.

Mme le président.  - Amendement n°66, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le présent article ne s'applique pas aux femmes dont la perte de revenu ayant entraîné la dette locative est liée au départ précipité du conjoint.

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne soutenons pas le squat, qui ne devrait pas exister dans une société où tout le monde aurait accès à un logement.

En pratique, les locataires ne payant pas leur loyer sont souvent ceux ayant perdu leur travail, dont les allocations tardent à être versées ou qui connaissent un accident de la vie, comme une hospitalisation. Souvent, il s'agit de femmes qui subissent les conséquences du départ de leur conjoint, une forme de violence économique. Évitons-leur l'affront d'être condamnées à de la prison ou à une amende...

M. André Reichardt, rapporteur.  - La sanction pénale est encourue seulement après une décision définitive d'expulsion, tous les délais de recours ayant expiré.

Le juge tient compte des circonstances dans le délai qu'il accorde pour retrouver un logement. Inclure une telle exception dans la loi n'est pas pertinent.

Par ailleurs, pourquoi limiter cette exception aux femmes ayant connu une perte de revenus ? Il y a aussi des hommes qui subissent une perte de revenus du fait du départ précipité de leur conjointe.

Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Je partage votre préoccupation sur la situation des femmes, mais elle est déjà prise en compte. Établir une distinction entre les hommes et les femmes n'est pas constitutionnel. Retrait ?

Mme Éliane Assassi.  - Je tenais à souligner cette spécificité : de nombreuses femmes se retrouvent seules avec charge de famille.

L'amendement n°66 est retiré.

L'article 1er, modifié, est adopté.

ARTICLE 1er B

Mme le président.  - Amendement n°39, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Nous ne demandons pas l'allègement ou la suppression des peines, mais le juge doit pouvoir exercer la totalité de ses pouvoirs et juger d'une situation globalement, et pas seulement selon un critère automatique. Nous croyons à la justice des juges. Supprimons cette mesure, qui mettrait plus d'enfants à la rue sans le regard du juge.

Mme le président.  - Amendement identique n°62, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - Empêcher le juge d'apprécier, c'est nier la diversité des situations.

M. André Reichardt, rapporteur.  - La commission a adopté un amendement de Mme Procaccia supprimant les délais accordés par le juge en cas de squat, en cohérence avec sa position de fermeté. Un squatteur entré frauduleusement ne doit pas être traité de la même manière qu'une personne victime d'un accident de la vie. Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis favorable. Les occupants sans droit ni titre font déjà l'objet d'un traitement civil plus sévère. Supprimer les délais priverait ces personnes de la seule garantie dont elles disposent pour retrouver un logement décent.

M. Daniel Breuiller.  - Il y a quelques semaines, j'ai rencontré 50 femmes et 17 enfants abrités dans un gymnase de la ville dont j'ai longtemps été maire. Elles m'ont toutes raconté la même histoire d'alternance de logements précaires et passages à la rue. Le squat n'est pas un choix, mais souvent la dernière possibilité. (Mme Dominique Estrosi Sassone s'exclame.)

Mme Catherine Procaccia.  - Le droit au logement concerne tout le monde, y compris les locataires et propriétaires en titre, dont certains doivent vivre dans une caravane, parce qu'ils ont été privés de leur logement par des squatteurs. C'est à l'État de prendre ses responsabilités en termes de relogement. Je voterai contre cet amendement.

M. Guy Benarroche.  - Nous ne disons pas qu'il faut donner plus de temps aux occupants, mais que c'est au juge d'en décider : sa décision sera toujours meilleure qu'une décision automatique. Il ne s'agit non plus d'être laxiste, mais d'être juste.

Vous dites que c'est à l'État de reloger... C'est du « Y'a qu'a ! ». Il s'est mis dans la situation de ne pas pouvoir le faire, certes, mais les occupants peuvent être des femmes et des enfants. (Mme Catherine Procaccia s'impatiente.)

Vous avez souvent réclamé que le juge ait les moyens de juger ; évitons l'automaticité : nous serions alors jugés par des algorithmes.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Le squat n'est pas un choix, dites-vous ? Mais c'est illégal ! (Mme Jacqueline Eustache-Brinio renchérit.)

Il y a une crise du logement, c'est certain ; mais ce n'est pas aux propriétaires d'en supporter la charge, c'est à l'État.

Les amendements identiques nos39 et 62 ne sont pas adoptés.

Les amendements nos23 rectifié ter et 24 rectifié ter ne sont pas défendus.

L'article 1er B est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 1er B

Mme le président.  - Amendement n°83, présenté par Mme Procaccia.

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l'État doit recourir à la force publique afin d'expulser l'occupant introduit sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, dans un délai de soixante-douze heures suivant la décision du juge. »

Mme Catherine Procaccia.  - Mardi dernier, nous étions plusieurs à regretter que les décisions de justice ne soient pas appliquées. M. Benarroche parle du choix du juge ; des expulsions prononcées par lui ne sont pas toujours exécutées par le préfet.

Mme le président.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par Mme Procaccia.

Après l'article 1er B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En cas de refus d'une proposition de relogement par un occupant introduit sans droit ni titre dans la résidence principale d'autrui par voie de fait, il sera expulsé dans un délai de soixante-douze heures sans autre proposition de relogement.

Mme Catherine Procaccia.  - J'ai été surprise de découvrir dans mon département que des squatteurs refusaient des propositions de relogement, sous prétexte que cela ne leur convenait pas - parfois parce qu'ils voulaient deux salles de bains !

Le squatteur doit accepter les propositions de relogement, sous peine d'être expulsé.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Nous partageons la volonté d'accélérer les procédures d'expulsion, mais le délai de 72 heures prévu par l'amendement n°83 est très court et risque de faire peser des contraintes excessives sur nos forces de police. Il faut davantage de souplesse pour laisser le préfet arbitrer. Aucun délai n'est fixé à l'article 38 de la loi Dalo ; il y aurait un paradoxe à prévoir un délai si court pour l'exécution de la procédure judiciaire, mais pas de délai pour la procédure administrative. Avis défavorable.

Nous avons du mal à comprendre la portée de l'amendement n°84 rectifié : introduit-il une nouvelle obligation de relogement ou des délais supplémentaires dont on ne voit pas comment ils s'articulent avec le droit existant ? Retrait ou avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Catherine Procaccia.  - Je regrette que mon second amendement ait été mal rédigé ; je le retire. Il est toutefois anormal qu'un squatteur puisse refuser une proposition de relogement. Dommage que la commission ne l'ait pas réécrit !

L'article 38 de la loi Dalo, à l'origine, était plus étendu. Il y a seize ans, j'avais reçu des manifestants dans la nuit, et il avait été décidé de restreindre son champ d'application. J'étais déjà contente qu'il soit voté...

Je rectifie mon amendement n°83 pour prévoir un délai de sept jours, et non de 72 heures.

L'amendement n°84 rectifié est retiré.

Mme le président.  - L'amendement n°83 devient 83 rectifié.

M. André Reichardt, rapporteur.  - J'émets un avis de sagesse sur ce dernier. À titre personnel, je fais confiance au préfet.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable. On ne sait pas quand commence le délai de sept jours.

M. Guy Benarroche.  - Je ne voterai pas cet amendement, qui n'est pas opérationnel. Nombre d'impératifs fixés aux préfets ne peuvent être respectés, et donnent lieu à des milliers de recours qui encombrent les tribunaux administratifs. (Mme Catherine Procaccia proteste.) À quoi servent ces amendements, sinon à être des marqueurs ?

L'amendement n°83 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 1er

Mme le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Cette proposition de loi criminalise les mal-logés sans lutter contre le mal-logement.

L'aggravation des peines est injuste et disproportionnée. Ce n'est pas par choix que des personnes occupent des terrains ou des immeubles inhabités, mais parce qu'elles sont sans solution de logement. Rappelons qu'il y a en France 4 millions de mal-logés et 300 000 sans-abri, dont 42 000 enfants.

Le nombre de logements vacants, selon l'Insee, bat des records chaque année et l'État ne fait rien. Ceux qui s'installent dans des logements vides - bien souvent, des femmes et des enfants - cherchent à échapper à la violence de la rue. N'étant pas solvables, ils ne pourront pas payer les amendes. L'aggravation des peines n'aura pas même pour effet de les aligner sur les peines encourues par les propriétaires qui se font justice eux-mêmes.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. À l'effet dissuasif, bienvenu, s'ajoute une mesure d'équité : l'alignement de la peine sur celle à l'encontre d'un propriétaire qui expulse manu militari un squatteur. Le Sénat a déjà voté cette mesure à deux reprises, dans la loi Asap et dans la proposition de loi Estrosi Sassone.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable également. Il faut une cohérence entre les peines encourues par les propriétaires et les occupants.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

ARTICLE 1er BIS A

Mme le président.  - Amendement n°38, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Punir la propagande ou la publicité de méthodes incitant à occuper des domiciles reviendrait à sanctionner tout le monde associatif prenant en compte le problème du mal-logement dans des délais plus rapides que l'État. Le Secours catholique - qui n'est pas composé de révolutionnaires - s'inquiète de la création d'un délit de solidarité. Ces militants font vivre le principe de fraternité, ils ne sont pas délinquants. La surenchère répressive n'apportera aucune solution au mal-logement.

Mme le président.  - Amendement identique n°63, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - Cet article est disproportionné au regard de la liberté d'expression. N'instaurons pas un délit de solidarité. Ce ne sont pas des slogans militants pour le logement qui mènent au squat ! Trois millions de logements sont vacants, et les réquisitions, même si elles sont autorisées par la loi, sont très rares.

M. André Reichardt, rapporteur.  - On ne peut pas qualifier d'actes de solidarité la diffusion de guides du squat. (Mmes Dominique Estrosi Sassone et Jacqueline Eustache-Brinio renchérissent.)

C'est ce type de comportement que nous voulons réprimer. Le Sénat a adopté une décision analogue il y a deux ans dans la proposition de loi Estrosi Sassone. Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis également défavorable. Ces incitations au squat, insupportables, ne sont pas le fruit des associations, c'est l'ancien maire de Clichy-sous-Bois qui vous le dit ! Des explications sont disponibles sur internet, et incitent à entrer dans des logements.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Nous devons nous opposer à des réseaux organisés de promotion du squat, au détriment parfois de locataires de bonne foi.

Les amendements identiques nos38 et 63 ne sont pas adoptés.

L'article 1er bis A est adopté, ainsi que l'article 1er bis.

APRÈS L'ARTICLE 1er BIS

Mme le président.  - Amendement n°42, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 225-14 du code pénal, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept ».

M. Guy Benarroche.  - Puisque la tendance est à l'aggravation des peines, nous proposons d'alourdir celle prévue pour les marchands de sommeil. Il existe près de 450 000 logements occupés considérés comme insalubres. Après l'effondrement de l'immeuble de la rue d'Aubagne à Marseille, la situation est désormais bien connue. Bien que la loi Elan ait renforcé l'arsenal juridique contre ces bailleurs, les condamnations restent trop rares. Le Gouvernement doit se doter d'une véritable politique de lutte contre ces délinquants.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Il s'agit surtout d'un amendement d'appel. La peine de cinq ans, actuellement prévue, est déjà suffisamment lourde et dissuasive. Ce qu'il faut, c'est l'appliquer sur le terrain. Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Le Gouvernement lutte contre ces Thénardier des temps modernes, qui profitent de la faiblesse des plus fragiles. Sagesse.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

Mme le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Avec cet article, le délit de violation de domicile, censé protéger la vie privée, protégera en réalité la propriété immobilière, puisque même les locaux vides et désaffectés depuis des années seraient concernés. Cette extension est d'autant plus choquante qu'il y a dix fois plus de locaux vacants que de personnes à la rue.

Cela permettra l'expulsion en moins de 24 heures, sans contradictoire, de personnes trouvant refuge dans des locaux vides et inhabités. Le garde des sceaux a exprimé, mardi soir, ses réticences face à ce déséquilibre entre droit de la propriété et droit au logement.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article précise la notion de domicile et renforce la procédure d'évacuation forcée.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°64, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue notamment le domicile d'une personne, au sens du présent article, tout local d'habitation contenant des biens meubles lui appartenant, dès lors que cette personne y habite et que ce local constitue sa résidence principale. »

Mme Éliane Assassi.  - Cet article 2 étend la notion de domicile bien au-delà du bon sens. Il postule un don d'ubiquité, comme si une personne pouvait habiter à plusieurs endroits en même temps !

La très grande majorité des logements squattés ne sont le domicile de personne. (Mme Dominique Estrosi Sassone le conteste.) J'ai bien dit la majorité !

Vous souhaitez faire rimer propriété et domicile, mais ce n'est pas en changeant les définitions que l'on agit sur le réel. Cela me rappelle ces licenciements massifs affublés du nom de « plan de sauvegarde de l'emploi »...

Avec cet article, il n'y aura plus de logements vacants, mais seulement des domiciles. Nous proposons donc une autre rédaction, selon laquelle un domicile est un logement habité.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement va à l'encontre des votes du Sénat depuis plusieurs années. Une résidence secondaire est un domicile. (Mme Éliane Assassi proteste.)

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable. La jurisprudence considère que le domicile d'une personne est un lieu où elle a le droit de se dire chez elle. Des personnes peuvent avoir deux domiciles, par exemple en cas de célibat géographique.

Mme Catherine Procaccia.  - Ma fille vit à l'étranger où elle travaille, mais habite six mois par an à Paris. C'est considéré comme sa résidence secondaire. Elle n'aurait que le droit de retourner chez sa mère, et non chez elle ?

Mme Éliane Assassi.  - Soyons sérieux ! Je n'ai pas parlé de résidence secondaire ! (Mme Catherine Procaccia se récrie.)

J'ai parlé de logements squattés vides. Ce ne sont pas forcément des résidences secondaires...

M. Martin Lévrier.  - Mais cela peut en être !

Mme Éliane Assassi.  - ... même si cela peut en être. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s'exclame.)

J'ai évoqué des logements qui ne sont le domicile de personne. Ce n'est pas le cas de la fille de Mme Procaccia.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - La présidente Assassi dit que ces logements ne sont le domicile de personne. Mais ils sont bien la propriété de quelqu'un ! Il faut faire respecter ce droit « inaliénable et sacré ».

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Non, pas sacré !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Cette proposition de loi pérennise une expérimentation : des sociétés et associations passent des conventions avec des propriétaires, permettant d'héberger temporairement des personnes, par exemple s'il n'y a pas encore de destination pour leur local. Mais c'est encadré.

M. Daniel Salmon.  - Les mots ont un sens. Le mot domicile, dans l'esprit commun, n'est pas assimilable au mot propriété. Il est dangereux de confondre des lieux occupés et des lieux vides depuis des années.

Les faits divers qui ont été cités, et qui sont effectivement choquants, concernent des personnes qui s'absentent quelque temps et trouvent quelqu'un chez elles à leur retour. Ce n'est pas la même chose que l'occupation d'un local vide.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - C'est incroyable !

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

dans le délai de soixante-douze heures

Mme Nadège Havet.  - Cet amendement supprime le délai de 72 heures dans lequel le préfet doit saisir l'administration fiscale. C'est déjà rendu possible par la loi Dalo.

Mme le président.  - Amendement identique n°86, présenté par le Gouvernement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - La loi Dalo impose déjà un délai de 48 heures aux préfets pour instruire la demande d'expulsion et ceux-ci ont déjà l'habitude de consulter la DGFiP en cas de difficulté du propriétaire à prouver son statut.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Pour pouvoir mettre en oeuvre l'évacuation forcée prévue par l'article 38 de la loi Dalo, plusieurs conditions doivent être réunies : la personne doit porter plainte, faire constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire et fournir la preuve que le logement est son domicile. Or celui dont le domicile est squatté aura bien du mal à récupérer de tels documents.

Ce délai de 72 heures n'est pas redondant par rapport au délai de 48 heures prévu par la loi Dalo, car ce dernier court à partir de la réception d'un dossier complet par la préfecture. Il s'agit de mettre un terme à des situations très difficiles pour tout le monde.

Les amendements identiques nos17 et 86 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Martin Lévrier.  - Cet amendement supprime la réduction du délai d'expulsion de 48 à 24 heures. L'administration n'aurait pas le temps de mobiliser les moyens requis. Conservons un délai de 48 heures.

Mme le président.  - Amendement identique n°40, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

M. Guy Benarroche.  - Il faut toujours se demander si une disposition est opérationnelle. C'est déjà compliqué en 48 heures... Cette réduction ne fera que multiplier les recours à la justice administrative.

Mme le président.  - Amendement identique n°85, présenté par le Gouvernement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - C'est le même.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Le Sénat a déjà voté la réduction de ce délai dans la proposition de loi Estrosi Sassone, en 2021. Faisons preuve de célérité lorsque quelqu'un constate que son domicile est squatté.

Les amendements identiques nos16, 40 et 85 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

Mme le président.  - Amendement n°10 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Lavarde, MM. Pointereau, Perrin, Rietmann, Tabarot et Savin, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Somon et Anglars, Mme Micouleau, MM. Grosperrin, Bascher, Calvet et Karoutchi, Mmes Gosselin, Puissat et Joseph, MM. Brisson, de Nicolaÿ, Piednoir, Panunzi et Cadec, Mme Richer, M. Meurant, Mmes Garnier et Deroche, MM. Lefèvre et Favreau, Mme F. Gerbaud, MM. D. Laurent et Chaize, Mmes Lassarade et Lopez, MM. Chatillon, B. Fournier, Savary et Joyandet, Mme Bellurot, M. Cardoux, Mme M. Mercier, MM. Bouchet, Saury et Gremillet, Mme Gruny, MM. C. Vial, Genet, Bonhomme, Klinger, Belin et Bonne, Mme Renaud-Garabedian, M. Bansard et Mmes Borchio Fontimp et Dumont.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un article 38-... ainsi rédigé :

« Art. 38-....  -  Est qualifié de maintien dans le domicile d'autrui ou dans un local à usage d'habitation à l'aide de voies de fait, au sens de l'article 38 de la présente loi :

«  -  le maintien dans un meublé de tourisme plus d'une semaine après le terme prévu par le contrat de bail ;

«  -  le maintien dans un logement dont le loyer n'est plus acquitté depuis plus de six mois. »

Mme Béatrice Gosselin.  - Cet amendement accélère les procédures d'expulsion contre les locataires ayant cessé de payer leur loyer pendant six mois, ou, pour un meublé de tourisme, au bout d'une semaine. Cela représente plusieurs millions de manque à gagner pour de petits propriétaires (Mme Éliane Assassi se gausse.)

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. (Mme Éliane Assassi s'en réjouit.)

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui va à rebours du choix de la commission : différencier squatteur et locataire en difficulté.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°10 rectifié ter est retiré.

ARTICLE 2 BIS

Mme le président.  - Amendement n°43, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - Un propriétaire qui ne peut plus pénétrer dans son bien ne peut évidemment pas l'entretenir. Mais cet article est si mal écrit qu'il laisse la porte ouverte à tout !

Le 15 septembre, la Cour de cassation a confirmé la responsabilité du propriétaire d'un immeuble, même si la victime n'a ni droit ni titre. Avec cet article, le propriétaire aurait le droit de demander le paiement de tous dommages, même sans état des lieux précédent : ce n'est pas normal !

Mme le président.  - Amendement identique n°65, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - Effectivement, cet article décharge le propriétaire de toute responsabilité d'entretien du logement, mais à l'inverse, le locataire pourrait devenir responsable de dégradations qu'il n'a pas commises. Ne protégeons pas les mauvais logeurs.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Il est anormal, voire injuste, qu'un propriétaire soit condamné en cas de dommage du bien. (M. Guy Benarroche proteste.) Ce serait la double peine. En outre, l'occupation illicite du logement peut engendrer des difficultés financières pour le propriétaire, rendant encore plus difficile son entretien.

La commission a expressément exclu les propriétaires de logement indigne, ce qui répond à vos inquiétudes. (M. Guy Benarroche en doute.)

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Les amendements identiques nos77 et 87 protègent les propriétaires, mais préservent aussi les droits des tiers victimes ; ils devraient répondre à vos préoccupations. Dès lors, avis défavorable aux amendements identiques nos43 et 65.

M. Guy Benarroche.  - Soyons symétriques : dispensons aussi le locataire impécunieux d'amende, sous prétexte que cela l'empêcherait encore plus de payer son loyer !

M. André Reichardt, rapporteur.  - Sauf que c'est un squatteur...

Les amendements identiques nos43 et 65 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°77, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette responsabilite? ne s'applique pas a? l'e?gard de l'occupant sans droit ni titre lorsque la ruine est arrive?e par suite du de?faut d'entretien du bien pendant la pe?riode d'occupation sans droit ni titre et que les conditions de l'occupation ont empe?che? l'entretien du ba?timent. Le be?ne?fice de l'exone?ration de responsabilite? mentionne?e au pre?sent aline?a ne s'applique pas lorsque les conditions d'he?bergement propose?es par un proprie?taire ou son repre?sentant sont manifestement incompatibles avec la dignite? humaine au sens de l'article 225-14 du code pe?nal. »

Mme Nadège Havet.  - Le propriétaire ne serait pas responsable à l'égard des occupants sans droit ni titre lorsque leur présence empêche toute amélioration du bien. Cela ne concerne pas les logements indignes.

Mme le président.  - Amendement identique n°87, présenté par le Gouvernement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Défendu.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Il faut certes éviter tout effet d'aubaine en faveur des marchands de sommeil ; mais le texte de la commission n'exonère la responsabilité qu'à l'égard des occupants illicites, et non des tiers. Un propriétaire qui ne peut accéder à son bien ne peut y effectuer des travaux !

Ces amendements rendraient illisible et aléatoire la notion de responsabilité, donnant lieu à de nombreux contentieux, les assurances des différents protagonistes ne manquant pas de s'en prévaloir.

Les amendements identiques nos77 et 87 ne sont pas adoptés.

Mme Christine Lavarde.  - Un problème, évoqué par l'amendement n°10 rectifié ter, n'a pas été résolu : je connais le cas de propriétaires ayant loué leur appartement sur Airbnb pendant leurs vacances - il y avait donc un contrat - qui ont trouvé les serrures changées à leur retour ; rien ne les protège. L'amendement n'était peut-être pas bien écrit, mais à ce jour, ces propriétaires n'ont toujours pas retrouvé leur logement. Monsieur le ministre, que faire ?

L'article 2 bis est adopté.

ARTICLE 2 TER

Mme le président.  - Amendement n°67, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° À la fin de la première phrase du dernier alinéa, l'année : « 2023 » est remplacée par l'année : « 2026 ».

M. Gérard Lahellec.  - L'expérimentation du sous-bail, autorisée par la loi Elan, permet à des locataires de payer moins cher un local, mais avec moins de droits. Ce n'est pas une solution au mal-logement, mais cela permet une mise à l'abri.

Aucun rapport n'a évalué ce dispositif. Nous voulons en savoir plus avant de le pérenniser.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Cet amendement est d'appel. Je regrette, moi aussi, que le Gouvernement ne se soit pas acquitté de l'évaluation de cette expérimentation. Il serait cependant malvenu de refuser de pérenniser ce dispositif qui fait largement l'unanimité. Le bilan est clairement favorable : plus de 1 000 bâtiments vacants ont logé 10 000 résidents temporaires. Ce dispositif a trouvé son public.

Avis défavorable, même s'il faudrait évaluer.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable. Ce dispositif est utile. Il mérite d'être davantage connu et utilisé.

L'amendement n°67 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par M. Wattebled, Mme Paoli-Gagin et MM. Decool, A. Marc, Guerriau, Capus, Chasseing, Grand, Moga, Henno et Laménie.

Après l'alinéa 5

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Ce dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants ouvre également la possibilité pour les organismes agréés par l'État d'autoriser l'installation, dans ces locaux, d'activités commerciales ou professionnelles. Les conditions d'installation dans ces locaux vacants d'activités commerciales ou professionnelles sont précisées par décret en Conseil d'État. »

....  -  Le II de l'article L. 145-2 du code de commerce est complété par les mots : « ni aux autorisations d'occupation temporaire prévues dans le cadre du dispositif de sécurisation de locaux vacants, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ».

....  -  Le dernier alinéa de l'article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est complété par les mots : « et dans le cadre du dispositif de sécurisation de locaux vacants, régi par l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ».

M. Marc Laménie.  - Cet amendement étend ce dispositif à des activités professionnelles ou commerciales. Aux Pays-Bas, cela permet de sécuriser les lieux et de revitaliser les quartiers. L'amendement exclut explicitement le risque de requalification en baux commerciaux ou professionnels.

M. André Reichardt, rapporteur.  - L'extension du dispositif aux activités commerciales ou professionnelles n'est pas inintéressante, mais dévoierait partiellement l'esprit du dispositif, centré sur le logement.

Le risque serait que les propriétaires de locaux vacants privilégient ces locataires au détriment des publics les plus fragiles. Enfin, l'article L. 45-5 du code de commerce autorise déjà des baux dérogatoires de courte durée. Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable. La loi Elan a prévu explicitement la vocation sociale de ce dispositif, à des fins de logement, d'hébergement et d'insertion sociale. Compte tenu des besoins, il convient de privilégier l'occupation à usage d'habitation.

Attention au risque de détournement.

Néanmoins, je comprends l'intérêt à occuper les pieds d'immeuble par un local commercial, si la vocation initiale est préservée. Nous pourrons étudier cette possibilité au cours de la navette. Avec les associations, nous avons pour objectif de dépasser les 1 000 locaux mobilisés et les 10 000 personnes accueillies.

M. Marc Laménie.  - Au vu de ces explications très complètes, je retire mon amendement.

L'amendement n°7 rectifié bis est retiré.

L'article 2 ter est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2 TER

Mme le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les résidents inscrits dans le dispositif prévu à l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, bénéficient également du présent article. »

M. Gérard Lahellec.  - Nous incluons les locataires concernés par l'article 2 ter dans les protections permises par la trêve hivernale.

M. André Reichardt, rapporteur.  - L'intention est légitime, mais cela découragerait les propriétaires de logements vacants pendant de courtes périodes de conclure des contrats de résidence temporaire. Il n'est cependant pas interdit de réfléchir à la manière d'améliorer ce dispositif, y compris pendant la navette. À ce stade, avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

CHAPITRE II : SÉCURISER LES RAPPORTS LOCATIFS

Mme le président.  - Amendement n°44, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Remplacer le mot :

Sécuriser

par le mot :

Déséquilibrer

M. Guy Benarroche.  - Loin de sécuriser les rapports locatifs, les mesures prévues à ce chapitre les déséquilibrent.

Les associations dénoncent la remise en cause de l'équilibre élaboré depuis 1989 et des solutions visant à prévenir les expulsions. Selon le Secours catholique, on se dirige vers une « industrialisation de l'expulsion locative », et la Fondation Abbé Pierre redoute 30 000 expulsions supplémentaires.

Mises bout à bout, ces différentes mesures empêchent un locataire en difficulté même passagère de régulariser sa situation ou de trouver un relogement. Ce durcissement des rapports locatifs traduit une déconnexion face aux besoins tant des locataires que des propriétaires, dont l'intérêt réside non dans l'expulsion du locataire, mais dans le recouvrement de la créance.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Votre amendement ne tient pas compte des apports de la commission. Nous avons permis au juge de se saisir d'office des dossiers, augmenté de deux semaines les délais entre le commandement de payer et l'assignation en justice, et renforcé l'accompagnement social.

Voyez aussi les articles additionnels proposés par la commission des affaires économiques. Ne revenons pas sur cet équilibre.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable. Ce texte vise à trouver un équilibre dans les rapports entre propriétaires et locataires.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  - L'article 4 précipite la résiliation du contrat entre le bailleur et le locataire en difficulté financière, dans le seul but de mettre ce dernier dehors au plus vite.

Quoiqu'amélioré en commission, il conditionne toujours l'octroi de délais supplémentaires à la reprise du versement du loyer et des charges avant l'audience, ce qui exclut injustement les plus précaires.

De très nombreux dossiers sont réglés grâce à l'octroi de délais supplémentaires : les deux parties y ont tout intérêt.

Plus généralement, nous regrettons la défiance à l'égard du juge, qui est pourtant le plus à même de trouver une solution satisfaisante.

Mme le président.  - Amendement identique n°69, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - Outre qu'il encombrera les tribunaux, cet article nie la capacité des locataires à reprendre le paiement du loyer après une courte période d'arrêt. C'est le retour de la prison pour dette !

Mme le président.  - Amendement identique n°79, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Viviane Artigalas.  - En remettant en cause les dispositifs de prévention des impayés, cet article accroît inutilement la pression sur les familles vulnérables, dans un contexte économique et social difficile.

Ce texte, le premier du quinquennat sur le logement, ne me paraît guère opportun, alors que l'impératif est de loger tous les Français. Les locataires confrontés à des difficultés de paiement ont souvent un travail. Or la réduction de la précarité et l'accès au travail commencent par la stabilité dans le logement.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 24 de la loi de 1989 précise que l'octroi de délais de paiement par le juge n'est possible que si le locataire est en capacité de régler sa dette locative.

L'article 4 apporte des précisions et ne constitue pas un changement de paradigme. La commission a aligné la procédure pour impayé de loyer sur celle pour surendettement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - La commission a renforcé la dimension de prévention et l'accompagnement social. Il faut aussi renforcer la réflexion sur les liens juridiques entre propriétaire et locataire.

L'article 4 contient des précisions positives sur la clause de résiliation. Enfin, la commission a rétabli la capacité du juge à se saisir d'office. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Les amendements identiques nos46, 69 et 79 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - La systématisation de la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat pour défaut de paiement du loyer ou des charges porte atteinte à la liberté contractuelle sans augmenter l'effectivité d'une telle clause. C'est d'autant plus inutile que la majorité des baux d'habitation contiennent déjà une clause de résiliation de plein droit. Il est étonnant de vouloir protéger les bailleurs contre leur gré !

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. Les clauses résolutoires de plein droit apportent une sécurité juridique au bailleur comme au locataire. Actuellement, seuls 1 à 2 % des contentieux portent sur des baux sans clause résolutoire. La limitation de la liberté contractuelle serait donc très marginale.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Bascher, Mme Dumont, MM. Cadec, Pointereau, J.B. Blanc, Paccaud et Brisson, Mme F. Gerbaud, M. D. Laurent, Mmes Lopez et Canayer et MM. Rietmann, Perrin, Klinger, Longuet, Belin, Laménie, Duplomb et Gremillet.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° Le III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le locataire est informé par le représentant de l'État dans le département de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement prévu au V du présent article. » ;

M. Marc Laménie.  - Ces mesures risquent d'augmenter considérablement le nombre d'expulsions fermes. Alors que seuls 60 % des locataires se rendent à l'audience, il importe d'assurer leur bonne information, sous la responsabilité des préfets, en lien avec les services sociaux du département.

Mme le président.  - Amendement identique n°8 rectifié, présenté par MM. Lagourgue, Verzelen et A. Marc, Mme Mélot, MM. Guerriau, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Défendu.

L'amendement identique n°22 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Benarroche.  - Cet alinéa conditionne l'octroi de délais supplémentaires par le juge à la reprise du versement du loyer et des charges avant la date de l'audience.

Si la commission a rétabli le pouvoir du juge de vérifier d'office tout élément constitutif de la dette locative et la décence du logement, ce qui est heureux, le raccourcissement des délais aggrave la difficulté pour les locataires les plus précaires de reprendre le versement du loyer et donc de se maintenir dans le logement.

Mme le président.  - Amendement n°25 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Decool et Médevielle.

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

1° bis Le V est abrogé ;

1° ter Au début du VI, les mots : « Par dérogation à la première phrase du V, » sont supprimés ;

M. Pierre-Jean Verzelen.  - La résiliation de plein droit du contrat peut être significativement allongée par des délais accordés par le juge dans la limite de trois ans, ce qui entre en contradiction avec une clause résolutoire. Cet amendement supprime la faculté du juge d'accorder des délais de paiement pour les locataires en défaut de paiement.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable sur les amendements nos4 rectifié bis et 8 rectifié, satisfaits, car la commission a rétabli les pouvoirs d'office du juge.

Inutile d'alourdir davantage la procédure en introduisant une obligation d'information par le préfet, au risque de nourrir le contentieux.

Défavorable à l'amendement n°47 : l'octroi de délais de paiement n'est possible que si le locataire peut payer sa dette locative.

L'amendement n°25 rectifié ter porterait préjudice au locataire, expulsé même si sa situation financière est viable, mais aussi au bailleur, qui a plus intérêt au remboursement de la créance : avis défavorable.

La commission a conditionné l'octroi d'un délai de paiement à la reprise du versement du loyer avant l'audience. Le locataire est donc fortement incité à régulariser sa situation.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis favorable aux amendements identiques nos4 rectifié bis et 8 rectifié, car les locataires les plus précaires souffrent souvent d'un déficit d'information. Il faut mieux les accompagner.

Avis favorable à l'amendement n°47 : le juge doit pouvoir se saisir lui-même en cas d'impayé locatif, sans demande du locataire, car ces ménages sont souvent précaires : moins de 40 % des locataires se présentent avec un avocat, contre presque 100 % des bailleurs.

Défavorable à l'amendement n°25 rectifié ter.

Les amendements identiques nos4 rectifié bis et 8 rectifié sont adoptés.

L'amendement n°47 est adopté.

L'amendement n°25 rectifié ter n'a plus d'objet.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

Mme le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

M. Guy Benarroche.  -  La réduction systématique des délais de procédure contentieuse vise en réalité à expulser les locataires sans leur laisser le temps de payer leur dette. Les délais retenus favorisent le sans-abrisme, sans favoriser le propriétaire, dont l'intérêt est au contraire le recouvrement des loyers. On présume que c'est un choix délibéré du locataire de ne pas payer son loyer alors qu'il le peut !

Des délais de trois ans sont rares et ne sont octroyés que lorsqu'un propriétaire n'a aucun projet sur le bien. Bref, cette tentative de fluidifier le marché du logement au seul bénéfice des propriétaires risque surtout d'aggraver la crise du logement et d'aboutir à 30 000 expulsions supplémentaires.

Mme le président.  - Amendement identique n°80, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Joël Bigot.  - L'article 5 réduit les délais en amont de l'audience, alors que cette période est une étape clé pour l'accompagnement des locataires. Cette réduction est contre-productive, car une partie importante des locataires paie dans les deux mois. Pourquoi perdre une chance que la dette soit réglée ? De nombreux ménages fragiles, mais de bonne foi, seraient pénalisés.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Je comprends les interrogations, mais l'accélération de la procédure contentieuse s'impose, d'autant qu'il s'agit de minimums légaux, et non des délais constatés sur le terrain. Il est anormal que les procédures s'étalent sur deux, voire trois ans. Dans l'intérêt des deux parties, il faut des délais raisonnables.

En commission, nous avons ajouté deux semaines entre l'assignation et l'audience, et renforcé le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex). Les services sociaux auront trois mois - contre deux actuellement - pour réaliser le diagnostic social et financier de la famille. Les juges pourront donc mieux apprécier la situation sociale du locataire défaillant, et les Ccapex mieux les accompagner. Avis défavorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - L'extrême longueur des procédures est parfois choquante. Nous sommes attachés à la prévention des expulsions locatives, comme en témoigne le troisième plan interministériel, dont je ferai le bilan prochainement.

La commission a amélioré et équilibré ce texte, notamment pour l'accompagnement des locataires de bonne foi. Retrait ou avis défavorable.

Les amendements identiques nos51 et 80 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 13 à 16 et 28 à 37

Supprimer ces alinéas.

M. Gérard Lahellec.  - Les possibilités de remboursement par le locataire sont dégradées ; les mensualités d'apurement tripleront, puisque les délais de paiement possibles passent de trois à un an. Systématiser les expulsions sans tenir compte des situations locales est une grave atteinte à la protection des locataires.

L'amendement n°76 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme le président.  - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas.

M. Martin Lévrier.  - Nous rétablissons le délai de deux mois entre le commandement de payer et l'assignation en justice, que la commission a réduit à six semaines.

Mme le président.  - Amendement identique n°28 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. Cigolotti, J.M. Arnaud et Détraigne, Mme Jacquemet et M. P. Martin.

Mme Valérie Létard.  - La commission des affaires économiques a déjà rehaussé les délais par rapport au texte de l'Assemblée nationale.

Revenir au délai initial de deux mois permettrait à deux tiers des problèmes d'impayés d'être résolus à l'amiable. Rapportés à trois ans, deux mois, c'est peu ! Il serait dommage de prendre le risque de judiciariser les situations pour gagner deux semaines...

Mme le président.  - Amendement identique n°53, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

M. Guy Benarroche.  - Mme Létard a tout dit. La commission des lois aurait dû aboutir au même constat que la commission des affaires économiques. En deux mois, on résout les deux tiers des problèmes ! La réduction du délai va aggraver les choses.

Mme le président.  - Amendement identique n°88 rectifié, présenté par le Gouvernement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Je ne saurais dire mieux que Mme Létard. La mensualisation du paiement des loyers justifie de conserver des délais en mois complets. Tous les élus locaux connaissent les difficultés que rencontrent les CCAS pour mettre en oeuvre les procédures. Il faut au moins deux mois.

Mme le président.  - Amendement n°81, présenté par M. Bouad et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 20

Supprimer cet alinéa.

M. Joël Bigot.  - Étant donné les tensions du marché locatif et les difficultés pour les familles en difficulté de se reloger, l'accompagnement social ne doit pas être sacrifié au nom de l'accélération de la procédure contentieuse.

L'écart de deux semaines ne lèse pas le propriétaire, mais laisse un temps précieux pour la prévention et l'accompagnement.

Mme le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Burgoa et Bascher, Mme Dumont, MM. Cadec, Pointereau, J.B. Blanc, Paccaud, Brisson et D. Laurent, Mmes Lopez et Canayer et MM. Rietmann, Perrin, Klinger, Longuet, Belin, Laménie, Duplomb et Gremillet.

M. Marc Laménie.  - En effet, l'accompagnement social ne doit pas être sacrifié au nom de l'accélération de la procédure.

Mme le président.  - Amendement identique n°9 rectifié, présenté par MM. Lagourgue, Verzelen et A. Marc, Mme Mélot, MM. Guerriau, Decool et Chasseing, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Défendu.

L'amendement identique n°14 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme le président.  - Amendement identique n°21 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Duffourg et Delcros, Mme Gatel, M. Henno, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Détraigne et Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Saint-Pé, MM. Le Nay et Capo-Canellas, Mmes Havet et Létard et M. Longeot.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°26 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Médevielle, Decool et Wattebled.

Alinéa 20

Remplacer les mots :

six semaines

par les mots :

un mois

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Nous ramenons ce délai de six semaines à un mois pour éviter la confusion, sachant que les délais sont comptabilisés en mois. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)

Mme le président.  - Amendement n°56, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéas 29 à 31

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - Le locataire susceptible d'être expulsé peut être privé d'un délai de deux mois suivant le commandement à payer si le juge considère qu'il est « de mauvaise foi ». Or cette expression est imprécise, et emporte un risque d'arbitraire si le juge est insuffisamment informé de la situation de la personne. Évitons de créer une insécurité juridique.

Mme le président.  - Amendement n°48, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Alinéa 37

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

4° L'article L. 412-6 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés » sont remplacés par les mots : « de la décision de la commission de médiation prévue à l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation qui reconnaît l'occupant prioritaire et devant se voir attribuer un logement ou un hébergement en urgence, jusqu'à ce que ce relogement ou cet hébergement » ;

b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.

M. Guy Benarroche.  - Nous demandons la suspension des expulsions des personnes reconnues prioritaires au titre du Dalo. La procédure doit aboutir à un relogement, conformément aux obligations de l'État. Il faut accorder un sursis tant qu'une solution de relogement n'a pas été trouvée.

Mme le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'alinéa 37

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le dernier alinéa de l'article L. 412-6 est supprimé.

M. Guy Benarroche.  - Selon l'Observatoire des expulsions des lieux de vie informels, en 2021, 64 % des expulsions ont eu lieu pendant la trêve hivernale ; 623 personnes sont mortes dans la rue ; 300 000 personnes sont sans domicile fixe, dont 1 700 enfants. Face à l'incapacité de l'État de proposer des solutions de logement, interdisons au moins les expulsions de locaux autres que des domiciles pendant la trêve hivernale.

M. André Reichardt, rapporteur.  - L'amendement n°70 revient sur la réduction des délais et sur le critère de qualification du squat. Avis défavorable, car contraire à la position de la commission.

Avis défavorable aux amendements identiques nos18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié. La procédure contentieuse peut durer jusqu'à trois ans ; elle doit être accélérée. Néanmoins, les auditions ont montré que le délai de précontentieux était utile ; nous avons donc fixé un délai de six semaines, compatible avec celui de cinq semaines que l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) estime nécessaire pour assurer l'accompagnement social des locataires. Il est en outre cohérent avec le délai de six semaines prévu entre l'assignation et l'audience. C'est un bon compromis entre célérité et maintien du rapport locatif, quand le locataire peut payer.

Avis défavorable  à l'amendement n°81. En commission, nous avons renforcé le rôle des Ccapex et rendu plus précoce l'accompagnement des locataires rencontrant le plus de difficultés. Les services sociaux disposeront de trois mois, contre deux aujourd'hui, pour élaborer le diagnostic social et financier. Dès lors, il fallait raccourcir le délai entre l'assignation et l'audience pour éviter de prolonger encore la procédure ; le délai de six semaines est cohérent avec celui de six semaines entre le commandement de payer et l'assignation en justice.

Avis défavorable aux amendements identiques nos5 rectifié bis, 9 rectifié, et 21 rectifié ter.

Avis défavorable à l'amendement n°26 également, ainsi qu'aux amendements nos56, 48 et 45 rectifié.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable à l'amendement n°70.

Avis favorable aux amendements nos18 rectifié, 28 et 53, identiques à celui du Gouvernement.

Avis défavorable à l'amendement n°81 : le diagnostic social et financier pourra débuter avant l'audience, le délai étant porté à trois mois.

Avis défavorable également aux amendements nos5 rectifié bis, 9 rectifié, et 21 rectifié ter, à l'amendement n° 26 ainsi qu'aux amendements nos56, 48 et 45 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - L'Anil estime peut-être le délai moyen à cinq semaines, mais dans nombre de départements, c'est la croix et la bannière pour obtenir le moindre accord du fonds de solidarité pour le logement (FSL), en raison de l'embouteillage dans les services ! C'est souvent au dernier moment, dans la dernière quinzaine, que l'on arrive à avancer vers un règlement. Deux semaines, sur un litige de trois ans, ce n'est pas une grosse rallonge.

Pourquoi ces litiges durent-ils si longtemps ? Non parce que le propriétaire ou le locataire sont de mauvaise foi, mais parce que la justice n'a pas les moyens de fonctionner correctement ! Pourquoi encombrer les tribunaux de litiges qui pourraient être résolus autrement ?

M. Guy Benarroche.  - Le rapporteur parle de cohérence, mais c'est l'efficacité qui importe ! On va passer d'un délai de deux mois, qui fonctionne bien, à un délai raccourci, qui non seulement ne permettra pas de faire mieux, mais augmentera la judiciarisation !

M. André Reichardt, rapporteur.  - La commission a recherché un équilibre entre célérité et respect de la volonté de trouver un accord entre les parties. Certes, le délai est réduit de deux semaines, mais les Ccapex pourront être saisies plus tôt, et le diagnostic pourra commencer dès le commandement de payer. Les services sociaux auront trois mois.

M. Guy Benarroche.  - En théorie !

M. André Reichardt, rapporteur.  - Lors de l'audience, le juge disposera d'une meilleure information ; actuellement, il n'a un diagnostic social et financier que dans 30 % des cas. On réduit les délais, mais in fine les services sociaux auront plus de temps. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Guy Benarroche le contestent.)

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°81 n'est pas adopté.

L'amendement n°5 rectifié bis est retiré.

Les amendements identiques nos9 rectifié et 21 rectifié ter ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos26 rectifié ter, 56, 48 et 45 rectifié.

Mme le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti, Mme Jacquemet, M. P. Martin et Mme Férat.

Alinéa 17

Après le mot :

coordonnées

insérer les mots :

téléphoniques et électroniques

Mme Valérie Létard.  - Il serait pertinent de transmettre les coordonnées téléphoniques et électroniques du locataire dès la signature du bail, pour faciliter l'intervention de services sociaux et juridiques en cas de problèmes de paiement.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Cette précision paraît utile. Il peut être difficile de joindre les locataires pour les informer de leurs droits ; avis favorable.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis favorable.

L'amendement n°29 rectifié est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°93, présenté par M. Reichardt, au nom de la commission des lois.

Alinéa 22

Remplacer le mot :

sixième

par le mot :

septième

M. André Reichardt, rapporteur.  - Correction légistique.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis favorable.

L'amendement n°93 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 5

Mme le président.  - Amendement n°50, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La saisine de la commission de médiation départementale par le demandeur, après la délivrance du jugement d'expulsion et lorsqu'il est devenu exécutoire, suspend les effets du commandement de quitter les lieux jusqu'à la réception par le demandeur de la décision de la commission. »

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement suspend les effets du commandement de quitter les lieux lorsque la personne qui fait l'objet du jugement d'expulsion saisit la commission de médiation départementale. Cette mesure, qui vise le public des prioritaires Dalo, faciliterait la mise en oeuvre effective de ce droit. Elle a été proposée par l'association Droit au logement.

Mme le président.  - Amendement identique n°72, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Gérard Lahellec.  - Il convient de suspendre l'expulsion tant qu'une solution de relogement n'a pas été trouvée.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable. L'accompagnement social des locataires en difficulté doit commencer dès les premiers impayés. Ces amendements ralentiraient une procédure d'expulsion locative déjà très longue - jusqu'à trois ans - et engorgeraient les commissions de médiation départementale.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - L'État est tenu de prêter son concours à l'exécution d'une décision de justice. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos50 et 72 ne sont pas adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°55, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution, il est inséré un article L. 412-... ainsi rédigé :

« Art. L. 412-....  -  Aucun concours de la force publique ne peut être accordé par la procédure d'expulsion locative lorsque des mineurs sont présents dans le logement et que la famille n'a pas obtenu de proposition de relogement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement interdit toute expulsion lorsque des mineurs sont présents dans le logement et que la famille n'a reçu aucune proposition de relogement.

Je rappelle qu'il y a plus de 4 millions de mal-logés en France, dont 600 000 enfants. Ces derniers, vivant dans les squats, les hôtels, les structures d'hébergement collectif, voient leur intégrité physique et morale plus facilement attaquée. De plus, le nombre d'enfants scolarisés qui dorment dans la rue a augmenté de 86 % en 2022.

Mme le président.  - Amendement n°52, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° du I de l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ne peut produire aucun effet si le bailleur ne respecte pas les obligations d'encadrement du loyer prévu par les dispositions mentionnées au I de l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dans les zones mentionnées au premier alinéa de l'article 17 de la présente loi. »

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement suspend les effets de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location lorsque le bailleur ne respecte pas l'encadrement des loyers en zone tendue. Comment peut-on permettre à un bailleur en infraction, alors qu'il ne devrait pas demander un tel loyer, de résilier le contrat ?

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°55. Le préfet a deux mois pour s'informer de la situation économique et sociale du foyer. Aucun texte ne limite son pouvoir d'appréciation. Tout au plus est-il précisé que le bailleur a droit à une indemnité si le préfet refuse le concours de la force publique.

En 2019, 52 860 demandes de concours de la force publique ont été instruites par les préfets en 2019, parmi lesquelles 35 208 ont été accordées. Les 17 652 demandes restantes ont été refusées explicitement ou implicitement.

Supprimer le pouvoir d'appréciation du préfet permettrait à des parents de mauvaise foi de se maintenir de façon indéfinie dans un logement. De plus, l'amendement ne fait pas référence à des liens familiaux, ce qui permettrait à des groupes militants incluant des mineurs de s'en prévaloir.

Avis défavorable également à l'amendement n°52, disproportionné et susceptible de faire exploser le nombre de contentieux. Le juge a la possibilité de s'assurer d'office du caractère décent du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Avis défavorable à l'amendement n°55 pour les mêmes raisons que le rapporteur. Nous avons confiance en la sagacité du juge, et en celle du préfet.

Le Gouvernement insiste sur l'équilibre entre droit des locataires et droit des propriétaires. C'est au nom de cet équilibre que nous émettons un avis favorable à l'amendement n°52 : le propriétaire qui ne respecte pas l'encadrement des loyers se met en faute.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - J'espère que le groupe Les Républicains comprendra l'importance de la notion d'égalité, mise en avant dans l'amendement n°52.

On veut laisser le préfet décider, mais un élément limite sa capacité de décision : son budget, et en l'occurrence l'absence de crédits pour payer les loyers au propriétaire. J'en ai fait l'expérience en tant que ministre.

Déjà, 25 % des enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Même si leurs parents ne sont pas des saints, les enfants de ménages expulsés auront une image déplorable de notre République. Attention à l'effet boomerang... (M. Guy Benarroche acquiesce.) Doublons les crédits pour éviter les expulsions, s'il le faut !

L'amendement n°55 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°52.

ARTICLE 6

Mme le président.  - Amendement n°89, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Cet article dispose que la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique pour l'expulsion est précisée par décret en Conseil d'État. Or c'est inutile, car déjà prévu par le code des procédures civiles d'exécution.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Je ne suis pas convaincu. Un décret rendrait le cadre normatif plus lisible, ce qui faciliterait son appropriation par le public concerné. Avis défavorable.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

ARTICLE 7

Mme le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

d'un lieu habite?

II.  -  Alinéa 13

Après le mot :

expulsion

insérer les mots :

de lieux habite?s

III.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code des procédures civiles d'exécution est complété par un article L. 431-... ainsi re?dige? :

« Art. L. 431-....  -  Si l'expulsion porte sur un lieu habite? par la personne expulse?e ou par tout occupant de son chef, le commissaire de justice en charge de l'expulsion transmet une copie du proce?s-verbal d'expulsion signifie? ou remis a? la personne expulse?e au repre?sentant de l'État dans le de?partement ainsi qu'a? la commission de coordination des actions de pre?vention des expulsions locatives pre?vue a? l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant a? la mise en oeuvre du droit au logement.

« Cette transmission s'effectue par l'interme?diaire du syste?me d'information pre?vu au dernier aline?a de l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant a? la mise en oeuvre du droit au logement. »

Mme Nadège Havet.  - Cet article s'appliquera en l'état à toute procédure d'expulsion ; or il est préférable de limiter la communication du procès-verbal d'expulsion aux seuls cas qui concernent des locaux habités.

Il est également nécessaire de prévoir une transmission dématérialisée des procès-verbaux au préfet et à la Ccapex.

Mme le président.  - Amendement identique n°90, présenté par le Gouvernement.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Défendu.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Ces amendements nous paraissent superfétatoires. Les Ccapex ne sont compétentes que sur les expulsions locatives. Néanmoins, avis favorable car la transmission dématérialisée des procès-verbaux d'expulsion de lieux habités au préfet et au Ccapex est une précision utile.

Les amendements identiques nos19 et 90 sont adoptés.

Mme le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud, Cigolotti, Détraigne et P. Martin et Mme Férat.

Alinéa 15

Après le mot :

pénal,

insérer les mots :

sous réserve de l'accord du locataire,

Mme Valérie Létard.  - Les informations communiquées par les travailleurs sociaux sont nécessaires à l'évaluation de la situation du ménage expulsable. Elles doivent être communiquées avec l'accord du locataire, dans une relation de confiance et de transparence.

Le locataire a parfois peur ou honte d'exprimer des difficultés intimes. C'est pourquoi le partage d'information doit être aussi lisible que possible.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Nous comprenons cette préoccupation. Néanmoins, avis défavorable. Les membres de la Ccapex sont soumis au secret professionnel. En outre, il est dans l'intérêt des locataires que les professionnels disposent de ces informations.

Enfin, l'amendement ne s'insère pas au bon alinéa.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Cet amendement est satisfait par l'état du droit. Le RGPD garantit la prise en compte des droits du locataire.

Mme Valérie Létard.  - Pour les travailleurs sociaux, qui ont sollicité cette disposition, il est très difficile d'établir et de maintenir une relation de confiance avec les locataires. Il faudra y revenir dans la navette.

L'amendement n°30 rectifié est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°92 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 20

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Ces alertes s'effectuent par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information prévu au dernier alinéa du présent article.

« La commission saisit directement les organismes publics ou les personnes morales suivants aux fins de permettre le maintien dans les lieux, le relogement ou l'hébergement d'un locataire menacé d'expulsion dont elle a connaissance :

« a) Le fonds de solidarité pour le logement afin qu'il instruise une demande d'apurement d'une dette locative, lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d'un locataire en situation d'impayé locatif qui lui a été signalé ;

« b) Le service intégré d'accueil et d'orientation, systématiquement, dès lors qu'elle est notifiée par le préfet d'un octroi de concours de la force publique, afin qu'il soit procédé à l'enregistrement d'une demande d'hébergement au bénéfice du ménage concerné.

« Ces saisines s'effectuent par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information prévu au dernier alinéa du présent article.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - La dématérialisation des alertes pour impayés facilitera la saisine des Ccapex, et accélérera ainsi le traitement des dettes locatives.

Mme le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas.

Après l'alinéa 20

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Ces alertes s'effectuent par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information prévu au dernier alinéa du présent article. 

« La commission peut saisir directement les organismes publics ou les personnes morales suivants aux fins de permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d'un locataire menacé d'expulsion dont elle a connaissance :

« a) Le fonds de solidarité pour le logement afin qu'il instruise une demande d'apurement d'une dette locative, lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d'un locataire en situation d'impayé locatif qui lui a été signalé ;

« b) Le service intégré d'accueil et d'orientation, systématiquement, dès lors qu'elle est notifiée d'un octroi de concours de la force publique par le préfet.

« Ces saisines s'effectuent par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information prévu au dernier alinéa du présent article.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Cet amendement a le même objet que celui du Gouvernement, mieux rédigé ; je m'y rallie donc.

L'amendement n°57 est retiré.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°92 rectifié.

L'amendement n°92 rectifié est adopté.

Mme le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéas 22 et 23

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

II.  -  L'article L. 824-2 du code de la construction et de l'habitation est ainsi re?dige? :

« Art L. 824-2. -  Lorsque le be?ne?ficiaire de l'aide personnelle ne re?gle pas la de?pense de logement, l'organisme payeur :

« 1° Saisit la commission de coordination des actions de pre?vention des expulsions mentionne?e a? l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant a? la mise en oeuvre du droit au logement afin qu'elle de?cide du maintien ou non du versement ;

« 2° Met en place les de?marches d'accompagnement social et budge?taire du me?nage afin d'e?tablir un diagnostic social et financier du locataire et reme?dier a? sa situation d'endettement. Le diagnostic est transmis a? la commission mentionne?e au pre?ce?dent aline?a.

« Cette saisine et la transmission du diagnostic s'effectuent par voie e?lectronique par l'interme?diaire du syste?me d'information pre?vu au dernier aline?a du me?me article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 pre?cite?e.

« Les modalite?s d'application du pre?sent article sont fixe?es par voie re?glementaire. »

M. Martin Lévrier.  - Cet amendement définit précisément les rôles respectifs de la CAF et de la Ccapex et garantit que cette dernière est décisionnaire en cas d'impayés.

Mme le président.  - Amendement identique n°91, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 22 et 23

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

II.  -  L'article L. 824-2 du code de la construction et de l'habitation est ainsi re?dige? :

« Art L. 824-2. -  Lorsque le be?ne?ficiaire de l'aide personnelle ne re?gle pas la de?pense de logement, l'organisme payeur :

« 1° Saisit la commission de coordination des actions de pre?vention des expulsions mentionne?e a? l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant a? la mise en oeuvre du droit au logement afin qu'elle de?cide du maintien ou non du versement ;

« 2° Met en place les de?marches d'accompagnement social et budge?taire du me?nage afin d'e?tablir un diagnostic social et financier du locataire et reme?dier a? sa situation d'endettement. Le diagnostic est transmis a? la commission mentionne?e au pre?ce?dent aline?a.

« Cette saisine et la transmission du diagnostic s'effectuent par voie e?lectronique par l'interme?diaire du syste?me d'information pre?vu au dernier aline?a du me?me article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 pre?cite?e.

« Les modalite?s d'application du pre?sent article sont fixe?es par voie re?glementaire. »

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Défendu.

M. André Reichardt, rapporteur.  - Ces précisions rédactionnelles, qui maintiennent le pouvoir décisionnaire des Ccapex sur le versement des APL en cas d'impayés, sont pertinentes. Avis favorable.

Les amendements nos20 et 91 sont adoptés.

L'article 7, modifié, est adopté.

L'article 8 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 8

L'amendement n°32 rectifié sexies n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°31 rectifié sexies.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme le président.  - Amendement n°35, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi condamnant les plus précaires à la rue

M. Guy Benarroche.  - Je suis toujours agacé par les titres de livres ou de films qui ne correspondent pas à leur contenu... (Sourires)

Même modifiée par les rapporteurs et quelques amendements adoptés en séance, cette proposition de loi ne correspond pas au titre qui lui a été donné. Nous la rebaptisons pour refléter les conséquences qu'elle risque d'avoir : condamner les plus précaires à la rue.

Mme Éliane Assassi.  - Cela ne passera pas ! (Rires)

M. André Reichardt, rapporteur.  - Avis défavorable, sans surprise. Nous ne partageons pas ce jugement très négatif. Cette proposition de loi a été singulièrement améliorée et enrichie, son intitulé correspond bien à son contenu.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques .  - Je remercie notre rapporteur au fond, André Reichardt. Je suis très heureuse d'avoir mené avec lui un fin travail de démêlage, dans un calendrier particulièrement contraint.

Nous avons atteint nos objectifs : renforcer la lutte contre le squat, mais aussi faire la distinction entre les squatteurs et les locataires défaillants, qui était absente du texte issu de l'Assemblée nationale. (M. le ministre le confirme.)

Nous avons réintégré des mesures adoptées en janvier 2021 dans ma proposition de loi garantissant la propriété immobilière contre le squat. Que de temps perdu ! Si ce texte avait été présenté par la majorité présidentielle, il serait déjà en application. (M. Yves Bouloux applaudit.)

Mme Éliane Assassi .  - Certes, il est inadmissible de retrouver son domicile coincé en rentrant chez soi. Mais c'est déjà ce que dit la loi, ce et qui a justifié les 170 concours de la force publique en 2021. Aucun de nos amendements n'est revenu sur ces dispositions.

Nous regrettons que le mal ne soit pas traité à la racine, alors que la loi qui permet la réquisition de logements vides n'est jamais appliquée.

Les 170 situations de squat servent de prétexte pour légiférer, alors que 300 000 personnes sans domicile attendent toujours une loi. Rien n'est fait pour limiter les loyers, alors que des ménages sont pris en étau entre l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat.

Monsieur le ministre, vous vous êtes satisfait d'une augmentation de 1 % du nombre de places d'hébergement, alors que le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 10 %. Rien n'a donc changé : il faut faire dix fois plus et s'attaquer aux inégalités d'accès au logement.

Vous voulez condamner à des amendes supplémentaires ceux à qui l'État n'a pas su garantir un logement décent. Rappelons que 2,3 millions de personnes attendent un logement social.

M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois .  - Je remercie la rapporteure pour avis, la commission des lois, et tous ceux qui ont travaillé à améliorer ce texte.

Monsieur le ministre, nous nous félicitons qu'il y ait une deuxième lecture pour améliorer encore cette proposition de loi.

M. Daniel Salmon .  - Comme vous, tous les matins, tous les soirs, je croise de nombreuses personnes qui dorment dans la rue. Elles ont eu un logement, avant de subir les vicissitudes de la vie. Cette loi va-t-elle réduire leur nombre ? Non, bien au contraire.

La commission aura rendu le texte un peu moins implacable et un peu moins déséquilibré en faveur des bailleurs. Mais malgré ces quelques avancées, il contribue à rigidifier ce qui était déjà possible pour le juge. L'arsenal judiciaire existe, il faut simplement que les décisions soient appliquées, et que les préfets puissent reloger.

Le GEST votera contre cette proposition de loi.

Mme Catherine Procaccia .  - Je félicite la commission et les rapporteurs pour leur travail, et pour la distinction claire qu'ils ont établie entre les squatteurs et les locataires.

Je vous le dis, comme je l'ai dit à vos prédécesseurs depuis seize ans : si les préfets appliquaient l'article 38 de la loi Dalo, nous ne serions peut-être pas contraints de légiférer à nouveau. Beaucoup de commissaires et de préfets en ignorent même l'existence ! M. Salmon a raison : commençons par appliquer la loi.

Mme Valérie Létard .  - Le groupe UC n'aurait pas voté le texte issu de l'Assemblée nationale, qui assimilait squatteurs et locataires défaillants. Le rééquilibrage opéré en commission nous incite à voter la proposition de loi, j'en remercie les rapporteurs.

Il faut agir en amont, sur les outils de gestion des impayés, pour éviter que les familles soient prises dans un engrenage. Le travail des rapporteurs a été enrichi par des initiatives de tous les groupes.

Le Sénat a fait plus qu'oeuvre utile, et cette loi améliorera la situation des propriétaires et des locataires.

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Cette loi est injuste et va fragiliser de nombreuses personnes, sans rien régler : les squatteurs expulsés d'un bâtiment - je ne parle pas des occupations de domicile - reviendront quinze jours plus tard si le problème n'est pas traité autrement.

Au début de l'examen de ce texte, le ministre de la justice nous a donné des leçons. Qu'il prenne donc une circulaire pour mettre fin au classement sans suite des litiges visant les propriétaires indélicats ! Je songe aux logements indécents, aux travaux lancés dans les cages d'escalier pour se débarrasser de locataires. Même chose pour les plaintes d'organismes HLM contre les réseaux de squat : sans suite. Inutile de faire des lois non appliquées, pour ensuite les durcir !

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°123 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 252
Contre   91

La proposition de loi est adoptée.

M. Olivier Klein, ministre délégué.  - Je remercie les commissions et leurs deux rapporteurs pour leur travail de qualité, qui a amélioré et équilibré le texte. Le travail se poursuivra en deuxième lecture.

Prochaine séance, mardi 7 février 2023, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 15.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 7 février 2023

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président, M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, exprimant le soutien du Sénat à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine, présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (n°201 rectifié, 2022-2023) (demande du président du Sénat)

2. Débat sur le thème « Automobile : tout électrique 2035, est-ce réalisable ? » (demande du groupe Les Républicains)

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (texte de la commission, n°268, 2022-2023) (demande du Gouvernement)

4. Débat sur les conclusions du rapport : « Commerce extérieur : L'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises » (demande de la délégation aux entreprises)

5. Débat sur les conclusions du rapport « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France » (demande de la commission des affaires économiques)