Crise du système de santé
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat d'actualité sur le thème : « La crise du système de santé ».
Mme Patricia Schillinger . - Nous la souhaitons à tous le 1er janvier : la santé, qui est au coeur de nos vies, doit demeurer au centre de nos politiques publiques.
La triple épidémie à laquelle nous faisons face nous rappelle le rôle essentiel des professionnels de santé. Or le constat est alarmant : trop de Français n'ont pas de médecin traitant, trop de professionnels sont surmenés, trop de services d'urgence surchargés.
De nombreuses mesures ont déjà été prises : 19 milliards d'euros ont été consacrés par le Ségur à des revalorisations de 180 à 400 euros par mois, le nombre de places ouvertes aux infirmiers et infirmières a été augmenté, le champ de compétences de certains professionnels a été élargi, les infirmiers en pratique avancée (IPA) montent en puissance. Ces outils pansent les plaies pour un temps, mais beaucoup reste à faire.
Assurer l'égal accès aux soins est un enjeu essentiel. Chacun doit pouvoir être soigné près de chez lui, en même temps qu'il faut répondre au surmenage des professionnels de santé. Certes, c'est un travail d'équilibriste...
C'est ce que nous disions, Philippe Mouiller et moi-même, dans notre rapport « Les collectivités à l'épreuve des déserts médicaux : l'innovation territoriale en action ». Nous proposions des pistes d'amélioration de l'accès aux soins, fondées sur les collectivités territoriales. En dépit de leurs moyens limités, nombre d'entre elles mettent en oeuvre des solutions : centres de santé, maisons de santé pluridisciplinaires, développement de la médecine ambulatoire et de la télémédecine...
Plusieurs mesures annoncées par le Président de la République vont dans ce sens : amélioration des conditions de vie des soignants, suppression du plafond de 20 % pour les téléconsultations - un outil indispensable, même s'il n'est pas une solution unique -, engagement pris auprès des 600 000 patients souffrant d'une maladie chronique d'avoir un médecin attitré.
Nous devons aussi travailler sur les rendez-vous non honorés, car le temps médical est précieux, et alléger les tâches administratives des soignants.
Un enjeu d'importance perdure : la permanence des soins. À cet égard, je suis convaincue que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) joueront un grand rôle. De nombreuses discussions ont été menées sur ce sujet dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) en santé.
Madame la ministre, quelles sont les premières solutions envisagées pour favoriser l'égal accès aux soins et la permanence des soins ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Je présente à l'ensemble du Sénat mes meilleurs voeux - notamment de bonne santé.
La coordination entre collectivités territoriales, soignants, agences régionales de santé (ARS) et État est nécessaire pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Comme ministre de l'organisation territoriale de la santé, je connais la forte volonté des élus locaux de répondre à la demande en santé. C'est en partant du local que nous y parviendrons.
Dans le cadre du volet santé du CNR, près de 300 réunions ont eu lieu. Avec François Braun, nous présenterons fin janvier ou début février le résultat de la concertation, en complément des mesures annoncées par le Président de la République lors de ses voeux aux acteurs de la santé.
Ensemble, nous répondons aux besoins de santé de nos concitoyens en réformant aussi bien l'hôpital que la médecine de ville.
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.) Nombre de nos compatriotes s'interrogent : dans un pays qui consacre 55 % de sa richesse à la dépense publique, soit neuf points de plus en vingt ans, comment est-il possible que la justice, le système ferroviaire et la santé soient en pareil état ? Une réponse s'impose. (M. Roger Karoutchi marque son assentiment.)
En réalité, ce qui a progressé en vingt ans, ce sont les transferts aux ménages et aux entreprises. Le financement des services publics, lui, a régressé, au point de ne représenter plus qu'un tiers de la dépense totale.
La santé n'a échappé que très partiellement à ce sous-financement, alors que la population âgée de plus de 60 ans a progressé de plus de 30 %. Résultat : nous consacrons moins de moyens à la santé aujourd'hui qu'à la fin du septennat de Valéry Giscard d'Estaing...
Nous pouvons gloser à l'envi sur la gouvernance, la répartition des tâches, la conception du système : tant que nous ne sortirons pas du cadre actuel, nous ne ferons que gérer une pénurie. Le budget de la sécurité sociale en témoigne : pour la première fois depuis qu'il existe, l'Ondam est inférieur à l'inflation.
Voilà six ans, j'étais à l'Élysée pour la présentation du plan « Ma santé 2022 ». À l'époque, j'ai applaudi. Mais la semaine dernière, le Président de la République a présenté les mêmes propositions, six ans plus tard... (Mme Catherine Deroche le confirme.) Ainsi de la réforme de la T2A : nécessaire, elle n'a pas été menée durant toutes ces années. Le covid n'explique pas tout, loin de là.
La santé est une politique essentielle. Nous devons préserver un haut niveau de soins et travailler en faveur de l'égalité d'accès. Pour cela, sortons de la gestion de la pénurie pour impulser un nouvel élan en faveur des politiques de santé ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST ; Mme Catherine Deroche, MM. Alain Milon et Yves Bouloux applaudissent également.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Depuis 2017, le budget consacré à la santé a augmenté de 53 milliards d'euros, pour dépasser 240 milliards d'euros - soit 40 % d'augmentation. Durant deux années de suite, aucune économie n'a été faite sur l'hôpital.
Je vous rejoins : il faut mettre les moyens au bon endroit et au bénéfice des bonnes personnes. Nous devons fidéliser les soignants, rendre les métiers attractifs. D'où le rattrapage sur les salaires, à hauteur de 12 milliards d'euros, mais aussi les 19 milliards d'euros mobilisés pour l'investissement.
La réforme de la T2A, annoncée en 2018, a été repoussée en raison de la crise sanitaire. (Marques d'ironie à gauche)
M. Bernard Jomier et Mme Émilienne Poumirol. - C'est trop facile !
Mme Laurence Cohen . - Lors de la présentation de ses voeux aux personnels de santé, le Président de la République a reconnu qu'il fallait réorganiser le système de santé, mais sans annoncer de moyens supplémentaires. Pourtant, l'hôpital est à l'agonie, et la médecine de ville en grande difficulté.
Emmanuel Macron a fait le constat de l'épuisement des soignants, de l'absence de médecins traitants pour de nombreux Français, de la démission de nombreux élèves infirmiers : autant de problèmes que nous dénonçons de longue date, sans que le Gouvernement nous entende.
Le chef de l'État continue dans la même veine, préconisant les mêmes remèdes qui ont aggravé les maux de notre système de santé. Il promet 10 000 postes d'assistants médicaux d'ici 2024, mais sans contraindre les médecins libéraux à s'installer dans les zones tendues. Il préfère une politique d'incitation inefficace à la suppression du décret Mattei de 2002 ; nous voulons rétablir l'obligation de permanence pour les généralistes comme les spécialistes.
Face à la triple épidémie actuelle, qui aggrave le désarroi des soignants, on aurait pu espérer que le Président de la République réponde différemment. Les 35 heures auraient désorganisé l'hôpital ? Parlons plutôt des embauches prévues dans ce cadre qui n'ont pas été réalisées...
Depuis 2017, 21 000 lits ont été supprimés. Un plan de recrutement doit être mis en place rapidement pour 100 000 emplois, comme le demandent les syndicats. Il faut revenir sur Parcoursup, sur le numerus apertus et augmenter les capacités de formation des universités.
Développons des centres de santé partout sur le territoire, en leur donnant les moyens nécessaires.
Il ressort des auditions menées par la commission des affaires sociales que l'hôpital souffre de déshumanisation et de l'hérésie de l'hôpital-entreprise. Il faut développer la bientraitance institutionnelle. La création d'un tandem administratif et médical à la tête des établissements est bienvenue, mais il faut renforcer la présence des usagers et des personnels dans les conseils d'administration, avec droit de veto sur les budgets et les projets d'établissement.
Cessons aussi de voter chaque année un budget insuffisant lors du PLFSS.
Madame la ministre, allez-vous enfin financer l'assurance maladie à la hauteur des besoins ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SER)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Vous avez raison, la crise est multifactorielle. Nous devons refonder notre système de santé, en nous attachant à ses deux jambes : l'hôpital et la médecine de ville.
Depuis 2017, le budget de la santé a augmenté de 20 %. Je répète les chiffres déjà donnés : 12 milliards d'euros pour les salaires - certes, il ne s'agit que d'un rattrapage - et 19 milliards d'euros pour les investissements.
L'année dernière, l'APHP a embauché 2 200 infirmiers, mais, dans le même temps, 2 800 sont partis...
Mme Laurence Cohen. - Et pourquoi ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Nous devons fidéliser le personnel en travaillant sur la qualité de vie au travail, en repensant les emplois du temps, en tenant, nous tous, un discours positif sur ces métiers auprès des jeunes.
Les indemnités de nuit ont été prolongées dans le cadre de la mission flash sur les urgences.
Mme Laurence Cohen. - Si vous faites tout bien, pourquoi une telle situation ? La réalité de votre politique, c'est 1,7 milliard d'euros en moins pour le budget de la santé. L'argent existe : les exonérations de cotisations patronales, qui ne créent aucun emploi, coûtent 70 milliards d'euros par an, alors que les besoins supplémentaires sont estimés à 10 milliards d'euros. C'est une question de choix politiques. Voyez les mouvements contestataires qui se développent partout, et cessez de mettre le système à genoux ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) William Arthur Ward disait : « Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. »
Soins déprogrammés, postes vacants, burn-out : voilà une triste litanie. Alors que la demande de soins augmente du fait du vieillissement de la population, le manque de personnel est chronique. La situation continue de se dégrader.
Consulter un généraliste devient difficile dans un délai raisonnable. Les praticiens s'installent de manière disharmonieuse. Enfin, il existe un déficit d'information auprès des patients, qui se tournent vers les urgences.
Les médecins de ville devraient être incités à s'installer dans les maisons en santé et à assurer des permanences le week-end. Mais d'une région à une autre, les situations sont différentes : d'où le rôle moteur des ARS. Il faut agir, car, à trop attendre, l'approche contraignante finira par s'imposer.
Meilleure coordination des soins, meilleure répartition des compétences et des responsabilités, augmentation des places d'accueil en médecine de ville, développement bien encadré de la télémédecine, réduction des démarches administratives : ce sont autant de pistes.
L'augmentation salariale prévue dans le cadre du Ségur n'a pas débouché sur une augmentation nette des recrutements.
Churchill disait : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu'il ne nous prenne par la gorge. » Une transformation ambitieuse s'impose !
Madame la ministre, quelle est votre vision réformatrice ? Que prévoyez-vous en matière de prévention ? Comment répondre à la crise des urgences ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Alors que 87 % de la France est un désert médical et que l'hôpital ne va pas bien, il nous faut réformer.
En six mois, j'ai effectué quarante déplacements importants. Nous ne pouvons pas appliquer les mêmes méthodes en Île-de-France et dans la Drôme. Je suis résolument optimiste, car sur les territoires, il y a des politiques qui marchent.
Il faut coconstruire, dans une logique gagnant-gagnant, une nouvelle répartition de la permanence des soins. Sur la base de la feuille de route du Président de la République et des résultats du CNR, nous ferons des propositions en ce sens.
M. Stéphane Ravier . - Le préambule de la Constitution de 1946 énonce que la Nation garantit à tous la protection de la santé. Mais ça, c'était avant...
« Ma santé 2022 » et les autres plans masquent le saccage de notre système de santé, jadis envié par le monde entier.
Vous avez fermé 4 300 lits en 2021 et 5 700 en 2020, au coeur de la pandémie. En cinq ans, 21 000 lits ont été supprimés, après 10 000 fermetures sous Hollande et 37 000 sous Sarkozy. En vingt ans, nous avons ainsi perdu 100 000 lits, alors même que la population vieillit.
Les déserts médicaux touchent campagnes et villes, et jusqu'aux hôpitaux eux-mêmes. Les personnels sont essorés. Pas moins de 150 patients seraient morts aux urgences depuis début décembre, faute de prise en charge.
Pendant ce temps, la France est le dernier pays européen à ne pas avoir réintégré les soignants non vaccinés.
Ajoutez à cela une pénurie de médicaments, résultat de notre dépendance à la production étrangère.
Quelles actions concrètes envisagez-vous pour creuser les oasis nécessaires au milieu du désert médical national ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Vous parlez d'Europe. Le manque de professionnels touche toute l'Europe, et même au-delà - je pense aux États-Unis. Certes, on ne peut se satisfaire d'une telle réponse, mais l'herbe n'est pas plus verte ailleurs : voyez l'Espagne ou le Royaume-Uni... La feuille de route du Président de la République apporte des solutions.
M. Stéphane Ravier. - Humble sénateur français, je souhaite simplement que le système de santé français fonctionne. On ne peut pas se contenter de dire : ailleurs, c'est pire ! Faisons preuve d'audace et d'autonomie de réflexion, pour trouver des idées franco-françaises qui améliorent la situation.
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis trente ans, malgré l'excellence de notre système de santé, la situation se détériore. Nombre de patients ne trouvent plus de médecins. Tout le système doit se réinventer.
Le Président de la République a formulé des propositions. Mais certaines semblent complexes : ainsi, comment les 600 000 malades chroniques trouveront-ils les médecins pertinents ? Le pré-adressage est essentiel. Il faut mettre en oeuvre rapidement les plateformes d'accès aux soins. Nous devons aussi généraliser les plateaux techniques avec des infirmiers en pratique avancée.
L'ouverture le week-end des maisons médicales est tout aussi importante. Les rendez-vous médicaux non honorés doivent être sanctionnés, car ces créneaux sont des trésors.
En agissant avec les élus locaux, dans la collégialité, nous devons favoriser l'installation des jeunes médecins. La cassure territoriale survient dès la première année de l'internat. Nous proposons donc la création de lycées en santé, sur le modèle des lycées agricoles, l'élargissement des interfaces de prévention santé insertion (Ipsi) et la création de petits centres médicaux dans les territoires. Les collectivités locales sont prêtes.
Nos territoires sous-dotés ont dû investir dans des médecins intérimaires hospitaliers. Nous ne cautionnons pas ce système, mais il faut faire avec l'existant. Le Conseil constitutionnel a limité le recours à ces professionnels. Comment les hôpitaux tiendront-ils s'ils sont désertés par les intérimaires ? Pourquoi ne pas créer des postes fixes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'urgence, ce sont les 600 000 malades chroniques sans médecin traitant. Nous travaillons avec la Cnam et avec les médecins pour que d'ici la fin de l'année, chacun se soit vu proposer un médecin traitant. Ce sera gagnant-gagnant, car un patient en affection de longue de durée qui décompense finit souvent aux urgences.
Il faut faire évoluer le parcours des infirmiers, sachant que le taux de fuite est de 30 % en première année et de 20 % à la fin : 50 % des étudiants ne vont pas au bout de leur parcours, selon l'Igas. Nous ferons des propositions très vite.
Idem sur les rendez-vous non honorés, car nos concitoyens doivent comprendre que la santé n'est pas un bien de consommation comme un autre.
J'ai constaté lors de mes déplacements les initiatives des collectivités territoriales pour attirer des internes et des jeunes médecins, à l'instar de la maison des internes à Morteau, bel exemple de coconstruction entre la collectivité, l'ARS et les soignants.
Sur l'intérim, la loi est votée ; elle sera appliquée dès mars.
Mme Catherine Deroche . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lors de ses voeux au secteur de la santé, le Président de la République a tenté de fixer un nouveau cap. Après trois années de pandémie, il fallait aller au-delà de l'autosatisfecit presque gênant. Le constat est partagé, mais les annonces manquent de contenu et de crédibilité.
La médecine de ville est en crise : besoins croissants, désertification médicale, pénurie de professionnels, médecins peinant à dégager du temps médical. Face à cela, toujours le même catalogue d'annonces, alors que se déroulent des négociations conventionnelles tendues.
On ferait subitement sauter le seuil de 20 % de consultations à distance ? Mais quelle médecine voulons-nous ? Une médecine sans examen clinique, pratiquée depuis des centres d'appels ? Une médecine à deux vitesses ? La télémédecine est un complément, non un substitut ubérisé à une médecine de qualité.
Il faut embaucher davantage d'assistants médiaux, nous dit le Président. Soit, mais quid du financement ?
Le Président appelle à simplifier et généraliser la délégation d'actes, sans conflit entre les professions. Que signifie « apporter une solution de santé en incitant les acteurs de santé à coopérer entre eux » ? Quid des infirmiers en pratique avancée, à peine cités ?
Les 600 000 malades chroniques se verront proposer un médecin traitant par la Cnam : pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Surtout, quel rôle pour le médecin traitant ? Il doit être « la porte d'entrée, non le verrou », nous dit-on... Pourquoi alors la multiplication désordonnée des accès directs ? Comment faire du médecin traitant un pivot ? En Suède, son rôle n'est pas la régulation, assurée par l'infirmier, mais bien le diagnostic médical et la coordination des soins.
À l'hôpital, la crise est tout aussi durable et profonde. Mais le discours présidentiel s'est limité à l'annonce choc relative à la T2A - qui ne fait que reprendre la proposition de la commission d'enquête du Sénat : un financement mixte, avec une part de dotation populationnelle, un financement lié à la qualité et une part assise sur l'activité.
Cette annonce ne suffira pas ; le vrai problème de la T2A est qu'elle repose sur un tarif qui, en réalité, ne couvre pas les charges des établissements.
On nous annonce un nouveau modèle de financement dès le PLFSS pour 2024, mais le Gouvernement n'a même pas conduit l'expérimentation votée dans la loi de financement pour 2021, ni mis en oeuvre les réformes du financement des soins de suite ou la psychiatrie...
Sortie de la T2A dès le prochain PLFSS, mais rappel de la légitimité de la rémunération à l'activité ? Le verbe présidentiel mérite une exégèse... Surtout, le Président de la République évite soigneusement le sujet de la dépense. Quelle part le Gouvernement veut-il réellement consacrer à l'hôpital ? S'il s'agit seulement de partager autrement le même gâteau, autant ne rien changer !
Le premier engagement à prendre vis-à-vis de l'hôpital est celui de l'humilité. Notre commission d'enquête n'a pas demandé de nouvelle loi sur l'hôpital ni de modification de la gouvernance, mais de la souplesse. Cessons d'annoncer de fausses révolutions. Le vrai sujet, ce sont les effectifs, le recrutement de soignants, l'attractivité des carrières : voilà la réalité de la politique à mener.
Or la feuille de route ne comporte aucune politique structurée ni aucune ambition pour les soignants. « Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots, rien que des mots... » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)
M. Bernard Jomier. - Très juste !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Des mots, oui, mais aussi des actes. L'objectif du Gouvernement est bien de faire gagner 15% de temps médical aux médecins, grâce aux assistants médicaux. Le financement est déjà annoncé, et assuré : 36 000 euros la première année, 27 000 euros la deuxième, 21 000 à partir de la troisième année.
Le médecin traitant doit rester la pierre angulaire de notre système de santé - le chef d'orchestre, et non l'homme-orchestre. Mais il ne doit pas non plus être un verrou : puisque six millions de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant, d'autres soignants peuvent devenir une porte d'entrée dans le système.
La pandémie nous a fait gagner quinze ans sur la téléconsultation. Dans certaines spécialités, comme la psychiatrie, les 20 % sont bloquants. Il ne s'agit pas de déréguler, mais la télémédecine peut être un complément utile dans certains territoires.
Le Président de la République n'a pas annoncé la suppression totale de la T2A. Il était impossible de réformer le financement de l'hôpital avec la crise sanitaire. L'objectif est bien de coconstruire la réforme avec les professionnels, en prenant en compte les besoins de la population et la pertinence des soins. Une part de T2A pourra être conservée.
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je salue le travail remarquable des soignants dans des conditions souvent difficiles.
La pandémie a révélé et aggravé les contraintes qui pèsent sur notre système de santé malgré la hausse de l'Ondam. Nous sommes à un tournant : nous ne pouvons plus le laisser se dégrader davantage. L'engorgement des urgences, notamment, est alarmant. Dernier rempart médical pour beaucoup de nos concitoyens, elles risquent d'être embolisées par les soins non programmés que refusent de traiter les médecins. En Corrèze, 10 % de patients en plus se sont rendus aux urgences en 2022.
La régulation doit permettre de distinguer ce qui relève de l'urgence ou pas. Elle repose sur la réorientation : les médecins de ville, assistés par des IPA et des assistants médicaux, devront accepter davantage de soins non programmés. Cela pourrait se faire dans le cadre d'une CPTS, avec une maison de santé.
Il convient également de soulager les urgences en aval, une fois la situation médicale du patient stabilisée. Il est fréquent que les autres services hospitaliers, désormais très spécialisés, refusent des patients ne relevant pas de leur spécialité. Or les urgences, surchargées, ne peuvent conserver les patients. Il faut davantage de services polyvalents en aval, et pour cela, rouvrir des lits qui ont été fermés par manque de personnel. En attendant que la fin du numerus clausus produise ses effets, en 2030, il faut augmenter le nombre d'infirmiers et d'aides-soignants.
Au fur et à mesure que la dépendance augmentera, il faudra davantage de prise en charge. Le plan Grand Âge, avec ses 50 000 emplois annoncés, doit être mis en place rapidement.
Il faudra également un effort massif de formation ; la validation des acquis de l'expérience est une bonne piste.
Depuis la dernière loi de financement de la sécurité sociale, les étudiants doivent effectuer les six derniers mois de la quatrième année d'internat auprès d'un maître de stage, mais il n'y en a pas partout. C'est pourquoi je suggère qu'il puisse être un médecin référent, qui connaît bien la patientèle et saura conseiller et orienter. Un étudiant en thèse doit être payé comme un remplaçant, avec dix consultations maximum par jour.
Un aménagement de cette quatrième année est nécessaire pour irriguer tout le territoire avec des étudiants. Il faut aussi aider les collectivités territoriales à embaucher des médecins salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Pierre Louault et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Les défis sont nombreux et c'est ensemble que nous trouverons les solutions.
Il faut assurer la gradation dans le recours. C'est par défaut que les urgences sont la seule solution identifiée par nos concitoyens. À cet égard, les services d'accès aux soins mis en place l'été dernier sont une vraie solution. Leur nombre sera doublé.
En amont, nous nous sommes engagés en faveur de la régulation. Un plan massif de formation des assistants de régulation médicale est prévu, et nous avons revalorisé le salaire des médecins régulateurs.
Il faut aussi fluidifier les parcours en aval des urgences. Nous avons réactivé les cellules territoriales de gestion des lits et prévu des mesures dérogatoires. L'assurance maladie pourra rembourser le taxi pour les transports de malades en sortie d'urgences.
La clé réside dans les ressources humaines, qu'il s'agisse de former de nouveaux professionnels ou de convaincre des professionnels de rester.
Mme Mélanie Vogel . - Notre système de santé n'est plus en crise, car une crise est soudaine et momentanée. Il n'est pas non plus au bord de l'effondrement : il s'effondre sous nos yeux.
Qui aurait pu le prévoir ? Toute personne renseignée ! C'est la conséquence implacable de mauvais choix politiques qui ont coûté des vies, à commencer par celles des plus précaires.
À Saint-Avold, 36 infirmiers sur 38 sont en arrêt maladie : il n'y a plus d'accueil après 19 heures. À Pontoise, c'est 90 % de l'effectif des urgences qui est arrêté. Comment en est-on arrivé là ? Ce n'est pas la faute du covid, de la grippe ou de la bronchiolite. Un système de santé prévient et soigne les maladies. S'il s'effondre parce que les gens tombent malades, c'est parce qu'il s'effondre de lui-même, et donc parce qu'il a été sous-financé.
Je ne peux pas non plus entendre que c'est à cause des 35 heures. Quel mépris vis-à-vis de ceux qui s'épuisent pour honorer leur mission, celle de soigner ! Si pour guérir les autres, il faut se tuer à la tâche, cela n'a plus aucun sens.
La responsabilité incombe à ceux qui ont désinvesti dans l'hôpital public, avec le forfait patient urgences, des salaires de misère, des conditions de travail indignes, la T2A, les déserts médicaux, les fermetures de lits, etc.
Notre système de santé subit depuis des décennies des décisions politiques à courte vue inspirées par une idéologie mortifère selon laquelle les services publics doivent coûter le moins cher possible.
Le pire arrive. Selon un rapport de l'OMS de 2016, 23 % des décès dans le monde sont liés au travail dans un environnement insalubre. Le changement climatique et la perte de biodiversité provoqueront des chocs sanitaires : la pandémie en a été l'une des premières manifestations. Or l'État ne s'est pas doté des outils prospectifs nécessaires.
Les chocs futurs seront encore plus violents que la pandémie. Il faut y songer dès à présent en développant une culture de prévention, d'adaptation et de résilience.
Ces éléments sont directement tirés du rapport de la mission sénatoriale d'information sur la sécurité sociale écologique du XXIe siècle, dont j'étais rapportrice. Qui pouvait prévoir l'impasse où nous sommes ? Tout le monde ici, mais tout le monde n'a pas été au pouvoir pour l'éviter. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes CRCE et SER ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - C'est une réforme structurelle qu'il nous faut mener à bien.
Le Gouvernement fait de la santé environnementale une priorité de sa politique. La France est l'un des pays les plus engagés en Europe pour la réduction de l'impact de l'environnement sur la santé, grâce aux plans nationaux santé environnement (PNSE) inscrits dans le code de la santé publique.
Le quatrième PNSE a été lancé en 2021. Il comporte notamment l'intégration des impacts environnementaux des activités de santé, en développant par exemple le recyclage des déchets de santé. Nous traitons ce dossier de façon interministérielle, avec Christophe Béchu et Bérangère Couillard.
La prévention est aussi une de nos priorités ; nous avons pris des mesures en ce sens dans le PLFSS.
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Tous les secteurs de la santé traversent une crise profonde, et tous les acteurs font état de leur épuisement et de leur découragement. La santé est un bien commun, chacun devrait avoir le droit de se faire soigner de façon optimale. Les services publics, c'est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas !
L'intervention présidentielle du 6 janvier a déçu les professionnels de santé. Le Président, fidèle à sa ligne, a repris une vieille lune de la droite, la dénonciation des 35 heures. Il faudrait que les soignants travaillent plus - jusqu'à 72 ans ! - sans gagner plus. Or on sait que beaucoup d'infirmières abandonnent leur métier moins de cinq ans après l'obtention de leur diplôme.
Certaines annonces vont cependant dans le bon sens. Ainsi de la remise en cause de la T2A, mais peut-on avoir des précisions sur les objectifs de santé à l'échelle d'un territoire évoqués par le Président de la République ? Sur les conseils d'administration des hôpitaux qui se substitueraient aux conseils de surveillance ?
La réorganisation de la médecine de ville a peu été abordée alors que c'est le coeur du problème. Les dispositifs d'incitation ont échoué, Roselyne Bachelot l'a elle-même reconnu. Je regrette que les médecins libéraux n'aient aucune obligation de garde, ce qui soulagerait les urgences hospitalières.
Six millions de Français n'ont pas de médecin traitant, dont 600 000 en affection de longue durée. Les annonces du Président de la République n'ont pas rassuré sur ce point.
Il faut un projet global. Le Président semble avoir renoncé à tout volontarisme en matière de santé. Nous demandons un plan global et cohérent d'investissement dans la santé. Tous les parlementaires devront être associés à la recherche d'une telle solution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme le président interrompt l'orateur qui a dépassé son temps de parole.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Nous sommes d'accord sur un point : la santé est un bien commun. Il faut refonder l'ensemble du système de santé, hôpital comme ville.
Le Président de la République n'a pas remis en cause les 35 heures ; il a simplement appelé à davantage de souplesse et d'autonomie dans la gestion des emplois du temps au niveau du service, pour redonner du sens au travail des soignants et éviter qu'ils ne naviguent de service en service.
La réforme de la T2A doit être coconstruite à l'échelle des territoires. Pour les médecins, la convention médicale est en cours de négociation, jusqu'au mois de mars. Nous voulons une logique gagnant-gagnant, avec un médecin de ville qui reste la pierre angulaire du système. La délégation de tâches ne se fera pas contre les professionnels de santé mais avec eux.
M. Jean-Luc Fichet. - Il est temps de mettre fin à la gestion privée lucrative des établissements de santé. Nous avons vu ce que cela pouvait donner avec Orpea dans les maisons de retraite.
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre système de santé traverse une crise grave dont les victimes sont tout autant les patients que les soignants.
Il faut un travail de fond sur la prévention et la bonne orientation des patients, en commençant par éviter les actes redondants.
La prévention relève du temps long, or elle est perturbée par la pénurie de soignants. Le volume d'offre de soins est très insuffisant, ce qui nous impose des mesures urgentes.
Les dossiers de médecins étrangers, européens ou non, mais possédant un diplôme équivalent qui souhaitent travailler en France doivent être traités en urgence par l'Ordre national des médecins. Certains attendent des mois. Il est incroyable de ne pas pouvoir faire mieux !
Le temps médical n'est pas toujours optimisé. Les médecins doivent se concentrer sur le diagnostic et cesser de perdre du temps en transport ou en tâches administratives.
Les nouveaux praticiens produisent deux fois moins de temps médical que leurs prédécesseurs, il faudra donc en former deux fois plus. Or nous n'en formons que 12 000 par an, contre 20 000 auparavant.
Même avec des cours en distanciel, les capacités maximales de l'université sont-elles atteintes ? Voir nos étudiants partir se former en Roumanie ou ailleurs est un constat d'échec.
Les généralistes ne demandent pas seulement une revalorisation de leurs actes ; ils veulent plus de reconnaissance. Non des primes, mais des assurances.
Il manque 60 000 infirmiers alors que 120 000 diplômés n'exercent pas en France. Il faut les convaincre de revenir. Ce gâchis de formation coûte très cher.
L'hôpital de Valenciennes, où le personnel s'épanouit et où le budget est excédentaire, peut servir de modèle.
Et que dire des aides-soignants, des sages-femmes, insuffisamment formées, des kinés, des dentistes qui passent en dessous du radar ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme le président interrompt l'oratrice qui a dépassé son temps de parole.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Grâce à la mise en place du numerus apertus en 2019, près de 52 000 étudiants en filière médecine seront formés entre 2021 et 2025 par toutes les facultés du pays, soit 10 300 par an en moyenne. Cependant, les effets sur la population médicale ne seront pas visibles avant 2030. Il nous faut donc trouver d'autres solutions pendant les huit prochaines années, en conservant toutefois le rôle de pierre angulaire du médecin.
Certaines tâches peuvent être déléguées à des paramédicaux, dans le cadre d'un exercice coordonné.
Concernant les praticiens à diplômes hors UE, nous aurons terminé le traitement du stock de demandes au 30 avril 2023. L'Ordre des médecins s'est mobilisé en ce sens.
Pas moins de 65 millions de Français ont un espace santé, et seulement 2 % s'y sont opposés. C'est un outil important pour que les Français s'approprient leur santé.
Nous ne manquons pas de moyens, mais de professionnels.
Mme Nadia Sollogoub. - Un mot également pour les pharmaciens. J'ai insisté sur le temps médical, et non sur le nombre de professionnels de santé. Même si nous formons 10 % de praticiens en plus, il y aura toujours moins de temps médical global. Supprimer le numerus clausus ne règle pas du tout. (Marques d'appréciation sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) La situation se dégrade de jour en jour. La crise est profonde. La pandémie a aggravé la situation et épuisé les professionnels. Elle a révélé la perte de notre souveraineté sanitaire.
Comment ne pas évoquer les coups de rabot sur l'hôpital, motivés par la logique de maîtrise des dépenses et de réduction du déficit ?
Comment en sommes-nous arrivés là ? Il faut reconnaître que les 35 heures ont désorganisé l'hôpital ; la formation reste également trop hospitalo-centrée. Le souci d'une juste dépense publique a vu Bercy prendre le pas sur l'avenue Duquesne.
Le rejet par le Sénat du dernier Ondam illustre l'incohérence entre des moyens financiers importants - 250 milliards d'euros - et le financement de l'hôpital sur lequel il n'y a pas de débat, faute d'informations.
La rupture de stocks de médicaments avait déjà fait l'objet d'une mission d'information sénatoriale en 2018. Je salue l'initiative du groupe CRCE de former une nouvelle commission d'enquête. Je n'ai jamais vu une telle situation en quarante ans d'exercice.
Le prix des médicaments conduit certains laboratoires à s'approvisionner dans d'autres pays. Cela interroge aussi sur la capacité d'innovation. La clause de sauvegarde est-elle efficace ? Nous avions adopté un amendement de René-Paul Savary pour encourager les entreprises à relocaliser leur activité en Europe, hélas repoussé par le Gouvernement.
Un amendement du Sénat dans la loi Santé de 2019 transformait la troisième année d'internat de médecine générale en année d'exercice dans un territoire sous-doté. Il avait été conservé en CMP, mais le décret d'application n'est jamais paru. Le Gouvernement a fini par adopter le principe d'une quatrième année dans le PLFSS pour 2023, reprenant la proposition de loi de Bruno Retailleau. Que de temps perdu ! D'autant que vous dénaturez la mesure : cette quatrième année pourra être réalisée à l'hôpital, alors que l'objectif était de renforcer la médecine de ville.
Le peu de temps que le Président de la République a consacré dans son discours à la médecine de ville interroge. Le collège de la Haute autorité de santé (HAS) en avril 2022 a souligné, dans une lettre ouverte, que le système de santé était au bord de la rupture : pénurie de personnel, d'assistants médicaux, mauvaise qualité des soins, manque d'accès aux soins. Il proposait des mesures urgentes : qu'en avez-vous fait ?
Les professionnels de santé, les soignants sont épuisés. Quand la digue cèdera-t-elle ? Un effondrement du système de santé aurait des conséquences graves sur la société. Je salue ces professionnels, ainsi que les élus locaux qui se battent pour leurs territoires.
Nombreux sont ceux qui veulent sauver ce système de santé, mais la crise touche déjà le médico-social. L'intention du Ségur était bonne, mais il a oublié de nombreux professionnels. Il faut aussi fidéliser ceux qui sont en poste.
Vous pouvez compter sur les maisons de santé pluriprofessionnelles, mais ayez le courage de reconnaître que les CPTS ne sont pas la solution. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Le volet santé du plan France 2030 prévoit 7,5 milliards d'euros et de nombreuses mesures pour faire de la France une nation innovante en matière de santé et de médicaments. Nous voulons réinstaller en France des industries essentielles. Des projets concrets émergent : usine de paracétamol, de masques, de médicaments dérivés du sang.
En 2023, l'Ondam était fixé à 244 milliards d'euros, en hausse de 3,5 % - hors dépenses liées au covid. Comment pouvez-vous parler de coup de rabot ?
Entre 2017 et 2023, le budget de la santé a augmenté de 20 %. (Marques d'ironie sur plusieurs travées du groupe SER) Aucune économie n'est envisagée sur les hôpitaux.
La quatrième année de médecine générale est un apport pédagogique permettant aux docteurs juniors d'acquérir de l'autonomie et de s'installer rapidement à la fin de leurs études.
Médecine générale et hôpitaux doivent être réformés. Nous sommes d'accord là-dessus.
Mme Corinne Imbert. - Le Président de la République a évoqué un CNR local. Cela relève de la réunionnite aiguë... Les professionnels de santé n'ont pas de temps à perdre.
Les CPTS ne sont pas la solution, même si certaines fonctionnent bien. Or le ministère veut qu'elles couvrent tout le territoire national.
Vous pouvez compter sur les professionnels de santé pour s'organiser et aller à l'essentiel.
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Vous consacrez l'un de vos premiers débats de l'année à la crise du système de santé. Je partage cette priorité : il est urgent de s'attaquer aux difficultés structurelles.
Si nous sortons tout juste de la tempête du covid-19, notre système de santé est en crise. La baisse inexorable de la ressource médicale, le vieillissement de la population, la mutation des modes de vie, la perte de sens de ces beaux métiers sont les déterminants d'une crise structurelle dans un monde qui change.
Le Président l'a rappelé vendredi dernier : nous devons être à la hauteur dans ce moment charnière. Nous devons bâtir.
M. Jean-François Husson. - Cela ne va rien changer !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Notre combat reste la résorption de toutes les inégalités, territoriales, sociales ou liées au handicap.
Vous l'avez rappelé, 657 000 de nos concitoyens atteints de maladie chronique n'ont pas accès à un médecin traitant.
Nous avons transformé le numerus clausus en numerus apertus, mais les bénéfices ne seront visibles que dans une décennie. Il faut dégager d'ici là du temps médical, en réduisant les tâches administratives des médecins.
Nous partagerons mieux le soin entre les différents maillons de la chaîne avec une meilleure coordination. Cela passe par l'accélération du recrutement d'assistants médicaux, de 4 000 à 10 000 entre 2022 et 2023. Nous allons aussi augmenter de 20 % le nombre de places en instituts de soins infirmiers, et donner de nouvelles perspectives à ces professions grâce aux expérimentations de la pratique avancée, de l'accès direct et des délégations de compétences.
Hospitaliers et libéraux, cliniques et hôpitaux participeront à la même permanence des soins.
Nous accompagnerons ces transformations, avec une direction hospitalière rénovée, une bascule de la T2A vers une tarification fondée sur des objectifs de santé publique.
Nous devons faciliter la vie des soignants. Nous compenserons la pénibilité et le travail de nuit. Pour les urgences, les mesures issues de la mission flash seront maintenues. L'usure professionnelle sera prise en compte dans la réforme des retraites.
Plusieurs pierres importantes ont déjà été posées. (MM. Ludovic Haye, Pierre Louault et Jean-Claude Requier applaudissent.)
La séance est suspendue quelques instants.