SÉANCE
du mercredi 7 décembre 2022
38e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous prie d'excuser le Président du Sénat, en déplacement à l'étranger.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Cyberattaque du centre hospitalier de Versailles (I)
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP) Samedi à 21 heures, le centre hospitalier André-Mignot de Versailles a été victime d'une cyberattaque. Les ordinateurs ont été bloqués et tous les dossiers ont été dérobés. Un message a averti le personnel que les dossiers importants avaient été dérobés et cryptés : cela a paralysé des systèmes informatiques, reportant des opérations médicales et perturbant le suivi des malades.
Ces barbares mettent en danger les patients ; cette attaque n'est pas sans rappeler celle qui a frappé le centre hospitalier de Corbeil-Essonnes au mois d'août.
Je salue en notre nom à tous le sang-froid des équipes de l'hôpital André-Mignot qui, comme tous leurs collègues en France, sont déjà largement éprouvés par la pandémie et les difficultés de l'hôpital public. Ils ne pouvaient compter que sur leurs papiers et leurs crayons pour faire leur travail.
Je salue aussi la coordination entre la direction de l'hôpital, le Samu, l'Agence régionale de santé (ARS), l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et les hôpitaux publics et privés qui se sont mobilisés. L'intégration de l'établissement dans le parcours de cybersécurité a participé de la réactivité des équipes. L'attaque a été cantonnée.
Ce parcours a été renforcé à l'automne par des crédits supplémentaires de 20 millions d'euros. Comment ces crédits seront-ils utilisés ? Quel sera le support technique apporté par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Comme vous, je condamne aussi fermement que possible cette cyberattaque. Jamais nous ne céderons face à ces criminels et à ces actes odieux qui prennent en otage la santé des Français.
Je salue moi aussi le sang-froid des professionnels. Je me suis rendu sur place dimanche avec Jean-Noël Barrot. Nous avons pu apprécier le calme qui y régnait malgré les grandes difficultés.
L'ensemble des services de l'État, et notamment l'ARS et l'Anssi, se sont mobilisés pour aider l'hôpital, en lien avec l'AP-HP et le Samu.
Renforçons notre capacité collective pour agir : c'est le sens du plan de 350 millions d'euros présenté en 2021 pour renforcer la lutte contre les cyberattaques. Un complément de 20 millions d'euros a été lancé à l'automne en vue de passer à la phase opérationnelle du plan.
Avec Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, nous réunirons toutes les parties prenantes avec les ARS et l'Anssi pour affiner notre stratégie. Ces successions d'attaques renforcent notre capacité d'action. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Saturation du 115
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il s'en est fallu de peu pour que vous supprimiez 14 000 places d'hébergement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le froid s'installe et les journaux relaient la situation de mineurs et de femmes enceintes laissés dehors, alors que le 115 ne sait plus où donner de la tête. Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale ont été fragilisés par les mesures d'économies prises ces dernières années. La hausse des crédits cette année ne suffira pas à les remettre d'aplomb. La réduction du loyer de solidarité en 2018 a mis un coup de frein aux constructions de logements sociaux : en 2021, selon la Cour des comptes, près de 300 000 personnes étaient sans domicile, soit le double de 2012.
Dans le 93, aucun des 739 appels du 28 novembre vers le 115 n'a abouti à un hébergement d'urgence. La crise concerne aussi Lyon, Rennes, Toulouse et de nombreuses autres communes. Il y a les instructions budgétaires d'un côté, et la réalité terrible de l'autre. Quelles mesures prendrez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Monique de Marco, Raymonde Poncet Monge et M. Jacques Fernique applaudissent également.)
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - Je redis ma confiance aux personnels des services d'information, d'accueil et d'orientation, qui agissent quotidiennement pour accompagner les personnes les plus fragiles. Ils ont été la clé de voûte du plan Logement d'abord - un second sera annoncé dans les prochains jours.
Le Gouvernement a annoncé maintenir 200 000 places d'hébergement d'urgence, pour 40 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances. Nous sommes passés de 140 000 places en 2017 à 198 000 places en 2022. Les écoutants du 115 tentent d'améliorer la situation, et nous travaillons pour leur accorder une prime.
Nous sommes à l'écoute, avec Charlotte Caubel et Jean-Christophe Combe. Nous réunirons préfets de région et associations dans une cellule de crise avec la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement pour que ces situations soient le moins pénibles possible. La situation géopolitique est complexe, et 45 000 personnes sont mises à l'abri en région parisienne. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Monique Lubin. - Vous avez parlé de confiance ; mais les personnels attendent le Ségur ! Nous sommes d'accord sur le nombre de personnes qui attendent un hébergement. Le nombre de places a augmenté, mais la situation s'aggrave. Au-delà des chiffres, il est impératif, pour les semaines qui viennent, de trouver de nouvelles places d'hébergement. On ne peut pas avoir des femmes enceintes qui dorment dehors en France ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Aides énergétiques pour les régies exploitantes de domaines skiables et de stations thermales
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) J'associe Mme Artigalas à ma question. Depuis trois ans, les crises mettent à mal notre économie. Après la crise sanitaire, la crise énergétique obscurcit le ciel de la reprise... L'État doit intervenir. Le 14 septembre, le Gouvernement annonçait le maintien du bouclier tarifaire, puis il présentait l'amortisseur le 27 octobre. Or il semblerait que les régies exploitantes de domaines skiables et d'établissements thermaux ne soient pas éligibles, alors qu'elles ont optimisé leur consommation d'énergie au-delà du soutenable et que leurs dépenses ont triplé. Les régies publiques, oubliées pendant la crise sanitaire, ont déjà dû demander à être intégrées au dispositif de soutien. Ne répétez pas cet oubli.
La hausse des prix de l'énergie touchant tous et toutes, le Gouvernement va-t-il intégrer les régies publiques dans le bouclier, notamment les exploitations de domaines skiables et les établissements thermaux ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Viviane Artigalas et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Les stations de ski et les stations thermales sont très touchées par la crise énergétique. Les députés sont tout aussi préoccupés que vous. Je salue les efforts des stations thermales et de ski en matière de sobriété - on ne le fait pas assez.
Il est déjà possible de contacter les chambres consulaires ou le conseiller départemental à la sortie de crise, dans chaque préfecture, pour être accompagné.
Concernant les remontées et les stations thermales, l'amortisseur sera ouvert aux régies de moins de 250 salariés. Les collectivités territoriales sont aussi soutenues par le filet de sécurité qui compense 70 % de la hausse des dépenses d'énergie. Les dépenses des régies sont prises en charge dans ce cadre. Si vous me signalez des situations particulières, je les examinerai. (Marques d'impatience à droite. M. François Bonhomme s'agace.)
Le taux d'occupation prévisionnel des stations de ski est en hausse de 7 % pour nos stations à la Toussaint et à Noël. Il faut se féliciter que nos concitoyens choisissent la destination France. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Maryse Carrère. - Votre réponse rassurera les stations de sports d'hiver, qui ont vu leurs coûts d'électricité multipliés par trois au renouvellement des contrats. Le mégawattheure est passé de 60 euros en 2021 à 170 euros en mars 2022, et il atteindrait 590 euros au prochain renouvellement des contrats. Merci pour votre réponse. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Viviane Artigalas applaudit également.)
Réforme de l'assurance chômage
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Après une concertation de pure forme, vous annonciez une énième réforme de l'assurance chômage avec une réduction de l'indemnité de 25 % dans les périodes dites favorables. Les périodes défavorables supposent un taux de chômage de 9 %, ce qui n'a pas été atteint depuis très longtemps.
Revenir à 9 % supposerait une crise économique majeure. Vous vous montrez confiants pour atteindre 7 % en 2027 - vous devriez donc retenir ce taux !
C'est un leurre de croire qu'on va réduire le chômage en réduisant l'assurance, même en poussant les chômeurs vers des emplois précaires. Vous masquez le véritable objectif de la dépense - réaliser 4 milliards d'euros d'économies. Vous affirmez que la contracyclicité de l'indemnisation remettra au travail 150 000 personnes. D'où vient ce nombre, monsieur le ministre ? De quel calcul, de quelle étude ?
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Je reprends les termes de votre question. La France n'a pas connu depuis cinq ans un taux de chômage de 9 %. Vous avez raison : c'est sous le quinquennat d'Emmanuel Macron que le taux a diminué ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; protestations sur les travées du groupe CRCE)
M. Marc-Philippe Daubresse. - C'était déjà le cas en 2006 !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Nous avons créé 1,7 million d'emplois depuis 2017, et encore 84 000 au troisième trimestre 2022.
Bien sûr, vous direz qu'il s'agit de mauvais emplois. Or la moitié des embauches s'effectue en CDI. C'est la première fois depuis vingt ans ! L'économie française crée des emplois durables et de qualité, c'est le résultat de notre politique.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Ce n'est pas vrai !
M. Olivier Dussopt, ministre. - La réforme de l'assurance chômage a été adoptée par les deux assemblées - sans 49.3. C'est le Sénat qui a introduit le principe de la conjoncture économique comme facteur de modulation de l'assurance chômage.
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Cette contracyclicité permettra de réduire une part des tensions de recrutement. En 2023, cela représentera 100 000 à 150 000 personnes. Nous avons ramené 300 000 chômeurs de longue durée vers l'emploi, dont 156 000 de très longue durée. C'est une bonne nouvelle et vous devriez vous en réjouir.
Mais vous oubliez les bonnes nouvelles, madame la sénatrice ; vous préférez faire peur, c'est dommage ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; huées à gauche)
M. Philippe Pemezec. - C'est vous qui jouez à faire peur !
M. Marc-Philippe Daubresse. - Vos chiffres sont faux, monsieur le ministre.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Monsieur le ministre, les chiffres de 2017 s'expliquent par le quinquennat précédant celui-là. Le chiffre de l'Unédic est le seul valable : 4 milliards d'euros d'économies sur le dos des demandeurs d'emploi ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)
Influenza aviaire et filière palmipède
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'influenza aviaire continue de sévir, en raison d'une présence endémique du virus, selon l'Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), malgré de nouvelles mesures de surveillance inédite. Avec les migrations, la façade ouest est particulièrement touchée. La filière évolue à 30 % de ses capacités en raison d'abattages massifs : tout le secteur est dans le désarroi à la veille des fêtes. Les aides sont insuffisantes face à la crise. Le débat est complexe, et la seule lueur d'espoir semble venir de la vaccination. Mais le vaccin n'est toujours pas prêt, et les laboratoires semblent réticents à investir.
Quelle mesure forte proposez-vous pour soutenir le secteur ?
M. Emmanuel Capus. - Très bonne question ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La grippe aviaire est un sujet de détresse pour de nombreux producteurs, compte tenu de la nouvelle vague d'infections. Face à la dégradation de la situation, notamment dans l'ouest du pays, des mesures ont été prises. Nous devons parfois renforcer les mesures, même si nous les allégeons à chaque fois que c'est possible.
Je suis en désaccord avec vous sur les indemnités : 1,1 milliard d'euros ont été déployés l'année dernière, alors que le chiffre d'affaires de la filière s'élève à 6,7 milliards d'euros. Une partie de la filière aurait disparu sans cela... (M. Pierre Médevielle le concède.) Certes, elle fonctionne encore en mode dégradé.
Concernant la vaccination, l'autorisation a été délivrée en juin, et l'expérimentation a démarré en août sur les palmipèdes. Nous prévoyons une qualification pour décembre ou janvier. Sans attendre les résultats, nous travaillons déjà à un plan de vaccination. Nous gérons l'urgence tout en réfléchissant au futur, et les laboratoires travaillent sur les moyen et long termes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
M. Pierre Médevielle. - Merci pour vos réponses sur la vaccination. La filière doit tenir jusqu'à la campagne de 2023. On peut s'interroger sur la pertinence de certains abattages. Toutes les mesures, du Gouvernement ou des laboratoires, sont les bienvenues. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Centrale thermique de Cordemais
Mme Laurence Garnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la Première ministre, le 19 février 2020 a été pour vous « un jour historique » : vous annonciez alors, tout sourire, la fermeture de Fessenheim. (Marques de réprobation à droite ; M. André Reichardt proteste.) Le Président de la République avait annoncé, quelques mois auparavant, sa volonté de fermer quatorze centrales nucléaires d'ici à 2035.
M. Philippe Pemezec. - Bravo...
Mme Laurence Garnier. - Depuis, vous avez augmenté nos besoins en électricité tout en réduisant notre production - respectivement en achetant des voitures électriques à la Chine et en sabordant notre filière nucléaire.
La guerre en Ukraine n'a fait que révéler nos propres insuffisances, et les Français vont subir une pénurie dont vous êtes responsable. Vous rouvrez des centrales à charbon comme Cordemais, dont la fermeture n'en finit pas d'être reportée, et vous préparez le grand bond en arrière, avec fermetures d'écoles et délestages.
En moins de trois ans, vous avez réussi à remplacer notre stratégie énergétique par un catalogue de bonnes pratiques, avec cols roulés et doudounes. (Sourires)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Quelle démagogie !
Mme Laurence Garnier. - Quand allez-vous cesser de masquer votre impréparation et vos compromissions ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Je suis doublement surpris de votre question. (On s'agace à droite) Vous semblez remettre en cause une stratégie de développement énergétique que le Gouvernement a présentée au Sénat lors d'un débat. J'avais alors rappelé que la période où les centrales ont été le moins entretenues était le quinquennat de Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du GEST. Protestations nourries sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François Bonhomme. - C'est une fable !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - J'aimerais pouvoir affirmer que face à un défi historique, celui de la décarbonation, celui de la guerre aux portes de l'Europe, et de la restauration de la crédibilité de notre grand opérateur national avec de nouveaux réacteurs, nous sommes capables de recréer l'unité nationale.
M. André Reichardt. - Et Fessenheim ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Je regrette d'autant plus que vous soyez dans la caricature et la gestion des peurs. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP. Huées sur les travées du groupe Les Républicains. M. Vincent Segouin applaudit ironiquement.)
Le Gouvernement est mobilisé pour éviter les délestages. J'en appelle aux Français qui réduisent leur consommation, j'aimerais aussi que tout le monde soit aussi responsable que nos industriels. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP. M. Bernard Fialaire applaudit également. Charivari sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cyberattaque du centre hospitalier de Versailles (II)
M. Michel Laugier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En août dernier, l'hôpital de Corbeil-Essonnes subissait une attaque sans précédent. Samedi dernier, c'était au tour de l'hôpital de Versailles, occasionnant des déprogrammations et des transferts.
Pendant plusieurs mois, le plus grand hôpital des Yvelines fonctionnera au ralenti.
Or l'hôpital est déjà au bord de l'implosion - avec l'augmentation des bronchiolites, des grippes et du covid. Cette attaque relève du terrorisme. Comment celle-ci n'a-t-elle pas pu être déjouée, alors que nous savions que les hôpitaux étaient visés ? Aucun enseignement n'a, semble-t-il, été tiré de l'attaque de l'hôpital de Corbeil-Essonnes.
Où en est l'enquête ? Quelle est la fragilité de l'administration française ? Quelle est la doctrine du Gouvernement en matière de rançon ? Comment protéger les hôpitaux et les administrations ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe LR)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Cette attaque ignoble prend en otage la santé des Français. Tous nos hôpitaux font face à cette nouvelle menace, le fait de hackers qui cherchent avant tout à s'enrichir. Les attaques évoluent, autant que les moyens de protection.
Je le redis avec détermination : nous ne céderons jamais sur la santé des Français. Le problème est pris très au sérieux. À ce jour, 150 établissements sont accompagnés dans le cadre du Parcours cybersécurité. La sécurité et la qualité des soins sont toujours garanties. Certes, il y a eu des déprogrammations immédiates, dans l'ignorance des dommages, et six transferts préventifs - trois enfants et trois adultes - après l'attaque.
Le traitement des patients admis se poursuit. Les professionnels sont toutefois contraints de se déplacer d'un service à l'autre, notamment pour la biologie médicale ou l'imagerie.
La continuité des soins est essentielle, non seulement pour protéger les patients, mais aussi pour dissuader les pirates d'attaquer nos établissements, en les rendant moins attractifs.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. François Braun, ministre. - Je rappelle à cette occasion l'importance de la vaccination et du port du masque. (M. François Patriat applaudit.)
M. Michel Laugier. - Voilà quelques semaines, le ministre de l'intérieur avait déclaré : « À la fin, c'est toujours la police qui gagne ». Mais, le problème, c'est qu'on ne voit jamais la fin ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe LR)
Conséquences du délestage électrique
M. Pierre Ouzoulias . - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER) En septembre 2020, le Président de la République célébrait la France comme le pays des Lumières et raillait ceux qui préféraient les Amish et la lampe à huile. Mais cet hiver, la France basculera en mode amish ! (Rires ; applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
Notre pays, hier exportateur, devra recourir à ses voisins pour fonctionner. Comment a-t-on pu en arriver là en si peu de temps, dans la septième puissance économique mondiale, devenue un pays en voie de sous-développement ? (Mmes Sylviane Noël et Brigitte Lherbier applaudissent ; marques d'agacement aux bancs des ministres.)
Ces pénuries rappelleront aux plus anciens l'inconfort vécu lors de la guerre et les tickets de rationnement. Que les thuriféraires de la décroissance se rassurent, nous y allons à grands pas, la start-up nation n'a plus de jus ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains ; MM. Henri Cabanel et Michel Laugier applaudissent également.) Comme sur le radeau de la Méduse, le Gouvernement en est réduit à tirer à la courte paille ceux qui vont être sacrifiés ; et, comme dans la chanson, ce sont les plus jeunes qui seront choisis. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) Mais nous sommes rassurés ! Leurs parents seront prévenus par le préfet la veille à 19 heures ! (Rires à droite) La jeunesse, de la maternelle à l'université, a tant souffert pendant le covid. Monsieur le ministre, qu'allez-vous faire pour la préserver ? (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC et du RDSE)
Mme la présidente. - La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie... (Huées à gauche et à droite)
M. Rachid Temal. - ... et de l'école !
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci pour cet accueil... Je souhaiterais, sincèrement, comme lors de la dernière question (quelques huées à droite), en appeler à la mobilisation générale. (M. Hussein Bourgi proteste.)
M. Marc-Philippe Daubresse. - On n'est pas à l'Assemblée nationale !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La question ne vous est pas adressée !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Nous sommes face à un défi de production pour notre énergie. (Les interpellations se multiplient à droite.) Je salue le nouveau PDG d'EDF et l'ensemble des salariés qui se mobilisent. (Interpellations multiples et huées à gauche)
Il se peut que dans des cas particuliers, en raison d'événements particuliers, nous devions recourir à des délestages. (Huées à droite et à gauche) Vous le savez, le plan de prévention a été calibré (exclamations et marques d'hostilité à gauche), l'application qui permet de prévenir de ces délestages est en cours de développement. Au cas où la météo serait défavorable (mélange de rires et de huées sur plusieurs travées), les parents seront prévenus trois jours auparavant. (Applaudissements sur les travées du RDPI) Pour éviter le pire, il faut s'y préparer. (Rires et marques d'indignation à droite ; marques d'ironie à gauche) Nous y sommes prêts, nous l'éviterons ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Jacques Grosperrin. - Quel sketch !
Situation à Mayotte
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Armés de machettes, de coupe-coupe ou de tessons de bouteille, des jeunes font régner la terreur dans le 101e département français : alcool, mains coupées, caillassages de voitures de police... Les milliers de mineurs isolés sans papiers qui peuplent les bidonvilles n'ont rien à perdre et menacent toute la société.
Sous la pression migratoire, la maternité de Mamoudzou est débordée. On envoie le Raid, mais il faut plus de moyens pour mettre fin à la terreur. Nous ne pouvons accepter un tel avenir pour les Mahorais, alors qu'ils ont fait le choix de la France !
M. Darmanin s'y rend à la fin du mois. Nous garantissez-vous que vous n'en resterez pas aux voeux pieux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué, chargé des outre-mer . - Madame la sénatrice, vous n'y allez pas de main morte... (Huées à droite) J'attends que vous me laissiez parler. (Protestations à droite)
Effectivement, ces actes sont inacceptables. La mobilisation des ministres de l'intérieur et de l'outre-mer est totale. (On ironise à droite.)
M. Rachid Temal. - Ah !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - M. le ministre de l'intérieur se rend à Mayotte pour confirmer les engagements pris. (Mme Valérie Boyer s'exclame.)
Pas moins de 24 000 étrangers irréguliers ont été reconduits à la frontière en 2021, 78 % de plus qu'en 2020, et 324 passeurs ont été présentés à la justice. La loi sur l'immigration qui sera bientôt présentée au Parlement répondra, j'en suis sûr, à vos demandes. (On ironise à droite.)
M. Roger Karoutchi. - Nous sommes sauvés !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Ce que vous passez sous silence, c'est l'effort extraordinaire que nous allons consentir pour le développement. (On ironise à droite.) Savez-vous que nous consacrons, en 2023, 83 millions d'euros à l'éducation nationale et que j'ai signé un contrat de 411 millions d'euros sur l'eau ?
M. Sébastien Meurant. - C'est le quoi qu'il en coûte ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Madame la sénatrice, ce que vous dites est une insulte aux élus de Mayotte ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nassimah Dindar applaudit également ; huées à droite.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - La réponse est facile. Le préfet du département estime que si l'on ne fait rien, il y aura 750 000 habitants à Mayotte en 2050, contre 300 000 aujourd'hui.
Le droit du sol et les politiques publiques d'accès gratuit aux soins doivent être remis en cause : 80 % des enfants scolarisés à Mayotte ne sont pas des enfants de l'île ! (On s'impatiente à gauche.)
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je veux finir. (Huées à gauche) Que s'est-il passé depuis votre déplacement en 2022, monsieur le ministre ?
Mme la présidente. - Votre temps de parole est terminé.
Service national universel
M. Jacques-Bernard Magner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le budget 2023 prévoit 140 millions d'euros pour le service national universel (SNU) et des sommes dérisoires pour les autres mesures de soutien à la vie associative. Pourtant, nous le savons tous : le SNU est un échec. En 2022, vous souhaitiez que 50 000 jeunes y participent et nous vous avions fait part de notre scepticisme : ils ne furent que 32 000. Les jeunes n'y adhèrent pas et le Président de la République est le seul à rester convaincu de son intérêt... Vous persévérez avec 140 millions d'euros dans le projet de loi de finances, en espérant 64 000 jeunes, soit 27 % de plus, alors que les crédits du service civique progressent moins que l'inflation. C'est pourtant un bon dispositif !
Tirez les leçons de votre échec : d'autres solutions existent. Pourquoi ne pas soutenir le service civique et les colonies de vacances, modèles de mixité et de socialisation ? Le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) pourrait faire partie d'un parcours d'engagement et de citoyenneté pour un coût moindre. Votre ministère répondra - t-il enfin aux aspirations de notre jeunesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel . - Nous avons la même ambition : que la jeunesse ait le goût de l'avenir, qu'elle soit bien formée et pleine d'espérance.
N'opposons pas les dispositifs. Le service civique augmente : il y a même plus de missions et d'agréments que de jeunes. Un million de jeunes ont bénéficié des vacances apprenantes l'été dernier. Quelque 200 euros sont alloués à chaque jeune qui veut obtenir son Bafa, pour lever les obstacles financiers.
Les parcours de citoyenneté ne se décrètent pas, ils se construisent : nous avons besoin que la jeunesse passe des bilans de santé, qu'elle s'abstienne moins, qu'elle acquière la culture de la défense, qu'elle soit formée aux gestes qui sauvent. La jeunesse doit s'engager - votre famille politique défend ces valeurs. Année après année, nous investissons dans la préparation de la jeunesse aux défis de notre temps.
Un pays uni suppose une jeunesse qui se parle et qui partage des valeurs. C'est eux, c'est pour les autres, c'est pour la France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
M. Jacques-Bernard Magner. - Je souscris à vos valeurs. Mais vous n'avez pas répondu sur le service civique : qu'allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mercosur
M. Alain Cadec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tout indique que la Commission européenne va initier le processus de conclusion formelle de l'accord avec le Mercosur, prévoyant une majorité simple au Conseil et une consultation du Parlement européen, sans implication des parlements nationaux. La France s'y est longtemps opposée, en raison de l'inaction de Jair Bolsonaro face à l'urgence climatique et à la déforestation. L'élection de Lula change la donne, autorisant l'adjonction d'une annexe environnementale à l'accord. L'Allemagne et le Brésil, qui voient dans cet accord une opportunité pour leurs exportations respectivement industrielles et agricoles, poussent pour une entrée en vigueur dès l'année prochaine. Ce serait dramatique pour notre agriculture. Que compte faire la France ? Un blocage n'est techniquement plus possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - L'élection de Lula est une bonne nouvelle pour les relations bilatérales entre la France et le Brésil. L'accord est en négociation depuis vingt-deux ans. Il est ni finalisé ni signé, ni a fortiori ratifié. La France a posé des conditions très claires : pas de déforestation - nous saluons à ce propos le succès du trilogue sur le règlement européen relatif à cette question - respect par toutes les politiques publiques des pays du Mercosur des accords de Paris, respect des normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne. (M. Jérôme Bascher mime la brasse coulée.) Voilà le cadre de nos négociations. Le jour où elles auront abouti, la France se prononcera, selon les procédures en vigueur au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Didier Marie. - Comme pour le Ceta ?
M. Alain Cadec. - En utilisant l'article 207 du traité, la Commission européenne se passe de la consultation des parlements nationaux. Cette procédure est parfaitement légale, ce n'est pas un outrage démocratique, comme le disent certains. La France est donc en grande difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
Pénurie de paracétamol pédiatrique
Mme Annick Jacquemet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le porte-parole du Gouvernement est intervenu ce matin à propos des tensions sur les stocks de Doliprane. La France, dit-il, n'est pas la seule concernée. Peut-être, mais les pénuries touchent maintenant les enfants, et notre collègue Bruno Belin vous avait alerté dès le mois dernier. (On le confirme avec satisfaction à droite.)
Alors que les épidémies saisonnières arrivent avec le froid, nous sommes en rupture de Doliprane pédiatrique, qui est le médicament de première intention pour les enfants, l'ibuprofène et l'aspirine étant contre-indiqués. Sanofi, qui détient 98 % des parts de marché sur la présentation pédiatrique, est en difficulté et aucun concurrent ne peut le relayer. Les tensions vont durer encore des semaines.
On ne peut en rester là. Outre les difficultés en ambulatoire, de plus en plus d'enfants seront orientés vers des hôpitaux déjà saturés.
À court terme, comment votre Gouvernement garantira-t-il que nos enfants ne manqueront pas de Doliprane ? À plus long terme, comment ferez-vous pour éviter que de telles situations se reproduisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - (Protestations à droite) Je vous prie d'excuser le ministre de la santé, qui a dû s'absenter. Cette pénurie, mondiale, est liée à la volatilité de la consommation de paracétamol après la crise sanitaire, qui a modifié les comportements de consommation.
La France a réagi vite, grâce à son mécanisme d'urgence Trustmed, qui a permis d'identifier les tensions et de prendre rapidement des décisions, telle que l'interdiction des exportations, et la priorité aux grossistes-répartiteurs. Cela n'empêche pas certaines pharmacies de manquer - certaines pharmacies seulement, car il n'y a pas de pénurie généralisée. (M. Bruno Belin le conteste vivement ; M. François Bonhomme proteste.)
Le défi majeur pour ce paracétamol est lié aux fournisseurs de flacons de verre, qui confirment que la situation devrait s'améliorer.
M. Hussein Bourgi. - Demandez à Sanofi !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - À long terme, l'enjeu majeur est de relocaliser. Seqens produira du Doliprane à Grenoble. La France doit redevenir un terrain de production, et pourquoi pas d'exportation, du médicament. (MM. François Patriat et Martin Lévrier applaudissent.)
Souveraineté industrielle
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Direction générale des douanes et des droits indirects joue un rôle prépondérant dans la sécurité des produits et dans la lutte contre les stupéfiants, avec 60 à 80 % des saisies.
Son rôle est trop souvent sous-estimé, mais il est amené à se renforcer : le trafic n'a pas souffert de la crise sanitaire, car les flux augmentent, de même que la consommation. C'est un vrai enjeu de santé publique. Nous sommes confrontés à la hausse de la criminalité et à la vulnérabilité de nos ports.
Que ce soit à cause du trafic maritime en provenance d'Amérique du Sud ou des échanges avec les pays voisins, les territoires ultramarins comme Saint-Martin sont vulnérables. Une attention spécifique doit leur être portée. Actuellement, sur mon territoire, nous ne bénéficions d'aucune protection, faute d'effectifs - deux douaniers seulement pour un territoire de 53 km2 et une zone économique exclusive de 300 km2. Allez-vous laisser la porte de la France ouverte ? Car Saint-Martin, c'est aussi la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Michelle Gréaume et M. Jean Hingray applaudissent également.)
M. Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer . - (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Ce problème n'est pas spécifique à Saint-Martin, ni au demeurant aux îles de la Caraïbe : le trafic de drogue est partout, notamment en Guyane. C'est une priorité du ministre de l'intérieur, et des ministres Gabriel Attal et Éric Dupond-Moretti.
Il nous faut coordonner l'action de l'État sous l'autorité du préfet de zone. J'ai demandé à M. Attal de restaurer le nombre de postes de douane qui avaient été supprimés à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Le bateau des douanes - je n'en ai jamais vu d'aussi gros - (on s'amuse à droite), est désormais à la manoeuvre.
Monsieur Attal répondra à votre demande, soyez-en assurée, madame la sénatrice. (M. François Patriat applaudit.)
Surpopulation carcérale
M. Jean-Pierre Sueur . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le garde des sceaux, la surpopulation dans les prisons a atteint un niveau inédit. Près de 1 350 personnes dorment sur des matelas par terre à trois dans leurs cellules. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Qu'allez-vous faire dans les mois qui viennent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Ce n'est pas la première fois que vous me posez cette question. C'est bien la preuve que la justice n'est pas laxiste, contrairement à ce que j'entends souvent ! (M. Fabien Genet objecte.) J'ai défendu avec force la proposition de loi sénatoriale du président François-Noël Buffet. Quels sont les leviers dont nous disposons ? Vous ne consacriez que 70 millions d'euros à la rénovation ; nous avons prévu 170 millions d'euros par an, et nous construisons 15 000 places supplémentaires d'ici à 2024. Nous développons les peines alternatives et luttons contre la récidive. Hier, nous avons inauguré avec M. Bourgi une structure d'accompagnement à la sortie (SAS), et nous privilégions la prévention. La délégation du droit des femmes du Sénat m'a remis ce matin un excellent rapport sur la pornographie... (Mme Nassimah Dindar applaudit.) Lutter contre l'exposition des mineurs, c'est le meilleur moyen de réduire la criminalité et donc la surpopulation des prisons. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; marques de perplexité sur les travées du groupe SER)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Quel est le rapport ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Monsieur le garde des sceaux, je ne vous ai pas interrogé sur la pornographie. (Applaudissements à droite) Avez-vous lu le rapport des États généraux de la Justice, remis par Jean-Marc Sauvé ? (M. le ministre le confirme.) Depuis trente ans, nous construisons des prisons, mais la surpopulation ne décroît pas. Selon le rapport, la solution est dans une régulation, mais il faut la penser avec tous les acteurs concernés. Penchez-vous sur le problème, au lieu d'incriminer le passé. Je ne sens aucune volonté de répondre à l'indignité qu'a condamnée la CEDH. Si nous n'agissons pas, nous obérons toute réinsertion et encourageons la récidive. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
COP15
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après la COP27 insatisfaisante sur le climat, la COP15 sur la diversité biologique s'est ouverte hier. Nous voulons tous un accord ambitieux, notamment au Sénat. Je salue à cet égard l'interdiction de l'importation des produits liés à la déforestation adoptée au niveau européen.
Cette COP15 instaure un dialogue nécessaire. Le taux d'extinction des espèces est cent ou mille fois le taux naturel, les populations de vertébrés ont chuté de 69 % en moins de cinquante ans et plus d'un million d'espèces sont menacées à court terme - une sur huit.
Cela a des conséquences sur l'agriculture, avec le déclin des insectes pollinisateurs, la pêche, le tourisme et la qualité de l'eau. Le sujet est à la fois international et local. La diplomatie environnementale ne peut pas tout régler ; il faut accompagner les collectivités territoriales.
La France, nation verte, doit se prémunir d'avoir le verbe haut et l'action faible. Qu'en est-il de l'objectif zéro perte nette de biodiversité inscrit dans la loi française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Breuiller applaudit également.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - (M. Emmanuel Capus applaudit.) Merci pour votre question, mais aussi pour votre présence dans mon ministère il y a quelques jours pour témoigner de votre attachement à cette COP15, dont vous serez l'un des acteurs. (On ironise à droite.)
Les chiffres que vous avez rappelés font froid dans le dos : un million d'espèces en danger, 75 % des terres polluées, 85 % des zones humides qui ont disparu.
M. Philippe Pemezec. - Encore les bêtises du Giec...
M. Christophe Béchu, ministre. - Ce constat nécessite une mobilisation à la hauteur, sans opposer climat et biodiversité, car le dérèglement climatique accélère la disparition des espèces.
Avec le Costa Rica et la Grande-Bretagne, nous allons à cette COP15 à la tête d'une coalition de 112 pays pour promouvoir l'objectif 30-30 : préserver 30 % des terres et 30 % des mers à l'horizon 2030. La France est l'un des trois seuls pays à s'engager financièrement, elle organise le One Forest Summit dans quelques mois pour préserver le bassin du Congo et ses réserves de biodiversité ; elle refuse l'exploitation des fonds sous-marins.
À court terme, 150 millions d'euros seront dégagés pour la biodiversité dans le cadre du fonds vert, auquel je sais Mme Lavarde particulièrement attachée... (Sourires) Ils permettront d'aider les 1 756 territoires concernés par Natura 2000 et notre centaine de parcs nationaux maritimes ou régionaux. (MM. Emmanuel Capus et Joël Guerriau applaudissent.)
M. Guillaume Chevrollier. - Nous soutenons les 30 % d'aires protégées, mais le fonds vert ne suffira pas, notamment pour la défense de notre souveraineté sur les espaces maritimes, en particulier ultramarins.
Aide sociale à l'enfance
Mme Brigitte Lherbier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Unicef a rendu un rapport inquiétant sur la protection de l'enfance dans notre pays. Tous les cinq jours, un enfant est tué par ses parents et les hospitalisations pour violences physiques de la part des parents ont augmenté de 50 % entre 2017 et 2020.
Adrien Taquet était très attentif à ce problème. Les violences faites aux femmes sont combattues par tous. C'est très bien, mais qu'en est-il de la maltraitance des enfants ?
Les mineurs non accompagnés sont particulièrement concernés, mais c'est aussi le cas dans le Nord, mon département, qui est le plus touché : 50 % des décisions du juge des enfants concernent des mesures de protection de l'enfance, mais 270 ordonnances de placement n'ont pas pu être honorées, faute de place.
Un plan national de protection de l'enfance doit être lancé par le Gouvernement pour épauler les départements. Une stratégie nationale est nécessaire. Les départements sont submergés par la précarité des familles, les mineurs non accompagnés et la violence. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance . - Oui, le dispositif de protection de l'enfance est en tension. Oui, les signaux sont au rouge vif, tant pour les violences commises sur les enfants que sur l'augmentation du nombre de placements - plus 10 % dans le département du Nord, en dépit des efforts des départements et des actions menées lors du précédent quinquennat.
Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de faire de la protection de l'enfance une priorité, avec 40 actions et 50 priorités.
Je dois mettre en oeuvre la loi du 7 février 2022. Le groupement d'intérêt public (GIP) France Enfance protégée permettra une meilleure coordination nationale. Il faut plus d'État aux côtés des départements, grâce à la création des comités départementaux. Le président du Nord m'a confirmé qu'il allait installer celui de votre département.
Reste la question des ressources humaines. La revalorisation des travailleurs sociaux est essentielle. Vous pouvez compter sur mon engagement. (MM. François Patriat et Xavier Iacovelli applaudissent également.)
Proposition de référendum sur l'Alsace
M. Jean Louis Masson . - Grande comme deux fois la Belgique, la région Grand Est ne permet aucune proximité (M. André Reichardt le confirme), et elle étouffe l'Alsace. (M. André Reichardt le confirme à nouveau.) Une écrasante majorité des Alsaciens veulent sortir de la région. Malheureusement, les membres de l'exécutif régional s'accrochent à leurs prébendes et prétendent le contraire...
M. François Bonhomme. - Ce n'est pas gentil !
M. Jean Louis Masson. - L'examen du projet de loi de différenciation en 2024 sera l'occasion d'en discuter. Un référendum préalable est nécessaire, pour préserver la démocratie. Allez-vous en accepter le principe ?
Mme Véronique Guillotin. - Non !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La question du statut de l'Alsace dans la région Grand Est a fait l'objet de débats nourris. La Collectivité européenne d'Alsace (CEA) est une évolution institutionnelle consensuelle, qui respecte les désirs des habitants et des élus. Elle dispose de compétences supplémentaires justifiées par une situation particulière - je pense à la coopération transfrontalière. Laissons un peu de temps à cette évolution.
Le législateur a prévu que la modification des limites des régions ne puisse se faire que par le législateur ou à l'initiative du Gouvernement, après consultation des collectivités. Dans la loi 3DS, les collectivités uniques sont aussi encouragées, ce qui permet une mise en oeuvre d'un principe d'adaptation. Explorons les possibilités qui s'offrent à nous. (M. Ludovic Haye, Mmes Patricia Schillinger et Véronique Guillotin applaudissent.)
M. André Reichardt. - C'est décevant !
M. Jean Louis Masson. - Non, les Alsaciens ne sont pas contents ! « Tout le monde est content »... C'est n'importe quoi, votre réponse ! (On se déride sur plusieurs travées.)
Si c'est le cas, pourquoi ne prenez-vous pas le risque d'un référendum ? Avez-vous peur ? Dire que tout va bien est un mensonge. Sondage après sondage, les Alsaciens disent le contraire.
Le Gouvernement fait ce qu'il veut, mais qu'il arrête de mentir ! (Marques d'agacement aux bancs des ministres)
La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 35.