Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Politique d'immigration (I)
M. Hervé Marseille . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Un bateau, l'Ocean Viking, qui transportait des migrants, dont des femmes et des enfants, a été autorisé à accoster à Toulon. Cela a occasionné des débats vifs et souvent passionnés autour de ce problème grave et complexe.
Madame la Première ministre, quelle est la doctrine de notre pays en matière d'immigration ? Celle du Président de la République en 2018 ou la jurisprudence de Toulon en 2022 ?
La question migratoire est incandescente dans toutes les sociétés européennes. Les mécanismes européens, qu'il s'agisse du pacte sur la migration et l'asile ou du mécanisme de solidarité volontaire, fonctionnent très mal. Nous donnons des leçons de morale à la Hongrie et à la Pologne, nous menaçons l'Italie, nous avons des relations polaires avec les pays africains.
Comment comptez-vous renouer le dialogue pour parvenir à une solution européenne ? La crise migratoire fait le lit du populisme, et je ne voudrais pas d'un gouvernement à l'italienne ou à la suédoise dans mon pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Éric Gold applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Les questions migratoires sont au coeur de l'agenda européen. Ces derniers jours, nous avons fait face à l'urgence. La situation à bord de l'Ocean Viking devenait critique.
La France ne dévie pas de sa politique, fondée sur l'humanité et la fermeté. Nous avons pris des mesures exceptionnelles pour mettre en sécurité les personnes ayant demandé l'asile et reconduire ceux qui n'y ont pas droit. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio se gausse.) Onze pays européens ont accepté d'accueillir ces migrants : la solidarité européenne a été au rendez-vous. Je salue l'engagement de nos services publics - le secrétariat d'État à la mer, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) - et de la Croix-Rouge française.
Nous devons prévenir collectivement de telles situations. La solution est forcément européenne, car nous partageons un même espace et des valeurs fondées sur la responsabilité et la solidarité. Il faut un cadre commun, et que soit respectée la règle du port sûr le plus proche. L'Italie ne l'a pas fait.
Nous souhaitons agir dans trois directions : prévenir les départs irréguliers d'Afrique du Nord, construire une coopération plus fluide avec les ONG qui font du secours en mer et avancer au plus vite sur le pacte européen sur l'asile et les migrations. C'était une priorité de la présidence française du Conseil européen. La présidence tchèque poursuit le travail pour un accord rapide.
La France est favorable à la réunion d'un Conseil européen extraordinaire des ministres de l'intérieur pour apporter des réponses concrètes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Coupe du monde de football au Qatar
M. Jérémy Bacchi . - Dans quatre jours démarrera la Coupe du monde de la honte, caractérisée par la corruption - sur laquelle il reviendra à la justice de se prononcer - et les désastres environnementaux : outre la climatisation des stades, les supporters seront acheminés par 160 vols quotidiens.
Honte aussi pour les droits des femmes, des LGBT, des minorités. Ce mondial est une catastrophe humaine : 6 500 travailleurs migrants ont perdu la vie en bâtissant les stades.
Cela aurait dû être une fête populaire, c'est un véritable désastre. Cela ne doit pas se reproduire, dans le foot ou ailleurs. Songeons que les Jeux asiatiques d'hiver 2029 se tiendront en Arabie Saoudite - deux jours d'enneigement par an !
Que pensez-vous de l'opportunité d'une agence internationale pour l'attribution et le suivi des grands événements sportifs, tenant compte des critères humains, sociaux et environnementaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; MM. Loïc Hervé et Michel Savin applaudissent également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - La France ne boycottera pas le Mondial 2022. J'irai soutenir l'équipe de France avec dix mille de nos compatriotes. (Brouhaha à gauche) La France oeuvre dans le même temps pour les droits humains et pour l'écologie. Le Qatar a consolidé et amplifié certaines avancées en matière de droit des travailleurs, reconnues par l'Organisation internationale du travail (OIT) et Amnesty International. (Agitation à gauche)
M. Fabien Gay. - Quelle honte !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Sur la question des travailleurs migrants, le Qatar a indiqué qu'un fonds d'indemnisation existait déjà.
M. Hussein Bourgi. - Vous y croyez vraiment ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - J'ai invité la Fédération internationale de football association (Fifa) à participer à l'indemnisation des familles des travailleurs. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) La Fifa mettra également en avant de grandes causes comme la lutte contre les discriminations.
M. Hussein Bourgi. - Arrêtez de lire vos fiches !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - La Fédération française de football (FFF) a pris des mesures pour s'assurer du respect des conditions de travail sur le camp de base de l'équipe de France. Les Bleus se sont engagés, dans une lettre, à soutenir des ONG qui oeuvrent pour la protection des droits humains.
Mais vous avez raison, le Mondial doit nous amener à nous interroger sur les modalités d'organisation des grands événements sportifs. La Fifa est consciente des enjeux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jérémy Bacchi. - Vous n'avez pas répondu à ma question. Je voulais savoir si la France allait plaider pour la création d'une agence internationale. Ce n'est pas aux joueurs ou aux supporters d'agir mais au Gouvernement. La France, qui se dit pays des droits humains, pourrait au moins marquer l'occasion par le port d'une tenue spéciale lors de l'avant-match. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; Mmes Esther Benbassa et Nathalie Goulet applaudissent également.)
Emploi des personnes en situation de handicap
M. Xavier Iacovelli . - Le Président de la République a fait du plein-emploi un objectif central pour 2027. Les chiffres publiés hier montrent un taux de chômage encore en baisse et un taux d'emploi jamais atteint depuis 1975. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains) Merci de vos encouragements, chers collègues !
L'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap est un enjeu majeur qui concerne 2,7 millions de personnes. Si nous voulons une société plus inclusive, nous ne pouvons accepter que le handicap soit un frein à l'émancipation.
Le Gouvernement agit : le nombre de demandeurs d'emploi en situation de handicap est à son plus bas niveau depuis cinq ans ; le nombre d'apprentis en situation de handicap a augmenté de 175 % entre 2019 et 2021. Les 30 000 offres d'accueil présentées lors du DuoDay sont autant d'opportunités. (Une voix à gauche : « En français s'il vous plaît ! »)
Quelles sont les pistes du Gouvernement pour relever ce défi majeur ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion . - Les chiffres du chômage publiés hier sont bons : le taux de chômage est passé de 7,4 à 7,3 %. (On feint une grande satisfaction à droite.) Le taux d'emplois est de 68,3 %, c'est inédit depuis 1975.
M. Albéric de Montgolfier. - Tout va bien alors !
M. Olivier Dussopt, ministre. - La part des CDI dans l'emploi global a dépassé les 50 %, et le taux de chômage des personnes en situation de handicap est passé de 19 à 13 % en cinq ans - ce dont on ne peut se satisfaire, puisqu'il reste très supérieur à celui de la population générale.
Il faut donc aller plus loin, et le projet de loi de finances contient plusieurs avancées comme la hausse des crédits aux entreprises adaptées, de 465 à 495 millions d'euros. Nous poursuivons aussi l'expérimentation du CDD tremplin et reconduisons les crédits consacrés à l'investissement des Esat (établissements et services d'aide par le travail) et entreprises adaptées pour se moderniser. Dans les prochains jours sera publié un décret pour achever la transformation des Esat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Violences faites aux femmes
M. Jean-Luc Fichet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, le rapport annuel du Haut conseil pour l'égalité femmes-hommes montre le caractère massif de ces violences, dans tous les secteurs et tous les territoires. Le rapport sénatorial « Femmes et ruralité » a établi que 50 % des féminicides ont lieu en milieu rural, alors que seules 35 % des femmes y vivent.
Les discriminations se renforcent, les femmes sont confrontées à la précarité de l'emploi. Dans le monde, leur situation s'aggrave, comme en Iran ou aux États-Unis depuis la décision de la Cour suprême qui a remis en cause le droit à l'IVG. Mais en France aussi, notamment à cause de la pénurie de gynécologues. De plus, la droite sénatoriale refuse d'inscrire l'IVG dans la Constitution. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Pourtant, on attend la France aux avant-postes sur cette question. Et le projet de budget du Gouvernement, porteur d'injustice sociale et de précarisation des classes populaires, n'arrangera pas les choses.
Quand allez-vous enfin définir une vraie politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances . - Les droits des femmes ne sont jamais acquis et demeurent fragiles. C'est le combat de ma vie et je suis fière d'appartenir à un Gouvernement qui a réalisé des progrès inédits dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; marques d'ironie sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
Depuis 2018, 160 000 policiers et gendarmes ont été formés à cette thématique. Le nombre de téléphones grave danger est passé de 300 à 3 400, 1 000 bracelets anti-rapprochement ont été posés depuis début 2021, 416 postes d'intervenants sociaux, qui passeront bientôt à 600, ont été créés dans les commissariats et gendarmeries, ainsi que 30 centres de prise en charge des auteurs de violence. La subvention du 3919 sera portée à 5,9 millions d'euros en 2023. Le budget de mon ministère augmentera de 15 % en 2023, après avoir doublé sur le précédent quinquennat.
Le Gouvernement soutient pleinement la constitutionnalisation de l'IVG. La France, pays des droits de l'homme, doit être aussi celui du droit des femmes. Comptez sur ma détermination. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Formation professionnelle à Saint-Pierre-et-Miquelon
M. Stéphane Artano . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La loi de septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a bouleversé la formation, mais les élus ultramarins pointent le manque de préparation du Gouvernement pour son déploiement dans leurs territoires.
Ainsi, depuis quatre ans, le mécanisme permettant de faire valoir ses droits à la formation au travers du compte personnel de formation (CPF) ne fonctionne pas à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les blocages techniques sont-ils en cours de règlement ? Sera-t-il possible de reconstituer des droits a posteriori ?
Depuis juillet 2021, les partenaires sociaux sont sans nouvelles de l'État sur leur demande de création d'un Opco (opérateur de compétences). Ce mutisme est anormal.
Enfin, depuis six mois, le président de la collectivité demande la réunion du Cfop (centre de formation et d'orientation professionnelle) qui permet de statuer sur ces sujets, sans plus de réponse. La situation devient ubuesque.
Le contrat de développement État-collectivité a été prolongé d'un an. Les crédits de la formation professionnelle le seront-ils aussi ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Frédérique Puissat et Victoire Jasmin applaudissent également.)
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Le dossier de la création de l'Opco est suivi attentivement par les services de l'État, en particulier la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP). Le dossier a bien été transmis et une réponse sera apportée dans les prochains jours. Il y a huit critères à satisfaire ; si le dossier n'est pas conforme sur certains points, nous en accompagnerons la finalisation si nécessaire.
L'État, la Caisse des dépôts et les organismes sociaux veilleront à la reprise d'antériorité du CPF.
Je confirme enfin que le contrat État-collectivité sera repris à l'identique, avec les crédits de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Accueil des migrants
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La France, après des tergiversations, a accueilli l'Ocean Viking. Tant mieux. Les migrants ont été pris en charge par la police aux frontières (PAF), la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Or m'étant rendu sur place dimanche, je n'ai vu aucun traducteur ni avocat auprès des migrants. Les entretiens se déroulaient dans des bureaux ouverts à tous les vents, au mépris de la confidentialité. Comment l'Ofpra peut-il statuer dans ces conditions ?
Le ministre de l'intérieur a indiqué hier que parmi les 234 passagers, 44 étaient des mineurs non accompagnés ; 60 ont vu leur demande d'asile acceptée et 44 ont fait l'objet d'un refus. Mais qu'est-il advenu des 86 restants ?
Au sujet des 44 qui seront reconduits, le ministre a indiqué qu'il avait déjà pris contact avec les autorités de leur pays de provenance. Or ces décisions doivent leur être notifiées et ils ont droit à un recours suspensif. Jusqu'à la fin du processus, tout contact avec le pays d'origine est une violation de la Convention de Genève et leur fait courir des risques ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales . - Veuillez excuser l'absence du ministre de l'intérieur, retenu à l'Assemblée nationale.
En effet, 234 migrants ont été secourus, dont 44 enfants qui ont été placés. La décision d'accueillir l'Ocean Viking a été prise à titre exceptionnel, avec une exigence d'humanité, de sécurité et de fermeté.
Les démarches auprès de l'Ofpra comme du juge des libertés et de la détention ne sont pas terminées, aussi est-il difficile de donner des chiffres définitifs ; mais toutes les mesures d'aide sanitaire et médicale ont été prises.
Ensuite, les migrants sont transférés en zone d'attente où se déroulent les entretiens individuels avec l'Ofpra. Ceux qui auront droit à l'asile seront accueillis partout en Europe, ce qui prouve que la solidarité est à l'oeuvre. La France a demandé une réunion européenne interministérielle à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Guy Benarroche. - Accueillir dignement, c'est accueillir dans les règles ! Accueillir, c'est secourir, en Méditerranée, dans la Manche et dans les Alpes ! (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur celles des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Agenda du développement du parc nucléaire français
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) « Il nous faut reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France », a déclaré le Président de la République à Belfort.
La guerre en Ukraine justifie nos choix passés, alors que l'Allemagne paie au prix fort sa dépendance au gaz russe et la faible diversification de son mix énergétique. La France est dans une meilleure posture, malgré des erreurs d'appréciation.
Plus personne ne doute que le nucléaire est essentiel pour un mix énergétique souverain. Mais pour obtenir une énergie fiable et abordable, il faut moderniser le parc, résoudre le problème de la corrosion sous contrainte, mais aussi construire de nouveaux réacteurs.
De nombreux territoires se sont portés candidats, dont Nogent-sur-Seine, dans mon département. Ils ont besoin de réponses sur le calendrier, les critères d'éligibilité, les modalités de sélection. Le site de Nogent-sur-Seine sera-t-il sur la liste prioritaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Vous avez raison de le dire : nous allons reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. - Il était temps !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Nous le faisons pour le pouvoir d'achat des Français, la compétitivité de nos entreprises, la lutte contre le réchauffement climatique.
Nous avons conclu en 2019 un contrat stratégique sur le nucléaire et engagé 500 millions d'euros dans le cadre du plan de relance pour moderniser notre parc.
Nous avons demandé à EDF, en février, de préparer la construction des six premiers EPR. L'entreprise a défini une série de critères de sélection des sites : foncier disponible, études des sols, raccordement au réseau de transport, possibilités de refroidissement. L'engagement des élus locaux et l'acceptabilité des populations jouent aussi un grand rôle.
EDF a retenu en premier lieu les sites de Penly et Gravelines et continue à étudier ceux du Bugey et de Tricastin. Huit sites complémentaires sont à l'étude.
À Penly, le débat public a commencé. L'objectif est que toutes les solutions soient sur la table au moment de l'examen de la loi Climat-Énergie, et que le premier réacteur soit mis en service en 2037. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Vanina Paoli-Gagin. - J'aurais aimé avoir la liste des huit sites !
Accueil de l'Ocean Viking à Toulon
M. Michel Bonnus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vendredi, l'Ocean Viking a accosté à Toulon avec, à son bord, 230 migrants secourus en mer. Il naviguait sans destination depuis des semaines, et la France s'est résolue à l'accueillir après le refus italien. Mais une autre voie était possible.
Le ministre de l'intérieur a voulu convaincre l'Italie, alors que sa position était claire depuis le début. En accueillant ce navire, nous avons créé un grave précédent, entaché de vices de procédure, qui ouvre la voie aux passeurs. Faute d'avoir examiné leur situation à temps, des migrants sont libres. (On fait mine de s'en indigner à gauche.) Certains mineurs ont fugué.
La responsabilité du Gouvernement est en cause. Le précédent ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, avait démissionné plutôt que de se voir imposer la création d'un centre d'accueil de migrants à Toulon.
Nous sommes sensibles à la souffrance des femmes et des enfants, mais nos territoires ne sont pas capables d'assumer cet accueil. Que ferez-vous lorsque le prochain bateau arrivera ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - La réponse est simple : il y allait de notre honneur. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE) Cela s'appelle l'humanisme, dont la France s'honore depuis des siècles.
À mon tour de vous interroger : que fallait-il faire face au refus italien ?
Mme Sophie Primas. - Il fallait agir avant !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Le tribunal judiciaire de Toulon a mobilisé ses juges des libertés et de la détention et son parquet pour traiter les dossiers immédiatement. Certaines décisions ont fait l'objet d'un appel ; en vertu de la séparation des pouvoirs, il ne m'appartient pas de les commenter.
Nous continuerons à nous battre pour que chaque pays européen prenne sa part. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Lors de la dernière campagne présidentielle, devant les images de migrants à la frontière polonaise, un éminent représentant de l'extrême droite appelait à les « laisser crever ». Ce n'est pas notre option. (Applaudissements nourris sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme Sophie Primas. - Ce n'est pas la nôtre non plus !
Politique d'immigration (II)
M. Henri Leroy . - En 2018, la France a refusé d'accueillir l'Aquarius et ses 629 migrants. (Murmures à gauche)
Mme Marie-Arlette Carlotti. - C'est une obsession !
M. Henri Leroy. - La même année, le Président de la République déclarait devant l'assemblée générale des Nations unies préférer une mobilité internationale choisie à une mobilité subie qui ferait monter les extrêmes.
On connaît la suite : vendredi dernier, le même Emmanuel Macron a donné l'ordre d'accueillir les 230 migrants de l'Ocean Viking. La France ne peut pourtant pas accueillir toute la misère du monde. (Exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur. - Il faut citer la phrase complète !
M. Henri Leroy. - Nombre de Français et d'étrangers assimilés ont déjà de graves difficultés à se nourrir, se loger et se soigner. Vous confondez humanitaire et appel d'air et faites le jeu des passeurs ! (Nouvelles exclamations à gauche) Sauver des vies en péril est nécessaire, mais les bateaux de passeurs doivent être renvoyés dans leur port d'origine.
Il est urgent de reprendre le contrôle de nos frontières et de refondre la politique d'immigration en Europe, sans quoi vous continuerez de dénaturer la France. (Protestations à gauche et sur des travées du RDPI) Immigration et insécurité sont bien liées : combien faudra-t-il de Bataclan ou de Lola pour que vous mesuriez enfin ce qui se joue ? (Protestations indignées à gauche et sur les travées du RDPI)
Mme Laurence Rossignol. - Scandaleux !
M. Xavier Iacovelli. - On ne peut pas laisser dire cela !
M. Henri Leroy. - Cessez d'accueillir ceux dont les autres ne veulent pas et expulsez ceux qui n'ont pas vocation à rester sur le sol national ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; huées sur certaines travées à gauche)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Un grand nombre de vos collègues, de tous bords, aimeraient vous répondre à ma place. (« C'est vrai ! » et applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Victoire Jasmin applaudit également ; marques d'acquiescement sur certaines travées à gauche.)
Dire que votre question est choquante est un euphémisme. En quoi êtes-vous fondé à établir un lien entre quelques dizaines de personnes en détresse en Méditerranée, dont une cinquantaine de mineurs, et les attentats du Bataclan ? Qu'insinuez-vous ? (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe SER, du GEST et du groupe CRCE ; M. Pierre Louault applaudit également.)
Je connais suffisamment le président de votre groupe pour savoir que faire le lien entre le terrorisme et le sauvetage en mer de personnes en péril de mort, cela ne peut pas être la ligne de la droite républicaine. (Applaudissements sur les mêmes travées et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Malgré votre question, je suis convaincu que si, en bateau, vous vous trouvez à côté d'un esquif en détresse, vous vous porterez évidemment à son secours. (Murmures sur certaines travées à droite) La France peut s'enorgueillir de l'avoir fait : la non-assistance à personne en danger n'est pas digne du pays des Lumières !
Un tiers de ces personnes resteront sur notre sol, au titre du droit d'asile. Toutes les conditions de surveillance et de sécurité sont mises en place. Ne faites donc pas d'amalgames, alors que le populisme monte en Europe : ce n'est pas ce que les Français attendent de nous ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST et du groupe CRCE)
Situation de la psychiatrie en France
Mme Annie Le Houerou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Souvent tabous, les troubles psychiques concernent treize millions de Français, un sur cinq. Ils représentent le premier poste de dépenses de l'assurance maladie. La souffrance psychique conduit à 200 000 tentatives de suicide chaque année, dont 9 000 sont fatales.
Agnès Buzyn reconnaissait en 2017 l'abandon de la psychiatrie. Mais cinq ans plus tard, rien n'a changé.
Vous êtes ministre de la santé, mais aussi de la prévention. Or un repérage précoce améliorerait la qualité de vie des patients. Depuis cette année, les consultations de psychologie sont remboursées dès 3 ans : c'est une avancée, mais loin d'être suffisante.
Parent pauvre de la médecine, la psychiatrie publique est sinistrée. Près d'un tiers des postes de psychiatre à l'hôpital sont vacants ! Or le PLFSS pour 2023 ne prévoit rien pour y remédier, alors que le nombre de patients continuera d'augmenter à la suite du covid. L'usage de psychotropes et les mesures de contention augmentent, car les médecins n'ont pas d'autre choix. Les professionnels tirent la sonnette d'alarme depuis des années ; aujourd'hui, ils sont à bout.
Quelle est votre stratégie pour répondre aux besoins urgents en psychiatrie publique, notamment pour les enfants et adolescents ? Comment comptez-vous agir à long terme pour la prévention des maladies psychiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Patricia Schillinger et M. Xavier Iacovelli applaudissent également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Les professionnels de psychiatrie exercent dans des conditions difficiles, que le covid a encore dégradées. Je rends hommage à leur travail, alors que la santé mentale se détériore, en particulier chez les enfants.
Le Gouvernement veut que tous nos concitoyens aient accès à la prévention et aux soins. C'est le sens de la réforme que j'entends conduire.
Le bilan des Assises de la psychiatrie et de la santé mentale sera prochainement dressé. « MonPsy » a démontré son utilité, de même que le numéro national de prévention du suicide. Des financements pérennes sont en place depuis 2018. Les investissements décidés dans le cadre du Ségur bénéficieront aussi aux établissements de psychiatrie.
Comme tout l'hôpital, la psychiatrie est confrontée à une perte structurelle d'attractivité et de sens. L'augmentation de l'Ondam sera bénéfique aussi pour cette spécialité. Nous continuerons à renforcer l'accès aux soins dans le cadre des CNR territoriaux et à développer les infirmiers en pratique avancée. S'agissant de la pédopsychiatrie, une feuille de route sera dressée au début du printemps. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Port de l'abaya dans les établissements scolaires (I)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs semaines, le Comité de prévention de la radicalisation alerte sur les appels répétés de la mouvance islamiste à contourner la loi de 2004. En particulier, sur les réseaux sociaux, les jeunes filles sont encouragées à porter des vêtements à caractère religieux. L'éducation nationale a enregistré 720 atteintes à la laïcité.
Au lycée Bourdelle de Montauban, une vingtaine de jeunes filles portaient l'abaya depuis la rentrée scolaire. Il y a quelques jours, une enseignante a été placée sous protection policière après avoir fait une remontrance à l'une d'elles sur sa tenue. L'élève a publié une vidéo de la scène à l'insu de ce professeur.
Face à ces dérives répétées, allez-vous dire clairement que l'abaya n'a pas sa place à l'école ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - La situation au lycée de Montauban est suivie de près par le ministère et le rectorat, en lien avec la préfecture. (Murmures à droite)
Avant les vacances, une vingtaine de lycéennes portaient l'abaya. À la suite des échanges engagés par la direction du lycée avec les élèves et les familles, seize élèves ont renoncé à ce vêtement à intention religieuse. Trois autres ont renoncé plus récemment. La dernière, particulièrement radicale, est à l'origine de l'incident dont vous avez parlé.
Le proviseur et la professeure ont porté plainte, et une protection fonctionnelle a été accordée à la seconde. Je le répète, nous surveillons de près la situation.
En 2004, le législateur a prévu que différents vêtements à intention religieuse pourraient se présenter. D'où le caractère général de cette loi, qui s'applique à de multiples situations. Notre boussole, c'est de faire observer la loi.
La laïcité exige discernement, sang-froid et fermeté - pas besoin d'effets de manche pour cela. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. François Bonhomme. - J'espérais une prise de position ferme. Malheureusement, votre réponse n'est qu'administrative.
Ce qui se passe à Montauban se passe aussi ailleurs. Oui, il faut ouvrir le dialogue, mais il faut aussi affirmer une position claire. Vous ne le faites pas, et c'est bien le problème.
La situation est grave, et ces évènements ne relèvent pas des faits divers ; une masse critique est atteinte. Prenez une position ferme, pour que l'école reste un lieu d'émancipation, préservé des pressions ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains)
Port de l'abaya dans les établissements scolaires (II)
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Olivier Rietmann applaudissent également.) Il y a un an, j'interrogeais M. Blanquer sur les leçons à tirer du tragique assassinat de Samuel Paty.
L'affaire de l'abaya du lycée de Montauban, dont François Bonhomme vient de parler, a profondément choqué le corps enseignant. La circulaire du 9 novembre dernier est supposée éclairer l'application de la loi de 2004, mais elle laisse enseignants et chefs d'établissement souvent bien seuls face aux nouvelles manières d'affirmer son identité culturelle et religieuse. L'abaya, qui n'est pas originellement de nature religieuse, est clairement utilisée dans cet esprit.
La loi de 2004 proscrit le port, à l'école, de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Quelle est la doctrine de l'éducation nationale sur l'abaya ? Vous n'avez pas répondu à mon collègue, et rien n'est clair.
L'incident de Montauban pose aussi le problème de la formation et de la protection des enseignants, alors que les réseaux sociaux catalysent la haine et la violence. Leur formation inclut-elle des mises en situation ? Apprennent-ils à réagir aux agressions ?
En matière de protection, a-t-on réellement avancé depuis l'assassinat de Samuel Paty ? (Applaudissement sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Les signalements font apparaître trois phénomènes.
D'abord, les défis se multiplient depuis peu sur les réseaux sociaux. Nous échangeons avec les responsables de ces réseaux sur la modération, qui nous paraît trop lente et trop faible. Mais il faut reconnaître que nos armes juridiques sont limitées. Je mets en garde les élèves contre les influenceurs de mauvais aloi.
Ensuite, l'hommage à Samuel Paty continue, malheureusement, de donner lieu à des contestations.
Enfin, notre vigilance est plus forte et nous faisons remonter tous les signalements pour élaborer, chaque mois, des données qui servent d'outil de pilotage.
Préciser le type de vêtements, ce serait s'aventurer sur un terrain juridiquement très complexe. Comment définir l'abaya ? (Murmures à droite) Nous nous exposerions à de multiples contournements et la justice administrative nous donnerait tort. (Exclamations sur de nombreuses travées à droite)
Conservons le principe de la loi de 2004 et appliquons-la avec fermeté et sang-froid ! (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Max Brisson. - Combien de sanctions ?
M. Étienne Blanc. - Trouillard !
M. Pierre-Antoine Levi. - Les enseignants veulent de la clarté, et votre circulaire de novembre n'est pas claire. Et si la solution était le port d'un uniforme ? (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC et Les Républicains)
Système de combat aérien du futur
M. Pascal Allizard . - Une partie de la loi de programmation militaire repose sur la coopération européenne, en particulier franco-allemande. Mais ce volontarisme se heurte aux dures réalités des intérêts.
Depuis des mois, les signaux inquiétants s'accumulent. Avion de combat, char, avion de patrouille maritime : les armées comme les industriels s'interrogent sur l'avenir de ces projets.
Pour ce qui est de l'avion de combat, nous arrivons dans une phase où chacun attend des garanties de l'État, en matière de maîtrise d'oeuvre par Dassault, de prise en compte des besoins de nos armées ou de protection de la propriété intellectuelle sur nos technologies.
Quels engagements le Gouvernement prend-il ? Et a-t-il un plan B en cas d'échec de la coopération ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Le système de combat aérien du futur (Scaf) est important pour les armées françaises.
Concentrons-nous sur les faits. Nous avons besoin d'un avion de combat du futur, pour rester dans la course technologique et assurer notre dissuasion. La France est engagée dans ce projet avec ses partenaires allemands et espagnols parce qu'elle y trouve son intérêt. Dassault est clairement leader de l'avion de combat au sein de ce programme, selon la logique du meilleur athlète ; nous resterons attentifs dans la durée sur ce point.
Nous devons donner sa chance à la phase 1B du projet. Les divergences entre industriels se sont largement estompées, et un accord est en vue. La France souhaite notifier le contrat aux industriels ; nous attendons une confirmation de nos deux partenaires. Nous visons une signature dès le mois de décembre.
Nous continuerons à préserver les intérêts stratégiques de la France, s'agissant tant de l'élaboration que de l'exportation du Scaf.
Le ministre des armées l'a dit : il ne s'agit pas d'une affaire idéologique sur le couple franco-allemand, et il y aura quoi qu'il en soit un successeur au Rafale dans l'armée française. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. Pascal Allizard. - Notre base industrielle et technologique de défense, ce sont des compétences uniques et non délocalisables et un tissu d'entreprises de toutes tailles. Nous devons préserver ces savoir-faire dans nos territoires.
Nos armées ont besoin d'un avion de chasse pour garantir notre supériorité dans les futures opérations et assurer la continuité de notre dissuasion.
Nous devons aussi pouvoir exporter auprès de pays amis, sans contraintes extérieures ; les procédures françaises sont robustes et suffisantes. (Applaudissement sur des travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cadic et André Guiol applaudissent également.)
Recettes du secteur des énergies renouvelables
M. Didier Marie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a annoncé que les producteurs d'énergies renouvelables allaient reverser à l'État 30,9 milliards d'euros de contribution au service public de l'électricité (CSPE).
Cette contribution est exceptionnelle : pour la première fois, l'État ne compense pas les charges de service public, mais encaisse des recettes. Elle est aussi inattendue, puisqu'une dépense de 8 milliards d'euros était prévue. Cette inversion de tendance résulte de la hausse des prix de gros de l'électricité. À lui seul, l'éolien terrestre versera 21,7 milliards d'euros.
La CRE indique que ces recettes supplémentaires devront financer le bouclier tarifaire. Comptez-vous utiliser cette manne pour soutenir les collectivités territoriales, en première ligne face à l'inflation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Rachid Temal. - Bravo !
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - La CSPE vise à garantir un prix aux énergéticiens du renouvelable, afin d'assurer la rentabilité de leurs investissements. Avec l'envolée des prix de l'électricité, le prix de marché est supérieur au prix du contrat. D'où le reversement dont vous parlez, que je remercie le Parlement d'avoir déplafonné l'été dernier.
Ces fonds iront au bouclier tarifaire, qui contient la facture d'électricité des Français. Mais ils n'en couvriront qu'une partie, puisque ce bouclier coûtera 47 milliards d'euros l'année prochaine.
Nous continuerons à accompagner les collectivités territoriales face à la crise de l'inflation.
M. Rachid Temal. - Ce n'est pas ce qu'elles disent...
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Le débat budgétaire sur le point de s'ouvrir devant votre assemblée sera nourri. Il enrichira et renforcera les mesures votées à l'Assemblée nationale. Je pense en particulier au filet de sécurité, pour lequel 1,5 milliard d'euros sont budgétés. J'attends beaucoup de nos travaux pour préciser ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Didier Marie. - Ces recettes nouvelles pourraient changer la donne, au moment où, en supprimant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, vous persistez dans votre stratégie de désarmement fiscal. Réinvestissons-les de manière juste et efficace en y intéressant davantage les collectivités territoriales. Il faut indexer la DGF sur l'inflation, améliorer le bouclier énergétique pour les collectivités territoriales et accompagner davantage les projets locaux de transition. Cessez de vouloir contrôler les dépenses des collectivités territoriales !
Alors que vous enregistrez ces 30 milliards d'euros de recettes supplémentaires, il est inconcevable que des communes soient contraintes de fermer des équipements sportifs et culturels, d'augmenter le prix de la restauration scolaire ou de freiner leurs investissements. Revoyez votre copie lors de l'examen du PLF ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Daniel Breuiller et André Reichardt applaudissent également.)
Fiscalité à Paris
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Aux élections de 2020 à Paris, Anne Hidalgo avait pris deux engagements. (Murmures sur les travées du groupe SER) D'abord, ne pas être candidate à l'élection présidentielle ; ensuite, ne jamais augmenter les impôts des Parisiens.
Non seulement elle n'a cessé de les augmenter depuis son élection, mais, cette semaine, coup de grâce : les Parisiens apprennent l'augmentation de plus de 50 % de leur taxe foncière, pour tenter de sortir Paris du chaos économique. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. David Assouline. - C'est moins que dans les villes que vous gérez !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - La majorité de gauche avait pourtant hérité d'une situation saine. Les Parisiens sont excédés, et Paris se déclasse !
Il n'est pas envisageable que l'État en profite pour porter atteinte aux libertés communales : il n'est donc pas sérieux de parler de mise sous tutelle.
Comment le Gouvernement compte-t-il soulager les Parisiens, appelés de surcroît à des efforts supplémentaires dans la perspective des jeux Olympiques de 2024 ?
M. David Assouline. - Dans le XVIe, ça va aller...
M. Philippe Pemezec. - Votre mépris est insupportable !
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics . - À mon arrivée au ministère du budget, j'ai découvert que la ville de Paris bénéficiait d'un arrangement avec la comptabilité publique négocié sous François Hollande : elle achetait des logements en demandant aux bailleurs sociaux de lui verser en une fois plusieurs décennies de loyers... J'ai mis fin à cette véritable bombe à retardement pour les Parisiennes et les Parisiens. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Hidalgo considère qu'elle doit taxer plus parce qu'elle refuse de réformer et de maîtriser ses dépenses. (Applaudissements sur les mêmes travées ; protestations sur les travées du groupe SER)
M. David Assouline. - Marine Le Pen est aux portes, mais vous attaquez Anne Hidalgo !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - L'État est au côté de la ville de Paris : nous lui avons versé 50 millions d'euros de recettes exceptionnelles de TVA, et elle peut bénéficier d'un acompte de 15 millions d'euros au titre du filet de sécurité.
Mais il ne peut agir à sa place. Or des réformes sont nécessaires, dont l'application effective des 35 heures aux fonctionnaires de la Ville. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains) Il faut aussi arrêter de subventionner à tout va des associations parfois faméliques. (Mêmes mouvements)
Le Gouvernement sera toujours au côté de la Ville de Paris pour lui indiquer les réformes nécessaires à une gestion saine des finances publiques. (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. David Assouline. - C'est honteux !
Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Je suis ravie que nous partagions la même analyse. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER) Travaillons ensemble pour que Paris se porte mieux. Il faut que l'État s'intéresse réellement aux Parisiens. Certes, les listes de la majorité présidentielle ont été boudées aux élections municipales et régionales. Mais depuis lors, trois députés de Paris sont entrés au Gouvernement. Ayons ensemble une vraie vision pour les Parisiens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Enseignement des mathématiques
M. Stéphane Piednoir . - Voilà trois ans, le groupe Les Républicains marquait son profond désaccord avec la réforme du baccalauréat voulue par Jean-Michel Blanquer et la disparition programmée des mathématiques au lycée. À l'époque, votre majorité refusait de voir le déclin de notre niveau global en mathématiques.
Monsieur le ministre, vous entreprenez la déconstruction de la réforme imposée par votre prédécesseur et annoncez le retour des mathématiques dans le tronc commun. Vous entérinez ainsi l'échec de la réforme Blanquer. C'est une rotation à 180 degrés, si j'ose dire... (Sourires)
Je m'en réjouis, mais je m'interroge sur les modalités, pour le moins confuses. Aurons-nous suffisamment de professeurs ? Irez-vous au bout du raisonnement en autorisant un troisième enseignement de spécialité en terminale ?
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je partage votre préoccupation pour le niveau en mathématiques. Notre situation est paradoxale : nous sommes un pays d'excellence avec treize médailles Fields, mais le niveau général de la population diminue.
La réintroduction d'une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun de première vise à réconcilier avec cette matière les élèves fâchés avec elle et à leur permettre de choisir l'option mathématiques complémentaires en terminale. Par ailleurs, un module de rattrapage est prévu en seconde pour les élèves les plus en difficulté. Nous travaillons aussi sur le collège, avec des clubs de mathématiques et des mesures pour la sixième.
La Première ministre est très attachée à la présence des filles dans les filières scientifiques. Oui, l'avenir de l'excellence mathématique en France repose en grande partie sur les filles ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Stéphane Piednoir. - Il vous a fallu trois ans pour corriger votre copie. C'est la politique du zigzag permanent qui caractérise votre majorité. Nos jeunes sont sacrifiés sur l'autel de vos atermoiements. Un petit conseil : la prochaine fois, écoutez le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 20.
présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 35.