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Table des matières
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement
Coupe du monde de football au Qatar
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
Hausse des prix de l'énergie pour les entreprises
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Crise énergétique dans la filière agricole
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Revendications des salariés des raffineries pétrolières
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
Compétitivité de notre agriculture
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Réforme de la police judiciaire
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Propos du ministre de l'éducation nationale
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Soutien de la France à l'Ukraine
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement
Coupe du monde de football au Qatar
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
Hausse des prix de l'énergie pour les entreprises
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Crise énergétique dans la filière agricole
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Revendications des salariés des raffineries pétrolières
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
Compétitivité de notre agriculture
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Réforme de la police judiciaire
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Propos du ministre de l'éducation nationale
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer
Soutien de la France à l'Ukraine
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Ordre du jour du jeudi 13 octobre 2022
SÉANCE
du mercredi 12 octobre 2022
5e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Rentrée sociale
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la Première ministre, le 27 juillet dernier, je vous ai fait part de ma vive préoccupation pour la rentrée sociale ; je vous ai proposé une revalorisation du Smic et l'organisation d'une grande conférence salariale. Vous m'avez répondu préférer la voie des accords de branche.
Le désordre s'installe, la colère gronde : une crise sociale généralisée est sur le pas de tir, dont la crise des carburants est le premier étage. Les inégalités se creusent, et ce n'est que le début.
Réquisitionner autoritairement les salariés sans responsabiliser les employeurs ne rétablira pas la paix sociale. Aucune prime, fût-elle Macron, ne remplacera une revalorisation durable des salaires !
Vous n'anticipez plus : vous collez des rustines, coûteuses pour la collectivité, tout en continuant d'exonérer les plus aisés. Pendant que les pompes s'assèchent et que l'inflation siphonne le pouvoir d'achat, les dividendes ruissellent... Certaines entreprises triplent leurs bénéfices en profitant de la crise, mais n'augmentent pas leurs salariés. Aberrant !
Résignation ou combat pour la justice sociale : quel camp choisissez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Laurence Cohen et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que M. Thomas Dossus, applaudissent également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Je vous remercie pour vos propos équilibrés et modérés...
Dans le cadre du projet de loi de finances, nous vous proposerons de taxer les profits exceptionnels, notamment des compagnies pétrolières. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)
M. David Assouline. - Très peu...
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Moi aussi, j'échange régulièrement avec des salariés et des fonctionnaires, avec les syndicats et les chefs d'entreprise. Tous me le disent : les Français veulent vivre de leur travail. C'est aussi la conviction de mon gouvernement, car le travail, c'est la dignité et l'émancipation.
M. Rachid Temal. - C'est le salaire, aussi !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous avons pris des mesures fortes pour protéger le pouvoir d'achat. Ainsi du bouclier tarifaire, mesure la plus protectrice d'Europe. (Murmures à gauche et sur certaines travées à droite) Nous agissons pour que le travail paie toujours mieux : nous avons supprimé certaines cotisations sociales et augmenté la prime d'activité.
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Les salaires !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Cet été, nous avons pris des mesures supplémentaires : revalorisation de la prime d'activité, prime de partage de la valeur, déblocage facilité de l'épargne salariale. Grâce à ces dispositifs, les salariés bénéficient des richesses qu'ils contribuent à créer.
Vous me parlez des salaires. Notre dispositif de protection du salaire minimal est le plus protecteur : en un an, le Smic a été revalorisé de 8 %, soit plus que l'inflation, qui est de 6 %. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. David Assouline. - En Espagne, c'est 20 % !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Cette revalorisation doit conduire les branches professionnelles à revoir leurs grilles salariales. Plus de 500 accords de branche ont été signés depuis le début de l'année. La dynamique est là, elle doit se prolonger. Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires.
Nous croyons profondément au dialogue social : c'est de lui que viendra la réponse. Mais le dialogue social, ce n'est pas bloquer le pays, c'est chercher des compromis et respecter les accords majoritaires ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)
M. Patrick Kanner. - Pour les ménages modestes, l'inflation n'est pas de 6, mais de 13 ou 14 %.
Comment faire comprendre aux salariés de Total, qui demandent une revalorisation de 10 %, que leur patron, M. Pouyanné, ait augmenté son propre salaire de 52 % ? Vous ne combattez pas ces injustices : vous êtes faibles avec les forts et forts avec les faibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE et du GEST)
Pénurie de carburant
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Crise sanitaire, crise économique, guerre en Europe, inflation : depuis plus de deux ans, les Français vivent dans un contexte particulièrement anxiogène, avec une résilience remarquable.
Résultat de la grève des raffineries et d'une mauvaise anticipation des effets de la remise à la pompe, la pénurie de carburant donne le coup de grâce à une partie de la population, qui ressent douloureusement la fracture sociale et territoriale : ceux qui n'ont pour se déplacer que leur voiture.
Sans doute, des usagers se sont rués sur les stocks d'essence de manière irresponsable. Mais la réalité est là : stations-service prises d'assaut, professionnels incapables de travailler.
Certes, l'État n'est pas l'acteur principal des négociations en cours ; mais s'agissant d'un bien stratégique et alors que la paralysie menace, il a l'obligation de s'en mêler.
Hier, vous avez annoncé que les préfets pourraient réquisitionner les salariés de certaines raffineries. Comment comptez-vous faire ? Ne craignez-vous pas que la justice vous oppose la liberté fondamentale de faire grève ? Quelles autres pistes envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Depuis le début de cette crise sociale, le Gouvernement doit face à des tensions pénalisantes pour des millions de nos concitoyens. Nous importons des carburants, notamment depuis la Belgique, puisons dans nos réserves stratégiques et organisons des norias de camions-citernes.
Cela ne suffit pas, nous en avons conscience. Nous souhaitons que le dialogue social aboutisse, pour que les blocages cessent.
Il faut distinguer deux situations. Chez Exxon, un accord majoritaire a été signé, mais il n'a pas été respecté par la CGT : l'État a pris ses responsabilités, et les arrêtés de réquisition devraient être opérationnels aujourd'hui. Chez Total, des négociations ont été ouvertes, auxquelles la CGT...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La CGT et FO !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - ... la CGT et FO, en effet, semblent avoir décidé de participer.
Nous sommes très attentifs à l'évolution des discussions et aux déblocages que nous appelons de nos voeux. L'État se tient prêt, là aussi, à prendre ses responsabilités.
Le retour à la normale peut prendre un peu de temps, mais la situation s'améliorera de façon visible dans les jours à venir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Coupe du monde de football au Qatar
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La 22e Coupe du monde de football est sur le point de s'ouvrir, au Qatar. La fête aurait dû être belle pour la France, car nous avons une équipe de très haut niveau.
Pourtant, le malaise, voire le dégoût, grandit. Une troisième étoile sur le maillot bleu vaut-elle toutes les compromissions ?
En 2010, Mbappé n'avait que 12 ans quand Nicolas Sarkozy oeuvrait avec succès pour que la monarchie qatarie remporte l'organisation de l'événement.
Douze ans plus tard, la plus grande compétition de football va s'ouvrir sur les cadavres de 6 500 travailleurs morts en construisant des stades climatisés. Douze ans plus tard, les minorités sexuelles sont toujours persécutées au Qatar, les femmes n'y sont pas libres et l'esclavage y perdure. Douze ans plus tard, on s'obstine dans le déni climatique, en dépit des alertes et des catastrophes.
La France va mettre son savoir-faire en matière de sécurité au service de la dictature qatarie en envoyant 220 gendarmes et agents de sécurité civile - des hommes, pour ne pas heurter le rigorisme des émirs.
Je vous pose la question que j'avais posée à votre prédécesseur au moment des jeux Olympiques au pays du génocide ouïghour : si nos joueurs n'ont pas à assumer les choix politiques de la France, allez-vous, sur le plan diplomatique, boycotter cette Coupe du monde de la honte ? Ferez-vous enfin du sport français le vecteur d'une diplomatie au service du climat et des droits humains ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Joël Bigot et Yannick Vaugrenard applaudissent également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - L'attribution de la Coupe du monde au Qatar a été décidée par la Fifa voilà douze ans.
Alors que l'urgence écologique est plus prégnante que jamais, le Qatar doit tout faire pour atteindre son objectif de neutralité carbone. (M. Thomas Dossus se gausse ; on ironise sur de nombreuses travées à gauche.) Il peut s'appuyer sur un système de transports ambitieux, bâti avec l'expertise française, et des investissements dans les énergies renouvelables.
Nous encourageons le Qatar à mettre en oeuvre pleinement l'accord de Paris. Nous sommes engagés avec ce pays dans des coopérations techniques pour accélérer ses efforts et nous espérons qu'il présentera, dans la perspective de la COP27, une contribution nationale rehaussée et une stratégie plus ambitieuse en matière de limitation du réchauffement climatique.
La France se bat en faveur des droits humains sur les plans bilatéral et multilatéral, à l'Organisation internationale du travail et avec des ONG comme Human Rights Watch et Amnesty International. La législation du Qatar a commencé à évoluer, mais c'est insuffisant. Nous promouvons le respect des droits humains dans toutes nos relations avec ce pays.
Vous avez raison : la question se pose du modèle que nous voulons pour les futurs grands événements internationaux.
M. le président. - Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - La Fifa souhaite un renforcement des critères environnementaux.
M. le président. - Il faut conclure !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - En ce qui nous concerne, nous serons au rendez-vous en 2024, avec les jeux Olympiques et Paralympiques les plus écologiques de l'histoire. (Son micro ayant été coupé, la ministre poursuit quelques instants sans être entendue.)
M. le président. - Votre temps de parole est épuisé.
Pénurie de médicaments
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Une autre pénurie menace la France : celle des médicaments.
Une alerte récente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) porte sur les traitements les plus courants du diabète de type 2. C'est l'arbre qui cache la forêt : les ruptures d'approvisionnement dans les officines ont quasiment doublé depuis le début de l'année ; les médicaments contre l'hypertension et le cancer sont aussi concernés. Les témoignages de terrain sont clairs : il manque de plus en plus de molécules chez les pharmaciens.
En 2018, dans le cadre d'une mission d'information demandée par notre groupe, Jean-Pierre Decool avançait des pistes d'amélioration. Depuis lors, la situation s'est aggravée sous l'effet des tensions liées à la pandémie et à la guerre en Ukraine.
Nombre de médicaments viennent d'Asie, et les matières premières se trouvent quasiment toutes en dehors de l'Europe. Nous devons produire nos propres médicaments et améliorer les chaînes de distribution. Il y va de notre souveraineté.
Quelles mesures conjoncturelles et structurelles comptez-vous prendre pour éviter des drames humains ? L'échelon européen n'est-il pas incontournable ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Le médicament est un secteur stratégique. Nous devons renforcer notre capacité d'innovation et produire davantage en attirant des industries étrangères, afin d'éviter les pénuries et garantir notre souveraineté.
Comme s'y était engagé le Président de la République, nous consacrons 10 milliards d'euros à l'innovation, notamment dans le cadre du plan France 2030, et nous favorisons l'accès de nos concitoyens aux médicaments très innovants.
Ce secteur est en forte croissance. L'an prochain, la sécurité sociale y consacrera 800 millions d'euros supplémentaires. Ce n'est pas incompatible avec les efforts, justes et proportionnés, que nous demandons à cette industrie, financée par l'argent des Français. Nous travaillons avec elle à une restructuration de l'ensemble du secteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDPI)
Hausse des prix de l'énergie pour les entreprises
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec Serge Babary, je me fais la porte-parole de tous les chefs d'entreprise qui nous saisissent sur nos territoires. Tétanisés par l'explosion des coûts de l'énergie, beaucoup jugent préférable de réduire leur production, voire de fermer leurs usines plusieurs mois. À nouveau, notre souveraineté industrielle, économique et alimentaire est en danger.
Tous les secteurs sont frappés, toutes les tailles d'entreprise. Les chefs d'entreprise sont dans une impasse : soit ils signent des contrats à des conditions insoutenables, soit ils ne signent rien avant la fin octobre, comme le Président de la République le leur a suggéré, et prennent le risque d'être sans énergie au 1er janvier.
Le marché est sans repères, et personne ne semble vouloir prendre par la bride ce cheval devenu fou. Les chefs d'entreprise sont seuls. L'un d'eux m'a écrit hier : « nous mourons de mort subite, qu'attendent-ils ? »
Le bouclier mis en place pour les entreprises électro-intensives et les TPE est sous-dimensionné, les critères d'éligibilité trop stricts. Des boulangers ferment parce qu'ils n'ont pas le bon compteur ou parce que leur four est trop puissant...
Quel soutien simple, massif et rapide comptez-vous apporter à nos entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - J'entends les mêmes alertes sur le terrain. Oui, des entreprises recourent à l'activité partielle ou l'envisagent.
Avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, je m'efforce de trouver des solutions. De nouvelles mesures seront prises dans les prochains jours.
Au niveau européen, nous travaillons à découpler les prix du gaz et de l'énergie.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. - Enfin !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Nous entendons aussi amplifier et simplifier le dispositif d'aide dit Ukraine.
Au niveau local, j'ai demandé aux commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises de les aider à négocier avec leurs fournisseurs. Nous avons signé une charte avec ces derniers, par laquelle ils s'engagent à fournir des offres compétitives.
Enfin, j'en appelle à la solidarité des filières, pour que notre industrie ne soit pas la victime collatérale de la guerre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Crise énergétique dans la filière agricole
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après Mme Primas, voici le deuxième clou du cercueil...
La filière agricole est lourdement frappée par la crise énergétique, or les agriculteurs ont le sentiment d'être injustement oubliés.
Si rien n'est fait, la coopérative Biocer, présente dans l'Eure et dans l'Orne, verra sa facture énergétique passer de 285 000 à plus de 1 million d'euros. C'est insoutenable.
Je songe aussi à la filière équine, chère au président Larcher. Les agriculteurs récemment installés sont particulièrement exposés, car les dispositifs sont mal adaptés à leur situation. De nouveaux drames personnels sont à craindre.
Notre souveraineté alimentaire est en péril : comment comptez-vous soutenir nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat et M. André Reichardt applaudissent également.)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le secteur agricole se caractérise par sa saisonnalité et l'impossibilité de rompre la chaîne de production.
Nous cherchons avec vous des solutions pour Biocer.
À court terme, les fournisseurs ont signé une charte qui les oblige à fournir une offre et à conseiller leurs clients. Au niveau européen, nous attendons une réponse dans les prochains jours sur la décorrélation qu'a évoquée Roland Lescure ; ce sera un levier puissant. L'aide aux entreprises énergo-intensives est simplifiée, ce qui bénéficiera par exemple au secteur de la betterave, et ses montants doublés.
À moyen et long terme, nous devons réduire notre dépendance, notamment aux intrants azotés.
Telle est notre action au service de l'ensemble des filières agricoles et agroalimentaires. Nous sommes mobilisés au quotidien pour répondre à leurs besoins. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Mme Nathalie Goulet. - Il faut un guichet unique pour les entreprises au niveau régional, intégrant BPI France, la Banque des territoires et la Mutualité sociale agricole.
Mme la Première ministre a annoncé une taxe bienvenue sur les superprofits : celle-ci pourra servir aussi à améliorer le soutien aux filières agricoles.
Il y a urgence, notamment pour les jeunes agriculteurs, qui, faute d'ancienneté, sont exclus des boucliers. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Revendications des salariés des raffineries pétrolières
M. Éric Bocquet . - Pendant que nos compatriotes voient avec effarement tourner le compteur des pompes à essence, les actionnaires voient avec ravissement grimper les chiffres des dividendes.
TotalEnergies n'en finit plus de s'enrichir, y compris grâce à l'argent public du bouclier tarifaire : le mois dernier, ses actionnaires ont perçu un dividende exceptionnel de 2,6 milliards d'euros. Demain, ce sera TotalBénéfices...
Les salariés demandent légitimement leur part. Satisfaire leurs revendications coûterait 140 millions d'euros, soit 1,4 % des profits du groupe au premier semestre 2022...
À l'évidence, compter sur la bonne volonté ne suffit pas. D'autant que le Gouvernement menace de réquisitionner les salariés. Il est temps de faire pression sur les directions de TotalEnergies et d'ExxonMobil ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je vous sais, de par votre appartenance politique, plus attaché que quiconque à la qualité du dialogue social. (Murmures à droite)
Dans la situation actuelle, un accord majoritaire a été conclu pour une hausse de salaires, mais un syndicat minoritaire...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Deux syndicats !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Deux syndicats, certes, mais minoritaires.
M. Pascal Savoldelli. - Et vous alors ? Vous êtes minoritaires partout !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Non-signataires, ces syndicats bloquent l'outil de travail. Vous percevez bien ce que cette situation a d'inhabituel et de non conforme au droit social. Pour le Gouvernement, cela justifie le recours à des réquisitions.
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Nous distinguons cette situation de celle d'un autre groupe, où un accord n'a pas encore été trouvé.
J'insiste : nous parlons, dans le premier cas, d'un accord signé en bonne et due forme par des syndicats majoritaires.
M. Éric Bocquet. - Les salariés concernés ne demandent pas une augmentation de 52 % - celle que le PDG de TotalEnergies s'est octroyée. Leur demande est légitime en cette période de forte inflation.
Les 200 millions d'euros que rapportera votre taxe sur les superprofits sont très loin du compte. Il faut une taxation supérieure pour aider salariés, retraités, entreprises et collectivités territoriales.
Bruno Le Maire a dit préférer le ciblage au saupoudrage. Nous, nous préférons le partage au bricolage ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur des travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Santé à Wallis-et-Futuna
M. le président. - Je salue les élus de Polynésie présents dans la tribune d'honneur. (Applaudissements)
M. Mikaele Kulimoetoke . - Je salue l'action du Gouvernement, en particulier du ministre Carenco, qui a reçu avec bienveillance les élus de Wallis-et-Futuna. Je me félicite aussi de l'impulsion donnée à la reprise des travaux du quai de Leava.
J'attire l'attention sur la situation sanitaire dans l'archipel. Depuis 2005, l'agence de santé n'a lancé aucune politique de prévention. Résultat : le diabète et les maladies cardiovasculaires se sont développés. Dans un rapport de 2019, l'Igas a pourtant recommandé le renforcement de la prévention.
La conférence de santé associant les instances locales et la population aura-t-elle bien lieu au premier semestre 2023 ?
Par ailleurs, le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation doit permettre de restaurer la confiance entre la population et l'agence de santé, alors que nos sensibilités locales ne sont pas entendues et que les professionnels fuient le territoire.
En particulier, les dialysés ont besoin du renouvellement de huit générateurs d'hémodialyse et d'un véhicule adapté pour leurs déplacements. Et qu'en est-il du projet d'Ehpad ?
Nous avons besoin d'une organisation des soins adaptée aux besoins de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - J'ai marqué, dès mon entrée en fonction, mon attachement aux territoires ultramarins. Wallis-et-Futuna ne sera pas laissée pour compte.
Les problèmes sont sur le terrain, les solutions aussi. Le Conseil national de la refondation Santé jouera pleinement son rôle à Wallis-et-Futuna en associant élus, citoyens et professionnels, sous l'égide de l'agence de santé. La conférence de santé se tiendra dans ce cadre.
La prévention est essentielle : quatre cancers et huit maladies cardio-vasculaires sur dix pourraient être évités par de bons comportements. À la suite du rapport de l'Igas, nous allons créer un pôle de santé publique au sein de l'agence.
Je vais examiner la question des générateurs d'hémodialyse. Les travaux du centre d'hémodialyse de Futuna seront achevés à la fin de l'année prochaine. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Compétitivité de notre agriculture
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Production de pommes divisée par deux, explosion des importations de poulets polonais et de tomates marocaines, recul des surfaces de blé et du cheptel laitier... La ferme France produit de moins en moins. Depuis 2017, vous misez tout sur la montée en gamme, avec plus de contraintes et de charges, quitte à importer davantage.
Vous mettez en danger notre souveraineté alimentaire en condamnant nos concitoyens à acheter étranger. On marche sur la tête !
Manque de compétitivité, coût de la main-d'oeuvre, surtranspositions, suradministration, accords de libre-échange néfastes, climat politico-médiatique délétère : voilà le mal français !
Il faut agir, monsieur le ministre. Qu'allez-vous faire pour inverser la tendance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je salue la qualité de votre récent rapport ; avec honnêteté, il pose un diagnostic sur une période de plus de trente ans, qui a vu passer six Présidents de la République et dix-sept ministres de l'agriculture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Le sujet de la souveraineté n'est donc pas nouveau.
Depuis 2017, nous nous sommes d'abord attachés à la question de la rémunération. Grâce aux lois EGalim I et II, nous avions obtenu une augmentation des rémunérations agricoles, qui est la clé du maintien du monde agricole.
Nous investissons massivement : 1,5 milliard d'euros du plan France Relance, intégralement consommés, pour moderniser l'outil de production, 3 milliards d'euros du plan France 2030 pour l'innovation et la recherche.
La souveraineté passe aussi par l'eau. Le Varenne de l'eau a solidifié le système assurantiel, l'adaptation des pratiques et l'accès à l'eau. Sans eau, pas d'agriculture !
Enfin, il faut travailler sur l'adaptation au dérèglement climatique des modèles de production et donner des perspectives aux nouvelles générations. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Sophie Primas. - Et la compétitivité ?
M. Laurent Duplomb. - Beaucoup de mots, peu d'action. Je ne suis pas énarque, juste paysan et comme beaucoup, j'en ai marre de la technocratie abrutissante. Plutôt que la décroissance, il faut un choc de compétitivité.
Après la comédie du col roulé et de la doudoune, enfilez donc vos bottes, madame la Première ministre, pour comprendre la situation de l'agriculture ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
Réforme de la police judiciaire
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La commission des lois du Sénat a créé une mission d'information sur l'opportunité de la réorganisation de la police judiciaire.
La mobilisation de la police judiciaire (PJ) ne faiblit pas. Fâché par une vidéo, le directeur général de la police nationale a limogé le patron de la PJ marseillaise. Résultat, la contestation s'étend ; même la PJ parisienne, non concernée, soutient le mouvement. Le ministre de l'intérieur impute ces tensions à la proximité des élections syndicales et dit être soutenu par les syndicats. Pourtant, hier, même les très discrets procureurs généraux ont condamné une réforme qu'ils considèrent comme une remise en cause de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle dans un État de droit.
N'est-ce pas le moment de revoir votre copie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Le Sénat examine en ce moment même la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dans un esprit constructif.
La réforme de la police nationale est attendue depuis trente-cinq ans, elle a été demandée par au moins sept rapports sénatoriaux, et initiée par le ministre Joxe. Celui-ci précisait devant le Sénat, le 26 novembre 1990, que le rattachement à un directeur départemental de la police nationale ne portait en rien atteinte au principe selon lequel la PJ est à la disposition de la justice et travaille sous le contrôle du parquet. Je vous renvoie au compte rendu !
Le préfet aura autorité sur les services de la PJ, comme sur les autres fonctionnaires, jusqu'au moment où ces derniers se trouvent placés sous l'autorité de la justice. À cet égard, rien ne change.
Il est vrai que M. Pasqua a mis fin à cette excellente réforme... (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jérôme Durain. - Vous parlez d'il y a trente ans, je vous parle d'aujourd'hui. Il y a un problème de méthode, à tout le moins. Les policiers redoutent que ce rattachement au préfet ne conduise à abandonner les enquêtes complexes, relatives à la criminalité organisée, face au flux des affaires quotidiennes.
À part le ministre de l'intérieur, personne ne soutient cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Propos du ministre de l'éducation nationale
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'éducation nationale, trois mois après votre nomination, mes inquiétudes restent vives.
Le Président de la République a lancé lui-même l'année scolaire en réunissant les recteurs. Est-ce le rôle du chef de l'État ? Cette verticalité interroge sur votre rôle et vos marges de manoeuvre. Rupture ou continuité avec votre prédécesseur ?
Les faits vous rattrapent : à la rentrée, il n'y avait pas un enseignant devant chaque classe, ou alors parfois formé en quatre jours.
Face au désenchantement général des enseignants, à la hausse des atteintes à la laïcité, votre communication prudente est insuffisante. La communauté éducative a besoin de directives claires, de soutien ferme.
Vous avez récemment fait, aux États-Unis, des déclarations polémiques sur la France. Non, monsieur le ministre, la France n'est pas raciste. N'abîmez pas notre image à l'étranger. Cessez de vous positionner en universitaire militant : soyez ministre ! Votre wokisme de salon (murmures à gauche) est incompatible avec vos responsabilités politiques. Quelle est votre vision de l'école ? Où voulez-vous emmener nos enfants et les professeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je veux bien répondre à nouveau, mais en deux minutes il est difficile de développer une réflexion. Mieux vaut éviter les citations approximatives.
J'ai déjà dit que, enfant de la République, je devais tout à l'école publique. Je suis de ceux qui estiment que la lutte contre les discriminations, le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, n'affaiblit pas la République mais la renforce. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Esther Benbassa et Nassimah Dindar applaudissent également.)
Il s'agit d'exprimer concrètement notre attachement aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité.
M. Jean-Raymond Hugonet. - La laïcité n'est pas une « valeur » !
M. Pap Ndiaye, ministre. - La loi de 2004 sera respectée.
Je suis attaché à une République fidèle à ses valeurs, celles des droits humains, qui les affiche au frontispice de ses édifices et surtout, qui les met en oeuvre. (Mme Esther Benbassa applaudit.) En tant que ministre, je tiens à la mise en oeuvre concrète des politiques de cohésion sociale, de réussite pour tous les élèves et d'égalité des chances. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST, du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. Max Brisson. - Des actes !
M. Jacques Grosperrin. - Ici, monsieur le ministre, nous sommes tous des enfants de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous n'avez pas répondu sur votre vision de l'école. Vous ne répondez pas à l'effondrement des connaissances, à la crise de la transmission, aux immenses défis posés à l'école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Médecins extracommunautaires
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La fin du numerus clausus ne produira pas tout de suite ses effets. Confrontés au fléau des déserts médicaux, les maires cherchent à faire venir des médecins extracommunautaires mais se heurtent à des difficultés administratives insurmontables, au point parfois d'abandonner les démarches...
Un exemple : la commune de Latour-de-France, dans les Pyrénées-Orientales, n'a plus de généraliste depuis octobre 2021. Le maire a trouvé un médecin libanais, expérimenté et formé en France, prêt à s'installer. Mais le ministère de la santé bloque le dossier !
Face à la pénurie, ne peut-on simplifier les procédures administratives, multiplier les concours d'évaluation des compétences ? Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé prévoit la reconnaissance des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne) via deux procédures distinctes : une régularisation pour le « stock » de médecins présents avant 2019 ; un examen de vérification des connaissances et un parcours de consolidation de la pratique pour le « flux ».
La crise sanitaire a hélas empêché la tenue des commissions d'autorisation. Au 1er octobre 2022, il reste 2 400 dossiers en souffrance. Nous allons renforcer les effectifs pour traiter ces dossiers avant la date butoir - qui sera reportée au 31 mars 2023 par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En lien avec les ARS, le Conseil national de l'Ordre, le Centre national de gestion et le syndicat des Padhue, nous travaillons à améliorer cette gestion du flux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Ministres cumulards
M. Olivier Paccaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cohérence et bon sens n'ont jamais nui à un Gouvernement.
Alors que nos concitoyens exigent une République exemplaire, je m'étonne que, au mépris d'une règle certes informelle mais ancienne, plusieurs ministres de votre Gouvernement n'aient pas encore abandonné leurs mandats exécutifs locaux pour se consacrer entièrement à leur mission. Pour les parlementaires, le non-cumul est inscrit dans la loi - que vous avez refusé d'assouplir.
Pourtant, il reste des ministres récalcitrants : un maire, un président d'assemblée ultramarine, un président d'agglomération et même un président de département - le ministre des armées.
Fortes têtes, problème d'autorité ? Madame la Première ministre, allez-vous faire démissionner de leurs mandats locaux les ministres concernés ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - (« Ah ! » à droite) Les braconniers étant les meilleurs gardes-chasse, la Première ministre m'a chargé de vous répondre. (Rires)
Les règles sont respectées. (On le conteste à droite.) Les ministres qui n'ont pas encore abandonné leurs fonctions exécutives ont encore quelques semaines pour convoquer leur assemblée délibérante et démissionner - tout en restant conseiller municipal, départemental ou régional, ce qui n'est pas une tare.
Cette règle informelle a toujours connu des exceptions : Jean-Yves Le Drian a été ministre de la défense et président de la Région Bretagne, Nicolas Sarkozy a été ministre de l'intérieur, maire de Neuilly, et président des Hauts-de-Seine (protestations à droite), François Baroin a été ministre et maire de Troyes. M. Paccaud oublie vite ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Paccaud. - Je félicite le bon élève, ancien maire de Tourcoing ! Les ministres rebelles vont démissionner, dont acte.
L'autorité et l'exemplarité sont clé. Comment être entendu des Français quand un ministre bafoue éhontément la règle, qui plus est le ministre des armées, où la discipline est une vertu cardinale ? L'exemplarité ne se proclame pas, elle se pratique. (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Soutien de la France à l'Ukraine
Mme Gisèle Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Face à l'internationalisation et à l'intensification du conflit en Ukraine, allons-nous continuer à rechercher une issue diplomatique ? Augmenter notre aide humanitaire, financière ou militaire ? Que peut décider le G7, sinon afficher sa solidarité ? Allons-nous plaider pour de nouvelles sanctions ?
Nous assistons en effet à un changement profond de la nature de cette guerre, car le Bélarus va devenir la base arrière armée de la Russie dans ce conflit. Minsk est la capitale d'un pays martyr où se joue la vie de centaines de prisonniers politiques, dont je salue le courage.
Comment apprécier le fléchissement de la politique du Bélarus ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST ; M. Julien Bargeton applaudit également.)
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Depuis lundi, en effet, la Russie frappe des infrastructures civiles en Ukraine, sans doute aussi pour atteindre le moral de la population.
Le soutien de la France se poursuit et s'intensifie ; nous aidons l'Ukraine dans sa résistance militaire et sa résilience civile, à l'approche de l'hiver. L'aide humanitaire s'élève à 2 milliards d'euros, dont 200 millions d'euros pour la France ; nous apportons bien sûr une aide militaire ainsi qu'un soutien politique et diplomatique.
Hier, les dirigeants du G7 ont qualifié les attaques russes de crimes de guerre. Ce soir, l'assemblée générale des Nations unies se prononcera sans ambiguïté sur l'annexion illégale des territoires ukrainiens, soulignant l'isolement de la Russie.
Le Bélarus ne doit pas s'engager davantage dans son soutien à l'opération illégale menée par la Russie.
L'Union européenne a mobilisé plus de 9 milliards d'euros et a adopté huit séries de sanctions pour peser sur l'effort de guerre russe. Si nécessaire, il y aura d'autres sanctions. Nous soutiendrons l'Ukraine jusqu'à ce qu'elle recouvre sa souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Gisèle Jourda. - Il faut stopper cette guerre, mais aussi retrouver des perspectives de paix. Pour cela, il faut continuer à se parler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
École inclusive
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'inclusion des élèves en situation de handicap à l'école est une priorité et un défi. Depuis septembre, après une décision de justice obtenue par votre prédécesseur, l'État se désengage du suivi et de la prise en charge de ces enfants sur le temps périscolaire et celui de la cantine.
C'est un nouveau transfert de charge, non compensé, vers les collectivités, mais surtout une étrange vision du suivi de ces enfants, dont le nombre a quadruplé ces vingt dernières années pour atteindre 430 000, soit 3,5 % des effectifs totaux.
Le ministère est-il prêt à signer avec les maires des conventions de mise à disposition d'AESH sur le temps de midi, ce qui favoriserait leur recrutement, leur formation et un suivi de qualité ? Le Conseil d'État le recommande, la loi le permet, les maires le réclament. Jean-Marie Blanquer l'avait promis, votre administration s'y refuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Résultat, les enfants ne sont pas accompagnés, les équipes déstabilisées.
Le plus grand des handicaps, c'est d'être absent là où notre présence est utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - L'école inclusive est une grande réussite : plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés ; une augmentation de 25 % depuis 2005. Nous avons recruté 130 000 AESH, avec 4 000 recrutements par an, si vous approuvez le projet de loi de finances pour 2023.
Les difficultés tiennent surtout à l'arrivée parfois très tardive de la notification par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), parfois à la veille de la rentrée...
Le 20 novembre 2020, le Conseil d'État a enjoint l'État de rémunérer les AESH sur le temps scolaire et non périscolaire. Il est juridiquement complexe d'assurer la continuité du suivi, particulièrement nécessaire aux enfants autistes. Mais je m'engage à trouver la meilleure solution, en collaboration avec les collectivités et les services juridiques.
M. Max Brisson. - Cela dure depuis des mois !
Investissements dans le rail
Mme Daphné Ract-Madoux . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les aiguilleurs du rail des Hauts-de-France sont en grève - après ceux d'Occitanie au printemps - pour réclamer des embauches. Notre système est obsolète. Il faut toujours des personnes physiques pour l'aiguillage : nous avons quarante ans de retard ! Il faut mettre en place de nouveaux systèmes de signalisation, regrouper la gestion des 2 200 aiguillages dans seize postes de commande centralisés, numériser le système de gestion des transports.
Cela représente un énorme effort d'investissement, au moment où la flambée des prix de l'électricité plombe les comptes des autorités organisatrices de transport. En Île-de-France, le surcoût s'élève à 950 millions d'euros, d'où la menace de porter le pass Navigo à 100 euros.
Il est légitime de craindre que le coût du fonctionnement ne vienne obérer l'investissement. Avec un moindre report modal vers le ferroviaire, va-t-on remettre en cause notre trajectoire vers la neutralité carbone ? Avez-vous identifié la menace et quelle réponse budgétaire y apportez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Nous donnons la priorité à la modernisation et la régénération du réseau ferroviaire, l'un des plus anciens d'Europe. Nous y consacrons 2,9 milliards d'euros par an sur dix ans dans le nouveau contrat de performance, contre moins de 2,5 milliards d'euros avant 2017. Nous regardons, avec le Conseil d'orientation des infrastructures, s'il faut aller plus loin.
S'agissant de l'impact des coûts de l'énergie sur l'offre de transport, soyons très clairs sur les responsabilités : c'est la région qui est autorité organisatrice de transport, à travers Île-de-France mobilités. L'État a aidé la région à hauteur de plus de 2 milliards d'euros, sous forme de subventions et d'avances remboursables, depuis le début de la crise covid - c'était indispensable, sans doute, mais mérite d'être rappelé. Concrètement, le prix du pass Navigo n'est pas fixé par l'État.
Néanmoins, le fonctionnement des réseaux franciliens est de la responsabilité de tous. Il y aura un contrat de plan État-région. L'État sera au rendez-vous, dans la clarté. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue à 16 h 15.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
Discussion des articles (Suite)
RAPPORT ANNEXÉ (Suite)
L'amendement n°182 est retiré.
M. le président. - Amendement n°134, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéas 187 et 188
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
La police municipale est chargée de la mise en oeuvre des pouvoirs de police du maire. Le conseil municipal peut cependant autoriser le maire à signer avec l'État une convention de partenariat dont la durée ne peut excéder celle de son mandat. Cette convention qui précisera le cadre de cette coopération.
II. - Alinéa 190
Après les mots :
partenariats avec les polices municipales
insérer les mots :
dans le cadre d'une convention de partenariat mentionnée à l'alinéa précédent et préalablement signée entre l'État et la collectivité locale
M. Guy Benarroche. - La présence de la police municipale ne doit pas désengager la police nationale, notamment de proximité. Néanmoins, nous souhaitons que l'assemblée délibérative puisse signer une convention de partenariat entre la police municipale et la police nationale.
M. le président. - Amendement n°184, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 190, première phrase
Supprimer les mots :
, la sécurité privée
Mme Éliane Assassi. - La sécurité privée est la marque de la marchandisation de la sécurité publique : c'est un manque de cohérence que nous avons déjà relevé lors de l'examen de la loi Sécurité globale.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois. - Les débats sur le continuum de sécurité ont en effet déjà eu lieu dans notre hémicycle, nous les avons tranchés. Cet amendement et le suivant sont superfétatoires. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. - Même avis.
Mme Éliane Assassi. - Je vous entends. Cependant, ce sujet n'est pas superfétatoire pour nous. Nous nous étions déjà opposés au texte Sécurité globale, nous ferons de même ici.
L'amendement n°134 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°184.
M. le président. - Amendement n°147 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 198, après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Au sein de cette académie, des heures de cours dispensées par des chercheurs en criminologie, en sociologie et dans toutes les branches des sciences humaines et sociales intéressées par les questions de sécurité seront prévues pour les futurs policiers.
II. - Après l'alinéa 198
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Si les travaux de recherche menés peuvent servir à améliorer l'action du ministère, ceux-ci doivent en revanche être menés en toute indépendance, dans le respect des libertés académiques, et pas uniquement au service d'une politique de résultat. Par ailleurs et dans un esprit de réciprocité, c'est également le ministère de l'Intérieur qui doit se mettre au service du monde de la recherche en mettant à sa disposition tous les éléments, documents et données dont les chercheurs auront besoin pour mener à bien les travaux de leur choix. Ce qu'il faut ici bâtir c'est une relation de confiance, basée sur la sincérité et mutuellement profitable.
M. Thomas Dossus. - Le rapport annexé mentionne souvent le lien avec le monde de la recherche, ce que nous saluons. Encore faut-il s'assurer que cette politique d'ouverture soit saine et constructive. Le monde de la recherche n'est pas au service du ministère, du simple fait des libertés académiques.
C'est avant tout au ministère de s'ouvrir aux chercheurs en leur fournissant les documents nécessaires à leurs travaux. Nous proposons que des chercheurs en sciences humaines dispensent des heures de cours aux élèves au sein de la future académie de police.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Je vous en donne acte, cher collègue ; mieux vaut se répéter que se contredire.
L'ouverture des données par le ministère et le rappel des principes des libertés académiques sont superflus, dès lors que la politique de l'État va déjà dans le sens de l'ouverture des données. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'académie de police, à Montpellier, dispensera la formation continue à l'ensemble des policiers et des gendarmes. Y participeront non seulement des membres des forces de l'ordre mais aussi des magistrats, par exemple. Le ministre n'intervient pas dans la programmation des cours.
Par ailleurs, pour la première fois, nous ouvrons le ministère de l'intérieur au monde de la recherche. Ce n'est pas à nous de sélectionner les chercheurs, ni à vous. Avis défavorable.
L'amendement n°147 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°148, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 212 à 214
Supprimer ces alinéas.
M. Thomas Dossus. - Vous sortez les drones dès que l'on parle de sécurité.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Évidemment !
M. Thomas Dossus. - Le Gouvernement revient dogmatiquement à la charge, avec un plan d'acquisition qui servira au recueil du renseignement lors des manifestations et aux frontières. L'utilisation des drones ne comporte aucune garantie du respect de la vie privée, d'où notre proposition de suppression.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Cent fois sur le métier nous remettons l'ouvrage... Loïc Hervé avait veillé à ce que la loi Sécurité globale soit conforme à la jurisprudence constitutionnelle : l'utilisation des drones est donc déjà encadrée par la loi. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Initialement, le Conseil d'État et la Cnil s'étaient prononcés contre l'usage des drones par les forces de l'ordre - au point qu'en France, tout le monde pouvait faire voler des drones, à l'exception de la police et de la gendarmerie !
Nous avions donc prévu que l'usage nécessitait le couvert d'un juge, parce qu'un drone n'est pas une simple caméra volante. Patatras ! Le juge constitutionnel a privilégié un contrôle administratif, donc du préfet. Dont acte. Avis défavorable.
L'amendement n°148 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°104, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 214
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le traitement des images recueillies par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.
M. Guy Benarroche. - Nous excluons du traitement par des logiciels de reconnaissance faciale les images obtenues par des drones. Cette technologie fait débat depuis longtemps : en janvier 2020, le Livre blanc de la Commission européenne sur l'intelligence artificielle envisageait une interdiction temporaire des technologies de reconnaissance faciale dans divers secteurs.
Notre collègue députée Paula Forteza demande elle aussi un moratoire jusqu'à ce que des garanties suffisantes soient établies pour la protection de ces données sensibles.
Les craintes découlent en partie de l'usage débridé de ces technologies, encore non pleinement maîtrisées et qui conservent des biais vis-à-vis des minorités. Leur utilisation pour surveiller les Ouïghours en Chine doit nous inviter à la prudence.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - La reconnaissance faciale, je le redis, est interdite en France. L'amendement est satisfait, car les données biométriques sont couvertes par le RGPD. Le rapport de la mission d'information Durain-de Belenet-Daubresse a tracé des lignes rouges en la matière.
M. André Reichardt. - Excellents auteurs !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le ministre nous a annoncé un projet ou une proposition de loi le moment venu, par exemple à l'occasion des jeux Olympiques 2024. La commission des lois entend traduire les conclusions du rapport dans la loi. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Guy Benarroche. - Le Contrôleur européen de la protection des données avait appelé à un débat, mais le Conseil national de la refondation ne traite pas du sujet. Nous pourrions aussi organiser une convention citoyenne sur la place des nouvelles technologies dans notre société, à condition qu'elle soit suivie d'effet.
Nous avions amendements similaires lors de l'examen du projet de loi Sécurité globale. Le ministre Darmanin déclarait alors déjà être opposé à la reconnaissance faciale. Pourquoi ce rapport, qui est la feuille de route du ministère, ne l'indiquerait-il pas explicitement ? Les citoyens s'interrogent.
M. Jérôme Durain. - Sur les nouvelles technologies, nous sommes passés d'une inquiétude naturelle à une demande d'élaboration normative. M. Daubresse a évoqué le rapport de la commission des lois ; les interrogations continueront tant qu'un cadre ne sera pas fixé.
Ces technologies sont souvent utilisées contre nous, comme le montre l'essor de la cybercriminalité. Il est temps que la loi fixe ce qui est autorisé et ce qui est interdit.
L'amendement n°104 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°217 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mme Havet, M. Théophile et Mme Schillinger.
Alinéa 225
Après les mots :
à La Réunion ou en Guyane ;
insérer les mots
orpaillage illégal en Guyane ; pêche illicite non-déclarée et non-réglementée (INN) en Guyane ;
M. Georges Patient. - Parmi les nombreuses menaces qui pèsent sur les outre-mer, la Guyane souffre de l'orpaillage et de la pêche illicites. Les pêcheurs guyanais et surinamais comme les orpailleurs brésiliens profitent de l'immensité du territoire pour piller ses ressources, causant des atteintes à l'environnement.
Ils n'hésitent plus à s'attaquer aux pêcheurs guyanais : la filière est fragilisée. Lutter contre ces fléaux doit être une priorité.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis favorable à la mention expresse de l'orpaillage et de la pêche illicite.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
La police et la gendarmerie ne peuvent intervenir seules, les ministères des armées et de l'environnement ont aussi leur rôle à jouer, alors que les bateaux surinamais arrivent par vingtaine dans les eaux guyanaises.
Sur l'orpaillage, l'opération Harpie se poursuit. Nous envisageons avec le Président de la République un système Harpie II pour mieux lutter contre la délinquance brésilienne, surinamaise et guyanienne.
S'agissant du recrutement des forces de police, je comprends la volonté de rapprochement des Guyanais de leur territoire - 68 % des policiers sur place sont d'origine guyanaise - mais un concours spécifique ne semble pas nécessaire.
L'amendement n°217 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°218 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile.
Alinéa 227, première phrase
1° Après le mot :
trafics
insérer les mots :
, la pêche INN
2° Avant le mot :
jumelles
insérer les mots :
radars HF à ondes de surface,
M. Georges Patient. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Demande de retrait.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°218 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°219 rectifié, présenté par MM. Patient et Buis, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile.
Après l'alinéa 229
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En matière de recrutement des forces de police dans les territoires d'outre-mer et pour faire face aux problématiques de stabilités des effectifs et d'attractivité de ces territoires, la majorité des postes ouverts au recrutement sera pourvu par l'intermédiaire de concours déconcentrés dans chacun des territoires concernés. Pour s'assurer que suffisamment de candidats postuleront, les liens entre la population et les forces de police doivent être renforcés. Pour cela, tous les programmes développés dans ce but (classes de reconquête républicaine, plan 10 000 jeunes, etc.) devront être déployés dans chacun de ces territoires.
M. Georges Patient. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Demande de retrait.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
M. Georges Patient. - Soit, mais il me semble que ce serait un moyen de résoudre les problèmes de recrutement dans les outre-mer.
L'amendement n°219 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°185, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 231
Supprimer les mots :
à la création d'assistants d'enquête de police et gendarmerie, à des moyens mis sur l'aboutissement d'une procédure numérique et
Mme Éliane Assassi. - Ni la création d'assistants d'enquête ni la procédure numérique ne satisferont les citoyens. Les assistants seront des profanes en matière de procédure ; le numérique est rapide mais impersonnel, et nous ne pouvons accepter qu'un algorithme pallie le manque de formation et se trouve à l'origine, par exemple, d'un classement sans suite.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le Conseil d'État considère que les transcriptions d'enregistrements doivent rester sous la responsabilité des officiers de police judiciaire (OPJ). C'est pourquoi la commission des lois a adopté l'amendement de M. Richard sur ce sujet : nos appréhensions sont levées.
Les algorithmes utilisés par la police font toujours l'objet d'une intervention humaine. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°185 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°124, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 233
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tirant le constat du nouveau contrat opérationnel auquel sont confrontés les sapeurs-pompiers comme principaux acteurs de la sécurité civile, la modernisation nécessaire de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera engagée.
M. Patrick Kanner. - Nous sommes favorables à l'objectif de replacer le ministre de l'intérieur au centre de la gestion des crises. C'est pourquoi nous proposons le renforcement de la formation des sapeurs-pompiers - c'est un ancien président de Sdis qui vous le demande. Cela passe par la modernisation de l'École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp).
Nous demandons le maintien du chef de filat de l'État, couplé au renforcement des moyens de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). L'Ensosp pourrait devenir un institut national de la protection civile, rattaché à l'Institut national du service public (INSP), successeur de l'ENA.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - M. Kanner et Mme Troendlé ont largement travaillé sur ces sujets. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable. Un nouveau directeur a été nommé, ce qui va dans le sens de vos propos.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°124 est adopté.
M. le président. - Amendement n°202, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le lendemain de chaque manifestation durant laquelle les forces de l'ordre ont fait usage de leurs armes, le traitement relatif au suivi de l'usage des armes (TSUA) sera rendu accessible au public.
Mme Éliane Assassi. - Les amendements nos202 et 203 reprennent les mesures de notre proposition de loi sur les lanceurs de balles de défense (LBD) dans le cadre du maintien de l'ordre.
M. le président. - Amendement n°204, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport détaillé et documenté sur les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen, et sur les alternatives à mettre en oeuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l'ordre dans le cadre des manifestations
Mme Éliane Assassi. - Je le retire.
L'amendement n°204 est retiré.
M. le président. - Amendement n°203, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Interdire immédiatement l'usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°190, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 323 et 324
Supprimer ces alinéas.
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°100, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 324
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre de ces opérations de maintien de l'ordre, l'usage des lanceurs de balles de défense et des grenades de désencerclement est interdit.
M. Guy Benarroche. - Le rapport de la commission d'enquête relatif au maintien de l'ordre préconise l'interdiction des LBD. Un ancien Défenseur des droits a condamné l'usage de cette arme dangereuse lors des manifestations. Ses utilisateurs eux-mêmes la disent difficile à manier.
Face à ces dangers et alors qu'il y a eu des accidents, le ministère s'est contenté d'équiper les forces de l'ordre de caméras ventrales. En 2019, lors des manifestations de gilets jaunes, de nombreuses personnes ont été mutilées par cette arme, ainsi que par des grenades de désencerclement, aussi à l'origine de graves blessures.
Nous demandons que ces armes ne soient plus utilisées lors des opérations de maintien de l'ordre.
M. le président. - Amendement n°150, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 327
Remplacer les mots :
Un investissement massif dans la formation des forces au
par les mots :
Une refonte totale de la doctrine de
II. - Après l'alinéa 327
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La doctrine de maintien de l'ordre du ministère de l'intérieur sera entièrement refondée en suivant une logique de dialogue, d'apaisement et de désescalade. Pour faire évoluer cette doctrine, le ministère engagera une réflexion exigeante avec le monde universitaire. À ce titre, les lanceurs de balles de défense et les grenades de désencerclement ne seront plus utilisés par les forces de l'ordre, ainsi que les techniques dites de « nassage ».
M. Thomas Dossus. - Pour améliorer les rapports entre la police et la population, nous souhaitons que le rapport aborde les finalités du maintien de l'ordre. Il est inacceptable que les répressions policières en France fassent la une de l'actualité internationale. La réponse est toujours la même : grenades lacrymogènes, LBD et nasses. Cela ne peut qu'accentuer les tensions et le désordre, on l'a vu au Stade de France. Que se passera-t-il pendant les jeux Olympiques ?
Il est grand temps de changer de doctrine.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Il y a déjà des inspections et l'amendement n°202 aurait des conséquences négatives. Dans l'attente des conclusions de la mission Carrère-Di Folco, avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°202 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos203, 190, 100 et 150.
M. le président. - Amendement n°187, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 235
1° Quatrième et sixième phrases
Supprimer ces phrases.
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
, simplifier la procédure pénale
M. Fabien Gay. - Nous souhaitons supprimer du rapport annexé les phrases qui présentent la procédure pénale comme un facteur de lourdeur - car en réalité, sa simplification n'améliorerait guère les enquêtes.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous avons déjà démontré que nous pouvions revenir sur la procédure pénale sans affaiblir les droits. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°187 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°186, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 236 à 239
Supprimer ces alinéas.
M. Fabien Gay. - La suppression des trois ans d'ancienneté pour passer le concours d'OPJ n'est pas acceptable. Les OPJ prennent des décisions lourdes de conséquences, en particulier le placement en garde à vue.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les responsables de la police et de la gendarmerie nationales nous ont affirmé que le niveau requis ne baisserait pas. Si les candidats n'ont pas le niveau, ils n'obtiendront pas leur concours. À la sortie de l'École nationale de la magistrature (ENM), les jeunes magistrats ont reçu le même temps de formation que les policiers en sortie d'école, et on leur confie bien l'application de la procédure pénale qui a, elle aussi, des conséquences importantes. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pourquoi faisons-nous cela ? Les policiers doivent actuellement attendre trois ans pour passer le bloc OPJ, ce qui nous semble inepte. Cela n'est pas exigé des magistrats ! Nous ne regardons pas non plus la qualité des diplômes des policiers qui passent ce concours.
Par ailleurs, en sortie d'école, on est affecté à un poste. Or, il faut du temps pour préparer un concours. C'est la même chose pour les concours internes de la fonction publique. Résultat : nous manquons d'OPJ. Le ministre de l'intérieur ne peut obliger un OPJ à rejoindre tel ou tel commissariat et il doit se contenter d'ouvrir des postes - sauf à la sortie de l'école de policier, précisément. Donc, si demain nous n'avons plus ce délai de trois ans pour le bloc d'OPJ, je pourrai affecter des OPJ directement dans des commissariats où ils font défaut.
L'année dernière, vous nous avez accordé de faire passer la formation des policiers de 8 à 12 mois, ils peuvent passer le bloc OPJ dans ce délai ; ceux qui le réussiront pourront être affectés en commissariat, ce sera très utile parce que nous avons besoin d'enquêteurs, vous le savez bien. Avis défavorable.
M. Alain Richard. - Je constate un certain malaise, lié me semble-t-il à une erreur d'appréciation de la commission, qui accepte d'examiner des amendements à ce rapport annexé, qui n'a pas de valeur législative - une procédure législative « en l'air », en quelque sorte. Nous allons débattre de ces sujets dans un prochain texte de loi, c'est donc un débat de trop.
L'amendement n°186 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°188, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 240 à 253
Supprimer ces alinéas.
M. Fabien Gay. - Nous voulons supprimer l'allègement du formalisme procédural et la simplification de la procédure pénale.
La volonté d'aller vite, pour les victimes comme pour les enquêteurs, ne doit pas priver les victimes d'un accueil physique. Il ne faut pas négliger l'aspect cathartique pour la victime de son déplacement au commissariat.
M. le président. - Amendement n°226, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission des lois.
I. - Après l'alinéa 242
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, la qualité d'agent de police judiciaire sera attribuée aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu'ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Les prérogatives des agents de police judiciaire seront par ailleurs renforcées afin qu'ils puissent mieux concourir aux investigations conduites par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle de ces derniers.
II. - Après l'alinéa 252
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- Étendre la liste des actes que les enquêteurs sont autorisés à accomplir, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, lors des enquêtes sous pseudonyme.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Coordination.
M. le président. - Amendement n°77, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 245
Supprimer cet alinéa.
M. Guy Benarroche. - Nous supprimons la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD), qui transfère aux forces de l'ordre l'opportunité de décider d'une répression minorée et accélérée, privant le Parquet de ses compétences. Les mesures sans contrôle peuvent se multiplier, au mépris du code de procédure pénale.
Nous parlions plus tôt de disparités territoriales. Ce risque ne vous échappera pas.
Le syndicat des avocats de France se montre inquiet : le recours ne sera pas suspensif. Certains jeunes de quartiers défavorisés auraient contracté des dettes de plus de 10 000 euros lors du confinement, sans recours possible.
Le sentiment de défiance des citoyens vis-à-vis de la police risque d'en souffrir encore davantage.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Monsieur Richard, la commission aurait pu choisir de repousser tous les amendements sans les examiner, au motif que le texte n'est pas normatif - c'est ce qu'avait fait un ministre communiste pour l'examen d'un texte relatif à la loi SRU ; mais notre commission des lois a une autre idée du débat parlementaire, il nous a semblé plus correct d'examiner chacun des amendements ; de même le ministre prend-il le temps de nous répondre depuis hier ! (Approbations et quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Sur les amendements nos188 et 77, notre avis est défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis sur les amendements nos188 et 77. Avis favorable à l'amendement n°226.
L'amendement n°188 n'est pas adopté.
L'amendement n°226 est adopté.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°189, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 255
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Parallèlement au positionnement des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries, il conviendra d'introduire un agent de police judiciaire, extérieur à l'enquête, garant des droits et des libertés de la personne gardée à vue, ayant pour mission la vérification du respect des garanties procédurales pendant la garde à vue.
Mme Éliane Assassi. - Les délégués du procureur vont dans le sens de l'efficacité de l'enquête. Mais, pour renforcer les droits des gardés à vue, il faut aussi introduire des personnels de police judiciaire qui ne prennent pas part à l'enquête, mais qui pourront vérifier le respect des garanties procédurales. Nous proposons ainsi d'encadrer davantage la garde à vue.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Encore un procès d'intention ! Policiers et gendarmes garantissent le respect des procédures, il n'y a pas lieu d'ajouter un autre agent public. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Madame Assassi, votre amendement m'étonne grandement, il me semble fondé sur une erreur d'analyse juridique dont votre groupe n'est pas coutumier. Car si quelqu'un est bien placé pour examiner le respect des procédures, et introduire des recours sur ses constats, c'est bien l'avocat - dont la présence est possible dès la première heure de la garde à vue, vous le savez parfaitement.
Les délégués du procureur sont là pour assurer une meilleure chaîne police-justice, et non pour vérifier la procédure. La chaîne de l'instruction doit être plus efficace : le procureur se déplacera au commissariat et pourra ainsi prononcer des peines plus rapidement. C'est une révolution qui favorise de petites audiences accélérant l'instruction. Avis défavorable.
L'amendement n°189 est retiré.
M. le président. - Amendement n°132, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Alinéa 261
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Des mesures concrètes seront prises pour faire face à la crise climatique, face à laquelle les forces de l'ordre ont un rôle à jouer, notamment en renforçant leurs actions de prévention, contrôle et répression des atteintes à l'environnement, en augmentant leurs moyens financiers et effectifs dédiés, et en assurant une formation et sensibilisation transversale de toutes les forces de police sur ce sujet et ses enjeux.
M. Guy Benarroche. - Le changement climatique n'est pas un risque à venir : nous le subissons déjà, avec toutes ses conséquences. La délinquance environnementale est dangereuse : des pratiques sont déjà condamnables, mais de nombreux maires peinent à lutter contre elles.
Cet amendement développe les mesures de prévention et de sanction des atteintes à l'environnement. Cela sera très utile aux collectivités territoriales.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous n'y voyons pas d'objection majeure. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Favorable également.
L'amendement n°132 est adopté.
M. le président. - Amendement n°149, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 298
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La gestion du risque nucléaire et radiologique devra prendre une place toute particulière dans cette politique nouvelle de gestion du risque. Les actions de sensibilisation et de formation aux gestes qui sauvent devront prendre en compte ces risques. À ce titre, le ministère s'assurera que les stocks stratégiques de pastilles d'iode sont bien au niveau nécessaire et avec un maillage territorial suffisant pour couvrir les besoins de la population en cas de catastrophe nucléaire ou radiologique.
M. Thomas Dossus. - Dans le rapport annexé, le Gouvernement professe qu'il veut développer la culture du risque, via des formations et des sensibilisations de la population aux risques industriels et aux conséquences du changement climatique. Mais la résilience peut être améliorée en tenant compte du risque nucléaire et radiologique : qu'ils soient militaires ou civils, ces risques sont spécifiques. Notre pays dispose de 56 réacteurs. Nous avons perdu une partie de notre savoir-faire en matière d'entretien des centrales, mais nous devons bien prévoir ces risques. Les seuils d'intervention sont aujourd'hui fixés à 20 kilomètres. Il est temps de revoir ces périmètres et de nous assurer que nous disposons de pastilles d'iode en quantité suffisante.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Que le rapport souligne le fait que le ministre de l'intérieur prévoie une sensibilisation de la population, d'accord, et il le fait déjà ; mais aller dans le détail des stocks d'iode, cela concerne plutôt une loi de protection de l'environnement. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°149 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°125 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 320
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Dans cet objectif, il conviendra, à la lumière du retour d'expérience des événements climatiques extrêmes de l'année 2022, d'encourager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours là où le risque a évolué, et de créer des centres de première intervention dotés d'une réponse de proximité spécifique dans les massifs exposés au risque de feux de forêts et d'espaces naturels.
De même, s'agissant d'un service public essentiel, l'inscription dans la loi de la subordination de toute fermeture de centre d'incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège sera envisagée.
M. Patrick Kanner. - Merci à la commission pour son avis favorable à cet amendement sur la consolidation du maillage territorial des Sdis.
Nous comptons aujourd'hui 6 154 centres de secours, c'est 2 144 de moins qu'il y a vingt ans, à cause de la départementalisation. Or ils doivent faire face à la multiplication des incendies et des secours aux personnes.
Il faut envisager la réouverture de centres fermés et soumettre toute nouvelle fermeture à l'avis préalable du maire.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis favorable, car notre doctrine est que le maire soit consulté sur la fermeture d'établissements dans sa commune. C'est aux Sdis d'ouvrir les centres de secours, néanmoins.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse. Dans le cadre de la décentralisation, l'État n'a pas à intervenir sur ce type de question.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Il peut encourager...
M. Patrick Kanner. - Ce n'est qu'un rapport.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Oui, mais ce rapport pourrait provoquer des bisbilles avec les collectivités territoriales.
L'amendement n°125 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°93, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le pacte capacitaire doit également être déployé pour des investissements de renouvellement et pour des frais de fonctionnement.
M. Guy Benarroche. - Le pacte capacitaire doit pouvoir financer non seulement l'achat, mais aussi le renouvellement et le fonctionnement des véhicules.
M. le président. - Amendement n°92, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La construction d'un pacte capacitaire national en mesure de répondre aux situations de crises doit conduire à poursuivre l'ambition d'atteindre un parc de 10 000 véhicules camions-citernes feux de forêts (CCFF) répartis sur l'ensemble du territoire, dans les dix ans à venir.
M. Guy Benarroche. - Le cofinancement par l'État du pacte capacitaire est sous-évalué au regard des besoins des Sdis. Il faut intensifier la trajectoire pluriannuelle de la sécurité civile : nous proposons 10 000 camions-citernes dans les dix années à venir, au lieu de 3 700.
M. le président. - Amendement n°110, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 322
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans l'objectif d'alléger la charge financière pour les services d'incendie et de secours, le Gouvernement harmonisera les allègements de taxes dont bénéficient seulement à ce jour quelques types de véhicules.
M. Guy Benarroche. - La taxation des véhicules lourds est différente selon la destination des véhicules : exonérons-les tous.
M. le président. - Amendement n°91, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 322
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
Est créée dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction de la protection de la forêt chargée de mettre en oeuvre la politique de l'État en matière de prévention des incendies.
Chaque département se dote d'un Plan départemental de Protection de la forêt contre l'incendie, dans l'objectif d'organiser des aménagements de défense de la forêt contre l'incendie nationalement normalisés et de simplifier les démarches administratives d'aménagement.
Le Gouvernement s'engage enfin à relancer et accroître significativement le fonds d'aide à l'investissement en matière de lutte contre les feux de forêt et d'espaces naturels.
M. Guy Benarroche. - D'ici 2050, 50 % des forêts et landes métropolitaines seront à risque élevé d'incendie et les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 %. La prévention est cruciale, notamment à l'échelle locale. Nous demandons une réponse budgétaire forte du Gouvernement sur les besoins capacitaires des Sdis.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement n°93 est superfétatoire. Avis défavorable.
Pourquoi 10 000, à l'amendement n°92 ? Avis défavorable.
La taxation des véhicules, mentionnée à l'amendement n°110, est intéressante, mais n'a pas sa place dans un tel projet de loi.
L'amendement n°91 alourdit la gouvernance au lieu de la simplifier. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Mêmes avis.
Les collectivités territoriales manqueraient de financements pour les Sdis, dites-vous. Mais l'État assume déjà un quart du financement des Sdis. Sachez également que la taxe sur les conventions d'assurance n'est pas intégralement reversée par les départements aux Sdis et qu'elle ne suffirait d'ailleurs probablement pas à couvrir les besoins capacitaires des Sdis.
Je ne suis pas certain que l'on puisse fixer un nombre de camions nécessaires à l'avance, sans bien connaître les effets du réchauffement climatique.
La direction des forêts dépend du ministère de la transition écologique, qui gère les forêts. La sécurité civile dépend du ministère de l'intérieur.
Vous demandez un allègement du malus écologique qui pèse sur des véhicules polluants. Paradoxal venant d'un sénateur écologiste...
M. Guy Benarroche. - Vous dites qu'on ne sait pas ce qui va se passer avec le changement climatique. On disait cela il y a vingt ou trente ans, alors qu'il y avait déjà des prévisions, qui se sont confirmées depuis ! Lisez donc les rapports qui prédisent l'avenir.
Pourquoi l'amendement n°93 serait-il superfétatoire ?
M. Marc Laménie. - Ces amendements sur l'équipement des Sdis sont intéressants. Pour faire face à des feux de forêt dramatiques, ils ont besoin de moyens humains mais aussi techniques. Leur fonctionnement, tout comme leur capacité d'investissement, varie d'un département à l'autre. Ils sont placés sous la double autorité du préfet et du président du conseil départemental et sont principalement financés par les collectivités territoriales.
Néanmoins, je me rallierai à la position du rapporteur.
L'amendement n°93 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos92, 110 et 91.
M. le président. - Amendement n°89, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 326
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En dehors de ces évènements particuliers, ces nouvelles unités ne pourront pas être déployées pour d'autres opérations de maintien de l'ordre, notamment pour l'encadrement de manifestations.
M. Guy Benarroche. - Le rapport annexé prévoit la création de onze nouvelles unités de forces mobiles (UFM) en vue des prochains grands événements sportifs, dont la Coupe du monde de rugby de 2023 et les jeux Olympiques de 2024.
Toutefois, on ne perçoit aucune volonté ministérielle de changer la doctrine de maintien de l'ordre, dont mon collègue Dossus et moi-même avons eu un aperçu lors de la mission parlementaire sur les événements du Stade de France.
Nous nous interrogeons sur l'objectif de ces nouvelles UFM, qu'il va falloir former et entraîner. Que deviendront-elles après ces événements ? Seront-elles déployées sur des manifestations ou des mouvements sociaux ? Nous souhaitons des précisions du ministre, car nous ne souhaitons pas que ces UFM soient déployées hors du cadre des grands événements sportifs.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le ministre a obtenu de haute lutte le financement de onze UFM supplémentaires. Et vous voudriez ne les utiliser que pour la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques ? Drôle de gestion des ressources humaines... Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°89 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°94, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 335 à 358
Supprimer ces alinéas.
M. Guillaume Gontard. - La politique migratoire et la politique d'asile ne doivent plus relever du ministère de l'intérieur, qui les aborde sous le seul prisme sécuritaire, mais d'un ministère spécifique. L'intégration met en jeu des politiques sociales, de santé, d'emploi, de logement, etc. Il faut cesser de considérer la migration comme un problème à régler et passer à une logique d'accompagnement.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 335
Compléter cet alinéa par les mots :
grâce à une politique d'accueil digne, intégrée à l'échelon communautaire
II. - Alinéa 336
Remplacer les mots :
des moyens innovants de contrôle et de surveillance
par les mots :
du rétablissement plein et entier de l'Espace Schengen et d'une solidarité européenne renforcée en matière d'accueil
M. Guillaume Gontard. - La militarisation aux frontières s'intensifie. L'asile est criminalisé et l'immigration pointée comme un problème de sécurité nationale. Mais cette politique est vaine, coûteuse, inefficace et dangereuse.
Il faut une politique européenne passant par le rétablissement de l'espace Schengen et une refonte totale de la politique d'accueil des personnes exilées et réfugiées.
M. le président. - Amendement n°96, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 337 et 338
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
?uvrer à la transformation de Frontex
La France soutiendra une refonte de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. Au lieu de participer à des refoulements aux frontières contraires au droit international de l'asile, d'opérer dans des pays tiers et de rapatrier des personnes migrantes en situation irrégulière, ses activités devront être recentrées sur le sauvetage en mer et les opérations humanitaires. Elles doivent être contrôlées par le Parlement européen, en particulier dans le domaine du respect des droits humains, du droit international et de son devoir de vigilance et d'alerte concernant les refoulements illégaux de migrants.
La France plaidera donc pour le renforcement des actions humanitaires de recherche et d'assistance de Frontex en mer et le soutien des bateaux civils et d'ONG, conformément au droit maritime international.
La France portera les recommandations du groupe de contrôle de Frontex dans son rapport rendu le 21 juillet 2021 et notamment :
- la nomination de 40 officiers de protection des droits fondamentaux et la mise en place d'un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux ;
- la création d'un mécanisme efficace de signalement des incidents graves pour la surveillance des droits fondamentaux.
M. Guillaume Gontard. - L'agence Frontex est la plus importante des agences européennes, avec un budget de 544 millions d'euros, et elle se développe de façon exponentielle : son budget devrait approcher le milliard d'euros en 2027...
Mais elle fait l'objet de nombreuses attaques d'ONG, étayées par un rapport - jamais intégralement publié - de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) : violations des droits fondamentaux, loyauté défaillante, mauvaise gestion du personnel... Son directeur, M. Leggeri, a été contraint à la démission.
Les accusations de mauvais traitements remontent à plusieurs années. Diverses pratiques telles que le refoulement de mineurs non accompagnés ont été révélées. La militarisation de nos frontières a tué plus de 44 000 personnes depuis 1993 : c'est une politique qui tue.
Non à l'intégration des gardes-frontières de Frontex à la gestion des frontières de la France !
M. le président. - Amendement n°97, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 339 à 346
Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :
Les policiers aux frontières seront dotés de moyens humains et matériels supplémentaires pour que les personnes étrangères arrivant aux frontières terrestres :
- puissent exercer leurs droits et ne fassent pas l'objet de procédures illégales ou de détournements de procédure ;
- soient correctement informées de leur situation, de la procédure applicable et de leurs droits, notamment en ce qui concerne le droit de demander l'asile ;
- puissent bénéficier de l'assistance d'un interprète professionnel et d'une assistance juridique effective à tout moment et dès le début de la procédure (grâce à la mise en place par l'État d'une permanence gratuite d'avocats) et la présence d'un administrateur ad hoc pour les mineurs isolés étrangers ;
- soient traitées dignement et ne fassent plus l'objet de pratiques arbitraires ni de violences ;
- ne soient plus privées de liberté pour des raisons liées au contrôle migratoire.
L'administration sera dotée de moyens humains et matériels supplémentaires pour :
- organiser le sauvetage des personnes en danger notamment en haute montagne et la prise en charge des personnes blessées et/ou malades ;
- étudier individuellement la situation de chaque personne se présentant aux frontières et le cas échéant, justifier en fait et en droit les refus d'entrée et les éventuelles mesures privatives de liberté prises à son encontre ;
- enregistrer les demandes d'asile des personnes exilées et former au respect de la procédure d'asile telle que définie par la loi ainsi que le principe de non-refoulement des demandeurs d'asile, valable y compris aux frontières internes ;
- prendre en charge les mineurs isolés étrangers sur le territoire ;
- permettre à la société civile et aux associations d'exercer réellement leur droit de regard dans les lieux privatifs de liberté conformément au droit européen.
M. Guillaume Gontard. - Le durcissement des politiques française et européenne de lutte contre le prétendu afflux de personnes irrégulières met en danger les personnes en exil.
L'administration française viole les droits humains et les conventions internationales. Elle a été plusieurs fois condamnée pour cela. Les personnes exilées sont traquées !
Il faut revivifier la fraternité et garantir le respect des droits humains fondamentaux.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 347 à 352
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Réouvertures des frontières au sein de l'espace Schengen
En 2023, la France mettra fin aux contrôles aux frontières intérieures du pays, rétablissant ainsi le fonctionnement normal de l'espace Schengen.
M. Guillaume Gontard. - Le fichage est devenu l'outil sans limites du contrôle aux frontières pour éloigner et exclure. Il est de plus en plus utilisé pour entraver le déplacement des militants à l'intérieur de l'Union européenne. Il existe à ce jour plus d'une trentaine de fichiers.
L'interconnexion de ces fichiers, leurs failles et les abus dans leur utilisation nous interrogent, alors que la justification est toujours de protéger les citoyens du terrorisme.
Cet amendement supprime ces nouveaux fichiers et rouvre les frontières françaises au sein de l'espace Schengen.
M. le président. - Amendement n°99, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 353 à 356
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
Coopération européenne renforcée en matière d'asile et d'immigration
La France ambitionne de cesser l'externalisation de la gestion des frontières extérieures de l'Union. Elle plaidera pour mettre un terme aux accords migratoires de sous-traitance avec des pays comme la Turquie et la Libye, maltraitant les personnes réfugiées.
Elle demandera l'abrogation du règlement dit Dublin III et, avec, la logique délétère de tri aux frontières de l'Union. Elle organisera un mécanisme de relocalisation des demandes d'asile entre États-membres en tenant compte des liens effectifs (liens familiaux élargis et linguistiques) et des aspirations des demandeurs et demandeuses d'asile.
Elle renégociera l'accord migratoire avec le Royaume-Uni.
M. Guillaume Gontard. - La sous-traitance est une forme d'externalisation de la politique d'immigration et d'asile. Elle se traduit par des accords en contrepartie desquels les pays concernés reçoivent une assistance financière. Elle permet aux États membres d'échapper à leurs obligations internationales, avec un risque d'atteinte aux droits fondamentaux, notamment le droit d'asile. J'ajoute que le mécanisme de Dublin est inefficace et fait peser sur les États du sud de l'Europe la quasi-intégralité de l'effort en matière migratoire.
La France doit promouvoir une politique d'accueil bien plus intégrée et solidaire, avec un régime commun de l'asile européen.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les questions relatives aux gardes-frontières, aux matériels innovants, aux nouvelles technologies ont toute leur place dans cette loi d'orientation et de programmation. Mais pourquoi tous ces amendements du GEST ? Est-ce un training en vue de la prochaine loi sur l'immigration ? Ils sont totalement hors sujet. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable à tous ces amendements. Je suis choqué par les mots utilisés : la police française ne traque pas les migrants, mais protège les personnes. Manifestement, vous n'aimez pas la police !
M. Guillaume Gontard. - Le lien avec la police aux frontières est évident. Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord avec la politique migratoire de la France, qui va à l'encontre de la sécurité dans notre pays. Nous voulons une politique centrée autour de l'accueil, en lien avec les autres pays européens. Ce sujet a toute sa place dans notre débat d'aujourd'hui.
Je ne dis pas que la police traque...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous l'avez dit !
M. Guillaume Gontard. - Je ne mets pas en cause les agents, mais votre politique qui les met dans des situations complexes. Arrêtez avec vos qualificatifs : « dangereux », « haineux »... (Le ton monte.)
Il n'y a pas d'un côté ceux qui aiment la police, de l'autre ceux qui ne l'aiment pas. (Brouhaha à droite) Nous sommes dans une logique républicaine, exigeante avec sa police.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je vous ai bien entendu dire que les policiers traquent les migrants. Visiblement, vous revenez sur vos propos : nous pourrons donc avoir une discussion républicaine.
M. André Reichardt. - Je suis hostile à ces amendements, mais pour des raisons techniques. Avec M. Leconte, je suis rapporteur au sein de la commission des affaires européennes sur le pacte asile-immigration, qui va être entièrement refondu. La PFUE a permis quelques progrès, mais du chemin reste à faire. Annoncer, au détour de quelques amendements, que la France se désolidarise de ces travaux serait de mauvais aloi.
L'amendement n°94 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos95, 96, 97, 98 et 99.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 360
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette démarche intégrera les formations relatives à la déontologie et à l'éthique, ainsi qu'à la remise en question de ses préjugés personnels à partir de cas pratiques permettant de raisonner sur la déontologie « en actes ».
M. Jérôme Durain. - Cet amendement puise dans les réflexions du Beauvau de la sécurité et de notre groupe sur les relations entre police et population. Le Beauvau a prôné l'individualisation de la formation et la consolidation du socle de priorités et de valeurs communes.
Dans cet esprit, il conviendrait également d'engager, dans le cadre de la formation, une réflexion générale sur les attitudes et les savoir-faire. Cette proposition est inspirée d'un rapport récent de Terra Nova.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Je comprends vos préoccupations. Au reste, le rapport prévoit déjà des formations en matière de déontologie et de relations entre police et population : votre demande est donc partiellement satisfaite. Dans l'attente des conclusions de la mission Carrère-Di Folco, avis défavorable à l'amendement et aux autres similaires.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°49 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°128, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Alinéa 364, deuxième phrase
1° Après le mot :
formation
insérer les mots :
qui comprendra des enseignements en sciences humaines et sociales et communication
2° Compléter cette phrase par les mots :
, éthique, fonctionnement de la justice, qui seront abordés en encourageant réflexion et sens critique
M. Guy Benarroche. - Le rapport allonge de 8 à 12 mois la formation initiale des forces de l'ordre, avec un accent mis sur la déontologie et les relations police-population. Nous approuvons ces efforts, que nous souhaitons accentuer. Certes, un rapport sur le sujet va arriver, mais nous travaillons ici sur le rapport annexé.
Le GEST estime que le malaise au sein de la police et les violences qui en découlent pourraient être évités par des formations portant sur les techniques de communication, de médiation et de gestion du stress, sur le fonctionnement de la justice - par exemple pour mieux connaître les alternatives à la détention - ou encore sur l'éthique. Appliquées dans de nombreux métiers, elles sont encore plus pertinentes pour la police.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°128 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Élargir le contenu des formations au-delà des seuls aspects métiers pour intégrer la sensibilisation aux enjeux sociaux et sociétaux auxquels les policiers et gendarmes sont directement ou indirectement confrontés dans l'exercice de leurs missions : formations à la gestion des tensions, à la réflexivité sur ses propres préjugés, aux relations entre police et confiance. Ces formations pourraient s'appuyer sur l'état des connaissances disponibles en sciences sociales, elles reposeraient d'abord et avant tout sur des mises en situation et des debriefings collectifs pour favoriser l'auto-évaluation et la réflexivité des agents. Les inspections seront chargées de rendre annuellement des données statistiques relatives aux actions de formation conduites au sein de la police et de la gendarmerie et sur une base régulière (tous les deux ou trois ans) et d'élaborer une analyse qualitative de ces actions.
M. Jérôme Durain. - Il faut étendre la réflexion aux inspections.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°48 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°81, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour garantir l'aptitude des agents, la formation, les entraînements au tir et aux pratiques professionnelles en intervention, prévus chaque année, sont systématiquement maintenues.
M. Guy Benarroche. - En février 2021, la CNCDH soulignait que les entraînements obligatoires au tir n'étaient pas toujours respectés. Je ne reviendrai pas sur les drames récents, pour les policiers comme pour les victimes, provoqués par des refus d'obtempérer, mais ils sont la preuve d'un usage quelque peu décomplexé des armes, ainsi que d'une formation et d'un encadrement insuffisants.
La formation continue doit être sanctuarisée, pour protéger les policiers. Tous les policiers armés sont en droit d'utiliser leur arme dans certaines circonstances, mais il est impératif, à la lumière de ces affaires récentes, d'opérer un contrôle strict et régulier sur les formations d'entraînement au tir. C'est d'ailleurs une revendication de la CGT Police. Nombre de policiers considèrent les trois entraînements annuels comme insuffisants.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°81 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°87 rectifié, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les formations continues peuvent être dispensées par différents experts indépendants du ministère de l'intérieur : avocats, magistrats, sociologues, associations, ainsi que professeurs des universités.
M. Guy Benarroche. - La formation continue ne doit pas être dispensée uniquement par des experts du ministère. Le Gouvernement dit vouloir se rapprocher du monde de la recherche, et nous sommes pour. Le conseil scientifique du Président de la République ne comprenait pas que des professionnels médicaux, car une vision transverse est toujours bénéfique.
D'où cet amendement, qui ouvre les formations à des magistrats, des sociologues et d'autres spécialistes, afin de sensibiliser les policiers à la délinquance des mineurs, aux conditions économiques et sociales dans les quartiers, aux droits humains, à la criminologie, etc.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°87 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°151, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 377
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette mutualisation ne saurait se faire ni au détriment des besoins spécifiques des unités en fonction de leur finalité opérationnelle, ni au détriment du volume horaire de ces formations.
M. Thomas Dossus. - Le rapport annexé prévoit une mutualisation des services de formation, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment des besoins spécifiques de certaines unités : il serait incompréhensible que les formations au tir de la Bac aient la même durée que celles du personnel administratif, sauf alignement à la hausse, ce qui ne semble pas être le cas... Mutualisation ne doit pas signifier nivellement par le bas.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Pour une fois, avis favorable, car la précision semble utile.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable, mais sans grand espoir d'être entendu...
L'amendement n°151 est adopté.
M. le président. - Amendement n°152, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces nouveaux stands de tir permettront d'augmenter progressivement le volume horaires des séances de tir annuelles, avec un objectif de doublement du nombre de tirs effectués par les policiers. Les modules de formation au tir devront inclure l'ensemble des armements à la disposition de chaque unité (pistolets, fusils d'assauts, grenades) en accord avec leur utilisation sur le terrain. Ces exercices devront comprendre impérativement des mises en situation, mobilisant à la fois les capacités de tir des agents, mais également leur maîtrise du contexte et de l'environnement légal dans lesquels ceux-ci peuvent être effectués. L'accent sera mis particulièrement sur les situations de légitime défense.
M. Thomas Dossus. - Nous saluons la création de nouveaux stands de tir, mais les agents jugent insuffisantes, voire dérisoires, les trois séances de formation annuelles. Le tir est une discipline exigeante. Il convient de refondre le contenu des entraînements, qui doivent notamment envisager l'ensemble des situations rencontrées sur le terrain.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement et à tous ceux qui suivent, qui portent sur le contenu des formations.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°152 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°153, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces nouveaux stands de tir seront ouverts aux policiers municipaux, avec l'objectif d'augmenter progressivement le volume horaire de leurs séances de tir annuelles pour atteindre celui des policiers nationaux. Ces exercices devront comprendre impérativement des mises en situation, mobilisant à la fois les capacités de tir des agents, mais également leur maîtrise du contexte et de l'environnement légal dans lesquels ceux-ci peuvent être effectués. L'accent sera mis particulièrement sur les situations de légitime défense.
M. Thomas Dossus. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°153 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°154, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En complément de cette instruction au tir renforcée, sera également dispensée, tout au long de la carrière, un enseignement pratique aux techniques d'intervention opérationnelles rapprochées (TIOR), afin que l'utilisation de moyens létaux par les agents reste toujours un moyen de dernier recours. Cette formation devra mettre particulièrement l'accent sur le nécessaire évitement des techniques de combat et d'immobilisation touchant les organes vitaux et les voies respiratoires.
M. Thomas Dossus. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°154 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°85, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 403
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les policiers et gendarmes occupant un poste de management et de commandement seront systématiquement et régulièrement formés aux questions de mal-être au travail et à la prévention des risques psycho-sociaux, afin d'être en mesure de prendre soin de la santé mentale, physique et sociale des personnels placés sous leur commandement, et d'améliorer leur quotidien au travail. Ces formations feront intervenir différents experts extérieurs au ministère de l'intérieur : sociologues, psychologues, médecins, associations.
M. Guy Benarroche. - La dégradation du moral et le mal-être des forces de l'ordre font partie des premiers constats de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure de 2018, avec un taux de suicide supérieur de 36 % à celui de la population globale. Le GEST en est très préoccupé, et cela doit être une priorité. Cela ne se fera pas sans le concours actif du management et du commandement.
Le rapport du Sénat pointe d'ailleurs un management trop éloigné du terrain et manquant d'écoute et des dispositifs inefficaces de lutte contre les risques psychosociaux. Ce constat est frappé au coin du bon sens, qui est la marque de notre maison.
Il faut une meilleure formation du personnel d'encadrement. Le Sénat ayant rendu ses travaux, peut-être pourrions-nous avoir un avis favorable ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Toujours non...
M. Gérald Darmanin, ministre. - La question est importante. Le taux de suicide dans nos forces de l'ordre, trop élevé, doit cependant être comparé à ce qu'il est dans des corps comparables d'autres pays. Certes, la hiérarchie - jusqu'au ministre - est responsable et la formation peut améliorer les choses, mais le travail très particulier des policiers et gendarmes peut aussi les pousser à ces extrémités dramatiques.
Je ne partage cependant pas totalement votre explication : ce qui manque, ce sont surtout des psychologues. C'est pourquoi nous allons en recruter une quarantaine dans la gendarmerie et autant dans la police nationale l'an prochain. Votre amendement est donc en partie satisfait.
M. Guy Benarroche. - Nous saluons la création de ces postes de psychologues. C'est pourquoi notre amendement n°86 facilite l'accès des forces de l'ordre à des psychologues, même indépendants.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°85 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°86, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 404
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout policier et tout gendarme doit pouvoir obtenir un entretien avec un psychologue, y compris indépendant, dans un délai raisonnable.
M. Guy Benarroche. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°86 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bascher. - Les brigades équines de la gendarmerie ont des besoins importants, notamment en matériel. Je voterai cet article premier.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous nous reprochez d'oublier les brigades équines. Que n'hennit ! (Sourires) Nous commençons à recréer des brigades équines, notamment à Deauville. Si vous nous proposez des brigades entièrement équines dans l'Oise, nous serons à l'écoute...
L'article premier, modifié, est adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
APRÈS L'ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°120, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés des dispositions de nature législative, règlementaire ainsi que les mesures de nature budgétaire et d'organisation prises par le Gouvernement de 2023 à 2027 pour atteindre les objectifs poursuivis par la présente loi et qui sont détaillés dans le rapport annexé mentionné à l'article 1er. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces dispositions et mesures.
M. Jérôme Durain. - Cet amendement quelque peu candide sollicite du ministre une information du Parlement sur la mise en oeuvre des priorités du rapport annexé. Celui-ci n'a pas de valeur normative ; c'est une sorte de mode d'emploi de la Lopmi.
Il ne serait pas inutile d'avoir communication, année après année, sur 2023-2027, de l'état d'avancement des projets. Vous me répondrez annualité budgétaire et loi de finances... mais nous voulons bien payer pour voir.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le mot de rapport n'a pas été prononcé, mais le Parlement, par définition, est informé de tous les textes législatifs et réglementaires. En outre, il évalue et contrôle l'action du Gouvernement : c'est le rôle de nos rapporteurs. Avis défavorable sur le principe.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
M. Jean-Pierre Sueur. - Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous connaissons bien la vie du Parlement, et en particulier celle des lois de programmation... Elles sont belles lorsqu'on les vote, et puis elles se perdent dans les brumes de l'oubli.
D'où l'importance de cet amendement, qui prévoit que chaque année, nous sachions où nous en sommes en matière d'effectifs, de moyens et de crédits. C'est une garantie. J'ai donc été très sensible à l'avis de sagesse donné par le ministre. C'est que vous tenez à ce que vous-même et vos éventuels successeurs soyez engagés par cette programmation. Gageons que M. Daubresse y sera sensible.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - M. Daubresse n'est pas d'accord. Je comprends l'avis de sagesse du ministre : j'aurais le même avis à sa place, car l'exécutif ne se mêle pas de l'organisation du pouvoir législatif. J'ai aussi été ministre chargé d'une loi de programmation,...
M. Jérôme Bascher. - Du temps où ça marchait ! (Sourires)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - ... et ce n'était pas à moi d'informer le Parlement ! Le Parlement nomme des rapporteurs ; c'est à eux de demander des informations aux ministres. Cinq années durant, les rapporteurs de l'Assemblée nationale ont ainsi demandé - et obtenu - toutes les informations qu'ils désiraient sur la loi Borloo. Ne votons pas cet amendement, c'est une question de principe.
L'amendement n°120 n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. Marc Laménie . - En 2022, le ministre de l'intérieur dispose de 20,78 milliards d'euros et il disposera de 25,29 milliards d'euros en 2027, soit une hausse cumulée de 5 milliards d'euros sur cinq ans.
La mission Sécurité est particulièrement concernée : 12 milliards d'euros pour la police nationale et 10 milliards d'euros pour la gendarmerie nationale en 2022. Il reviendra aux lois de finances de confirmer ces engagements.
La commission des lois évoque un contexte de crise et d'incertitude dans ses travaux, avec une certaine prudence.
N'oublions pas l'administration des douanes : la commission des finances a donné ce matin un avis favorable au rapport Montgolfier-Nougein.
Mme Nathalie Delattre . - N'ayant pu déposer un amendement à cet article, je prends la parole pour signaler le rôle central des CRS dans notre doctrine du maintien de l'ordre, particulièrement les CRS-MNS (maîtres-nageurs sauveteurs).
La métropole de Bordeaux n'a pas de compagnie de CRS à demeure : monsieur le ministre, vous y avez affecté des moyens supplémentaires à la police nationale, mais Bordeaux a besoin de cette compagnie. La demi-unité déployée depuis octobre 2021 constitue un premier pas dont je vous remercie, mais elle reste très vulnérable en cas d'absences et de maladies.
Nous voulons bien créer une nouvelle compagnie, et non opérer un transfert d'un autre territoire.
M. Guy Benarroche . - Nous voterons cette hausse budgétaire du ministère de l'intérieur, nécessaire, qu'elle soit mise au service de votre plan ou d'une autre politique qui aurait notre préférence.
Les prochains textes seront l'occasion de veiller à l'usage de cet argent, à bon escient et avec parcimonie, comme nous le disons à Marseille...
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. Jérôme Bascher . - Il est important de donner des moyens non seulement à la police et à la gendarmerie, mais également au Parquet, qui fait souvent face à des affaires internationales particulièrement complexes. Nous avons la chance d'avoir en France une filière d'ingénieurs compétents dans ce domaine.
Faisons évoluer le droit de la cybercriminalité en France. Je salue le travail remarquable du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (COMCyberGEND), que j'ai eu l'honneur de visiter, et de son réseau de gendarmes sur les territoires. La criminalité cyber est une vraie plaie, récemment vécue par le département de la Seine-Maritime.
M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve des droits de propriété et du principe de proportionnalité
M. Guy Benarroche. - La saisie d'actifs numériques soulève la question des droits de propriété et de la proportionnalité : la loi ne saurait les ignorer. Nous proposons de consacrer la jurisprudence attachée à ces notions.
M. le président. - Amendement identique n°165 rectifié, présenté par MM. Favreau, Cuypers, D. Laurent, Houpert, Gremillet, Laménie et J.B. Blanc, Mme Dumont, MM. Belin et Savary, Mme Goy-Chavent, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot.
M. Gilbert Favreau. - Je demande également la modification du texte pour préserver le droit de propriété et le principe de proportionnalité. Sans être un expert des cryptomonnaies, je ne puis que constater que la saisie d'actifs numériques est source de difficultés. La précision que je propose assurera donc l'effectivité de la saisie.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Une saisie, par définition, est soumise au droit de propriété et au principe de proportionnalité. Ces amendements sont superfétatoires. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - De quoi parlons-nous ? Il s'agit de saisir l'argent numérique versé à l'issue d'une cyberattaque comme nous saisirions des liquidités qui seraient le produit d'un crime ou d'un délit dans le monde réel.
Jusqu'ici, le législateur a accordé les mêmes moyens dans les cyberenquêtes et dans le monde réel, mais n'a pas pensé à autoriser la saisie de cyberactifs, dont la part est pourtant croissante dans la masse monétaire. Cet article est donc très important.
MM. Benarroche et Favreau ne s'y opposent pas, mais sont vigilants sur le droit de la propriété et sur le principe de proportionnalité. Cependant, dans le cadre du code de procédure pénale, la proportionnalité et la propriété sont partie intégrante de toute saisie.
En outre, il est souhaitable de conserver un parallèle entre les normes qui s'appliquent au monde cyber et ce qui se fait dans le monde réel. C'est en touchant au nerf de la guerre - l'argent sale - que nous touchons le plus les criminels et les délinquants. Vos amendements retireraient de l'efficacité à notre action. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos60 et 165 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme Nathalie Goulet. - L'article 3 couvre les saisies d'actifs numériques hébergés par un établissement prestataire de services sur actifs numériques (PSAN). Mais les criminels qui les conservent sur des wallets qui n'y sont pas rattachés pourront les garder à l'abri de toute procédure. La mesure que vous proposez est intéressante, mais elle ne suffira pas.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°5 rectifié ter, présenté par M. Bonhomme, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Chaize et Chatillon, Mmes Drexler et Dumont, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, MM. Genet, Gremillet et Laménie, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Pellevat et Rapin et Mme Ventalon.
Supprimer cet article.
M. François Bonhomme. - L'extension de la cybercriminalité constitue un enjeu majeur. Le ransomware, logiciel malveillant capable de bloquer les données de ses cibles, est une des menaces les plus importantes, son utilisation étant couplée à une demande de rançon. Une entreprise sur cinq en aurait souffert, alors que la gendarmerie nationale a engagé 101 000 procédures en 2021, soit une hausse de 21 %.
Le Club des experts de la sécurité de l'information et du numérique (Cesin) s'oppose à l'indemnisation assurantielle des cyberactions. Ses membres estiment que cela encouragera le cybercrime, voire la récidive, ainsi que la propagation d'intermédiaires douteux, voire des pressions des assureurs si la rançon est moins élevée que les frais de remédiation.
L'Anssi et les ministères compétents encouragent à ne jamais verser de rançons, alors que la France est un des pays les plus attaqués. Nous proposons donc de supprimer cet article.
M. le président. - Amendement identique n°61, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. - Le mécanisme proposé risque d'être contre-productif. Le fait d'être assuré risque d'inciter l'établissement attaqué à payer la rançon, et donc d'inciter les pirates à poursuivre leur activité.
En outre, le délai laissé aux victimes, 48 heures, est trop court. Une fois échu, c'est la double peine pour les entreprises qui auront subi l'attaque et ne pourront être remboursées par l'assurance qu'elles paient.
M. le président. - Amendement identique n°112 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, de Belenet, Chauvet et Delahaye, Mmes Férat et Loisier, M. Moga et Mmes Saint-Pé, Sollogoub et Vermeillet.
M. Olivier Cadic. - Cet article est en rupture avec la doctrine de l'Anssi selon laquelle la France ne paie pas de rançon. Nos compatriotes à l'étranger seront particulièrement mis en danger alors que la France risque de financer le crime organisé et le terrorisme.
L'article encourage les attaquants en garantissant le paiement des rançons par une procédure d'accompagnement. Les attaques préféreront cibler les entités françaises et les entreprises seront déresponsabilisées.
M. le président. - Amendement identique n°115, présenté par Mme N. Goulet.
Mme Nathalie Goulet. - Je vous recommande la lecture de mon livre sur le terrorisme - je peux d'ailleurs vous le dédicacer pour votre anniversaire, monsieur le ministre. (Sourires) J'y évoque le problème de l'assurance, qu'on retrouve aussi pour les enlèvements. La couverture assurantielle de ce type de risque rend les cibles potentielles moins attentives et moins responsables.
La doctrine américaine est de ne pas assurer ces risques, car les assureurs pourraient se rendre complices d'actes de terrorisme ou criminels.
L'amendement n°126 n'est pas défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Ces amendements reposent sur un contresens : aucune disposition n'interdit, actuellement, de s'assurer contre le risque de paiement d'une rançon. C'est bien parce que cette couverture est déjà possible que le ministre souhaite éviter que des entreprises paient des rançons sans qu'on le sache et s'abstiennent de déposer une plainte qui donnerait le moyen de lutter contre ce fléau.
Cet article instaure une contrainte supplémentaire. Ainsi, avec cet article, les victimes ne pourraient se faire rembourser la rançon par l'assurance qu'après l'avoir signalé par une plainte à l'autorité judiciaire. Chère Nathalie Goulet, rapporteur naguère d'une loi sur le terrorisme, je m'intéresse aussi aux circuits occultes de son financement. Si la victime se résout à payer la rançon, les autorités doivent être informées, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Les assureurs vérifient en outre que leurs clients se protègent correctement : cela peut contribuer à la diffusion des bonnes pratiques recommandées par l'Anssi. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - En effet, des assurances payent déjà des rançons. Nous n'entendons pas supprimer l'assurance - ce que d'ailleurs vous auriez pu proposer par amendement -, mais faire en sorte que le paiement de rançon par l'assurance ne soit permis qu'à la condition d'un dépôt de plainte. Il y a bien un contresens dans la défense de vos amendements.
Dans le monde réel, des assurances contre l'extorsion et le chantage existent déjà. Les entreprises paient souvent des rançons - entre 25 et 30 % des victimes d'attaques l'auraient fait. Nous souhaitons que cela ne puisse se faire sans dépôt de plainte, pour lutter contre ce modèle économique.
Si l'article est adopté et qu'une rançon est payée sans nous informer, l'autorité des assurances pourra alors agir contre l'assurance fautive. Je crois qu'il serait préférable que vous retiriez vos amendements.
Une autre possibilité, plus conforme à votre argumentation, serait de demander l'interdiction de telles assurances...
M. François Bonhomme. - Effectivement, la suppression de cet article ne changerait rien à l'existence d'une couverture assurantielle. Cependant, l'Anssi et le Parquet sont clairs : il ne faut pas payer les rançons. Vous auriez donc pu interdire ces assurances, comme l'ont fait les États-Unis, qui ont vu le montant des rançons baisser. Je retire cependant mon amendement.
L'amendement n°5 rectifié ter est retiré.
M. Olivier Cadic. - J'ai voté l'article 3. Par cohérence, je maintiens mon amendement : conservons notre doctrine de non-paiement des rançons ! Les hôpitaux ou les collectivités attaqués devront-ils payer demain les rançons ? Cela semble rentrer dans les moeurs publiques en tout cas. Pour ma part, je continuerai à dire : ne payez jamais. Tout versement de rançon finance le terrorisme et incite les criminels à poursuivre leurs activités.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je me suis sans doute mal exprimé. Les assurances, en France et dans d'autres pays, sont-elles possibles pour le risque de cyberrançon ? Oui. Je ne comprends pas vos amendements : je partage votre avis et redis qu'il ne faut pas payer les rançons.
Mais je constate que ces assurances existent. Vous nous dites que nous aurions pu les interdire. C'est un débat, mais ce n'est pas la position du Gouvernement.
Dans le monde réel, l'assurance contre l'extorsion existe ; il faut être cohérent et conserver un parallélisme entre monde réel et monde cyber.
Nous ne prônons pas l'interdiction des assurances, car nous ne sommes pas les États-Unis, malheureusement, à cet égard. Nous ne devons pas non plus être dupes d'un argument commercial consistant à dire : ne vous assurez pas, achetez plutôt nos solutions de protection... Notre difficulté est que nous ne connaissons pas bien cette nouvelle menace ni les modus operandi de ces groupes. Nous devons mieux les connaître pour mieux les combattre. Un très grand nombre de personnes paie des rançons sans rien déclarer. Il faut y remédier.
Si nous interdisions ces assurances et qu'elles restaient autorisées en Europe, les établissements français s'assureraient à l'étranger et nous perdrions sur les deux tableaux : nous ne connaîtrions pas mieux nos adversaires et nos assurances perdraient le marché. En outre, je ne suis pas certain que le Conseil constitutionnel soit d'accord avec l'interdiction faite aux assurances de couvrir un risque.
Nous ne remettons pas en cause la doctrine selon laquelle il ne faut pas payer la rançon. Mais nous souhaitons un dépôt de plainte préalable pour mieux connaître et poursuivre les auteurs de ces crimes cyber. Nous découvrons un nouveau continent. La suppression de l'article est la plus mauvaise solution. Cet article n'est pas la solution à tous les problèmes, mais c'est la moins mauvaise des solutions.
M. Jérôme Durain. - Nous comprenons la position du ministre, ainsi que le tiraillement entre l'Anssi et Bercy. D'un côté, le directeur de l'agence déclare : « dès lors que l'on s'interroge sur le paiement d'une rançon, il est déjà trop tard ; il n'y a plus alors de bonnes solutions. Il ne faut pas se tromper de message et dissuader fortement le paiement des rançons qui va alimenter le crime organisé. Toute disposition, quand bien même elle semblerait de bon sens, qui pourrait laisser croire que le paiement d'une rançon est quelque chose d'anodin enverrait un terrible message. »
De l'autre côté, Bercy nous dit en substance : les assurances existent de toute façon, alors autant qu'elles soient en France !
Valider l'assurance par un dépôt de plainte revient à encourager le paiement des rançons.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Mais non !
M. Guy Benarroche. - M. Durain m'enlève les mots de la bouche.
L'amendement n°115 est retiré.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Aucun pays de l'OCDE n'a interdit les assurances ; la plupart prennent des mesures similaires à celles que nous proposons. Je comprends l'argumentation de M. Durain, mais si nous supprimons cet article, il y aura toujours ces rançons - mais nous continuerons à l'ignorer.
Les amendements identiques nos61 et 112 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. Cardon et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4
1° Remplacer le mot :
plainte
par le mot :
pré-plainte
2° Remplacer les mots :
au plus tard 48 heures après le paiement
par les mots :
dans les 24 heures suivant l'attaque et avant tout paiement
M. Rémi Cardon. - Merci à M. le ministre de placer ce sujet dans le débat. Nous proposons d'encourager l'information au plus vite des autorités compétentes en cas d'attaque. Heureusement, 90 % des attaques sont rapidement signalées, ce qui facilite la récupération des données ou la négociation avec les attaquants. Les heures sont comptées : il faut aller vite pour informer les autorités.
M. le président. - Amendement n°117, présenté par Mme N. Goulet.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
plus tard 48 heures après le paiement
par les mots :
moment de la demande de rançon et avant tout paiement
Mme Nathalie Goulet. - La déclaration doit être faite au moment de la demande de rançon ou au plus tard avant le paiement. Il n'est pas impossible, dans ces conditions, que la police identifie les malfaiteurs. C'est au moment du sinistre qu'on fait la déclaration d'assurance ; il faut qu'il en soit de même dans le cas des cyberattaques.
M. Guy Benarroche. - Les entreprises qui sont assurées veulent être remboursées, je l'entends. Le Gouvernement dit qu'il veut être mieux informé. Mais le fait d'inciter tout le monde à s'assurer pourrait aussi augmenter la criminalité. Cela risque de devenir kafkaïen : pour être remboursées, les entreprises devront être assurées et déclarer l'attaque dans les 24 heures ou même avant le paiement. Cela nous semble absurde. Nous rejetons l'article : mais, dans le cas où il serait voté, nous proposons d'allonger ce délai à 15 jours.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Donner un tel délai est incohérent. Il faut que les autorités soient rapidement prévenues pour éviter la rançon, comme en cas de prise d'otage. Avis défavorable à l'amendement de M. Benarroche.
Je demande l'avis du ministre sur les amendements de M. Cardon et de Mme Goulet - qui a cependant tort, à mon sens, de considérer que la demande de rançon constituerait le fait générateur... J'attends l'avis du ministre : faut-il 48 ou 24 heures ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Monsieur Benarroche, je ne comprends pas votre argument. Proposez-vous que l'on interdise les assurances contre les cambriolages et les vols de voiture, au motif que cela les encouragerait ? (M. Michel Savin s'amuse.) Cela ne correspond pas au monde réel...
D'aucuns diraient : plus il y a de gruyère, plus il y a de trous, donc moins il y a de gruyère... (Sourires)
En revanche, les amendements de M. Cardon et de Mme Goulet sont intéressants ; mais ils semblent faits pour ceux qui connaissent bien le risque cyber. Je connais une petite boulangerie, ayant trois salariés, qui a été victime d'une cyberattaque : mettez-vous à la place du boulanger qui n'a pas pu suivre les travaux législatifs, ni vérifier si le risque cyber figurait dans son contrat d'assurance. Il paie pour éviter la catastrophe et oublie de porter plainte immédiatement... Tout le monde n'est pas égal devant ce que vous proposez.
Je donne donc un avis favorable aux amendements nos46 et 117, mais il faudra trouver la bonne mesure entre la nécessité que la plainte soit déposée le plus vite possible et le fait que certaines TPE-PME ne sont pas équipées. Nous le retravaillerons donc au cours de la navette.
Mme Nathalie Goulet. - L'attaque est le fait générateur, monsieur le rapporteur : c'est ce qui déclenche le remboursement. Au cours de la navette, sur la base de l'amendement de M. Cardon, nous pourrions écrire que le dépôt de plainte doit avoir lieu, si possible, avant le paiement, et au plus tard à tel moment. Si l'amendement de M. Cardon est adopté, le mien n'a plus d'objet.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Plus on va vite, plus on a de chances de débusquer les auteurs. Nous verrons ce que propose l'Assemblée nationale. L'avis est donc favorable aux amendements nos46 et 117 et défavorable à l'amendement n°62.
L'amendement n°46 est adopté.
Les amendements nos117 et 62 n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Cardon et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 4
Après le mot :
victime
insérer les mots :
personne physique ou personne morale ayant recours aux services d'un prestataire labellisé en sécurité numérique
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Un décret détermine les qualités et caractéristiques spécifiques préalablement fixées dans un cahier des charges pour se prévaloir du label de sécurité numérique.
M. Rémi Cardon. - Cet amendement, qui reprend la proposition 11 du rapport de la mission d'information sur la cybersécurité des entreprises, se réfère précisément au label Expertcyber développé par Cybermalveillance.gouv.fr, en partenariat avec les principaux syndicats professionnels du secteur.
Le fait d'être labellisé offre une garantie supérieure de protection et renforce l'ensemble du tissu entrepreneurial. Il faut encadrer le marché et avoir une politique volontariste pour que ce label ait du sens.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les amendements nos 45 et 216 rectifié ter, que nous examinerons ultérieurement, témoignent de la même préoccupation.
La commission demande l'avis du Gouvernement : nous sommes sur des méthodes nouvelles, et il est normal que nous tâtonnions.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pour encourager la montée en expertise, devons-nous conditionner les indemnisations d'assurance au fait que les entreprises aient été labellisées ?
Faisons un parallèle : la lutte contre l'incendie passe par des normes qui réduisent les risques, le risque résiduel étant couvert par une assurance. Aujourd'hui, pour un hôpital, le risque cyber est aussi grave qu'un incendie. A-t-on utilisé un label pour lutter contre ce dernier risque ? Non, le législateur a défini des normes à respecter pour tout le monde. Il faudra que l'Anssi propose de telles normes à l'avenir pour le cyber.
Rien n'empêche par ailleurs les assurances de pratiquer des prix inférieurs pour les entreprises qui auraient pris plus de précautions, comme elles le font déjà contre le risque de cambriolage, par exemple. Mais ce n'est pas au législateur de désigner un label : soyons un peu libéraux en ce domaine.
Avis défavorable à l'amendement n°45 et au suivant, le n°216 rectifié ter.
M. le président. - Amendement n°216 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon, Bonnecarrère, Mizzon, Laugier, Henno et Louault, Mmes Billon, Vermeillet, Gacquerre et Sollogoub, M. J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, MM. Le Nay et Capo-Canellas, Mme Guidez et MM. Détraigne et Cigolotti.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et subordonné au fait qu'était en vigueur au moment de l'incident un plan adapté de prévention des risques liés à la cyber sécurité, dont les caractéristiques minimales sont fixées par décret
M. Olivier Cigolotti. - Cet amendement ajoute une notion supplémentaire : nous proposons de subordonner l'indemnisation au dépôt d'une plainte sous 48 heures, mais également au fait que l'entreprise ait adopté un plan de prévention des risques liés aux cyberattaques, dont les caractéristiques seraient fixées par décret.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Pour les petites structures, que nous connaissons tous dans nos circonscriptions, un plan de gestion des risques représente une montagne. J'étais d'accord avec M. Cardon sur les délais, mais je donnerai un avis défavorable à ces amendements.
L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°216 rectifié ter.
L'article 4, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au I de l'article L. 561-15, après le mot : « proviennent », sont insérés les mots : « ou qu'elles résultent » ;
2° Au premier alinéa l'article L. 561-16, après le mot : « proviennent », sont insérés les mots : « ou qu'elles résultent ».
M. Jérôme Durain. - Les assureurs doivent prendre leur part de la lutte contre la cybercriminalité. Nous proposons un article additionnel pour modifier le code monétaire et financier en interdisant le paiement d'une rançon jusqu'à ce que la déclaration à Tracfin ait été effectuée.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'article 561-15 du code monétaire et financier satisfait déjà cet amendement : la déclaration à Tracfin doit être faite dès lors que l'établissement soupçonne que les fonds pourraient être le produit d'infractions entraînant une peine privative de liberté.
En 2021, il y a eu 66 déclarations de soupçon à Tracfin, contre 28 en 2020. Au total, le nombre de déclarations a été multiplié par 3,5 en trois ans.
L'amendement n'est pas nécessaire à ce stade. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis. J'ajoute qu'une discussion est en cours à l'échelon européen : laissons-la aller à son terme.
L'amendement n°16 est retiré.
L'article 4 bis est adopté.
ARTICLE 5 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°224, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L'article L. 32 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Communications mobiles critiques très haut débit.
« On entend par communications mobiles critiques très haut débit les communications électroniques émises, transmises ou reçues par les services de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes et présentant les garanties nécessaires à l'exercice de leurs missions en termes de sécurité, d'interopérabilité de continuité et de résilience. » ;
b) Après le 2° bis, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter Réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
« On entend par réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité un réseau dédié aux services publics mutualisés de communication mobile critique très haut débit pour les seuls besoins de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes. Ce réseau est mis à la disposition de ces services dans le cadre des missions relevant de l'État, des collectivités territoriales, des services d'incendie et de secours, des services d'aide médicale urgente et de tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans le domaine du secours. Il est exploité par l'opérateur défini au 15° ter. » ;
c) Après le 15° bis, il est inséré un 15° ter ainsi rédigé :
« 15° ter Opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
« On entend par opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité l'établissement public chargé d'assurer le service public d'exploitation du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité et de fourniture à ses utilisateurs d'un service de communications mobiles critiques à très haut-débit sécurisé destiné à des missions de sécurité et de secours et reposant sur les principes de continuité de service, de disponibilité, d'interopérabilité et de résilience. » ;
2° Après la section 8 du chapitre II du titre Ier du livre II, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Dispositions particulières au réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité
« Art. L. 34-... - I.- Les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques très haut débit entre les services de l'État et les autres acteurs de la sécurité et des secours.
« Les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public font droit aux demandes d'itinérance sur leurs réseaux de l'opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité. Cette prestation fait l'objet d'une convention communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
« La convention mentionnée au premier alinéa du présent I détermine les conditions techniques et tarifaires de fourniture de la prestation d'itinérance.
« Les différends relatifs aux conditions techniques et tarifaires de la convention mentionnée au présent I sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8.
« II. En cas de congestion, afin de garantir l'acheminement des communications mobiles critiques très haut débit, les opérateurs retenus dans le cadre du marché public visant à répondre aux besoins de l'opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité font droit aux demandes d'accès prioritaires de celui-ci aux réseaux ouverts au public interconnectés, fondées sur des impératifs de sécurité publique, conformément au règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l'accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de l'Union.
« III.- Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de compensation des investissements identifiables et spécifiques mis en oeuvre en application du I, à la demande de l'État, par les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public, sauf dans les cas où ces prestations ont fait l'objet d'un marché public.
« IV. - L'opérateur mentionné au 15° ter de l'article L. 32 et le réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité mentionné au 2° ter du même article sont soumis au respect des règles applicables à l'établissement et à l'exploitation des réseaux ouverts au public et à la fourniture au public de services de communications électroniques, à l'exception des règles prévues aux f, f bis, f ter, g, h, j, k, n, n bis, n ter et p du I de l'article L. 33-1, aux II, V et VI de l'article L. 33-1 et aux articles L. 33-7, L. 33-9, L. 33-12, L. 33-12-1, L.34, L.35 à L.35-7. »
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement inscrit dans le texte de la loi les mesures que le Gouvernement entendait initialement prendre par ordonnance pour la création du réseau radio du futur (RRF). Pour ce projet, 2 milliards d'euros sont prévus dans la programmation.
Il s'agit de substituer aux réseaux actuels, qui ont présenté certaines défaillances lors de grands incendies ou des calamités de la Vésubie et de la Roya, un réseau nouveau commun à la police, à la gendarmerie et aux Sdis, mais aussi aux douanes et à l'administration pénitentiaire.
En prévision des jeux Olympiques, nous avons lancé un appel d'offres, remporté par des entreprises françaises, dont Airbus, qui dirigera le lot le plus important. Ce savoir-faire français pourra être exporté. De fait, nous serons le premier pays à créer un réseau radio et image unifié, fonctionnant quelles que soient les conditions.
Le Conseil d'État a demandé que ce réseau soit piloté par une personnalité morale distincte de l'État. C'est pourquoi nous créons un établissement public administratif chargé de l'opérer.
En outre, nous détaillons les exigences techniques qui s'imposent aux opérateurs non retenus, ainsi que les exemptions.
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois. - L'article 5 renvoyait initialement à une ordonnance. Nous avons demandé une inscription dans la loi, qui tienne compte de nos observations. Sur le fond, nous voyons le développement du réseau radio du futur d'un très bon oeil. Les enjeux opérationnels sont considérables pour les forces de sécurité et les services de secours. Avis favorable.
M. Patrick Chaize. - J'avais déposé un sous-amendement intégrant des notions de sécurité. En effet, dès lors que les réseaux commerciaux 4G seront utilisés pour les communications des services de renseignement, il me semble essentiel de renforcer la protection des infrastructures.
Le danger est réel : 174 structures ont été vandalisées en 2020, et la tendance est à l'augmentation. Incendies, vols de câbles, sectionnements de fils : les actes de malveillance atteignent un niveau record. Les actes les plus graves touchent le réseau fixe. Le 27 avril 2022, des câbles de fibre optique reliant Strasbourg, Rouen, Lyon et Lille à Paris ont été sectionnés. Cela relève du sabotage.
La commission des lois m'a averti que mon sous-amendement serait déclaré irrecevable au titre de l'article 45, aussi l'ai-je retiré avant la séance. Je tenais toutefois à soulever cette question.
M. Gilbert Favreau. - Ce dispositif a-t-il une parenté avec le dispositif NexSIS, destiné à organiser les communications entre tous les Sdis au niveau national ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je comprends l'intérêt du sous-amendement de M. Chaize. Le RRF est censé être résilient, y compris en cas d'interventions négatives sur les réseaux, de calamités ou d'intempéries. Soyez rassuré : je vais mettre les industriels au défi.
Oui, la France connaît depuis plusieurs mois des attaques venant de l'ultragauche ou de réseaux terroristes, des sabotages contre les réseaux radio et les réseaux téléphoniques qui plongent en zone blanche des milliers de nos compatriotes. La gendarmerie nationale est particulièrement mobilisée sur ce sujet.
Monsieur Favreau, NexSIS concerne les appels d'urgence, tandis que le RRF est un réseau commun aux forces constituant une communauté d'action.
L'amendement n°224 est adopté et l'article 5 est rétabli.
APRÈS L'ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 137-1 du code de la procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins de bonne administration de la justice, dans les territoires régis par l'article 73 de la Constitution, le juge des libertés et de la détention peut recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour la tenue des comparutions relatives aux fonctions détaillées dans la présente section, dans les cas et selon les modalités prévues par décret. »
Mme Catherine Conconne. - Lors de votre déplacement à la Martinique et en Guyane, vous avez fait des annonces importantes sur le trafic de drogue, un fléau qui gangrène nos territoires. Ce matin même, un fonctionnaire a été blessé en interpellant un trafiquant présumé. De fait, nos pays sont des plaques tournantes pour les trafics.
Il faut donner des moyens à la justice. Pour entendre une personne en Guyane, un juge doit quitter son ressort de la Martinique pendant trois jours...Il faut pouvoir recourir à la visioconférence pour les auditions.
Nous devons taper fort et aller vite pour réduire drastiquement le trafic de drogue, qui nous fait trop de mal.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - On comprend très bien la difficulté pratique. Toutefois, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État estiment qu'on ne peut imposer aux parties un moyen de communication audiovisuel, en particulier pour les audiences du juge des libertés et de la détention. Il faut sans doute définir un cadre plus restrictif qui préserve les droits de la défense. Dès lors, nous sollicitons le retrait de l'amendement.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas insensible à votre conviction, madame la sénatrice. Votre belle île de la Martinique est gangrenée par le trafic de drogue. Je suis d'accord pour tirer parti des technologies, mais je ne suis pas le garde des sceaux. Je me range à l'avis du rapporteur.
Mme Catherine Conconne. - J'accepte de retirer l'amendement, mais nous le ferons prospérer par d'autres voies.
L'amendement n°17 est retiré.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°136, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
d'atteinte aux biens
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement rétablit la rédaction initiale du Gouvernement.
Après la pré-plainte en ligne, vous avez autorisé la plainte en ligne. Nous souhaitons qu'il soit également possible d'être entendu par la police ou la gendarmerie par visioconférence. Ce qui n'empêchera nullement de se rendre physiquement au commissariat ou à la gendarmerie, ni d'y être convoqué ultérieurement.
Le rapporteur Daubresse a limité cette possibilité aux atteintes aux biens. Nous souhaitons y inclure les atteintes aux personnes de moindre gravité, comme une bousculade ou une gifle - hors violences intrafamiliales. La visioconférence aurait toujours lieu sur l'initiative du plaignant et non des services de police ou de gendarmerie. Les procédures pourraient ainsi être accélérées.
Imaginons une victime de violences conjugales qui se réfugie chez un parent à l'autre bout de la France. Il faut que la préfecture de police se mette en relation avec la gendarmerie de son nouveau lieu de résidence et convoque la personne, qui ne peut pas toujours se déplacer. De plus, la collaboration entre police et gendarmerie impose des procédures longues. Ce qui peut faire perdre des mois.
Dans le cas d'une victime d'agression sexuelle qui retrouve d'autres victimes du même auteur, un premier tour d'auditions pourrait être rapidement organisé.
M. le président. - Amendement identique n°207, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Dominique Théophile. - Le ministre a été très complet : l'amendement est défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous avons exprimé des inquiétudes sur l'utilisation de cette faculté - car il ne s'agira que d'une faculté - dans certains cas.
Après de nouveaux échanges avec le ministre, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Pour ma part, j'ai été convaincu que la plainte en ligne était plus protectrice pour les victimes que le cadre actuel. À titre personnel, je voterai donc l'amendement.
M. Hussein Bourgi. - Une fois n'est pas coutume, je voterai cet amendement du Gouvernement, à la lumière de mon expérience de vingt ans dans les associations d'aide aux victimes. Certaines victimes sont éloignées pour leur convalescence ou pour se reconstruire, ce qui ralentit le processus en cas de convocation.
Mme Éliane Assassi. - Cet amendement nous pose question. Y a-t-il un retour sur l'expérimentation de la plainte en ligne pour les femmes victimes ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette expérimentation été menée dans six départements, notamment en matière de violences faites aux femmes. Il s'agit non d'une plainte numérique mais d'une démarche d'« aller vers » : policiers et gendarmes équipés d'ordinateurs portables se rendent chez un tiers - avocat, parent, centre communal d'action sociale, par exemple. Le lieu change, mais il y a un contact physique.
Un agriculteur victime d'un vol de tracteur ne comprend pas qu'il lui faille se déplacer à la gendarmerie le lendemain pour déposer plainte. Avec cette nouvelle procédure, le dépôt de plainte peut être reçu immédiatement par le gendarme.
Je n'ai pas de données sur cette expérimentation, mais je vous les fournirai prochainement. Il faut que les services de police et de gendarmerie communiquent suffisamment autour de ce dispositif. Les zones blanches constituent aussi une limite.
Grâce à leur terminal Ubiquity, les gendarmes peuvent travailler de la même façon à la brigade et en dehors. Nous terminons la mise au point du même système pour la police nationale.
Les amendements identiques nos136 et 207 sont adoptés.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 21 h 30.
Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la politique énergétique de la France.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - L'énergie est au coeur de notre quotidien, et chaque transition énergétique a porté avec elle des changements majeurs. Nous en vivons une, que nous devons mener avec détermination, rapidité et justice : faisons-en une opportunité pour nos vies, notre économie et notre planète.
Cette transition est impérative. Dès 2018, le Président de la République chargeait RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, d'étudier les scénarios devant nous. À Belfort, en février dernier, il présentait une stratégie énergétique pour notre pays.
M. Jean-François Husson. - Et depuis, plus rien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Puis la Russie a agressé l'Ukraine, déclarant la guerre à nos valeurs. Le Kremlin est prêt à toutes les exactions, toutes les menaces, tous les chantages. Parmi eux, l'arrêt quasi-total des livraisons de gaz russe, qui nous fait risquer une pénurie et provoque une explosion des prix de l'énergie.
S'ajoutent les tensions sur le pétrole, conséquences de la guerre en Ukraine et du refus de l'Opep d'augmenter la production ; et sur notre production d'électricité, une part de notre parc nucléaire étant à l'arrêt pour maintenance. Sans oublier la sécheresse, qui limite notre production d'hydroélectricité.
D'où la nécessité d'accélérer notre transition énergétique, de sortir des énergies fossiles, de décarboner nos modes de vie et de conquérir notre indépendance. La responsabilité est collective.
Face à cette situation critique, notre premier devoir est de répondre à l'urgence, pour traverser l'hiver sans difficulté.
Dès cet été, nous avons porté nos stocks de gaz à 100 %. Nous avons diversifié nos approvisionnements en nous tournant vers la Norvège, l'Algérie et les États-Unis. Nous avons augmenté la capacité de nos terminaux méthaniers, dont un est en construction au Havre, faisant de notre pays une des principales portes d'entrée du gaz en Europe. Nous pourrons ainsi exporter du gaz vers l'Allemagne, et nos voisins nous fourniront en retour l'électricité dont nous aurons besoin.
M. Cédric Perrin. - De l'électricité carbonée !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Malheureusement, une part importante de notre parc nucléaire est indisponible,...
M. François Bonhomme. - Quelle surprise !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - ... du fait du rattrapage de maintenances non effectuées pendant la crise sanitaire, et d'un problème de corrosion sous contrainte qui conduit à fermer douze réacteurs. Les réacteurs redémarreront d'ici février. Je fais confiance à EDF pour respecter ce calendrier.
Grâce à notre action, à la solidarité européenne et à la sobriété, nous éviterons les pénuries.
Les factures d'énergie explosent partout en Europe. Nous avons agi très tôt, avec le bouclier tarifaire qui a bloqué les prix du gaz et limité la hausse de l'électricité. Nous le prolongeons, avec une limitation à 15 % de la hausse du gaz pour les ménages, les très petites entreprises et les plus petites communes. Sans bouclier, les prix auraient doublé.
À ces mesures, les plus protectrices d'Europe, s'ajoute le chèque énergie exceptionnel pour les 40 % de Français les plus modestes.
Nous avons demandé la transparence aux fournisseurs d'énergie. Nous voulons garantir qu'aucune collectivité, aucune entreprise ne se retrouve sans fournisseur. Nous voulons les protéger contre les offres abusives, grâce aux indicateurs de prix publiés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Nous améliorerons aussi les aides aux entreprises les plus consommatrices.
Pour les collectivités territoriales les plus en difficulté, le filet de sécurité voté par le Parlement pour 2022 sera mis en place au plus vite et les acomptes versés d'ici la fin de l'année ; je souhaite qu'il soit prolongé en 2023 et étendu à toutes les collectivités.
Avec le ministre de la cohésion des territoires, j'ai décidé de porter la hausse de la DGF de 210 à 320 millions d'euros. Avec cette hausse, la première en treize ans, 95 % des communes verront leur DGF se maintenir ou augmenter. Je le dis clairement : aucune collectivité territoriale, aucune entreprise ne sera laissée dans l'impasse.
Au-delà de ces mesures, nous sommes au front pour faire baisser les prix de l'énergie, dont le niveau est déraisonnable au regard des coûts de production ; ils sont tirés vers le haut par des craintes excessives de pénurie et la spéculation. Nous voulons les ramener à la raison.
Nous y travaillons d'abord en Européens. L'obligation de remplissage à 80 % des stocks de gaz à l'échelon européen a été dépassée, et des règles de solidarité entre États s'appliqueront en cas de pénurie de gaz.
Le conseil des ministres de l'énergie a adopté un règlement autorisant chaque État membre à demander une contribution de solidarité aux entreprises du secteur fossile et à taxer les bénéfices exceptionnels des producteurs d'électricité.
Il faut aussi agir sur les prix. Le Président de la République a participé vendredi dernier au Conseil européen de Prague, largement consacré à l'énergie. La Commission européenne doit nous proposer des réponses lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre.
Il faut faire bloc face à la Russie, mettre en place des achats groupés, permettre aux États et aux entreprises d'agir de concert.
Nous étudions deux pistes pour ramener les prix du gaz à un niveau raisonnable : un prix plafond pour tout le gaz consommé, ou un élargissement du dispositif qui a permis de diviser par trois le prix de l'électricité en Espagne, en plafonnant le prix du gaz servant à produire de l'électricité.
Plus largement, la crise nous incite à réformer profondément le marché européen de l'électricité. Les années à venir seront difficiles, notamment pour l'approvisionnement en gaz. Ne soyons pas naïfs.
Toutes ces mesures sont essentielles pour nous permettre d'affronter la situation dans la durée.
Au-delà de l'urgence, il faut préparer l'avenir. Les énergies fossiles sont néfastes pour la planète, nous exposent à des fluctuations de prix majeures et sont une source de fragilité pour notre souveraineté : nous devons sortir de la dépendance, nous en émanciper. C'est le cap fixé par le Président de la République à Belfort début février. C'est une question de souveraineté, de maîtrise des prix également.
C'est aussi un impératif climatique : sortir des énergies fossiles est le meilleur moyen d'atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est enfin une protection pour les ménages, les collectivités et les entreprises.
Pour cela il faut un plan, des moyens et des rendez-vous. Il faut que tous se mobilisent. C'est le sens de la planification écologique dont j'ai la charge.
Notre stratégie repose sur trois piliers : sobriété, production d'électricité décarbonée assise sur le renouvelable et le nucléaire et développement de nouvelles sources d'énergie, comme l'hydrogène.
La sobriété, d'abord. Ce n'est pas la décroissance, mais baisser un peu la température, décaler ses usages et éviter les consommations inutiles. C'est aussi la décarbonation de l'industrie ou la rénovation énergétique des bâtiments. La sobriété, c'est une source d'économies pour tous. Chacun doit en prendre sa part.
Sous l'égide de la ministre de la transition énergétique, les sources d'économie ont été identifiées secteur par secteur, et nous avons pu présenter un plan de sobriété complet et ambitieux qui réduira notre consommation énergétique de 10 % d'ici deux ans.
Il ne comporte pas de mesures coercitives, car la responsabilité collective est le meilleur chemin pour réussir. C'est ainsi que chacun identifiera les actions les plus efficaces, et que nous emporterons l'adhésion.
La sobriété ne s'arrêtera pas à la fin de l'hiver. Nous visons une baisse de 40 % de notre consommation d'énergie d'ici 2050. La sobriété doit s'inscrire dans la durée, et ce plan n'est qu'un point de départ.
Deuxième axe, le développement du nucléaire et du renouvelable. Le rapport présenté par RTE nous présente différents scénarios. Il nous faut produire plus d'électricité pour répondre aux nouveaux usages - 60 % de plus qu'aujourd'hui en 2050.
Certains ne jurent que par le nucléaire, d'autres veulent fermer les centrales. Nous choisissons de suivre les experts, pas les idéologues. Nous cherchons ce qui est efficace pour notre production d'énergie, bon pour notre économie et protecteur pour la planète. (Ironie à droite)
La crise actuelle révèle que dans les moments de tension, même les apports qui semblent faibles sont parfois décisifs. Il faut donc avancer sur deux jambes : nucléaire et renouvelable.
Développer massivement les énergies renouvelables est un choix pragmatique, car il faut quinze ans pour construire un réacteur.
M. Jean-François Husson. - Vous avez perdu du temps !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - C'est un choix écologique car décarboné, économiquement rationnel car la production d'électricité renouvelable dégage désormais des recettes pour l'État : après avoir coûté 6 milliards d'euros de subventions en 2021, elle a rapporté 10 milliards d'euros en 2022, intégralement redistribués au consommateur. C'est un choix de souveraineté car nos parcs éoliens en mer, comme à Saint-Nazaire, sont la marque du développement d'une véritable filière.
M. François Bonhomme. - Merci qui ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Il faut que la production et l'assemblage des panneaux solaires reviennent en Europe. Notre objectif est de doubler la production d'électricité renouvelable d'ici à 2030. Nous accélérons donc le rythme. Vous examinerez très prochainement un texte sur les énergies renouvelables qui vise à lever les obstacles administratifs. Nous miserons surtout sur le photovoltaïque et l'éolien en mer, mais nous aurons aussi besoin de l'éolien terrestre, qu'il s'agit de mieux intégrer dans les paysages en évitant l'implantation anarchique des parcs.
Enfin, nous allons promouvoir l'hydroélectricité, avec un texte pour relancer rapidement les investissements dans nos barrages sans passer par une mise en concurrence. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
En parallèle, nous modernisons notre parc nucléaire.
M. Jean-François Husson. - Fessenheim !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous prolongerons tous les réacteurs nucléaires répondant à nos standards de sécurité. Conformément aux engagements du Président de la République, nous lançons un ambitieux programme de nouveaux réacteurs. Premier volet, la construction de six EPR2, dont le premier est attendu pour 2035. Nous allons alléger certaines procédures administratives grâce à un projet de loi sur le nucléaire qui sera présenté début novembre. Je sais pouvoir compter sur les salariés de la filière.
Seconde étape du programme nucléaire, étudier la construction de huit réacteurs supplémentaires. Le secteur a besoin de visibilité pour embaucher les chercheurs et techniciens de demain.
Le troisième volet, c'est l'innovation pour bâtir les réacteurs de nouvelle génération.
M. François Bonhomme. - Astrid par exemple !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous avons inscrit 1 milliard d'euros pour le nucléaire du futur dans le plan France 2030, notamment pour construire un prototype de SMR.
Pour assurer un pilotage et un suivi rigoureux, nous reprenons le contrôle à 100 % d'EDF ; nous installons une délégation interministérielle pour le nouveau nucléaire, qui sera dirigée par Joël Barre, ancien délégué général pour l'armement ; nous soutenons l'acquisition par EDF des activités nucléaires de General Electric.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il ne fallait pas vendre !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Troisième axe de notre stratégie, l'investissement dans l'hydrogène, qui allie transition énergétique et industrielle et constitue un outil de décarbonation massive de notre économie, y compris dans la sidérurgie. Cette nouvelle filière, avec 100 000 à 150 000 emplois durables à la clé, sera un outil précieux pour notre souveraineté énergétique.
Avec France Relance et France 2030, nous injectons 9 milliards d'euros pour constituer une filière complète ; j'ai annoncé dernièrement 2,1 milliards d'euros pour bâtir les dix premières gigafactories françaises.
La décarbonation passera également par la biomasse, la géothermie, le biogaz et les biocarburants. Pour les industries qui ne peuvent tout électrifier, le biogaz est un levier précieux : nos agriculteurs y trouveront une source de revenus complémentaires en valorisant leurs déchets. Pour nos territoires, ce sont des emplois locaux et non délocalisables.
En matière de méthanisation, nos objectifs sont ambitieux. Nous les soutiendrons par des mesures législatives et réglementaires.
L'agrivoltaïsme ne bénéficie pas, à ce jour, de cadre réglementaire, d'où une concurrence entre agriculture et production d'énergie, et certains abus. Or le développement du photovoltaïsme sur le foncier agricole et forestier peut être un moyen de faire baisser les dépenses des agriculteurs. Je sais qu'une proposition de loi sur ce sujet est en cours de discussion dans votre assemblée ; faisons converger nos efforts pour élaborer un cadre adapté.
Notre transition énergétique, pour réussir, doit être pensée en Européens. Nos économies sont interdépendantes, nos réseaux connectés, nous partageons des défis et des valeurs. Notre souveraineté énergétique doit être européenne.
À Versailles, sous la présidence française du Conseil, nous avons franchi un grand pas : les Vingt-Sept se sont mis d'accord pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures russes et aux énergies fossiles. C'est ainsi que nous réduirons plus massivement notre empreinte carbone, que nous résisterons aux chocs énergétiques.
Voilà le cap fixé par le Président de la République à Belfort ; un cap vers la neutralité carbone et la souveraineté, qui repose sur la mobilisation et la responsabilité de tous.
Notre débat sera suivi de l'examen de deux projets de loi, sur les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous vous présenterons ensuite la loi de programmation Énergie-Climat, cadre de notre programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Cette transition énergétique sera radicale et rapide : elle impose de transformer nos manières de penser, de consommer et de produire.
Elle sera synonyme d'un meilleur niveau de vie ; sobriété et électrification changeront notre quotidien pour le mieux. Elle nous protégera des chocs énergétiques et fera baisser les factures. En consommant moins, nous dépenserons moins. Je veillerai à ce qu'elle soit une transition juste.
Enfin, elle sera un levier de croissance et d'emplois durables. Elle appuiera notre réindustrialisation, avec de nouvelles filières, comme pour le stockage de l'énergie.
La transition énergétique est une nécessité et une opportunité qu'il faut saisir, en Français et en Européens. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE ; MM. Pierre Louault et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un débat sur la politique énergétique, mais sans vote et à une heure tardive, est-il à la hauteur des enjeux, alors que tout a été fait à l'envers depuis cet été ?
En juillet, on nous a demandé de délibérer sur le principe d'un terminal méthanier qui importera du gaz de schiste américain et sur la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold. Nous allons débattre d'un texte sur les énergies renouvelables, puis, en fin d'année, d'un projet de loi sur le nucléaire, et enfin seulement, de la stratégie globale, avec la programmation pluriannuelle de l'énergie. Tout aura été fait à l'envers, à la découpe, dans le brouillard.
Ce débat pourrait éclairer les Français, peut-être, mais c'est déjà trop tard pour cet hiver. Il y a deux ans, j'ai écrit un livre intitulé Aurons-nous encore de la lumière en hiver ? Si nous subissons des coupures de courant cet hiver, ce ne sera pas imputable au covid ou au tsar rouge, mais bien aux décisions du Président de la République et du Gouvernement.
Point de remède sans diagnostic. Or le constat est, plus qu'un constat d'échec, celui d'un Waterloo énergétique. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)
Comment un grand pays comme la France, grand exportateur d'énergie, en vient-il à manquer d'électricité ? Si les Français paient cher leur énergie, malgré le bouclier, c'est parce qu'elle est rare. Notre production actuelle est retombée à son niveau de 1990, alors que les nouveaux usages feront de plus en plus appel à l'électricité.
EDF, ce fleuron national, est très fragilisé. Son endettement va bientôt atteindre les 60 milliards d'euros. L'Arenh dont, certes, le Gouvernement n'est pas responsable, aura conduit à subventionner des concurrents qui ne produisent pas un électron.
Cette nationalisation est en réalité une étatisation. Il aurait mieux valu recapitaliser EDF en injectant de l'argent frais.
Flamanville est une blessure à la fierté nationale, à notre ambition. Prévue pour 2012, la centrale n'a toujours pas ouvert. Son coût final sera quatre fois supérieur aux estimations initiales, il faudra faire venir des ouvriers américains pour la soudure.
S'y ajoute une injustice pour les Français, qui devront payer les conséquences des inconséquences de votre politique. Et la politique de la doudoune ne pourra vous dédouaner.
Ce n'est pas le président d'EDF qui a décidé de fermer quatorze réacteurs nucléaires en 2017, c'est le Président de la République. Pas plus qu'il n'a signé le décret d'avril 2020 : c'était vous ! Il faut dire qui est responsable des décisions prises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Ces décisions ont été motivées non par une vraie stratégie, mais par la politique politicienne. Emmanuel Macron a été l'exécuteur testamentaire d'un accord passé entre Mme Duflot et Mme Aubry visant à placer François Hollande au pouvoir. Il a aussi voulu avoir Nicolas Hulot comme ministre, qui a continué sur cette lancée...
Madame la Première ministre, vous avez beaucoup évoqué l'Europe. J'ai été scandalisé lorsque M. Macron a justifié la fermeture de Fessenheim par sa proximité géographique avec l'Allemagne, qui avait choisi de fermer les réacteurs et les centrales nucléaires. Je peux produire le verbatim... C'est inacceptable !
Quand on n'a pas de stratégie, on adopte celle des autres - celle de Bruxelles, et derrière, celle de l'Allemagne.
Croyez-vous vraiment que l'Allemagne fasse montre de solidarité sur le plan énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Et je ne parle même pas des 200 milliards du bouclier énergétique.
M. Pierre Louault. - Vous êtes anti-européen.
M. Bruno Retailleau. - Je suis européen ! Contrairement à la France, l'Allemagne a toujours défendu ses intérêts : elle s'est mise dans la main de la Russie en achetant peu cher le gaz russe pour favoriser son industrie, pour exporter ses voitures. Elle a handicapé l'Europe, et nous avons suivi, par solidarité... J'aimerais croire au couple franco-allemand, mais j'attends des garanties de nos amis allemands.
Le Président de la République n'est pas le Chancelier : on attend de lui qu'il défende avant tout les intérêts de la France et des Français.
La politique énergétique doit être constante et cohérente. Elle ne peut s'accorder avec le « en même temps » qui est tout sauf un cap ou une boussole.
Il faut jouer sur l'ensemble des leviers : la production, c'est-à-dire l'offre ; la demande, c'est-à-dire la sobriété ; la tarification.
La tarification, d'abord. En juillet dernier, Madame la Première ministre, après votre discours de politique générale, je vous demandai pourquoi vous ne faisiez pas comme l'Espagne et le Portugal. Vous le proposez aujourd'hui : on a perdu trois mois. La tarification européenne est stupide, elle a avantagé l'Allemagne et desservi la France.
J'ai écouté le Président de la République à la télévision : il vient d'expliquer qu'il fallait décorréler le prix du gaz et de l'électricité. Bien sûr ! Nous aurions pu le faire avant. En étant dans la solidarité sans réciprocité, on est dans la naïveté. (M. Max Brisson approuve.)
Il faut aller plus loin. Mettez fin à la suspension des tarifs réglementés, qui s'achèvent au 30 juin prochain. Le bouclier, ce n'est pas seulement déverser de l'argent public : il faut un cadre.
EDF, une fois le pic tarifaire passé, devra être encouragé à signer des contrats de long terme, malgré les freins européens. Nous avons été handicapés par dix ans de politiques libérales. Que de problèmes au nom de la concurrence pure et parfaite ! (On jubile sur les travées du groupe CRCE.) Je veux bien la solidarité européenne, mais à la condition que cette solidarité ne mène pas dans le mur. Je ne suis pas naïf.
La demande, ensuite, c'est-à-dire la sobriété. Le col roulé, le tancarville et le télétravail sont des leviers, mais ne constituent pas une politique. Comment avons-nous pu autant régresser en vingt sur l'effacement ? Tempo, cela ne fonctionne pas ! Il faut un grand dispositif d'effacement volontaire, rémunéré et moderne.
Il faut produire une énergie abondante, décarbonée, pilotable et bon marché. On ne réindustrialisera pas la France sans une énergie compétitive.
Il faut revoir la PPE, déplafonner la part du nucléaire dans le mix électrique, prolonger nos réacteurs nucléaires et donner de la visibilité à EDF. L'unité d'EDF doit être préservée : engagez-vous à cela, madame la Première ministre. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Reprenez les conclusions du rapport de Daniel Gremillet : ce ne sont pas six, mais quatorze réacteurs dont nous avons besoin !
Les énergies renouvelables ont un rôle à jouer, mais c'est un rôle d'appoint. L'Allemagne a montré que lorsque l'on investit jusqu'à 40 % dans le renouvelable, il faut aussi investir dans le fossile. Nous, nous voulons de l'énergie décarbonée.
En 2017, le slogan d'Emmanuel Macron était « pensez printemps ». Voilà qu'il découvre l'hiver !
Madame la Première ministre, reconstruisez notre souveraineté énergétique pour le pouvoir d'achat des Français et pour la réindustrialisation de notre pays. (Les sénateurs du GEST indiquent que le temps de parole est écoulé ; vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.) La politique énergétique nationale nécessite cohérence, constance et résolution. Les gouvernements successifs n'ont pas eu cette exigence. Je ne reviendrai pas sur les atermoiements du Président de la République sur le nucléaire.
Vous nous présentez un projet de loi technique sur les procédures. Pourquoi un tel saucissonnage ? Les Français ont besoin de lisibilité.
Nous devons collectivement réussir une transition de civilisation, dans la justice sociale et l'équité.
Cet impératif de long cours doit être conjugué avec des réponses immédiates et financièrement accessibles. Les Français doivent être davantage soutenus et ne comprennent pas que leur pays ne les aide pas, comme l'Allemagne s'apprête à le faire avec un plan de 200 milliards d'euros.
Nous devons nous appuyer sur les dernières connaissances scientifiques ; les préconisations du groupe SER sont assises sur les scénarios du Giec et de RTE.
Le rôle d'EDF doit être réaffirmé. Quel est votre projet pour cette entreprise ? Sur quelles hypothèses le Gouvernement s'appuie-t-il pour construire notre futur énergétique ?
La future loi Énergie-climat prévoit l'extinction des sources d'énergie carbonée pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans la stratégie nationale bas-carbone, l'électricité représenterait 55 % de l'énergie finale consommée, contre 25 % aujourd'hui. Allez-vous réviser cet objectif ?
RTE propose six scénarios. L'électrification des filières et des usages existants est un critère déterminant de la production électrique nécessaire. Qu'allez-vous proposer dans la prochaine PPE ?
Les scénarios de RTE recouvrent des choix très différents, du 50 % nucléaire au 100 % renouvelable.
Le Président de la République a décidé de commander six EPR2 et de lancer les études pour huit EPR2 et des SMR. EDF a lancé le grand carénage. Faut-il comprendre que le Gouvernement se lance dans un mix électrique, 50 % renouvelables et 50 % nucléaire ? Quelles raisons président à ce choix ?
Le mix énergétique doit être pragmatique et prendre en compte les incertitudes et les risques. Difficile de démultiplier les projets de renouvelable, au regard des difficultés rencontrées sur de nombreux territoires. Pour atteindre 100 % d'énergies renouvelables, il faudrait multiplier par vingt-et-un la puissance installée en photovoltaïque et par quatre la puissance installée en éolien terrestre : en sommes-nous seulement capables ?
L'affaiblissement de la filière nucléaire depuis des années interroge notre capacité à prolonger la durée de vie des réacteurs existants et à construire de nouveaux réacteurs dans les temps.
Il faut intégrer les coûts et l'impact environnemental des installations de production, notamment sur les sols, dans un contexte de zéro artificialisation nette, les émissions de gaz à effet de serre, l'impact sur l'emploi local.
Indépendamment des conséquences de la guerre en Ukraine, le Gouvernement doit pousser tous les curseurs pour développer les énergies décarbonées.
Dans un contexte incertain, nous devons aussi nous donner des marges en matière de puissance installée.
Les procédures de réalisation des projets, de la concertation publique à la mise en oeuvre, doivent être industrialisées. De l'État aux collectivités territoriales en passant par les comités locaux, comment alignerez-vous les acteurs ? Sur quels principes repose la planification ?
À ce stade, le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables n'est pas à la hauteur des enjeux et des difficultés rencontrées sur les territoires. Sans renier la fonction nourricière première de l'agriculture, l'agrivoltaïsme doit être développé.
Sur l'avenir du groupe EDF, le Président de la République est muet. Jamais EDF n'a été autant affaiblie, par manque de pilotage politique. À se demander si ce n'est pas voulu ! Depuis dix ans, EDF a été la vache à lait de l'État, dit l'ancien président de la CRE - aujourd'hui ministre. La responsabilité est exclusivement politique.
Madame la Première ministre, quelles sont les conséquences de l'OPA que vous avez lancée ? EDF deviendra-t-elle un Épic ? Quel rôle l'État-actionnaire jouera-t-il ? Quel est donc votre projet industriel social et environnemental ? Avez-vous renoncé au découpage de l'entreprise ? Comment financez-vous les investissements d'EDF dans le grand carénage, le renouvelable et les réseaux ? Financerez-vous le nouveau nucléaire demandé par le Président de la République dans le périmètre d'EDF ou en-dehors ? Quelle place pour l'hydraulique et comment préserver dans la durée son caractère public ?
Le mix est une prérogative nationale, mais le marché de l'énergie est sous la responsabilité de l'Union européenne. Cette contradiction explique en grande partie les difficultés des consommateurs français et européens. Quelle position la France défendra-t-elle auprès de la Commission européenne pour que les prix reflètent les coûts complets à long terme des mix nationaux ?
Nous souhaitons que les tarifs régulés de l'électricité et du gaz perdurent. Le petit consommateur doit bénéficier de tarifs stables dans le temps et l'entrepreneur de prévisibilité à moyen et long termes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Denise Saint-Pé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Qu'attendons-nous d'un système énergétique ? D'abord, de la sécurité, à commencer par l'approvisionnement, afin d'éviter délestage, rationnement et black-out. Ensuite, de la souveraineté, pour dépendre le moins possible de puissances étrangères. Enfin, il faut tendre vers la neutralité carbone.
Or sur ces trois tableaux, nous avons des lacunes. La plus visible concerne l'insécurité, avec le spectre d'une pénurie d'énergie. Cela tient, pour l'électricité, au vieillissement des centrales nucléaires. Quant au gaz, il fait défaut aux Européens en raison de la guerre en Ukraine - même si la France en souffre moins que d'autres. Nous devenons dépendants de l'étranger, de l'Allemagne pour l'électricité, de la Norvège et du Qatar pour le gaz. Enfin, notre mix énergétique n'est pas assez décarboné : plus de 60 % de nos besoins énergétiques sont satisfaits par le gaz ou le pétrole, loin des objectifs de l'Accord de Paris. Il faut refondre notre système énergétique.
Le Gouvernement a saisi les enjeux à court terme : il fallait sécuriser l'approvisionnement en gaz en trouvant de nouveaux fournisseurs et nos stocks sont remplis. Mais il faut aussi encourager la méthanisation sur le territoire national.
Il fallait aussi organiser la sobriété, comme le prévoit le plan dévoilé jeudi dernier, avec un effort qui porte autant sur l'État et les entreprises que sur les particuliers et les collectivités.
Je salue la mobilisation du Gouvernement auprès de la Commission européenne pour qu'elle propose des solutions collectives : c'est à l'Union européenne de régler le problème central de la formation du prix de l'électricité qui correspond au coût du dernier kilowatt produit par le dernier opérateur. Or c'est, actuellement, un kilowatt issu du gaz qui tire les prix vers le haut.
Il faut une décorrélation des prix de l'électricité et du gaz. Pour cela, deux voies sont possibles : par le haut, en créant un grand service européen de l'énergie, public et monopolistique, mais c'est utopique ; ou par le bas, en renationalisant le système, comme l'ont fait l'Espagne et le Portugal qui ont obtenu le droit de déconnecter pendant un an les prix du gaz et de l'électricité. Cela fonctionne : fin août, le prix du mégawattheure y était de 240 euros, contre 660 euros en France et en Allemagne. Cette dérogation a été accordée pour deux raisons : une faible interconnexion avec le reste de l'Europe et une électricité très décarbonée.
Il faut donc envisager la solution ibérique pour les pays dont l'électricité est largement décarbonée, comme la France. Une fois nos centrales remises en marche, faudra-t-il faire cavalier seul ?
L'ouverture du marché de l'énergie n'a pas donné satisfaction. L'Arenh a été une absurdité et une aubaine pour des opérateurs qui se sont comportés en négociants, sur le dos du contribuable. Arrêtons de considérer l'énergie comme une marchandise : c'est un bien public de première nécessité. Interrogeons-nous sur un retour au tarif réglementé pour l'électricité et même le gaz.
Nous avons besoin à long terme d'une vision stratégique, telle que présentée par le Président de la République dans son discours de Belfort, qui repose sur le triptyque sobriété, nucléaire et renouvelable.
On ne peut qu'y souscrire, mais le diable est dans les détails. Les projections sur la sobriété sont irréalistes : comment réduire les besoins énergétiques de 40 % d'ici 2040, alors que nous serons plus nombreux et 20 % plus riches ? Qui peut y croire ? C'est pourtant le fondement des scénarios de RTE. Ce serait déjà une bonne performance que de contenir nos besoins d'ici à 2040. Mais alors, il faudra produire le double ou le triple d'électricité...
Dans ces conditions, les décisions sur le nucléaire sont insuffisantes. À Belfort, le Président de la République a déclaré qu'aucun réacteur en état de produire ne devait être fermé. Le plan de fermeture de douze réacteurs d'ici à 2035 sera-t-il enfin abandonné ? Le nombre d'EPR à construire en dépend. De plus, aucun plan de développement de SMR n'a été annoncé, alors que le petit nucléaire est prometteur. La recherche est relancée, mais il faut un plan et des objectifs.
Sur le renouvelable, sans anticiper les débats sur le projet de loi, je puis dire que l'UC plaidera pour l'agrivoltaïsme, la géothermie et la biomasse. Sur ces trois volets, il faut former dès maintenant de vrais professionnels du nucléaire, des réseaux intelligents, de l'isolation des bâtiments et des énergies renouvelables. Avons-nous un plan de formation digne de ce nom ?
Il nous faut un big-bang énergétique. Montrons-nous à la hauteur du rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP, du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'énergie occupe une place sans précédent dans le débat public, avec la guerre en Ukraine, l'inflation, le dérèglement climatique... L'énergie à bas prix et abondante n'existe plus. À court terme, il faut sauver notre approvisionnement, à long terme assurer la souveraineté énergétique de la France et sa neutralité carbone.
Dans un contexte d'inflation, Poutine utilise l'énergie pour faire la guerre. Le Gouvernement fait le choix d'une nouvelle solidarité européenne, pour s'entraider et éviter les coupures. En matière de gaz, nous avons réussi à remplir les stocks à 99 %. Le projet de terminal flottant au large du Havre a été accéléré, grâce au vote du Parlement. Grâce à cela, nous passerons le prochain hiver avec moins de difficultés.
Mais les économies d'énergie restent indispensables, à tous les niveaux. C'est l'esprit du plan de sobriété présenté jeudi 6 octobre, qui prône l'incitation et la responsabilité collective grâce à des gestes de bon sens, du quotidien, que nos aïeux réalisaient déjà.
Sobriété n'est pas synonyme de décroissance. C'est une opportunité contre le gaspillage énergétique et la surconsommation. Le groupe RDPI soutient totalement cette stratégie. (Mme Nicole Duranton applaudit.)
Les acteurs les plus en difficulté doivent être soutenus. Le bouclier tarifaire sera reconduit en 2023 et 430 millions d'euros seront alloués à une part significative du bloc communal. Grâce au Gouvernement, les Français restent protégés face à l'inflation.
Le pays n'en est pas moins confronté au double défi de la souveraineté énergétique et de la neutralité carbone. Une fois l'hiver passé, ces défis resteront au coeur du débat politique.
Pour renforcer notre souveraineté, nous devons investir dans notre mix énergétique. L'éolien en mer, le photovoltaïque, l'agrivoltaïque et l'hydraulique doivent être développés en concertation avec les élus locaux.
Mais renforcer notre souveraineté, c'est accepter la part du nucléaire - 70 % de notre production électrique. Il serait déraisonnable de s'en passer : voyez l'Allemagne, dépendante du gaz. Notre nucléaire est une force historique à conforter. On ne peut se satisfaire que 26 réacteurs sur 56 soient indisponibles ; nous payons les mauvais arbitrages passés.
La renationalisation d'EDF, à cet égard, est un mal nécessaire. Un projet de loi sera présenté dans les prochains mois pour simplifier les procédures et faciliter la création de nouveaux EPR. Le tout nucléaire ne fonctionnera pas plus que le tout renouvelable. Il faudra réduire les délais administratifs, raccourcir les procédures, libérer du foncier, encourager le partage territorial de la valeur. Mon groupe sera au rendez-vous de ce travail sur le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables.
N'oublions pas la réindustrialisation, avec France 2030 qui consacre 2 milliards d'euros à l'innovation dans les énergies renouvelables et le nucléaire. La France peut se donner les moyens de construire le premier avion bas carbone. L'hydrogène, le biogaz sont des pistes prometteuses. En Isère, neuf sites injectent déjà du biométhane dans les réseaux.
Notre souveraineté requiert enfin une solidarité européenne. Ne confondons pas souveraineté et protectionnisme ; il faut penser européen. N'oublions pas que l'ancêtre de l'Union européenne est la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Il faut décorréler les prix de l'électricité et du gaz. Le Gouvernement met toute son énergie à convaincre nos voisins. Nietzsche disait que l'Europe ne pourrait se faire qu'au bord du tombeau... Le moment est peut-être venu d'une nouvelle Union européenne énergétique.
L'énergie la plus propre est celle que l'on ne consomme pas. Notre boussole doit être le collectif - pour les choix énergétiques, pour la sobriété. Si tout le monde s'y met, nous nous donnerons les moyens d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Fabien Gay . - Nous vivons une période critique, décisive, charnière. La crise énergétique est un défi qui s'inscrit dans la durée. L'urgence nous oblige. Il faut étudier, comparer, proposer et débattre, et surtout dessiner une vision d'ensemble.
Nous ne résoudrons pas la crise énergétique segment par segment, comme vous nous le proposez - avec une succession de textes et, au passage, la ré-étatisation d'EDF par amendement.
L'envolée des prix et la menace du black-out sont dues à l'obsolescence d'un système énergétique tout entier qui s'écroule. Il y a certes des causes conjoncturelles, avec la guerre en Ukraine et un été cataclysmique - sécheresses record, pénuries d'eau... Le niveau historiquement bas des barrages et l'arrêt de la moitié du parc nucléaire alimentent la crise.
Mais la décision politique nous appartient. Nous ne voulons pas d'un État actionnaire comme un acteur privé, mais d'un État volontariste et stratège. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
La crise est le résultat de vingt ans de libéralisation ; le prix payé par le consommateur ne reflète en rien le mix électrique national ; il est spéculatif et artificiel, c'est le coût de l'Europe libérale et des traders. Les usagers paient le même prix, que leur pays ait investi dans le nucléaire, le renouvelable ou les énergies fossiles. Ainsi, 7,7 % de notre production électrique dépend du gaz. Sortons temporairement du marché européen, emboîtons le pas à nos voisins espagnols et portugais. (Plusieurs membres du groupe Les Républicains approuvent.) Si vous êtes d'accord, dites-le à votre secrétaire d'État pour l'Europe qui a déclaré le contraire au Sénat hier.
Nous avons réduit nos importations de gaz et notre dépendance aux énergies fossiles : nous sommes légitimes pour porter cette demande. Si vous décidez d'engager cette bataille, nous la mènerons à vos côtés. Il ne s'agit pas de supprimer l'interconnexion, mais de réformer un système injuste.
Nos collectivités territoriales subissent déjà les dégâts. (M. Max Brisson le confirme.) Leurs factures explosent, jusqu'à 150 % de hausse pour certaines. Noisy-le-Sec, Neuilly-sur-Marne, dans mon département sont particulièrement touchées. Le surcoût s'élève à 30 millions d'euros pour le département de la Seine-Saint-Denis. Faudra-t-il augmenter les impôts locaux ? Il faut surtout un bouclier tarifaire pour toutes les collectivités territoriales avec des tarifs réglementés et une baisse de la TVA à 5,5 % pour tous les usagers.
Il faut aussi empêcher coûte que coûte l'extinction du tarif réglementé du gaz, notamment pour les entreprises électro-intensives. Autrement, l'emploi sera la variable d'ajustement : des fermetures sont déjà envisagées, comme chez Duralex. Quel sera le coût du chômage partiel ? Les tarifs réglementés de vente (TRV) sont toujours préférables au bilan social à craindre. Nous allons traverser deux ans de crise et les prix ne redescendront jamais.
Douze millions de personnes souffrent de précarité énergétique ; combien de plus ? Il faut interdire les coupures et garantir une puissance minimale à 3 kW contre 1 kW aujourd'hui.
Je salue l'organisation de ce débat, mais regrette que le Parlement ne soit pas associé à une question aussi essentielle que la ré-étatisation d'EDF.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Fabien Gay. - Mais une ré-étatisation pour faire quoi ? Si c'est pour ouvrir des activités aux capitaux privés, c'est non !
Sans attendre 2025, il faut sortir de l'Arenh, qui n'a fait qu'enrichir les opérateurs alternatifs.
Le secteur privé est inapte sur la question de l'électricité ; c'est pourquoi nous préconisons l'instauration d'un grand service public de l'énergie, avec monopole public. À l'avenir, nous devrons investir des milliards d'euros pour sortir des énergies fossiles.
Il faut aussi impérativement sortir de la Charte européenne de l'énergie.
Nous défendons enfin des investissements dans le nucléaire nouvelle génération et les énergies renouvelables, que nous n'opposons pas. Pour cela, il faut sortir l'énergie du secteur marchand, pour en faire un bien commun de l'humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Entre le printemps 2020 et le 1er septembre 2022, les prix de marché ont été multipliés par trois pour le gaz, par cinq pour le pétrole et par quarante pour l'électricité. Comment en sommes-nous arrivés là ? La reprise économique post-pandémie a engendré de l'inflation. L'invasion de l'Ukraine a entraîné entre autres une flambée des prix de l'énergie.
L'Europe, dépendant des hydrocarbures russes, est en situation délicate. La France, structurellement moins dépendante que l'Allemagne du gaz russe, devrait, en théorie, être moins mal lotie. Mais la moitié de nos 56 réacteurs est à l'arrêt pour maintenance.
Cette année, nous serons pour la première fois importateurs d'électricité - faute d'avoir suffisamment entretenu notre parc. RTE a importé plus de 7 000 mégawatts sur le marché Spot, soit 15 % de la consommation d'énergie nationale.
Une certaine écologie poussait à la disparition du nucléaire. Aujourd'hui, nous devons tout faire pour garantir son avenir.
À Saint-Nazaire, en septembre dernier, Emmanuel Macron a esquissé la stratégie de la France, qui comprend une accélération des investissements dans le nucléaire. Il y a trente ans encore, nous étions les champions du monde du nucléaire civil, nous exportions nos excédents. Mais nous avons baissé la garde, guidés par des choix idéologiques manquant de réalisme. Je pourrais citer Mme Royal - une orfèvre en matière de choix géopolitiques (rires sur les travées du groupe Les Républicains) - qui voulait ramener de 75 à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique à l'horizon 2025. Comment se fait-il que cet objectif subsiste encore dans la loi à horizon 2035 ?
Nous pourrions citer également l'abandon de Superphénix, d'Astrid (Mme Sophie Primas et M. Jean-François Husson renchérissent), ou encore la décision de fermer Fessenheim - qui conduit à rouvrir une centrale à charbon !
Les injonctions contradictoires ont fragilisé la filière d'excellence française, EDF étant pénalisée par l'Arenh. La structuration des portefeuilles ministériels y a contribué, écologie et planification énergétique étant dissociées. Nous attendons beaucoup, à cet égard, du nouveau ministère de la transition énergétique.
En France, on a affaibli le nucléaire sans pour autant atteindre les objectifs fixés par la PPE pour le renouvelable, dont le déploiement se heurte aux contraintes administratives.
Notre bouquet énergétique a besoin tant du nucléaire que des énergies renouvelables.
Il faut actionner tous les leviers. Il n'est pas acceptable d'attendre plus de dix ans pour voir naître un projet éolien ou solaire.
Ne fragilisons pas davantage notre économie. En cas de délestage, il faudra prioriser la capacité productive. Déjà, des usines tournent au ralenti à cause du prix de l'énergie. Beaucoup de nos chaînes de valeur sont menacées par des importations plus compétitives, alors qu'il faudrait réindustrialiser la France.
Les collectivités, les entreprises, les ménages subissent déjà les conséquences de cette crise énergétique. Des inquiétudes montent du terrain. La France a mis en place un bouclier tarifaire nécessaire mais incomplet, malgré son coût important.
Il faut repenser la politique énergétique européenne et le marché européen de l'énergie, notamment, vous l'avez dit, en découplant les prix de l'électricité et du gaz.
Nous devons bâtir une véritable stratégie de long terme car l'énergie est au coeur de notre économie, en nous appuyant sur trois piliers : les économies d'énergie, le développement des énergies renouvelables et la relance du nucléaire. Il n'y a pas de place pour le dogmatisme.
Allons vers la sortie programmée des énergies fossiles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Pierre Corbisez . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.) Le Gouvernement a présenté la semaine dernière son plan de sobriété. On peut l'en féliciter, tout en regrettant qu'il soit un peu tardif. Il aura fallu une urgence pour que l'État presse le pas. La réduction de la consommation de 40 % d'ici 2050 se fera sur une trajectoire dont la pente sera bien raide.
Malgré les alertes des acteurs locaux, force est de constater que le compte n'y est pas.
Dans mon département, les températures ne sont pas souvent clémentes et les maisons individuelles, notamment minières, sont mal isolées. Pour les habitants, c'est la double peine, car ceux qui habitent les pires passoires thermiques sont aussi ceux qui ont le moins de moyens.
Le chèque énergie n'est qu'un pansement. Le reste à charge des aides à l'isolation est encore trop élevé pour les ménages modestes. Même chose pour le coût de l'essence. Rapporteur de la loi introduisant le bonus-malus, j'avais plaidé pour que les aides soient étendues aux voitures hybrides, car le prix des véhicules électriques reste prohibitif pour beaucoup.
La situation de nos collectivités n'est pas meilleure. L'augmentation des coûts de l'énergie inquiète les élus. J'ai interrogé votre ministre de la transition écologique sur l'insuffisance de l'aide prévue à cet effet en loi de finances rectificative et l'inadaptation des critères. Il s'est voulu rassurant et a promis des réponses rapides.
Seules 8 000 communes - au lieu de 20 000 - peuvent prétendre à l'enveloppe de 430 millions d'euros ; à condition de remplir de trois critères cumulatifs... On complexifie tant qu'elles seront peut-être moins nombreuses encore !
La ministre des collectivités territoriales n'excluait pas une réévaluation de l'enveloppe, jusqu'au milliard si nécessaire. Mais les 430 millions d'euros seront-ils seulement consommés ?
Les collectivités territoriales sont des acteurs clés de l'économie locale. Mais la crise énergétique menace nombre de projets, y compris sur les énergies renouvelables.
Le projet de loi ne devra pas escamoter la consultation citoyenne et la protection de la biodiversité. Si les procédures sont parfois trop longues, la qualification de raison impérative d'intérêt public majeur est dangereuse, sauf à la réserver à la rénovation des anciens parcs éoliens.
Sur le fond, il serait illusoire voire mensonger de laisser penser que l'accélération des énergies renouvelables est la seule réponse : par nature, les énergies naturelles sont intermittentes.
Il est regrettable que le texte fasse l'impasse sur un point important, la création d'une véritable filière du renouvelable, en particulier pour l'éolien, désormais recyclable à plus de 97 % : il mériterait une politique de soutien financier durable, de formation et de lutte contre les malfaçons à travers des labels.
Nous chercherons à améliorer le texte sur l'hydroélectricité, l'agrivoltaïsme ou le biogaz.
Ce matin je posais la première pierre d'Euramétha, centrale de production de biogaz près d'Arras. En Allemagne, les boues d'épuration sont méthanisables depuis quinze ans !
Je suis persuadé que la solution réside dans la diversité du mix énergétique. Il aurait été plus logique d'en discuter dans un seul grand texte, comme l'a demandé le président Retailleau.
M. Bruno Retailleau. - On est d'accord.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Projeter un développement du parc nucléaire sur le long terme est une chose, assurer le redémarrage de la moitié de notre parc en est une autre.
La renationalisation d'EDF est une opportunité, mais à quelle échéance et à quel prix ?
La réforme du marché européen de l'électricité pourra-t-elle être mise en place avant que les conséquences pour nos concitoyens soient désastreuses ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) En septembre 2021, déjà, 12 millions de Français ne pouvaient pas se chauffer comme ils le souhaitaient.
Un an après, cette crise économique et géopolitique montre les lacunes systémiques de nos sociétés. Elle valide, ne vous en déplaise, le projet que les écologistes défendent depuis des années.
M. Bruno Retailleau. - C'est l'inverse !
M. Daniel Salmon. - Sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050 et ainsi respecter les accords de Paris est plus que jamais nécessaire.
L'abondance énergétique a une fin, nous le savons depuis des décennies. L'extractivisme se heurte à la finitude de la planète.
Différentes options sont sur la table. Réaffirmons qu'il n'y a pas de production d'énergie parfaitement propre, hormis celle que l'on ne consomme pas. Pour la production d'énergie, nous défendons le déploiement massif des énergies renouvelables qui atteindraient 100 % en 2050 et, en parallèle, la sortie du nucléaire. C'est techniquement possible. RTE l'envisage dans l'un de ses scénarios. Les énergies renouvelables sont les plus résilientes et les moins chères ; vous l'avez dit, elles sont compétitives et rentables.
Le retard de la France et l'absence d'anticipation sont particulièrement graves. Que de temps perdu ! Les énergies renouvelables, ce sont les énergies des territoires. Les habitants et les élus souhaitent prendre leurs responsabilités face aux crises. C'est pourquoi les politiques publiques doivent renforcer la concertation, l'implication et l'investissement. La dynamique citoyenne est essentielle, à condition de changer de braquet. Il faut plus de moyens pour les collectivités - bien plus que les 2 milliards d'euros du fonds Climat. Rappelons que les intercommunalités et les régions se sont vu octroyer des compétences en la matière sans aucun transfert de ressources.
Il faut développer l'ingénierie dans les territoires, en faveur de la planification énergétique. C'est tout le sens du service public des énergies renouvelables que nous défendons depuis longtemps.
La planification de la sobriété est également essentielle. C'est le seul moyen de réguler notre consommation tout en respectant la planète. Il ne s'agit pas de passer l'hiver, mais de respecter les accords de Paris et, incidemment, de sauver l'espèce humaine.
Deux ans après avoir raillé le « modèle amish », le Président de la République et le Gouvernement s'y mettent, à travers des mesures, certes, de bon sens, mais laissées à la volonté de chacun.
Madame la Première ministre, vous n'avez même pas rendu obligatoire l'indexation de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sur le respect de leurs objectifs environnementaux - contrairement à la promesse de campagne du Président de la République et à votre propre déclaration de politique générale.
Il faut remettre en cause les privilèges de certains. Que les pratiques des riches ne soient pas régulées est scandaleux.
Tant que Bernard Arnault pourra émettre avec son jet privé 176 tonnes de CO2 en un mois, soit l'équivalent de dix-sept ans de consommation d'un Français moyen, il y aura un problème.
Le plan du Gouvernement manque sa cible.
Face aux 5 millions de passoires thermiques, MaPrimeRénov' augmente seulement de 4 %, soit 100 millions d'euros - moins que l'inflation ! C'est bien trop peu.
Le Gouvernement reste aveugle à la nécessité d'un changement de paramètres, il ignore le contenu subversif de la notion de sobriété. Pourtant, une sobriété juste ne réduit pas le confort, mais accroît le bien-être.
Nous le devons aux générations futures et au vivant sur la terre. Il faut que chacun ait accès à une énergie abordable qui ne nuise ni aux écosystèmes ni à la santé. Réduire et partager, produire l'indispensable, voilà la philosophie des écologistes.
Madame la Première ministre, vous vous êtes engagée à reconstruire une filière photovoltaïque. Dépêchez-vous, car Photowatt est en train de mourir. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Il faut reconstituer une filière ; après le fiasco du nucléaire, nous ne pouvons que faire mieux. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Stéphane Ravier . - Le meilleur pour la fin ! Madame la Première ministre, vous vous êtes exprimée dans cette assemblée comme si vous étiez encore en mesure de décider quoi que ce soit. En réalité, depuis le traité européiste de Lisbonne, la politique énergétique est une compétence partagée avec la Commission européenne.
Notre pays, chef de file historique sur le nucléaire, aurait dû imposer ses vues, mais, par naïveté, il a cédé à trois forces : l'Allemagne, qui a fait le choix de la dépendance au gaz russe ; l'écologie punitive et médiatique pilotée par les grands lobbies américains (on se gausse sur les travées du GEST) ; le dogme de la concurrence libre et non faussée, qui a servi à sabrer EDF.
Vous voulez nous imposer des énergies renouvelables contre la démocratie locale, en demandant aux préfets de casser les plans locaux d'urbanisme (PLU) qui interdiraient l'implantation d'éoliennes. Vous avez limogé le P-DG d'EDF qui pointait votre responsabilité dans la situation actuelle - le limogeage semble devenir une méthode de gouvernement ! C'est pourtant EDF qui a racheté au printemps dernier les turbines nucléaires d'Alstom vendues en 2014 à l'américain General Electric par un certain Emmanuel Macron. Ce n'est pourtant pas Jean-Bernard Lévy qui a fermé Fessenheim ; c'est vous et vous en étiez fière.
En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées : la sobriété et le col roulé ! En voulant sortir des énergies fossiles, vous avez rouvert la centrale à charbon de Saint-Avold, vieille de 71 ans.
En voulant sanctionner Poutine, votre Europe s'est déshonorée en signant un accord de livraison de gaz avec l'Azerbaïdjan, soutenant ainsi la guerre contre l'Arménie.
Le nucléaire est notre force, contrairement à l'éolien qui saccage nos paysages pour une production dérisoire et intermittente. Les EPR sont victimes du sous-investissement chronique. Il ne faut pas oublier de protéger notre filière hydraulique, menacée de libéralisation.
La France n'est responsable que de 1 % des émissions de gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement climatique. Je vous invite à vous dépolluer l'esprit des prêches des talibans verdoyants, et à supporter les conséquences de vos erreurs plutôt que de les faire endosser aux Français !
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci pour ce débat qui a traité de l'essentiel, c'est-à-dire de l'avenir.
J'ai entendu quelques critiques.
M. Fabien Gay. - Légitimes !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Je voudrais revenir à la réalité de l'état actuel des centrales nucléaires en France. Pour faire durer les centrales nucléaires, il faut les entretenir.
Le désinvestissement massif dans les centrales nucléaires a commencé dans les années 2000 - sous les quinquennats de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. (Protestations à droite)
M. Stéphane Piednoir. - C'était en 1997 !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - C'est la Cour des comptes qui le dit : la disponibilité des centrales s'est effondrée entre 2005 et 2009. (Applaudissements sur les travées du RDPI).
Il y a aussi eu le choc de Fukushima, qui a conduit le Japon, la Belgique et l'Allemagne à renoncer au nucléaire.
M. Max Brisson. - C'est toujours la faute des autres !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - La Belgique est revenue sur ce choix, mais pas l'Allemagne. Même la France s'est interrogée à l'époque. Le président Sarkozy a ainsi décidé d'abandonner le projet d'EPR de Penly...
M. Bruno Retailleau. - Ne dites pas de mal de Nicolas Sarkozy !
M. Cédric Perrin. - C'est votre meilleur allié !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Certains veulent tuer le père ; moi, je fais le bilan des politiques nucléaires. La réalité, c'est que la France a gardé 56 réacteurs sur 58, qu'elle est le seul pays industrialisé à avoir gardé le cap malgré un accident historique...
Mme Sophie Primas. - Et les fermetures ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Oui, nous en avons fermé deux.
M. Cédric Perrin. - Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - La réalité, c'est qu'Emmanuel Macron est celui qui a sauvé Framatome...
M. Max Brisson. - Grotesque !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Celui qui a sauvé Areva, recapitalisé EDF...
M. Cédric Perrin. - Il a aussi sauvé General Electric ?
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Quand nous avons protégé les Français avec le bouclier énergétique, nous avons aussi protégé EDF, sur les deniers publics. (M. Fabien Gay s'indigne.)
La réalité, c'est que c'est le Président de la République qui, en février dernier à Belfort, a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs EPR...
M. Max Brisson. - Lamentable !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - ... et la mise à l'étude de huit autres, soit, monsieur Gremillet, quatorze réacteurs en tout.
M. Cédric Perrin. - C'est de l'autopersuasion !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - La réalité, c'est que la renationalisation d'EDF n'est en aucun cas un démantèlement : nous n'avons jamais évoqué cette possibilité (M. Fabien Gay proteste). Il s'agit d'une reprise en main industrielle de notre opérateur national.
En juin 2018, j'ai visité l'EPR de Flamanville avec Mme Primas et M. Maurey : on nous annonçait alors un lancement en janvier 2019. Oui, ce projet est une déception énorme. Lancé en 2000, il a été confirmé par tous les gouvernements successifs, du bout des lèvres ou avec plus de conviction, mais n'a pas abouti.
Il faut reprendre en main notre opérateur national pour pouvoir en être fier à nouveau et financer les projets nucléaires, mettre en place une quasi-régie pour reprendre le contrôle des barrages et investir plus massivement dans les énergies renouvelables.
D'aucuns nous reprochent de mettre la charrue avant les boeufs en rouvrant la centrale de Saint-Avold avant d'évoquer la PPE. Mais que n'aurions-nous pas entendu si nous avions passé l'été à parler de programmation pluriannuelle à l'horizon de 2024 ou 2029 quand l'inquiétude était de savoir si nous aurions du gaz cet hiver ?
La réalité, c'est que nous avons assez de gaz en Europe pour répondre au risque de rationnement, que personne ne verra arriver.
M. Stéphane Ravier. - Avec l'Azerbaïdjan !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Notre ambition est de développer le nucléaire et le renouvelable. N'en déplaise à M. Salmon, il faut les deux, sauf dans le scénario extrême de RTE, auquel nous préférons les scénarios centraux, combinant nucléaire et renouvelable, hydraulique et agrivoltaïsme, en cohérence avec les voeux du Sénat, et, pourquoi pas, géothermie.
Nous sommes donc à l'offensive pour développer une politique énergétique ambitieuse.
Certains demandent une suppression de l'Arenh.
M. Fabien Gay. - Et ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - J'espère qu'ils plaisantent : le supprimer, ce serait mettre l'industrie française à genoux !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est faux !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Aujourd'hui, les ménages français paient l'électricité à un tarif inférieur au tarif européen. Nous sommes partiellement sortis du marché. Le tarif préférentiel des industriels reflète lui aussi l'avantage concurrentiel d'EDF. L'industrie française continuera à bénéficier d'une énergie compétitive et décarbonée, alors merci l'Arenh !
M. Fabien Gay. - Vous êtes bien le dernier en France à dire cela...
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Heureusement que nous l'avons.
Oui, monsieur Retailleau, il va falloir découpler les tarifs du gaz et de l'électricité. La seule manière de mettre en oeuvre la solidarité nationale, c'est de le faire entre Européens.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On peut attendre...
M. Stéphane Ravier. - Avec l'Azerbaïdjan ? Bravo !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Pour les collectivités territoriales, il y a la hausse de la DGF, l'aide aux collectivités territoriales les plus en difficulté...
Mme Céline Brulin. - Elles sont toutes en difficulté...
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Pas toutes, madame la sénatrice.
Nous devons développer des filières industrielles dans le photovoltaïque, ...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Photowatt !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - ... le nucléaire et l'éolien, et investir dans l'innovation pour développer des filières françaises d'industrie décarbonée. Nous pourrons ainsi fermer les sites nucléaires de manière moins dispendieuse qu'Astrid.
Travaillons ensemble à l'avenir de la politique énergétique française ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP ; M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Je salue l'ensemble des orateurs. Les interventions étaient plus fortes en idées qu'en polémiques.
Depuis des années, nous cherchons le moyen de réduire notre dépendance et avançons vers la sortie des énergies fossiles. Il y a consensus : nous devons accélérer.
Là n'est pas notre seule convergence : nous sommes tous convaincus que la transition énergétique devra préserver le pouvoir d'achat des Français et conforter la compétitivité de notre économie.
Monsieur Gay, nous sommes déterminés à lutter contre la précarité énergétique. C'est ce que nous faisons avec le chèque énergie pour les 40 % de Français les plus modestes. Mais aussi, monsieur Corbisez, avec MaPrimeRénov' et le maintien de la prime à la conversion.
Nous nous accordons aussi pour reconquérir notre souveraineté énergétique. Nous devons maîtriser notre production. Monsieur Retailleau, le bouclier tarifaire pour le gaz sera prolongé au-delà du 1er juillet. Nous travaillons depuis des semaines à étendre le modèle ibérique à l'échelle européenne. Contrairement à l'Espagne, nous ne sommes pas une péninsule : nous sommes fortement interconnectés aux autres réseaux.
Monsieur Gay, nous voulons aussi une réforme durable du marché de l'électricité, fondée sur le découplage.
J'ai aussi entendu certaines caricatures et procès d'intention. Point n'est besoin de s'y étendre.
Ce n'est pas sur quelques années que se joue la transformation de la filière nucléaire, mais sur des dizaines d'années. Au cours des vingt-cinq dernières années, les alternances politiques se sont succédé. Il a pu y avoir des erreurs ; du moins sont-elles partagées.
La France a fait le choix de préserver son parc nucléaire et d'y investir, contrairement à certains de ses voisins ; soyons fiers de la confiance que nous y avons toujours placée et ayons confiance en EDF, qu'il ne saurait être question de démanteler.
Un mix diversifié nous protège et garantit notre souveraineté. Il n'y a pas d'énergie sans défaut. Le nucléaire est la voie de l'efficacité, de la souveraineté et de la neutralité carbone, mais ce n'est pas une énergie tout à fait banale - le chantage russe autour de la centrale de Zaporijjia nous le rappelle. Les énergies renouvelables sont indispensables, mais intermittentes et posent des problèmes d'acceptabilité. En effet, madame Saint-Pé, elles sont aussi un complément de revenu pour nos agriculteurs.
Nous examinerons dans les prochaines semaines deux projets de loi d'urgence. Sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), nous lancerons une concertation sur le grand projet de loi Énergie-Climat.
Comptez sur moi et mon gouvernement pour écouter chacun et chercher des compromis. Sur l'énergie en particulier, ils sont à notre portée ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC)
Prochaine séance demain, jeudi 13 octobre 2022, à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 50.
Mercredi 12 octobre 2022 |
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Bas sommaire |
Sommaire
Questions d'actualité1
Rentrée sociale1
M. Patrick Kanner1
Mme Élisabeth Borne, Première ministre1
Pénurie de carburant2
M. Éric Gold2
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement2
Coupe du monde de football au Qatar2
M. Thomas Dossus2
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques2
Pénurie de médicaments2
Mme Colette Mélot2
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention2
Hausse des prix de l'énergie pour les entreprises2
Mme Sophie Primas2
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie2
Crise énergétique dans la filière agricole2
Mme Nathalie Goulet2
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire2
Revendications des salariés des raffineries pétrolières2
M. Éric Bocquet2
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement2
Santé à Wallis-et-Futuna2
M. Mikaele Kulimoetoke2
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention2
Compétitivité de notre agriculture2
M. Laurent Duplomb2
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire2
Réforme de la police judiciaire2
M. Jérôme Durain2
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer2
Propos du ministre de l'éducation nationale2
M. Jacques Grosperrin2
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse2
Médecins extracommunautaires2
M. Pierre-Antoine Levi2
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé2
Ministres cumulards2
M. Olivier Paccaud2
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer2
Soutien de la France à l'Ukraine2
Mme Gisèle Jourda2
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères2
École inclusive2
M. Cédric Vial2
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse2
Investissements dans le rail2
Mme Daphné Ract-Madoux2
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports2
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)2
Discussion des articles (Suite)2
RAPPORT ANNEXÉ (Suite)2
APRÈS L'ARTICLE PREMIER2
ARTICLE 22
M. Marc Laménie2
Mme Nathalie Delattre2
M. Guy Benarroche2
ARTICLE 32
M. Jérôme Bascher2
ARTICLE 42
APRÈS L'ARTICLE 42
ARTICLE 5 (Supprimé)2
APRÈS L'ARTICLE 52
ARTICLE 62
Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France2
Mme Élisabeth Borne, Première ministre2
M. Bruno Retailleau2
M. Franck Montaugé2
Mme Denise Saint-Pé2
M. Didier Rambaud2
M. Fabien Gay2
M. Franck Menonville2
M. Daniel Salmon2
M. Stéphane Ravier2
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie2
SÉANCE
du mercredi 12 octobre 2022
5e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Rentrée sociale
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la Première ministre, le 27 juillet dernier, je vous ai fait part de ma vive préoccupation pour la rentrée sociale ; je vous ai proposé une revalorisation du Smic et l'organisation d'une grande conférence salariale. Vous m'avez répondu préférer la voie des accords de branche.
Le désordre s'installe, la colère gronde : une crise sociale généralisée est sur le pas de tir, dont la crise des carburants est le premier étage. Les inégalités se creusent, et ce n'est que le début.
Réquisitionner autoritairement les salariés sans responsabiliser les employeurs ne rétablira pas la paix sociale. Aucune prime, fût-elle Macron, ne remplacera une revalorisation durable des salaires !
Vous n'anticipez plus : vous collez des rustines, coûteuses pour la collectivité, tout en continuant d'exonérer les plus aisés. Pendant que les pompes s'assèchent et que l'inflation siphonne le pouvoir d'achat, les dividendes ruissellent... Certaines entreprises triplent leurs bénéfices en profitant de la crise, mais n'augmentent pas leurs salariés. Aberrant !
Résignation ou combat pour la justice sociale : quel camp choisissez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Laurence Cohen et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que M. Thomas Dossus, applaudissent également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Je vous remercie pour vos propos équilibrés et modérés...
Dans le cadre du projet de loi de finances, nous vous proposerons de taxer les profits exceptionnels, notamment des compagnies pétrolières. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)
M. David Assouline. - Très peu...
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Moi aussi, j'échange régulièrement avec des salariés et des fonctionnaires, avec les syndicats et les chefs d'entreprise. Tous me le disent : les Français veulent vivre de leur travail. C'est aussi la conviction de mon gouvernement, car le travail, c'est la dignité et l'émancipation.
M. Rachid Temal. - C'est le salaire, aussi !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous avons pris des mesures fortes pour protéger le pouvoir d'achat. Ainsi du bouclier tarifaire, mesure la plus protectrice d'Europe. (Murmures à gauche et sur certaines travées à droite) Nous agissons pour que le travail paie toujours mieux : nous avons supprimé certaines cotisations sociales et augmenté la prime d'activité.
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Les salaires !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Cet été, nous avons pris des mesures supplémentaires : revalorisation de la prime d'activité, prime de partage de la valeur, déblocage facilité de l'épargne salariale. Grâce à ces dispositifs, les salariés bénéficient des richesses qu'ils contribuent à créer.
Vous me parlez des salaires. Notre dispositif de protection du salaire minimal est le plus protecteur : en un an, le Smic a été revalorisé de 8 %, soit plus que l'inflation, qui est de 6 %. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. David Assouline. - En Espagne, c'est 20 % !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Cette revalorisation doit conduire les branches professionnelles à revoir leurs grilles salariales. Plus de 500 accords de branche ont été signés depuis le début de l'année. La dynamique est là, elle doit se prolonger. Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires.
Nous croyons profondément au dialogue social : c'est de lui que viendra la réponse. Mais le dialogue social, ce n'est pas bloquer le pays, c'est chercher des compromis et respecter les accords majoritaires ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)
M. Patrick Kanner. - Pour les ménages modestes, l'inflation n'est pas de 6, mais de 13 ou 14 %.
Comment faire comprendre aux salariés de Total, qui demandent une revalorisation de 10 %, que leur patron, M. Pouyanné, ait augmenté son propre salaire de 52 % ? Vous ne combattez pas ces injustices : vous êtes faibles avec les forts et forts avec les faibles ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE et du GEST)
Pénurie de carburant
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Crise sanitaire, crise économique, guerre en Europe, inflation : depuis plus de deux ans, les Français vivent dans un contexte particulièrement anxiogène, avec une résilience remarquable.
Résultat de la grève des raffineries et d'une mauvaise anticipation des effets de la remise à la pompe, la pénurie de carburant donne le coup de grâce à une partie de la population, qui ressent douloureusement la fracture sociale et territoriale : ceux qui n'ont pour se déplacer que leur voiture.
Sans doute, des usagers se sont rués sur les stocks d'essence de manière irresponsable. Mais la réalité est là : stations-service prises d'assaut, professionnels incapables de travailler.
Certes, l'État n'est pas l'acteur principal des négociations en cours ; mais s'agissant d'un bien stratégique et alors que la paralysie menace, il a l'obligation de s'en mêler.
Hier, vous avez annoncé que les préfets pourraient réquisitionner les salariés de certaines raffineries. Comment comptez-vous faire ? Ne craignez-vous pas que la justice vous oppose la liberté fondamentale de faire grève ? Quelles autres pistes envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Depuis le début de cette crise sociale, le Gouvernement doit face à des tensions pénalisantes pour des millions de nos concitoyens. Nous importons des carburants, notamment depuis la Belgique, puisons dans nos réserves stratégiques et organisons des norias de camions-citernes.
Cela ne suffit pas, nous en avons conscience. Nous souhaitons que le dialogue social aboutisse, pour que les blocages cessent.
Il faut distinguer deux situations. Chez Exxon, un accord majoritaire a été signé, mais il n'a pas été respecté par la CGT : l'État a pris ses responsabilités, et les arrêtés de réquisition devraient être opérationnels aujourd'hui. Chez Total, des négociations ont été ouvertes, auxquelles la CGT...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - La CGT et FO !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - ... la CGT et FO, en effet, semblent avoir décidé de participer.
Nous sommes très attentifs à l'évolution des discussions et aux déblocages que nous appelons de nos voeux. L'État se tient prêt, là aussi, à prendre ses responsabilités.
Le retour à la normale peut prendre un peu de temps, mais la situation s'améliorera de façon visible dans les jours à venir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Coupe du monde de football au Qatar
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La 22e Coupe du monde de football est sur le point de s'ouvrir, au Qatar. La fête aurait dû être belle pour la France, car nous avons une équipe de très haut niveau.
Pourtant, le malaise, voire le dégoût, grandit. Une troisième étoile sur le maillot bleu vaut-elle toutes les compromissions ?
En 2010, Mbappé n'avait que 12 ans quand Nicolas Sarkozy oeuvrait avec succès pour que la monarchie qatarie remporte l'organisation de l'événement.
Douze ans plus tard, la plus grande compétition de football va s'ouvrir sur les cadavres de 6 500 travailleurs morts en construisant des stades climatisés. Douze ans plus tard, les minorités sexuelles sont toujours persécutées au Qatar, les femmes n'y sont pas libres et l'esclavage y perdure. Douze ans plus tard, on s'obstine dans le déni climatique, en dépit des alertes et des catastrophes.
La France va mettre son savoir-faire en matière de sécurité au service de la dictature qatarie en envoyant 220 gendarmes et agents de sécurité civile - des hommes, pour ne pas heurter le rigorisme des émirs.
Je vous pose la question que j'avais posée à votre prédécesseur au moment des jeux Olympiques au pays du génocide ouïghour : si nos joueurs n'ont pas à assumer les choix politiques de la France, allez-vous, sur le plan diplomatique, boycotter cette Coupe du monde de la honte ? Ferez-vous enfin du sport français le vecteur d'une diplomatie au service du climat et des droits humains ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Joël Bigot et Yannick Vaugrenard applaudissent également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - L'attribution de la Coupe du monde au Qatar a été décidée par la Fifa voilà douze ans.
Alors que l'urgence écologique est plus prégnante que jamais, le Qatar doit tout faire pour atteindre son objectif de neutralité carbone. (M. Thomas Dossus se gausse ; on ironise sur de nombreuses travées à gauche.) Il peut s'appuyer sur un système de transports ambitieux, bâti avec l'expertise française, et des investissements dans les énergies renouvelables.
Nous encourageons le Qatar à mettre en oeuvre pleinement l'accord de Paris. Nous sommes engagés avec ce pays dans des coopérations techniques pour accélérer ses efforts et nous espérons qu'il présentera, dans la perspective de la COP27, une contribution nationale rehaussée et une stratégie plus ambitieuse en matière de limitation du réchauffement climatique.
La France se bat en faveur des droits humains sur les plans bilatéral et multilatéral, à l'Organisation internationale du travail et avec des ONG comme Human Rights Watch et Amnesty International. La législation du Qatar a commencé à évoluer, mais c'est insuffisant. Nous promouvons le respect des droits humains dans toutes nos relations avec ce pays.
Vous avez raison : la question se pose du modèle que nous voulons pour les futurs grands événements internationaux.
M. le président. - Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - La Fifa souhaite un renforcement des critères environnementaux.
M. le président. - Il faut conclure !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - En ce qui nous concerne, nous serons au rendez-vous en 2024, avec les jeux Olympiques et Paralympiques les plus écologiques de l'histoire. (Son micro ayant été coupé, la ministre poursuit quelques instants sans être entendue.)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Une autre pénurie menace la France : celle des médicaments.
Une alerte récente de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) porte sur les traitements les plus courants du diabète de type 2. C'est l'arbre qui cache la forêt : les ruptures d'approvisionnement dans les officines ont quasiment doublé depuis le début de l'année ; les médicaments contre l'hypertension et le cancer sont aussi concernés. Les témoignages de terrain sont clairs : il manque de plus en plus de molécules chez les pharmaciens.
En 2018, dans le cadre d'une mission d'information demandée par notre groupe, Jean-Pierre Decool avançait des pistes d'amélioration. Depuis lors, la situation s'est aggravée sous l'effet des tensions liées à la pandémie et à la guerre en Ukraine.
Nombre de médicaments viennent d'Asie, et les matières premières se trouvent quasiment toutes en dehors de l'Europe. Nous devons produire nos propres médicaments et améliorer les chaînes de distribution. Il y va de notre souveraineté.
Quelles mesures conjoncturelles et structurelles comptez-vous prendre pour éviter des drames humains ? L'échelon européen n'est-il pas incontournable ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Le médicament est un secteur stratégique. Nous devons renforcer notre capacité d'innovation et produire davantage en attirant des industries étrangères, afin d'éviter les pénuries et garantir notre souveraineté.
Comme s'y était engagé le Président de la République, nous consacrons 10 milliards d'euros à l'innovation, notamment dans le cadre du plan France 2030, et nous favorisons l'accès de nos concitoyens aux médicaments très innovants.
Ce secteur est en forte croissance. L'an prochain, la sécurité sociale y consacrera 800 millions d'euros supplémentaires. Ce n'est pas incompatible avec les efforts, justes et proportionnés, que nous demandons à cette industrie, financée par l'argent des Français. Nous travaillons avec elle à une restructuration de l'ensemble du secteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDPI)
Hausse des prix de l'énergie pour les entreprises
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Avec Serge Babary, je me fais la porte-parole de tous les chefs d'entreprise qui nous saisissent sur nos territoires. Tétanisés par l'explosion des coûts de l'énergie, beaucoup jugent préférable de réduire leur production, voire de fermer leurs usines plusieurs mois. À nouveau, notre souveraineté industrielle, économique et alimentaire est en danger.
Tous les secteurs sont frappés, toutes les tailles d'entreprise. Les chefs d'entreprise sont dans une impasse : soit ils signent des contrats à des conditions insoutenables, soit ils ne signent rien avant la fin octobre, comme le Président de la République le leur a suggéré, et prennent le risque d'être sans énergie au 1er janvier.
Le marché est sans repères, et personne ne semble vouloir prendre par la bride ce cheval devenu fou. Les chefs d'entreprise sont seuls. L'un d'eux m'a écrit hier : « nous mourons de mort subite, qu'attendent-ils ? »
Le bouclier mis en place pour les entreprises électro-intensives et les TPE est sous-dimensionné, les critères d'éligibilité trop stricts. Des boulangers ferment parce qu'ils n'ont pas le bon compteur ou parce que leur four est trop puissant...
Quel soutien simple, massif et rapide comptez-vous apporter à nos entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - J'entends les mêmes alertes sur le terrain. Oui, des entreprises recourent à l'activité partielle ou l'envisagent.
Avec Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, je m'efforce de trouver des solutions. De nouvelles mesures seront prises dans les prochains jours.
Au niveau européen, nous travaillons à découpler les prix du gaz et de l'énergie.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. - Enfin !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Nous entendons aussi amplifier et simplifier le dispositif d'aide dit Ukraine.
Au niveau local, j'ai demandé aux commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises de les aider à négocier avec leurs fournisseurs. Nous avons signé une charte avec ces derniers, par laquelle ils s'engagent à fournir des offres compétitives.
Enfin, j'en appelle à la solidarité des filières, pour que notre industrie ne soit pas la victime collatérale de la guerre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Crise énergétique dans la filière agricole
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Après Mme Primas, voici le deuxième clou du cercueil...
La filière agricole est lourdement frappée par la crise énergétique, or les agriculteurs ont le sentiment d'être injustement oubliés.
Si rien n'est fait, la coopérative Biocer, présente dans l'Eure et dans l'Orne, verra sa facture énergétique passer de 285 000 à plus de 1 million d'euros. C'est insoutenable.
Je songe aussi à la filière équine, chère au président Larcher. Les agriculteurs récemment installés sont particulièrement exposés, car les dispositifs sont mal adaptés à leur situation. De nouveaux drames personnels sont à craindre.
Notre souveraineté alimentaire est en péril : comment comptez-vous soutenir nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat et M. André Reichardt applaudissent également.)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Le secteur agricole se caractérise par sa saisonnalité et l'impossibilité de rompre la chaîne de production.
Nous cherchons avec vous des solutions pour Biocer.
À court terme, les fournisseurs ont signé une charte qui les oblige à fournir une offre et à conseiller leurs clients. Au niveau européen, nous attendons une réponse dans les prochains jours sur la décorrélation qu'a évoquée Roland Lescure ; ce sera un levier puissant. L'aide aux entreprises énergo-intensives est simplifiée, ce qui bénéficiera par exemple au secteur de la betterave, et ses montants doublés.
À moyen et long terme, nous devons réduire notre dépendance, notamment aux intrants azotés.
Telle est notre action au service de l'ensemble des filières agricoles et agroalimentaires. Nous sommes mobilisés au quotidien pour répondre à leurs besoins. (Applaudissements sur les travées du RDPI, sur des travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Mme Nathalie Goulet. - Il faut un guichet unique pour les entreprises au niveau régional, intégrant BPI France, la Banque des territoires et la Mutualité sociale agricole.
Mme la Première ministre a annoncé une taxe bienvenue sur les superprofits : celle-ci pourra servir aussi à améliorer le soutien aux filières agricoles.
Il y a urgence, notamment pour les jeunes agriculteurs, qui, faute d'ancienneté, sont exclus des boucliers. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Revendications des salariés des raffineries pétrolières
M. Éric Bocquet . - Pendant que nos compatriotes voient avec effarement tourner le compteur des pompes à essence, les actionnaires voient avec ravissement grimper les chiffres des dividendes.
TotalEnergies n'en finit plus de s'enrichir, y compris grâce à l'argent public du bouclier tarifaire : le mois dernier, ses actionnaires ont perçu un dividende exceptionnel de 2,6 milliards d'euros. Demain, ce sera TotalBénéfices...
Les salariés demandent légitimement leur part. Satisfaire leurs revendications coûterait 140 millions d'euros, soit 1,4 % des profits du groupe au premier semestre 2022...
À l'évidence, compter sur la bonne volonté ne suffit pas. D'autant que le Gouvernement menace de réquisitionner les salariés. Il est temps de faire pression sur les directions de TotalEnergies et d'ExxonMobil ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER)
M. Olivier Véran, ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je vous sais, de par votre appartenance politique, plus attaché que quiconque à la qualité du dialogue social. (Murmures à droite)
Dans la situation actuelle, un accord majoritaire a été conclu pour une hausse de salaires, mais un syndicat minoritaire...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Deux syndicats !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Deux syndicats, certes, mais minoritaires.
M. Pascal Savoldelli. - Et vous alors ? Vous êtes minoritaires partout !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Non-signataires, ces syndicats bloquent l'outil de travail. Vous percevez bien ce que cette situation a d'inhabituel et de non conforme au droit social. Pour le Gouvernement, cela justifie le recours à des réquisitions.
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
M. Olivier Véran, ministre délégué. - Nous distinguons cette situation de celle d'un autre groupe, où un accord n'a pas encore été trouvé.
J'insiste : nous parlons, dans le premier cas, d'un accord signé en bonne et due forme par des syndicats majoritaires.
M. Éric Bocquet. - Les salariés concernés ne demandent pas une augmentation de 52 % - celle que le PDG de TotalEnergies s'est octroyée. Leur demande est légitime en cette période de forte inflation.
Les 200 millions d'euros que rapportera votre taxe sur les superprofits sont très loin du compte. Il faut une taxation supérieure pour aider salariés, retraités, entreprises et collectivités territoriales.
Bruno Le Maire a dit préférer le ciblage au saupoudrage. Nous, nous préférons le partage au bricolage ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur des travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Santé à Wallis-et-Futuna
M. le président. - Je salue les élus de Polynésie présents dans la tribune d'honneur. (Applaudissements)
M. Mikaele Kulimoetoke . - Je salue l'action du Gouvernement, en particulier du ministre Carenco, qui a reçu avec bienveillance les élus de Wallis-et-Futuna. Je me félicite aussi de l'impulsion donnée à la reprise des travaux du quai de Leava.
J'attire l'attention sur la situation sanitaire dans l'archipel. Depuis 2005, l'agence de santé n'a lancé aucune politique de prévention. Résultat : le diabète et les maladies cardiovasculaires se sont développés. Dans un rapport de 2019, l'Igas a pourtant recommandé le renforcement de la prévention.
La conférence de santé associant les instances locales et la population aura-t-elle bien lieu au premier semestre 2023 ?
Par ailleurs, le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation doit permettre de restaurer la confiance entre la population et l'agence de santé, alors que nos sensibilités locales ne sont pas entendues et que les professionnels fuient le territoire.
En particulier, les dialysés ont besoin du renouvellement de huit générateurs d'hémodialyse et d'un véhicule adapté pour leurs déplacements. Et qu'en est-il du projet d'Ehpad ?
Nous avons besoin d'une organisation des soins adaptée aux besoins de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - J'ai marqué, dès mon entrée en fonction, mon attachement aux territoires ultramarins. Wallis-et-Futuna ne sera pas laissée pour compte.
Les problèmes sont sur le terrain, les solutions aussi. Le Conseil national de la refondation Santé jouera pleinement son rôle à Wallis-et-Futuna en associant élus, citoyens et professionnels, sous l'égide de l'agence de santé. La conférence de santé se tiendra dans ce cadre.
La prévention est essentielle : quatre cancers et huit maladies cardio-vasculaires sur dix pourraient être évités par de bons comportements. À la suite du rapport de l'Igas, nous allons créer un pôle de santé publique au sein de l'agence.
Je vais examiner la question des générateurs d'hémodialyse. Les travaux du centre d'hémodialyse de Futuna seront achevés à la fin de l'année prochaine. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Compétitivité de notre agriculture
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Production de pommes divisée par deux, explosion des importations de poulets polonais et de tomates marocaines, recul des surfaces de blé et du cheptel laitier... La ferme France produit de moins en moins. Depuis 2017, vous misez tout sur la montée en gamme, avec plus de contraintes et de charges, quitte à importer davantage.
Vous mettez en danger notre souveraineté alimentaire en condamnant nos concitoyens à acheter étranger. On marche sur la tête !
Manque de compétitivité, coût de la main-d'oeuvre, surtranspositions, suradministration, accords de libre-échange néfastes, climat politico-médiatique délétère : voilà le mal français !
Il faut agir, monsieur le ministre. Qu'allez-vous faire pour inverser la tendance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Je salue la qualité de votre récent rapport ; avec honnêteté, il pose un diagnostic sur une période de plus de trente ans, qui a vu passer six Présidents de la République et dix-sept ministres de l'agriculture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Le sujet de la souveraineté n'est donc pas nouveau.
Depuis 2017, nous nous sommes d'abord attachés à la question de la rémunération. Grâce aux lois EGalim I et II, nous avions obtenu une augmentation des rémunérations agricoles, qui est la clé du maintien du monde agricole.
Nous investissons massivement : 1,5 milliard d'euros du plan France Relance, intégralement consommés, pour moderniser l'outil de production, 3 milliards d'euros du plan France 2030 pour l'innovation et la recherche.
La souveraineté passe aussi par l'eau. Le Varenne de l'eau a solidifié le système assurantiel, l'adaptation des pratiques et l'accès à l'eau. Sans eau, pas d'agriculture !
Enfin, il faut travailler sur l'adaptation au dérèglement climatique des modèles de production et donner des perspectives aux nouvelles générations. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Sophie Primas. - Et la compétitivité ?
M. Laurent Duplomb. - Beaucoup de mots, peu d'action. Je ne suis pas énarque, juste paysan et comme beaucoup, j'en ai marre de la technocratie abrutissante. Plutôt que la décroissance, il faut un choc de compétitivité.
Après la comédie du col roulé et de la doudoune, enfilez donc vos bottes, madame la Première ministre, pour comprendre la situation de l'agriculture ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
Réforme de la police judiciaire
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La commission des lois du Sénat a créé une mission d'information sur l'opportunité de la réorganisation de la police judiciaire.
La mobilisation de la police judiciaire (PJ) ne faiblit pas. Fâché par une vidéo, le directeur général de la police nationale a limogé le patron de la PJ marseillaise. Résultat, la contestation s'étend ; même la PJ parisienne, non concernée, soutient le mouvement. Le ministre de l'intérieur impute ces tensions à la proximité des élections syndicales et dit être soutenu par les syndicats. Pourtant, hier, même les très discrets procureurs généraux ont condamné une réforme qu'ils considèrent comme une remise en cause de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle dans un État de droit.
N'est-ce pas le moment de revoir votre copie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Le Sénat examine en ce moment même la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dans un esprit constructif.
La réforme de la police nationale est attendue depuis trente-cinq ans, elle a été demandée par au moins sept rapports sénatoriaux, et initiée par le ministre Joxe. Celui-ci précisait devant le Sénat, le 26 novembre 1990, que le rattachement à un directeur départemental de la police nationale ne portait en rien atteinte au principe selon lequel la PJ est à la disposition de la justice et travaille sous le contrôle du parquet. Je vous renvoie au compte rendu !
Le préfet aura autorité sur les services de la PJ, comme sur les autres fonctionnaires, jusqu'au moment où ces derniers se trouvent placés sous l'autorité de la justice. À cet égard, rien ne change.
Il est vrai que M. Pasqua a mis fin à cette excellente réforme... (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jérôme Durain. - Vous parlez d'il y a trente ans, je vous parle d'aujourd'hui. Il y a un problème de méthode, à tout le moins. Les policiers redoutent que ce rattachement au préfet ne conduise à abandonner les enquêtes complexes, relatives à la criminalité organisée, face au flux des affaires quotidiennes.
À part le ministre de l'intérieur, personne ne soutient cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Propos du ministre de l'éducation nationale
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'éducation nationale, trois mois après votre nomination, mes inquiétudes restent vives.
Le Président de la République a lancé lui-même l'année scolaire en réunissant les recteurs. Est-ce le rôle du chef de l'État ? Cette verticalité interroge sur votre rôle et vos marges de manoeuvre. Rupture ou continuité avec votre prédécesseur ?
Les faits vous rattrapent : à la rentrée, il n'y avait pas un enseignant devant chaque classe, ou alors parfois formé en quatre jours.
Face au désenchantement général des enseignants, à la hausse des atteintes à la laïcité, votre communication prudente est insuffisante. La communauté éducative a besoin de directives claires, de soutien ferme.
Vous avez récemment fait, aux États-Unis, des déclarations polémiques sur la France. Non, monsieur le ministre, la France n'est pas raciste. N'abîmez pas notre image à l'étranger. Cessez de vous positionner en universitaire militant : soyez ministre ! Votre wokisme de salon (murmures à gauche) est incompatible avec vos responsabilités politiques. Quelle est votre vision de l'école ? Où voulez-vous emmener nos enfants et les professeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je veux bien répondre à nouveau, mais en deux minutes il est difficile de développer une réflexion. Mieux vaut éviter les citations approximatives.
J'ai déjà dit que, enfant de la République, je devais tout à l'école publique. Je suis de ceux qui estiment que la lutte contre les discriminations, le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, n'affaiblit pas la République mais la renforce. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et du groupe SER ; Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Esther Benbassa et Nassimah Dindar applaudissent également.)
Il s'agit d'exprimer concrètement notre attachement aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, laïcité.
M. Jean-Raymond Hugonet. - La laïcité n'est pas une « valeur » !
M. Pap Ndiaye, ministre. - La loi de 2004 sera respectée.
Je suis attaché à une République fidèle à ses valeurs, celles des droits humains, qui les affiche au frontispice de ses édifices et surtout, qui les met en oeuvre. (Mme Esther Benbassa applaudit.) En tant que ministre, je tiens à la mise en oeuvre concrète des politiques de cohésion sociale, de réussite pour tous les élèves et d'égalité des chances. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du GEST, du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mmes Esther Benbassa et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. Max Brisson. - Des actes !
M. Jacques Grosperrin. - Ici, monsieur le ministre, nous sommes tous des enfants de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous n'avez pas répondu sur votre vision de l'école. Vous ne répondez pas à l'effondrement des connaissances, à la crise de la transmission, aux immenses défis posés à l'école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Médecins extracommunautaires
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La fin du numerus clausus ne produira pas tout de suite ses effets. Confrontés au fléau des déserts médicaux, les maires cherchent à faire venir des médecins extracommunautaires mais se heurtent à des difficultés administratives insurmontables, au point parfois d'abandonner les démarches...
Un exemple : la commune de Latour-de-France, dans les Pyrénées-Orientales, n'a plus de généraliste depuis octobre 2021. Le maire a trouvé un médecin libanais, expérimenté et formé en France, prêt à s'installer. Mais le ministère de la santé bloque le dossier !
Face à la pénurie, ne peut-on simplifier les procédures administratives, multiplier les concours d'évaluation des compétences ? Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé prévoit la reconnaissance des Padhue (praticiens à diplôme hors Union européenne) via deux procédures distinctes : une régularisation pour le « stock » de médecins présents avant 2019 ; un examen de vérification des connaissances et un parcours de consolidation de la pratique pour le « flux ».
La crise sanitaire a hélas empêché la tenue des commissions d'autorisation. Au 1er octobre 2022, il reste 2 400 dossiers en souffrance. Nous allons renforcer les effectifs pour traiter ces dossiers avant la date butoir - qui sera reportée au 31 mars 2023 par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En lien avec les ARS, le Conseil national de l'Ordre, le Centre national de gestion et le syndicat des Padhue, nous travaillons à améliorer cette gestion du flux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Ministres cumulards
M. Olivier Paccaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cohérence et bon sens n'ont jamais nui à un Gouvernement.
Alors que nos concitoyens exigent une République exemplaire, je m'étonne que, au mépris d'une règle certes informelle mais ancienne, plusieurs ministres de votre Gouvernement n'aient pas encore abandonné leurs mandats exécutifs locaux pour se consacrer entièrement à leur mission. Pour les parlementaires, le non-cumul est inscrit dans la loi - que vous avez refusé d'assouplir.
Pourtant, il reste des ministres récalcitrants : un maire, un président d'assemblée ultramarine, un président d'agglomération et même un président de département - le ministre des armées.
Fortes têtes, problème d'autorité ? Madame la Première ministre, allez-vous faire démissionner de leurs mandats locaux les ministres concernés ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - (« Ah ! » à droite) Les braconniers étant les meilleurs gardes-chasse, la Première ministre m'a chargé de vous répondre. (Rires)
Les règles sont respectées. (On le conteste à droite.) Les ministres qui n'ont pas encore abandonné leurs fonctions exécutives ont encore quelques semaines pour convoquer leur assemblée délibérante et démissionner - tout en restant conseiller municipal, départemental ou régional, ce qui n'est pas une tare.
Cette règle informelle a toujours connu des exceptions : Jean-Yves Le Drian a été ministre de la défense et président de la Région Bretagne, Nicolas Sarkozy a été ministre de l'intérieur, maire de Neuilly, et président des Hauts-de-Seine (protestations à droite), François Baroin a été ministre et maire de Troyes. M. Paccaud oublie vite ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Paccaud. - Je félicite le bon élève, ancien maire de Tourcoing ! Les ministres rebelles vont démissionner, dont acte.
L'autorité et l'exemplarité sont clé. Comment être entendu des Français quand un ministre bafoue éhontément la règle, qui plus est le ministre des armées, où la discipline est une vertu cardinale ? L'exemplarité ne se proclame pas, elle se pratique. (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Soutien de la France à l'Ukraine
Mme Gisèle Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Face à l'internationalisation et à l'intensification du conflit en Ukraine, allons-nous continuer à rechercher une issue diplomatique ? Augmenter notre aide humanitaire, financière ou militaire ? Que peut décider le G7, sinon afficher sa solidarité ? Allons-nous plaider pour de nouvelles sanctions ?
Nous assistons en effet à un changement profond de la nature de cette guerre, car le Bélarus va devenir la base arrière armée de la Russie dans ce conflit. Minsk est la capitale d'un pays martyr où se joue la vie de centaines de prisonniers politiques, dont je salue le courage.
Comment apprécier le fléchissement de la politique du Bélarus ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST ; M. Julien Bargeton applaudit également.)
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Depuis lundi, en effet, la Russie frappe des infrastructures civiles en Ukraine, sans doute aussi pour atteindre le moral de la population.
Le soutien de la France se poursuit et s'intensifie ; nous aidons l'Ukraine dans sa résistance militaire et sa résilience civile, à l'approche de l'hiver. L'aide humanitaire s'élève à 2 milliards d'euros, dont 200 millions d'euros pour la France ; nous apportons bien sûr une aide militaire ainsi qu'un soutien politique et diplomatique.
Hier, les dirigeants du G7 ont qualifié les attaques russes de crimes de guerre. Ce soir, l'assemblée générale des Nations unies se prononcera sans ambiguïté sur l'annexion illégale des territoires ukrainiens, soulignant l'isolement de la Russie.
Le Bélarus ne doit pas s'engager davantage dans son soutien à l'opération illégale menée par la Russie.
L'Union européenne a mobilisé plus de 9 milliards d'euros et a adopté huit séries de sanctions pour peser sur l'effort de guerre russe. Si nécessaire, il y aura d'autres sanctions. Nous soutiendrons l'Ukraine jusqu'à ce qu'elle recouvre sa souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Gisèle Jourda. - Il faut stopper cette guerre, mais aussi retrouver des perspectives de paix. Pour cela, il faut continuer à se parler. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)
École inclusive
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'inclusion des élèves en situation de handicap à l'école est une priorité et un défi. Depuis septembre, après une décision de justice obtenue par votre prédécesseur, l'État se désengage du suivi et de la prise en charge de ces enfants sur le temps périscolaire et celui de la cantine.
C'est un nouveau transfert de charge, non compensé, vers les collectivités, mais surtout une étrange vision du suivi de ces enfants, dont le nombre a quadruplé ces vingt dernières années pour atteindre 430 000, soit 3,5 % des effectifs totaux.
Le ministère est-il prêt à signer avec les maires des conventions de mise à disposition d'AESH sur le temps de midi, ce qui favoriserait leur recrutement, leur formation et un suivi de qualité ? Le Conseil d'État le recommande, la loi le permet, les maires le réclament. Jean-Marie Blanquer l'avait promis, votre administration s'y refuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Résultat, les enfants ne sont pas accompagnés, les équipes déstabilisées.
Le plus grand des handicaps, c'est d'être absent là où notre présence est utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - L'école inclusive est une grande réussite : plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés ; une augmentation de 25 % depuis 2005. Nous avons recruté 130 000 AESH, avec 4 000 recrutements par an, si vous approuvez le projet de loi de finances pour 2023.
Les difficultés tiennent surtout à l'arrivée parfois très tardive de la notification par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), parfois à la veille de la rentrée...
Le 20 novembre 2020, le Conseil d'État a enjoint l'État de rémunérer les AESH sur le temps scolaire et non périscolaire. Il est juridiquement complexe d'assurer la continuité du suivi, particulièrement nécessaire aux enfants autistes. Mais je m'engage à trouver la meilleure solution, en collaboration avec les collectivités et les services juridiques.
Mme Daphné Ract-Madoux . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les aiguilleurs du rail des Hauts-de-France sont en grève - après ceux d'Occitanie au printemps - pour réclamer des embauches. Notre système est obsolète. Il faut toujours des personnes physiques pour l'aiguillage : nous avons quarante ans de retard ! Il faut mettre en place de nouveaux systèmes de signalisation, regrouper la gestion des 2 200 aiguillages dans seize postes de commande centralisés, numériser le système de gestion des transports.
Cela représente un énorme effort d'investissement, au moment où la flambée des prix de l'électricité plombe les comptes des autorités organisatrices de transport. En Île-de-France, le surcoût s'élève à 950 millions d'euros, d'où la menace de porter le pass Navigo à 100 euros.
Il est légitime de craindre que le coût du fonctionnement ne vienne obérer l'investissement. Avec un moindre report modal vers le ferroviaire, va-t-on remettre en cause notre trajectoire vers la neutralité carbone ? Avez-vous identifié la menace et quelle réponse budgétaire y apportez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Nous donnons la priorité à la modernisation et la régénération du réseau ferroviaire, l'un des plus anciens d'Europe. Nous y consacrons 2,9 milliards d'euros par an sur dix ans dans le nouveau contrat de performance, contre moins de 2,5 milliards d'euros avant 2017. Nous regardons, avec le Conseil d'orientation des infrastructures, s'il faut aller plus loin.
S'agissant de l'impact des coûts de l'énergie sur l'offre de transport, soyons très clairs sur les responsabilités : c'est la région qui est autorité organisatrice de transport, à travers Île-de-France mobilités. L'État a aidé la région à hauteur de plus de 2 milliards d'euros, sous forme de subventions et d'avances remboursables, depuis le début de la crise covid - c'était indispensable, sans doute, mais mérite d'être rappelé. Concrètement, le prix du pass Navigo n'est pas fixé par l'État.
Néanmoins, le fonctionnement des réseaux franciliens est de la responsabilité de tous. Il y aura un contrat de plan État-région. L'État sera au rendez-vous, dans la clarté. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue à 16 h 15.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
Discussion des articles (Suite)
RAPPORT ANNEXÉ (Suite)
L'amendement n°182 est retiré.
M. le président. - Amendement n°134, présenté par MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéas 187 et 188
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
La police municipale est chargée de la mise en oeuvre des pouvoirs de police du maire. Le conseil municipal peut cependant autoriser le maire à signer avec l'État une convention de partenariat dont la durée ne peut excéder celle de son mandat. Cette convention qui précisera le cadre de cette coopération.
II. - Alinéa 190
Après les mots :
partenariats avec les polices municipales
insérer les mots :
dans le cadre d'une convention de partenariat mentionnée à l'alinéa précédent et préalablement signée entre l'État et la collectivité locale
M. Guy Benarroche. - La présence de la police municipale ne doit pas désengager la police nationale, notamment de proximité. Néanmoins, nous souhaitons que l'assemblée délibérative puisse signer une convention de partenariat entre la police municipale et la police nationale.
M. le président. - Amendement n°184, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 190, première phrase
Supprimer les mots :
, la sécurité privée
Mme Éliane Assassi. - La sécurité privée est la marque de la marchandisation de la sécurité publique : c'est un manque de cohérence que nous avons déjà relevé lors de l'examen de la loi Sécurité globale.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois. - Les débats sur le continuum de sécurité ont en effet déjà eu lieu dans notre hémicycle, nous les avons tranchés. Cet amendement et le suivant sont superfétatoires. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. - Même avis.
Mme Éliane Assassi. - Je vous entends. Cependant, ce sujet n'est pas superfétatoire pour nous. Nous nous étions déjà opposés au texte Sécurité globale, nous ferons de même ici.
L'amendement n°134 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°184.
M. le président. - Amendement n°147 rectifié, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 198, après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Au sein de cette académie, des heures de cours dispensées par des chercheurs en criminologie, en sociologie et dans toutes les branches des sciences humaines et sociales intéressées par les questions de sécurité seront prévues pour les futurs policiers.
II. - Après l'alinéa 198
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Si les travaux de recherche menés peuvent servir à améliorer l'action du ministère, ceux-ci doivent en revanche être menés en toute indépendance, dans le respect des libertés académiques, et pas uniquement au service d'une politique de résultat. Par ailleurs et dans un esprit de réciprocité, c'est également le ministère de l'Intérieur qui doit se mettre au service du monde de la recherche en mettant à sa disposition tous les éléments, documents et données dont les chercheurs auront besoin pour mener à bien les travaux de leur choix. Ce qu'il faut ici bâtir c'est une relation de confiance, basée sur la sincérité et mutuellement profitable.
M. Thomas Dossus. - Le rapport annexé mentionne souvent le lien avec le monde de la recherche, ce que nous saluons. Encore faut-il s'assurer que cette politique d'ouverture soit saine et constructive. Le monde de la recherche n'est pas au service du ministère, du simple fait des libertés académiques.
C'est avant tout au ministère de s'ouvrir aux chercheurs en leur fournissant les documents nécessaires à leurs travaux. Nous proposons que des chercheurs en sciences humaines dispensent des heures de cours aux élèves au sein de la future académie de police.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Je vous en donne acte, cher collègue ; mieux vaut se répéter que se contredire.
L'ouverture des données par le ministère et le rappel des principes des libertés académiques sont superflus, dès lors que la politique de l'État va déjà dans le sens de l'ouverture des données. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - L'académie de police, à Montpellier, dispensera la formation continue à l'ensemble des policiers et des gendarmes. Y participeront non seulement des membres des forces de l'ordre mais aussi des magistrats, par exemple. Le ministre n'intervient pas dans la programmation des cours.
Par ailleurs, pour la première fois, nous ouvrons le ministère de l'intérieur au monde de la recherche. Ce n'est pas à nous de sélectionner les chercheurs, ni à vous. Avis défavorable.
L'amendement n°147 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°148, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 212 à 214
Supprimer ces alinéas.
M. Thomas Dossus. - Vous sortez les drones dès que l'on parle de sécurité.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Évidemment !
M. Thomas Dossus. - Le Gouvernement revient dogmatiquement à la charge, avec un plan d'acquisition qui servira au recueil du renseignement lors des manifestations et aux frontières. L'utilisation des drones ne comporte aucune garantie du respect de la vie privée, d'où notre proposition de suppression.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Cent fois sur le métier nous remettons l'ouvrage... Loïc Hervé avait veillé à ce que la loi Sécurité globale soit conforme à la jurisprudence constitutionnelle : l'utilisation des drones est donc déjà encadrée par la loi. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Initialement, le Conseil d'État et la Cnil s'étaient prononcés contre l'usage des drones par les forces de l'ordre - au point qu'en France, tout le monde pouvait faire voler des drones, à l'exception de la police et de la gendarmerie !
Nous avions donc prévu que l'usage nécessitait le couvert d'un juge, parce qu'un drone n'est pas une simple caméra volante. Patatras ! Le juge constitutionnel a privilégié un contrôle administratif, donc du préfet. Dont acte. Avis défavorable.
L'amendement n°148 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°104, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 214
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le traitement des images recueillies par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.
M. Guy Benarroche. - Nous excluons du traitement par des logiciels de reconnaissance faciale les images obtenues par des drones. Cette technologie fait débat depuis longtemps : en janvier 2020, le Livre blanc de la Commission européenne sur l'intelligence artificielle envisageait une interdiction temporaire des technologies de reconnaissance faciale dans divers secteurs.
Notre collègue députée Paula Forteza demande elle aussi un moratoire jusqu'à ce que des garanties suffisantes soient établies pour la protection de ces données sensibles.
Les craintes découlent en partie de l'usage débridé de ces technologies, encore non pleinement maîtrisées et qui conservent des biais vis-à-vis des minorités. Leur utilisation pour surveiller les Ouïghours en Chine doit nous inviter à la prudence.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - La reconnaissance faciale, je le redis, est interdite en France. L'amendement est satisfait, car les données biométriques sont couvertes par le RGPD. Le rapport de la mission d'information Durain-de Belenet-Daubresse a tracé des lignes rouges en la matière.
M. André Reichardt. - Excellents auteurs !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le ministre nous a annoncé un projet ou une proposition de loi le moment venu, par exemple à l'occasion des jeux Olympiques 2024. La commission des lois entend traduire les conclusions du rapport dans la loi. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
M. Guy Benarroche. - Le Contrôleur européen de la protection des données avait appelé à un débat, mais le Conseil national de la refondation ne traite pas du sujet. Nous pourrions aussi organiser une convention citoyenne sur la place des nouvelles technologies dans notre société, à condition qu'elle soit suivie d'effet.
Nous avions amendements similaires lors de l'examen du projet de loi Sécurité globale. Le ministre Darmanin déclarait alors déjà être opposé à la reconnaissance faciale. Pourquoi ce rapport, qui est la feuille de route du ministère, ne l'indiquerait-il pas explicitement ? Les citoyens s'interrogent.
M. Jérôme Durain. - Sur les nouvelles technologies, nous sommes passés d'une inquiétude naturelle à une demande d'élaboration normative. M. Daubresse a évoqué le rapport de la commission des lois ; les interrogations continueront tant qu'un cadre ne sera pas fixé.
Ces technologies sont souvent utilisées contre nous, comme le montre l'essor de la cybercriminalité. Il est temps que la loi fixe ce qui est autorisé et ce qui est interdit.
L'amendement n°104 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°217 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mme Havet, M. Théophile et Mme Schillinger.
Alinéa 225
Après les mots :
à La Réunion ou en Guyane ;
insérer les mots
orpaillage illégal en Guyane ; pêche illicite non-déclarée et non-réglementée (INN) en Guyane ;
M. Georges Patient. - Parmi les nombreuses menaces qui pèsent sur les outre-mer, la Guyane souffre de l'orpaillage et de la pêche illicites. Les pêcheurs guyanais et surinamais comme les orpailleurs brésiliens profitent de l'immensité du territoire pour piller ses ressources, causant des atteintes à l'environnement.
Ils n'hésitent plus à s'attaquer aux pêcheurs guyanais : la filière est fragilisée. Lutter contre ces fléaux doit être une priorité.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis favorable à la mention expresse de l'orpaillage et de la pêche illicite.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
La police et la gendarmerie ne peuvent intervenir seules, les ministères des armées et de l'environnement ont aussi leur rôle à jouer, alors que les bateaux surinamais arrivent par vingtaine dans les eaux guyanaises.
Sur l'orpaillage, l'opération Harpie se poursuit. Nous envisageons avec le Président de la République un système Harpie II pour mieux lutter contre la délinquance brésilienne, surinamaise et guyanienne.
S'agissant du recrutement des forces de police, je comprends la volonté de rapprochement des Guyanais de leur territoire - 68 % des policiers sur place sont d'origine guyanaise - mais un concours spécifique ne semble pas nécessaire.
L'amendement n°217 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°218 rectifié, présenté par MM. Patient, Buis et Dagbert, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile.
Alinéa 227, première phrase
1° Après le mot :
trafics
insérer les mots :
, la pêche INN
2° Avant le mot :
jumelles
insérer les mots :
radars HF à ondes de surface,
M. Georges Patient. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Demande de retrait.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°218 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°219 rectifié, présenté par MM. Patient et Buis, Mme Duranton, M. Hassani, Mmes Havet et Schillinger et M. Théophile.
Après l'alinéa 229
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En matière de recrutement des forces de police dans les territoires d'outre-mer et pour faire face aux problématiques de stabilités des effectifs et d'attractivité de ces territoires, la majorité des postes ouverts au recrutement sera pourvu par l'intermédiaire de concours déconcentrés dans chacun des territoires concernés. Pour s'assurer que suffisamment de candidats postuleront, les liens entre la population et les forces de police doivent être renforcés. Pour cela, tous les programmes développés dans ce but (classes de reconquête républicaine, plan 10 000 jeunes, etc.) devront être déployés dans chacun de ces territoires.
M. Georges Patient. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Demande de retrait.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
M. Georges Patient. - Soit, mais il me semble que ce serait un moyen de résoudre les problèmes de recrutement dans les outre-mer.
L'amendement n°219 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°185, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 231
Supprimer les mots :
à la création d'assistants d'enquête de police et gendarmerie, à des moyens mis sur l'aboutissement d'une procédure numérique et
Mme Éliane Assassi. - Ni la création d'assistants d'enquête ni la procédure numérique ne satisferont les citoyens. Les assistants seront des profanes en matière de procédure ; le numérique est rapide mais impersonnel, et nous ne pouvons accepter qu'un algorithme pallie le manque de formation et se trouve à l'origine, par exemple, d'un classement sans suite.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le Conseil d'État considère que les transcriptions d'enregistrements doivent rester sous la responsabilité des officiers de police judiciaire (OPJ). C'est pourquoi la commission des lois a adopté l'amendement de M. Richard sur ce sujet : nos appréhensions sont levées.
Les algorithmes utilisés par la police font toujours l'objet d'une intervention humaine. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°185 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°124, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 233
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tirant le constat du nouveau contrat opérationnel auquel sont confrontés les sapeurs-pompiers comme principaux acteurs de la sécurité civile, la modernisation nécessaire de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera engagée.
M. Patrick Kanner. - Nous sommes favorables à l'objectif de replacer le ministre de l'intérieur au centre de la gestion des crises. C'est pourquoi nous proposons le renforcement de la formation des sapeurs-pompiers - c'est un ancien président de Sdis qui vous le demande. Cela passe par la modernisation de l'École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp).
Nous demandons le maintien du chef de filat de l'État, couplé au renforcement des moyens de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). L'Ensosp pourrait devenir un institut national de la protection civile, rattaché à l'Institut national du service public (INSP), successeur de l'ENA.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - M. Kanner et Mme Troendlé ont largement travaillé sur ces sujets. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable. Un nouveau directeur a été nommé, ce qui va dans le sens de vos propos.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°124 est adopté.
M. le président. - Amendement n°202, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le lendemain de chaque manifestation durant laquelle les forces de l'ordre ont fait usage de leurs armes, le traitement relatif au suivi de l'usage des armes (TSUA) sera rendu accessible au public.
Mme Éliane Assassi. - Les amendements nos202 et 203 reprennent les mesures de notre proposition de loi sur les lanceurs de balles de défense (LBD) dans le cadre du maintien de l'ordre.
M. le président. - Amendement n°204, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport détaillé et documenté sur les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen, et sur les alternatives à mettre en oeuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l'ordre dans le cadre des manifestations
Mme Éliane Assassi. - Je le retire.
L'amendement n°204 est retiré.
M. le président. - Amendement n°203, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 233
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Interdire immédiatement l'usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°190, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 323 et 324
Supprimer ces alinéas.
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°100, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 324
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre de ces opérations de maintien de l'ordre, l'usage des lanceurs de balles de défense et des grenades de désencerclement est interdit.
M. Guy Benarroche. - Le rapport de la commission d'enquête relatif au maintien de l'ordre préconise l'interdiction des LBD. Un ancien Défenseur des droits a condamné l'usage de cette arme dangereuse lors des manifestations. Ses utilisateurs eux-mêmes la disent difficile à manier.
Face à ces dangers et alors qu'il y a eu des accidents, le ministère s'est contenté d'équiper les forces de l'ordre de caméras ventrales. En 2019, lors des manifestations de gilets jaunes, de nombreuses personnes ont été mutilées par cette arme, ainsi que par des grenades de désencerclement, aussi à l'origine de graves blessures.
Nous demandons que ces armes ne soient plus utilisées lors des opérations de maintien de l'ordre.
M. le président. - Amendement n°150, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 327
Remplacer les mots :
Un investissement massif dans la formation des forces au
par les mots :
Une refonte totale de la doctrine de
II. - Après l'alinéa 327
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La doctrine de maintien de l'ordre du ministère de l'intérieur sera entièrement refondée en suivant une logique de dialogue, d'apaisement et de désescalade. Pour faire évoluer cette doctrine, le ministère engagera une réflexion exigeante avec le monde universitaire. À ce titre, les lanceurs de balles de défense et les grenades de désencerclement ne seront plus utilisés par les forces de l'ordre, ainsi que les techniques dites de « nassage ».
M. Thomas Dossus. - Pour améliorer les rapports entre la police et la population, nous souhaitons que le rapport aborde les finalités du maintien de l'ordre. Il est inacceptable que les répressions policières en France fassent la une de l'actualité internationale. La réponse est toujours la même : grenades lacrymogènes, LBD et nasses. Cela ne peut qu'accentuer les tensions et le désordre, on l'a vu au Stade de France. Que se passera-t-il pendant les jeux Olympiques ?
Il est grand temps de changer de doctrine.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Il y a déjà des inspections et l'amendement n°202 aurait des conséquences négatives. Dans l'attente des conclusions de la mission Carrère-Di Folco, avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°202 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos203, 190, 100 et 150.
M. le président. - Amendement n°187, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 235
1° Quatrième et sixième phrases
Supprimer ces phrases.
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
, simplifier la procédure pénale
M. Fabien Gay. - Nous souhaitons supprimer du rapport annexé les phrases qui présentent la procédure pénale comme un facteur de lourdeur - car en réalité, sa simplification n'améliorerait guère les enquêtes.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous avons déjà démontré que nous pouvions revenir sur la procédure pénale sans affaiblir les droits. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°187 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°186, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 236 à 239
Supprimer ces alinéas.
M. Fabien Gay. - La suppression des trois ans d'ancienneté pour passer le concours d'OPJ n'est pas acceptable. Les OPJ prennent des décisions lourdes de conséquences, en particulier le placement en garde à vue.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les responsables de la police et de la gendarmerie nationales nous ont affirmé que le niveau requis ne baisserait pas. Si les candidats n'ont pas le niveau, ils n'obtiendront pas leur concours. À la sortie de l'École nationale de la magistrature (ENM), les jeunes magistrats ont reçu le même temps de formation que les policiers en sortie d'école, et on leur confie bien l'application de la procédure pénale qui a, elle aussi, des conséquences importantes. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pourquoi faisons-nous cela ? Les policiers doivent actuellement attendre trois ans pour passer le bloc OPJ, ce qui nous semble inepte. Cela n'est pas exigé des magistrats ! Nous ne regardons pas non plus la qualité des diplômes des policiers qui passent ce concours.
Par ailleurs, en sortie d'école, on est affecté à un poste. Or, il faut du temps pour préparer un concours. C'est la même chose pour les concours internes de la fonction publique. Résultat : nous manquons d'OPJ. Le ministre de l'intérieur ne peut obliger un OPJ à rejoindre tel ou tel commissariat et il doit se contenter d'ouvrir des postes - sauf à la sortie de l'école de policier, précisément. Donc, si demain nous n'avons plus ce délai de trois ans pour le bloc d'OPJ, je pourrai affecter des OPJ directement dans des commissariats où ils font défaut.
L'année dernière, vous nous avez accordé de faire passer la formation des policiers de 8 à 12 mois, ils peuvent passer le bloc OPJ dans ce délai ; ceux qui le réussiront pourront être affectés en commissariat, ce sera très utile parce que nous avons besoin d'enquêteurs, vous le savez bien. Avis défavorable.
M. Alain Richard. - Je constate un certain malaise, lié me semble-t-il à une erreur d'appréciation de la commission, qui accepte d'examiner des amendements à ce rapport annexé, qui n'a pas de valeur législative - une procédure législative « en l'air », en quelque sorte. Nous allons débattre de ces sujets dans un prochain texte de loi, c'est donc un débat de trop.
L'amendement n°186 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°188, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 240 à 253
Supprimer ces alinéas.
M. Fabien Gay. - Nous voulons supprimer l'allègement du formalisme procédural et la simplification de la procédure pénale.
La volonté d'aller vite, pour les victimes comme pour les enquêteurs, ne doit pas priver les victimes d'un accueil physique. Il ne faut pas négliger l'aspect cathartique pour la victime de son déplacement au commissariat.
M. le président. - Amendement n°226, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission des lois.
I. - Après l'alinéa 242
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, la qualité d'agent de police judiciaire sera attribuée aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu'ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Les prérogatives des agents de police judiciaire seront par ailleurs renforcées afin qu'ils puissent mieux concourir aux investigations conduites par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle de ces derniers.
II. - Après l'alinéa 252
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- Étendre la liste des actes que les enquêteurs sont autorisés à accomplir, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, lors des enquêtes sous pseudonyme.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Coordination.
M. le président. - Amendement n°77, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 245
Supprimer cet alinéa.
M. Guy Benarroche. - Nous supprimons la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD), qui transfère aux forces de l'ordre l'opportunité de décider d'une répression minorée et accélérée, privant le Parquet de ses compétences. Les mesures sans contrôle peuvent se multiplier, au mépris du code de procédure pénale.
Nous parlions plus tôt de disparités territoriales. Ce risque ne vous échappera pas.
Le syndicat des avocats de France se montre inquiet : le recours ne sera pas suspensif. Certains jeunes de quartiers défavorisés auraient contracté des dettes de plus de 10 000 euros lors du confinement, sans recours possible.
Le sentiment de défiance des citoyens vis-à-vis de la police risque d'en souffrir encore davantage.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Monsieur Richard, la commission aurait pu choisir de repousser tous les amendements sans les examiner, au motif que le texte n'est pas normatif - c'est ce qu'avait fait un ministre communiste pour l'examen d'un texte relatif à la loi SRU ; mais notre commission des lois a une autre idée du débat parlementaire, il nous a semblé plus correct d'examiner chacun des amendements ; de même le ministre prend-il le temps de nous répondre depuis hier ! (Approbations et quelques applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Sur les amendements nos188 et 77, notre avis est défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis sur les amendements nos188 et 77. Avis favorable à l'amendement n°226.
L'amendement n°188 n'est pas adopté.
L'amendement n°226 est adopté.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°189, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 255
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Parallèlement au positionnement des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries, il conviendra d'introduire un agent de police judiciaire, extérieur à l'enquête, garant des droits et des libertés de la personne gardée à vue, ayant pour mission la vérification du respect des garanties procédurales pendant la garde à vue.
Mme Éliane Assassi. - Les délégués du procureur vont dans le sens de l'efficacité de l'enquête. Mais, pour renforcer les droits des gardés à vue, il faut aussi introduire des personnels de police judiciaire qui ne prennent pas part à l'enquête, mais qui pourront vérifier le respect des garanties procédurales. Nous proposons ainsi d'encadrer davantage la garde à vue.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Encore un procès d'intention ! Policiers et gendarmes garantissent le respect des procédures, il n'y a pas lieu d'ajouter un autre agent public. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Madame Assassi, votre amendement m'étonne grandement, il me semble fondé sur une erreur d'analyse juridique dont votre groupe n'est pas coutumier. Car si quelqu'un est bien placé pour examiner le respect des procédures, et introduire des recours sur ses constats, c'est bien l'avocat - dont la présence est possible dès la première heure de la garde à vue, vous le savez parfaitement.
Les délégués du procureur sont là pour assurer une meilleure chaîne police-justice, et non pour vérifier la procédure. La chaîne de l'instruction doit être plus efficace : le procureur se déplacera au commissariat et pourra ainsi prononcer des peines plus rapidement. C'est une révolution qui favorise de petites audiences accélérant l'instruction. Avis défavorable.
L'amendement n°189 est retiré.
M. le président. - Amendement n°132, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Alinéa 261
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Des mesures concrètes seront prises pour faire face à la crise climatique, face à laquelle les forces de l'ordre ont un rôle à jouer, notamment en renforçant leurs actions de prévention, contrôle et répression des atteintes à l'environnement, en augmentant leurs moyens financiers et effectifs dédiés, et en assurant une formation et sensibilisation transversale de toutes les forces de police sur ce sujet et ses enjeux.
M. Guy Benarroche. - Le changement climatique n'est pas un risque à venir : nous le subissons déjà, avec toutes ses conséquences. La délinquance environnementale est dangereuse : des pratiques sont déjà condamnables, mais de nombreux maires peinent à lutter contre elles.
Cet amendement développe les mesures de prévention et de sanction des atteintes à l'environnement. Cela sera très utile aux collectivités territoriales.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous n'y voyons pas d'objection majeure. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis favorable.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Favorable également.
L'amendement n°132 est adopté.
M. le président. - Amendement n°149, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 298
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La gestion du risque nucléaire et radiologique devra prendre une place toute particulière dans cette politique nouvelle de gestion du risque. Les actions de sensibilisation et de formation aux gestes qui sauvent devront prendre en compte ces risques. À ce titre, le ministère s'assurera que les stocks stratégiques de pastilles d'iode sont bien au niveau nécessaire et avec un maillage territorial suffisant pour couvrir les besoins de la population en cas de catastrophe nucléaire ou radiologique.
M. Thomas Dossus. - Dans le rapport annexé, le Gouvernement professe qu'il veut développer la culture du risque, via des formations et des sensibilisations de la population aux risques industriels et aux conséquences du changement climatique. Mais la résilience peut être améliorée en tenant compte du risque nucléaire et radiologique : qu'ils soient militaires ou civils, ces risques sont spécifiques. Notre pays dispose de 56 réacteurs. Nous avons perdu une partie de notre savoir-faire en matière d'entretien des centrales, mais nous devons bien prévoir ces risques. Les seuils d'intervention sont aujourd'hui fixés à 20 kilomètres. Il est temps de revoir ces périmètres et de nous assurer que nous disposons de pastilles d'iode en quantité suffisante.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Que le rapport souligne le fait que le ministre de l'intérieur prévoie une sensibilisation de la population, d'accord, et il le fait déjà ; mais aller dans le détail des stocks d'iode, cela concerne plutôt une loi de protection de l'environnement. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°149 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°125 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 320
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Dans cet objectif, il conviendra, à la lumière du retour d'expérience des événements climatiques extrêmes de l'année 2022, d'encourager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours là où le risque a évolué, et de créer des centres de première intervention dotés d'une réponse de proximité spécifique dans les massifs exposés au risque de feux de forêts et d'espaces naturels.
De même, s'agissant d'un service public essentiel, l'inscription dans la loi de la subordination de toute fermeture de centre d'incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège sera envisagée.
M. Patrick Kanner. - Merci à la commission pour son avis favorable à cet amendement sur la consolidation du maillage territorial des Sdis.
Nous comptons aujourd'hui 6 154 centres de secours, c'est 2 144 de moins qu'il y a vingt ans, à cause de la départementalisation. Or ils doivent faire face à la multiplication des incendies et des secours aux personnes.
Il faut envisager la réouverture de centres fermés et soumettre toute nouvelle fermeture à l'avis préalable du maire.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis favorable, car notre doctrine est que le maire soit consulté sur la fermeture d'établissements dans sa commune. C'est aux Sdis d'ouvrir les centres de secours, néanmoins.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse. Dans le cadre de la décentralisation, l'État n'a pas à intervenir sur ce type de question.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Il peut encourager...
M. Patrick Kanner. - Ce n'est qu'un rapport.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Oui, mais ce rapport pourrait provoquer des bisbilles avec les collectivités territoriales.
L'amendement n°125 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°93, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le pacte capacitaire doit également être déployé pour des investissements de renouvellement et pour des frais de fonctionnement.
M. Guy Benarroche. - Le pacte capacitaire doit pouvoir financer non seulement l'achat, mais aussi le renouvellement et le fonctionnement des véhicules.
M. le président. - Amendement n°92, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 321
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La construction d'un pacte capacitaire national en mesure de répondre aux situations de crises doit conduire à poursuivre l'ambition d'atteindre un parc de 10 000 véhicules camions-citernes feux de forêts (CCFF) répartis sur l'ensemble du territoire, dans les dix ans à venir.
M. Guy Benarroche. - Le cofinancement par l'État du pacte capacitaire est sous-évalué au regard des besoins des Sdis. Il faut intensifier la trajectoire pluriannuelle de la sécurité civile : nous proposons 10 000 camions-citernes dans les dix années à venir, au lieu de 3 700.
M. le président. - Amendement n°110, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 322
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans l'objectif d'alléger la charge financière pour les services d'incendie et de secours, le Gouvernement harmonisera les allègements de taxes dont bénéficient seulement à ce jour quelques types de véhicules.
M. Guy Benarroche. - La taxation des véhicules lourds est différente selon la destination des véhicules : exonérons-les tous.
M. le président. - Amendement n°91, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 322
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
Est créée dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction de la protection de la forêt chargée de mettre en oeuvre la politique de l'État en matière de prévention des incendies.
Chaque département se dote d'un Plan départemental de Protection de la forêt contre l'incendie, dans l'objectif d'organiser des aménagements de défense de la forêt contre l'incendie nationalement normalisés et de simplifier les démarches administratives d'aménagement.
Le Gouvernement s'engage enfin à relancer et accroître significativement le fonds d'aide à l'investissement en matière de lutte contre les feux de forêt et d'espaces naturels.
M. Guy Benarroche. - D'ici 2050, 50 % des forêts et landes métropolitaines seront à risque élevé d'incendie et les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 %. La prévention est cruciale, notamment à l'échelle locale. Nous demandons une réponse budgétaire forte du Gouvernement sur les besoins capacitaires des Sdis.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement n°93 est superfétatoire. Avis défavorable.
Pourquoi 10 000, à l'amendement n°92 ? Avis défavorable.
La taxation des véhicules, mentionnée à l'amendement n°110, est intéressante, mais n'a pas sa place dans un tel projet de loi.
L'amendement n°91 alourdit la gouvernance au lieu de la simplifier. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Mêmes avis.
Les collectivités territoriales manqueraient de financements pour les Sdis, dites-vous. Mais l'État assume déjà un quart du financement des Sdis. Sachez également que la taxe sur les conventions d'assurance n'est pas intégralement reversée par les départements aux Sdis et qu'elle ne suffirait d'ailleurs probablement pas à couvrir les besoins capacitaires des Sdis.
Je ne suis pas certain que l'on puisse fixer un nombre de camions nécessaires à l'avance, sans bien connaître les effets du réchauffement climatique.
La direction des forêts dépend du ministère de la transition écologique, qui gère les forêts. La sécurité civile dépend du ministère de l'intérieur.
Vous demandez un allègement du malus écologique qui pèse sur des véhicules polluants. Paradoxal venant d'un sénateur écologiste...
M. Guy Benarroche. - Vous dites qu'on ne sait pas ce qui va se passer avec le changement climatique. On disait cela il y a vingt ou trente ans, alors qu'il y avait déjà des prévisions, qui se sont confirmées depuis ! Lisez donc les rapports qui prédisent l'avenir.
Pourquoi l'amendement n°93 serait-il superfétatoire ?
M. Marc Laménie. - Ces amendements sur l'équipement des Sdis sont intéressants. Pour faire face à des feux de forêt dramatiques, ils ont besoin de moyens humains mais aussi techniques. Leur fonctionnement, tout comme leur capacité d'investissement, varie d'un département à l'autre. Ils sont placés sous la double autorité du préfet et du président du conseil départemental et sont principalement financés par les collectivités territoriales.
Néanmoins, je me rallierai à la position du rapporteur.
L'amendement n°93 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos92, 110 et 91.
M. le président. - Amendement n°89, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 326
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En dehors de ces évènements particuliers, ces nouvelles unités ne pourront pas être déployées pour d'autres opérations de maintien de l'ordre, notamment pour l'encadrement de manifestations.
M. Guy Benarroche. - Le rapport annexé prévoit la création de onze nouvelles unités de forces mobiles (UFM) en vue des prochains grands événements sportifs, dont la Coupe du monde de rugby de 2023 et les jeux Olympiques de 2024.
Toutefois, on ne perçoit aucune volonté ministérielle de changer la doctrine de maintien de l'ordre, dont mon collègue Dossus et moi-même avons eu un aperçu lors de la mission parlementaire sur les événements du Stade de France.
Nous nous interrogeons sur l'objectif de ces nouvelles UFM, qu'il va falloir former et entraîner. Que deviendront-elles après ces événements ? Seront-elles déployées sur des manifestations ou des mouvements sociaux ? Nous souhaitons des précisions du ministre, car nous ne souhaitons pas que ces UFM soient déployées hors du cadre des grands événements sportifs.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le ministre a obtenu de haute lutte le financement de onze UFM supplémentaires. Et vous voudriez ne les utiliser que pour la Coupe du monde de rugby et les jeux Olympiques ? Drôle de gestion des ressources humaines... Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°89 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°94, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 335 à 358
Supprimer ces alinéas.
M. Guillaume Gontard. - La politique migratoire et la politique d'asile ne doivent plus relever du ministère de l'intérieur, qui les aborde sous le seul prisme sécuritaire, mais d'un ministère spécifique. L'intégration met en jeu des politiques sociales, de santé, d'emploi, de logement, etc. Il faut cesser de considérer la migration comme un problème à régler et passer à une logique d'accompagnement.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
I. - Alinéa 335
Compléter cet alinéa par les mots :
grâce à une politique d'accueil digne, intégrée à l'échelon communautaire
II. - Alinéa 336
Remplacer les mots :
des moyens innovants de contrôle et de surveillance
par les mots :
du rétablissement plein et entier de l'Espace Schengen et d'une solidarité européenne renforcée en matière d'accueil
M. Guillaume Gontard. - La militarisation aux frontières s'intensifie. L'asile est criminalisé et l'immigration pointée comme un problème de sécurité nationale. Mais cette politique est vaine, coûteuse, inefficace et dangereuse.
Il faut une politique européenne passant par le rétablissement de l'espace Schengen et une refonte totale de la politique d'accueil des personnes exilées et réfugiées.
M. le président. - Amendement n°96, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 337 et 338
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
?uvrer à la transformation de Frontex
La France soutiendra une refonte de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex. Au lieu de participer à des refoulements aux frontières contraires au droit international de l'asile, d'opérer dans des pays tiers et de rapatrier des personnes migrantes en situation irrégulière, ses activités devront être recentrées sur le sauvetage en mer et les opérations humanitaires. Elles doivent être contrôlées par le Parlement européen, en particulier dans le domaine du respect des droits humains, du droit international et de son devoir de vigilance et d'alerte concernant les refoulements illégaux de migrants.
La France plaidera donc pour le renforcement des actions humanitaires de recherche et d'assistance de Frontex en mer et le soutien des bateaux civils et d'ONG, conformément au droit maritime international.
La France portera les recommandations du groupe de contrôle de Frontex dans son rapport rendu le 21 juillet 2021 et notamment :
- la nomination de 40 officiers de protection des droits fondamentaux et la mise en place d'un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux ;
- la création d'un mécanisme efficace de signalement des incidents graves pour la surveillance des droits fondamentaux.
M. Guillaume Gontard. - L'agence Frontex est la plus importante des agences européennes, avec un budget de 544 millions d'euros, et elle se développe de façon exponentielle : son budget devrait approcher le milliard d'euros en 2027...
Mais elle fait l'objet de nombreuses attaques d'ONG, étayées par un rapport - jamais intégralement publié - de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) : violations des droits fondamentaux, loyauté défaillante, mauvaise gestion du personnel... Son directeur, M. Leggeri, a été contraint à la démission.
Les accusations de mauvais traitements remontent à plusieurs années. Diverses pratiques telles que le refoulement de mineurs non accompagnés ont été révélées. La militarisation de nos frontières a tué plus de 44 000 personnes depuis 1993 : c'est une politique qui tue.
Non à l'intégration des gardes-frontières de Frontex à la gestion des frontières de la France !
M. le président. - Amendement n°97, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 339 à 346
Remplacer ces alinéas par douze alinéas ainsi rédigés :
Les policiers aux frontières seront dotés de moyens humains et matériels supplémentaires pour que les personnes étrangères arrivant aux frontières terrestres :
- puissent exercer leurs droits et ne fassent pas l'objet de procédures illégales ou de détournements de procédure ;
- soient correctement informées de leur situation, de la procédure applicable et de leurs droits, notamment en ce qui concerne le droit de demander l'asile ;
- puissent bénéficier de l'assistance d'un interprète professionnel et d'une assistance juridique effective à tout moment et dès le début de la procédure (grâce à la mise en place par l'État d'une permanence gratuite d'avocats) et la présence d'un administrateur ad hoc pour les mineurs isolés étrangers ;
- soient traitées dignement et ne fassent plus l'objet de pratiques arbitraires ni de violences ;
- ne soient plus privées de liberté pour des raisons liées au contrôle migratoire.
L'administration sera dotée de moyens humains et matériels supplémentaires pour :
- organiser le sauvetage des personnes en danger notamment en haute montagne et la prise en charge des personnes blessées et/ou malades ;
- étudier individuellement la situation de chaque personne se présentant aux frontières et le cas échéant, justifier en fait et en droit les refus d'entrée et les éventuelles mesures privatives de liberté prises à son encontre ;
- enregistrer les demandes d'asile des personnes exilées et former au respect de la procédure d'asile telle que définie par la loi ainsi que le principe de non-refoulement des demandeurs d'asile, valable y compris aux frontières internes ;
- prendre en charge les mineurs isolés étrangers sur le territoire ;
- permettre à la société civile et aux associations d'exercer réellement leur droit de regard dans les lieux privatifs de liberté conformément au droit européen.
M. Guillaume Gontard. - Le durcissement des politiques française et européenne de lutte contre le prétendu afflux de personnes irrégulières met en danger les personnes en exil.
L'administration française viole les droits humains et les conventions internationales. Elle a été plusieurs fois condamnée pour cela. Les personnes exilées sont traquées !
Il faut revivifier la fraternité et garantir le respect des droits humains fondamentaux.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 347 à 352
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Réouvertures des frontières au sein de l'espace Schengen
En 2023, la France mettra fin aux contrôles aux frontières intérieures du pays, rétablissant ainsi le fonctionnement normal de l'espace Schengen.
M. Guillaume Gontard. - Le fichage est devenu l'outil sans limites du contrôle aux frontières pour éloigner et exclure. Il est de plus en plus utilisé pour entraver le déplacement des militants à l'intérieur de l'Union européenne. Il existe à ce jour plus d'une trentaine de fichiers.
L'interconnexion de ces fichiers, leurs failles et les abus dans leur utilisation nous interrogent, alors que la justification est toujours de protéger les citoyens du terrorisme.
Cet amendement supprime ces nouveaux fichiers et rouvre les frontières françaises au sein de l'espace Schengen.
M. le président. - Amendement n°99, présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéas 353 à 356
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
Coopération européenne renforcée en matière d'asile et d'immigration
La France ambitionne de cesser l'externalisation de la gestion des frontières extérieures de l'Union. Elle plaidera pour mettre un terme aux accords migratoires de sous-traitance avec des pays comme la Turquie et la Libye, maltraitant les personnes réfugiées.
Elle demandera l'abrogation du règlement dit Dublin III et, avec, la logique délétère de tri aux frontières de l'Union. Elle organisera un mécanisme de relocalisation des demandes d'asile entre États-membres en tenant compte des liens effectifs (liens familiaux élargis et linguistiques) et des aspirations des demandeurs et demandeuses d'asile.
Elle renégociera l'accord migratoire avec le Royaume-Uni.
M. Guillaume Gontard. - La sous-traitance est une forme d'externalisation de la politique d'immigration et d'asile. Elle se traduit par des accords en contrepartie desquels les pays concernés reçoivent une assistance financière. Elle permet aux États membres d'échapper à leurs obligations internationales, avec un risque d'atteinte aux droits fondamentaux, notamment le droit d'asile. J'ajoute que le mécanisme de Dublin est inefficace et fait peser sur les États du sud de l'Europe la quasi-intégralité de l'effort en matière migratoire.
La France doit promouvoir une politique d'accueil bien plus intégrée et solidaire, avec un régime commun de l'asile européen.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les questions relatives aux gardes-frontières, aux matériels innovants, aux nouvelles technologies ont toute leur place dans cette loi d'orientation et de programmation. Mais pourquoi tous ces amendements du GEST ? Est-ce un training en vue de la prochaine loi sur l'immigration ? Ils sont totalement hors sujet. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable à tous ces amendements. Je suis choqué par les mots utilisés : la police française ne traque pas les migrants, mais protège les personnes. Manifestement, vous n'aimez pas la police !
M. Guillaume Gontard. - Le lien avec la police aux frontières est évident. Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord avec la politique migratoire de la France, qui va à l'encontre de la sécurité dans notre pays. Nous voulons une politique centrée autour de l'accueil, en lien avec les autres pays européens. Ce sujet a toute sa place dans notre débat d'aujourd'hui.
Je ne dis pas que la police traque...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous l'avez dit !
M. Guillaume Gontard. - Je ne mets pas en cause les agents, mais votre politique qui les met dans des situations complexes. Arrêtez avec vos qualificatifs : « dangereux », « haineux »... (Le ton monte.)
Il n'y a pas d'un côté ceux qui aiment la police, de l'autre ceux qui ne l'aiment pas. (Brouhaha à droite) Nous sommes dans une logique républicaine, exigeante avec sa police.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je vous ai bien entendu dire que les policiers traquent les migrants. Visiblement, vous revenez sur vos propos : nous pourrons donc avoir une discussion républicaine.
M. André Reichardt. - Je suis hostile à ces amendements, mais pour des raisons techniques. Avec M. Leconte, je suis rapporteur au sein de la commission des affaires européennes sur le pacte asile-immigration, qui va être entièrement refondu. La PFUE a permis quelques progrès, mais du chemin reste à faire. Annoncer, au détour de quelques amendements, que la France se désolidarise de ces travaux serait de mauvais aloi.
L'amendement n°94 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos95, 96, 97, 98 et 99.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 360
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette démarche intégrera les formations relatives à la déontologie et à l'éthique, ainsi qu'à la remise en question de ses préjugés personnels à partir de cas pratiques permettant de raisonner sur la déontologie « en actes ».
M. Jérôme Durain. - Cet amendement puise dans les réflexions du Beauvau de la sécurité et de notre groupe sur les relations entre police et population. Le Beauvau a prôné l'individualisation de la formation et la consolidation du socle de priorités et de valeurs communes.
Dans cet esprit, il conviendrait également d'engager, dans le cadre de la formation, une réflexion générale sur les attitudes et les savoir-faire. Cette proposition est inspirée d'un rapport récent de Terra Nova.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Je comprends vos préoccupations. Au reste, le rapport prévoit déjà des formations en matière de déontologie et de relations entre police et population : votre demande est donc partiellement satisfaite. Dans l'attente des conclusions de la mission Carrère-Di Folco, avis défavorable à l'amendement et aux autres similaires.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°49 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°128, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Alinéa 364, deuxième phrase
1° Après le mot :
formation
insérer les mots :
qui comprendra des enseignements en sciences humaines et sociales et communication
2° Compléter cette phrase par les mots :
, éthique, fonctionnement de la justice, qui seront abordés en encourageant réflexion et sens critique
M. Guy Benarroche. - Le rapport allonge de 8 à 12 mois la formation initiale des forces de l'ordre, avec un accent mis sur la déontologie et les relations police-population. Nous approuvons ces efforts, que nous souhaitons accentuer. Certes, un rapport sur le sujet va arriver, mais nous travaillons ici sur le rapport annexé.
Le GEST estime que le malaise au sein de la police et les violences qui en découlent pourraient être évités par des formations portant sur les techniques de communication, de médiation et de gestion du stress, sur le fonctionnement de la justice - par exemple pour mieux connaître les alternatives à la détention - ou encore sur l'éthique. Appliquées dans de nombreux métiers, elles sont encore plus pertinentes pour la police.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°128 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Élargir le contenu des formations au-delà des seuls aspects métiers pour intégrer la sensibilisation aux enjeux sociaux et sociétaux auxquels les policiers et gendarmes sont directement ou indirectement confrontés dans l'exercice de leurs missions : formations à la gestion des tensions, à la réflexivité sur ses propres préjugés, aux relations entre police et confiance. Ces formations pourraient s'appuyer sur l'état des connaissances disponibles en sciences sociales, elles reposeraient d'abord et avant tout sur des mises en situation et des debriefings collectifs pour favoriser l'auto-évaluation et la réflexivité des agents. Les inspections seront chargées de rendre annuellement des données statistiques relatives aux actions de formation conduites au sein de la police et de la gendarmerie et sur une base régulière (tous les deux ou trois ans) et d'élaborer une analyse qualitative de ces actions.
M. Jérôme Durain. - Il faut étendre la réflexion aux inspections.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°48 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°81, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour garantir l'aptitude des agents, la formation, les entraînements au tir et aux pratiques professionnelles en intervention, prévus chaque année, sont systématiquement maintenues.
M. Guy Benarroche. - En février 2021, la CNCDH soulignait que les entraînements obligatoires au tir n'étaient pas toujours respectés. Je ne reviendrai pas sur les drames récents, pour les policiers comme pour les victimes, provoqués par des refus d'obtempérer, mais ils sont la preuve d'un usage quelque peu décomplexé des armes, ainsi que d'une formation et d'un encadrement insuffisants.
La formation continue doit être sanctuarisée, pour protéger les policiers. Tous les policiers armés sont en droit d'utiliser leur arme dans certaines circonstances, mais il est impératif, à la lumière de ces affaires récentes, d'opérer un contrôle strict et régulier sur les formations d'entraînement au tir. C'est d'ailleurs une revendication de la CGT Police. Nombre de policiers considèrent les trois entraînements annuels comme insuffisants.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°81 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°87 rectifié, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 375
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les formations continues peuvent être dispensées par différents experts indépendants du ministère de l'intérieur : avocats, magistrats, sociologues, associations, ainsi que professeurs des universités.
M. Guy Benarroche. - La formation continue ne doit pas être dispensée uniquement par des experts du ministère. Le Gouvernement dit vouloir se rapprocher du monde de la recherche, et nous sommes pour. Le conseil scientifique du Président de la République ne comprenait pas que des professionnels médicaux, car une vision transverse est toujours bénéfique.
D'où cet amendement, qui ouvre les formations à des magistrats, des sociologues et d'autres spécialistes, afin de sensibiliser les policiers à la délinquance des mineurs, aux conditions économiques et sociales dans les quartiers, aux droits humains, à la criminologie, etc.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°87 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°151, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Alinéa 377
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette mutualisation ne saurait se faire ni au détriment des besoins spécifiques des unités en fonction de leur finalité opérationnelle, ni au détriment du volume horaire de ces formations.
M. Thomas Dossus. - Le rapport annexé prévoit une mutualisation des services de formation, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment des besoins spécifiques de certaines unités : il serait incompréhensible que les formations au tir de la Bac aient la même durée que celles du personnel administratif, sauf alignement à la hausse, ce qui ne semble pas être le cas... Mutualisation ne doit pas signifier nivellement par le bas.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Pour une fois, avis favorable, car la précision semble utile.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable, mais sans grand espoir d'être entendu...
L'amendement n°151 est adopté.
M. le président. - Amendement n°152, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces nouveaux stands de tir permettront d'augmenter progressivement le volume horaires des séances de tir annuelles, avec un objectif de doublement du nombre de tirs effectués par les policiers. Les modules de formation au tir devront inclure l'ensemble des armements à la disposition de chaque unité (pistolets, fusils d'assauts, grenades) en accord avec leur utilisation sur le terrain. Ces exercices devront comprendre impérativement des mises en situation, mobilisant à la fois les capacités de tir des agents, mais également leur maîtrise du contexte et de l'environnement légal dans lesquels ceux-ci peuvent être effectués. L'accent sera mis particulièrement sur les situations de légitime défense.
M. Thomas Dossus. - Nous saluons la création de nouveaux stands de tir, mais les agents jugent insuffisantes, voire dérisoires, les trois séances de formation annuelles. Le tir est une discipline exigeante. Il convient de refondre le contenu des entraînements, qui doivent notamment envisager l'ensemble des situations rencontrées sur le terrain.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement et à tous ceux qui suivent, qui portent sur le contenu des formations.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°152 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°153, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces nouveaux stands de tir seront ouverts aux policiers municipaux, avec l'objectif d'augmenter progressivement le volume horaire de leurs séances de tir annuelles pour atteindre celui des policiers nationaux. Ces exercices devront comprendre impérativement des mises en situation, mobilisant à la fois les capacités de tir des agents, mais également leur maîtrise du contexte et de l'environnement légal dans lesquels ceux-ci peuvent être effectués. L'accent sera mis particulièrement sur les situations de légitime défense.
M. Thomas Dossus. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°153 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°154, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Après l'alinéa 387
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En complément de cette instruction au tir renforcée, sera également dispensée, tout au long de la carrière, un enseignement pratique aux techniques d'intervention opérationnelles rapprochées (TIOR), afin que l'utilisation de moyens létaux par les agents reste toujours un moyen de dernier recours. Cette formation devra mettre particulièrement l'accent sur le nécessaire évitement des techniques de combat et d'immobilisation touchant les organes vitaux et les voies respiratoires.
M. Thomas Dossus. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°154 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°85, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 403
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les policiers et gendarmes occupant un poste de management et de commandement seront systématiquement et régulièrement formés aux questions de mal-être au travail et à la prévention des risques psycho-sociaux, afin d'être en mesure de prendre soin de la santé mentale, physique et sociale des personnels placés sous leur commandement, et d'améliorer leur quotidien au travail. Ces formations feront intervenir différents experts extérieurs au ministère de l'intérieur : sociologues, psychologues, médecins, associations.
M. Guy Benarroche. - La dégradation du moral et le mal-être des forces de l'ordre font partie des premiers constats de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure de 2018, avec un taux de suicide supérieur de 36 % à celui de la population globale. Le GEST en est très préoccupé, et cela doit être une priorité. Cela ne se fera pas sans le concours actif du management et du commandement.
Le rapport du Sénat pointe d'ailleurs un management trop éloigné du terrain et manquant d'écoute et des dispositifs inefficaces de lutte contre les risques psychosociaux. Ce constat est frappé au coin du bon sens, qui est la marque de notre maison.
Il faut une meilleure formation du personnel d'encadrement. Le Sénat ayant rendu ses travaux, peut-être pourrions-nous avoir un avis favorable ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Toujours non...
M. Gérald Darmanin, ministre. - La question est importante. Le taux de suicide dans nos forces de l'ordre, trop élevé, doit cependant être comparé à ce qu'il est dans des corps comparables d'autres pays. Certes, la hiérarchie - jusqu'au ministre - est responsable et la formation peut améliorer les choses, mais le travail très particulier des policiers et gendarmes peut aussi les pousser à ces extrémités dramatiques.
Je ne partage cependant pas totalement votre explication : ce qui manque, ce sont surtout des psychologues. C'est pourquoi nous allons en recruter une quarantaine dans la gendarmerie et autant dans la police nationale l'an prochain. Votre amendement est donc en partie satisfait.
M. Guy Benarroche. - Nous saluons la création de ces postes de psychologues. C'est pourquoi notre amendement n°86 facilite l'accès des forces de l'ordre à des psychologues, même indépendants.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°85 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°86, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Après l'alinéa 404
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout policier et tout gendarme doit pouvoir obtenir un entretien avec un psychologue, y compris indépendant, dans un délai raisonnable.
M. Guy Benarroche. - Défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis.
L'amendement n°86 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bascher. - Les brigades équines de la gendarmerie ont des besoins importants, notamment en matériel. Je voterai cet article premier.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Vous nous reprochez d'oublier les brigades équines. Que n'hennit ! (Sourires) Nous commençons à recréer des brigades équines, notamment à Deauville. Si vous nous proposez des brigades entièrement équines dans l'Oise, nous serons à l'écoute...
L'article premier, modifié, est adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
APRÈS L'ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°120, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés des dispositions de nature législative, règlementaire ainsi que les mesures de nature budgétaire et d'organisation prises par le Gouvernement de 2023 à 2027 pour atteindre les objectifs poursuivis par la présente loi et qui sont détaillés dans le rapport annexé mentionné à l'article 1er. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces dispositions et mesures.
M. Jérôme Durain. - Cet amendement quelque peu candide sollicite du ministre une information du Parlement sur la mise en oeuvre des priorités du rapport annexé. Celui-ci n'a pas de valeur normative ; c'est une sorte de mode d'emploi de la Lopmi.
Il ne serait pas inutile d'avoir communication, année après année, sur 2023-2027, de l'état d'avancement des projets. Vous me répondrez annualité budgétaire et loi de finances... mais nous voulons bien payer pour voir.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le mot de rapport n'a pas été prononcé, mais le Parlement, par définition, est informé de tous les textes législatifs et réglementaires. En outre, il évalue et contrôle l'action du Gouvernement : c'est le rôle de nos rapporteurs. Avis défavorable sur le principe.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Sagesse.
M. Jean-Pierre Sueur. - Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous connaissons bien la vie du Parlement, et en particulier celle des lois de programmation... Elles sont belles lorsqu'on les vote, et puis elles se perdent dans les brumes de l'oubli.
D'où l'importance de cet amendement, qui prévoit que chaque année, nous sachions où nous en sommes en matière d'effectifs, de moyens et de crédits. C'est une garantie. J'ai donc été très sensible à l'avis de sagesse donné par le ministre. C'est que vous tenez à ce que vous-même et vos éventuels successeurs soyez engagés par cette programmation. Gageons que M. Daubresse y sera sensible.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - M. Daubresse n'est pas d'accord. Je comprends l'avis de sagesse du ministre : j'aurais le même avis à sa place, car l'exécutif ne se mêle pas de l'organisation du pouvoir législatif. J'ai aussi été ministre chargé d'une loi de programmation,...
M. Jérôme Bascher. - Du temps où ça marchait ! (Sourires)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - ... et ce n'était pas à moi d'informer le Parlement ! Le Parlement nomme des rapporteurs ; c'est à eux de demander des informations aux ministres. Cinq années durant, les rapporteurs de l'Assemblée nationale ont ainsi demandé - et obtenu - toutes les informations qu'ils désiraient sur la loi Borloo. Ne votons pas cet amendement, c'est une question de principe.
L'amendement n°120 n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. Marc Laménie . - En 2022, le ministre de l'intérieur dispose de 20,78 milliards d'euros et il disposera de 25,29 milliards d'euros en 2027, soit une hausse cumulée de 5 milliards d'euros sur cinq ans.
La mission Sécurité est particulièrement concernée : 12 milliards d'euros pour la police nationale et 10 milliards d'euros pour la gendarmerie nationale en 2022. Il reviendra aux lois de finances de confirmer ces engagements.
La commission des lois évoque un contexte de crise et d'incertitude dans ses travaux, avec une certaine prudence.
N'oublions pas l'administration des douanes : la commission des finances a donné ce matin un avis favorable au rapport Montgolfier-Nougein.
Mme Nathalie Delattre . - N'ayant pu déposer un amendement à cet article, je prends la parole pour signaler le rôle central des CRS dans notre doctrine du maintien de l'ordre, particulièrement les CRS-MNS (maîtres-nageurs sauveteurs).
La métropole de Bordeaux n'a pas de compagnie de CRS à demeure : monsieur le ministre, vous y avez affecté des moyens supplémentaires à la police nationale, mais Bordeaux a besoin de cette compagnie. La demi-unité déployée depuis octobre 2021 constitue un premier pas dont je vous remercie, mais elle reste très vulnérable en cas d'absences et de maladies.
Nous voulons bien créer une nouvelle compagnie, et non opérer un transfert d'un autre territoire.
M. Guy Benarroche . - Nous voterons cette hausse budgétaire du ministère de l'intérieur, nécessaire, qu'elle soit mise au service de votre plan ou d'une autre politique qui aurait notre préférence.
Les prochains textes seront l'occasion de veiller à l'usage de cet argent, à bon escient et avec parcimonie, comme nous le disons à Marseille...
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. Jérôme Bascher . - Il est important de donner des moyens non seulement à la police et à la gendarmerie, mais également au Parquet, qui fait souvent face à des affaires internationales particulièrement complexes. Nous avons la chance d'avoir en France une filière d'ingénieurs compétents dans ce domaine.
Faisons évoluer le droit de la cybercriminalité en France. Je salue le travail remarquable du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (COMCyberGEND), que j'ai eu l'honneur de visiter, et de son réseau de gendarmes sur les territoires. La criminalité cyber est une vraie plaie, récemment vécue par le département de la Seine-Maritime.
M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve des droits de propriété et du principe de proportionnalité
M. Guy Benarroche. - La saisie d'actifs numériques soulève la question des droits de propriété et de la proportionnalité : la loi ne saurait les ignorer. Nous proposons de consacrer la jurisprudence attachée à ces notions.
M. le président. - Amendement identique n°165 rectifié, présenté par MM. Favreau, Cuypers, D. Laurent, Houpert, Gremillet, Laménie et J.B. Blanc, Mme Dumont, MM. Belin et Savary, Mme Goy-Chavent, MM. Genet et Piednoir, Mme Garriaud-Maylam et MM. Cambon, Longuet, Somon et Tabarot.
M. Gilbert Favreau. - Je demande également la modification du texte pour préserver le droit de propriété et le principe de proportionnalité. Sans être un expert des cryptomonnaies, je ne puis que constater que la saisie d'actifs numériques est source de difficultés. La précision que je propose assurera donc l'effectivité de la saisie.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Une saisie, par définition, est soumise au droit de propriété et au principe de proportionnalité. Ces amendements sont superfétatoires. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - De quoi parlons-nous ? Il s'agit de saisir l'argent numérique versé à l'issue d'une cyberattaque comme nous saisirions des liquidités qui seraient le produit d'un crime ou d'un délit dans le monde réel.
Jusqu'ici, le législateur a accordé les mêmes moyens dans les cyberenquêtes et dans le monde réel, mais n'a pas pensé à autoriser la saisie de cyberactifs, dont la part est pourtant croissante dans la masse monétaire. Cet article est donc très important.
MM. Benarroche et Favreau ne s'y opposent pas, mais sont vigilants sur le droit de la propriété et sur le principe de proportionnalité. Cependant, dans le cadre du code de procédure pénale, la proportionnalité et la propriété sont partie intégrante de toute saisie.
En outre, il est souhaitable de conserver un parallèle entre les normes qui s'appliquent au monde cyber et ce qui se fait dans le monde réel. C'est en touchant au nerf de la guerre - l'argent sale - que nous touchons le plus les criminels et les délinquants. Vos amendements retireraient de l'efficacité à notre action. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos60 et 165 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme Nathalie Goulet. - L'article 3 couvre les saisies d'actifs numériques hébergés par un établissement prestataire de services sur actifs numériques (PSAN). Mais les criminels qui les conservent sur des wallets qui n'y sont pas rattachés pourront les garder à l'abri de toute procédure. La mesure que vous proposez est intéressante, mais elle ne suffira pas.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°5 rectifié ter, présenté par M. Bonhomme, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Chaize et Chatillon, Mmes Drexler et Dumont, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, MM. Genet, Gremillet et Laménie, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mme Micouleau, MM. Pellevat et Rapin et Mme Ventalon.
Supprimer cet article.
M. François Bonhomme. - L'extension de la cybercriminalité constitue un enjeu majeur. Le ransomware, logiciel malveillant capable de bloquer les données de ses cibles, est une des menaces les plus importantes, son utilisation étant couplée à une demande de rançon. Une entreprise sur cinq en aurait souffert, alors que la gendarmerie nationale a engagé 101 000 procédures en 2021, soit une hausse de 21 %.
Le Club des experts de la sécurité de l'information et du numérique (Cesin) s'oppose à l'indemnisation assurantielle des cyberactions. Ses membres estiment que cela encouragera le cybercrime, voire la récidive, ainsi que la propagation d'intermédiaires douteux, voire des pressions des assureurs si la rançon est moins élevée que les frais de remédiation.
L'Anssi et les ministères compétents encouragent à ne jamais verser de rançons, alors que la France est un des pays les plus attaqués. Nous proposons donc de supprimer cet article.
M. le président. - Amendement identique n°61, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. - Le mécanisme proposé risque d'être contre-productif. Le fait d'être assuré risque d'inciter l'établissement attaqué à payer la rançon, et donc d'inciter les pirates à poursuivre leur activité.
En outre, le délai laissé aux victimes, 48 heures, est trop court. Une fois échu, c'est la double peine pour les entreprises qui auront subi l'attaque et ne pourront être remboursées par l'assurance qu'elles paient.
M. le président. - Amendement identique n°112 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, de Belenet, Chauvet et Delahaye, Mmes Férat et Loisier, M. Moga et Mmes Saint-Pé, Sollogoub et Vermeillet.
M. Olivier Cadic. - Cet article est en rupture avec la doctrine de l'Anssi selon laquelle la France ne paie pas de rançon. Nos compatriotes à l'étranger seront particulièrement mis en danger alors que la France risque de financer le crime organisé et le terrorisme.
L'article encourage les attaquants en garantissant le paiement des rançons par une procédure d'accompagnement. Les attaques préféreront cibler les entités françaises et les entreprises seront déresponsabilisées.
M. le président. - Amendement identique n°115, présenté par Mme N. Goulet.
Mme Nathalie Goulet. - Je vous recommande la lecture de mon livre sur le terrorisme - je peux d'ailleurs vous le dédicacer pour votre anniversaire, monsieur le ministre. (Sourires) J'y évoque le problème de l'assurance, qu'on retrouve aussi pour les enlèvements. La couverture assurantielle de ce type de risque rend les cibles potentielles moins attentives et moins responsables.
La doctrine américaine est de ne pas assurer ces risques, car les assureurs pourraient se rendre complices d'actes de terrorisme ou criminels.
L'amendement n°126 n'est pas défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Ces amendements reposent sur un contresens : aucune disposition n'interdit, actuellement, de s'assurer contre le risque de paiement d'une rançon. C'est bien parce que cette couverture est déjà possible que le ministre souhaite éviter que des entreprises paient des rançons sans qu'on le sache et s'abstiennent de déposer une plainte qui donnerait le moyen de lutter contre ce fléau.
Cet article instaure une contrainte supplémentaire. Ainsi, avec cet article, les victimes ne pourraient se faire rembourser la rançon par l'assurance qu'après l'avoir signalé par une plainte à l'autorité judiciaire. Chère Nathalie Goulet, rapporteur naguère d'une loi sur le terrorisme, je m'intéresse aussi aux circuits occultes de son financement. Si la victime se résout à payer la rançon, les autorités doivent être informées, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Les assureurs vérifient en outre que leurs clients se protègent correctement : cela peut contribuer à la diffusion des bonnes pratiques recommandées par l'Anssi. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - En effet, des assurances payent déjà des rançons. Nous n'entendons pas supprimer l'assurance - ce que d'ailleurs vous auriez pu proposer par amendement -, mais faire en sorte que le paiement de rançon par l'assurance ne soit permis qu'à la condition d'un dépôt de plainte. Il y a bien un contresens dans la défense de vos amendements.
Dans le monde réel, des assurances contre l'extorsion et le chantage existent déjà. Les entreprises paient souvent des rançons - entre 25 et 30 % des victimes d'attaques l'auraient fait. Nous souhaitons que cela ne puisse se faire sans dépôt de plainte, pour lutter contre ce modèle économique.
Si l'article est adopté et qu'une rançon est payée sans nous informer, l'autorité des assurances pourra alors agir contre l'assurance fautive. Je crois qu'il serait préférable que vous retiriez vos amendements.
Une autre possibilité, plus conforme à votre argumentation, serait de demander l'interdiction de telles assurances...
M. François Bonhomme. - Effectivement, la suppression de cet article ne changerait rien à l'existence d'une couverture assurantielle. Cependant, l'Anssi et le Parquet sont clairs : il ne faut pas payer les rançons. Vous auriez donc pu interdire ces assurances, comme l'ont fait les États-Unis, qui ont vu le montant des rançons baisser. Je retire cependant mon amendement.
L'amendement n°5 rectifié ter est retiré.
M. Olivier Cadic. - J'ai voté l'article 3. Par cohérence, je maintiens mon amendement : conservons notre doctrine de non-paiement des rançons ! Les hôpitaux ou les collectivités attaqués devront-ils payer demain les rançons ? Cela semble rentrer dans les moeurs publiques en tout cas. Pour ma part, je continuerai à dire : ne payez jamais. Tout versement de rançon finance le terrorisme et incite les criminels à poursuivre leurs activités.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je me suis sans doute mal exprimé. Les assurances, en France et dans d'autres pays, sont-elles possibles pour le risque de cyberrançon ? Oui. Je ne comprends pas vos amendements : je partage votre avis et redis qu'il ne faut pas payer les rançons.
Mais je constate que ces assurances existent. Vous nous dites que nous aurions pu les interdire. C'est un débat, mais ce n'est pas la position du Gouvernement.
Dans le monde réel, l'assurance contre l'extorsion existe ; il faut être cohérent et conserver un parallélisme entre monde réel et monde cyber.
Nous ne prônons pas l'interdiction des assurances, car nous ne sommes pas les États-Unis, malheureusement, à cet égard. Nous ne devons pas non plus être dupes d'un argument commercial consistant à dire : ne vous assurez pas, achetez plutôt nos solutions de protection... Notre difficulté est que nous ne connaissons pas bien cette nouvelle menace ni les modus operandi de ces groupes. Nous devons mieux les connaître pour mieux les combattre. Un très grand nombre de personnes paie des rançons sans rien déclarer. Il faut y remédier.
Si nous interdisions ces assurances et qu'elles restaient autorisées en Europe, les établissements français s'assureraient à l'étranger et nous perdrions sur les deux tableaux : nous ne connaîtrions pas mieux nos adversaires et nos assurances perdraient le marché. En outre, je ne suis pas certain que le Conseil constitutionnel soit d'accord avec l'interdiction faite aux assurances de couvrir un risque.
Nous ne remettons pas en cause la doctrine selon laquelle il ne faut pas payer la rançon. Mais nous souhaitons un dépôt de plainte préalable pour mieux connaître et poursuivre les auteurs de ces crimes cyber. Nous découvrons un nouveau continent. La suppression de l'article est la plus mauvaise solution. Cet article n'est pas la solution à tous les problèmes, mais c'est la moins mauvaise des solutions.
M. Jérôme Durain. - Nous comprenons la position du ministre, ainsi que le tiraillement entre l'Anssi et Bercy. D'un côté, le directeur de l'agence déclare : « dès lors que l'on s'interroge sur le paiement d'une rançon, il est déjà trop tard ; il n'y a plus alors de bonnes solutions. Il ne faut pas se tromper de message et dissuader fortement le paiement des rançons qui va alimenter le crime organisé. Toute disposition, quand bien même elle semblerait de bon sens, qui pourrait laisser croire que le paiement d'une rançon est quelque chose d'anodin enverrait un terrible message. »
De l'autre côté, Bercy nous dit en substance : les assurances existent de toute façon, alors autant qu'elles soient en France !
Valider l'assurance par un dépôt de plainte revient à encourager le paiement des rançons.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Mais non !
M. Guy Benarroche. - M. Durain m'enlève les mots de la bouche.
L'amendement n°115 est retiré.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Aucun pays de l'OCDE n'a interdit les assurances ; la plupart prennent des mesures similaires à celles que nous proposons. Je comprends l'argumentation de M. Durain, mais si nous supprimons cet article, il y aura toujours ces rançons - mais nous continuerons à l'ignorer.
Les amendements identiques nos61 et 112 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. Cardon et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4
1° Remplacer le mot :
plainte
par le mot :
pré-plainte
2° Remplacer les mots :
au plus tard 48 heures après le paiement
par les mots :
dans les 24 heures suivant l'attaque et avant tout paiement
M. Rémi Cardon. - Merci à M. le ministre de placer ce sujet dans le débat. Nous proposons d'encourager l'information au plus vite des autorités compétentes en cas d'attaque. Heureusement, 90 % des attaques sont rapidement signalées, ce qui facilite la récupération des données ou la négociation avec les attaquants. Les heures sont comptées : il faut aller vite pour informer les autorités.
M. le président. - Amendement n°117, présenté par Mme N. Goulet.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
plus tard 48 heures après le paiement
par les mots :
moment de la demande de rançon et avant tout paiement
Mme Nathalie Goulet. - La déclaration doit être faite au moment de la demande de rançon ou au plus tard avant le paiement. Il n'est pas impossible, dans ces conditions, que la police identifie les malfaiteurs. C'est au moment du sinistre qu'on fait la déclaration d'assurance ; il faut qu'il en soit de même dans le cas des cyberattaques.
M. Guy Benarroche. - Les entreprises qui sont assurées veulent être remboursées, je l'entends. Le Gouvernement dit qu'il veut être mieux informé. Mais le fait d'inciter tout le monde à s'assurer pourrait aussi augmenter la criminalité. Cela risque de devenir kafkaïen : pour être remboursées, les entreprises devront être assurées et déclarer l'attaque dans les 24 heures ou même avant le paiement. Cela nous semble absurde. Nous rejetons l'article : mais, dans le cas où il serait voté, nous proposons d'allonger ce délai à 15 jours.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Donner un tel délai est incohérent. Il faut que les autorités soient rapidement prévenues pour éviter la rançon, comme en cas de prise d'otage. Avis défavorable à l'amendement de M. Benarroche.
Je demande l'avis du ministre sur les amendements de M. Cardon et de Mme Goulet - qui a cependant tort, à mon sens, de considérer que la demande de rançon constituerait le fait générateur... J'attends l'avis du ministre : faut-il 48 ou 24 heures ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Monsieur Benarroche, je ne comprends pas votre argument. Proposez-vous que l'on interdise les assurances contre les cambriolages et les vols de voiture, au motif que cela les encouragerait ? (M. Michel Savin s'amuse.) Cela ne correspond pas au monde réel...
D'aucuns diraient : plus il y a de gruyère, plus il y a de trous, donc moins il y a de gruyère... (Sourires)
En revanche, les amendements de M. Cardon et de Mme Goulet sont intéressants ; mais ils semblent faits pour ceux qui connaissent bien le risque cyber. Je connais une petite boulangerie, ayant trois salariés, qui a été victime d'une cyberattaque : mettez-vous à la place du boulanger qui n'a pas pu suivre les travaux législatifs, ni vérifier si le risque cyber figurait dans son contrat d'assurance. Il paie pour éviter la catastrophe et oublie de porter plainte immédiatement... Tout le monde n'est pas égal devant ce que vous proposez.
Je donne donc un avis favorable aux amendements nos46 et 117, mais il faudra trouver la bonne mesure entre la nécessité que la plainte soit déposée le plus vite possible et le fait que certaines TPE-PME ne sont pas équipées. Nous le retravaillerons donc au cours de la navette.
Mme Nathalie Goulet. - L'attaque est le fait générateur, monsieur le rapporteur : c'est ce qui déclenche le remboursement. Au cours de la navette, sur la base de l'amendement de M. Cardon, nous pourrions écrire que le dépôt de plainte doit avoir lieu, si possible, avant le paiement, et au plus tard à tel moment. Si l'amendement de M. Cardon est adopté, le mien n'a plus d'objet.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Plus on va vite, plus on a de chances de débusquer les auteurs. Nous verrons ce que propose l'Assemblée nationale. L'avis est donc favorable aux amendements nos46 et 117 et défavorable à l'amendement n°62.
L'amendement n°46 est adopté.
Les amendements nos117 et 62 n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Cardon et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 4
Après le mot :
victime
insérer les mots :
personne physique ou personne morale ayant recours aux services d'un prestataire labellisé en sécurité numérique
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Un décret détermine les qualités et caractéristiques spécifiques préalablement fixées dans un cahier des charges pour se prévaloir du label de sécurité numérique.
M. Rémi Cardon. - Cet amendement, qui reprend la proposition 11 du rapport de la mission d'information sur la cybersécurité des entreprises, se réfère précisément au label Expertcyber développé par Cybermalveillance.gouv.fr, en partenariat avec les principaux syndicats professionnels du secteur.
Le fait d'être labellisé offre une garantie supérieure de protection et renforce l'ensemble du tissu entrepreneurial. Il faut encadrer le marché et avoir une politique volontariste pour que ce label ait du sens.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les amendements nos 45 et 216 rectifié ter, que nous examinerons ultérieurement, témoignent de la même préoccupation.
La commission demande l'avis du Gouvernement : nous sommes sur des méthodes nouvelles, et il est normal que nous tâtonnions.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Pour encourager la montée en expertise, devons-nous conditionner les indemnisations d'assurance au fait que les entreprises aient été labellisées ?
Faisons un parallèle : la lutte contre l'incendie passe par des normes qui réduisent les risques, le risque résiduel étant couvert par une assurance. Aujourd'hui, pour un hôpital, le risque cyber est aussi grave qu'un incendie. A-t-on utilisé un label pour lutter contre ce dernier risque ? Non, le législateur a défini des normes à respecter pour tout le monde. Il faudra que l'Anssi propose de telles normes à l'avenir pour le cyber.
Rien n'empêche par ailleurs les assurances de pratiquer des prix inférieurs pour les entreprises qui auraient pris plus de précautions, comme elles le font déjà contre le risque de cambriolage, par exemple. Mais ce n'est pas au législateur de désigner un label : soyons un peu libéraux en ce domaine.
Avis défavorable à l'amendement n°45 et au suivant, le n°216 rectifié ter.
M. le président. - Amendement n°216 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon, Bonnecarrère, Mizzon, Laugier, Henno et Louault, Mmes Billon, Vermeillet, Gacquerre et Sollogoub, M. J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, MM. Le Nay et Capo-Canellas, Mme Guidez et MM. Détraigne et Cigolotti.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et subordonné au fait qu'était en vigueur au moment de l'incident un plan adapté de prévention des risques liés à la cyber sécurité, dont les caractéristiques minimales sont fixées par décret
M. Olivier Cigolotti. - Cet amendement ajoute une notion supplémentaire : nous proposons de subordonner l'indemnisation au dépôt d'une plainte sous 48 heures, mais également au fait que l'entreprise ait adopté un plan de prévention des risques liés aux cyberattaques, dont les caractéristiques seraient fixées par décret.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Pour les petites structures, que nous connaissons tous dans nos circonscriptions, un plan de gestion des risques représente une montagne. J'étais d'accord avec M. Cardon sur les délais, mais je donnerai un avis défavorable à ces amendements.
L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°216 rectifié ter.
L'article 4, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au I de l'article L. 561-15, après le mot : « proviennent », sont insérés les mots : « ou qu'elles résultent » ;
2° Au premier alinéa l'article L. 561-16, après le mot : « proviennent », sont insérés les mots : « ou qu'elles résultent ».
M. Jérôme Durain. - Les assureurs doivent prendre leur part de la lutte contre la cybercriminalité. Nous proposons un article additionnel pour modifier le code monétaire et financier en interdisant le paiement d'une rançon jusqu'à ce que la déclaration à Tracfin ait été effectuée.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'article 561-15 du code monétaire et financier satisfait déjà cet amendement : la déclaration à Tracfin doit être faite dès lors que l'établissement soupçonne que les fonds pourraient être le produit d'infractions entraînant une peine privative de liberté.
En 2021, il y a eu 66 déclarations de soupçon à Tracfin, contre 28 en 2020. Au total, le nombre de déclarations a été multiplié par 3,5 en trois ans.
L'amendement n'est pas nécessaire à ce stade. Avis défavorable.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Même avis. J'ajoute qu'une discussion est en cours à l'échelon européen : laissons-la aller à son terme.
L'amendement n°16 est retiré.
L'article 4 bis est adopté.
ARTICLE 5 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°224, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L'article L. 32 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Communications mobiles critiques très haut débit.
« On entend par communications mobiles critiques très haut débit les communications électroniques émises, transmises ou reçues par les services de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes et présentant les garanties nécessaires à l'exercice de leurs missions en termes de sécurité, d'interopérabilité de continuité et de résilience. » ;
b) Après le 2° bis, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter Réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
« On entend par réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité un réseau dédié aux services publics mutualisés de communication mobile critique très haut débit pour les seuls besoins de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes. Ce réseau est mis à la disposition de ces services dans le cadre des missions relevant de l'État, des collectivités territoriales, des services d'incendie et de secours, des services d'aide médicale urgente et de tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans le domaine du secours. Il est exploité par l'opérateur défini au 15° ter. » ;
c) Après le 15° bis, il est inséré un 15° ter ainsi rédigé :
« 15° ter Opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.
« On entend par opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité l'établissement public chargé d'assurer le service public d'exploitation du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité et de fourniture à ses utilisateurs d'un service de communications mobiles critiques à très haut-débit sécurisé destiné à des missions de sécurité et de secours et reposant sur les principes de continuité de service, de disponibilité, d'interopérabilité et de résilience. » ;
2° Après la section 8 du chapitre II du titre Ier du livre II, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Dispositions particulières au réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité
« Art. L. 34-... - I.- Les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques très haut débit entre les services de l'État et les autres acteurs de la sécurité et des secours.
« Les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public font droit aux demandes d'itinérance sur leurs réseaux de l'opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité. Cette prestation fait l'objet d'une convention communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
« La convention mentionnée au premier alinéa du présent I détermine les conditions techniques et tarifaires de fourniture de la prestation d'itinérance.
« Les différends relatifs aux conditions techniques et tarifaires de la convention mentionnée au présent I sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, dans les conditions prévues à l'article L. 36-8.
« II. En cas de congestion, afin de garantir l'acheminement des communications mobiles critiques très haut débit, les opérateurs retenus dans le cadre du marché public visant à répondre aux besoins de l'opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité font droit aux demandes d'accès prioritaires de celui-ci aux réseaux ouverts au public interconnectés, fondées sur des impératifs de sécurité publique, conformément au règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l'accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de l'Union.
« III.- Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de compensation des investissements identifiables et spécifiques mis en oeuvre en application du I, à la demande de l'État, par les opérateurs titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public, sauf dans les cas où ces prestations ont fait l'objet d'un marché public.
« IV. - L'opérateur mentionné au 15° ter de l'article L. 32 et le réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité mentionné au 2° ter du même article sont soumis au respect des règles applicables à l'établissement et à l'exploitation des réseaux ouverts au public et à la fourniture au public de services de communications électroniques, à l'exception des règles prévues aux f, f bis, f ter, g, h, j, k, n, n bis, n ter et p du I de l'article L. 33-1, aux II, V et VI de l'article L. 33-1 et aux articles L. 33-7, L. 33-9, L. 33-12, L. 33-12-1, L.34, L.35 à L.35-7. »
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement inscrit dans le texte de la loi les mesures que le Gouvernement entendait initialement prendre par ordonnance pour la création du réseau radio du futur (RRF). Pour ce projet, 2 milliards d'euros sont prévus dans la programmation.
Il s'agit de substituer aux réseaux actuels, qui ont présenté certaines défaillances lors de grands incendies ou des calamités de la Vésubie et de la Roya, un réseau nouveau commun à la police, à la gendarmerie et aux Sdis, mais aussi aux douanes et à l'administration pénitentiaire.
En prévision des jeux Olympiques, nous avons lancé un appel d'offres, remporté par des entreprises françaises, dont Airbus, qui dirigera le lot le plus important. Ce savoir-faire français pourra être exporté. De fait, nous serons le premier pays à créer un réseau radio et image unifié, fonctionnant quelles que soient les conditions.
Le Conseil d'État a demandé que ce réseau soit piloté par une personnalité morale distincte de l'État. C'est pourquoi nous créons un établissement public administratif chargé de l'opérer.
En outre, nous détaillons les exigences techniques qui s'imposent aux opérateurs non retenus, ainsi que les exemptions.
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois. - L'article 5 renvoyait initialement à une ordonnance. Nous avons demandé une inscription dans la loi, qui tienne compte de nos observations. Sur le fond, nous voyons le développement du réseau radio du futur d'un très bon oeil. Les enjeux opérationnels sont considérables pour les forces de sécurité et les services de secours. Avis favorable.
M. Patrick Chaize. - J'avais déposé un sous-amendement intégrant des notions de sécurité. En effet, dès lors que les réseaux commerciaux 4G seront utilisés pour les communications des services de renseignement, il me semble essentiel de renforcer la protection des infrastructures.
Le danger est réel : 174 structures ont été vandalisées en 2020, et la tendance est à l'augmentation. Incendies, vols de câbles, sectionnements de fils : les actes de malveillance atteignent un niveau record. Les actes les plus graves touchent le réseau fixe. Le 27 avril 2022, des câbles de fibre optique reliant Strasbourg, Rouen, Lyon et Lille à Paris ont été sectionnés. Cela relève du sabotage.
La commission des lois m'a averti que mon sous-amendement serait déclaré irrecevable au titre de l'article 45, aussi l'ai-je retiré avant la séance. Je tenais toutefois à soulever cette question.
M. Gilbert Favreau. - Ce dispositif a-t-il une parenté avec le dispositif NexSIS, destiné à organiser les communications entre tous les Sdis au niveau national ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je comprends l'intérêt du sous-amendement de M. Chaize. Le RRF est censé être résilient, y compris en cas d'interventions négatives sur les réseaux, de calamités ou d'intempéries. Soyez rassuré : je vais mettre les industriels au défi.
Oui, la France connaît depuis plusieurs mois des attaques venant de l'ultragauche ou de réseaux terroristes, des sabotages contre les réseaux radio et les réseaux téléphoniques qui plongent en zone blanche des milliers de nos compatriotes. La gendarmerie nationale est particulièrement mobilisée sur ce sujet.
Monsieur Favreau, NexSIS concerne les appels d'urgence, tandis que le RRF est un réseau commun aux forces constituant une communauté d'action.
L'amendement n°224 est adopté et l'article 5 est rétabli.
APRÈS L'ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 137-1 du code de la procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins de bonne administration de la justice, dans les territoires régis par l'article 73 de la Constitution, le juge des libertés et de la détention peut recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour la tenue des comparutions relatives aux fonctions détaillées dans la présente section, dans les cas et selon les modalités prévues par décret. »
Mme Catherine Conconne. - Lors de votre déplacement à la Martinique et en Guyane, vous avez fait des annonces importantes sur le trafic de drogue, un fléau qui gangrène nos territoires. Ce matin même, un fonctionnaire a été blessé en interpellant un trafiquant présumé. De fait, nos pays sont des plaques tournantes pour les trafics.
Il faut donner des moyens à la justice. Pour entendre une personne en Guyane, un juge doit quitter son ressort de la Martinique pendant trois jours...Il faut pouvoir recourir à la visioconférence pour les auditions.
Nous devons taper fort et aller vite pour réduire drastiquement le trafic de drogue, qui nous fait trop de mal.
M. Loïc Hervé, rapporteur. - On comprend très bien la difficulté pratique. Toutefois, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État estiment qu'on ne peut imposer aux parties un moyen de communication audiovisuel, en particulier pour les audiences du juge des libertés et de la détention. Il faut sans doute définir un cadre plus restrictif qui préserve les droits de la défense. Dès lors, nous sollicitons le retrait de l'amendement.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne suis pas insensible à votre conviction, madame la sénatrice. Votre belle île de la Martinique est gangrenée par le trafic de drogue. Je suis d'accord pour tirer parti des technologies, mais je ne suis pas le garde des sceaux. Je me range à l'avis du rapporteur.
Mme Catherine Conconne. - J'accepte de retirer l'amendement, mais nous le ferons prospérer par d'autres voies.
L'amendement n°17 est retiré.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°136, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
d'atteinte aux biens
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cet amendement rétablit la rédaction initiale du Gouvernement.
Après la pré-plainte en ligne, vous avez autorisé la plainte en ligne. Nous souhaitons qu'il soit également possible d'être entendu par la police ou la gendarmerie par visioconférence. Ce qui n'empêchera nullement de se rendre physiquement au commissariat ou à la gendarmerie, ni d'y être convoqué ultérieurement.
Le rapporteur Daubresse a limité cette possibilité aux atteintes aux biens. Nous souhaitons y inclure les atteintes aux personnes de moindre gravité, comme une bousculade ou une gifle - hors violences intrafamiliales. La visioconférence aurait toujours lieu sur l'initiative du plaignant et non des services de police ou de gendarmerie. Les procédures pourraient ainsi être accélérées.
Imaginons une victime de violences conjugales qui se réfugie chez un parent à l'autre bout de la France. Il faut que la préfecture de police se mette en relation avec la gendarmerie de son nouveau lieu de résidence et convoque la personne, qui ne peut pas toujours se déplacer. De plus, la collaboration entre police et gendarmerie impose des procédures longues. Ce qui peut faire perdre des mois.
Dans le cas d'une victime d'agression sexuelle qui retrouve d'autres victimes du même auteur, un premier tour d'auditions pourrait être rapidement organisé.
M. le président. - Amendement identique n°207, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Dominique Théophile. - Le ministre a été très complet : l'amendement est défendu.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous avons exprimé des inquiétudes sur l'utilisation de cette faculté - car il ne s'agira que d'une faculté - dans certains cas.
Après de nouveaux échanges avec le ministre, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Pour ma part, j'ai été convaincu que la plainte en ligne était plus protectrice pour les victimes que le cadre actuel. À titre personnel, je voterai donc l'amendement.
M. Hussein Bourgi. - Une fois n'est pas coutume, je voterai cet amendement du Gouvernement, à la lumière de mon expérience de vingt ans dans les associations d'aide aux victimes. Certaines victimes sont éloignées pour leur convalescence ou pour se reconstruire, ce qui ralentit le processus en cas de convocation.
Mme Éliane Assassi. - Cet amendement nous pose question. Y a-t-il un retour sur l'expérimentation de la plainte en ligne pour les femmes victimes ?
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette expérimentation été menée dans six départements, notamment en matière de violences faites aux femmes. Il s'agit non d'une plainte numérique mais d'une démarche d'« aller vers » : policiers et gendarmes équipés d'ordinateurs portables se rendent chez un tiers - avocat, parent, centre communal d'action sociale, par exemple. Le lieu change, mais il y a un contact physique.
Un agriculteur victime d'un vol de tracteur ne comprend pas qu'il lui faille se déplacer à la gendarmerie le lendemain pour déposer plainte. Avec cette nouvelle procédure, le dépôt de plainte peut être reçu immédiatement par le gendarme.
Je n'ai pas de données sur cette expérimentation, mais je vous les fournirai prochainement. Il faut que les services de police et de gendarmerie communiquent suffisamment autour de ce dispositif. Les zones blanches constituent aussi une limite.
Grâce à leur terminal Ubiquity, les gendarmes peuvent travailler de la même façon à la brigade et en dehors. Nous terminons la mise au point du même système pour la police nationale.
Les amendements identiques nos136 et 207 sont adoptés.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 21 h 30.
Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la politique énergétique de la France.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - L'énergie est au coeur de notre quotidien, et chaque transition énergétique a porté avec elle des changements majeurs. Nous en vivons une, que nous devons mener avec détermination, rapidité et justice : faisons-en une opportunité pour nos vies, notre économie et notre planète.
Cette transition est impérative. Dès 2018, le Président de la République chargeait RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, d'étudier les scénarios devant nous. À Belfort, en février dernier, il présentait une stratégie énergétique pour notre pays.
M. Jean-François Husson. - Et depuis, plus rien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Puis la Russie a agressé l'Ukraine, déclarant la guerre à nos valeurs. Le Kremlin est prêt à toutes les exactions, toutes les menaces, tous les chantages. Parmi eux, l'arrêt quasi-total des livraisons de gaz russe, qui nous fait risquer une pénurie et provoque une explosion des prix de l'énergie.
S'ajoutent les tensions sur le pétrole, conséquences de la guerre en Ukraine et du refus de l'Opep d'augmenter la production ; et sur notre production d'électricité, une part de notre parc nucléaire étant à l'arrêt pour maintenance. Sans oublier la sécheresse, qui limite notre production d'hydroélectricité.
D'où la nécessité d'accélérer notre transition énergétique, de sortir des énergies fossiles, de décarboner nos modes de vie et de conquérir notre indépendance. La responsabilité est collective.
Face à cette situation critique, notre premier devoir est de répondre à l'urgence, pour traverser l'hiver sans difficulté.
Dès cet été, nous avons porté nos stocks de gaz à 100 %. Nous avons diversifié nos approvisionnements en nous tournant vers la Norvège, l'Algérie et les États-Unis. Nous avons augmenté la capacité de nos terminaux méthaniers, dont un est en construction au Havre, faisant de notre pays une des principales portes d'entrée du gaz en Europe. Nous pourrons ainsi exporter du gaz vers l'Allemagne, et nos voisins nous fourniront en retour l'électricité dont nous aurons besoin.
M. Cédric Perrin. - De l'électricité carbonée !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Malheureusement, une part importante de notre parc nucléaire est indisponible,...
M. François Bonhomme. - Quelle surprise !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - ... du fait du rattrapage de maintenances non effectuées pendant la crise sanitaire, et d'un problème de corrosion sous contrainte qui conduit à fermer douze réacteurs. Les réacteurs redémarreront d'ici février. Je fais confiance à EDF pour respecter ce calendrier.
Grâce à notre action, à la solidarité européenne et à la sobriété, nous éviterons les pénuries.
Les factures d'énergie explosent partout en Europe. Nous avons agi très tôt, avec le bouclier tarifaire qui a bloqué les prix du gaz et limité la hausse de l'électricité. Nous le prolongeons, avec une limitation à 15 % de la hausse du gaz pour les ménages, les très petites entreprises et les plus petites communes. Sans bouclier, les prix auraient doublé.
À ces mesures, les plus protectrices d'Europe, s'ajoute le chèque énergie exceptionnel pour les 40 % de Français les plus modestes.
Nous avons demandé la transparence aux fournisseurs d'énergie. Nous voulons garantir qu'aucune collectivité, aucune entreprise ne se retrouve sans fournisseur. Nous voulons les protéger contre les offres abusives, grâce aux indicateurs de prix publiés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Nous améliorerons aussi les aides aux entreprises les plus consommatrices.
Pour les collectivités territoriales les plus en difficulté, le filet de sécurité voté par le Parlement pour 2022 sera mis en place au plus vite et les acomptes versés d'ici la fin de l'année ; je souhaite qu'il soit prolongé en 2023 et étendu à toutes les collectivités.
Avec le ministre de la cohésion des territoires, j'ai décidé de porter la hausse de la DGF de 210 à 320 millions d'euros. Avec cette hausse, la première en treize ans, 95 % des communes verront leur DGF se maintenir ou augmenter. Je le dis clairement : aucune collectivité territoriale, aucune entreprise ne sera laissée dans l'impasse.
Au-delà de ces mesures, nous sommes au front pour faire baisser les prix de l'énergie, dont le niveau est déraisonnable au regard des coûts de production ; ils sont tirés vers le haut par des craintes excessives de pénurie et la spéculation. Nous voulons les ramener à la raison.
Nous y travaillons d'abord en Européens. L'obligation de remplissage à 80 % des stocks de gaz à l'échelon européen a été dépassée, et des règles de solidarité entre États s'appliqueront en cas de pénurie de gaz.
Le conseil des ministres de l'énergie a adopté un règlement autorisant chaque État membre à demander une contribution de solidarité aux entreprises du secteur fossile et à taxer les bénéfices exceptionnels des producteurs d'électricité.
Il faut aussi agir sur les prix. Le Président de la République a participé vendredi dernier au Conseil européen de Prague, largement consacré à l'énergie. La Commission européenne doit nous proposer des réponses lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre.
Il faut faire bloc face à la Russie, mettre en place des achats groupés, permettre aux États et aux entreprises d'agir de concert.
Nous étudions deux pistes pour ramener les prix du gaz à un niveau raisonnable : un prix plafond pour tout le gaz consommé, ou un élargissement du dispositif qui a permis de diviser par trois le prix de l'électricité en Espagne, en plafonnant le prix du gaz servant à produire de l'électricité.
Plus largement, la crise nous incite à réformer profondément le marché européen de l'électricité. Les années à venir seront difficiles, notamment pour l'approvisionnement en gaz. Ne soyons pas naïfs.
Toutes ces mesures sont essentielles pour nous permettre d'affronter la situation dans la durée.
Au-delà de l'urgence, il faut préparer l'avenir. Les énergies fossiles sont néfastes pour la planète, nous exposent à des fluctuations de prix majeures et sont une source de fragilité pour notre souveraineté : nous devons sortir de la dépendance, nous en émanciper. C'est le cap fixé par le Président de la République à Belfort début février. C'est une question de souveraineté, de maîtrise des prix également.
C'est aussi un impératif climatique : sortir des énergies fossiles est le meilleur moyen d'atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est enfin une protection pour les ménages, les collectivités et les entreprises.
Pour cela il faut un plan, des moyens et des rendez-vous. Il faut que tous se mobilisent. C'est le sens de la planification écologique dont j'ai la charge.
Notre stratégie repose sur trois piliers : sobriété, production d'électricité décarbonée assise sur le renouvelable et le nucléaire et développement de nouvelles sources d'énergie, comme l'hydrogène.
La sobriété, d'abord. Ce n'est pas la décroissance, mais baisser un peu la température, décaler ses usages et éviter les consommations inutiles. C'est aussi la décarbonation de l'industrie ou la rénovation énergétique des bâtiments. La sobriété, c'est une source d'économies pour tous. Chacun doit en prendre sa part.
Sous l'égide de la ministre de la transition énergétique, les sources d'économie ont été identifiées secteur par secteur, et nous avons pu présenter un plan de sobriété complet et ambitieux qui réduira notre consommation énergétique de 10 % d'ici deux ans.
Il ne comporte pas de mesures coercitives, car la responsabilité collective est le meilleur chemin pour réussir. C'est ainsi que chacun identifiera les actions les plus efficaces, et que nous emporterons l'adhésion.
La sobriété ne s'arrêtera pas à la fin de l'hiver. Nous visons une baisse de 40 % de notre consommation d'énergie d'ici 2050. La sobriété doit s'inscrire dans la durée, et ce plan n'est qu'un point de départ.
Deuxième axe, le développement du nucléaire et du renouvelable. Le rapport présenté par RTE nous présente différents scénarios. Il nous faut produire plus d'électricité pour répondre aux nouveaux usages - 60 % de plus qu'aujourd'hui en 2050.
Certains ne jurent que par le nucléaire, d'autres veulent fermer les centrales. Nous choisissons de suivre les experts, pas les idéologues. Nous cherchons ce qui est efficace pour notre production d'énergie, bon pour notre économie et protecteur pour la planète. (Ironie à droite)
La crise actuelle révèle que dans les moments de tension, même les apports qui semblent faibles sont parfois décisifs. Il faut donc avancer sur deux jambes : nucléaire et renouvelable.
Développer massivement les énergies renouvelables est un choix pragmatique, car il faut quinze ans pour construire un réacteur.
M. Jean-François Husson. - Vous avez perdu du temps !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - C'est un choix écologique car décarboné, économiquement rationnel car la production d'électricité renouvelable dégage désormais des recettes pour l'État : après avoir coûté 6 milliards d'euros de subventions en 2021, elle a rapporté 10 milliards d'euros en 2022, intégralement redistribués au consommateur. C'est un choix de souveraineté car nos parcs éoliens en mer, comme à Saint-Nazaire, sont la marque du développement d'une véritable filière.
M. François Bonhomme. - Merci qui ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Il faut que la production et l'assemblage des panneaux solaires reviennent en Europe. Notre objectif est de doubler la production d'électricité renouvelable d'ici à 2030. Nous accélérons donc le rythme. Vous examinerez très prochainement un texte sur les énergies renouvelables qui vise à lever les obstacles administratifs. Nous miserons surtout sur le photovoltaïque et l'éolien en mer, mais nous aurons aussi besoin de l'éolien terrestre, qu'il s'agit de mieux intégrer dans les paysages en évitant l'implantation anarchique des parcs.
Enfin, nous allons promouvoir l'hydroélectricité, avec un texte pour relancer rapidement les investissements dans nos barrages sans passer par une mise en concurrence. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)
En parallèle, nous modernisons notre parc nucléaire.
M. Jean-François Husson. - Fessenheim !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous prolongerons tous les réacteurs nucléaires répondant à nos standards de sécurité. Conformément aux engagements du Président de la République, nous lançons un ambitieux programme de nouveaux réacteurs. Premier volet, la construction de six EPR2, dont le premier est attendu pour 2035. Nous allons alléger certaines procédures administratives grâce à un projet de loi sur le nucléaire qui sera présenté début novembre. Je sais pouvoir compter sur les salariés de la filière.
Seconde étape du programme nucléaire, étudier la construction de huit réacteurs supplémentaires. Le secteur a besoin de visibilité pour embaucher les chercheurs et techniciens de demain.
Le troisième volet, c'est l'innovation pour bâtir les réacteurs de nouvelle génération.
M. François Bonhomme. - Astrid par exemple !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nous avons inscrit 1 milliard d'euros pour le nucléaire du futur dans le plan France 2030, notamment pour construire un prototype de SMR.
Pour assurer un pilotage et un suivi rigoureux, nous reprenons le contrôle à 100 % d'EDF ; nous installons une délégation interministérielle pour le nouveau nucléaire, qui sera dirigée par Joël Barre, ancien délégué général pour l'armement ; nous soutenons l'acquisition par EDF des activités nucléaires de General Electric.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il ne fallait pas vendre !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Troisième axe de notre stratégie, l'investissement dans l'hydrogène, qui allie transition énergétique et industrielle et constitue un outil de décarbonation massive de notre économie, y compris dans la sidérurgie. Cette nouvelle filière, avec 100 000 à 150 000 emplois durables à la clé, sera un outil précieux pour notre souveraineté énergétique.
Avec France Relance et France 2030, nous injectons 9 milliards d'euros pour constituer une filière complète ; j'ai annoncé dernièrement 2,1 milliards d'euros pour bâtir les dix premières gigafactories françaises.
La décarbonation passera également par la biomasse, la géothermie, le biogaz et les biocarburants. Pour les industries qui ne peuvent tout électrifier, le biogaz est un levier précieux : nos agriculteurs y trouveront une source de revenus complémentaires en valorisant leurs déchets. Pour nos territoires, ce sont des emplois locaux et non délocalisables.
En matière de méthanisation, nos objectifs sont ambitieux. Nous les soutiendrons par des mesures législatives et réglementaires.
L'agrivoltaïsme ne bénéficie pas, à ce jour, de cadre réglementaire, d'où une concurrence entre agriculture et production d'énergie, et certains abus. Or le développement du photovoltaïsme sur le foncier agricole et forestier peut être un moyen de faire baisser les dépenses des agriculteurs. Je sais qu'une proposition de loi sur ce sujet est en cours de discussion dans votre assemblée ; faisons converger nos efforts pour élaborer un cadre adapté.
Notre transition énergétique, pour réussir, doit être pensée en Européens. Nos économies sont interdépendantes, nos réseaux connectés, nous partageons des défis et des valeurs. Notre souveraineté énergétique doit être européenne.
À Versailles, sous la présidence française du Conseil, nous avons franchi un grand pas : les Vingt-Sept se sont mis d'accord pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures russes et aux énergies fossiles. C'est ainsi que nous réduirons plus massivement notre empreinte carbone, que nous résisterons aux chocs énergétiques.
Voilà le cap fixé par le Président de la République à Belfort ; un cap vers la neutralité carbone et la souveraineté, qui repose sur la mobilisation et la responsabilité de tous.
Notre débat sera suivi de l'examen de deux projets de loi, sur les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous vous présenterons ensuite la loi de programmation Énergie-Climat, cadre de notre programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Cette transition énergétique sera radicale et rapide : elle impose de transformer nos manières de penser, de consommer et de produire.
Elle sera synonyme d'un meilleur niveau de vie ; sobriété et électrification changeront notre quotidien pour le mieux. Elle nous protégera des chocs énergétiques et fera baisser les factures. En consommant moins, nous dépenserons moins. Je veillerai à ce qu'elle soit une transition juste.
Enfin, elle sera un levier de croissance et d'emplois durables. Elle appuiera notre réindustrialisation, avec de nouvelles filières, comme pour le stockage de l'énergie.
La transition énergétique est une nécessité et une opportunité qu'il faut saisir, en Français et en Européens. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE ; MM. Pierre Louault et Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un débat sur la politique énergétique, mais sans vote et à une heure tardive, est-il à la hauteur des enjeux, alors que tout a été fait à l'envers depuis cet été ?
En juillet, on nous a demandé de délibérer sur le principe d'un terminal méthanier qui importera du gaz de schiste américain et sur la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold. Nous allons débattre d'un texte sur les énergies renouvelables, puis, en fin d'année, d'un projet de loi sur le nucléaire, et enfin seulement, de la stratégie globale, avec la programmation pluriannuelle de l'énergie. Tout aura été fait à l'envers, à la découpe, dans le brouillard.
Ce débat pourrait éclairer les Français, peut-être, mais c'est déjà trop tard pour cet hiver. Il y a deux ans, j'ai écrit un livre intitulé Aurons-nous encore de la lumière en hiver ? Si nous subissons des coupures de courant cet hiver, ce ne sera pas imputable au covid ou au tsar rouge, mais bien aux décisions du Président de la République et du Gouvernement.
Point de remède sans diagnostic. Or le constat est, plus qu'un constat d'échec, celui d'un Waterloo énergétique. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)
Comment un grand pays comme la France, grand exportateur d'énergie, en vient-il à manquer d'électricité ? Si les Français paient cher leur énergie, malgré le bouclier, c'est parce qu'elle est rare. Notre production actuelle est retombée à son niveau de 1990, alors que les nouveaux usages feront de plus en plus appel à l'électricité.
EDF, ce fleuron national, est très fragilisé. Son endettement va bientôt atteindre les 60 milliards d'euros. L'Arenh dont, certes, le Gouvernement n'est pas responsable, aura conduit à subventionner des concurrents qui ne produisent pas un électron.
Cette nationalisation est en réalité une étatisation. Il aurait mieux valu recapitaliser EDF en injectant de l'argent frais.
Flamanville est une blessure à la fierté nationale, à notre ambition. Prévue pour 2012, la centrale n'a toujours pas ouvert. Son coût final sera quatre fois supérieur aux estimations initiales, il faudra faire venir des ouvriers américains pour la soudure.
S'y ajoute une injustice pour les Français, qui devront payer les conséquences des inconséquences de votre politique. Et la politique de la doudoune ne pourra vous dédouaner.
Ce n'est pas le président d'EDF qui a décidé de fermer quatorze réacteurs nucléaires en 2017, c'est le Président de la République. Pas plus qu'il n'a signé le décret d'avril 2020 : c'était vous ! Il faut dire qui est responsable des décisions prises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Ces décisions ont été motivées non par une vraie stratégie, mais par la politique politicienne. Emmanuel Macron a été l'exécuteur testamentaire d'un accord passé entre Mme Duflot et Mme Aubry visant à placer François Hollande au pouvoir. Il a aussi voulu avoir Nicolas Hulot comme ministre, qui a continué sur cette lancée...
Madame la Première ministre, vous avez beaucoup évoqué l'Europe. J'ai été scandalisé lorsque M. Macron a justifié la fermeture de Fessenheim par sa proximité géographique avec l'Allemagne, qui avait choisi de fermer les réacteurs et les centrales nucléaires. Je peux produire le verbatim... C'est inacceptable !
Quand on n'a pas de stratégie, on adopte celle des autres - celle de Bruxelles, et derrière, celle de l'Allemagne.
Croyez-vous vraiment que l'Allemagne fasse montre de solidarité sur le plan énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.) Et je ne parle même pas des 200 milliards du bouclier énergétique.
M. Pierre Louault. - Vous êtes anti-européen.
M. Bruno Retailleau. - Je suis européen ! Contrairement à la France, l'Allemagne a toujours défendu ses intérêts : elle s'est mise dans la main de la Russie en achetant peu cher le gaz russe pour favoriser son industrie, pour exporter ses voitures. Elle a handicapé l'Europe, et nous avons suivi, par solidarité... J'aimerais croire au couple franco-allemand, mais j'attends des garanties de nos amis allemands.
Le Président de la République n'est pas le Chancelier : on attend de lui qu'il défende avant tout les intérêts de la France et des Français.
La politique énergétique doit être constante et cohérente. Elle ne peut s'accorder avec le « en même temps » qui est tout sauf un cap ou une boussole.
Il faut jouer sur l'ensemble des leviers : la production, c'est-à-dire l'offre ; la demande, c'est-à-dire la sobriété ; la tarification.
La tarification, d'abord. En juillet dernier, Madame la Première ministre, après votre discours de politique générale, je vous demandai pourquoi vous ne faisiez pas comme l'Espagne et le Portugal. Vous le proposez aujourd'hui : on a perdu trois mois. La tarification européenne est stupide, elle a avantagé l'Allemagne et desservi la France.
J'ai écouté le Président de la République à la télévision : il vient d'expliquer qu'il fallait décorréler le prix du gaz et de l'électricité. Bien sûr ! Nous aurions pu le faire avant. En étant dans la solidarité sans réciprocité, on est dans la naïveté. (M. Max Brisson approuve.)
Il faut aller plus loin. Mettez fin à la suspension des tarifs réglementés, qui s'achèvent au 30 juin prochain. Le bouclier, ce n'est pas seulement déverser de l'argent public : il faut un cadre.
EDF, une fois le pic tarifaire passé, devra être encouragé à signer des contrats de long terme, malgré les freins européens. Nous avons été handicapés par dix ans de politiques libérales. Que de problèmes au nom de la concurrence pure et parfaite ! (On jubile sur les travées du groupe CRCE.) Je veux bien la solidarité européenne, mais à la condition que cette solidarité ne mène pas dans le mur. Je ne suis pas naïf.
La demande, ensuite, c'est-à-dire la sobriété. Le col roulé, le tancarville et le télétravail sont des leviers, mais ne constituent pas une politique. Comment avons-nous pu autant régresser en vingt sur l'effacement ? Tempo, cela ne fonctionne pas ! Il faut un grand dispositif d'effacement volontaire, rémunéré et moderne.
Il faut produire une énergie abondante, décarbonée, pilotable et bon marché. On ne réindustrialisera pas la France sans une énergie compétitive.
Il faut revoir la PPE, déplafonner la part du nucléaire dans le mix électrique, prolonger nos réacteurs nucléaires et donner de la visibilité à EDF. L'unité d'EDF doit être préservée : engagez-vous à cela, madame la Première ministre. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Reprenez les conclusions du rapport de Daniel Gremillet : ce ne sont pas six, mais quatorze réacteurs dont nous avons besoin !
Les énergies renouvelables ont un rôle à jouer, mais c'est un rôle d'appoint. L'Allemagne a montré que lorsque l'on investit jusqu'à 40 % dans le renouvelable, il faut aussi investir dans le fossile. Nous, nous voulons de l'énergie décarbonée.
En 2017, le slogan d'Emmanuel Macron était « pensez printemps ». Voilà qu'il découvre l'hiver !
Madame la Première ministre, reconstruisez notre souveraineté énergétique pour le pouvoir d'achat des Français et pour la réindustrialisation de notre pays. (Les sénateurs du GEST indiquent que le temps de parole est écoulé ; vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.) La politique énergétique nationale nécessite cohérence, constance et résolution. Les gouvernements successifs n'ont pas eu cette exigence. Je ne reviendrai pas sur les atermoiements du Président de la République sur le nucléaire.
Vous nous présentez un projet de loi technique sur les procédures. Pourquoi un tel saucissonnage ? Les Français ont besoin de lisibilité.
Nous devons collectivement réussir une transition de civilisation, dans la justice sociale et l'équité.
Cet impératif de long cours doit être conjugué avec des réponses immédiates et financièrement accessibles. Les Français doivent être davantage soutenus et ne comprennent pas que leur pays ne les aide pas, comme l'Allemagne s'apprête à le faire avec un plan de 200 milliards d'euros.
Nous devons nous appuyer sur les dernières connaissances scientifiques ; les préconisations du groupe SER sont assises sur les scénarios du Giec et de RTE.
Le rôle d'EDF doit être réaffirmé. Quel est votre projet pour cette entreprise ? Sur quelles hypothèses le Gouvernement s'appuie-t-il pour construire notre futur énergétique ?
La future loi Énergie-climat prévoit l'extinction des sources d'énergie carbonée pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans la stratégie nationale bas-carbone, l'électricité représenterait 55 % de l'énergie finale consommée, contre 25 % aujourd'hui. Allez-vous réviser cet objectif ?
RTE propose six scénarios. L'électrification des filières et des usages existants est un critère déterminant de la production électrique nécessaire. Qu'allez-vous proposer dans la prochaine PPE ?
Les scénarios de RTE recouvrent des choix très différents, du 50 % nucléaire au 100 % renouvelable.
Le Président de la République a décidé de commander six EPR2 et de lancer les études pour huit EPR2 et des SMR. EDF a lancé le grand carénage. Faut-il comprendre que le Gouvernement se lance dans un mix électrique, 50 % renouvelables et 50 % nucléaire ? Quelles raisons président à ce choix ?
Le mix énergétique doit être pragmatique et prendre en compte les incertitudes et les risques. Difficile de démultiplier les projets de renouvelable, au regard des difficultés rencontrées sur de nombreux territoires. Pour atteindre 100 % d'énergies renouvelables, il faudrait multiplier par vingt-et-un la puissance installée en photovoltaïque et par quatre la puissance installée en éolien terrestre : en sommes-nous seulement capables ?
L'affaiblissement de la filière nucléaire depuis des années interroge notre capacité à prolonger la durée de vie des réacteurs existants et à construire de nouveaux réacteurs dans les temps.
Il faut intégrer les coûts et l'impact environnemental des installations de production, notamment sur les sols, dans un contexte de zéro artificialisation nette, les émissions de gaz à effet de serre, l'impact sur l'emploi local.
Indépendamment des conséquences de la guerre en Ukraine, le Gouvernement doit pousser tous les curseurs pour développer les énergies décarbonées.
Dans un contexte incertain, nous devons aussi nous donner des marges en matière de puissance installée.
Les procédures de réalisation des projets, de la concertation publique à la mise en oeuvre, doivent être industrialisées. De l'État aux collectivités territoriales en passant par les comités locaux, comment alignerez-vous les acteurs ? Sur quels principes repose la planification ?
À ce stade, le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables n'est pas à la hauteur des enjeux et des difficultés rencontrées sur les territoires. Sans renier la fonction nourricière première de l'agriculture, l'agrivoltaïsme doit être développé.
Sur l'avenir du groupe EDF, le Président de la République est muet. Jamais EDF n'a été autant affaiblie, par manque de pilotage politique. À se demander si ce n'est pas voulu ! Depuis dix ans, EDF a été la vache à lait de l'État, dit l'ancien président de la CRE - aujourd'hui ministre. La responsabilité est exclusivement politique.
Madame la Première ministre, quelles sont les conséquences de l'OPA que vous avez lancée ? EDF deviendra-t-elle un Épic ? Quel rôle l'État-actionnaire jouera-t-il ? Quel est donc votre projet industriel social et environnemental ? Avez-vous renoncé au découpage de l'entreprise ? Comment financez-vous les investissements d'EDF dans le grand carénage, le renouvelable et les réseaux ? Financerez-vous le nouveau nucléaire demandé par le Président de la République dans le périmètre d'EDF ou en-dehors ? Quelle place pour l'hydraulique et comment préserver dans la durée son caractère public ?
Le mix est une prérogative nationale, mais le marché de l'énergie est sous la responsabilité de l'Union européenne. Cette contradiction explique en grande partie les difficultés des consommateurs français et européens. Quelle position la France défendra-t-elle auprès de la Commission européenne pour que les prix reflètent les coûts complets à long terme des mix nationaux ?
Nous souhaitons que les tarifs régulés de l'électricité et du gaz perdurent. Le petit consommateur doit bénéficier de tarifs stables dans le temps et l'entrepreneur de prévisibilité à moyen et long termes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Denise Saint-Pé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Qu'attendons-nous d'un système énergétique ? D'abord, de la sécurité, à commencer par l'approvisionnement, afin d'éviter délestage, rationnement et black-out. Ensuite, de la souveraineté, pour dépendre le moins possible de puissances étrangères. Enfin, il faut tendre vers la neutralité carbone.
Or sur ces trois tableaux, nous avons des lacunes. La plus visible concerne l'insécurité, avec le spectre d'une pénurie d'énergie. Cela tient, pour l'électricité, au vieillissement des centrales nucléaires. Quant au gaz, il fait défaut aux Européens en raison de la guerre en Ukraine - même si la France en souffre moins que d'autres. Nous devenons dépendants de l'étranger, de l'Allemagne pour l'électricité, de la Norvège et du Qatar pour le gaz. Enfin, notre mix énergétique n'est pas assez décarboné : plus de 60 % de nos besoins énergétiques sont satisfaits par le gaz ou le pétrole, loin des objectifs de l'Accord de Paris. Il faut refondre notre système énergétique.
Le Gouvernement a saisi les enjeux à court terme : il fallait sécuriser l'approvisionnement en gaz en trouvant de nouveaux fournisseurs et nos stocks sont remplis. Mais il faut aussi encourager la méthanisation sur le territoire national.
Il fallait aussi organiser la sobriété, comme le prévoit le plan dévoilé jeudi dernier, avec un effort qui porte autant sur l'État et les entreprises que sur les particuliers et les collectivités.
Je salue la mobilisation du Gouvernement auprès de la Commission européenne pour qu'elle propose des solutions collectives : c'est à l'Union européenne de régler le problème central de la formation du prix de l'électricité qui correspond au coût du dernier kilowatt produit par le dernier opérateur. Or c'est, actuellement, un kilowatt issu du gaz qui tire les prix vers le haut.
Il faut une décorrélation des prix de l'électricité et du gaz. Pour cela, deux voies sont possibles : par le haut, en créant un grand service européen de l'énergie, public et monopolistique, mais c'est utopique ; ou par le bas, en renationalisant le système, comme l'ont fait l'Espagne et le Portugal qui ont obtenu le droit de déconnecter pendant un an les prix du gaz et de l'électricité. Cela fonctionne : fin août, le prix du mégawattheure y était de 240 euros, contre 660 euros en France et en Allemagne. Cette dérogation a été accordée pour deux raisons : une faible interconnexion avec le reste de l'Europe et une électricité très décarbonée.
Il faut donc envisager la solution ibérique pour les pays dont l'électricité est largement décarbonée, comme la France. Une fois nos centrales remises en marche, faudra-t-il faire cavalier seul ?
L'ouverture du marché de l'énergie n'a pas donné satisfaction. L'Arenh a été une absurdité et une aubaine pour des opérateurs qui se sont comportés en négociants, sur le dos du contribuable. Arrêtons de considérer l'énergie comme une marchandise : c'est un bien public de première nécessité. Interrogeons-nous sur un retour au tarif réglementé pour l'électricité et même le gaz.
Nous avons besoin à long terme d'une vision stratégique, telle que présentée par le Président de la République dans son discours de Belfort, qui repose sur le triptyque sobriété, nucléaire et renouvelable.
On ne peut qu'y souscrire, mais le diable est dans les détails. Les projections sur la sobriété sont irréalistes : comment réduire les besoins énergétiques de 40 % d'ici 2040, alors que nous serons plus nombreux et 20 % plus riches ? Qui peut y croire ? C'est pourtant le fondement des scénarios de RTE. Ce serait déjà une bonne performance que de contenir nos besoins d'ici à 2040. Mais alors, il faudra produire le double ou le triple d'électricité...
Dans ces conditions, les décisions sur le nucléaire sont insuffisantes. À Belfort, le Président de la République a déclaré qu'aucun réacteur en état de produire ne devait être fermé. Le plan de fermeture de douze réacteurs d'ici à 2035 sera-t-il enfin abandonné ? Le nombre d'EPR à construire en dépend. De plus, aucun plan de développement de SMR n'a été annoncé, alors que le petit nucléaire est prometteur. La recherche est relancée, mais il faut un plan et des objectifs.
Sur le renouvelable, sans anticiper les débats sur le projet de loi, je puis dire que l'UC plaidera pour l'agrivoltaïsme, la géothermie et la biomasse. Sur ces trois volets, il faut former dès maintenant de vrais professionnels du nucléaire, des réseaux intelligents, de l'isolation des bâtiments et des énergies renouvelables. Avons-nous un plan de formation digne de ce nom ?
Il nous faut un big-bang énergétique. Montrons-nous à la hauteur du rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP, du RDPI et du groupe Les Républicains)
M. Didier Rambaud . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'énergie occupe une place sans précédent dans le débat public, avec la guerre en Ukraine, l'inflation, le dérèglement climatique... L'énergie à bas prix et abondante n'existe plus. À court terme, il faut sauver notre approvisionnement, à long terme assurer la souveraineté énergétique de la France et sa neutralité carbone.
Dans un contexte d'inflation, Poutine utilise l'énergie pour faire la guerre. Le Gouvernement fait le choix d'une nouvelle solidarité européenne, pour s'entraider et éviter les coupures. En matière de gaz, nous avons réussi à remplir les stocks à 99 %. Le projet de terminal flottant au large du Havre a été accéléré, grâce au vote du Parlement. Grâce à cela, nous passerons le prochain hiver avec moins de difficultés.
Mais les économies d'énergie restent indispensables, à tous les niveaux. C'est l'esprit du plan de sobriété présenté jeudi 6 octobre, qui prône l'incitation et la responsabilité collective grâce à des gestes de bon sens, du quotidien, que nos aïeux réalisaient déjà.
Sobriété n'est pas synonyme de décroissance. C'est une opportunité contre le gaspillage énergétique et la surconsommation. Le groupe RDPI soutient totalement cette stratégie. (Mme Nicole Duranton applaudit.)
Les acteurs les plus en difficulté doivent être soutenus. Le bouclier tarifaire sera reconduit en 2023 et 430 millions d'euros seront alloués à une part significative du bloc communal. Grâce au Gouvernement, les Français restent protégés face à l'inflation.
Le pays n'en est pas moins confronté au double défi de la souveraineté énergétique et de la neutralité carbone. Une fois l'hiver passé, ces défis resteront au coeur du débat politique.
Pour renforcer notre souveraineté, nous devons investir dans notre mix énergétique. L'éolien en mer, le photovoltaïque, l'agrivoltaïque et l'hydraulique doivent être développés en concertation avec les élus locaux.
Mais renforcer notre souveraineté, c'est accepter la part du nucléaire - 70 % de notre production électrique. Il serait déraisonnable de s'en passer : voyez l'Allemagne, dépendante du gaz. Notre nucléaire est une force historique à conforter. On ne peut se satisfaire que 26 réacteurs sur 56 soient indisponibles ; nous payons les mauvais arbitrages passés.
La renationalisation d'EDF, à cet égard, est un mal nécessaire. Un projet de loi sera présenté dans les prochains mois pour simplifier les procédures et faciliter la création de nouveaux EPR. Le tout nucléaire ne fonctionnera pas plus que le tout énergies renouvelables. Il faudra réduire les délais administratifs, raccourcir les procédures, libérer du foncier, encourager le partage territorial de la valeur. Mon groupe sera au rendez-vous de ce travail sur le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables.
N'oublions pas la réindustrialisation, avec France 2030 qui consacre 2 milliards d'euros à l'innovation dans les énergies renouvelables et le nucléaire. La France peut se donner les moyens de construire le premier avion bas carbone. L'hydrogène, le biogaz sont des pistes prometteuses. En Isère, neuf sites injectent déjà du biométhane dans les réseaux.
Notre souveraineté requiert enfin une solidarité européenne. Ne confondons pas souveraineté et protectionnisme ; il faut penser européen. L'ancêtre de l'Union européenne est la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Il faut décorréler les prix de l'électricité et du gaz. Le Gouvernement met toute son énergie à convaincre nos voisins. Nietzsche disait que l'Europe ne pourrait se faire qu'au bord du tombeau... Le moment est peut-être venu d'une nouvelle Union européenne énergétique.
L'énergie la plus propre est celle que l'on ne consomme pas. Notre boussole doit être le collectif - pour les choix énergétiques, pour la sobriété. Si tout le monde s'y met, nous nous donnerons les moyens d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Fabien Gay . - Nous vivons une période critique, décisive, charnière. L'urgence est là. La crise énergétique est un défi qui s'inscrit dans la durée. La situation nous oblige. Il faut étudier, comparer, proposer et débattre, et surtout dessiner une vision d'ensemble.
Nous ne saurions résoudre la crise énergétique segment par segment, comme vous nous le proposez - avec une succession de textes et, au passage, la ré-étatisation d'EDF par amendement.
L'envolée des prix et la menace du blackout sont dues à l'obsolescence d'un système énergétique tout entier qui s'écroule. Il y a certes des causes conjoncturelles avec la guerre en Ukraine et un été digne d'un cataclysme climatique : sécheresses record, pénuries d'eau... Le niveau historiquement bas des barrages et l'arrêt de la moitié du parc nucléaire se conjuguent pour créer une crise.
Mais la décision politique nous appartient. Nous ne voulons pas d'un État actionnaire comme un acteur privé, mais d'un État volontariste et stratège. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
La crise est le résultat de vingt ans de libéralisation du secteur ; le prix payé par le consommateur ne reflète en rien le mix électrique national ; il est spéculatif et artificiel, c'est le coût de l'Europe libérale et des traders. Les usagers paient le même prix, que leur pays ait investi dans le nucléaire, le renouvelable ou les énergies fossiles. Ainsi, 7,7 % de notre production électrique dépend du gaz. Sortons temporairement du marché européen, emboîtons le pas à nos voisins espagnols et portugais. (Plusieurs membres du groupe Les Républicains approuvent.) Si vous êtes d'accord, dites-le à votre Secrétaire d'État pour l'Europe qui a déclaré le contraire au Sénat hier.
Nous avons réduit nos importations de gaz et notre dépendance aux énergies fossiles : nous sommes légitimes pour porter cette demande. Si vous décidez d'engager cette bataille, nous la mènerons à vos côtés. Il ne s'agit pas de supprimer l'interconnexion, mais de réformer un système injuste.
Les dégâts sont déjà là pour nos collectivités territoriales. (M. Max Brisson approuve.) Leurs factures explosent, la hausse allant jusqu'à 150 % pour certaines. Noisy-le-Sec, Neuilly-sur-Marne, dans mon département sont particulièrement touchées. Le surcoût s'élève à 30 millions d'euros pour le département de la Seine-Saint-Denis. Faudra-t-il augmenter les impôts locaux ? Il faut surtout un bouclier tarifaire pour toutes les collectivités territoriales avec des tarifs réglementés et une baisse de la TVA à 5,5 % pour tous les usagers.
Il faut aussi empêcher coûte que coûte l'extinction du tarif réglementé du gaz, notamment pour les entreprises électro-intensives. Autrement, l'emploi sera la variable d'ajustement : des fermetures sont déjà envisagées, comme chez Duralex. Quel sera le coût du chômage partiel ? Les tarifs réglementés de vente (TRV) sont toujours préférables au bilan social à craindre. Nous allons traverser deux ans de crise et les prix ne redescendront jamais.
Douze millions de personnes souffrent de précarité énergétique ; combien de plus ? Il faut interdire les coupures et garantir une puissance minimale à 3 kW contre 1 kW aujourd'hui.
Je salue l'organisation de ce débat, mais regrette que le Parlement ne soit pas associé à une question aussi essentielle que la ré-étatisation d'EDF.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Fabien Gay. - Mais une ré-étatisation pour faire quoi ? Si c'est pour ouvrir des activités aux capitaux privés, c'est non !
Sans attendre 2025, il faut sortir de l'Arenh, qui n'a fait qu'enrichir les opérateurs alternatifs.
Le secteur privé est inapte sur la question de l'électricité ; c'est pourquoi nous préconisons l'instauration d'un grand service public de l'énergie, avec monopole public. À l'avenir, nous devrons investir des milliards d'euros pour sortir des énergies fossiles.
Il faut aussi impérativement sortir de la Charte européenne de l'énergie.
Nous défendons enfin des investissements dans le nucléaire nouvelle génération et les énergies renouvelables, que nous n'opposons pas. Pour cela, il faut sortir l'énergie du secteur marchand, pour en faire un bien commun de toute l'humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Entre le printemps 2020 et le 1er septembre 2022, les prix de marché ont été multipliés par 3 pour le gaz, par 5 pour le pétrole et par 40 pour l'électricité. Comment en sommes-nous arrivés là ? La reprise économique post-pandémie a engendré de l'inflation. Le 24 février, en envahissant l'Ukraine, Poutine a déclenché un conflit entraînant entre autres une flambée des prix de l'énergie.
L'Europe, dépendant des hydrocarbures russes, est en situation délicate. La France, structurellement moins dépendante que l'Allemagne du gaz russe, devrait, en théorie, être moins mal lotie. Mais la moitié de nos 56 réacteurs est à l'arrêt pour maintenance.
Cette année, nous serons pour la première fois importateurs d'électricité - faute d'avoir suffisamment entretenu notre parc. RTE a importé plus de 7 000 mégawatts sur le marché Spot, soit 15 % de la consommation d'énergie nationale.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) En septembre 2021, déjà, 12 millions de Français ne pouvaient pas se chauffer comme ils le souhaitaient.
Un an après, cette crise économique et géopolitique montre les lacunes systémiques de nos sociétés. Elle valide, ne vous en déplaise, le projet que les écologistes défendent depuis des années.
M. Bruno Retailleau. - C'est l'inverse !
M. Daniel Salmon. - Sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone en 2050 et ainsi respecter les accords de Paris est plus que jamais nécessaire.
L'abondance énergétique a une fin, nous le savons depuis des décennies. L'extractivisme se heurte à la finitude de la planète.
Différentes options sont sur la table. Réaffirmons qu'il n'y a pas de production d'énergie parfaitement propre, hormis celle que l'on ne consomme pas. Pour la production d'énergie, nous défendons le déploiement massif des énergies renouvelables qui atteindraient 100 % en 2050 et, en parallèle, la sortie du nucléaire. C'est techniquement possible. RTE l'envisage dans l'un de ses scénarios. Les énergies renouvelables sont les plus résilientes et les moins chères ; vous l'avez dit, elles sont compétitives et rentables.
Le retard de la France et l'absence d'anticipation sont particulièrement graves. Que de temps perdu ! Les énergies renouvelables, ce sont les énergies des territoires. Les habitants et les élus souhaitent prendre leurs responsabilités face aux crises. C'est pourquoi les politiques publiques doivent renforcer la concertation, l'implication et l'investissement. La dynamique citoyenne est essentielle, à condition de changer de braquet. Il faut plus de moyens pour les collectivités - bien plus que les 2 milliards d'euros du fonds Climat. Rappelons que les intercommunalités et les régions se sont vu octroyer des compétences en la matière sans aucun transfert de ressources.
Il faut développer l'ingénierie dans les territoires, en faveur de la planification énergétique. C'est tout le sens du service public des énergies renouvelables que nous défendons depuis longtemps.
La planification de la sobriété est également essentielle. C'est le seul moyen de réguler notre consommation tout en respectant la planète. Il ne s'agit pas de passer l'hiver, mais de respecter les accords de Paris et, incidemment, de sauver l'espèce humaine.
Deux ans après avoir raillé le « modèle amish », le Président de la République et le Gouvernement s'y mettent, à travers des mesures, certes, de bon sens, mais laissées à la volonté de chacun.
Madame la Première ministre, vous n'avez même pas rendu obligatoire l'indexation de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises sur le respect de leurs objectifs environnementaux - contrairement à la promesse de campagne du Président de la République et à votre propre déclaration de politique générale.
Il faut remettre en cause les privilèges de certains. Que les pratiques des riches ne soient pas régulées est scandaleux.
Tant que Bernard Arnault pourra émettre avec son jet privé 176 tonnes de CO2 en un mois, soit l'équivalent de dix-sept ans de consommation d'un Français moyen, il y aura un problème.
Le plan du Gouvernement manque sa cible.
Face aux 5 millions de passoires thermiques, MaPrimeRénov' augmente seulement de 4 %, soit 100 millions d'euros - moins que l'inflation ! C'est bien trop peu.
Le Gouvernement reste aveugle à la nécessité d'un changement de paramètres, il ignore le contenu subversif de la notion de sobriété. Pourtant, une sobriété juste ne réduit pas le confort, mais accroît le bien-être.
Nous le devons aux générations futures et au vivant sur la terre. Il faut que chacun ait accès à une énergie abordable qui ne nuise ni aux écosystèmes ni à la santé. Réduire et partager, produire l'indispensable, voilà la philosophie des écologistes.
Madame la Première ministre, vous vous êtes engagée à reconstruire une filière photovoltaïque. Dépêchez-vous, car Photowatt est en train de mourir. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Il faut reconstituer une filière ; après le fiasco du nucléaire, nous ne pouvons que faire mieux. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Stéphane Ravier . - Le meilleur pour la fin ! Madame la Première ministre, vous vous êtes exprimée dans cette assemblée comme si vous étiez encore en mesure de décider quoi que ce soit. En réalité, depuis le traité européiste de Lisbonne, la politique énergétique est une compétence partagée avec la Commission européenne.
Notre pays, chef de file historique sur le nucléaire, aurait dû imposer ses vues, mais, par naïveté, il a cédé à trois forces : l'Allemagne, qui a fait le choix de la dépendance au gaz russe ; l'écologie punitive et médiatique pilotée par les grands lobbies américains (on se gausse sur les travées du GEST) ; le dogme de la concurrence libre et non faussée, qui a servi à sabrer EDF.
Vous voulez nous imposer des énergies renouvelables contre la démocratie locale, en demandant aux préfets de casser les plans locaux d'urbanisme (PLU) qui interdiraient l'implantation d'éoliennes. Vous avez limogé le P-DG d'EDF qui pointait votre responsabilité dans la situation actuelle - le limogeage semble devenir une méthode de gouvernement ! C'est pourtant EDF qui a racheté au printemps dernier les turbines nucléaires d'Alstom vendues en 2014 à l'américain General Electric par un certain Emmanuel Macron. Ce n'est pourtant pas Jean-Bernard Lévy qui a fermé Fessenheim ; c'est vous et vous en étiez fière.
En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées : la sobriété et le col roulé ! En voulant sortir des énergies fossiles, vous avez rouvert la centrale à charbon de Saint-Avold, vieille de 71 ans.
En voulant sanctionner Poutine, votre Europe s'est déshonorée en signant un accord de livraison de gaz avec l'Azerbaïdjan, soutenant ainsi la guerre contre l'Arménie.
Le nucléaire est notre force, contrairement à l'éolien qui saccage nos paysages pour une production dérisoire et intermittente. Les EPR sont victimes du sous-investissement chronique. Il ne faut pas oublier de protéger notre filière hydraulique, menacée de libéralisation.
La France n'est responsable que de 1 % des émissions de gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement climatique. Je vous invite à vous dépolluer l'esprit des prêches des talibans verdoyants, et à supporter les conséquences de vos erreurs plutôt que de les faire endosser aux Français !
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Merci pour ce débat qui a traité de l'essentiel, c'est-à-dire de l'avenir.
J'ai entendu quelques critiques.
M. Fabien Gay. - Légitimes !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Je voudrais revenir à la réalité de l'état actuel des centrales nucléaires en France. Pour faire durer les centrales nucléaires, il faut les entretenir.
Le désinvestissement massif dans les centrales nucléaires a commencé dans les années 2000 - sous les quinquennats de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. (Protestations à droite)
M. Stéphane Piednoir. - C'était en 1997 !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - C'est la Cour des comptes qui le dit : la disponibilité des centrales s'est effondrée entre 2005 et 2009. (Applaudissements sur les travées du RDPI).
Il y a aussi eu le choc de Fukushima, qui a conduit le Japon, la Belgique et l'Allemagne à renoncer au nucléaire.
M. Max Brisson. - C'est toujours la faute des autres !
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Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 13 octobre 2022
Séance publique
À 10 h 30 et 14 h 30
Présidence : M. Alain Richard, vice-président, Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : M. Loïc Hervé, Mme Jacqueline Eustache-Brinio
. Suite du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (procédure accélérée) (texte de la commission, n°20, 2022-2023)