Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Création d'un ministère de la protection civile
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Insécurité sur le campus de l'Essec à Cergy
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Recrutement des sapeurs-pompiers
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Refonte de l'octroi de mer et lutte contre la vie chère
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Trafic transfrontalier de produits agricoles
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Sociétés fantômes et fraude documentaire
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Financement de la scolarité des demandeurs d'asile
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté
Résidences secondaires dans les communes touristiques
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Coût exorbitant de l'électricité pour les entreprises
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Résiliation unilatérale des contrats d'énergie par les fournisseurs
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Devenir des conseillers numériques
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie
Dispositif de stérilisation féminine Essure
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Nouveaux médicaments antimigraineux
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Métier d'infirmier en pratique avancée (IPA)
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Éoliennes à Vay (Loire-Atlantique)
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Aides dérisoires pour les communes inondées du Gard
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Hausse du prix des granulés de bois
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Conséquences de coupures hivernales d'électricité
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Réglementation environnementale pour les habitats légers de loisir
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Indemnité de sujétion géographique des enseignants à Saint-Barthélemy
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Mutations dans l'Éducation nationale
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur de la mission d'information
M. Roland Lescure, ministre délégué
M. Christian Redon-Sarrazy, président de la mission d'information
Mme Patricia Schillinger, pour le groupe RDPI
M. Xavier Iacovelli, pour le groupe RDPI
Ordre du jour du mardi 11 octobre 2022
SÉANCE
du jeudi 6 octobre 2022
3e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle 29 questions orales.
Création d'un ministère de la protection civile
M. Jean-Baptiste Blanc . - Je rends hommage aux sapeurs-pompiers et à tous ceux qui ont lutté ardemment contre des feux de forêt, tout l'été. Je vous conseille de lire le rapport sénatorial sur ce sujet.
La terrible saison des feux de forêt a démontré le besoin d'une profonde réorganisation de la gestion des crises ainsi que d'une évolution de notre modèle de sécurité civile. Les dernières crises, fréquentes, hybrides et complexes, ont montré combien il était urgent de décloisonner l'action publique, d'accroître la coordination interministérielle et de développer l'anticipation et la planification. Il faut réarmer l'État.
Je me félicite que le Président de la République veuille revoir le modèle de prévention et de lutte contre les incendies. La création d'un ministère de la protection civile, sous la tutelle du ministère de l'intérieur, mettrait en valeur cet objectif. Il regrouperait et coordonnerait l'action de tous les services de prévention et de gestion des crises, qui exigent un savoir-faire particulier. Cela ne montrerait-il pas votre volonté d'agir vite et fort ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Le ministère de l'intérieur est naturellement celui de la sécurité civile, dont il assure le pilotage. Pour ce faire, il s'appuie, au niveau central, sur la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, et au niveau local, sur son réseau territorial animé par les préfets.
Le ministère de l'intérieur agit et protège, en coopération étroite avec les collectivités territoriales, au plus près des réalités de terrain. Il est parfaitement armé et dispose de l'ensemble des compétences utiles pour agir efficacement. Son action intègre fondamentalement la dimension interministérielle. La coopération est continue, riche et approfondie, au quotidien. Chacun a pu mesurer cette coordination interministérielle forte pendant la crise sanitaire.
Insécurité sur le campus de l'Essec à Cergy
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Un climat d'insécurité s'est installé depuis plusieurs années sur le campus de l'École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), à Cergy. D'après les étudiants, les agresseurs, souvent armés, agissent en groupe, de façon récurrente.
Des solutions temporaires ont été trouvées par les étudiants, telles que des messages de prévention publiés dès qu'un incident a lieu. De son côté, l'administration de l'Essec a renforcé la sécurité sur le campus.
Mais, si ces mesures montrent temporairement leur efficacité, cette situation invivable ne peut pas durer. Il convient de rétablir un environnement propice au travail. Des mesures fortes sont attendues.
Mes questions écrites étant restées sans réponse, j'ai déposé cette question orale. Entre-temps, un protocole a été signé entre l'école et la préfecture du Val-d'Oise. Qu'en est-il ? Vous engagez-vous à résoudre définitivement le problème ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - La sécurité quotidienne de nos compatriotes est une priorité du Gouvernement, qui vous présentera prochainement l'ambitieux projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. D'ici 2027, 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires seront recrutés.
La police nationale est mobilisée au quotidien et à Cergy, le nombre de vols violents a baissé de 40 % en quatre ans. Mais elle ne peut tout résoudre seule. Je salue son partenariat avec la police municipale et l'Essec. La création d'un groupe de partenariat opérationnel (GPO) consacré à l'Essec est à l'étude. Des travaux sont en cours avec la mairie de Cergy pour développer la vidéoprotection dans le secteur. En outre, des réservistes de la police nationale y seront déployés à partir de mi-octobre.
Vous le voyez, nous sommes pleinement mobilisés.
Mise en berne des drapeaux
Mme Jocelyne Guidez . - La mise en berne des drapeaux n'est réglementée que par le décret du 13 septembre 1989, qui prévoit que « lors du décès du Président de la République, les drapeaux et étendards des armées prennent le deuil ; les bâtiments de la flotte mettent leurs pavillons en berne ». Il est regrettable qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'en détermine les conditions.
En pratique, il appartient au Premier ministre de donner des instructions lors des deuils officiels.
La mise en berne occasionnelle des drapeaux suscite parfois l'incompréhension de nos concitoyens. Très sensibles aux hommages nationaux rendus à leurs frères d'armes morts pour la France, les militaires souhaitent que tous les services de l'État mettent leurs drapeaux en berne le jour de la cérémonie aux Invalides.
Le Gouvernement entend-il réglementer ce qui symbolise le deuil de notre République ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine les conditions de pavoisement des bâtiments publics, hormis l'article 3 de la loi de refondation de l'école de 2013, qui dispose que le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des établissements.
Suivant la tradition républicaine, le Premier ministre donne instruction de pavoisement lors des fêtes et commémorations, ou de mise en berne lors des deuils officiels. Cette directive est rappelée dans une circulaire aux préfets. Lors des onze journées nationales, le pavoisement des bâtiments et des monuments aux morts est obligatoire.
Enfin, un maire peut prendre l'initiative du pavoisement ou de la mise en berne des drapeaux des bâtiments communaux, hors disposition législative ou réglementaire.
Mme Jocelyne Guidez. - Madame la ministre, vous avez très bien lu votre leçon ! Mais in fine, vous me répondez que chacun fait ce qu'il veut. Cela ne me satisfait pas. Quand on perd un soldat en opération extérieure, les drapeaux devraient être mis en berne.
Recrutement des sapeurs-pompiers
M. Rémy Pointereau . - Dois-je rappeler le courage des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) lors de cet été hors norme, rythmé par les feux de forêt ? Je félicite tous les groupes d'intervention, dont celui du Cher, qui se sont rendus en Gironde, où ils ont montré une mobilisation sans faille.
Mais les Sdis sont confrontés à de nombreux problèmes. D'abord, la multiplication des interventions dans les déserts médicaux. Dans le Cher, trois quarts des transports concernent des urgences relatives, et non vitales. Nous ne pouvons pas demander à nos pompiers de remplacer les ambulanciers.
Ensuite, la crise des vocations. Dans le Cher, on espère 300 pompiers volontaires supplémentaires. Comment le Gouvernement aidera-t-il la Fédération nationale des pompiers à atteindre cet objectif ? Prévoyez-vous des incitations, une réduction de cotisations patronales pour les entreprises dont les employés sont sapeurs-pompiers volontaires ?
Mme la présidente. - Je m'associe à votre hommage aux sapeurs-pompiers qui ont agi en Gironde.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Je remercie aussi nos sapeurs-pompiers. Notre modèle de sécurité civile a été mis sous tension cet été ; il a tenu.
L'inspection générale de l'administration doit remettre dans les prochains jours un rapport sur le financement des centres d'incendie et de secours.
Dès 2019, l'État a déployé les pactes capacitaires en vue de mutualiser les efforts des centres d'incendie et de secours. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) prévoit 30 millions d'euros sur cinq ans pour les financer.
Le recrutement de sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, reste un défi, auquel on ne peut répondre par une recette simple, mais plutôt par de multiples actions conjuguées.
La loi du 25 novembre 2021 encourage les recrutements, pour une gestion des ressources humaines plus souple. En dix ans, 5 500 sapeurs-pompiers volontaires ont pu être recrutés. Une hausse des effectifs de 10 % en cinq ans devrait pouvoir être atteinte.
Refonte de l'octroi de mer et lutte contre la vie chère
Mme Victoire Jasmin . - L'article 45 de la loi du 2 juillet 2004, qui exclut l'octroi de mer de la base d'imposition de la TVA, n'est pas appliqué. Comment modifier les paramètres de l'octroi de mer pour renforcer le bouclier qualité-prix dans les outre-mer et maintenir les ressources des collectivités, alors que l'État diminue ses dotations ?
L'octroi de mer est devenu un imbroglio législatif : fixé par les collectivités, il varie entre 1 % et 60 % au sein d'une même catégorie de produits. Cette taxe censée protéger les outre-mer des importations à bas coût montre ses limites : créée pour favoriser la production locale, elle est aussi devenue l'une des causes de la cherté de la vie. Comment améliorer cette situation ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Les mesures de soutien au pouvoir d'achat, priorités votées en juillet dernier, s'appliquent dans les outre-mer : remise sur le prix du carburant, prime exceptionnelle de rentrée, revalorisation des aides sociales. Pour tenir compte des revenus en moyenne plus faibles, l'évolution des loyers y est davantage plafonnée, et les préfets peuvent distribuer 19 millions d'euros pour l'aide alimentaire.
Pour limiter les effets de l'inflation, l'Oudinot du pouvoir d'achat initié par MM. Jean-François Carenco et Gérald Darmanin a l'ambition d'étendre le bouclier qualité-prix à davantage de produits et de trouver des accords de modération des prix.
La lutte contre la vie chère ne se limite pas à ces réponses conjoncturelles. L'Insee a estimé l'écart des prix entre les Drom et la métropole entre 7 % et 13 %, selon les territoires. L'octroi de mer alimente la dynamique des prix. Le Président de la République s'y est engagé : une refonte de l'octroi de mer va être menée pour conforter le financement des collectivités, soutenir la production locale et diminuer les prix grâce à une réduction de la fiscalité.
Mme Victoire Jasmin. - J'attire votre attention sur la souveraineté alimentaire. Les agriculteurs ont le choix entre les éoliennes et leurs terres agricoles, parfois inutilisables à cause du chlordécone. La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) doit faire des choix : on ne mange pas des éoliennes !
Trafic transfrontalier de produits agricoles
M. Christian Klinger . - En Alsace, dans la zone des trois frontières, l'inquiétude est grande : un accord passé en 1938 entre la France et la Suisse qui permet aux agriculteurs frontaliers de vendre leurs produits en Suisse va être remis en cause.
Ces accords montrent bien que ce bassin de vie dépasse les frontières. Malheureusement, un nouveau règlement suisse va entrer en vigueur au 1er janvier prochain et impacter négativement 200 producteurs locaux. Que comptez-vous faire pour les défendre ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - L'office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) a constaté que des marchandises importées en Suisse en franchise de redevance n'étaient pas conformes aux accords frontaliers. Une directive plus précise, visant à assurer cette conformité, a suscité des réactions.
La tolérance appliquée pour les importations d'Allemagne ne sera plus accordée en raison de l'absence de bases juridiques. Les livraisons de légumes en franchise de redevance depuis la France restent possibles pour les gros consommateurs, tels les hôtels ou les restaurants, dans le cadre des quantités allouées sur les marchés. Les livraisons aux revendeurs ne seront plus permises que selon des droits de douane réduits et avec certaines limites, conformément à l'annexe 4 de l'accord frontalier.
La nouvelle directive a été discutée à de nombreuses reprises avec les représentants du canton de Bâle ; les bases légales restent inchangées. Les nouvelles réglementations seront expliquées en novembre 2022, lors de séances d'information. Les autorités françaises veulent garantir aux agriculteurs frontaliers un accès équitable au marché suisse.
M. Christian Klinger. - Les producteurs locaux ont été en partie écoutés, mais les quantités annoncées sont faibles. Il ne faudrait pas que les contraintes administratives soient plus lourdes que les cagettes !
Sociétés fantômes et fraude documentaire
M. Jérôme Bascher . - Depuis le 1er janvier dernier, on peut créer une entreprise de manière dématérialisée. Cela est souhaitable, mais les greffiers des tribunaux de commerce signalent un nouveau problème : la multiplication de faux documents, dont l'authenticité est impossible à vérifier.
Les fraudes se multiplient : des gens inscrits au fichier national des interdits de gestion commettent des escroqueries aux aides d'État en créant des entreprises fantômes, en rendant impossible à vérifier leur capital social, ou en déménageant leur siège social pour profiter du fait que les contrôles fiscaux ne se déroulent pas de la même manière dans les départements et que les services ne communiquent pas. Le sujet est majeur.
Depuis le 22 juillet dernier, il est possible de renforcer les vérifications. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - À chaque demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), les greffiers contrôlent les dossiers. Un décret du 19 juillet 2022 relatif au registre national des entreprises prévoit plusieurs mesures pour renforcer la lutte contre la fraude documentaire lors des créations d'entreprise.
Le contrôle des greffiers des tribunaux de commerce en amont de l'immatriculation des entreprises au RCS a été renforcé. Les greffiers peuvent vérifier la validité des pièces d'identité produites à l'appui d'une demande d'immatriculation en consultant la base Docverif, selon l'article R. 123-95-1 du code de commerce, pour vérifier qu'une société ne peut être créée au moyen de pièces d'identité falsifiées ou usurpées.
Les greffiers peuvent aussi solliciter des justificatifs complémentaires en cas de doute sur l'authenticité de la pièce produite, selon l'article R. 123-84-1 du code de commerce.
Un nouveau mécanisme de radiation d'office permet aux greffiers de radier une entreprise si son immatriculation a été réalisée à l'aide d'une pièce justificative ou d'un acte irrégulier, selon les articles R. 123-125-1 et R. 123-136-1 du code de commerce. Le contrôle des greffiers postérieurement à la création des entreprises est donc également renforcé.
M. Jérôme Bascher. - Le problème est que ces pièces sont pour les deux tiers étrangères, et ne rentrent pas dans Docverif !
Financement de la scolarité des demandeurs d'asile
Mme Anne-Catherine Loisier . - De nombreux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) ont été ouverts à la suite de la crise migratoire de 2016. En Côte-d'Or, un Cada d'une capacité de 65 réfugiés a ouvert dans la petite commune rurale de Rouvray, située en zone de revitalisation rurale.
Pour couvrir les charges supplémentaires, la commune a perçu, la première année, une aide de l'État de 1 000 euros par réfugié. La demande d'indemnisation présentée en 2020, correspondant à la création de neuf places supplémentaires en 2019, n'a jamais eu de suite.
Le financement repose ainsi entièrement sur le budget de cette petite commune : depuis 2016, cela représente plus de 92 000 euros, somme colossale pour une petite commune qui ne peut assurer ces dépenses sans obérer ses projets d'aménagement.
Avez-vous prévu une indemnisation annuelle systématique, ainsi que la rétroactivité de ces dotations ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Conformément au souhait de la maire de Rouvray, ce Cada accueille des demandeurs d'asile, parmi lesquels entre 30 et 35 enfants fréquentent l'école primaire de la commune, où une classe a été créée.
La charge financière n'est pas négligeable, et l'État s'est engagé : les charges liées à l'accueil et à la scolarisation sont prises en compte dans la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui, à Rouvray, est supérieure de 61 % par rapport à la moyenne de sa strate : 228 euros par habitant, contre 142 euros en moyenne.
Par ailleurs, les frais de fournitures scolaires, de cantine et des activités périscolaires sont pris en charge par les parents ou par le gestionnaire du Cada. Pour les collégiens et les lycéens, les frais de transport sont pris en charge par la collectivité, qui en a la compétence. Comptez sur mon engagement à poursuivre les discussions avec les élus locaux concernant l'accueil des réfugiés.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je vous remercie de vous pencher en urgence sur ce sujet. Il faut arrêter de placer des réfugiés dans des communes en grande difficulté économique et sociale.
Résidences secondaires dans les communes touristiques
M. Didier Marie . - Les communes à fort potentiel touristique, notamment sur le littoral et en montagne, sont pénalisées par la conversion d'un nombre croissant de logements en résidences secondaires. L'inflation qui en résulte entraîne un exode de la population locale, qui affaiblit la commune par la diminution des effectifs scolaires et le déclin du commerce. Privées de dynamisme, ces communes ont de grandes difficultés à maintenir les services publics.
L'augmentation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires constitue un outil de régulation. Toutefois, à partir de 2023, la loi imposera aux communes d'augmenter dans la même proportion cette taxe et celle sur le foncier bâti, une corrélation pénalisante pour les foyers modestes propriétaires de leur logement.
La décorrélation des deux taxes, récemment proposée par un collectif de maires du Val de Saire, permettrait aux maires d'agir pour endiguer la multiplication des résidences secondaires et revitaliser leur commune. Quelle est la position du Gouvernement sur le sujet ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Plusieurs parlementaires alertent sur la situation financière des communes littorales et à fort potentiel touristique, confrontées à une importante conversion de logements en résidences secondaires.
Nous avons mis en place un schéma dynamique visant à compenser à l'euro près la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Les résidences secondaires restent soumises à cette taxe, et les communes situées en zone tendue peuvent majorer la part qui leur revient de 5 à 60 %.
Dès lors, le phénomène que vous soulignez ne nuit pas aux ressources fiscales des communes ; certaines bénéficient même d'un surplus de recettes.
S'agissant des difficultés d'accès au logement, nous travaillons à une révision des critères des zones tendues, et une réponse ciblée vous sera proposée dans le projet de loi de finances pour 2023.
M. Didier Marie. - Vous ne m'avez pas répondu sur la décorrélation. Ces communes, déjà fragilisées par la baisse de la fréquentation touristique pendant la crise sanitaire, rencontrent des difficultés financières majeures. Il importe de soutenir leur dynamisme et leurs recettes.
Coût exorbitant de l'électricité pour les entreprises
M. Philippe Tabarot . - Le prix de l'électricité sur le marché de gros a dépassé les 1 000 euros par mégawattheure. Nos entreprises sont asphyxiées, et certaines sont contraintes de réduire leur activité ; des milliers d'emplois sont en péril.
À l'heure où nous devons reconquérir notre souveraineté, ne laissons pas des pans entiers de notre industrie disparaître. Les aides du Gouvernement sont loin d'être à la hauteur des besoins des entreprises et des collectivités. Celles-ci ne peuvent attendre la réforme du marché européen, ni un hypothétique tarif réglementé d'urgence. Elles ne peuvent pas non plus compter sur la seule limitation de la consommation.
Il est urgent de leur venir en aide. Que comptez-vous faire ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Je partage vos inquiétudes, relayées par nombre d'entreprises, notamment industrielles.
Dès l'année dernière, le Gouvernement a agi pour contrer la hausse prévisible du coût de l'énergie. Mais l'envolée des tarifs a atteint cet été des niveaux insensés. Malgré les mesures prises, dont le bouclier tarifaire et le surplus d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), la situation est donc très tendue.
Nous travaillons d'arrache-pied, à trois niveaux. Au niveau européen, un accord a été obtenu pour un plafonnement des prix de production ; les recettes qui en résulteront pour l'État nous permettront d'aider les entreprises. Au niveau national, nous assouplissons les critères du fonds de soutien dit « Ukraine » et en accroissons le montant ; en outre, nous avons signé hier avec les distributeurs d'énergie une charte pour un meilleur accompagnement des consommateurs. Enfin, j'ai mobilisé les commissaires au redressement productif et l'ensemble des fonctionnaires territoriaux pour qu'ils soient au plus près des entreprises.
L'essentiel se joue au niveau européen : nous travaillons à baisser les prix de l'énergie dès la fin de l'année.
M. Philippe Tabarot. - Les Français réalisent avec exaspération à quel point notre souveraineté énergétique a été déconstruite par le couple Hollande-Macron, qui a bradé notre héritage nucléaire sur l'autel d'arrangements politiciens. Par le passé, votre majorité a choisi le renoncement au nucléaire : aujourd'hui, les Français le paient cash.
Résiliation unilatérale des contrats d'énergie par les fournisseurs
M. Christian Redon-Sarrazy . - Dès le printemps, de nombreux chefs d'entreprise nous ont alertés sur les résiliations unilatérales de contrats de fourniture d'énergie et l'impossibilité pour les entreprises concernées d'obtenir une offre de la part d'un autre fournisseur.
Les fournisseurs invoquent une notation financière insuffisante, liée notamment au niveau d'endettement. De fait, la signature ou la renégociation d'un contrat s'appuie sur l'analyse des bilans, généralement covidés et sous prêt garanti par l'État. Ces critères sont très pénalisants pour les petites entreprises.
De nombreuses communes, en Haute-Vienne comme ailleurs, connaissent les mêmes difficultés. La continuité d'approvisionnement n'est assurée qu'au prix de solutions boiteuses, et l'opacité des offres impose le recours à des courtiers, facteur de surcoût.
Alors que PME et collectivités territoriales sont ainsi prises en otage, il y a urgence à rétablir l'égalité d'accès à l'énergie. Comment comptez-vous agir ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Le Gouvernement s'efforce de limiter autant que possible les effets du choc structurel de l'énergie que nous connaissons.
Hier, nous avons convoqué à Bercy les distributeurs d'énergie après avoir été alertés sur certains comportements abusifs. Les distributeurs ont un devoir de conseil et d'accompagnement de leurs clients dans une situation difficile.
La charte signée comporte 25 engagements, dont l'anticipation du renouvellement des contrats et la fourniture d'une offre à tous les clients, à une date convenue à l'avance. En outre, nous avons proposé aux fournisseurs de garantir une partie des contrats.
Nous avons donc pris à coeur les alertes que vous relayez. La charte et la garantie ne résoudront pas tout dans un environnement extrêmement volatil, mais pacifieront la relation entre distributeurs et clients.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Une rétroactivité doit être possible pour que ceux qui ont été obligés de signer cet été puissent revenir en arrière. Une hausse de 500 % du coût de l'électricité n'est tout simplement pas acceptable. (Mme Victoire Jasmin renchérit.)
Télétravail transfrontalier
Mme Patricia Schillinger . - La pandémie a accéléré le développement du télétravail, devenu pour nombre de nos concitoyens synonyme d'une meilleure qualité de vie. Avec le prix élevé des carburants et l'urgence climatique, l'essor du télétravail fait sens.
Or les travailleurs transfrontaliers exerçant en Suisse étaient limités dans leur capacité à travailler chez eux par les règles sociales et fiscales en vigueur. Sur le plan fiscal, le télétravail en France est imposable en France ; les employeurs suisses se réfugient derrière la disposition pénale leur interdisant de percevoir un impôt pour le compte d'un État étranger. En matière sociale, le droit européen fixe à 25 % le seuil au-delà duquel l'employeur suisse doit s'acquitter des cotisations auprès de la France.
Du fait de la crise sanitaire, nos deux pays ont conclu un accord amiable levant ces obstacles. Plusieurs fois reconduit, il arrivera à échéance le 31 décembre prochain. Des négociations sont en cours afin de pérenniser la possibilité pour les travailleurs transfrontaliers de télétravailler : où en sommes-nous ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Nombre de parlementaires frontaliers nous interrogent sur la situation de nos 400 000 compatriotes travaillant outre-frontière, au regard de l'essor du télétravail.
Les règles fiscales ne font l'objet d'aucune coordination européenne : elles relèvent du droit interne et des conventions bilatérales. Pour lever les difficultés liées au prélèvement d'une retenue à la source pour le compte de la France par des employeurs étrangers, nous proposerons dans le projet de loi de finances pour 2023 un système d'acomptes contemporains, sans intervention de l'employeur. Une concession unilatérale et sans compensation ne paraît pas souhaitable.
Nos deux États discutent actuellement d'une solution que nous espérons pérenne et équilibrée, respectueuse des intérêts budgétaires de la France. Nous espérons aboutir avant le 31 octobre, date à laquelle la tolérance que nous avons prolongée cessera.
S'agissant de la sécurité sociale, la législation de l'État de résidence s'applique. Sur le fondement de la force majeure, une période de flexibilité pour les télétravailleurs a été mise en place pendant la crise sanitaire, puis prolongée jusqu'à la fin de 2022. Une réflexion est en cours au niveau européen, à laquelle la France participe.
Taxe d'aménagement (I)
M. Pierre Louault . - La loi de finances pour 2022 prévoit l'obligation, pour la commune, de reverser tout ou partie de la taxe d'aménagement à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L'idée est bonne, mais la procédure est complexe puisque chaque président d'EPCI devra négocier un taux par commune, après quoi chaque commune devra faire voter ce taux en conseil municipal. En cas de refus, les présidents d'EPCI devront se tourner vers les tribunaux administratifs.
Un décret ne pourrait-il prévoir qu'en l'absence de délibération, la taxe est partagée pour moitié entre l'EPCI et les communes ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Cette obligation, introduite par un amendement parlementaire à la loi de finances pour 2022, répond à l'obligation faite à l'EPCI depuis 2010 de reverser une partie de cette taxe à la commune lorsqu'il se substitue à elle pour prélever cette taxe. Il y a parallélisme des formes et, dans la pratique, on observe une certaine souplesse dans l'application. Ensuite, les associations d'élus ont été largement informées et le Gouvernement a décidé de reporter la date d'application au 31 décembre de cette année : j'espère que ce délai permettra à chacun de s'organiser.
Taxe d'aménagement (II)
M. Max Brisson . - La taxe d'aménagement sur les communes est exigible à la date de délivrance de l'autorisation d'urbanisme ; le versement peut s'effectuer à 12 mois, puis à 24 mois après la délivrance de l'autorisation.
Cependant la loi de finances pour 2021 a transféré la gestion de cette taxe à la direction départementale des finances publiques. La date d'exigibilité est désormais fixée à l'achèvement des opérations imposables, dans les 90 jours de la réalisation définitive des constructions nouvelles.
Un tel changement exige de renforcer les contrôles, donc les moyens des services fiscaux. Ensuite, ce nouveau calendrier touche les budgets des collectivités locales dans des proportions importantes - la commune de Gan, dans les Pyrénées-Atlantiques, pourrait voir cette année son enveloppe de 168 000 euros réduite des deux-tiers.
Les communes craignent d'assister, impuissantes, au transfert progressif de cette taxe, et du pouvoir d'instruire les autorisations d'urbanisme, aux intercommunalités.
Allez-vous tenir compte de ces inquiétudes ? Allez-vous renforcer les moyens des services fiscaux ? Peut-on maintenir le caractère facultatif du reversement de cette taxe aux EPCI ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Je tiens à vous rassurer : selon l'étude préalable à la réforme, le report de l'exigibilité des taxes à l'achèvement des travaux sera sans impact sur la trésorerie des collectivités pour les trois-quarts des montants recouvrés, parce que le recouvrement en sera accéléré et parce que les projets sont achevés majoritairement en moins de 24 mois, c'est-à-dire avant l'émission du second titre de perception dans le système antérieur. Toutefois, pour les projets qui demandent plus de deux ans, il peut y avoir un décalage ; c'est pourquoi l'ordonnance du 14 juin dernier portant transfert de la gestion des taxes d'urbanisme crée, pour les constructions dont la surface est supérieure à 5 000 m2, un système d'acompte qui en neutralisera les effets.
Je peux également vous rassurer sur les moyens : 290 agents supplémentaires des directions départementales rejoignent la direction générale des finances publiques (DGFiP) d'ici deux ans et le dispositif de contrôle est particulièrement robuste, grâce à l'unification des obligations déclaratives en matière de taxe d'urbanisme et de taxe foncière.
M. Max Brisson. - Vous citez des chiffres, je vous parle du ressenti des maires des petites communes : ils sont très inquiets, j'espère que vous les entendrez.
Devenir des conseillers numériques
Mme Martine Filleul . - Emmaüs Connect m'a alertée sur le statut précaire des conseillers numériques : au-delà de leur contrat de deux ans, l'État ne prendra plus en charge leur rémunération - or les structures qui les hébergent ne pourront prendre le relais. L'annonce par le Gouvernement d'une enveloppe de 44 millions d'euros va dans le bon sens, mais pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire que les emplois seront pérennes, au service de la lutte contre l'exclusion numérique ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Les maisons France Services me tiennent particulièrement à coeur ; j'en ai recommandé la création après avoir vu fonctionner leurs équivalents au Canada. L'engagement du Président de la République a permis d'y consacrer 250 millions d'euros dans le plan de relance. Le dispositif ayant démontré sa pertinence, la Première ministre a annoncé son maintien : l'État engagera 72 millions d'euros l'an prochain pour les conseillers numériques, entre les contrats engagés et ceux à venir.
Je veux aussi rassurer les structures. Mes collègues Jean-Noël Barrot et Stanislas Guérini proposeront, dans les prochains jours, de créer une structure employeuse. La question du reste à charge est bien identifiée, et nous parviendrons à une solution pérenne d'ici la fin de l'année.
Mme Martine Filleul. - J'insiste : les collectivités territoriales et les conseillers numériques ont besoin de perspective. Il est grand temps d'engager plus vigoureusement une politique publique de lutte contre l'illectronisme.
Label « station de tourisme »
Mme Martine Berthet . - Le label « station de tourisme » récompense les efforts de la commune pour proposer une offre touristique d'excellence ; il est accordé pour douze ans. Les critères ont été modifiés à l'été 2019 pour imposer la présence d'une pharmacie sur le territoire communal ; jusque-là, le label n'imposait qu'une offre de soins à moins de vingt minutes. Ce nouveau critère ne prend pas en compte les réalités : en Savoie, au moins neuf communes ne peuvent renouveler leur labellisation, faute de pharmacie.
Plusieurs solutions ont été évoquées, en particulier le maintien du critère de distance de vingt minutes pour les communes déjà labellisées en instance de renouvellement ou la possibilité pour le maire de prouver qu'une livraison de médicaments peut être effectuée en quelques heures pour sa population touristique, dans de strictes conditions de confidentialité et de sécurité et en complément du dispositif médical et de secours existant dans la station. Le Gouvernement peut-il aller dans ce sens ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - La révision des critères, adoptée en concertation avec les élus des territoires touristiques, a effectivement inscrit la présence d'une pharmacie parmi les critères de ce classement. Cela se justifie d'autant plus en zone de montagne, où les déplacements sont plus complexes qu'ailleurs et où la fréquentation est importante en période hivernale. Cependant, il peut y avoir des effets de bord, et le Gouvernement partage vos préoccupations. C'est pourquoi une concertation sera lancée ce mois-ci pour parvenir à une solution d'ici la fin de l'année, afin de faire évoluer ce critère tout en maintenant une offre d'excellence pour la clientèle touristique.
La séance est suspendue quelques instants.
Dispositif de stérilisation féminine Essure
Mme Catherine Deroche . - Ma question était adressée au ministre de la santé et de la prévention ; je m'étonne que la secrétaire d'État chargée de la ruralité soit chargée de me répondre...
Quatre ans après l'arrêté du 14 décembre 2018 encadrant la pratique de l'acte d'explantation de dispositifs pour stérilisation tubaire Essure, et malgré un protocole d'explantation élaboré par le collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF), l'information des femmes porteuses d'Essure et des professionnels de santé doit être renforcée.
Le réseau d'entraide, de soutien, d'informations sur la stérilisation tubaire (Resist) dénonce notamment les conséquences d'une mauvaise application du protocole d'explantation, comme la non-réalisation des imageries de contrôle préalable à l'intervention chirurgicale.
Qu'en est-il du projet de registre des femmes explantées permettant d'améliorer leur suivi et les connaissances scientifiques annoncé en février 2022, de l'étude Ables sur l'amélioration des symptômes après ablation et enfin de la mise en place d'un parcours de soins conforme à l'arrêté de 2018 ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - François Braun regrette de ne pouvoir être présent ; je vous livre donc les éléments de réponse qu'il m'a transmis.
Un comité de suivi des femmes porteuses d'Essure a été mis en place en octobre 2017. Le ministère de la santé, en collaboration avec les parties prenantes, a défini un plan d'action pour sécuriser le retrait du dispositif et l'information des femmes concernées. Le comité s'est réuni à cinq reprises ; le plan d'action a été présenté le 25 janvier 2022.
Deux documents d'information ont été élaborés en collaboration avec Resist et le CNGOF pour aider les femmes à la prise de décision. Ils sont disponibles sur le site du ministère.
L'arrêté que vous avez mentionné prévoit notamment des consultations de suivi postopératoire. À la suite d'une large consultation auprès des professionnels de santé, ce suivi sera mis en place à la rentrée prochaine. Il permettra de repérer les effets secondaires éventuels et l'état de santé des femmes concernées.
L'étude Ables, financée par le ministère de la santé, est pilotée par le docteur Gautier Chène, des Hospices civils de Lyon. Elle devrait démarrer début 2023 après l'obtention des autorisations préalables.
Mme la présidente. - Madame la ministre, vous avez dépassé votre temps de réponse de plus d'une minute. Je serai contrainte de vous interrompre si cela se reproduit.
Mme Catherine Deroche. - Je vous remercie pour votre réponse.
Centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville
M. Jean Louis Masson . - Je regrette d'autant plus l'absence du ministre de la santé qu'il a exercé au CHR de Metz-Thionville.
Comme tous les hôpitaux, le CHR de Metz-Thionville rencontre d'importants problèmes de recrutement, aggravés par la proximité du Luxembourg. Or, sous prétexte de la reconstruction de l'hôpital à 200 mètres de la limite communale de la ville de Metz, l'indemnité de résidence du personnel a été fortement diminuée.
Le CHR Metz-Thionville sera bientôt le seul des 32 CHR français à ne pas avoir le statut de centre hospitalier universitaire (CHU). Ainsi, bien que le département compte davantage d'habitants que le Bas-Rhin ou la Meurthe-et-Moselle, les malades souffrant de pathologies compliquées sont souvent obligés d'aller se faire soigner à Strasbourg ou à Nancy.
À cela s'ajoute la mauvaise volonté de l'université de Lorraine, qui craint la concurrence, comme l'a reconnu un conseiller technique du précédent gouvernement.
Qu'allez-vous faire pour l'indemnité de résidence des salariés du CHR et l'obtention du statut de CHU ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Je renouvelle les regrets du ministre. Comme vous l'avez indiqué, le site de Bon Secours du CHR a déménagé en 2012 du centre-ville de Metz vers un bâtiment neuf, à cheval entre les communes de Peltre et Ars. C'est en application d'un décret du 24 octobre 1985 que l'indemnité a été supprimée, la commune d'Ars ne faisant pas partie des communes éligibles.
En 2007, 822 agents ont demandé la réattribution de l'indemnité avec effet rétroactif. Devant le refus du CHR, 67 d'entre eux se sont pourvus devant le tribunal administratif de Strasbourg qui, le 2 juillet 2019, a rejeté les recours. Dix agents se sont pourvus en appel. Seule une évolution du dispositif ou l'inscription de la commune d'Ars dans la liste des communes éligibles permettrait aux agents de percevoir l'indemnité.
Mme la présidente. - Je regrette, mais votre temps de parole est dépassé.
M. Jean Louis Masson. - Rappel au règlement ! Les non-inscrits que nous sommes sont discriminés sans raison valable. Vous avez accepté que ma collègue, appartenant au groupe majoritaire, reçoive une réponse plus longue de la ministre. Quant à moi, je n'ai eu que la moitié de cette réponse, la moins importante. Ce n'est pas correct ! J'ai la même légitimité démocratique que mes collègues Les Républicains.
Mme la présidente. - Monsieur Masson, il n'y a pas de discrimination. J'ai rappelé à la ministre les règles relatives au temps de parole ; c'est à moi qu'il appartient de les faire respecter. (M. Laurent Burgoa applaudit.)
Nouveaux médicaments antimigraineux
Mme Valérie Boyer . - Une nouvelle classe de médicaments a été reconnue comme représentant une avancée majeure pour la prise en charge de la migraine sévère - un mal qui empêche 13 % des personnes qui en souffrent de travailler. Ils ont permis d'obtenir « des résultats spectaculaires dans plus de 70 % des cas », selon des neurologues.
Au Danemark, en Slovaquie, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique, ils sont remboursés pour tout ou partie par l'État. En France, ce n'est pas le cas, alors que le coût pour les malades est compris entre 2 678 et 4 550 euros par an. Cela tiendrait à l'absence d'accord financier entre le Gouvernement et les laboratoires concernés. Pouvez-vous le confirmer ? Combien de patients ont déjà renoncé à leur traitement pour cette raison ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Trois spécialités pharmaceutiques appartenant à la classe des anti-CGRP ont reçu une autorisation de mise sur le marché en 2018 et 2019. Il existe déjà différents traitements pris en charge pour le traitement de la migraine. Pour les trois médicaments concernés, les autorités de santé ont conclu à l'absence d'amélioration du service médical rendu. Par conséquent, il n'y a pas d'économie dans le coût du traitement. Face aux prétentions tarifaires extrêmement élevées des producteurs de ces médicaments, il a été décidé de ne pas les rembourser.
Cela ne préjuge pas, néanmoins, d'une évolution si les laboratoires sont en mesure de présenter de nouvelles données ou acceptent de négocier dans le cadre réglementaire existant.
Mme Valérie Boyer. - Je suis confuse et consternée de constater que la fiche que vous avez lue ne répond pas à ma question pourtant simple : pourquoi ces médicaments sont-ils remboursés dans certains pays et pas dans le nôtre ?
Quand auront lieu de nouvelles négociations avec les laboratoires commercialisant les nouveaux traitements antimigraineux à base d'anticorps monoclonaux en vue de leur remboursement ?
Quand les patients souffrant de formes sévères et invalidantes de migraines pourront-ils obtenir ce traitement dans les pharmacies destinées au grand public et quand ce traitement sera-t-il pris en charge par la sécurité sociale ?
Métier d'infirmier en pratique avancée (IPA)
Mme Véronique Guillotin . - Créé en 2018, l'IPA est un infirmier expérimenté de niveau master, capable d'assurer le suivi médical des malades souffrant de certaines pathologies chroniques, de cancers ou encore de certaines maladies rénales, en coordination avec le médecin traitant. La création de cette profession avait pour objet de soulager ces derniers et de leur permettre d'élargir leur patientèle, ce qui n'est pas anodin alors que 11 % des Français n'ont pas de médecin traitant.
Or nous arrivons à peine à la moitié du nombre d'IPA espérés, notamment en raison d'un manque d'attractivité économique et d'information des médecins et des patients. Alors que le nombre de médecins généralistes n'augmentera pas significativement avant dix ans, l'IPA demeure pourtant une solution pertinente.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour accompagner la montée en puissance de la profession ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - L'IPA apporte davantage d'écoute et de soutien aux malades, et il assure une réponse rapide à la demande de soins. Tous les acteurs concernés, équipes hospitalières, structures ambulatoires et patients, en sont satisfaits. Il est légitime d'attendre un déploiement massif, mais il reste néanmoins des points limitants.
Pour l'exercice en ville par exemple, un nouvel accord conventionnel vient d'être signé entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les représentants infirmiers pour revaloriser le financement des activités libérales.
La question sera aussi abordée dans un groupe de travail dédié dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Il faut trouver un équilibre entre exercice médical et IPA, en particulier en ville. Nous sommes tous convaincus des vertus du dispositif.
Mme Véronique Guillotin. - Le CNR doit trouver des solutions concrètes avec les acteurs et lever les freins.
Aide alimentaire
M. Laurent Somon . - Le Gouvernement a choisi d'affecter l'intégralité du Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) à l'aide alimentaire. La crise de la covid a révélé le caractère indispensable de cette aide ainsi que le rôle essentiel des associations. En 2020, l'Union européenne a augmenté les fonds alloués pour la période 2021-2027 et débloqué des crédits supplémentaires. Malheureusement, au niveau national, plusieurs marchés - carotte, petits pois, café... - se sont révélés infructueux et certains fournisseurs résilient les contrats. Pour le Secours populaire français, c'est une perte de plus de 6,5 millions d'euros et de 130 000 euros pour sa fédération de la Somme. Les associations ont réclamé une subvention de compensation : c'est ainsi que le Secours populaire a reçu 3 millions d'euros à titre exceptionnel, mais il manque encore autant pour venir en aide aux huit millions de personnes en insécurité financière. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - La loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août dernier a prévu à ce titre 55 millions d'euros de crédits exceptionnels, dont 28,5 millions pour les associations. En outre, un travail technique est actuellement mené avec les associations pour réduire le nombre de lots infructueux. Une expérimentation de marchés pluriannuels est en cours, avec un bilan en fin d'année.
En matière d'aide alimentaire, les objectifs du Gouvernement reprennent les orientations de la Convention citoyenne pour le climat. Il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique et d'environnement. Les projets alimentaires territoriaux sont un bon outil et il convient de s'appuyer sur les nombreuses initiatives locales pour trouver des solutions adaptées à la diversité des territoires. Je rappelle également que 7 millions d'euros sont prévus au projet de loi de finances pour 2023 afin de développer la tarification sociale dans les cantines et le repas à un euro.
Éoliennes à Vay (Loire-Atlantique)
Mme Laurence Garnier . - Le projet d'implantation d'éoliennes à Vay, dans le nord de la Loire-Atlantique, est un cas d'école : tout le monde est contre, élus, commissaire-enquêteur, architecte des bâtiments de France (ABF), et même le préfet ! Mais le porteur du projet est allé devant les tribunaux et a obtenu l'annulation de l'arrêté du préfet. Élus et habitants sont en colère : ils ne sont pas contre les éoliennes - la commune de Vay en est déjà dotée -, mais ce projet pose un problème d'emplacement. C'est une question de démocratie ! Il faut redonner le pouvoir aux élus locaux, comme le Sénat le propose régulièrement. Au lieu de cela, seule une consultation obligatoire des maires est prévue par la loi. Comment comptez-vous soutenir ces élus désemparés ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - La programmation pluriannuelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables est une priorité pour le Gouvernement face à l'urgence climatique et à la nécessité de diversifier notre mix électrique. Les élus locaux ne sont pas démunis : ils peuvent définir des zones propices à l'implantation d'éoliennes et des zones où l'implantation serait soumise à des conditions restrictives. Une circulaire du 16 septembre dernier invite les préfets à les accompagner dans ce travail. En outre, le développeur doit obligatoirement consulter le maire avant le dépôt du dossier et répondre aux éventuelles observations. Enfin, les futurs comités régionaux de l'énergie permettront prochainement un suivi des objectifs de développement des énergies renouvelables à l'échelle régionale.
À Vay, des mesures complémentaires ont été demandées au développeur afin de répondre aux enjeux patrimoniaux. Le projet de nouvel arrêté préfectoral sera examiné en commission départementale de la nature, des paysages et des sites, instance à laquelle participe le maire.
Mme Laurence Garnier. - La Loire-Atlantique, c'est le département de Notre-Dame-des-Landes. Des projets voulus par les habitants ne se font pas, alors que des projets rejetés par les habitants leur sont imposés... C'est un drame démocratique.
Diagnostics des ponts
Mme Catherine Morin-Desailly . - Le plan de diagnostic des ponts et ouvrages publics mis en place à la suite de la mission Maurey et financé par le plan de relance a permis de faire le point sur l'ensemble du territoire. Certains ouvrages, notamment en Seine-Maritime, sont dans un état préoccupant et imposent parfois des mesures comme la limitation du tonnage.
Avant d'engager des travaux de rénovation, les élus doivent demander des études et des devis, dont le coût n'est pas pris en charge par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).
Quant aux travaux de rénovation, ils sont à la charge des communes, très partiellement aidées - « Mobi Prêt », DSIL... Certains élus risquent de se trouver rapidement en position financière délicate.
Un fonds dédié, tel que le préconise le rapport sénatorial de 2019, ne pourrait-il être envisagé ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Le plan de relance consacre 40 millions d'euros à la réalisation d'une cartographie précise de nos ouvrages d'art. C'est un outil précieux pour les communes qui disposent ainsi du carnet de santé de leurs ouvrages.
Le financement des travaux repose en premier lieu sur les communes et leurs groupements. Toutefois, la DSIL peut être mobilisée, ainsi que l'a prévu une instruction du 7 janvier 2022. Le Cerema et la Banque des territoires ont également mis en place des dispositifs d'accompagnement. L'éligibilité au « Mobi Prêt » a été étendue, avec 2 milliards d'euros disponibles. Par ailleurs, le programme national Ponts est structuré en deux phases : une phase de recensement qui s'est achevée fin 2021 et une phase d'évaluation actuellement en cours. Fin juin 2022, la moitié des communes bénéficiaires avaient obtenu une visite, soit 25 000 ouvrages visités. Le Gouvernement reste très attentif aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Notre rapport de 2019 a fait l'objet d'un droit de suite en juin 2022. Le constat est alarmant : il n'y a toujours aucun fonds spécifique pour aider le bloc communal, contrairement aux propositions de la mission Maurey.
Aides dérisoires pour les communes inondées du Gard
M. Laurent Burgoa . - Le 14 septembre 2021, les communes gardoises ont été touchées par de fortes inondations. Pour 48 d'entre elles, l'état de catastrophe naturelle a été reconnu, mais les subventions qu'elles s'apprêtent à recevoir sont dérisoires : après un an d'attente, une commune recevra 27 000 euros pour 690 000 euros de dégâts, une autre percevra 7 400 euros pour 99 400 euros de dégâts... À ma demande, le ministre de l'intérieur s'est engagé à réexaminer ces situations. Quelles suites comptez-vous donner ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Du 14 au 16 septembre 2021, le département du Gard a subi des inondations et des coulées de boue. Trente-sept communes vont bénéficier d'une subvention au titre de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC), pour 1,2 million d'euros. Ces subventions permettent une réparation à l'identique, sur la base d'une liste de biens éligibles, tout en prenant en compte la vétusté et le niveau d'entretien du bien. Les travaux d'amélioration ou d'extension en sont exclus. Cela explique que le montant de la subvention soit inférieur au chiffrage des dégâts.
Le FCTVA peut également être mobilisé, sous réserve d'éligibilité. Enfin, les assurances devraient contribuer à l'indemnisation. Dans le cas de charges de fonctionnement exceptionnelles, les communes pourront demander à bénéficier d'un étalement sur plusieurs exercices.
Le Gouvernement reste très attentif à l'évolution de la situation financière de ces communes.
M. Laurent Burgoa. - Il ne s'agit que de remises en état, pas d'aides d'agrément ! Attention à ce que l'État n'adopte pas une attitude pire que les assureurs, au risque d'alimenter la défiance à l'égard de la parole de l'État et de décourager les élus locaux.
Hausse du prix des granulés de bois
Mme Laurence Rossignol . - En un an, la tonne de granulés de bois a vu son prix doubler, et la situation risque de s'aggraver. Les fournisseurs font état de difficultés à reconstituer leurs stocks et ne s'engagent plus sur leurs prix, même s'il ne faut pas être naïf sur l'effet d'aubaine de la hausse des prix...
Beaucoup de ménages ont été encouragés à recourir aux granulés de bois, écologiques et économiques. Ainsi, sept millions de familles s'y chauffent, souvent exclusivement. Comment le Gouvernement les prendra-t-il en compte dans son ambition de répondre à l'urgence du pouvoir d'achat ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Nous traversons la plus grave crise énergétique depuis les chocs pétroliers des années 1970. La hausse des prix des matières premières et du transport est accentuée par la guerre en Ukraine. La constitution de stocks prudentiels accroît la pression sur la demande. Le Gouvernement agit, et producteurs et distributeurs travaillent pour assurer la disponibilité de granulés cet hiver. Il est primordial que les consommateurs ne fassent pas plus de stocks que nécessaire.
Dans le cadre de l'appel à projets BCIAT (biomasse chaleur industrie agriculture et tertiaire), l'Ademe a financé quatorze chaufferies produisant 850 000 tonnes de granulés par an. L'appel à projets biomasse chaleur pour l'industrie du bois pourrait en outre rendre disponibles 300 000 à 400 000 tonnes supplémentaires par an.
Un chèque de 100 euros a été attribué à 5,8 millions de ménages en décembre 2021 pour les aider à régler leurs factures d'énergie. Un autre sera envoyé en fin d'année à 12 millions de ménages. Les 5,8 % de ménages les plus modestes recevront ainsi 200 euros, et les autres 100 euros. Je vous assure de notre détermination.
Mme Laurence Rossignol. - Je constate que tout est sous contrôle...
Conséquences de coupures hivernales d'électricité
Mme Laure Darcos . - La Première ministre, après avoir évoqué des coupures d'électricité cet hiver en omettant de préciser que les ménages ne seraient pas concernés, nous invite à la sobriété. Nous ne le contestons pas. Cependant, les collectivités, qui gèrent des services publics essentiels risquant d'être mis à l'arrêt, sont les oubliées de son discours.
Des maires ruraux de l'Essonne m'ont alertée sur le risque de coupure des réseaux d'eau. Comment assurer l'approvisionnement et la lutte incendie sans surpresseurs ? Comment stocker les eaux usées et éviter les refoulements en cas d'arrêt des postes de relevage ?
La gestion des collectivités est affaire de pragmatisme. Le Gouvernement a-t-il pris conscience de ces risques et comment y répondra-t-il ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - À nouveau, nous traversons une grave crise énergétique, accentuée par la volonté russe d'utiliser l'énergie comme moyen de pression. La disponibilité de nos installations est en outre dégradée, pour l'hydroélectrique avec la sécheresse comme pour le nucléaire avec le grand carénage.
Cela étant, nous activons les leviers de la réduction de la consommation d'électricité, dans le cadre de la sobriété, et de la maximisation des moyens de production, avec un suivi renforcé du nucléaire et la sécurisation du gaz, dont nos stocks sont pleins à 97 %. Nous facilitons aussi la finalisation et une utilisation supérieure au cadre usuel des projets d'énergies renouvelables.
RTE conclut à un risque de tensions accrues, mais maîtrisables. Des coupures locales temporaires pourraient avoir lieu pour des usagers, mais ce serait l'ultime recours. La priorité est d'éviter les menaces sur la vie des personnes. La coupure des réseaux d'eau potable n'est théoriquement pas exclue à 100 %, mais ils disposent de moyens de secours.
Mme Laure Darcos. - J'ai évoqué la question des réseaux d'eau avec mon préfet. Je vous prie de transmettre notre préoccupation à vos collègues.
Réglementation environnementale pour les habitats légers de loisir
Mme Annick Billon . - À l'instar des piscines, des saunas et des lieux de cultes, les habitats légers de loisir (HLL) ne sont pas soumis à la réglementation thermique RT2012, en raison de leur utilisation : beaucoup sont situés sur des campings ou dans des villages de vacances et occupés durant l'été uniquement.
Or la durée de vie des HLL est de vingt ans : l'application de la réglementation environnementale RE2020, qui a une période de référence de 50 ans n'est pas adaptée et entraîne des surcoûts. C'est regrettable, car les HLL s'intègrent mieux dans le paysage et sont plus résilients que d'autres installations de camping.
Je vous demande donc que l'arrêté ministériel à venir précise que seuls les HLL implantés hors infrastructures saisonnières ou dont la destination n'est pas l'hébergement touristique de loisirs soient concernés par RE2020, ce qui serait justifié par leur occupation permanente.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Les HLL chauffés ont une forte consommation d'énergie. C'est pourquoi la RE2020 leur est appliquée, tout en adaptant les exigences énergétiques. Cette application est possible dans deux cas : pour les surfaces inférieures à 50 m2, au 1er janvier 2023, et ceux prévus pour une durée d'utilisation inférieure à deux ans, avec des exigences adaptées, dès le 1er juillet 2023. Dans les deux cas, les précisions seront données dans un arrêté publié cet automne.
Nous en avons discuté avec les acteurs concernés. L'étude d'impact fait état d'un retour sur investissement inférieur à vingt ans. Ces nouvelles exigences sont donc sans préjudice sur la rentabilité.
Mme Annick Billon. - Bien sûr, des moyens adaptés sont nécessaires. Espérons que la rédaction des arrêtés n'empêchera pas les constructeurs de travailler dans de bonnes conditions.
Indemnité de sujétion géographique des enseignants à Saint-Barthélemy
Mme Micheline Jacques . - La taille et l'économie de Saint-Barthélemy entraînent une pression sur les loyers. Loger les enseignants s'avère complexe, au point qu'une association de parents d'élèves prend en charge une partie de leurs loyers.
Des contractuels sont appelés faute de titulaires. Le décret de 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique prévoyait que celle-ci n'équivaudrait qu'à six mois de traitement indiciaire, en raison de l'attractivité de l'île, montant ramené à trois mois en 2021.
La réponse indemnitaire ne suffit pas et doit être confortée par des conditions plus encourageantes. La présence d'un maître formateur est une première avancée.
Quelles actions entendez-vous mener pour améliorer la situation ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Renforcer l'attractivité du métier d'enseignant et compenser le coût de la vie dans les outre-mer sont au coeur des politiques des ministères de l'éducation nationale et de la fonction publique. L'indemnité de sujétion géographique a été étendue aux installations d'une durée d'au moins deux ans au lieu de quatre ainsi qu'aux néotitulaires. En outre, tous les fonctionnaires de l'État à Saint-Barthélemy, dont les enseignants, voient leur traitement brut majoré de 25 %.
Le ministère participe depuis 2022, à hauteur de 15 euros par mois, aux frais de mutuelle des agents, qui bénéficient aussi des primes d'attractivité et d'équipement informatique. Les enseignants titulaires originaires de l'île y obtiennent plus facilement leur nomination.
Le dispositif postes à profil (PoP) ouvre des postes aux caractéristiques particulières. Cela permet de les pourvoir avec des profils adaptés. Trois postes ont été ainsi pourvus en 2022. Enfin, nous allons prendre des mesures en faveur du logement.
Mme Micheline Jacques. - Je prends note des avancées que vous présentez. Toutefois, une personne en PoP est déjà repartie en raison de problèmes de santé, faute d'offre de soins adaptée sur place. Le problème est donc global et nécessite un traitement interministériel.
Mutations dans l'Éducation nationale
M. Serge Mérillou . - Non, la rentrée 2022 ne s'est pas bien passée. La promesse de mettre un enseignant devant chaque classe n'a pas été tenue. Il est temps de rendre au métier d'enseignant ses lettres de noblesse. L'attractivité passe par la revalorisation salariale, or le PLF n'est pas à la hauteur des attentes.
En mars 2022, 14 000 demandes de mutation interdépartementale sur 17 000 n'étaient pas satisfaites. La situation est ubuesque : on refuse à des titulaires des mutations dans des départements qui recrutent des contractuels, comme dans l'académie de Bordeaux - même quand le conjoint de l'enseignant y travaille !
Résultat, de nombreux candidats potentiels se détournent du Capes et préfèrent exercer comme contractuels, tandis que de nombreux titulaires restent chez eux, sans poste !
La suppression des commissions paritaires et la mise en place d'un algorithme opaque, en 2019, ont aggravé les frustrations. Démissions, mises en disponibilité, contractualisation : l'école publique ne séduit plus.
Comment comptez-vous fluidifier le système des mutations et rendre la carrière d'enseignant plus attractive ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - La politique de mobilité du ministère de l'éducation nationale vise à concilier construction des parcours professionnels et réponse aux besoins d'enseignement des académies, dans le respect de la continuité du service public, avec une attention particulière portée aux territoires qui peinent à recruter.
Le ministère gère les nombreuses demandes de mobilité en appliquant un barème qui prend notamment en compte le rapprochement de conjoints, le handicap, le centre des intérêts matériels et moraux de l'agent.
Dans le second degré, le taux de mutation en 2022 est de 43,4 %, contre 42,1 % en 2021 et 85,4 % des nouveaux titulaires obtiennent satisfaction sur un voeu exprimé, contre 84,8 % en 2021.
Dans le premier degré, 20,44 % des candidats ont obtenu une mutation et 87,4 % ont été satisfaits sur leur premier voeu.
Nous sommes confrontés à un déséquilibre entre les demandes d'affectation et les besoins. Ainsi, les départements franciliens concentrent 51 % des demandes de sortie, mais 6 % seulement des demandes d'entrée, tandis que dix départements de Bretagne et de la façade atlantique concentrent 31 % des demandes d'entrées. D'où une nécessaire régulation, afin d'assurer la continuité du service public de l'enseignement et de mettre un professeur devant chaque classe.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.
Conclusions du rapport « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France »
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport « Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France » à la demande de la mission d'information « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l'erreur française ».
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur de la mission d'information . - La crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont mis en relief les fragilités de notre économie. La patrie de Pasteur n'a pas su trouver un vaccin contre la covid.
Nous ne faisons plus partie des États leaders de l'innovation. Serions-nous donc condamnés à fournir à d'autres des innovations bon marché qui nous reviennent sous forme d'importations dégradant notre balance commerciale ? Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Pour sortir de l'impasse, le groupe INDEP a demandé la création de cette mission d'information, dont les conclusions ont été adoptées à l'unanimité.
Cherchez l'erreur française : le titre était volontairement provocateur, mais très peu l'ont trouvé impertinent. En effet, nous comprenons tous le drame industriel qui s'est joué dans notre pays.
Nous avons constaté un paradoxe : notre pays investit massivement pour l'innovation, mais nos performances industrielles ne sont pas à la hauteur. Il n'y a pas de fatum, car nous disposons d'atouts majeurs pour redevenir une nation industrielle innovante et souveraine, si nous parvenons à transformer l'essai de l'innovation industrielle.
Nous nous sommes efforcés de veiller à l'efficacité de la dépense publique et au caractère opérationnel des mesures.
Seule une action coordonnée de l'exécutif, du Parlement et des acteurs privés nous permettra de relever les défis. Le Parlement, en particulier, a un rôle majeur à jouer, s'agissant notamment des incitations fiscales, qui représentent deux tiers des dépenses de soutien à l'innovation.
Le crédit d'impôt recherche (CIR), qui s'élève à 6,6 milliards d'euros, est d'une efficacité inversement proportionnelle à la taille des bénéficiaires : le même euro dépensé produit une dépense de recherche et d'innovation de 1,40 euro dans une PME, mais de seulement 0,40 euro dans un grand groupe.
Or le CIR est accaparé par les grandes entreprises : les 10 % de bénéficiaires les plus importants en captent 77 % et les 100 plus importants à eux seuls 33 %. Cette situation de rente n'est plus tenable. Après le « quoi qu'il en coûte » et le « combien ça coûte », monsieur le ministre, je suggère que nous passions au « mieux qu'il en coûte ».
Nous proposons de renforcer l'efficacité du CIR par des ajustements à la marge. Ainsi, la suppression du taux de 5 % au-delà de 100 millions d'euros de dépenses permettrait, selon l'économiste Xavier Jaravel, de réorienter 750 millions d'euros vers les PME, PMI et ETI.
On nous opposera peut-être le risque de délocalisation de grands groupes. Je m'insurge contre ce chantage à l'emploi. Les investisseurs ont d'autres très bonnes raisons de choisir la France : nos entreprises s'inscrivent dans des écosystèmes innovants et peuvent s'appuyer sur une recherche de qualité et - faut-il s'en réjouir ? - bon marché.
Nous proposons aussi de calculer le plafond du CIR au niveau de la holding de tête pour les groupes intégrés. C'est une question d'équité fiscale. L'économie réalisée serait supérieure à 500 millions d'euros par an, selon le Comité Richelieu.
Si nous proposons ces ajustements au nom de l'efficacité de la dépense publique, je tiens à lever tout malentendu : nous soutenons la sanctuarisation du CIR.
D'autres leviers d'action existent, à la main du Gouvernement : préférer le chiffre d'affaires à la subvention, mobiliser la commande publique, simplifier les démarches administratives, raccourcir les délais. Quand la volonté politique est là, c'est possible - le délai de construction du terminal méthanier flottant du Havre le montre.
Mme la présidente. - Il vous faut conclure, madame le rapporteur.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur. - Les acteurs privés aussi doivent s'impliquer.
Les crises actuelles sont une opportunité pour réindustrialiser le pays et optimiser la dépense publique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie . - La mission d'information a mené un travail d'analyse extrêmement complet.
Nous partageons le constat : nous avons du mal à relier la paillasse à l'entrepôt. Alors que, il y a deux jours, un nouveau Français a reçu un prix Nobel scientifique, nous peinons à transférer nos innovations vers nos entreprises et nos processus de production.
Je vous trouve toutefois un peu sévères - c'est de bonne guerre - sur les performances de la France. Cette année, nous figurons à la douzième place dans le Global Innovation Index, alors que nous étions dix-neuvièmes voilà trois ans. J'ai la faiblesse de penser que l'action de la majorité n'y est pas étrangère.
Reste que les freins à lever sont encore nombreux. Nous convergeons sur un grand nombre de vos propositions, en dépit de quelques divergences sur le CIR.
Plutôt que de répondre à chaque orateur, je ferai une réponse globale à l'issue de vos interventions.
Mme Patricia Schillinger . - Le travail mené par la mission est rigoureux et exhaustif.
Notre pays paie les conséquences de la croyance à l'oeuvre dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix selon laquelle conception et production devaient être décloisonnées - le mythe de l'entreprise sans usine. Nous avons ainsi perdu trois millions d'emplois industriels entre 1975 et 2015.
En dépit d'un soutien public massif à l'innovation, nous sommes incapables de faire émerger des champions industriels. Réindustrialisation et innovation sont deux combats à mener de front. Depuis 2017, différents plans ont été lancés, mais les crises extérieures nous ont bousculés.
L'Europe a pris conscience qu'il nous faut réduire nos dépendances et construire une souveraineté commune. En particulier, nous devons diversifier notre mix énergétique : le potentiel technologique est immense en la matière, car le changement climatique est un accélérateur d'innovations.
Faisons preuve d'audace, ayons l'ambition de construire nos rêves pour répondre aux défis environnementaux, sociaux et économiques.
Nous devons mettre les bouchées doubles en matière de formation et d'apprentissage, aider les start-up à monter rapidement leurs prototypes et encourager les jeunes pousses dans nos territoires.
La réindustrialisation de nos territoires a commencé et va se poursuivre : le site STMicroelectronics de Crolles en est le symbole, avec 6 milliards d'euros investis et près de 1 000 emplois supplémentaires créés dans les semi-conducteurs.
Le RDPI se tiendra au côté du Gouvernement, pour que notre pays retrouve sa pleine souveraineté économique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que des groupes INDEP et UC)
Mme Gisèle Jourda . - Ce rapport, d'une grande précision, traduit une parfaite connaissance du milieu de la recherche. L'humble membre de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes que je suis a eu l'impression de tomber, comme Obélix, dans la marmite... (Sourires) De fait, je me suis ouverte à un monde au carrefour de mes préoccupations dans les deux commissions où je siège.
Nous devons entendre vos propositions pour que l'innovation devienne une priorité française. N'oublions pas non plus la dimension européenne : l'Europe doit reprendre le leadership sur les innovations de rupture.
Voyez le cas de la 5G : la législation française est adaptée, mais il faut rester attentif à l'évolution des risques en Europe. Nous devons soutenir la mise en oeuvre de la boîte à outils européenne, pour trouver des solutions nationales et prévenir les risques.
Encourager l'innovation, ce n'est pas qu'une question d'argent. Il faut identifier les bonnes thématiques pour faire émerger des géants européens. C'est ainsi que nous garantirons notre souveraineté.
L'Europe doit rester un acteur majeur du spatial. L'espace est un théâtre de conflits, avec pour enjeu la course à la première place mondiale entre les États-Unis et la Chine. Cette dernière est en train de devenir une grande puissance spatiale et prévoit de se doter de sa propre station.
Nous devons faire preuve d'une grande prudence à l'égard des transferts de technologies, accroître le soutien public à l'innovation et nous doter d'une constellation européenne de connectivité. La recherche publique ne peut s'accommoder d'un enseignement supérieur en berne, comme il l'est depuis de trop nombreuses années. La commande publique est un levier de croissance pour les entreprises qui innovent.
Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur doit jouer un rôle central dans la définition des orientations nationales en matière d'innovation. Faute d'une culture de l'évaluation suffisante, nous favorisons les acteurs en place, qui ne sont pas incités à innover.
S'agissant du CIR, il faut mettre un terme aux pratiques d'évasion et d'optimisation fiscales. (Mme Marie-Noëlle Lienemann renchérit.)
Enfin, le Parlement a toute sa place dans le travail d'évaluation à mener, s'agissant du suivi des crédits comme des textes - je pense à la loi de programmation de l'innovation que nous appelons de nos voeux -, sur le modèle de la Darpa, l'agence américaine chargée de la recherche militaire, qui rend compte au Sénat américain.
Soyons ambitieux pour favoriser l'innovation et garantir notre souveraineté !
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Je remercie la rapportrice et le président de la mission d'information pour cet excellent rapport, qui met en lumière la nécessité d'un sursaut en matière d'innovation ; puisse le Gouvernement se saisir de leurs préconisations, qui complètent celles développées hier soir dans le débat sur la souveraineté économique.
Il s'agit de mettre l'innovation au service de la réindustrialisation pour retrouver la maîtrise de notre destin. J'observe que, dans la French Tech, l'essentiel des start-up opère dans les services : la part de l'industrie est extrêmement faible.
D'énormes retards ont été accumulés, et inverser la tendance exige une mobilisation générale et des interventions publiques massives et mieux orientées.
Le terreau de l'innovation s'est appauvri : l'appétence pour la science et la culture scientifique et technique se dégradent de façon alarmante, contribuant à la spirale dépressive qui mine le projet républicain. Dans les classements internationaux, nous sommes désormais le dernier pays d'Europe et l'avant-dernier de l'OCDE pour le niveau des jeunes en mathématiques. Les mesures prises en 2018 ne suffisent pas.
Avec la réforme du désastreux M. Blanquer, seuls 58 % des élèves de terminale ont encore un cours de mathématiques, et seulement 14 % ont pris l'option maths expertes - la filière scientifique. Il faut un plan complet et rapidement opérationnel pour retrouver un haut niveau de formation en mathématiques, du primaire à l'université.
La situation de la recherche est alarmante. Nous approuvons le principe d'une loi de programmation, à condition qu'elle ne soit pas une nouvelle tartufferie. Les montants précédents étaient insuffisants et ne permettaient pas d'atteindre l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche. L'obsédante course à la baisse du coût du travail est aussi en cause. À cet égard, il est singulier que ceux qui louent la valeur travail cherchent en permanence à en baisser le coût...
Le rapport Darcos-Piednoir montre que la loi de programmation de la recherche (LPR) ne suffit pas. En particulier, la situation des doctorants est inadmissible : un quart d'entre eux ne subviennent pas à leurs besoins, et certains doctorants qui enseignent ne sont même pas payés au niveau du Smic...
Il est essentiel de mettre en oeuvre les propositions de ce rapport et de revivifier le terreau de l'innovation, mais aussi de réformer radicalement le CIR.
M. Jean-Pierre Moga . - Permettez-moi de féliciter notre nouveau Prix Nobel de physique, Alain Aspect : il est natif de mon département et nous avons le même âge à quelques jours près... (Sourires)
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Nous tenons un sénateur nobélisable ! (Nouveaux sourires)
M. Jean-Pierre Moga. - Je remercie notre rapporteur pour la qualité du travail accompli. C'est de l'innovation que découlent la vitalité de nos territoires et la bonne santé des entreprises.
Nous devons changer nos modes de production pour répondre aux exigences de la crise climatique. À cet égard, la production électrique quasiment décarbonée dont nous héritons de prédécesseurs visionnaires est un fruit inestimable.
Nous payons toujours le prix de la saignée industrielle extrêmement douloureuse que nous avons connue à partir des années quatre-vingt, en termes d'emploi, de cohésion territoriale et de prospérité.
Un puissant effort est nécessaire pour la recherche et l'innovation. La France a accru son soutien depuis les années 2000 : au total, 110 milliards d'euros seront dépensés entre 2010 et 2030. L'écosystème de l'innovation a également été modifié : crédit d'impôt recherche, programmes d'investissements d'avenir, création de BPI France.
La France compte 20 000 start-up et 27 licornes, mais, parmi ces dernières, une seule est industrielle ; l'innovation bénéficie donc avant tout au numérique.
Notre vision de l'innovation est trop linéaire, alors que les appels à projets ne permettent pas de construire des feuilles de route industrielles.
Il faut répondre aussi à la problématique de l'enseignement scientifique : nous avons besoin de 50 000 à 60 000 ingénieurs par an, alors que nos écoles n'en forment que 33 000. Selon les statistiques du ministère de l'éducation nationale, le niveau en mathématiques d'un élève de quatrième était en 2019 celui d'un élève de cinquième en 1995. Revaloriser la rémunération des enseignants et des chercheurs est indispensable pour relever le niveau de l'enseignement, susciter des vocations et conserver nos talents.
Le lien entre innovation et industrie est fondamental. Nous devons favoriser les partenariats entre centres de recherche publics et privés, en permettant aux PME de se saisir des dispositifs existants.
En ce qui concerne le CIR, je partage les propos de Mme la rapporteure.
L'impôt sur les sociétés ayant fortement baissé, le CIR peut être recalibré au bénéfice des entreprises qui en ont le plus besoin. Il faut également instaurer un coupon recherche-innovation pour les PME.
Nous devons aussi lever les contraintes administratives qui rendent de plus en plus difficile la vie des entreprises. En Suisse, un laboratoire de thérapie génique peut démarrer son activité dès le dépôt de la demande d'autorisation, alors qu'en France il faut attendre un an...
Les entreprises innovantes doivent être accompagnées. La puissance publique dispose pour cela de nombreux leviers : commande publique, dispositifs fiscaux, simplification des procédures, financement privé de l'innovation.
Notre groupe sera à vos côtés. La France dispose de tous les atouts pour relever le challenge de l'innovation ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Mme Guylène Pantel . - Je salue le travail du président et de la rapporteure de cette mission d'information.
Paradoxe à la française, notre pays ne traîne pas des pieds pour financer l'innovation, mais cela n'encourage pas la spécialisation de la production dans des secteurs particuliers, ce qui nous pénalise dans une économie mondialisée.
L'une des raisons avancées pour expliquer les difficultés est le recrutement et l'accès aux compétences. À cet égard, le rapport relève que nous avons trop tendance à considérer l'éducation et la recherche comme un coût. Il faut changer de vision et envisager l'enseignement et la recherche comme des investissements d'avenir.
En Européens convaincus, nous souscrivons à la proposition consistant à mieux coordonner les politiques d'innovation à l'échelle européenne. Nos laboratoires doivent être complémentaires de ceux de nos voisins, et non concurrents. La dépendance vis-à-vis de nos voisins serait ainsi moins asymétrique.
Il nous faut augmenter le nombre de sites industriels en nous appuyant sur les savoir-faire locaux. Comme élue de la ruralité, j'insiste : cette politique doit concerner l'ensemble du territoire. La ruralité est un gisement d'emplois et un facteur d'attractivité.
Enfin, l'intégration dans la responsabilité sociale des entreprises de la collaboration des grands groupes avec les start-up et les PME doit être expérimentée, éventuellement de manière plus coercitive - car nous doutons de la générosité de certains grands groupes.
M. Serge Babary . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rôle singulier des PME et des ETI dans l'innovation est essentiel.
Il importe de renforcer la culture de l'innovation et de l'entrepreneuriat, dès l'école. Il faut mettre fin à la peur de l'échec et encourager la créativité, relancer l'esprit d'entreprise dans un pays livré à la pente dangereuse de l'assistanat.
Nous devons aussi faire converger temps administratif et temps économique, sécuriser l'environnement des entreprises par des lois pluriannuelles et mobiliser la commande publique à travers un Small Business Act européen. Le triplement du plafond de l'achat innovant va dans le bon sens.
Les procédures administratives doivent être simplifiées. En 2010, les charges administratives représentaient 3 % du PIB de la France, soit 60 milliards d'euros ; aujourd'hui, ce serait plus de 75 millions d'euros, selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP). En 2017 déjà, la délégation aux entreprises, alors présidée par notre ancienne collègue Élisabeth Lamure, avait publié un rapport sur les moyens d'alléger le fardeau administratif des entreprises.
Les aides fiscales et financières sont aussi importantes. Le CIR est inéquitable, car il laisse de côté la plupart des PME : 77 % du dispositif bénéficie à 10 % des entreprises.
Les acteurs privés et leurs investissements doivent compléter la commande publique. Or les grands groupes n'aident pas les petites entreprises. Inscrire cette collaboration dans la responsabilité sociale et environnementale des entreprises est intéressant.
Enfin, il faut des débouchés pour nos chercheurs, sans quoi nous subirons la fuite de nos cerveaux et le déclassement de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Moga applaudit également.)
Mme Laure Darcos . - La France est-elle en train de décrocher en matière de recherche et d'innovation ? La situation est inquiétante, car notre pays n'investit pas assez : 2,2 % du PIB seulement depuis plusieurs années. Nos gains économiques sont plus faibles que ceux de nos voisins, qui ont fait de l'innovation un enjeu majeur.
La loi de programmation pour la recherche (LPR) promettait un investissement majeur dans la recherche publique et une attractivité renforcée des métiers scientifiques. J'avais été dubitative. L'intensité de l'effort a heureusement été renforcée par le Sénat, mais les chercheurs ne bénéficient pas d'une vision à long terme sur la politique de recherche. Notre rapport sur la mise en oeuvre de la LPR montre la nécessité d'une meilleure application sur le terrain. En outre, l'effort réalisé est largement absorbé par l'inflation.
La recherche est un investissement de long terme, non un coût ou une variable d'ajustement budgétaire. La recherche fondamentale, en particulier, est au coeur de l'innovation : elle doit bénéficier d'un puissant soutien financier. La rémunération des chercheurs doit être plus attractive. Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie partie de France, n'est pas un cas anecdotique : elle a quitté notre pays avec son aura, ses compétences et ses financements.
Le réinvestissement dans la recherche est engagé. De ce point de vue, l'année 2021 a été exceptionnelle : les financements ont augmenté, les missions ont été confortées. Les premiers résultats sont là : le taux de succès aux appels à projets génériques atteint désormais plus de 23 %, et le taux de préciput est passé en un an de 19 à 25 %.
Mais le paysage français de la recherche doit être clarifié, et les missions des différents acteurs mieux définies. Il faut aussi une programmation stratégique : l'absence de cap explique en partie que la communauté scientifique ait modérément adhéré à la LPR. Enfin, il faut mieux articuler la recherche publique et le secteur privé.
En redevenant un grand pays innovant, la France renouera avec un brillant destin collectif ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur le banc des commissions)
M. Claude Malhuret . - Le sujet n'a rien de nouveau, et c'est bien le drame. La France est engagée dans la voie de la désindustrialisation depuis plusieurs décennies, nous avons laissé partir nos usines : c'était le rêve de la mondialisation heureuse. Résultat : nous exportons nos cerveaux et importons les produits que ces cerveaux, formés sur deniers publics, fabriquent à l'étranger.
Ce qui est heureux, c'est que nous en sommes désormais conscients. Nous avons compris, à cause de la pandémie et de la guerre en Ukraine, que nous avons perdu notre souveraineté industrielle.
Le consensus est désormais là, ce qui est bon pour la cohésion sociale : nous devons réindustrialiser notre pays, chacun le sait. La bataille théorique est gagnée. Nous devons désormais passer à la pratique.
Il faut identifier les remèdes pour guérir le mal. Et c'est là où le bât blesse.
La mission d'information visait à identifier les blocages affectant notre pays. Je salue l'engagement de Vanina Paoli-Gagin, son travail approfondi a porté ses fruits et toutes les recommandations ont été adoptées à l'unanimité. C'est dire combien le consensus est grand.
La première leçon du rapport porte sur la relation entre science et entreprise. Il faut faire le lien entre recherche fondamentale et production. Notre université fait preuve de trop de conservatisme. Trop d'universitaires considèrent que pour rester pure, la recherche ne devrait pas mener à l'entreprise, ni même faire l'objet de brevets, regardés comme une compromission avec le grand capital. Le passage par l'entreprise est perçu comme un égarement de carrière, cela décourage bien des initiatives.
Pourtant, il faut mieux appréhender ces trajectoires enrichissantes. J'espère que le prix Nobel d'Alain Aspect, professeur à l'Université de Paris-Saclay et grand entrepreneur, saura les convaincre.
La deuxième leçon est la nécessité de simplifier notre bureaucratie. La France est un Absurdistan où le formulaire est la norme et l'administration l'arbitre de tout. Pour déterminer la qualité d'un laboratoire de thérapie génique, il faut dix mois en France tandis qu'en Suisse, la production peut démarrer pendant l'enregistrement de son dossier. L'administration doit se mettre au service des usagers, et non l'inverse.
Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en place des instruments efficaces, immédiatement opérationnels. J'espère que nous saurons capitaliser sur ces réussites récentes pour stimuler l'innovation et réindustrialiser le pays. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre délégué . - Merci pour ce débat stimulant ! Nous regardons tous vers l'avant. Innovation et industrie vont de pair. Depuis cinq ans, notre politique se fonde sur l'accélération de la recherche et développement, l'accélération du transfert de la recherche vers l'industrie et l'accélération de l'innovation industrielle.
Les trois composantes de cette accélération sont le gage d'une vraie culture de réindustrialisation. Le mythe funeste du Fabless, de la France sans usine, nous en sommes revenus. Un pays moins innovant, c'est un pays avec moins de croissance. Du reste, nous devons accélérer notre transition écologique.
C'est le tandem innovation-industrie qui dynamise les territoires. Là où l'industrie recule, l'extrémisme et la colère progressent. Si l'industrie avance, ils reculeront.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est vrai...
M. Roland Lescure, ministre délégué. - En matière d'innovation, rendons à Nicolas Sarkozy ce qui lui revient...
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Le mouvement a été initié dès 2010, avec un premier plan d'investissements suite aux recommandations d'Alain Juppé et Michel Rocard. Mais c'est ce gouvernement qui a accéléré la réindustrialisation, avec le soutien à la French Tech, qui représente désormais un million d'emplois directs et indirects.
Notre effort de financement des start-up paie. Elles ont levé 8 milliards euros sur les six premiers mois de l'année, soit dix fois plus qu'en 2017. Nous avons 25 licornes en France.
L'initiative Scale-up vise à lever des fonds européens, le Président de la République s'est fortement mobilisé pour la rendre possible.
La France compte 1 500 start-up industrielles. C'est certes insuffisant, sur 20 000 start-up. Mais il faut treize ans pour créer une véritable entreprise de biotech, ou dix ans pour la deep tech. Les développements sont longs.
Une première génération de sites industriels est en train d'émerger ; c'est le cas d'Exotech dans le Nord, avec des robots made in France qui révolutionnent la logistique.
Nous allons encore accélérer avec le plan Start-up et PME industrielles, qui mobilise 2,3 milliards d'euros pour une centaine de projets par an. France 2030 va amplifier cette dynamique puisque 50 % de ces financements iront à des PME innovantes.
Notre cap, madame Darcos, c'est France 2030.
J'en viens à notre point de désaccord : le CIR. On peut sans doute faire mieux et l'optimiser davantage. Mais ne le touchons qu'avec une main tremblante, car il est extrêmement bien identifié à l'international. Beaucoup d'entrepreneurs français qui réussissent en Amérique du Nord viennent installer leur laboratoire en France grâce au CIR.
Modifier les modalités du CIR au-delà de 100 millions d'euros, ce n'est pas la solution. Le CIR fait partie de l'image de marque de la France dans le monde entier, il faut de la stabilité.
La commande publique doit être un vrai levier d'innovation et d'industrialisation. Nous avons avancé grâce à la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi Asap et à la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Nos acheteurs publics peuvent acheter durable, innovant et français sans tomber sous le coup du code des marchés publics. Protection oui, protectionnisme non.
J'ai eu une longue conversation avec Mme Retailleau : nous sommes parfaitement alignés sur la volonté d'une recherche et innovation de niveau mondial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
M. Christian Redon-Sarrazy, président de la mission d'information . - Cette mission d'information s'est penchée sur un sujet qui nous préoccupe tous, quelle que soit notre couleur politique.
Le CIR a été au coeur des débats. Faut-il maintenir une rente de situation que nous avons dénoncée et qui fait l'objet de critiques régulières ? Nos propositions ne le modifieront qu'à la marge, il restera le dispositif fiscal le plus généreux en Europe pour financer la R&D. Il sera encore plus généreux à l'avenir, et plus efficace, grâce au nouveau calcul du plafond pour les entreprises qui pratiquent l'intégration fiscale.
L'argument de la stabilité fiscale ne tient pas. Non seulement le contexte fiscal des entreprises a changé, mais le CIR n'a pas évolué depuis quatorze ans.
Les études économétriques montrent qu'une révision du CIR s'impose pour garantir l'efficacité de la dépense publique.
Vanina Paoli-Gagin et moi-même vous proposerons des amendements en loi de finances que j'espère vous voterez.
Nous proposons un coupon recherche et innovation de 30 000 euros dans la limite d'une enveloppe de 120 millions d'euros. Bien des chefs d'entreprise se plaignent de n'avoir ni le temps ni les ressources humaines pour remplir les dossiers d'appel à projets. Ce sont les mêmes qui récupèrent, année après année, les appels à projets, grâce aux services juridiques et administratifs dont ils disposent. Nous avons été choqués de constater que 15 % des montants des appels à projets servent à financer des cabinets de conseil chargés de monter les dossiers...
Ce coupon recherche et innovation aidera les PME innovantes à accéder aux aides publiques. Sa mise en oeuvre sera simple.
Le Gouvernement, ensuite, doit mobiliser la commande publique au service des entreprises industrielles innovantes. Elle représente 111 milliards d'euros chaque année... Les règles communautaires ne nous empêchent pas d'utiliser la commande publique, comme on le dit trop souvent, la réalité, c'est que nous nous mettons des bâtons dans les roues en interprétant de façon trop rigide les règles des marchés publics.
La France dispose des atouts nécessaires pour faire partie des grandes nations innovantes. Je suis optimiste. Il nous faut désormais agir politiquement, au service de la réindustrialisation des territoires, de tous nos territoires.
Je salue une fois de plus le travail de Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et SER)
La séance est suspendue quelques instants.
« Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l'organisation des soins de demain sur nos territoires ? »
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l'organisation des soins de demain sur nos territoires ? »
Mme Patricia Schillinger, pour le groupe RDPI . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La crise sanitaire a exacerbé les faiblesses de l'hôpital public. Le manque de lits n'est que la partie émergée de l'iceberg. La défaillance de notre système de santé est plus large.
La Nation a témoigné son respect au personnel de santé, qui a su résister face au péril. La crise sanitaire a suscité des solidarités nouvelles, dans l'urgence, avec des prises en charge innovantes. C'est dans les crises que nous sommes les plus créatifs.
Il nous faut maintenant repenser l'organisation des soins, pour la rendre plus efficace.
Avec le groupe RDPI, nous nous sommes interrogés sur la place des acteurs du médico-social. On s'appuie trop sur l'hôpital et la médecine de ville : certes essentiels, ils ne sont pas les seuls relais.
Le domaine médico-social est au coeur de notre politique du soin. Ses acteurs interviennent dans différents secteurs, de la petite enfance au grand âge. C'est un rôle déterminant, en prévenant la désinsertion professionnelle des personnes fragilisées par la maladie et en assurant la persistance du lien social, entre autres missions.
Le personnel du médico-social se sent lui-même parfois précaire, d'où des difficultés de recrutement. Je salue l'effort du Gouvernement pour 1,6 million d'employés du médico-social qui ont été revalorisés. Cette reconnaissance du Ségur a été élargie aux professionnels socio-éducatifs des établissements pour personnes handicapées et du secteur de la petite enfance.
S'adressant à un public de personnes vulnérables, les acteurs du médico-social occupent une position stratégique. Face au vieillissement de la population, il faut libérer du temps médical. Il faut favoriser le maintien à domicile, d'autant que nous manquons de structures dédiées.
Les Ehpad doivent être remédicalisés, pour assurer à chacun le droit de bien vieillir et libérer du temps médical.
Les problématiques de santé mentale de nos enfants sont de plus en plus inquiétantes. Or les éducateurs spécialisés peuvent être des garants d'un diagnostic précoce, s'ils sont formés à cet enjeu.
L'inclusion des personnes en situation de handicap dépend là encore du médico-social. Nous devons imaginer de nouvelles modalités de soins adaptées aux besoins exprimés, dans tous les territoires, qui donneront à chacun toute sa place. Laissons aux nouvelles générations de professionnels des possibilités d'innovation.
Ce sujet est vaste, mais des solutions concrètes existent.
Madame la ministre, je sais votre implication pour maintenir notre modèle de soin.
J'espère que chacun saura être force de propositions. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Je remercie le groupe RDPI pour ce débat. Je salue les 11 millions de concitoyens qui soutiennent la population âgée. Vous le savez, le 6 octobre est la journée nationale des aidants.
Quelle place donner au médico-social dans notre système de soins et dans nos territoires ?
La crise sanitaire a mis en exergue combien notre système de soins doit dépasser l'hospitalocentrisme, pour aller vers de nouvelles collaborations dans les territoires. Mon ministère s'y emploie, en collaboration avec MM. François Braun, Jean-Christophe Combe et Mme Geneviève Darrieussecq.
En 2023, l'objectif global de dépense sera de 5,2 %. Nous prévoyons l'an prochain une augmentation de 125 millions d'euros de financement pour le secteur médico-social. Le bien vieillir est le guide de notre action, notamment en favorisant le maintien à domicile.
Ce sujet sera au coeur du CNR : le secteur de la santé et du médico-social fera l'objet de nombreuses concertations pour trouver des solutions adaptées à nos territoires.
Partout sur le territoire, la crise sanitaire, révélatrice des faiblesses mais catalysatrice des énergies, a permis de définir de nouvelles organisations. Nous voulons persévérer et continuer cet état d'esprit.
Le secteur médico-social a déjà une place essentielle dans l'organisation des soins. La coopération entre domaine sanitaire et domaine médico-social est la clef, pour redéfinir de nouvelles voies pour le care.
Nous devons aussi parler de l'avenir des métiers de ce secteur, quatrième pourvoyeur d'emplois dans notre pays. Je salue à nouveau tous les professionnels qui ont lutté au cours de la pandémie et de la récente canicule.
Ces professionnels souffrent. Nous avons revalorisé ces métiers grâce au Ségur, aux accords Laforcade, et à l'ensemble des efforts de 3,2 milliards d'euros pour la branche autonomie. Nous devons aller plus loin pour renforcer l'attractivité de ces métiers et rénover la formation.
Deux grands principes nous guident : simplifier et fluidifier, reconnaître et valoriser. Ces métiers doivent trouver leur juste place dans la société. C'est le sens des deux heures hebdomadaires que nous instituons pour s'occuper des aînés, ou encore de la création de nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Je veux mettre en valeur le changement de méthode, avant tout. Ouverture, dialogue et concertation : les réponses doivent être issues des territoires et concertées. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Dominique Théophile . - En Guadeloupe, la solidarité familiale est ancrée dans nos valeurs, mais le manque d'équipement nous pousse à repenser toute notre organisation de santé. Par exemple, le texte sur le marché du travail permettra d'encourager la validation des acquis pour les proches aidants, je m'en félicite.
La population va continuer à vieillir en Guadeloupe. Pour l'Insee, entre 2020 et 2030, le nombre de seniors de 60 à 74 ans augmentera de 15 points, les plus de 75 ans, de 45 %. Des dizaines de milliers d'emplois seront nécessaires pour accompagner ce vieillissement. Comment faire pour assurer une prise en charge adéquate, dans tous les territoires ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Vous rappelez la tradition de solidarité familiale ancrée dans les valeurs en Guadeloupe.
En ce jeudi 6 octobre, nous saluons l'engagement des 11 millions d'aidants. L'accompagnement des personnes en soins hospitaliers et des personnes âgées nous touche tous. Le modèle de tarification va évoluer, nous instaurons un tarif plancher de 22 euros pour les interventions à domicile.
Un plan d'aide et d'investissement de 17 millions d'euros est en cours d'élaboration pour effectuer les rattrapages en outre-mer et en Corse, et notamment créer des places nouvelles.
Mme Michelle Meunier . - Je salue cette initiative de nos collègues du RDPI. Il faut changer la perception de ces métiers pour renforcer leur attractivité. Les fonctions du soin souffrent d'avoir été trop longtemps exercées par des femmes : ce n'est pas qu'une inclination personnelle... Ce métier d'accompagnement est technique, et demande des compétences d'aisance relationnelle. La valeur de ces métiers est clairement sous-estimée.
Cette sous-reconnaissance entraîne de très faibles rémunérations et des temps partiels dispersés et subis. Rien ne justifie une telle vision des choses. Comment le Gouvernement va-t-il prendre ses responsabilités pour changer cette vision ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - De nombreux travaux ont été menés dans le secteur du grand âge. Il faut effectivement changer le regard sur les métiers du soin. Ces métiers du médico-social sont très féminins. Une grande campagne de communication et de sensibilisation a été menée après la pandémie, pour montrer combien ces métiers sont beaux.
Après l'Ehpad bashing de l'année dernière, nous avons la responsabilité de rendre attractifs ces métiers, qui sont humains, non délocalisables, éminemment précieux.
Jean-Christophe Combe organisera bientôt une journée de l'aide à domicile.
Ensemble, changeons de regard ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Michelle Meunier. - J'espère que nous pourrons, lors de l'examen d'une prochaine loi Grand Âge, concrétiser vos propos.
Mme Laurence Cohen . - Le secteur médico-social est très divers, mais le manque de reconnaissance des métiers est général. Les délais pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP) ou médico-psychopédagogique (CMPP) sont démentiels, tant on manque de personnel. On sait pourtant les conséquences de la pandémie sur la santé mentale des enfants et des adolescents... Nous sommes face à un abandon institutionnel des professionnels et donc des patients.
Malgré les rattrapages, les oubliés du Ségur sont encore nombreux. Quand allez-vous revaloriser ces métiers de la deuxième ligne ?
Les aides à domicile voient le prix de leurs déplacements exploser avec la hausse du prix de l'essence. Allez-vous enfin revaloriser le barème kilométrique de 0,22 à 0,35 euro ? (M. Pascal Savoldelli et Mme Michelle Meunier applaudissent.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Il faut changer de regard sur les acteurs du médico-social : tous, en effet, méritent reconnaissance. Les oubliés du Ségur ont fait l'objet de rattrapages.
Vous citez les CMP et les CMPP, mais tout le secteur de la santé mentale est touché.
Mme Laurence Cohen. - Abandonné !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'investissement y est le plus faible ; Agnès Buzyn avait lancé un plan de rattrapage en 2017, mais la crise sanitaire a accentué les problèmes, notamment chez les jeunes.
Pour l'aide à domicile, le tarif plancher de 22 euros est une avancée. Ce secteur est essentiel, d'autant que les besoins vont aller croissant.
Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sont en cours de discussion, nous espérons des dotations complémentaires pour aider les services d'aide à domicile à faire face notamment à la hausse du prix de l'essence.
Mme Laurence Cohen. - Je me réjouis que vous nous appeliez à changer de regard. Mais nous voulons des actes !
Les aides à domicile ont avant tout besoin de revalorisation salariale. Il reste encore des oubliés du Ségur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Jocelyne Guidez . - La prise en charge en Ehpad évolue, de nouvelles exigences émergent - coordination des parcours de soins, pluridisciplinarité, démarche qualité - , mais les difficultés de recrutement persistent.
L'apport des secrétaires médicales, des enseignants en activité physique adaptée (APA) ou des référents qualité est bénéfique pour les résidents, mais aussi pour les équipes soignantes.
Il faut mettre les Ehpad en cohérence avec les aspirations sociétales. Plusieurs ARS financent des expérimentations ponctuelles, notamment en ce qui concerne l'activité physique. Mais ce mode de financement ne permet pas d'intégrer ces professionnels de l'accompagnement à l'établissement de manière durable.
Quelle est la position du Gouvernement sur l'intégration de ces personnels dans les Ehpad ? Comment prenez-vous en compte l'émergence de nouvelles professions du soin ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'activité physique est essentielle à la prévention de la perte de l'autonomie. Elle l'est d'ailleurs à tout âge de la vie !
L'activité physique sera mieux intégrée dans les parcours de santé : c'est un axe d'action du Gouvernement, avec la promotion du sport-santé. La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport prévoit la désignation d'un référent activité physique dans tous les établissements médico-sociaux et de santé. Nous y travaillons.
Mme Jocelyne Guidez. - Merci de votre réponse. Il faut simplifier la charge administrative, car infirmiers et médecins n'ont plus le temps de s'occuper de leurs malades.
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
M. Jean-Claude Requier . - Nous vivons de plus en plus longtemps, c'est heureux. La France compte 1,5 million de plus de 85 ans ; en 2050, ils seront 5 millions. Cette démographie est un défi et appelle un plan ambitieux pour accompagner le vieillissement de la population. Or les métiers de l'accompagnement sont en forte tension. Nous devons certes améliorer les rémunérations et les conditions de travail, mais aussi progresser sur la formation, et développer massivement la qualification d'infirmier de pratique avancée (IPA). Actuellement, les IPA ne peuvent pratiquer en gériatrie, ce qui freine le développement de la filière dans les Ehpad et à domicile, pourtant attendu par tout le secteur du grand âge. Quelle est la position du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - La pratique avancée infirmière est une réponse adaptée, que le Gouvernement entend développer. Nous travaillons avec les universités pour augmenter les capacités de formation et enrichir les domaines d'activité afin de rendre ce métier plus attractif.
Les IPA suivent des pathologies chroniques, ce qui peut répondre aux besoins de prise en charge en gérontologie. Leur formation en la matière pourrait être complétée. L'ambition reste toutefois une prise en charge populationnelle en pratique avancée, et non la multiplication de domaines d'intervention pour chaque spécificité médicale.
Mme Catherine Deroche . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le décloisonnement entre le médical et le médico-social est essentiel. Il existe des alternatives à l'offre binaire entre Ehpad et domicile : un maire de mon département porte un projet innovant de collaboration entre deux Ehpad et un Ssiad. Des appels à candidatures sont lancés par l'ARS pour le centre de ressources territorial. Quels sont les financements prévus pour ces centres ? La région Pays de la Loire prévoit cinq financements, un par département, contre deux à l'origine. Cela se poursuivra-t-il ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Vivadom est un dispositif expérimental alternatif à l'Ehpad. Quand l'infirmière à domicile ne suffit plus, il faut parfois un complément d'accompagnement - une diététicienne, un ergothérapeute ou une psychologue. Les mesures votées dans le PLFSS 2022 permettent ces expérimentations, comme le dispositif renforcé de soutien à domicile.
Les centres de ressources territoriaux porteront une offre pérenne alternative à l'Ehpad, pour que les personnes âgées puissent rester chez elles plus longtemps.
Les moyens sont conséquents : 400 000 euros par porteur. L'enveloppe dédiée passera de 20 millions d'euros à 60 millions en 2023. L'objectif de Mme Bourguignon de quatre centres de ressources par territoire sera poursuivi, avec une enveloppe en croissance.
Mme Colette Mélot . - À la veille de l'examen du PLFSS 2023, il faut insister sur l'importance des acteurs du médico-social. Trop d'offres d'emploi restent vacantes et les patients vulnérables ne reçoivent pas les soins nécessaires.
Les besoins ont changé et appellent une vision globale : les secteurs médico-sociaux, paramédicaux et médicaux doivent travailler main dans la main. La formation est la clé ; elle doit se dérouler au plus près des territoires, sur le modèle de l'antenne de Paris-Est Créteil installée à Melun.
Les pôles de santé sur nos territoires sont souvent associés à des services médico-sociaux. C'est pourquoi nous devons développer un panel de formations complet, qui s'adapte autant aux spécificités de nos territoires qu'aux évolutions démographiques. Quelles pistes de réflexion avez-vous pour faire évoluer le secteur ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'engagement des acteurs du médico-social lors de la crise sanitaire a été remarquable.
Le Président de la République a affiché des ambitions claires : 50 000 recrutements dans les Ehpad sur le quinquennat. Il faut travailler main dans la main, ce n'est pas une nouveauté.
Un exemple concret : la mise en place des dispositifs d'appui à la coordination (DAC) pour les interventions complexes, quels que soient la pathologie ou l'âge de la personne.
Il faut améliorer la formation et l'attractivité de ces métiers du soin. Il faut simplifier, mieux faire connaître les métiers, valider les acquis et l'expérience - l'Assemblée nationale a voté hier la création d'un service public de la validation des acquis et de l'expérience - et repenser les maquettes de formation. Nous nous y attelons.
Mme Victoire Jasmin . - La prise en charge du grand âge est un enjeu majeur pour nos sociétés. En Guadeloupe, il faut innover de manière différenciée, en corrélation avec le schéma départemental de l'autonomie. Une attention doit être portée à la formation ; à la coordination de la prise en charge entre les différents acteurs - surtout dans un archipel comme la Guadeloupe ; à l'équité salariale pour lutter contre les difficultés de recrutement, notamment dans le secteur associatif. Quelles mesures prendrez-vous pour apporter à nos territoires des réponses concrètes ? (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Je le rappelle : 17,5 millions d'euros sont consacrés à un plan de rattrapage dans les outre-mer. Il faut coordonner tous les professionnels de santé. C'est un axe majeur de notre politique. La crise sanitaire a favorisé l'accélération de la prise en compte de ces préoccupations. Il ne faut pas empiler les dispositifs, mais les coordonner pour faciliter la vie des professionnels intervenant auprès des personnes âgées.
La revalorisation salariale était l'enjeu du Ségur, et les oubliés du Ségur ont fait l'objet de rattrapages. Le différentiel entre Ehpad publics et privés n'existe plus.
Je me suis rendue à la Réunion dernièrement ; je suis consciente de la nécessité d'accompagner vos territoires pour mieux prendre en charge les personnes âgées et les personnes en situation de handicap.
Mme Victoire Jasmin. - Je ne suis pas tout à fait satisfaite de cette réponse : il y a encore des oubliés du Ségur !
M. Olivier Henno . - Le champ du médico-social est large : personnes handicapées, enfance, personnes âgées. Il faut répondre au manque de vocations, comme cela a été fait avec les revalorisations salariales du Ségur ou les actions d'amélioration de la qualité de vie au travail, comme les deux heures hebdomadaires de temps social pour les services d'aide à domicile. La mise en place d'un tarif plancher est aussi une avancée. Mais il faut sécuriser le périmètre pour que les personnels trouvent du sens à leur activité, qui est de prendre soin.
Dans le Nord, la survie même des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) est en cause. Nous avons voté la fusion des Saad et des Ssiad ; il nous faut un point d'étape sur les DAC.
Écoutons les proches aidants, qui disent que les soins médicaux doivent rester aux soignants. Quelle place pour les acteurs du soin dans le médico-social demain ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Les services d'aide à domicile, Ssiad ou Saad, sont essentiels pour les personnes en handicap et les personnes âgées. Le PLFSS comporte les deux heures de convivialité, ainsi qu'une nouvelle grille salariale reconnaissant l'expérience.
Le tarif plancher fixé à 22 euros pour les services infirmiers, dans le cadre de l'APA et de la PCH, va dans le bon sens. Son application valorisera les Ssiad.
Pour les futurs Saad, le système actuel sera maintenu : un travail en équipe est nécessaire pour la qualité de vie au travail.
La mise en place du service public territorial de l'autonomie (SPTA) facilitera le parcours des personnes concernées et de leurs aidants. La mise en place se fera territoire par territoire, en se basant sur les structures existantes.
Mme Béatrice Gosselin . - En 2050, on dénombrera quatre millions de plus de 85 ans ; en Normandie, ils seront 250 000 en 2050. La place du médico-social sera de plus en plus importante.
Les structures gérant les personnes dépendantes sont pourtant en difficulté, à cause d'un déficit d'attractivité des métiers en raison de la pénibilité, des faibles rémunérations et du manque de reconnaissance. Résultat, un encadrement insuffisant des résidents, des conditions de travail dégradées.
Les charges de fonctionnement augmentent avec la crise énergétique et l'inflation, et viennent freiner les capacités d'investissement et augmenter les tarifs d'hébergement. Il faut une politique volontariste. Quelles mesures pour soutenir le secteur médico-social ? À quand une loi Grand Âge ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Les métiers de l'aide à domicile sont jugés utiles par 96 % de nos concitoyens, mais difficiles par 93 % d'entre eux.
L'État mobilise plusieurs leviers, avec les départements à ses côtés : l'amélioration des rémunérations des salariés des Ehpad de 183 euros nets, une revalorisation de 15 % pour les professionnels de l'aide à domicile, la promotion de la qualité de vie au travail, l'augmentation des effectifs qualifiés grâce à des formations courtes pour les demandeurs d'emploi, un accès facilité à la formation continue et la reconnaissance des acquis de l'expérience.
Les métiers du grand âge sont également ouverts à de nouveaux publics par des contrats aidés ou des situations de mise en activité professionnelle, en lien avec Pôle emploi. Il faut changer l'image de ces métiers pour recruter massivement.
Mme Béatrice Gosselin. - Certains oubliés du Ségur n'ont pas reçu ces primes. Ainsi le bouclier tarifaire a été étendu aux Ehpad en 2023, mais les professionnels de l'aide à domicile en sont exclus.
Mme Michelle Meunier . - La prime décidée lors du Ségur de la santé a été étendue par touches successives après les multiples appels en faveur des oubliés. Pourtant, deux ans plus tard, les mesures sont toujours inégalement appliquées, et les invisibles du Ségur sont toujours là. Je songe notamment aux agents logistiques des établissements. C'est injuste et délétère.
Injuste parce qu'un agent d'accueil d'Ehpad est au contact des résidents et des familles ; un agent de nettoyage dans un établissement d'aide à l'enfance participe lui aussi à la mission éducative en faisant respecter les règles de propreté.
Délétère parce que l'on pousse ainsi des personnels compétents vers la sortie. L'État n'est pas seul en cause - les collectivités tardent parfois à verser les primes - , mais il est responsable de l'orchestration des mesures. Alors, le Ségur pour toutes et tous, c'est pour quand ?
M. Xavier Iacovelli. - C'est pour maintenant !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Le Ségur est un moment historique, pour l'hôpital comme pour les Ehpad, même s'il s'agit surtout d'un rattrapage. En donnant satisfaction à une catégorie d'oubliés du Ségur, on en crée de nouveaux. L'enjeu, désormais, est de mettre en place des conventions collectives uniques pour le secteur sanitaire et médico-social, qui permettra d'éviter cet écueil.
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les pouvoirs publics mettent en place une médecine de parcours pour décloisonner les secteurs. L'objectif est d'accompagner les patients de manière globale, ce qui suppose une bonne répartition des structures sur le territoire, ainsi qu'un véritable virage du domicile pour répondre à la volonté croissante de la population.
Compte tenu des difficultés de recrutement, cela nécessite de faire bouger les lignes. Quelle sera l'architecture budgétaire ? Le secteur est aujourd'hui financé selon deux logiques différentes : dotation limitative pour les soins à domicile, enveloppe ouverte pour les actes infirmiers.
Comment faire pour que cette architecture ne soit pas un frein ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Prévoir, prévenir, accompagner : tel est l'enjeu pour l'État et les conseils départementaux. Le parcours de prise en charge de la personne doit reposer sur une vision globale, sur l'ensemble du territoire.
Le virage domiciliaire répond aux souhaits de nos concitoyens : 80 % d'entre eux veulent rester à domicile aussi longtemps que possible. Nous avons engagé une restructuration des services d'aide à domicile, mais ce n'est pas la seule réponse. Nous avons aussi créé le tarif plancher de 22 euros par heure, pour réduire les inégalités de prise en charge entre les départements.
Les services d'aides à domicile et les actes infirmiers sont deux domaines différents ; à nous d'inventer une organisation qui en assure la complémentarité.
M. Philippe Mouiller. - Concrètement, l'architecture budgétaire est un frein à un service de qualité. On aura beau ajouter des moyens, les difficultés persisteront si nous ne résolvons pas ce problème.
Mme Annie Delmont-Koropoulis . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les acteurs du médico-social sont très divers : éducateurs, acteurs de l'aide sociale, infirmiers, généralistes, psychiatres, aides-soignants, professionnels du paramédical. Les dirigeants de ces structures ont compris l'intérêt du maillage territorial et du parcours de soins.
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) du médico-social pourraient être une réponse. Leur valeur ajoutée est exponentielle : la CPTS du sanitaire et du médico-social d'Aulnay-sous-Bois répond à l'ensemble des missions-socles des CPTS.
Mais le traitement entre le sanitaire et le médico-social demeure inégalitaire : comment donner envie à ce dernier secteur de répondre aux nouveaux défis du soin ? Quelle reconnaissance, quels moyens pour demain ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'expérimentation que vous mentionnez mérite d'être accompagnée. C'est tout l'objet du CNR que de pérenniser ce type d'initiatives et de les diffuser. Je viendrai volontiers voir comment cela fonctionne sur le terrain : on ne peut pas parler de décloisonnement sans voir comment les professionnels s'organisent eux-mêmes au bénéfice de nos concitoyens. N'hésitez pas à mettre cette expérimentation en valeur dans le cadre du CNR. La difficulté réside dans l'articulation ; mais si nous trouvons la maquette de financement, pourquoi ne pas inscrire ces CPTS dans le droit commun ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Je vous inviterai bien volontiers. Je suis moi-même médecin coordonnateur dans ces structures. Il est primordial de donner plus de moyens à tous les acteurs du médico-social.
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire a renforcé la conviction d'une nécessaire amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
L'un des chantiers prioritaires est le développement des maisons départementales de l'autonomie et, pour Saint-Martin, d'une maison territoriale de l'autonomie (MTA).
À la suite de la création en 2007 des collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, il n'a pas été créé de maison territoriale des personnes handicapées. Une convention a été passée entre la collectivité de Saint-Martin et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour en assurer les missions, mais sans le statut juridique associé. La direction de l'autonomie traite ainsi à la fois le handicap et la perte d'autonomie.
Mon territoire souhaite migrer vers le dispositif MTA, comme a pu le faire Saint-Pierre-et-Miquelon. L'État est-il prêt à nous accompagner ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - On ne propose pas un accueil de proximité dans les mêmes conditions dans les Hauts-de-Seine, en Haute-Loire ou à Saint-Martin. En créant une MTA en 2006, Saint-Pierre-et-Miquelon a fait un choix fort.
Les professionnels de l'autonomie de Saint-Martin peuvent s'appuyer sur les outils mis à disposition par la CNSA : guides, webinaires, échanges de bonnes pratiques. J'invite les acteurs de votre territoire à solliciter les services de l'État, et nous verrons comment vous accompagner.
M. Hugues Saury . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a perdu dix mille médecins généralistes en douze ans. Un tiers des Français vivent dans un désert médical. Dans le Loiret, la densité médicale a baissé en 2021 et la pyramide des âges n'incite pas à l'optimisme.
Parmi les propositions récentes du Sénat pour y remédier figure l'extension du champ des actes médicaux pouvant être pratiqués par les professionnels paramédicaux. On a ainsi créé en 2018 les infirmiers de pratique avancée (IPA).
Ce modèle devrait s'étendre au médico-social, mais nous sommes contraints par des moyens limités, une formation inadaptée et un manque de reconnaissance.
En attendant de retrouver des effectifs suffisants de professionnels de santé, déléguez-vous certains actes médicaux aux professionnels du médico-social ? Quels actes seraient concernés, et comment faire pour rendre ces métiers, à commencer par celui d'aide-soignant, plus attractifs ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - C'est bien parce que nous avons perdu dix mille médecins que nous sommes dans cette situation. Mais le problème n'est pas seulement la pyramide des âges : les jeunes ne veulent pas travailler comme leurs aînés et pour remplacer un praticien qui part à la retraite, il faut trois nouveaux médecins.
Nous avons mené de nombreuses actions pour améliorer l'attractivité des métiers du médico-social : 700 000 professionnels ont ainsi bénéficié d'une revalorisation de 183 euros mensuels. Jamais nous n'avons autant investi dans le médico-social.
Le 15 septembre, le Gouvernement a annoncé l'élargissement de la valorisation du point d'indice de la fonction publique aux salariés du secteur associatif.
Nous attendons un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les infirmiers et aide-soignants dans les jours à venir. En effet, il y a fort à faire dans la formation pour renforcer l'attractivité de ces métiers.
M. Hugues Saury. - On constate de nombreux arrêts de travail, une lassitude, mais aussi une exacerbation des demandes d'amélioration du pouvoir d'achat. L'hémorragie continue. Or l'avenir de notre système de soins dépend de notre capacité à rendre attractifs ces métiers du soin. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli, pour le groupe RDPI . - Je salue la tenue de ce débat et les propositions concrètes qui ont été formulées.
Je retiendrai plusieurs points : renforcer l'attractivité, améliorer la coordination, notamment grâce aux CPTS étendues au médico-social, comme le propose Mme Delmont-Koropoulis, et assurer l'égal accès aux soins dans tous les territoires.
Nous voulons que le regard change sur la vieillesse. Mais il faut aussi changer de regard sur le sanitaire et le médico-social, dont les acteurs ont été aux avant-postes, aux côtés des soignants, pour assurer la continuité du lien et la gestion de l'urgence pendant la crise sanitaire.
Ils sont indispensables au maintien du lien dans notre pays, dans tous les domaines : grand âge, handicap, précarité sociale.
Ces travailleurs sociaux sont au contact direct de nos concitoyens, ils sont au coeur de notre modèle social.
Le secteur du médico-social souffre pourtant d'un manque d'attractivité et de reconnaissance, ce qui entraîne une pénurie dans ces métiers. Un exemple : les enfants protégés ne peuvent se rendre aux visites médiatisées avec leurs parents, faute de personnel pour les accompagner. Dans certains foyers, les travailleurs sociaux ont quarante enfants à gérer seuls, ils sont épuisés.
Comment un travailleur social peut-il assumer la mission que nous lui confions, aussi dévoué soit-il, dans ces conditions ? Un taux d'encadrement minimal est exigé dans les centres de loisirs, pour protéger les enfants. Il faudrait l'étendre aux foyers de l'aide sociale à l'enfance, où un enfant sur quatre est en situation de handicap.
Le PLFSS prévoit 1,5 milliard d'euros supplémentaires pour le secteur du médico-social, notamment pour renforcer l'attractivité des métiers de l'autonomie. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) est en hausse de 3,7 points hors dépenses liées à la crise sanitaire. Cela traduit notre volonté de bâtir une société plus inclusive.
Les professionnels du médico-social ont toute leur part dans l'organisation des soins de demain. Accompagner, c'est aussi une manière de soigner.
Je salue à nouveau les participants à ce débat, qui a évoqué des enjeux cruciaux que nous devrons traiter ensemble. Le Sénat devra y prendre toute sa place ; et, en tant que chambre des territoires, il se grandirait à créer une délégation aux droits de l'enfant, comme l'a fait l'Assemblée nationale. (Applaudissements)
La séance est levée à 17 h 15.
Prochaine séance, mardi 11 octobre 2022, à 14 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 11 octobre 2022
Séance publique
À 14 h 30
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente, Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : Mme Victoire Jasmin - M. Pierre Cuypers
. Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (procédure accélérée) (texte de la commission, n°19, 2022-2023)
En outre, de 14 h 30 à 15 h : Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République. (Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des Conférences.)