Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2021 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Les candidatures pour la CMP sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 ont été publiées. Elles seront ratifiées si elles n'ont pas suscité l'une des oppositions prévues par l'article 8 quater du Règlement.

Discussion générale

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - L'examen de ce texte est un passage obligé de la procédure budgétaire. Il s'agit de prendre acte de ce qui s'est passé l'an dernier et de mesurer le chemin qu'il reste à parcourir.

L'année 2021 a été faite de montagnes russes sanitaires, avec des conséquences en chaîne sur les prix. L'exécution budgétaire de 2021 traduit nos priorités : protéger, relancer, maîtriser. La reprise de l'économie française, avec une croissance de 6,8 %, dépasse la moyenne européenne de 1,4 point.

Des dérèglements sont toutefois apparus au fil des mois, liés aux résurgences épidémiques et à une surchauffe économique, qui ont eu pour conséquence de nous faire redécouvrir le fléau de l'inflation.

Cela ne date pas de l'invasion de l'Ukraine mais de l'automne 2021. Le Gouvernement a réagi sans tarder, avec notamment une indemnité inflation et un chèque énergie exceptionnel, grâce auxquels nous avons pu contenir les hausses qui pèsent sur le portefeuille des Français.

Certaines mesures ont eu un impact direct sur les finances de l'année 2021, d'où le second projet de loi de finances rectificative de novembre dernier, qui ouvrait 3,8 milliards d'euros de crédits de paiement pour financer l'indemnité inflation ainsi que 600 millions d'euros dédiés au chèque énergie exceptionnel versé à 5,8 millions de ménages modestes.

Tout au long de 2021, nous avons voulu protéger, relancer et maîtriser.

Nous avons adapté constamment nos dispositifs au contexte sanitaire et économique, au travers notamment de deux projets de loi de finances rectificative, en juillet et novembre derniers, pour 11,5 milliards d'euros de crédits supplémentaires. Ils comportaient de puissants mécanismes de soutien aux entreprises, comme le fonds de solidarité et le dispositif de chômage partiel, ainsi que des mesures pour protéger le pouvoir d'achat, sans lesquels les restrictions d'activité décidées pour limiter la circulation du virus auraient eu des conséquences dramatiques.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Rien à voir avec la choucroute.

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Quelque 34,4 milliards d'euros de crédits ont été mobilisés pour les quatre programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », pour financer l'activité partielle ou compenser à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées.

Le retour progressif au dispositif de droit commun s'est traduit par une baisse significative du recours à l'activité partielle au cours de l'année 2021, soit 500 000 entreprises contre un peu plus de 1 million lors du premier confinement.

Le fonds de solidarité traduit un effort sans précédent pour répondre de manière ciblée aux besoins des entreprises. Ce sont 27 milliards d'euros de crédits qui ont été exécutés sur le programme en 2021.

Les prêts garantis par l'État recouvraient 93 milliards d'euros au 31 décembre dernier, contre 100 milliards d'euros fin 2020. Cette diminution est liée aux remboursements intervenus et à la baisse du montant de la provision pour risque d'appel en garantie, compte tenu de la bonne santé des bénéficiaires.

L'année 2021 a été placée sous le signe de la relance. L'enjeu n'était pas seulement de parer à l'urgence mais aussi de préparer l'avenir. D'où les 100 milliards d'euros du plan de relance, mis en place avec célérité depuis l'été 2020. Dès la fin de 2021, les niveaux d'engagement et de décaissement étaient supérieurs aux cibles fixées, soit respectivement de 72 milliards d'euros et de 42 milliards d'euros.

Un amendement introduit par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale prévoit la remise d'un rapport au Parlement, en mai prochain, sur le coût complet de chaque action et sous-action des trois programmes de la mission « Plan de relance ». N'attendons pas pour vous faire part de nos réalisations !

En matière de transition énergétique, 765 000 ménages ont bénéficié de MaPrimeRénov'.

En matière de compétitivité, un tiers des entreprises industrielles françaises ont été soutenues. Le dispositif Industries du futur a soutenu 7 900 entreprises en 2021, dont 90 % de TPE et PME. Quant au dispositif Territoires d'industrie, il est salué par les collectivités territoriales.

En matière de cohésion, quatre millions de jeunes ont profité du plan « 1 jeune, 1 solution » l'an dernier et l'on comptait plus de 732 000 jeunes en apprentissage fin 2021, contre 300 000 en 2017.

La France a été la première à retrouver son PIB d'avant-crise, dès le troisième trimestre 2021. Cela tient largement à nos mesures de protection.

Des comptes bien tenus sont un impératif. Ils garantissent notre indépendance et notre souveraineté.

De 8,6 % en 2020, le déficit public est passé à 6,4 % du PIB en 2021, amélioration qui résulte du rebond de l'activité économique que l'Insee a révisé à 6,8 % au lieu de 7 %, en mai dernier.

Le « quoiqu'il en coûte » a joué un rôle décisif. Parce qu'ils savaient que l'État était à leurs côtés, les ménages ont continué à consommer, et les entreprises à s'engager.

Nous avons conduit des réformes structurelles, notamment sur l'assurance-chômage et la formation professionnelle. Au quatrième trimestre 2021, le taux de chômage s'établit à 7,4 %, son plus bas niveau depuis 2008.

Cette dynamique vertueuse a été enclenchée l'an dernier grâce à des recettes fiscales plus élevées que prévu. Nous entendons la poursuivre en continuant de soutenir les Français les plus affectés par la hausse des prix.

Malgré l'amélioration significative du déficit public, le solde budgétaire reste dégradé en raison des mesures de soutien et d'investissement. Il s'établit à 170,7 milliards d'euros en 2021, en légère amélioration de 2,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

Cela résulte d'une hausse des recettes de 37,9 milliards d'euros, dont 15,3 milliards d'euros supplémentaires perçus sur l'impôt sur les sociétés, 10 milliards d'euros sur la TVA, et 5,4 milliards d'euros sur l'impôt sur le revenu.

Le quinquennat qui s'ouvre ne sera pas celui du laisser-aller budgétaire. (Rires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Pas comme le précédent !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nous voulons passer du « quoi qu'il en coûte » au « combien cela coûte ». (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre objectif est de ramener le déficit sous les 3 % du PIB en 2027 et de stabiliser la dette des administrations publiques en 2026 pour ensuite la réduire de manière graduelle.

Pourquoi le faire ? Ce n'est pas un totem. Il ne s'agit pas de se soumettre à un diktat. Mais nous avons des engagements européens.

Sur le plan monétaire, nous changeons d'époque. Ce qui est soutenable quand les taux d'intérêt sont faibles ne l'est plus quand ils remontent.

C'est grâce à nos marges budgétaires dégagées entre 2017 et 2020 que nous avons pu financer le « quoiqu'il en coûte ».

Nous vous proposerons la suppression de la redevance audiovisuelle, et de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) pour les entreprises.

Pas moins de 20 milliards d'euros sont prévus dans le paquet « pouvoir d'achat » que vous examinerez dans les prochaines semaines.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Dans les prochains jours !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Notre stratégie est claire : tenir les comptes pour continuer à protéger les Français et prévoir l'imprévisible.

Je suis le garant de la tenue des comptes publics. (MM. Didier Rambaud et Emmanuel Capus applaudissent.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe les Républicains) Pour la première fois depuis vingt-deux ans, le projet de loi de règlement a été déposé après le 1er juillet, avec un mois de retard par rapport à ce que prévoit la LOLF ! Piètre début et mauvais signal. Nous savons pourtant combien il est important d'analyser l'exécution budgétaire passée avant de définir les orientations futures.

Nos rapporteurs spéciaux n'ont pas pu travailler correctement cette année. (M. Jérôme Bascher le confirme.)

Certes, la France a connu un fort rebond de son activité économique en 2021, mais sans revenir au niveau de 2019, en raison notamment de la dégradation du commerce extérieur et d'une consommation déprimée. Et nos performances restent en deçà de celles de nos partenaires européens.

Corollaire de ce rattrapage économique : la dégradation de nos comptes publics. Si l'économie n'a enregistré que 60 milliards d'euros de pertes, c'est grâce à l'absorption de 156 milliards d'euros par les administrations publiques.

En 2021, nous avons subi quatre chocs : sur l'approvisionnement en matières premières, sur les prix, sur les marges des entreprises et sur le coût du financement de la dette.

Dans un contexte de forte reprise économique mondiale, la hausse des prix à la production s'est accélérée en 2021. Les entreprises ont d'abord réduit leur marge, mais, à partir de l'été 2021, les prix à la consommation ont augmenté. Quant aux taux d'intérêt nominaux des obligations souveraines à dix ans, ils ont progressé tout au long de 2021. Les conditions de financement de la dette française changent : il faut en tenir compte.

Les recettes publiques ont été sous-évaluées. La prévision de croissance du Gouvernement pour 2021 - 6,25 % - était en effet excessivement prudente au regard de l'acquis de croissance de 6,6 %. On constate donc un surcroît de 30 milliards d'euros de recettes : une prévision plus juste aurait permis de réduire cette manne de moitié.

Quant aux dépenses publiques, elles s'établissent à 1 460 milliards d'euros en 2021, en retrait de 10 milliards d'euros par rapport au projet de loi de finances rectificative, bien loin des objectifs de la loi de programmation... En excluant les 91 milliards d'euros de dépenses sanitaires et de relance, les dépenses publiques s'établissent à 55,4 % du PIB, contre 52,5 % attendus.

Le déficit public est donc de 160,7 milliards d'euros, soit 6,4 % du PIB, principalement supporté par l'État, car les collectivités territoriales sont quasiment à l'équilibre et la sécurité sociale a divisé son déficit par deux.

Notre endettement public s'est réduit ; mais à 112,9 % du PIB, il reste très élevé, supérieur de 40 points à celui de l'Allemagne.

L'année 2021 est la première à voir augmenter le poids de la charge de la dette, ce qui se poursuivra en 2022.

Avec 420 milliards d'euros de dépenses et 250 milliards de recettes, le budget de l'État est en déficit de 170 milliards d'euros, presque autant qu'en 2020.

Les recettes de l'État retrouvent leur niveau de 2017. Mais la TVA, naguère ressource majeure de l'État, ne rapporte guère plus que l'impôt sur le revenu. Quant à l'impôt sur les sociétés, qui devait diminuer, il est en hausse.

Les dépenses de l'État ont augmenté de 37 milliards d'euros en 2021 et de 90,7 milliards sur deux ans, en raison notamment de la mission « Plan de relance », mais également d'autres missions du budget général - la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » consomme ainsi 34 milliards d'euros en 2021... Le surcroît de dépenses entre 2019 et 2021 est trois fois supérieur aux sommes dépensées entre 2008 et 2010. Je crains que le Gouvernement ne considère désormais ce niveau de dépenses comme un plancher, car il ne prévoit aucune diminution. Pour cela, il compte sur ses oppositions !

Ainsi, les dépenses de personnel  ont poursuivi leur augmentation sur le quinquennat et les promesses de diminutions d'emplois n'ont jamais été suivies d'effet. Si les ETP diminuent de 4 000 en 2021, c'est grâce aux difficultés de recrutement dans l'Éducation nationale...

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le montant des crédits reportés a été multiplié par dix, pour s'établir à 36 milliards d'euros en 2021. Cette pratique exceptionnelle est devenue la norme. La quasi-totalité des crédits non consommés en 2021 a été reportée sur 2022, alors qu'ils auraient dû être annulés. Est-ce de bonne gestion ? Vous appelez à la rigueur des comptes, mais ne respectez ni l'annualité ni la spécialité budgétaires : tout cela n'est pas très sérieux, monsieur le ministre.

L'accumulation des déficits creuse la dette alors que l'inflation et les taux d'intérêt repartent à la hausse.

La commission des finances propose de ne pas adopter ce projet de loi de règlement. Nous regrettons les reports de crédits massifs fin 2020 et 2021, sans respect de la destination initiale des crédits ouverts. Inquiet de la non-prise en compte par le Gouvernement de la dérive des comptes publics et préférant des mesures temporaires puissantes et ciblées, le Sénat avait rejeté la loi de finances pour 2021. Il avait réitéré ses critiques à l'occasion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021, qui portait les 4 milliards d'euros de votre indemnité inflation. Nous dénonçons à la fois vos mesures et vos manoeuvres procédurales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Votre exposé général des motifs vantant le nouvel élan que vous auriez donné à l'exercice de la loi de règlement est bien sympathique, mais peu adapté aux circonstances.

Le cycle électoral ne saurait justifier le retard de dépôt de ce texte, qui n'a même pas permis de le rendre plus clair. Vous vous réjouissez de la réduction du déficit public, après une année 2020 particulièrement délicate, mais seulement 42 milliards d'euros, soit un tiers des crédits de France Relance ont été décaissés.

Et quel manque de sérieux et de sincérité dans l'exécution des comptes ! Les reports de crédits, qui dépassent les 22 milliards d'euros fin 2021, mettent à mal l'annualité budgétaire et impactent nos concitoyens, sur l'activité partielle par exemple.

L'État a encaissé 38 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, ce qui interroge sur la sincérité de ses prévisions. Mais alors que ces recettes auraient dû répondre à l'urgence sociale, le Gouvernement a préféré baisser la taxe d'habitation des 20 % les plus aisés et réduire les impôts de production, ce qui a permis au CAC 40 de verser des dividendes records à leurs actionnaires...

Il n'est pas possible de faire, « en même temps », des cadeaux fiscaux aux plus riches et de soutenir les plus démunis. Le ruissellement ne fonctionne pas et la loi du marché ne réduit pas les inégalités. En revanche, les services publics de proximité, délaissés, sont nos armes contre la précarité et pour que chacun ait une vie digne.

La politique fiscale du Gouvernement est dans une impasse : le solde conjoncturel s'est amélioré, mais le solde structurel s'est dégradé. L'État ne peut se priver de certaines recettes fiscales et nous réclamons le rétablissement de l'ISF.

Chacun doit pouvoir vivre dignement, accéder à des services publics de qualité et nous devons réussir la transition écologique.

Ce projet de loi de règlement démontre le manque de sérieux du Gouvernement et l'échec de sa politique qui fracture la société et enrichit ceux qui n'en ont pas besoin.

Entre reports, sous-exécutions et annulations de crédits, ce texte technique frôle l'insincérité et méprise le Parlement, comme l'a souligné la Cour des comptes. Il démontre l'entêtement idéologique du Gouvernement. Le groupe SER votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Didier Rambaud .  - En commission des finances ce matin, certains évoquaient la normalisation de la situation en 2021. Mais cet exercice reste néanmoins marqué par le plan de relance et les aides d'urgence. Face à une situation exceptionnelle, à la nécessaire relance de notre économie et au retour de l'inflation, nous avons agi.

Le contexte exceptionnel a conduit au « quoi qu'il en coûte », alors que les Français étaient pris en tenaille par les difficultés économiques. La situation sociale s'annonçait sombre. Oui, nous assumons d'avoir soutenu ménages et entreprises et d'avoir protégé les Français contre la misère.

Beaucoup voudraient refaire le match. Mais à quoi aurions-nous dû renoncer ? Au chômage partiel qui a bénéficié à treize millions de salariés en 2021 ? Au fonds de solidarité ?

Avec la reprise économique, l'inflation revient : la guerre en Ukraine y est pour beaucoup, mais elle n'en est pas le déclencheur.

Nous n'avons pas attendu la crise pour agir. Pensez à la loi Pacte de 2019, avancée notable pour les PME et TPE. La loi sur l'avenir professionnel a permis de lever les obstacles au développement de nos entreprises. Nous avons amélioré le pouvoir d'achat des ménages et soutenu la consommation. C'est une méthode qui marche : soutenir à la fois la production et la demande.

Avant 2020, notre action avait fait baisser le déficit de l'État sous les 3 % du PIB. Le dynamisme économique de 2021 a conduit à un surcroît de 37,9 milliards d'euros de recettes et ramené le déficit à 6,4 % du PIB, contre 8,9 % en 2020.

C'est cette méthode pour un monde juste qui m'a incité à m'engager autrement en 2017 : trouver des solutions pour simplifier la vie des Français sans être déraisonnables en termes de finances publiques.

Comme le disait Gabriel Attal, nous sommes passés du « quoi qu'il en coûte » au « combien cela coûte ». (Marques d'ironie et sifflement admiratif sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Du Jean-Pierre Pernaut dans le texte...

M. Didier Rambaud.  - Nous devons remettre nos comptes en ordre, ne plus engager de dépenses non financées et renouer avec un déficit public inférieur à 3 % du PIB d'ici 2027 pour nous conformer à nos engagements européens et nationaux.

Nous poursuivrons notre stratégie d'emploi et de croissance pour tenir nos comptes et soutenir le pouvoir d'achat des Français et la capacité d'investissement de nos entreprises. Notre réforme de l'impôt sur les sociétés génère des recettes supplémentaires, avec des taux réduits ! Et notre taux de chômage est au plus bas depuis 2008. Voilà la preuve de l'efficacité de notre stratégie.

Stabiliser nos finances publiques passe par la poursuite de leur modernisation, après la première étape de la proposition de loi des députés Saint-Martin et Woerth.

Nous adapter aux défis qui sont devant nous, telle est notre vocation.

Nous nous inscrivons dans un projet résolument européen, en partenariat avec l'Union européenne.

À compter du projet de loi de finances pour 2023, nous entamerons l'assainissement de nos comptes publics, lutterons contre l'inflation et poursuivrons les chantiers entamés par le Président de la République. Mon groupe votera ce texte. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. Emmanuel Capus .  - Le premier texte budgétaire de ce quinquennat porte sur le dernier exercice budgétaire du précédent. C'est un état des lieux, une base de travail pour les cinq prochaines années. Il est l'occasion de revenir sur les mesures prises pour lutter contre la crise et d'en dresser un bilan objectif.

Je sais les critiques sur la présentation tardive du texte. Mais nous disposons ainsi de plus de recul. (M. François Bonhomme ironise.)

M. Guillaume Chevrollier.  - Beaucoup de recul...

M. Emmanuel Capus.  - Les finances publiques ont été lourdement impactées par la crise sanitaire. Malgré les efforts du Gouvernement, l'Allemagne nous devance toujours : notre endettement public est de 113 % du PIB, contre 70 % en Allemagne.

Notre déficit public à 6,4 % du PIB est alarmant, même s'il s'améliore par rapport à 2020. La cote d'alerte est atteinte, malgré une croissance à 7 % et un taux de chômage à 7 %, historiquement bas -  par rapport à 2008 et même par rapport aux années Mitterrand. Quant aux recettes de l'État, elles ont augmenté de 37 milliards d'euros.

Ne faisons pas trop de politique sur ce texte, qui n'est qu'une simple formalité comptable. (M. Claude Raynal, président de la commission des finances, s'amuse ; M. Jérôme Bascher et Mme Martine Filleul sourient.)

Les 34 milliards d'euros de la mission « Plan d'urgence » de 2021 ont permis de sauvegarder emplois et entreprises et de renouer rapidement avec la croissance dès la levée des restrictions sanitaires. Mais ce stop and go mondialisé a produit l'inflation fin 2021.

M. Jérôme Bascher.  - Cela n'a rien à voir !

M. Emmanuel Capus.  - La guerre en Ukraine n'a fait qu'aggraver la situation. Le Gouvernement y a réagi rapidement avec le bouclier tarifaire et le chèque inflation. Notre groupe RDPI a soutenu ces mesures généralisées en 2021 qui ont clos l'ère du « quoi qu'il en coûte ». Les taux d'intérêt augmentent. Nous ne pourrons plus agir comme en 2021 : il faudra cibler les dispositifs d'urgence sur les plus fragiles. C'est ainsi que j'avais proposé de conditionner le chèque inflation aux revenus du foyer, mais j'avais probablement raison trop tôt ... Une page se tourne, celle du « quoi qu'il en coûte ».

Nous voterons ce projet de loi en responsabilité. Nous devrons ensuite engager le désendettement de l'État ; nous et y prendrons toute notre part. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, pas de chance, on vous a caché la réalité des comptes de la mandature précédente... (Applaudissements et amusements sur les travées du groupe Les Républicains) Sur la forme, comment voulez-vous que les Français respectent la loi quand le Gouvernement ne respecte pas la loi organique ? Vous voulez être le garant des comptes, sans être le garant de la loi ? Est-il normal que vous ne fassiez pas voter la loi de règlement dans le délai de rigueur ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Non !

M. Jérôme Bascher.  - La loi de règlement acte le report de 36 milliards d'euros de crédits, or la Cour des comptes vous demandait d'arrêter cette procédure... On ne peut pas continuer ainsi. Le Gouvernement mériterait d'être déféré devant un procureur financier, car vous violez la loi organique quant aux délais et aux montants.

Vous vous dites le garant des engagements européens : quand arrive le programme de stabilité ? Tous les autres pays européens l'ont transmis à Bruxelles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous ne respectez pas les règles des comptes de concours financiers. Vous violez la loi et vous en moquez ! Mettez un peu d'ordre dans vos services, monsieur le ministre ! Vous oubliez la LOLF votée à l'unanimité par le Parlement.

Vous supprimez des emplois en loi de règlement, ce n'est pas acceptable. Il faut l'annoncer et non le faire à bas bruit...

Sur les mesures structurelles, sachez que la trajectoire a commencé à dévier en 2019, comme le fait clairement apparaître le rapport du Haut Conseil des finances publiques.

J'en viens aux recettes : 295 milliards d'euros de recettes fiscales, 285 milliards de dettes. Nous nous finançons à 51 % par l'impôt et à 49 % par la dette.

Maîtriser ? Vous ne maîtrisez pas la charge de la dette : voyez l'effet inflation et l'effet volume.

Les appels en garantie diminuent, mais c'est parce qu'on a décalé le remboursement des PGE. En 2023, malgré l'inflation et la réduction des marges, ils devront être remboursés : attention aux défaillances d'entreprises !

Mme Nadine Bellurot.  - Il y en a déjà !

M. Jérôme Bascher.  - Relancer ? Oui, vous avez relancé grâce à 18,8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en 2021. Mais les dépenses pilotables ont augmenté de 7,1 milliards d'euros et les autres dépenses de 18,6 milliards d'euros : autant pour la relance que pour le reste...

Non, il n'y a pas de relance, ni de maîtrise de la dépense publique.

Protéger ? (M. Jean-François Husson, rapporteur général, rit.) Protéger quoi ?

Nos armées, après que nous avons heureusement aidé l'Ukraine, ne sont plus armées...

Jean-Pierre Vogel, en 2019, ou Bruno Belin récemment, ont dénoncé l'absence de moyens pour lutter contre les incendies.

Sommes-nous armés pour l'hôpital ? Protégeons-nous réellement les Français contre l'insécurité réelle ? Qu'en est-il de la situation de notre diplomatie ? Dans le domaine régalien, vous ne protégez pas les Français.

Je vous ferai le même reproche que Spinoza au régime monarchique : vous poussez les Français à combattre « pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Notre groupe votera contre ce projet de loi pour deux raisons principales.

Tout d'abord, le budget pour 2021 est inefficace pour réduire les inégalités, malgré les boucliers tarifaires. Votre politique, c'est quelques chèques aux plus précaires, mais des réformes structurelles pour les plus aisés.

De plus, ce texte nie les exigences de la transition écologique.

Les chiffres que nous devrions approuver aujourd'hui témoignent de votre gestion libérale. Certes, les entreprises ont eu besoin de soutien pendant la pandémie, et tout particulièrement les TPE et PME. Mais les 57,1 milliards d'euros de dividendes des entreprises du CAC 40, en hausse de 33 % -  alors que 27 613 emplois ont été supprimés en 2021 et que les patrons ont augmenté leur rémunération de 23 % à 237 millions d'euros  - , c'est du jamais vu. Ces entreprises avaient-elles besoin des aides publiques ? Cela nous choque terriblement. Aucun emploi n'a été créé, mais les plus riches se sont enrichis.

Les fonds publics devraient aider les plus vulnérables à vivre dignement. Quel rendez-vous social manqué !

Pourquoi avoir supprimé plus de 2 062 ETP du ministère de la transition écologique en 2021, si c'est une priorité ? Alors que 12 millions de Français sont dans la précarité écologique, comment expliquez-vous que 4,5 millions d'euros de crédits du volet écologie du plan de relance n'aient pas été consommés ?

Quant au budget vert, son évaluation est faible et mauvaise et il ferme les yeux sur certaines dépenses néfastes : c'est de la pure communication. Quelque 93 % des dépenses de l'État auraient un impact neutre ou non coté... Qui peut y croire ?

Il conviendrait d'appliquer la loi de 2015 sur les nouveaux indicateurs de richesse, inappliquée depuis 2018. Quel est l'impact des 488 milliards d'euros de dépenses publiques de 2021 sur l'espérance de vie en bonne santé, le taux de décrochage scolaire, les inégalités de revenus ?

J'en viens à la dette climatique, dont la cote d'alerte est aussi atteinte : feux, inondations, sécheresses, canicules se multiplient. Les produits agricoles et l'ensemble du vivant sont menacés : 30 % des oiseaux, 67 % des insectes ont disparu ; des milliers d'espèces sont en danger. Et pendant ce temps, quatre centrales nucléaires ont obtenu des dérogations environnementales pour préserver leur production, au détriment de la biodiversité.

La transition écologique est une urgence vitale ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Martine Filleul applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Passer du « quoi qu'il en coûte » au « combien ça coûte », voilà ce que vous nous proposez. Il serait temps de passer plutôt au « qui va payer »... Là serait l'esprit de responsabilité !

L'opposition de gauche au Gouvernement et à la majorité sénatoriale tire sa légitimité de l'élection, mais aussi de la qualité de son argumentation.

Le Président de la République brandit « l'économie de guerre » et ses ministres entonnent le refrain du « trésor de guerre ». La communication est bien rodée, mais ne résiste pas à l'épreuve des faits.

De fait, les recettes fiscales ne font que revenir à leurs niveaux de 2017 et 2018 ; difficile d'y voir un trésor de guerre... À deux mois de la fin de l'exercice, sans explications pour la plupart, elles connaissent un écart de 18,2 milliards d'euros par rapport aux prévisions : faut-il y voir un usage électoraliste des mécanismes comptables ?

Par ailleurs, si l'impôt sur les sociétés progresse en 2021, c'est parce que l'activité en berne de 2020 a minoré les premiers versements. Non, décidément, il n'y a pas de trésor de guerre.

Côté dépenses, les sous-consommations s'envolent à 24,6 milliards d'euros, sans rapport, pour un tiers d'entre elles, avec la crise sanitaire. En d'autres termes, 5,5 % des crédits que nous votons ne servent qu'à améliorer artificiellement le solde budgétaire, lorsqu'ils sont reportés ou annulés...

M. Jérôme Bascher.  - Et voilà !

M. Pascal Savoldelli.  - Les principes d'annualité et de spécialité budgétaires ont été passablement sapés par le quinquennat précédent. Monsieur le ministre, démocratie représentative et finances publiques ne sont pas incompatibles ! (M. Jérôme Bascher approuve.)

La majorité sénatoriale peut se rassurer : pour le capital, impossible de voir en vous-même et en M. Le Maire des belligérants...

Les 50 milliards d'euros de baisse d'impôt du précédent quinquennat se répercutent sur les recettes de l'État, alimentant un déficit structurel.

Il est temps de se poser les questions qui dérangent. Ainsi, pourquoi l'excédent brut d'exploitation des entreprises est-il amputé de moitié par les niches fiscales et autres dégrèvements ? Pourquoi près de 40 % du produit de la TVA, impôt injuste par excellence, sert-il à financer les exonérations en tout genre ?

Par ailleurs, pourquoi les collectivités territoriales sont-elles réduites à quémander à l'État les moyens de faire fonctionner les services publics du quotidien et d'investir dans les écoles ou la voirie ?

Enfin, pourquoi nous rebattre les oreilles avec le « désastre annoncé » ou la « cote d'alerte » ? L'envolée de la dette publique au cours des dernières années, c'est votre responsabilité !

Vos manoeuvres de calendrier n'y changeront rien : c'est la dette publique qui financera les mesures de pouvoir d'achat. Dès lors, on comprend facilement pourquoi le renouvellement des méthodes démocratiques au Parlement n'aura pas lieu. Le débat est clos avant même d'avoir commencé...

Notre groupe exprimera un grand non, non pas de droite, mais de gauche ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et du GEST)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le marathon budgétaire débute avec ce projet de loi de règlement - tardivement, ce qu'on peut regretter. D'autant que nous devrons attendre la rentrée pour connaître votre stratégie pluriannuelle : l'objectif de 3 % de déficit en 2027 gagnerait à être rapidement documenté.

L'année 2021 a été pour le moins contrastée. La situation exceptionnelle a justifié des efforts immédiats et importants.

Les recettes ont augmenté de 38,2 milliards d'euros. La baisse des impôts s'est poursuivie. Voilà pour le positif.

Mais les dépenses de l'État ont augmenté considérablement, de 90 milliards d'euros, ces deux dernières années. Le plan de relance pèse évidemment, tout comme la charge de la dette. La Cour des comptes constate des entorses aux principes budgétaires, qui affaiblissent la portée de nos votes.

La sortie progressive des contraintes sanitaires explique que le « quoi qu'il en coûte » pèse encore sur nos finances publiques. Mais il faut s'interroger sur la pertinence de ces mesures. La cote d'alerte est atteinte, et les chiffres donnent le tournis.

Nous ne pourrons fonder notre stratégie en matière de dette sur la croissance, surtout si celle-ci faiblit. La souveraineté de notre pays est en jeu.

La majorité du groupe UC s'abstiendra. Certains d'entre nous voteront toutefois le texte. M. Delahaye exprimera sa position dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cet exercice obligé, mais d'importance, est marqué du sceau de l'incertitude, devenue en matière budgétaire une certitude. Gouverner c'est prévoir, mais prévoir est de plus en plus aléatoire.

Il nous faut garder en tête l'objectif de redressement des finances publiques. Souvenons-nous de Mendès France : les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent. (M. le ministre délégué approuve.)

L'article liminaire fait apparaître un déficit inférieur de deux points aux prévisions, grâce au rebond économique et à une croissance de 6,8 % en volume. Le déficit budgétaire de l'État atteint 170,7 milliards d'euros, en amélioration de 34,4 milliards par rapport à la seconde loi de finances rectificative. Il faut noter que les recettes fiscales ont retrouvé le niveau d'avant crise et même progressé en termes bruts par rapport à 2018.

Malheureusement, notre situation financière n'en est pas améliorée. L'article 2 constate un besoin de financement de 285,2 milliards d'euros. Quelque 260 milliards d'euros de dette supplémentaire vont être contractés à moyen et long termes.

L'article 3 présente un résultat négatif de 142 milliards d'euros.

L'article 4 continue de faire apparaître des dépenses en hausse, à 557,1 milliards d'euros.

Les articles 5 et 6, sur l'exécution des budgets annexes et des comptes spéciaux, sont en amélioration de 5,9 milliards d'euros par rapport à la seconde loi de finances rectificative.

L'article 7 annule la dette de la Somalie, conformément à notre accord bilatéral.

Si l'année 2021 a été marquée par la crise, on peut regretter que certaines mesures n'aient pas été prises pour commencer à assainir nos finances publiques.

Les collectivités territoriales restent les grandes oubliées du « quoi qu'il en coûte », malgré leur rôle essentiel pendant la crise. Auront-elles enfin les moyens d'agir au plus près de nos concitoyens ?

Le Sénat va majoritairement rejeter ce texte, avec des motivations diverses. Les membres du RDSE se partageront entre abstention et vote pour, en attendant de connaître les orientations du budget 2023. Nous espérons que nos critiques seront écoutées par le Gouvernement...

M. Rémi Féraud .  - Le temps nous est compté, comme chaque année, mais cette fois-ci, le retard du Gouvernement, justifié par des arguments qui n'ont convaincu personne, illustre encore le mépris qu'il a du Parlement.

Sur la forme, le texte arrive avec un mois de retard. Le Gouvernement prétend vouloir favoriser le dialogue avec les parlementaires ? Ce n'est pour l'instant qu'un voeu pieux. A-t-il voulu éviter d'en faire un sujet de la campagne électorale pour les législatives ? Comme l'année dernière, l'exécution s'éloigne considérablement du budget voté. La Cour des comptes juge l'autorisation parlementaire « malmenée ». On constate une nouvelle fois l'absence de pilotage rigoureux et efficace.

Les méthodes piétinent les principes d'annualité et de spécialité.

Sur le fond, nous aussi regrettons que vous ayez laissé filer le déficit. Le Gouvernement est un peu piégé par ses propres contradictions, entre auto-satisfecit et alarme sur la cote d'alerte... Vous mélangez tout.

La non-maîtrise des comptes publics ne vous a même pas permis de dégager des marges de manoeuvre en faveur de l'urgence sociale et écologique, et vous continuez à encourager les inégalités.

Monsieur le ministre, en matière de politique de l'offre - je parle des gros patrimoines et des entreprises - allez-vous passer du « quoi qu'il en coûte » au « combien ça coûte », que M. Savoldelli a appelé le « qui va payer » ?

Nous voulons enfin des propositions concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

M. Philippe Dominati .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le bilan comptable, dans la vie économique, c'est le moment de vérité. Ce devrait être le cas aussi dans un État exemplaire, s'agissant notamment des relations entre l'exécutif et le Parlement.

Il y a, malheureusement, ce dysfonctionnement initial dont nombre d'orateurs ont parlé. Est-ce impréparation de Bercy ? Ce serait surprenant. Est-ce désinvolture ? Ce serait surprenant aussi, au moment où le Gouvernement affirme aimer tout le monde...

Serait-ce un sentiment de panique, une dérobade au moment, décisif, de faire le bilan d'un quinquennat ?

En 2017, le ministre des finances avait présenté une programmation destinée à réduire les déficits, les dépenses et les prélèvements obligatoires. C'est dire si, au terme du quinquennat qui s'achève, vous avez tout faux.

À l'exception de 2019, les prélèvements obligatoires ont toujours été plus élevés sous François Hollande. Il y a entre les deux quinquennats une forme de continuité sociale-démocrate. C'est un choix, mais ce n'est pas ce qui avait été annoncé et qui avait exercé une certaine séduction sur les classes économiques. Le bilan est sans appel : vous n'y êtes pas arrivés.

Or les prélèvements obligatoires affectent le pouvoir d'achat. Si vous aviez tenu vos engagements, peut-être n'auriez-vous pas été contraints de présenter un projet de loi sur le pouvoir d'achat.

Dans ce pays, on travaille la moitié de l'année pour payer l'État, les collectivités territoriales et la protection sociale. Nous venons à peine de passer le jour dit de libération fiscale. Rien n'a changé de ce point de vue.

Un entrepreneur doit dépenser 220 euros pour que son salarié ait 100 euros de pouvoir d'achat ; c'est 20 % de plus qu'ailleurs en Europe.

Vous avez parlé davantage à la manière d'un porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - En effet !

M. Philippe Dominati.  - Mais, au-delà de la communication, la réalité est là : le pouvoir d'achat est en berne, et neuf millions de Français vivent sous des seuils critiques.

La Cour des comptes signale que les dépenses non liées à la crise de la covid ont augmenté de plus de 5 %. C'est un bilan lourd à porter...

Jusqu'au 17 juillet, citoyens et entreprises travaillent pour l'État. Pendant la seconde moitié de l'année, comme l'a brillamment expliqué Jérôme Bascher, l'État s'endette. Telle est la réalité, tel est votre bilan.

Or vous qui pourtant êtes jeune, monsieur le ministre, vous n'avez rien dit des générations futures. Les besoins de financement pour la transition énergétique seront considérables dans les prochaines années. Sans parler des investissements dans le numérique, pour lesquels nous sommes à la traîne.

Lorsque je suis entré au Parlement, on ne votait jamais contre une loi de règlement, pour ne pas abîmer l'image de la France. Mais, ces dernières années, la dégradation des finances publiques nous oblige à voter contre ce texte, tous partis confondus.

M. Emmanuel Capus.  - Pas du tout !

M. Philippe Dominati.  - Il y a presque unanimité. (M. Emmanuel Capus se récrie.) Monsieur le ministre, je vous le redemande : n'y a-t-il pas eu du côté du Gouvernement un peu de panique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) La loi de règlement, c'est le moment de vérité. Je regrette que nous n'y consacrions pas davantage de temps.

Notre déficit se monte en 2021 à 170 milliards : c'est un record, exception faite de 2020. En cinq ans, ce sont 640 milliards d'euros de déficits cumulés et 665 milliards d'euros de dette supplémentaire contractés... Notre endettement représente aujourd'hui dix années de recettes fiscales ! Si les taux d'intérêt montent à 5 %, elle nous coûterait 150 milliards d'euros par an, deux fois le budget de l'éducation nationale.

Bercy prévoit déjà de payer 55 milliards d'euros aux marchés financiers ; et ceux qui les haïssent voudraient leur donner encore plus ! Cessons le feu. Il est grand temps de renouer avec une gestion sérieuse des finances publiques.

La dérive est antérieure à la crise sanitaire. En cinq ans, le déficit structurel a doublé, pour atteindre 145 milliards d'euros. Les trois premières années du quinquennat auraient dû servir à désendetter, mais il n'y a eu aucune ambition réformatrice.

Nous devons sortir du groupe des pays du Club Med et prendre exemple sur les pays sérieux, mais aussi sur les collectivités territoriales, soumises à une règle d'or. Rares sont les ministres à avoir dirigé un exécutif local, et c'est bien dommage.

M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Vincent Delahaye.  - Depuis 2017, les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont connu une hausse égale ou inférieure à l'inflation. Si tel avait été le cas pour l'État, nous aurions eu 210 milliards d'euros de dette en moins sur le dernier quinquennat. Il y a urgence à étendre la règle d'or à l'État.

Monsieur le ministre, il vous faudra du courage, du courage et encore du courage. Nous serons à vos côtés si vous prenez les décisions qui s'imposent. Nous n'avons visiblement pas la même conception des comptes bien tenus, mais, lors de l'examen du projet collectif budgétaire, le groupe UC essaiera de vous montrer la voie de la vertu financière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Nos débats sur le projet de loi de finances rectificative, le projet de loi de finances pour 2023 et le projet de loi de programmation des finances publiques seront nourris.

Oui, il est important de laisser le Parlement travailler en amont sur les textes. Vous avez présenté comme une grande première le dépôt du projet de loi de règlement après la date prévue par la loi organique. En réalité, les choses se sont passées ainsi à chaque nouveau quinquennat : en 2017, en 2012, en 2007. Dans les années qui viennent, nous respecterons la date prévue, y compris si elle est avancée au 1er mai.

Vous avez qualifié les reports de crédits d'exceptionnels. Ils le sont, mais les circonstances tout autant. La crise sanitaire nous a contraints à prévoir des budgets dans un contexte d'incertitude. Mieux valait une maille trop grosse que le contraire.

Avant la crise, nous avions remis de l'ordre dans ces reports : ils étaient inférieurs à 2 milliards d'euros, contre 3 milliards avant 2017.

On a prétendu que nos résultats seraient moins bons que ceux de nos voisins. Mais la France est le seul pays européen à avoir retrouvé dès le troisième trimestre ses niveaux d'avant-crise ! (M. Vincent Segouin proteste.) Notre PIB sera supérieur de 1 % à celui de 2019, soit plus que pour l'Allemagne ou l'Italie.

Oui, le solde structurel affiché est dégradé, parce que les dispositifs temporaires de 2020 ont été considérés comme structurels en 2021, par souci de sincérité budgétaire. Ils ont toutefois vocation à s'éteindre.

MM. Savoldelli et Féraud ont critiqué notre choix de baisser les impôts, ce qui répond à M. Dominati qui nous reproche de ne pas l'avoir fait... Non, les impôts n'ont pas baissé de 50 milliards d'euros sous François Hollande : sous Emmanuel Macron, ils ont baissé de 25 milliards d'euros pour les ménages et de 25 milliards d'euros pour les entreprises.

Pourtant, nous collectons davantage de recettes, ce qui montre que notre stratégie de baisse de la pression fiscale est gagnante aussi pour les finances publiques. Au surplus, plus nombreux sont les Français qui travaillent, plus importantes sont les cotisations sociales et plus faibles les indemnités chômage.

Notre programme de stabilité sera présenté avant la fin du mois, monsieur Bascher.

M. Jérôme Bascher.  - Ce n'est pas ce que prévoit la loi !

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - On nous aurait critiqués si nous l'avions présenté avant l'élection présidentielle.

Même si les groupes parlementaires sont autonomes, je crois en l'existence de formations politiques. Or les 447 amendements du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative ne portent que sur des dépenses supplémentaires ou de moindres recettes. Coût global : 100 milliards d'euros ! Les seuls amendements qui ne dégradent pas le solde sont ceux qui demandent un rapport...

Je veux bien écouter les leçons, échanger, mais encore faut-il que les propositions soient sérieuses.

En ce qui concerne les ETP du ministère de la transition écologique, il y a principalement un effet de périmètre, mais aussi un effet lié au schéma d'emplois, avec plus de personnels de catégorie A et moins de personnels de catégorie C.

Une réunion importante s'est tenue entre les ministres Caroline Cayeux et Christophe Béchu et les représentants des collectivités territoriales. Dans l'ensemble, la situation de celles-ci est plutôt bonne. Leurs recettes de fonctionnement augmentent de plus de 5 milliards d'euros. Certaines collectivités ont des difficultés, liées notamment à l'inflation ; nous verrons prochainement comment les soutenir.

Le rapporteur général a annoncé qu'il voterait contre le projet de loi de règlement par cohérence avec son rejet du projet de loi de finances initiale.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Pas seulement...

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - J'ai du mal à comprendre : un projet de loi de règlement ne fait que prendre acte de ce qui s'est passé l'année précédente. On ne peut pas changer le passé. Dans une commune, on peut voter pour le compte administratif tout en étant opposé au budget.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Vincent Éblé.  - Encore faut-il que la gestion soit vertueuse !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE LIMINAIRE

L'article liminaire n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Marc Laménie .  - Le déficit de l'État arrêté pour 2021 s'élève à 170 milliards d'euros, malgré l'augmentation de 15 % des recettes fiscales nettes par rapport à 2020. Il faut noter toutefois une baisse notable de la TVA : 95,5 milliards d'euros, contre 156 milliards d'euros en 2018. Les dépenses s'élèvent à 557 milliards d'euros en crédits de paiement. À titre personnel, je m'abstiendrai sur cet article.

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. Marc Laménie .  - En 2021, le besoin de financement s'est élevé à 285 milliards d'euros, avec un déficit à 170 milliards d'euros ; l'amortissement de la dette atteint 118 milliards d'euros. La principale ressource est l'émission de nouvelle dette à hauteur de 260 milliards d'euros. Merci à la commission des finances pour son travail d'expertise, mais, à titre personnel, je m'abstiendrai.

L'article 2 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

L'article 3 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

L'article 4 n'est pas adopté.

ARTICLE 5

L'article 5 n'est pas adopté.

ARTICLE 6

L'article 6 n'est pas adopté.

ARTICLE 7

L'article 7 n'est pas adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Si cet article n'est pas adopté, il n'y aura pas lieu de voter sur l'ensemble du projet de loi.

L'article 8 est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°118 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 292
Pour l'adoption   57
Contre 235

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, le projet de loi de règlement n'est pas adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 20 juillet 2022, à 15 heures.

La séance est levée à 18 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 20 juillet 2022

Séance publique

À 15 heures, à 16 h 30 et, éventuellement, le soir

Présidence :M. Gérard Larcher, présidentM. Roger Karoutchi, vice-présidentMme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires :Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 (texte de la commission, n°794, 2021-2022)