Accord France-Qatar relatif au statut de leurs forces
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar relatif au statut de leurs forces.
Discussion générale
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi vise à autoriser l'approbation de l'accord signé à Doha le 24 novembre 2019.
Le Qatar est un partenaire stratégique de la France, dans les domaines culturel, économique et de défense.
La coopération militaire prend la forme d'activités de formation et d'exercices conjoints. Une vingtaine de militaires français sont déployés sur la base américaine d'Al-Udeid dans le cadre de la Coalition internationale contre Daech.
Le Qatar est en outre l'un des principaux importateurs d'armement français.
En 2019, la France s'est engagée à accompagner le Qatar dans l'organisation de la Coupe du monde de football 2022 ; elle déploiera des personnels et du matériel et apportera un soutien dans le domaine de la sûreté aérienne et de la lutte anti-drones.
Cet accord est indispensable pour sécuriser juridiquement le déploiement de nos militaires au Qatar. À défaut, le personnel français serait intégralement soumis au droit local, sans protection statutaire.
Il s'agit du premier accord signé avec un État du Golfe contenant une clause de partage de juridiction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles. Il offre ainsi un cadre juridique protecteur à nos militaires.
Rédigé sur la base de la réciprocité, il détermine le statut juridique et les conditions de séjour des personnels français déployés au Qatar et des personnels qatariens déployés en France dans le cadre d'activités de coopération en matière de défense.
Les membres du personnel, ainsi que les personnes à leur charge, sont tenus de respecter la législation de la partie d'accueil. Ils peuvent pénétrer sur le territoire de la partie d'accueil et le quitter sous réserve d'un passeport et d'un visa.
La partie d'envoi paie les frais occasionnés par ses activités dans l'État d'accueil. En cas de nécessité ou d'urgence, actes médicaux et évacuations sont gratuits.
La domiciliation fiscale est maintenue dans l'État d'envoi, qui peut importer et réexporter en franchise de droits de douane les matériels destinés à l'usage exclusif de ses forces sur le territoire de l'État d'accueil.
En matière pénale, l'accord prévoit un partage de juridiction. En cas d'infraction commise par un membre de son personnel, la compétence est dévolue prioritairement aux autorités de la partie d'envoi lorsque l'infraction a été accomplie dans le cadre du service, ou lorsque la partie d'envoi est la seule victime.
En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d'accueil, la personne bénéficie des garanties du droit à un procès équitable. En cas de condamnation dans l'État d'accueil, ce dernier examinera avec bienveillance la demande de purger sa peine dans l'État d'envoi.
Si la personne poursuivie encourt la peine de mort ou une peine contraire aux conventions internationales auxquelles adhère l'autre État, elle ne sera remise que contre l'assurance que ces peines ne seront ni requises ni prononcées, ou qu'elles ne seront pas exécutées.
La peine de mort étant toujours en vigueur au Qatar, la France a inséré cette clause de juridiction conforme à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et au Pacte international des droits civiques et politiques. Il s'agit d'écarter tout risque d'application de la peine de mort ou de traitement inhumain ou dégradant, tant pour un Français que pour un Qatari dont le Qatar demanderait la remise. Les garanties sont parfaitement explicites sur ce point fondamental. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Qatar est un allié stratégique de la France, dans un contexte de fortes tensions dans la région. Il accueille 24 personnels de l'armée de l'air sur la base américaine d'Al-Udeid, dans le cadre de l'opération Chammal ; il a également livré une cinquantaine de véhicules blindés en appui à la force conjointe du G5 Sahel.
En 2015 et 2020, le Qatar était notre premier client en matière d'armement, avec 18 % des commandes d'armes françaises, dont 36 Rafale, déjà livrés.
Nous formons aussi les personnels qataris : 230 ont été formés au pilotage du Rafale à Mont-de-Marsan, et une quarantaine ont étudié dans nos écoles militaires.
Enfin, lors de la crise afghane d'août 2021, le Qatar a appuyé la France dans l'opération Apagan d'évacuation d'anciens auxiliaires.
Cet accord est nécessaire pour renforcer notre coopération avec le Qatar : le plan annuel de coopération franco-qatarien comprend une centaine d'actions, mais moins de la moitié ont été mises en oeuvre, faute d'instrument juridique...
Ses dispositions s'appliqueront aux personnels tant militaires que civils.
Il régit les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire de l'autre partie, le port de l'uniforme, des armes ou la validité des permis de conduire des engins militaires de l'autre partie.
Enfin, l'accord est conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles - c'était une condition sine qua non, puisque le Qatar applique la peine capitale : en 2020, un ressortissant népalais a été exécuté, ce qui a mis fin au moratoire observé depuis 2003.
L'article 11 de l'accord protège les membres du personnel et les personnes à la charge des deux États contre la peine capitale et les traitements inhumains et dégradants. Ces peines ne seront ni requises ni prononcées ; si elles l'étaient, elles ne seraient pas exécutées.
Cet accord protège les personnels français et qatariens pouvant être extradés ou expulsés. Il renforce le cadre juridique de notre partenariat dans une région stratégique pour notre sécurité.
Son adoption n'est pas un blanc-seing donné au Gouvernement ou au Qatar. Ce partenariat peut susciter des inquiétudes légitimes en matière de respect des droits de l'homme ; l'accord vise à protéger les ressortissants français qui se rendent au Qatar dans ce cadre.
D'ailleurs, le Sénat ne se prononce pas ici sur la nature des liens entre nos deux pays dans le domaine de la défense, mais sur l'accord relatif au statut de nos forces.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Utile précision !
Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteur. - Le Parlement n'est pas non plus consulté sur l'exportation d'armements, ni a priori ni a posteriori, ce qu'on peut regretter...
Je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)
M. André Guiol . - Depuis longtemps, la France et le Qatar échangent dans de nombreux secteurs.
Dans le contexte de crise avec la Russie, il est nécessaire de densifier encore nos échanges dans le domaine de l'énergie. Je me réjouis que TotalEnergies devienne le premier partenaire du Qatar dans le projet North Field East (NFE), qui favorisera l'export de GNL bas carbone vers l'Europe. Le commissaire européen Thierry Breton a souligné tout l'intérêt d'un grand projet de gazoduc euro-arabe en matière de sécurité des approvisionnements et de transition énergétique.
Lutte contre le terrorisme et le blanchiment, dialogue stratégique : autant de domaines de coopération entre nos deux pays qui renforcent la sécurité globale.
Le Qatar a également appuyé la mission G5 au Sahel, instaurant un cadre de coopération militaire fondé sur la confiance, et aidé la France lors de l'opération Apagan en Afghanistan.
Ce projet de loi est indépendant de la Coupe du monde de football à venir, mais son adoption serait un gage de bonnes intentions de la part du Qatar. L'exécution d'un ressortissant népalais en mai 2020 inquiète légitimement, raison pour laquelle ce texte est sorti de la procédure accélérée. Qu'est devenu le moratoire en vigueur depuis 2003 ?
L'approfondissement de nos relations n'empêche pas un dialogue lucide et exigeant, d'autant que la fermeté porte ses fruits. On l'a vu en matière de droit du travail ; la pression internationale a contribué à améliorer la situation dramatique dans le secteur du bâtiment.
Mme Nathalie Goulet. - Ah bon ?
M. André Guiol. - De tels accords font converger vers un minimum de standards et aboutissent à des progrès sensibles dans le domaine des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)
M. Christian Cambon, président de la commission. - Très bien !
M. Mickaël Vallet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) On ne saurait faire abstraction du contexte dans lequel intervient ce projet de loi.
La France et le Qatar coopèrent de longue date en matière militaire : vente d'avions Rafale, formation de pilotes de chasse qatariens. Le Qatar a été notre second client en matière d'armement au cours de la dernière décennie. Je constate que certains pays européens sont moins enclins à nous acheter des armes...
Nous organisons des exercices communs et coopérons au Sahel, au Levant, en Afghanistan.
Il s'agit aujourd'hui de préserver les droits fondamentaux de nos forces militaires, qui doivent avoir droit à un procès équitable et ne peuvent faire l'objet de la peine de mort.
Mais cette coopération militaire est-elle crédible ? Il faut aller vers l'Orient compliqué avec des idées simples. Les droits et libertés chers à la France sont régulièrement bafoués au Qatar, qui organise la Coupe du monde de la honte. Quel est le sens politique d'un tel événement, dont l'attribution même est entachée de corruption ? Une instruction judiciaire est d'ailleurs ouverte dans plusieurs pays.
Les conditions de travail des travailleurs étrangers sur les chantiers de construction des stades sont insupportables. Les ONG notent certaines avancées, telles que l'abolition de la kafala pour les travailleurs migrants, mais elles restent profondément insuffisantes, et le nombre de « morts au travail » interroge. C'est dans une perspective internationaliste qu'il faut toujours défendre les droits sociaux et du travail.
Au demeurant, est-il vraiment opportun de construire des stades climatisés dans un pays dont le bilan carbone par habitant est déjà six fois plus lourd que celui de la Chine ?
Étant donné le décalage entre l'accord et la réalité de l'État de droit au Qatar, nous ne pouvons voter ce texte. Seule la nécessaire protection apportée à nos forces de l'ordre nous empêche de voter contre. Nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Abdallah Hassani . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Fruit de cinq années de négociations, cet accord marque une vraie avancée qui offre un cadre juridique solide à nos forces militaires déployées au Qatar, où la peine de mort est toujours en vigueur.
Le retour à la procédure normale d'examen est l'occasion de dresser un état des lieux, qui ne saurait se transformer en procès d'intention.
Le contexte international nous rappelle que c'est en temps de crise que les partenariats bilatéraux prennent tout leur sens.
M. Christian Cambon, président de la commission. - Bonne analyse !
M. Abdallah Hassani. - C'est grâce à nos bonnes relations avec le Qatar que nous avons pu exfiltrer plus de 300 personnes d'Afghanistan vers Doha.
Il ne faut pas pour autant occulter les sujets de discorde, comme le respect des droits de l'homme, la condition des femmes et la protection des travailleurs étrangers.
Les faits relatés par la presse interrogent nos consciences. Cependant, le Qatar a réalisé des progrès. Des femmes occupent des postes à responsabilités ; plusieurs sont ministres. La kafala, système de tutelle des travailleurs étrangers, a été abolie. Du chemin reste à parcourir, mais les progrès sont tangibles.
Parce que cet accord renforce le cadre juridique de notre relation bilatérale dans un contexte de tensions régionales, nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Christian Cambon, président de la commission. - Très bien !
M. Pierre Médevielle . - La semaine dernière, l'examen de ce texte en commission n'a suscité aucune opposition. Le groupe écologiste a cependant souhaité que nous en débattions en séance publique.
En effet, le Qatar et la France coopèrent non seulement en matière militaire, mais aussi en matière d'éducation, de culture et en matière économique. Les deux pays ont en outre initié un dialogue stratégique en 2019.
Le Qatar est par ailleurs l'un des principaux acquéreurs de l'armement français, la France figurant parmi les trois plus grands exportateurs mondiaux, ce qui assure la viabilité de notre industrie militaire et est essentiel pour notre souveraineté.
M. Christian Cambon, président de la commission. - Évidemment.
M. Pierre Médevielle. - Le Qatar contribue à la recherche de solutions négociées aux divers conflits que connaît la région, comme le montre notamment l'accord de Doha en 2015. Son soutien a été précieux, au mois d'août dernier, pour exfiltrer en urgence nos personnels d'Afghanistan. Il a également participé à l'opération Barkhane.
En plus de servir nos intérêts, cette relation de coopération contribue à la diffusion de nos valeurs et à l'amélioration relative des droits de l'homme au Qatar - nous voulons le croire. Le droit du travail a ainsi connu des avancées et les femmes bénéficient de plus de liberté que dans les autres États de la région.
Ce jeune pays qui progresse vers la démocratie n'a pas pour autant des valeurs identiques aux nôtres. C'est par la coopération que nous contribuerons à y développer la tolérance et la liberté. L'indignation ne suffit pas. La France doit rester une source d'inspiration pour nombre de pays. Si elle implique parfois une forme de pragmatisme, l'action de la France dans le monde doit surtout contribuer à diffuser nos valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et au banc de la commission)
M. Bernard Fournier . - Nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Qatar. Elles n'ont cessé de se renforcer et se sont récemment accélérées.
Le Qatar est un client important de l'industrie française de l'armement, notamment dans le secteur aéronautique. Toutefois, notre coopération militaire se traduit aussi au niveau opérationnel, par la présence d'officiers français au sein de l'État-major qatarien et par la conduite d'exercices conjoints.
Elle s'est en outre déployée au Sahel, en Irak et en Syrie et je tiens à saluer le rôle joué par les autorités qatariennes dans les opérations d'évacuation de nos ressortissants et de nombreux citoyens afghans, lors de la chute de Kaboul.
La position stratégique du Qatar au coeur du golfe arabo-persique,...
Mme Nathalie Goulet. - Du golfe persique !
M. Bernard Fournier. - ... l'importance de ses ressources énergétiques, les nombreux partenariats qu'il a noués et sa volonté manifeste d'ouverture au monde sont autant d'atouts qui plaident en faveur d'une consolidation de la relation que nous entretenons avec cet État clé du Moyen-Orient.
Cet accord pose un nouveau jalon dans notre coopération bilatérale en matière de défense et de sécurité. Il détaille le droit applicable aux personnels français présents au Qatar et offre un cadre juridique clair et pérenne dans de nombreux domaines, garantissant ainsi une meilleure collaboration opérationnelle.
Il offre surtout un cadre plus protecteur à nos militaires et à leurs familles, en excluant toute exposition à la peine de mort, toujours en vigueur au Qatar malgré le moratoire de 2003.
Ce texte est essentiel dès lors que la France, qui s'est engagée à sécuriser l'organisation de la prochaine Coupe du monde de football au Qatar, mobilisera pour cela davantage de personnels qu'à l'accoutumée.
La question fondamentale des droits de l'homme suscite de légitimes interrogations. Si le Qatar reste très éloigné de nos standards, il a toutefois connu des avancées encourageantes pour ce qui est des droits des travailleurs étrangers et des droits des femmes. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe CRCE)
Le chemin risque d'être long et sinueux, mais la voie du dialogue - certes exigeant - est toujours préférable à celle de l'ostracisme pour encourager les évolutions.
Le groupe Les Républicains votera cet accord, conforme aux intérêts de la France et à ceux des personnels qui la servent au Qatar. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission)
M. Guillaume Gontard . - Le GEST a demandé le retour à la procédure normale pour l'examen de ce projet d'accord entre la France et le Qatar. En effet, nous nous inquiétons de l'absence de débat politique sur les liens qui nous unissent à cet État, alors que les droits humains les plus fondamentaux n'y sont pas respectés. Rares sont les partenaires avec lesquels nous entretenons une relation si peu exigeante !
Plus encore que ce texte, c'est notre participation déshonorante à la sécurité de la Coupe du monde de la honte que nous condamnons.
Loin de se limiter à fixer un cadre juridique protecteur pour les militaires français présents au Qatar, cet accord est une étape supplémentaire dans la relation étroite que nous construisons avec l'émirat. Or celui-ci se permet de sommer les supporters LGBTQIA+ qui se rendront à la Coupe du monde de se tenir à carreau. Pire, la législation qatarienne condamne les relations sexuelles hors mariage et les relations homosexuelles à des peines allant jusqu'à sept ans de prison ! Si l'on se réfère à l'article 11 de l'accord, nos soldats seront soumis à ces lois incompatibles avec le respect des droits humains. Seul soulagement, le texte protège nos militaires et leurs familles de la peine de mort.
Face à de telles mesures, le rapport de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a été dénoncé comme partial et celui du Sénat n'est pas à la hauteur de la responsabilité qu'un tel partenariat exige. Comment fermer les yeux sur les châtiments corporels infligés aux femmes, les discriminations qui ont cours et les conditions de travail qui ont entraîné la mort de plusieurs milliers d'ouvriers esclaves sur les chantiers de la Coupe du monde ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet accord et nous réitérons notre appel au boycott diplomatique de la Coupe du monde de football. Même en période de crise énergétique, tous les reniements ne sont pas autorisés. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Pierre Laurent . - Dans l'accord que l'on nous demande d'approuver, figurent des clauses visant à sécuriser juridiquement les Français présents au Qatar face à la peine de mort et aux traitements dégradants qui caractérisent la justice féodale de cet État.
Toutefois, ce texte, loin d'être uniquement technique, s'inscrit dans la continuité d'une alliance étroite entre la République française et le Qatar, qui devrait nous interroger.
La situation en matière de respect des droits de l'homme y reste catastrophique, en particulier pour les femmes et les millions de travailleurs étrangers. Malgré quelques améliorations, les associations ont dénoncé des conditions de travail forcé - paie au lance-pierre, contrats de travail non respectés, interdiction des syndicats. Les chantiers de la prochaine Coupe du monde de football ont révélé la situation : personne ne peut faire comme s'il n'était pas au courant.
En parallèle, notre coopération militaire avec le Qatar continue de se développer et l'émirat a été notre troisième client pour les commandes d'armes, entre 2016 et 2020, signant notamment deux contrats pour l'acquisition de 36 Rafale.
Or cet État, tout comme les autres pétromonarchies du Golfe, qui vit de rentes pétrolières sans avenir et méprise les droits humains, peut-il être un allié stratégique stable pour la France ? D'autant qu'il entretient des relations troubles avec les forces djihadistes. Doha a accueilli pendant des années la représentation politique des talibans.
Mme Nathalie Goulet. - Exact !
M. Pierre Laurent. - Pire encore, c'est à bord d'un avion militaire qatari que le mollah Abdul Ghani Baradar, cofondateur des talibans, a fait son grand retour à Kandahar !
Sans être opposés aux dispositions techniques de cet accord pour les ressortissants français, nous considérons que ce texte s'inscrit dans une relation toxique de la France avec le Qatar. Voilà pourquoi nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Monsieur le ministre, en tant que sénateur des Français établis hors de France, je voulais vous dire que nous serons à vos côtés pour l'accomplissement de votre mission.
Le Qatar et la France entretiennent des relations bilatérales depuis l'indépendance du pays en 1971. Elles se sont développées au début des années 1990, dans le domaine de la sécurité et des hydrocarbures. Puis, la volonté qatarienne de diversifier l'économie du pays a permis d'élargir le spectre de nos coopérations. Ainsi, le métro de Doha est né d'un partenariat entre la RATP, la SNCF et des opérateurs locaux ; le musée national du Qatar a été conçu en forme de rose des sables par l'architecte Jean Nouvel ; citons également le lycée franco-qatarien Voltaire ou le lycée Bonaparte.
Le Qatar a été le troisième client de la France en matière d'armement, pour la période de 2016 à 2020. Des formations sont assurées par la France pour les militaires qatariens sur la base de Mont-de-Marsan.
La coopération de sécurité et de défense entre la France et le Qatar constitue un pilier de notre relation bilatérale, comme en témoignent l'achat de 24 Rafale en 2015 puis le déblocage de 12 avions supplémentaires en 2017, ou encore l'accord destiné à accompagner les forces de sécurité qatariennes dans la préparation et la conduite de la Coupe du monde de football 2022.
Le texte qui nous est présenté renforce le cadre juridique de cette coopération. Il est équilibré et conforme à nos exigences constitutionnelles, car la peine de mort est toujours en vigueur au Qatar. Le moratoire annoncé en 2003 a en effet été suspendu pour l'exécution d'un Népalais en 2020.
Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Pays du Golfe, j'ai accompagné le président Macron lors de son déplacement aux Émirats, au Qatar et en Arabie saoudite en décembre dernier. J'ai pu mesurer la qualité et la profondeur de la relation établie avec les monarchies du Golfe. Le Qatar est un allié stratégique de la France dans la région, contre le terrorisme, mais aussi au Sahel et en Afghanistan avec l'opération Apagan.
Le groupe UC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du RDPI)
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Le Qatar est un partenaire stratégique de la France ; ce qui n'exclut pas que nous entretenions avec lui un dialogue continu et nourri sur les droits humains, en coopération avec nos partenaires européens, dans les instances internationales, ou bien encore sur le droit du travail. Des réformes ont été conduites avec le soutien de l'Organisation internationale du travail (OIT), et des avancées obtenues, comme sur le salaire minimum. Il reste des progrès à accomplir. Le Gouvernement sera attentif à leur réalisation.
La discussion générale est close.
Explication de vote
Mme Nathalie Goulet . - Je ne voterai pas cette convention. Mon mari a créé le groupe interparlementaire d'amitié France-Pays du Golfe. Je l'ai présidé. Cette convention contient une avancée, sur la peine de mort. Mais tout de même, tout ce soutien logistique à un pays qui soutient non seulement les talibans, mais aussi les Frères musulmans, alors même que nous combattons l'islam politique, est une hérésie ! Pourquoi ne jamais émettre de réserves sur les conventions avec le Qatar, y compris fiscales ? Celles-ci font de la France un paradis fiscal pour le Qatar. Je comprends qu'il faut faire du business d'armes as usual, mais nous devrions tout de même être plus exigeants !
L'article unique est adopté. En conséquence, le projet de loi est définitivement adopté.
La séance est suspendue quelques instants.