Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Prise en charge de la rémunération des AESH
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Reconnaissance du métier de prothésiste dentaire clinicien
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Filtration biominérale et piscines publiques
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Fléchage des investissements du Ségur de la santé
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Déductions fiscales sur les complémentaires santé
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Difficultés d'accès aux soins en Ariège
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Myocardite et péricardite chez les adolescents
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Situation du centre hospitalier de Lisieux
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Revalorisation de la visite pour SOS Médecins
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Effacement administratif des enfants défunts
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Ajustements du forfait de participation aux urgences
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Impact du parc éolien des Quatre Seigneurs
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Dysfonctionnements du 15 dans la Nièvre
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Situation du groupe hospitalier du sud de l'Oise
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Responsabilité pénale des communes ou intercommunalités et soins médicaux
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville
Éligibilité des dépenses de déneigement au FCTVA
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville
Soutien de l'État dans la gestion communale des eaux
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville
Contrats d'assurance souscrits par les collectivités
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville
Bilan des études menées sur les choucas
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Dysfonctionnements de la plateforme « MaPrimeRénov' »
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Financement des nouvelles lignes de trains de nuit
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Difficultés de circulation à Rungis
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Brucellose et abattage des bouquetins du Bargy
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Approvisionnement des scieries françaises en chênes
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Accès aux réseaux numériques des grands gestionnaires d'infrastructures
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Inquiétude des collectivités territoriales face au prix de l'énergie
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Menace de fermeture de bureaux de poste dans L'Essonne
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Situation d'abandon du musée Hébert à Paris
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Inspection du travail et lutte contre le séparatisme
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion
Bilan de la politique du Gouvernement pour la jeunesse
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion
Revalorisation des pensions de retraite
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion
Situation des secrétaires de mairie
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
Honorariat au grade supérieur pour les réservistes opérationnels
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
Rapatriement des enfants français et de leurs mères détenus en Syrie
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
Classement des stations de tourisme
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Procédure accélérée)
Nominations à une éventuelle CMP
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mise au point au sujet d'un vote
Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Ordre du jour du mercredi 26 janvier 2022
SÉANCE
du mardi 25 janvier 2022
49e séance de la session ordinaire 2021-2022
présidence de M. Georges Patient, vice-président
Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté.
Questions orales
Prise en charge de la rémunération des AESH
Mme Françoise Gatel . - La politique du Gouvernement en faveur de l'école inclusive est positive. Des difficultés demeurent néanmoins depuis l'arrêt du Conseil d'État du 20 novembre 2020, selon lequel le recrutement et la rémunération des accompagnants d'enfants en situation de handicap (AESH) pour le temps périscolaire revient aux communes.
La maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) prescrit, mais les communes ont du mal à recruter pour une heure ou une heure et demie par jour. Dès lors que les départements l'acceptent et reçoivent un financement, ne pourrait-on envisager un service mutualisé d'AESH au niveau du département, qui donnerait de surcroît à ces personnes des perspectives de carrière ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - L'école inclusive est une priorité du Gouvernement depuis 2017. Je rappelle que l'école de la République doit accueillir tous les enfants de la République ; qui pense le contraire n'est pas républicain.
Plus de 400 000 élèves en situation de handicap sont ainsi scolarisés, et 125 000 AESH interviennent chaque jour.
Votre proposition s'entend dans le cadre d'une politique globale de solidarité au vu des compétences du département. Depuis la loi Enfance de 2005, le département assure la tutelle des MDPH. Votre proposition, après une concertation approfondie, aurait pu être discutée au sein du projet de loi 3DS.
Mme Françoise Gatel. - Absolument !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Ce débat n'a pas eu lieu, il y en a eu d'autres. Cette réflexion pourra avoir lieu dans les prochains mois.
Mme Françoise Gatel. - Merci de votre réponse. Nous avons audacieusement voulu transférer du personnel de l'État vers les collectivités territoriales dans la loi 3DS, mais cela aurait nécessité que le Gouvernement lève le gage. Sur les AESH, une réflexion serait bienvenue : on ne peut imposer une telle mutualisation au département, mais cela mérite une expérimentation.
Reconnaissance du métier de prothésiste dentaire clinicien
M. Michel Savin . - L'ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé a été définitivement ratifiée le 16 février 2021. Les textes d'application permettent à des professionnels d'un pays de l'Union européenne comme des prothésistes dentaires cliniciens ou des hygiénistes dentaires d'exercer dans un autre pays. Or il s'avère qu'un prothésiste dentaire clinicien installé dans un État membre et souhaitant exercer en France n'arrive pas à obtenir de réponse de l'administration. Quelle est la position du Gouvernement concernant ce type de demande d'installation ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Conformément au droit européen transposé à l'article L. 4000-3 du code de la santé publique, l'accès partiel à une profession de santé peut être accordé sous trois conditions : que le professionnel dispose dans son État d'origine des qualifications professionnelles spécifiques à l'exercice de la profession concernée ; que les mesures de compensation qui pourraient être demandées ne couvrent pas la différence substantielle entre l'activité exercée dans l'État d'origine et la profession correspondante en France ; que l'activité professionnelle pour laquelle l'intéressé sollicite cet accès puisse objectivement être séparée d'autres activités relevant de la profession en France.
Cette procédure est mise en oeuvre au cas par cas. Le cas que vous évoquez nécessite donc un examen approfondi. En outre, l'accès partiel implique d'être titulaire d'une qualification reconnue par un État membre.
Comme l'a rappelé la Cour de justice de l'Union européenne le 9 février 1994, la reconnaissance d'un titre par un État membre n'emporte pas d'obligation pour les autres.
Le ministère se tient à votre disposition.
M. Michel Savin. - Ces sujets sont en effet techniques. Il n'est cependant pas normal qu'après un an, l'administration n'ait pas répondu. Des explications doivent être données aux professionnels français qui veulent revenir en France. Votre intervention permettrait une avancée.
Filtration biominérale et piscines publiques
M. Frédéric Marchand . - Le traitement biologique de l'eau des piscines publiques, écartant ou limitant l'usage de produits chimiques notamment par filtration biominérale, permet une filtration plus rapide que les systèmes classiques.
Plusieurs collectivités à l'esprit pionnier et soucieuses du bien-être des habitants, en particulier la ville de Coudekerque-Branche dans le Nord, l'ont intégré dans leur projet de piscine publique.
L'interprétation des textes en vigueur par les différentes ARS suscite néanmoins des interrogations : le traitement au chlore dépend de la réglementation des piscines, et le traitement biologique, objet d'un arrêté du ministère de la Santé début avril 2019, dépend de la réglementation de baignade.
Les porteurs de projet ont besoin de clarté ; or le décret d'avril 2019 limite considérablement la fréquentation maximale instantanée et journalière des piscines, ce qui signifie que l'exploitation de la piscine publique n'est plus économiquement viable.
Un dossier a été déposé auprès de France Expérimentation pour augmenter ces plafonnements en baignade artificielle en système fermé. La direction générale de la santé a émis un avis de principe favorable, confirmé par un courrier du ministre de la Santé du 16 mai 2021.
Toutefois, le protocole expérimental n'a toujours pas été délivré. Alors que les chantiers sont en cours, ce vide juridique met en péril l'ouverture des sites.
Ce traitement innovant est de toute évidence un progrès pour les habitants, les usagers, le personnel des centres aquatiques. Dans quel délai l'encadrement de cette démarche expérimentale peut-il être défini ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - C'est la société Aquatic Science France qui a développé ce traitement. Ces projets doivent satisfaire aux règles applicables aux baignades artificielles. Le cabinet du Premier ministre a donné un accord de principe fin octobre, sous réserve que le projet ne présente pas de risque sanitaire. Si la direction générale de la santé a donné elle aussi un avis de principe favorable, il reste à définir la mise en oeuvre concrète de ces projets. France Expérimentation pilotera une première réunion le 26 janvier pour échanger à ce sujet et arrêter un calendrier prévisionnel. Vous serez informé des suites de la démarche.
Plan douleur
Mme Catherine Deroche . - La lutte contre la douleur est un objectif consacré dans la loi depuis 2002, mais sa mauvaise prise en charge constitue une crise majeure de santé publique. La commission des affaires sociales a d'ailleurs renouvelé, dans un rapport récent, le constat du déficit de culture des soins palliatifs et de moyens pour ces soins dans notre pays.
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avait demandé l'élaboration d'un nouveau plan douleur, mais il n'a pas eu lieu, malgré le besoin avéré. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), douze millions de personnes souffrent de douleurs chroniques, 70 % ne reçoivent pas de traitement approprié et moins de 3 % bénéficient d'une prise en charge dans une structure « douleur chronique ».
Un nouveau plan pourrait reposer sur trois axes : la recherche, l'organisation des soins, avec une première prise en charge en soins de ville, et la diffusion des bonnes pratiques auprès des professionnels de santé. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Un Français sur trois souffre de douleur chronique : on parle bien d'un phénomène de société qui dégrade les conditions de vie de millions de personnes. La prise en compte de la douleur s'est accrue en 2016 avec la loi de modernisation du système de santé, qui précise le rôle de coordination du médecin généraliste.
Le dispositif national de soulagement de la douleur comptait 278 structures, dont 7 exclusivement pédiatriques et 36 spécialisées en pédiatrie de manière non exclusive.
Un groupe de travail suit le financement de l'ambulatoire. Une réflexion sur le parcours des patients est aussi en cours et la formation transversale de professionnels est prise en compte.
Enfin, un plan 2021-2024 sur les soins palliatifs et la fin de vie veillera, à travers quinze actions et trois axes, à ce qu'aucun département ne soit dépourvu de structure palliative d'ici 2024.
Mme Catherine Deroche. - Tous les patients qui souffrent ne relèvent pas de la fin de vie - heureusement ! La crise des opioïdes aux États-Unis est un exemple paroxystique du mésusage des antidouleurs.
Les structures « douleur chronique » sont saturées pour la plupart.
Après les rapports du HCSP, de la HAS et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il faut passer à l'action.
Fléchage des investissements du Ségur de la santé
M. Didier Marie . - Alors que sa population est vieillissante et que l'espérance de vie y est faible, la Normandie ne compte que 292 médecins pour 100 000 habitants.
Elle compte le taux le moins élevé de personnels médicaux dans les hôpitaux publics, à 7,3 %, en particulier en médecine d'urgence, psychiatrie, gériatrie et médecine générale.
En juillet 2020, le Gouvernement a annoncé un plan d'investissements bienvenu de 19 milliards d'euros, mais il faut le regarder de près. Pour l'hôpital Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil, le financement affiché de 11 millions d'euros est en fait un rebasage de la dette pour 9 millions. Le Gouvernement prévoit-il de réévaluer les investissements et de compenser les surcoûts de la crise sanitaire ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Merci de mettre en valeur le plan d'investissement du Ségur. Pas moins de 650 millions d'euros seront mobilisés en Normandie pour 68 hôpitaux et de très nombreux Ehpad, avec la reconstruction totale du CHU de Caen, aide la plus forte accordée à un hôpital en métropole.
La conférence régionale de la santé a émis un avis favorable quasi unanime à cette stratégie en décembre. La région s'investit à hauteur de 200 millions d'euros.
L'ARS consacre 60 millions d'euros à la modernisation des Ehpad, dont 16 millions dès 2021.
Les rémunérations seront revalorisées à hauteur de 8,2 milliards d'euros par an au niveau national ; en Normandie, 91 000 soignants verront leur salaire revalorisé. L'impact du Ségur pour cette région améliorera le parcours de soins des habitants.
M. Didier Marie. - Le rebasage des déficits des hôpitaux, de 112 millions d'euros en 2021 et de 95 millions d'euros en 2022, reste à traiter et un plan d'investissement est nécessaire.
Lutte contre le tabac
Mme Catherine Procaccia . - La baisse des ventes de cigarettes en 2021 laisse penser qu'il y aurait moins de fumeurs en France et oublie l'importance des achats frontaliers.
Si le plan national de lutte antitabac de 2018 a eu des effets, la consommation est cependant repartie à la hausse en 2021. Un Français sur trois fume toujours, soit près de 15 millions de personnes. La France reste de loin le pays d'Europe de l'ouest qui fume le plus, deux fois plus que l'Angleterre, alors que la prévalence était la même il y a vingt ans. Il ne faut pas occulter non plus le report significatif des fumeurs vers la cigarette électronique et le tabac à chauffer.
Il est utopique de penser que 15 millions de personnes voudront et pourront s'arrêter de fumer. À la veille du nouveau plan pluriannuel, le Gouvernement doit faire évaluer les alternatives sans combustion, afin de vérifier si elles sont moins dangereuses pour la santé et si elles n'ont pas un rôle incitatif. Cela irait dans le sens de l'avis rendu début janvier 2022 par le HCSP. Vapotage et tabac à chauffer feront-ils partie du plan de lutte antitabac ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Le tabagisme a un coût très élevé pour notre société : décès, maladie, qualité de vie... Les mesures du plan antitabac ont permis une baisse historique de 1,9 million de fumeurs quotidiens.
Le Gouvernement ne partage pas l'avis des cigarettiers qui considèrent que le tabac à chauffer comporterait moins de risques.
Quant au vapotage, selon le HCSP et l'OMS, il n'a pas fait la preuve de son utilité dans l'aide au sevrage tabagique, sauf pour des personnes très dépendantes qui n'adhéreraient pas aux traitements médicamenteux. Une majorité des vapoteurs continuent d'ailleurs à consommer du tabac et le vapotage est un déterminant d'initiation au tabac. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est chargée d'analyser la composition des produits de vapotage et d'identifier les risques liés aux substances chimiques utilisées. Ces constats justifient le maintien de l'interdiction de vente aux mineurs et des règles relatives à la publicité.
Le prochain plan national de lutte contre le tabac aura vocation à s'appuyer sur les recommandations du HCSP, mais également sur les analyses de l'Anses relatives aux produits de vapotage.
Mme Catherine Procaccia. - Il faut se baser sur des études françaises et internationales. Je connais des personnes qui refusent d'arrêter : essayons quand même de voir si ces alternatives sont possibles.
Réglementation du cannabidiol
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Un arrêté du 30 décembre 2021 précise les conditions de culture du chanvre. Ce nouveau cadre maintient la protection des consommateurs et la lutte contre le trafic de stupéfiants tout en autorisant de nouvelles activités économiques autour du chanvre.
Le cannabidiol (CBD) ne peut être commercialisé comme aliment sans évaluation préalable par l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Plusieurs dossiers sont en cours d'évaluation par l'EFSA ; au vu de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur le sujet et considérant la réalité du marché, comment et dans quel délai comptez-vous clarifier la situation réglementaire concernant les compléments alimentaires qui se trouvent en zone grise ? Pensez-vous mettre en place un cadre national à titre transitoire ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Ces compléments alimentaires sont régis par le cadre européen applicable aux nouveaux aliments. La commercialisation est donc interdite en l'absence d'autorisation préalable. Cela permet une harmonisation maximale et la France ne peut y déroger en mettant en place des dispositions transitoires.
Nous sommes en contact avec la Commission européenne et continuerons à l'être. L'enjeu est d'assurer à tous égards la santé des consommateurs français et européens.
Déductions fiscales sur les complémentaires santé
M. Jean-Pierre Sueur . - La loi sur la mutuelle obligatoire, votée en 2013 et entrée en vigueur en 2016, instaure l'obligation de souscrire à une complémentaire santé d'entreprise.
Depuis le 1er janvier 2016, la totalité des salariés et de leurs ayants droit bénéficient de la prise en charge par leur employeur d'une somme correspondant, au minimum, à 50 % du montant de leurs cotisations. Par ailleurs, ils peuvent déduire de leur revenu imposable le montant de la cotisation personnellement supportée dans la limite de 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale. Les travailleurs indépendants peuvent également bénéficier d'une déduction fiscale dans le cadre de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.
Cependant, lorsque le travailleur arrive à l'âge de la retraite, il doit supporter la totalité de la cotisation pour sa complémentaire santé et ne peut bénéficier d'aucune déduction de cette charge sur ses revenus. Le Gouvernement compte-t-il prendre des dispositions pour que les retraités bénéficient également d'une déduction fiscale sur le montant de leur cotisation pour leur complémentaire santé ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Nous partageons votre objectif que tous les citoyens, notamment les plus âgés, aient accès à une complémentaire santé. Mais la déduction fiscale n'est pas le meilleur outil : les complémentaires augmenteraient leurs prix.
Un encadrement souple des prix des complémentaires pour les retraités est une meilleure option. Cet encadrement est déjà prévu par la loi Évin. Les retraités les plus modestes ont aussi accès à la complémentaire solidaire. Sous ce quinquennat, nous avons également renforcé la lisibilité des contrats et favorisé la concurrence, dont les retraités sont les premiers bénéficiaires.
M. Jean-Pierre Sueur. - Une inégalité au détriment des retraités perdure. J'espère que nous parviendrons à la réduire.
Difficultés d'accès aux soins en Ariège
M. Jean-Jacques Michau . - L'Ariège est touchée de plein fouet par les effets d'une désertification médicale galopante qui inquiète la population, les personnels soignants et les élus. Cette pénurie prive bon nombre d'Ariégeois de médecin référent, malgré les relances incessantes de l'assurance maladie.
Nos hôpitaux se trouvent aussi en grande difficulté. C'est le cas notamment du Centre hospitalier Ariège Couserans (CHAC) - sur lequel j'ai interrogé par écrit le ministre de la Santé - et du Centre hospitalier intercommunal des vallées de l'Ariège (Chiva).
Dans ce dernier, il manque notamment six médecins urgentistes, ce qui a conduit à fermer l'antenne locale de Lavelanet. Cette situation est intolérable car celle-ci dessert le Pays d'Olmes mais aussi des zones montagneuses de l'Aude comme le Pays de Sault ou le Chalabrais.
Leurs habitants se trouvent à plus d'une heure du service d'urgence du Chiva, ce qui augmente les risques de mortalité. Une récente étude réalisée par l'Association des maires ruraux de France montre que les ruraux vivent deux ans de moins que les urbains. On ne peut accepter qu'une partie de la population du Pays d'Olmes et au-delà soit laissée sans accès aux soins d'urgence.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - L'Ariège n'échappe pas aux pénuries de médecins qui inquiètent nos compatriotes. L'ARS-Occitanie met en oeuvre le plan Ma Santé 2022 et le projet régional de santé. Mais c'est la question de l'amont qui prime.
L'ARS a reconnu l'ensemble du département comme prioritaire. Le futur zonage prévoit une aide à l'installation de 50 000 euros pour tous les médecins et dentistes - car la question des urgences concerne aussi la médecine de ville.
À cela s'ajoutent des mesures pour l'hôpital public. Depuis l'automne 2020, les remplacements font l'objet d'une expérimentation. La télémédecine se développe, et des protocoles de coopération sont mis en oeuvre.
M. Jean-Jacques Michau. - En Ariège, des gens souffrent, sont en danger. Il faut parfois trois heures de route aux pompiers pour conduire les patients aux urgences. La santé est une compétence de l'État : il doit aider les collectivités territoriales.
Myocardite et péricardite chez les adolescents
Mme Laurence Muller-Bronn . - Les myocardites ou péricardites sont désormais reconnues comme effets secondaires des vaccins Covid-19, mais en l'absence de données sur les hospitalisations, les parents restent démunis face aux conséquences à long terme.
Les études françaises récentes ne sont pas fiables : l'étude Epi-Phare s'arrête au 20 juillet, ce qui ne couvre pas la période de vaccination des adolescents. Une étude de pharmacovigilance américaine fait état de 499 cas de myocardites, contre 16 les années précédentes. Les bénéfices du vaccin sont nuls pour cette population, alors que les conséquences de myocardites sont très graves, voire dramatiques.
Les familles m'interrogent et s'inquiètent. Quels sont les moyens prévus pour la prise en charge et l'accompagnement de ces familles à moyen et long terme le cas échéant ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Nous avons tous besoin d'être protégés contre le virus. Même des enfants en bas âge sont hospitalisés à cause du Covid - heureusement, il y en a peu. La myocardite touche un à dix cas pour 100 000 personnes. Le risque concerne 146 cas pour 100 000 personnes, selon les études américaines. La vaccination par ARN messager augmente donc légèrement ce risque dans les sept jours qui la suivent.
Cependant, au regard des 120 millions de doses injectées en France, cela reste faible.
En cas de troubles, les Français sont invités à consulter un médecin. Le rapport bénéfice-risque du vaccin n'est pas remis en cause par ces chiffres.
Situation du centre hospitalier de Lisieux
Mme Sonia de La Provôté . - De nombreux services du centre hospitalier de Lisieux sont en tension, et d'autres doivent tout simplement fermer.
Le service de médecine interne doit désormais fusionner avec le service de gastro-entérologie, faute de médecins. Cet été, les urgences de nuit ont fermé trois semaines ; la semaine dernière, trois lits de néonatologie ont été fermés aux urgences pédiatriques, alors que Lisieux est référent pour accueillir les enfants prématurés.
On dénombre depuis juillet 2020, au total, une perte de plus de 30 lits pour arriver aujourd'hui à 255 lits fermés.
La crise n'explique pas tout : seuls trois lits sont occupés par des patients Covid.
L'existence de l'enquête sénatoriale en cours le montre. Il faut investir dans l'humain. Que prévoyez-vous pour que ce centre hospitalier fonctionne mieux ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Le centre de Lisieux connaît des difficultés qui ont occasionné des fermetures temporaires. En lien avec le CHU de Caen, l'ARS cherche à stabiliser les équipes médicales et à les rendre plus attractives via diverses mesures : post-internat pour les jeunes médecins en temps partagé avec le CHU, ouvertures de postes d'internes pour faire connaître l'établissement aux jeunes actuellement en formation, autorisation d'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne, création d'un vivier de remplaçants et mise en place de la prime de solidarité territoriale pour inciter les praticiens hospitaliers à réaliser une partie de leur temps de travail à Lisieux.
L'établissement est parmi les plus soutenus en Normandie par l'État, qui lui consacrera 26 millions d'euros pour le réaménagement de son bâtiment principal d'hospitalisation et 11 millions d'euros pour la restauration de ses capacités financières. Par ailleurs, l'ARS consacre 1,3 million d'euros au projet de reconstruction du service d'urgence, 700 000 euros en 2021 pour l'investissement du quotidien et 2 millions d'euros en crédits non reconductibles afin de soutenir l'établissement face à ses difficultés de trésorerie.
Mme Sonia de La Provôté. - Le plus bel hôpital du monde ne soignera bien que s'il a du personnel présent.
Revalorisation de la visite pour SOS Médecins
Mme Dominique Estrosi Sassone . - L'avenant n°9 à la convention médicale négocié entre la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et les syndicats de médecins libéraux a abouti à l'été 2021 à la revalorisation des visites à domicile, mais SOS Médecins a été étrangement exclu du dispositif.
Les visites sont pourtant au coeur de l'ADN de cette association de permanence de soins qui, depuis 1966, est en activité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et qui reçoit chaque année six millions d'appels générant trois millions d'actes de la part de 1 300 médecins.
Dans le Rhône, trois associations ont dû fermer, faute de médecins. À Nice, seuls deux médecins sont présents sur six ; les gardes ont dû être réduites à Cannes et à Antibes, faute d'effectifs. Où en sont les négociations avec l'assurance maladie ? Que propose le Gouvernement pour mieux articuler consultations et visites à domicile ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Le Gouvernement a conclu cet avenant 9, qui fait passer la rémunération d'une visite à domicile de 35 à 70 euros pour les plus de 80 ans en affection de longue durée. C'est un investissement de 150 millions d'euros.
Le pacte pour la refondation des urgences a pour objectif de répondre à la demande de soins urgents de la population partout, à toute heure, grâce à une chaîne de soins lisible et coordonnée entre l'hôpital et la médecine de ville. Les médecins libéraux de SOS Médecins y ont toute leur place. Fin décembre, un arrêté a revalorisé les astreintes de 20 %.
La CNAM a proposé à SOS Médecins l'établissement d'un groupe contact permettant d'identifier les enjeux liés à cette nouvelle convention qui pourraient concerner SOS Médecins et la visite à domicile. Enfin, le ministre Olivier Véran a demandé aux ARS de soutenir les associations de médecins qui organisent la réponse médicale non programmée à domicile, avec plus de 5 millions d'euros débloqués.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - SOS Médecins est débordé. Le système tourne en rond. Les visites à domicile sont en danger.
Effacement administratif des enfants défunts
M. Yves Détraigne . - Aujourd'hui en France, lorsqu'un enfant décède, l'administration le supprime des formulaires et fichiers administratifs pour lesquels seuls comptent les enfants à charge, même s'il reste « visible » avec la mention « décédé » sur les écrans des agents.
Cet effacement est inapproprié, voire irrespectueux. Beaucoup de parents demandent, en vain, que l'administration laisse leurs enfants décédés visibles sur les dossiers administratifs et rétablisse leur composition familiale. Il suffirait, pour cela, d'ajouter une ligne sur laquelle figurerait le nom et prénom de l'enfant tout en spécifiant « non à charge » ou « décédé ». Cela ferait une place à l'enfant défunt et reconnaîtrait qu'un parent d'un enfant unique décédé reste un parent.
Entendez-vous oeuvrer contre l'absence de trace de l'enfant défunt et le statut de ses parents ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Je suis très investi sur ce sujet. On reste parent même après la mort de son enfant. Nous avons pris des dispositions pour accompagner les parents endeuillés : allongement du congé pour le deuil - même s'il faudrait modifier ce nom - allocation forfaitaire de 2 000 euros, meilleur accompagnement psychologique pour les parents, mais aussi pour les fratries, mise en place d'un parcours décès pour accompagner les familles dans leurs démarches. Des actions en entreprise devront aussi être développées.
Les familles déplorent de grandes difficultés administratives, notamment des demandes répétées dont on ne mesure pas la violence.
Avec Amélie de Montchalin, nous travaillons sur les parcours administratifs des parents endeuillés. Un plan d'action a été proposé en juin 2021, avec un point d'étape réalisé en octobre 2021. L'existence de la mention « enfant décédé » sera possible dans les formulaires administratifs. Je reste à votre disposition sur ce sujet.
M. Yves Détraigne. - Je remercie le ministre des avancées réalisées.
Ajustements du forfait de participation aux urgences
Mme Véronique Guillotin . - Depuis le 1er janvier 2022, chaque patient se voit facturer dès son passage aux urgences la somme forfaitaire de 19,61 euros. Quelques exonérations ou minorations sont prévues, notamment pour les femmes enceintes ou les personnes en affection de longue durée.
Cela ne permettra pourtant pas de désengorger les urgences. Comme l'a justement souligné l'association des maires ruraux de France (AMRF), celles-ci sont bien souvent le seul recours offert, dans des territoires subissant la désertification médicale. Selon l'assurance maladie, plus de cinq millions de Français n'avaient pas de médecin traitant en 2019.
Votre Gouvernement a prévu des mesures que j'ai majoritairement soutenues, comme la fin du numerus clausus. Mais attention : le forfait ne doit pas être subi comme une double peine pour les patients qui manquent de médecins.
Votre ministère envisage-t-il une exonération ou à tout le moins une minoration du forfait patient-urgences pour les Français ne pouvant pas déclarer de médecin traitant ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Nous souhaitons garantir l'accès aux soins pour tous sur l'ensemble du territoire.
Les assurés acquittaient déjà une participation aux urgences. Le forfait patient-urgences n'augmente pas le reste à charge, mais simplifie les modalités de calcul et est plus favorable aux usagers nécessitant des soins complexes. Il est pris en charge par les complémentaires santé.
Le Gouvernement veut faciliter l'accès à une complémentaire santé aux 4 % des assurés qui n'en disposent pas, grâce notamment à la complémentaire santé solidaire.
La qualité et la sécurité des parcours de soins ne sont pas altérées par le forfait : l'accès aux urgences est toujours possible même sans carte Vitale ni carte d'identité.
Nous devons continuer à agir pour un meilleur accès aux soins, grâce notamment au développement de l'exercice coordonné dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), à la création de postes d'assistants médicaux ou encore au déploiement de 400 médecins généralistes dans les territoires prioritaires.
Impact du parc éolien des Quatre Seigneurs
Mme Laurence Garnier . - Depuis des années, les éleveurs riverains du parc éolien des Quatre Seigneurs signalent d'importants troubles affectant leurs animaux : mortalité accrue, diminution de la production de lait. Eux-mêmes se plaignent de maux de tête et de perturbations du sommeil.
Une enquête de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a conclu le mois dernier à un lien hautement improbable - voire exclu - avec les éoliennes. Faut-il créer un observatoire comme le propose l'Anses ? Sinon, quel dispositif mettre en place ?
Localement, éleveurs, riverains et élus attendent des réponses. Faute de quoi, les doutes sur le développement du parc éolien français persisteront.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - En effet, deux éleveurs installés en proximité du parc éolien des Quatre Seigneurs ont signalé des problèmes affectant leurs bovins. L'Anses a été saisie par le Gouvernement en mai 2019 et a rendu son avis le 16 décembre dernier : les troubles ne sont très probablement pas liés aux éoliennes.
Des expertises avaient déjà mesuré l'impact de l'éolien sur la santé humaine : un avis de 2017 de l'Anses concluait à l'absence d'effet sanitaire du bruit des éoliennes et un rapport de la même année de l'Académie de médecine a considéré que les nuisances sanitaires étaient avant tout visuelles et à un moindre degré sonores.
Une étude épidémiologique de l'université Gustave Eiffel sur les effets du bruit des éoliennes est en cours. Les résultats sont attendus en 2025.
Dysfonctionnements du 15 dans la Nièvre
M. Patrice Joly . - Depuis le 2 octobre 2018, la régulation médicale des appels au 15 est confiée au centre hospitalo-universitaire (CHU) de Dijon. Ce choix avait été motivé par le souhait de l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté de « garantir à la fois la qualité de la régulation médicale des appels d'urgence et un renfort à distance des équipes médicales d'urgence nivernaises par les équipes du CHU de Dijon ».
Trois ans plus tard, nous constatons de nombreux dysfonctionnements : engorgement du centre 15 de Dijon, impossibilité parfois d'accéder à un médecin urgentiste régulateur, délais d'intervention rallongés en raison de la méconnaissance du territoire. Ce sont autant de pertes de chance pour certains, voire des décès. Cela nourrit un sentiment d'abandon et d'insécurité pour la population nivernaise.
Quant aux pompiers, esseulés et confrontés aux contradictions entre service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et centre 15, ils sont démoralisés.
Quelle est votre analyse ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Cette réforme, concertée avec les acteurs de l'urgence du territoire, avait été motivée par de graves dysfonctionnements sur le terrain. En octobre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS et celui de l'association départementale des transporteurs sanitaires urgents de la Nièvre ont salué cette transition.
Cette nouvelle organisation met directement les équipes du CHU de Dijon au service des Nivernais et garantit une égalité de traitement, quelle que soit l'origine des appels. En outre, le centre 15 de Dijon fait partie des 22 sites pilotes nationaux retenus pour déployer le nouveau service d'accès aux soins.
Le projet régional de santé prévoit une évaluation externe approfondie du regroupement. Celle-ci a débuté l'an dernier, avec nombre d'acteurs dont vous-même. Je vous invite à poursuivre le dialogue dans un objectif d'amélioration de la qualité de service.
M. Patrice Joly. - Je participerai prochainement à cette évaluation. En théorie, les choses fonctionnent bien, mais dans la Nièvre nous ne vivons pas en théorie, pays imaginaire.
Situation du groupe hospitalier du sud de l'Oise
Mme Laurence Rossignol . - La population du sud de l'Oise voit depuis trop longtemps l'état de son groupement hospitalier se dégrader, avec une accélération depuis le début de la crise sanitaire.
Désertification de la médecine de ville, fusion imposée des sites de Senlis et de Creil, baisse du nombre de lits, transferts de compétences incompréhensibles, fermetures de services par souci d'économie ou par manque de personnel, envoi du personnel d'une ville à l'autre... Notre bassin de vie est plongé dans une immense précarité sanitaire.
À l'été 2021, le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) a été temporairement suspendu, faute de médecins. Durant les fêtes, c'est le service des urgences de Senlis qui a été fermé.
La fusion des maternités devait permettre de créer une super maternité à l'échelle de l'agglomération, mais le nombre d'accouchements a chuté de 30 %, car les femmes vont dans le nord de l'Oise, dans le privé, voire en Île-de-France.
Un plan de relance vient d'être annoncé, ainsi que l'embauche d'un nouveau directeur.
Quelle sera la feuille de route de la nouvelle direction ? Quid des travaux du dernier étage de l'hôpital et du nouveau matériel promis ? Les frais de dépistage et de vaccination engagés par la ville de Creil lui seront-ils remboursés ? Un moratoire sur la dette de l'hôpital aura-t-il enfin lieu ? L'État est-il prêt à rouvrir la maternité de Creil ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Question longue et précise... La feuille de route du directeur par intérim porte sur la situation des urgences et la rédaction du projet médical et stratégique.
Une organisation sécurisée des urgences et du SMUR a d'ores et déjà été proposée. Les moyens et les expertises nécessaires à la réorganisation globale du groupement hospitalier seront mis à la disposition du directeur par l'ARS.
Le projet médico-soignant devra formaliser les filières de prise en charge des patients en aval des urgences et consolider le schéma directeur des investissements pour engager la modernisation des sites - y compris les derniers étages du site de Creil. Une aide de 35 millions d'euros au titre des investissements structurants a été préfléchée pour le projet architectural, dont je rappelle qu'il est au service du projet médical. Une attention particulière devra être apportée à la filière gériatrique. Il s'agira enfin de consolider les partenariats avec les autres établissements et les professionnels de santé de ville du territoire.
L'établissement a indiqué que la compensation couvrait les charges engagées. La question du moratoire de la dette n'est pas à la main de l'ARS ni de l'établissement : il lui appartient de rembourser ses dettes, sous peine d'interdit bancaire.
Responsabilité pénale des communes ou intercommunalités et soins médicaux
M. Christian Bilhac . - La rémunération des médecins salariés par les collectivités territoriales pour faire face à la pénurie en milieu rural est souvent indexée sur celle de la fonction publique hospitalière. Il semblerait néanmoins déraisonnable qu'ils soient assujettis aux mêmes règles que les médecins hospitaliers, tant leurs conditions d'exercice sont différentes. Le statut de ces médecins salariés est ambigu : ils obéissent aux contraintes et obligations de la profession médicale, tout en étant agents territoriaux. Or l'article 121-3 du code pénal stipule que l'employeur public est responsable des actions de son personnel : mais les maires ne sont pas tous médecins ! La responsabilité pénale du maire peut-elle donc être engagée en cas d'erreur de diagnostic ou de manque de moyens du cabinet médical ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville . - La santé est au coeur des préoccupations des Français. Dans le cadre de la stratégie « Ma Santé 2022 », les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent recruter des médecins généralistes salariés. Le projet de loi 3DS devrait préciser les conditions de ces recrutements.
La responsabilité pénale d'un professionnel de santé peut être recherchée en cas de faute ou de manquement directement à l'origine du dommage ou s'il est l'auteur indirect d'un manquement ou d'une faute y ayant contribué. De plus, certains délits susceptibles d'engager sa responsabilité pénale sont indépendants de tout dommage, comme la mise en danger d'autrui.
À ce jour, aucune jurisprudence n'a jamais admis la responsabilité pénale d'un maire ou président d'intercommunalité en cas de faute d'un médecin salarié. La responsabilité pénale étant personnelle, nul n'est responsable d'un acte qui n'est pas de son propre fait.
Éligibilité des dépenses de déneigement au FCTVA
M. Éric Gold . - Dans certaines régions, la neige est tombée, parfois en abondance.
Or le déneigement est considéré comme une dépense de fonctionnement, et non d'investissement, et n'est donc pas éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Les communes ne peuvent pas non plus l'imputer sur le compte d'entretien et de réparation de la voirie, lui aussi éligible au FCTVA.
Un taux réduit de TVA à 10 % est appliqué au déneigement, mais le coût reste élevé et pèse sur le budget des communes. Plusieurs élus me l'ont confirmé : l'offre de prestataires limitée empêche toute négociation tarifaire à la baisse.
Les gouvernements successifs ont toujours refusé de rendre le déneigement éligible au FCTVA, mais la situation a changé : les budgets communaux dérapent en raison de l'inflation des prix de l'énergie. Un geste de l'État serait particulièrement bienvenu.
Le déneigement est un investissement, car il évite d'autres dépenses à long terme : envisagez-vous de le rendre éligible au FCTVA ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville . - Le FCTVA soutient l'investissement local. À titre dérogatoire, il a été ouvert à certaines dépenses de fonctionnement comme l'entretien des bâtiments, de la voirie et des réseaux. Le déneigement, qui ne vise qu'à maintenir les routes en état normal de circulation, n'est pas rattachable à l'entretien de la voirie.
Il s'agit souvent de contrats de prestation de services, comparables aux contrats de maintenance des installations de sécurité.
Le déneigement bénéficie cependant d'un taux de TVA réduit à 10 % : c'est une aide indirecte de l'État d'environ 8 millions d'euros.
Il n'est pas prévu d'ouvrir davantage l'assiette du FCTVA, dont l'automatisation a commencé en 2021 et se poursuivra jusqu'en 2023. Afin d'assurer la neutralité de la réforme, il est souhaitable de stabiliser l'assiette du FCTVA.
Communes privées de dotations
Mme Marie Mercier . - Je veux vous alerter sur la situation financière des communes rurales privées de dotations d'État.
Leurs maires sont asphyxiés et se sentent abandonnés. Sans moyens, ils ne peuvent plus rien faire. Le maire de Massilly, 361 habitants, m'a alertée.
Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville . - Les communes rurales bénéficient des choix opérés par le Gouvernement depuis 2017 : stabilité des concours financiers de l'État, renforcement du soutien aux investissements locaux et solidarité accrue. La situation que vous mentionnez est anecdotique : seules 436 communes de moins de 3 500 habitants sur 31 578, soit 1 %, ne perçoivent pas de dotation globale de fonctionnement (DGF), car leurs indicateurs de richesse sont meilleurs que ceux de leurs homologues : elles ne bénéficient donc pas de la péréquation.
Dans leur immense majorité, les communes rurales sont bien dotées par l'État. La dotation de solidarité rurale (DSR) atteindra près de 1,88 milliard d'euros en 2022 contre 421 millions en 2004. Entre 2017 et 2021, la DSR-cible qui bénéficie aux 10 000 communes rurales les plus fragiles a augmenté de 57 %. La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) s'élève à 1,46 milliard d'euros, pour plus de 20 000 projets. La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) atteindra le montant historique de 873 millions d'euros en 2022. Sans oublier le Plan de relance qui a prévu une DSIL exceptionnelle de 950 millions d'euros, ainsi qu'une dotation de 650 millions d'euros pour la rénovation thermique des bâtiments communaux.
Le Gouvernement soutient les communes rurales avec volontarisme.
Mme Marie Mercier. - Ce n'est pas anecdotique pour les communes rurales et leurs administrés. Personne n'y comprend rien, les règles sont illisibles et les calculs peu transparents. Les maires savent compter : il y a du manquant, comme on dit chez moi !
On est maire jour et nuit, 365 jours par an. C'est un sacerdoce qui n'est pas anecdotique. Le Gouvernement doit prendre la mesure de ces difficultés financières. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Soutien de l'État dans la gestion communale des eaux
Mme Sylvie Vermeillet . - Les municipalités qui ont choisi de conserver la compétence eau et assainissement jusqu'en 2026, comme les y autorise la loi du 3 août 2018, rencontrent d'innombrables difficultés.
Elles se sentent abandonnées par l'État et dépassées tant dans la politique à adopter, que par les investissements à réaliser. La commune jurassienne de Chapois hésite à lancer d'importants travaux sur son réseau, pourtant nécessaires à la pérennité de l'approvisionnement en eau.
La quasi-totalité des agences de l'eau excluent de facto du système d'aides les communes qui n'ont pas transféré leur compétence. Les élus attendent de l'État un véritable soutien dans la conduite technique et financière de ces travaux. Une aide à la décision sur le sujet des sécheresses serait également bienvenue.
Avant d'engager les travaux, les petites communes ont besoin de conseils techniques fiables. Or aucun document cadre n'existe : les communes sont livrées à elles-mêmes.
Comment allez-vous aider ces communes rurales, si démunies face aux investissements qu'elles doivent réaliser ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville . - Nous partageons le constat qu'il faut investir massivement dans les réseaux d'eau et d'assainissement pour améliorer le service à l'usager.
Les communes rurales sont éligibles aux aides des agences de l'eau et celles qui ont conservé la compétence eau et assainissement peuvent être aidées pour l'entretien de leur réseau. Chapois, 219 habitants, peut aussi bénéficier de l'aide conventionnelle d'assistance technique proposée par le département du Jura.
L'eau et l'assainissement sont des compétences historiques des communes et non de l'État, mais la situation que vous évoquez confirme le bien-fondé de l'intercommunalisation. L'État encourage la mutualisation de cette compétence pour améliorer le service rendu aux usagers et faire face aux charges d'ingénierie et d'investissement.
Mme Sylvie Vermeillet. - L'agence de l'eau s'occupe des métropoles, pas des petites communes. Ce que vous dites reste à démontrer.
Sanctuarisation de la DGF
M. Philippe Tabarot . - Le 18 novembre 2021, à l'occasion du Congrès des maires, le Président de la République affirmait : « Conformément aux engagements pris, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été sanctuarisée. » Après les 700 millions d'euros de baisse de cette aide sous le quinquennat Hollande, cette sanctuarisation de façade cache une réalité en trompe-l'oeil : quelque 53 % des communes connaissent encore une baisse de la dotation.
Vous opposez quelques rares gagnants à de nombreux perdants. Le « quoi qu'il en coûte » s'est manifestement arrêté au perron des mairies. Et pourtant, depuis deux ans, les communes pallient l'inaction d'un État inerte pendant la crise sanitaire. Sans oublier que les maires, à la différence de l'État, doivent voter leur budget à l'équilibre.
On aurait pu s'attendre à une reconnaissance, mais l'État ingrat demande toujours plus et aide toujours moins. Quand le Gouvernement va-t-il réellement sanctuariser, voire augmenter, la DGF ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville . - Le Gouvernement a mis un terme à la baisse unilatérale des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Depuis 2018, la DGF est stable au niveau national, le Président de la République a raison de le rappeler. Mais les règles de répartition conduisent à des variations entre communes. La DGF est une dotation vivante, calculée chaque année pour tenir compte de la réalité de la situation de chacune des collectivités territoriales. Si nous la figeons, certaines communes en développement ne verraient pas de hausse, ce qui serait injuste.
En outre, la péréquation progresse, au profit des communes les moins dotées : cela a représenté le redéploiement de 740 millions d'euros entre 2017 et 2021. Si la DGF représente 15 % des recettes communales, cela varie largement de l'une à l'autre.
Sur la crise sanitaire, depuis deux ans, l'ensemble des dotations a augmenté.
M. Philippe Tabarot. - Je ne dois pas avoir de chance : autour de moi, Grasse a perdu 400 000 euros, Vallauris 110 000, Le Cannet 100 000... La mise sous tutelle se poursuit.
Contrats d'assurance souscrits par les collectivités
Mme Vivette Lopez . - Ma question a trait aux souscriptions de contrats d'assurance, notamment pour les dommages aux biens des collectivités. Plusieurs assureurs semblent en effet mener une politique plus restrictive auprès des collectivités, tout particulièrement à l'égard des communes situées dans des zones jugées à fort risque, particulièrement dans le Gard.
Face à la hausse de la sinistralité climatique, de nombreuses collectivités se retrouvent dans une situation inconfortable qui les pousse à contractualiser avec des assureurs situés hors de France.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rassurer les maires, mais aussi assurer nos biens communs ?
Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville . - Le problème est réel, même s'il reste concentré sur quelques territoires soumis à de forts risques naturels. Jusqu'à une dizaine d'entreprises ont pu répondre à des appels d'offres des collectivités territoriales contre les catastrophes, d'où une pression à la baisse des prix.
Mais l'augmentation de la sinistralité a conduit certains assureurs à se retirer, entraînant une hausse des prix. D'où deux risques : le renoncement à s'assurer, et une demande d'aide à l'État, ce qui ne serait pas conforme au principe de la décentralisation. En outre, un subventionnement risquerait d'entraîner une inflation des coûts.
Il faut anticiper les risques climatiques et accompagner les collectivités territoriales dans leurs travaux de protection et de résilience, pour réduire les coûts. De nombreuses aides existent pour cela : DSIL, crédits de l'agence de l'eau, fonds Friches, taxe Gemapi, etc.
Mme Vivette Lopez. - Je regrette votre réponse, lue et préparée à l'avance, sans débat. Certains maires ne pourront plus s'assurer, c?est dommage. Nos collectivités territoriales souffrent du manque d'intérêt que vous leur portez, comme l'ont montré aussi les interventions de mes collègues Mercier et Tabarot. Et je regrette qu'au lieu de m'écouter, vous regardiez votre téléphone.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée. - Madame, je vous ai répondu.
Bilan des études menées sur les choucas
M. Michel Canévet . - Les agriculteurs n'ont pas de prix rémunérateurs et doivent en plus faire face à des dégâts sur leurs exploitations, notamment par les choucas, des corvidés qui dégradent les parcelles récemment ensemencées.
Je vous ai déjà interrogée à ce sujet, et vous m'aviez répondu que des études étaient en cours, notamment à l'université de Rennes. Quels en sont les résultats ? Quelles mesures allez-vous prendre pour réguler la population des choucas ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Ce problème nous mobilise depuis des mois. Les dégâts du choucas des tours sont importants en Bretagne. Agriculteurs, associations, collectivités territoriales, services de l'État, nous sommes tous mobilisés. Nous devons travailler à une meilleure connaissance des effectifs et des comportements des choucas et élaborer des politiques de prévention et de régulation. Nos méthodes de prélèvement, par les tirs ou les pièges, doivent être plus efficaces.
La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de Bretagne a lancé une étude, mais celle-ci a pris du retard en raison du confinement, mais aussi d'un problème technique relatif aux balises GPS posées sur les individus rendant les premières données inexploitables. Les nouveaux résultats seront transmis fin février à la Dreal, avec restitution aux partenaires début mars. Le plan régional d'action intégrera ces données.
M. Michel Canévet. - En effet, il faut agir vite. Les semences vont commencer et de nouvelles pertes d'exploitation sont à craindre. Pourquoi ne pas mobiliser les aides pour calamités agricoles dans l'attente ?
Dysfonctionnements de la plateforme « MaPrimeRénov' »
Mme Nadia Sollogoub . - La plateforme « MaPrimeRénov' » centralise les demandes des ménages qui souhaitent bénéficier d'une aide financière et d'un accompagnement dans leur démarche de rénovation énergétique.
Depuis plusieurs mois, suite à une forte communication nationale, les demandes augmentent alors que la plateforme se dégrade : elle connaît des bugs importants, demande des justificatifs de manière répétitive, impose des délais contraints sous peine d'abandon du dossier, etc.
C'est problématique tant pour les usagers que pour les conseillers, submergés de demandes. Les désillusions et les mécontentements vont grandissant. Le choix du « tout numérique » entraîne une exclusion de fait des ménages en territoire hyper-rural. C'est toute la notion de service public sur la rénovation énergétique qui se trouve en danger.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour corriger ces dysfonctionnements ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - En 2021, plus de 760 000 dossiers ont été déposés et près de 660 000 sont engagés, pour 2 milliards d'euros. C'est un succès incontestable, qui ne doit pas être effacé par quelques dossiers en souffrance auxquels nous nous attelons. Selon une enquête, 89 % des usagers sont satisfaits du dispositif en général, et 79 % de la facilité des démarches en ligne, malgré quelques bugs informatiques. Seuls 0,5 % des dossiers déposés en 2021 sont concernés. Sur 3 000 dossiers en souffrance identifiés en octobre, 2 575 ont déjà été résolus par une équipe dédiée de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
Des guides en lignes, des FAQ et des primes exceptionnelles ont permis de résoudre des problèmes. France Rénov' simplifie les démarches avec une plateforme web unique, un numéro unique, ainsi que 450 guichets sur le territoire. En outre, un mandataire pourra désormais faire une demande en ligne, par procuration du propriétaire.
La rénovation énergétique demeure une de nos priorités au service des Français et de la lutte contre le réchauffement climatique.
Mme Nadia Sollogoub. - Trois départements de ma région, dont la Nièvre, ne peuvent bénéficier des primes « surchauffe ». C'est injuste.
Une autre remarque : les primes se succèdent, les acteurs sont très nombreux, et tout le monde s'y noie ; un peu de clarté serait bienvenue.
Enfin, l'ANAH vient de lancer une campagne de communication sur la refonte des aides : anticipons son incidence sur les volumes d'appels !
Financement des nouvelles lignes de trains de nuit
M. Jean Sol . - L'étude du développement de nouvelles lignes de trains d'équilibre du territoire (TET), datée de mai 2021, insistait sur la nécessité d'investir dans du matériel roulant : 600 voitures et 60 locomotives pour 25 trains de nuit et un montant de 1,5 milliard d'euros.
Or seulement 144 millions d'euros ont été investis depuis 2018. C'est insuffisant au regard des fortes attentes des usagers et des collectivités : la pétition « oui au train de nuit » a recueilli plus de 200 000 signatures !
Les lignes de trains de nuit apportent des emplois. Elles sont écologiques, abordables et utiles au développement des territoires. Pour les territoires les plus éloignés des grands axes de circulation, elles sont même indispensables.
Vous avez annoncé un ambitieux plan de 800 millions d'euros d'ici à 2030. Combien allez-vous investir sur le matériel nécessaire à l'ouverture de nouvelles lignes de trains de nuit ? Le matériel vétuste de la ligne Paris-La Tour de Carol sera-t-il renouvelé ? Le concept d'hôtel sur rail est-il en cours d'étude, au-delà du développement de la start-up française Midnight Trains ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Rapporteure de la Loi d'orientation des mobilités (LOM), j'ai porté cette volonté de relance du train de nuit. Les perspectives sont enthousiasmantes, pour une offre de transport utile et écologique. En 2017, il ne restait que deux lignes de trains de nuit, que le Gouvernement a remises en service : Paris-Nice et Paris-Tarbes-Lourdes. Paris-Aurillac reprendra fin 2023. Après Paris-Vienne en décembre 2021, Paris-Berlin sera en service fin 2023.
Ce développement implique un renouvellement du matériel roulant à hauteur de 800 millions d'euros, qui concernera aussi la ligne Paris-La Tour de Carol. En outre, 130 millions d'euros seront investis par l'État dont 100 millions d'euros dans le cadre du plan France relance.
M. Jean Sol. - Les trains de nuit sont écologiques et favorisent le désenclavement et le développement économique de nos territoires. Nous comptons sur votre réactivité et votre volonté d'agir vite.
Difficultés de circulation à Rungis
M. Laurent Lafon . - La commune de Rungis, véritable poumon économique du Val-de-Marne avec près de 35 000 emplois pour 5 700 habitants, entourée par l'impénétrable marché de Rungis ainsi que par les autoroutes A86, A10 et A106, saturées et non connectées entre elles, ne peut plus supporter de flux supplémentaires.
Or de nombreux projets économiques autour de Rungis voient le jour : extension du marché d'intérêt national (MIN), nouveau siège des douanes, arrivée du plus gros logisticien mondial... Il faut donc de nouvelles infrastructures de transport alors que de multiples axes convergent et créent des embouteillages. Les carrefours de l'Europe et de la République ne relèvent pas de la responsabilité de la commune, mais doivent être désengorgés avec des voies de délestage.
Des solutions existent, comme une bretelle d'accès vers Paris sur l'A106.
Le maire de Rungis oeuvre depuis plus d'un an sur ce dossier complexe, mettant inlassablement en relation les décideurs et cherchant les financements adéquats. Le département et les communes voisines y travaillent aussi, et la préfète Sophie Thibault a évoqué des solutions.
Comment l'État compte-t-il s'engager aux côtés des acteurs de terrain pour fluidifier ces axes routiers ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Rungis est en effet un poumon économique de l'Île-de-France. La fluidité de la circulation doit y être améliorée.
Au niveau national, nous nous sommes engagés sur le report modal, et nous pouvons nous réjouir de la remise en service du train des primeurs Perpignan-Rungis.
Au niveau local, nos services travaillent avec les collectivités territoriales ; en décembre, la préfète a reçu le maire de Rungis. Ce problème pourrait être traité dans le cadre du plan particulier d'aménagement d'Orly. L'État veut accompagner la commune, dans un dialogue étroit avec les élus locaux.
Aménagement de l'A46 Sud
M. Thomas Dossus . - Le vaste projet d'élargissement de l'autoroute A46 Sud, qui contourne la métropole lyonnaise par le sud-est, prévoit son passage en deux fois trois voies et l'aménagement de plusieurs noeuds routiers comme celui de Manissieux. À l'été 2021, s'est déroulée la concertation préalable.
La quasi-totalité des élus locaux des territoires concernés, de tous bords politiques, sont contre le projet d'élargissement de l'autoroute, de même que la très grande majorité des habitants et des associations locales. Le maire de Givors m'a fait part d'un voeu voté à l'unanimité contre ce développement.
Pourtant, des alternatives existent, comme la réalisation du contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise pour le transport de marchandises, dont l'utilité publique a été reconnue en 2012 pour la partie Nord, mais qui peine à se concrétiser. Ce projet permettrait pourtant de contribuer aux objectifs fixés par la loi Climat et résilience qui prévoit un « doublement de la part modale du fret ferroviaire ». Mais il est plus difficile de dérouler du rail que du bitume...
Malgré ces arguments, le Gouvernement a confirmé, le 21 décembre 2021, vouloir poursuivre les études relatives à l'aménagement de l'A46.
Pourquoi vous entêter dans ce projet polluant ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - La concertation menée à l'été 2021, sous l'égide des garants désignés par la Commission nationale du débat public (CNDP), a souligné l'intérêt du développement du fret ferroviaire et fluvial.
La nécessité d'améliorer les conditions de circulation sur l'A46 Sud et sur les réseaux secondaires, touchés par la congestion, fait consensus, de même que les gains attendus en matière de sécurité routière.
Nous devrons être vigilants en matière environnementale, sur la qualité de l'air et le bruit notamment. Il faudra également veiller à l'articulation avec les autres grands projets d'infrastructures sur l'aire lyonnaise.
Le ministre délégué aux transports a engagé une nouvelle phase d'échanges avec les autorités organisatrices et les acteurs de la mobilité, sous l'égide du préfet de région. Les riverains et usagers seront aussi consultés.
Éviter, réduire, compenser : voilà la démarche qui sera mise en oeuvre.
M. Thomas Dossus. - Vous confirmez donc le projet d'élargissement. Mais on ne lutte pas contre l'engorgement en élargissant les voies. La transition, c'est changer de modèle ! Vous restez dans le déni, méprisez la démocratie locale et foncez dans le mur. Faites plutôt le choix de la transition !
Brucellose et abattage des bouquetins du Bargy
M. Cyril Pellevat . - Un nouveau cas de brucellose a été détecté dans un élevage de vaches laitières du massif du Bargy en Haute-Savoie. La vache séropositive avait été en contact avec des bouquetins porteurs de la maladie. Le troupeau de vaches a dû être entièrement abattu, avec des conséquences économiques désastreuses pour l'éleveur et toute la filière du fromage non pasteurisé, notamment celle du reblochon.
Le feuilleton dure depuis neuf ans. L'Anses, saisie à de nombreuses reprises, a proposé diverses solutions, qui ont toutes échoué. L'abattage total des bouquetins du massif du Bargy reste la meilleure solution pour mettre fin à l'épidémie. Cependant, c'est à nouveau la voie de la constitution d'un noyau sain qui a été retenue, malgré les nombreux échecs de cette méthode.
La France compte une quarantaine de populations de bouquetins. L'abattage total des bouquetins du Bargy ne remettrait donc pas en cause la conservation de l'espèce, surtout si elle est réintroduite ensuite.
Quant au risque de fuite des bouquetins vers d'autres massifs, il peut être efficacement freiné si l'on déploie les moyens appropriés dans les couloirs identifiés. Je m'étonne d'ailleurs que ce point n'ait pas été repris dans le dernier avis de l'Anses.
Enfin, même si elle est plus difficile, rien n'empêchera la surveillance de la maladie si des bouquetins sont de nouveau repérés sur le massif.
Allons-nous trouver une solution pérenne et efficace ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Les services déconcentrés de l'État sont pleinement mobilisés pour accompagner financièrement et psychologiquement les éleveurs et la filière du reblochon.
La souche de brucellose identifiée est bien la même que celle circulant chez les bouquetins du massif - un foyer surveillé depuis une dizaine d'années. Grâce aux captures et abattages, la prévalence de la maladie a été divisée par dix.
Nous poursuivons l'objectif d'une extinction naturelle de la maladie, tout en conservant un noyau sain, le bouquetin étant une espèce protégée. Des opérations de capture et de test, à l'horizon 2022, permettront d'avoir un noyau sain marqué. La surveillance des chamois et cervidés sera aussi renforcée.
L'abattage total que vous préconisez présente un risque de déplacement d'individus infectés vers d'autres massifs. Ce scénario n'est pas très réaliste, et risquerait d'amoindrir la qualité de la surveillance. Enfin, il est juridiquement fragile.
Cessions en ligne d'animaux
M. Arnaud Bazin . - Selon la loi du 18 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter les liens entre les animaux et les hommes, « la cession en ligne à titre onéreux d'animaux de compagnie ne peut être réalisée que par les personnes exerçant les activités mentionnées aux articles L. 214-6-2 et L. 214-6-3 ». Ainsi, sont exclues les fondations et associations de protection animale.
De plus, la cession à titre gratuit ne peut faire l'objet d'aucune contrepartie, quelle qu'elle soit. A contrario, les particuliers peuvent céder en ligne à titre onéreux des chiens et des chats dans la mesure où ils détiennent la femelle reproductrice - et sont donc considérés comme éleveurs.
Comment alors assurer la survie des associations de protection animale, qui utilisent essentiellement les annonces en ligne pour faire connaître les animaux à l'adoption ?
Pour les animaux autres que chiens et chats que les particuliers ne pourront plus céder à titre onéreux, ne craignez-vous pas des relâchés d'espèces potentiellement invasives dans la nature ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - La lutte contre la maltraitance animale, au coeur du projet de loi promulgué le 30 novembre 2021, suppose de renforcer le contrôle de la vente en ligne d'animaux. L'élaboration du décret d'application se fait dans la concertation avec les associations concernées. L'objectif est que les associations sans but lucratif puissent continuer les cessions à titre gratuit. Nous voulons ainsi réduire les trafics et favoriser l'adoption.
L'absence de réciprocité est absolument nécessaire du point de vue du droit. La prise en charge des frais d'adoption et de vaccination sera toutefois toujours possible.
Approvisionnement des scieries françaises en chênes
M. Patrick Chaize . - Je vous alerte sur l'approvisionnement en grumes de chêne des scieries françaises, alors qu'une grande partie de la production est exportée, sans subir la moindre transformation, en Chine, à un prix supérieur de 25 à 30 % de ce que les scieries françaises sont en mesure d'offrir.
Depuis dix ans, les scieurs de l'Ain ont investi massivement afin de rester compétitifs, de répondre à la demande et d'améliorer les conditions de travail. Des investissements structurants sont à l'étude mais l'incertitude autour de l'approvisionnement pourrait les compromettre, privant notre pays d'un outil de transformation essentiel, avec des emplois à la clé et des incidences fortes pour la filière du bâtiment.
Alors que la France est le premier producteur de chênes en Europe et le troisième producteur mondial, quelles mesures urgentes le Gouvernement entend-il prendre pour soutenir nos scieries et assurer un approvisionnement équilibré ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - L'exportation de grumes connaît un fort dynamisme depuis dix ans, avec des pics en 2015 et 2018. Le cumul des exportations vers la Chine a augmenté de 31 % sur les dix premiers mois de 2021.
Résultat, le prix du bois augmente ainsi pour les transformateurs français et les stocks de matière première se réduisent.
Nous sommes mobilisés au niveau européen et avons saisi la Commission européenne pour qu'elle applique des clauses de sauvegarde ou des barrières tarifaires. Il convient de lutter contre les traders qui spéculent sur ces hausses.
La loi Climat et résilience permet de mettre en place une carte d'exportateurs, afin de mieux encadrer les conditions d'exportation des bois non transformés.
Il n'est pas acceptable de voir nos grumes transformées en Chine, puis revenir transformées en Europe ! Nous sommes au rendez-vous, avec le label UE et différents dispositifs.
M. Patrick Chaize. - Nous voulons du concret. La pénurie continue. Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, il faut proposer des solutions pérennes. Certains États membres ont pris des solutions drastiques. La souveraineté passe par des actes !
Accès aux réseaux numériques des grands gestionnaires d'infrastructures
Mme Anne-Catherine Loisier . - Les tarifs pour utiliser les infrastructures numériques des concessionnaires autoroutiers ou de la SNCF sont prohibitifs. La protection de l'usage de leurs fourreaux empêche les opérateurs de proximité du numérique d'emprunter ces infrastructures.
Ils sont contraints d'utiliser les offres éclairées ou inactivées d'opérateurs tiers, pour certains non-Européens, proposées à des tarifs non régulés - au détriment de la concurrence locale souhaitée par l'Arcep sur le marché des entreprises, des professionnels et des collectivités, qualifié de « parent pauvre de la régulation » par l'Arcep.
Il serait possible de capitaliser sur une démarche vertueuse et plus souveraine en matière d'économie circulaire, les besoins d'opérateurs de proximité étant investis dans des acteurs nationaux-européens contribuant à la pérennité d'un secteur clé pour la relance économique.
Or la création de valeur est captée par des acteurs le plus souvent américains, qui assoient leur domination mondiale sur les infrastructures essentielles.
Comment assurer aux opérateurs de proximité la transparence et des tarifs adaptés pour l'accès à ces infrastructures ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Les offres d'accès commercialisées par les sociétés autoroutières doivent être fournies selon des modalités et dans des conditions tarifaires équitables et raisonnables.
L'Arcep peut être saisie en cas de différend - mais n'a été saisie d'aucune demande à ce jour.
Le marché de la fourniture en gros d'accès aux infrastructures physiques de génie civil pour le déploiement des réseaux de communications électroniques n'est pas inclus dans les prérogatives de l'Arcep, mais celle-ci estime nécessaire de maintenir une régulation asymétrique de ce marché, soumis à des barrières élevées non provisoires à l'entrée.
Elle a défini les limites du marché pertinent retenu et a fixé des obligations à Orange.
Il serait disproportionné de soumettre les sociétés concessionnaires d'autoroutes à des obligations excessivement contraignantes notamment d'orientation sur les coûts.
Mme Anne-Catherine Loisier. - À l'heure où l'on parle de réindustrialisation, il est regrettable de se priver de ces réseaux qui maillent nos territoires. Je l'évoquerai avec l'Arcep.
Inquiétude des collectivités territoriales face au prix de l'énergie
M. Jean-Baptiste Blanc . - L'explosion des prix de l'énergie n'est pas soutenable pour les particuliers et les entreprises, a déclaré le ministre de l'économie et des finances.
Face à cette hausse inédite, le Gouvernement a proposé une série de mesures qui s'adressent essentiellement aux particuliers. Mais qu'en est-il des collectivités territoriales, notamment celles qui négocient leur contrat de fourniture et voient le prix multiplié par quatre ou cinq ?
Elles ont beaucoup investi pour une meilleure gestion de leur consommation énergétique et accéléré la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Or les économies réalisées sont masquées par la hausse du coût de l'énergie.
Comment, dans ces conditions, amorcer sereinement les discussions budgétaires ?
Face à cette explosion des coûts de fonctionnement, beaucoup de communes seront contraintes d'augmenter leur fiscalité locale ou de freiner leurs investissements, au détriment de nos entreprises.
L'allègement de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) n'y suffira pas : l'État doit compenser les hausses.
Le Gouvernement annonce un groupe de travail - un classique. Mais la décision ne peut attendre. Une fois de plus, le manque d'anticipation conduira nombre de collectivités dans l'impasse.
Que comptez-vous faire pour permettre à nos communes de continuer à assurer les services essentiels à la population tout en préservant la fiscalité locale et leur investissement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Cette hausse sans précédent des prix de l'énergie crée des tensions sur la disponibilité des installations de production électrique française et sur l'approvisionnement gazier en Europe, d'où les mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement pour préserver à la fois le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité des entreprises : chèque énergie, indemnité inflation, bouclier tarifaire.
Le tarif réglementé du gaz a été gelé au niveau d'octobre 2021, et ce pour tout l'hiver. L'État prendra en charge le surcoût pour les fournisseurs.
Pour l'électricité, la hausse sera limitée à 4 %, au lieu de 35 %. Le coût budgétaire pour l'État est de 8 milliards d'euros, au bénéfice des particuliers, des collectivités et des entreprises.
À titre exceptionnel, nous augmentons de 20 térawattheures le volume d'électricité vendu à prix réduit au titre de l'Arenh. Les fournisseurs devront répercuter intégralement l'avantage retiré au bénéfice des consommateurs, sous le contrôle de la CRE.
Le prix de ces volumes additionnels d'Arenh sera révisé à 46,2 euros par mégawattheure, ce qui couvre l'intégralité des coûts d'EDF. C'est une mesure exceptionnelle d'adaptation à la situation de crise.
M. Jean-Baptiste Blanc. - Je vous parlais des collectivités, qui ont vu leurs charges exploser ! Il faut des réponses spécifiques.
Menace de fermeture de bureaux de poste dans L'Essonne
M. Jean-Raymond Hugonet . - Depuis des années, les maires sont confrontés à la fermeture de services publics, sans concertation.
Le projet de fermeture du bureau de poste situé dans le quartier de Lozère à Palaiseau suscite l'opposition des élus et des habitants, d'autant que le groupe s'était engagé en 2015 au maintien de son service postal, au moins cinq matinées par semaine.
La Poste a une mission de service public d'aménagement du territoire, au titre de laquelle elle est tenue de maintenir un réseau d'au moins 17 000 points de contact sur le territoire national.
Elle peut adapter son réseau, mais au bénéfice des usagers et en concertation avec les élus.
Plus de 6 000 habitants vivent dans ce quartier de Lozère, éloigné du centre-ville ; beaucoup sont des personnes âgées. La présence d'un service postal de proximité leur est essentielle.
Les élus et les habitants de la commune se mobilisent contre ce projet de fermeture ; une pétition en ligne a recueilli plus de mille signatures. Comment comptez-vous lutter contre la désertification des services publics de proximité ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - La crise sanitaire a confirmé le rôle essentiel des services postaux. La Poste doit conserver un haut niveau de qualité de service et un maillage fin du territoire. La loi lui fixe l'obligation de maintenir au moins 17 000 points de contact, répartis de sorte que 90 % de la population d'un département se trouve à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes en voiture d'un point de contact.
C'est bien le cas dans l'Essonne, pour 99,1 % des habitants, avec 151 points de contact, dont 95 bureaux en gestion directe, 35 agences postales et 21 relais gérés par des commerçants.
La Poste fait face à la baisse de fréquentation des bureaux, mais nous sommes attentifs à la proximité.
Le projet de transformation du bureau de poste de Palaiseau-Lozère est actuellement en cours de discussion, sachant que la ville dispose de quatre points de contact pour 39 000 habitants.
Soyez rassuré, il n'existe aucun autre projet de transformation postale dans ce département, comme la direction régionale de La Poste l'a indiqué au maire de Viry-Châtillon le 10 novembre dernier.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Madame la ministre, dites à la personne qui vous a écrit ce papier de venir constater sur place ce qu'il en est. Ce ne sont pas ces confettis de parole qui rassureront les élus locaux.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
Situation d'abandon du musée Hébert à Paris
Mme Catherine Dumas . - Inauguré en 1978, le musée national Hébert, situé rue du Cherche-Midi dans le VIe arrondissement de Paris, a fermé en 2004 pour raison de sécurité. Il est dans un état de délabrement avancé. Installé dans un bâtiment dont la façade est inscrite aux Monuments historiques, le musée abrite les oeuvres d'Ernest Hébert, portraitiste mondain renommé du XIXe siècle.
Ce musée est issu des donations consenties à l'État, pour ses collections, et à la Réunion des Musées Nationaux pour son bâtiment, par René Patris d'Uckermann, fils adoptif de la veuve de l'artiste, qui a en outre institué la Fondation de France légataire universelle.
Un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles sur l'avenir du musée Hébert proposait en 2017 une solution permettant la réouverture d'un musée dans des conditions acceptées par l'État. Pourquoi n'a-t-elle pas été suivie ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Ce musée a fermé en 2004 car les conditions de sécurité d'accueil du public n'étaient plus réunies. Depuis, l'État, et en particulier le ministère de la Culture, n'a cessé de chercher des solutions. Le problème tient à l'enchevêtrement des responsabilités impliquées : l'État, propriétaire de la collection, le musée d'Orsay, auquel le musée est rattaché, la Réunion des Musées Nationaux qui possède le bâtiment, et la Fondation de France, légataire universel qui veille au respect des volontés du donateur. Toute avancée suppose de trouver une solution qui convienne à toutes les parties, en équilibrant des enjeux à la fois culturels, patrimoniaux, juridiques et financiers.
Nous recherchons activement une issue pérenne. La mairie du VIe arrondissement, dont je salue les efforts, sera informée.
Mme Catherine Dumas. - Je regrette que la ministre de la Culture ne soit pas venue répondre à cette question importante. J'attends depuis le 28 juillet les résultats de l'étude de la direction générale des patrimoines menée sur le sujet. Il faut réunir tous les acteurs, dont la mairie du VIe, pour enfin sauvegarder ce bâtiment parisien remarquable.
Inspection du travail et lutte contre le séparatisme
Mme Sophie Taillé-Polian . - La lutte contre le terrorisme doit mobiliser tous les moyens de l'État, dans le respect de l'État de droit, notamment par une augmentation des moyens du renseignement. Or nous observons une utilisation dévoyée d'autres moyens de l'État, dont l'inspection du travail.
En pleine pandémie, on a demandé à certains inspecteurs du travail d'opérer des contrôles dans d'autres buts que ceux liés à leurs missions - ce qui contrevient à l'État de droit et aux conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Quels moyens sont mis en place pour que les missions de l'inspection du travail soient bien respectées ?
La réforme de l'organisation territoriale de l'État n'induit-elle pas des effets pervers, avec des préfets qui utilisent les moyens de l'inspection du travail au détriment de la protection des salariés ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion . - Les agents de l'inspection du travail exercent en toute indépendance, conformément à l'article 6 de la convention de l'OIT.
Ils n'ont pas pour mission de lutter contre le séparatisme mais de contrôler l'application du droit du travail.
Pour autant, ils peuvent contribuer à des actions coordonnées en lien avec leurs missions habituelles, par exemple sur le travail illégal. En effet, les directions départementales et régionales de l'emploi participent aux comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf).
Par ailleurs, chaque inspecteur du travail qui aurait connaissance d'un délit en dehors du droit du travail doit le porter à la connaissance du parquet, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. L'inspection du travail peut donc contribuer indirectement à des actions ayant pour visée la lutte contre le séparatisme, mais toujours dans le respect de ses prérogatives et de son indépendance.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Alors que le nombre d'inspecteurs du travail baisse et que les besoins des salariés sont très forts, les moyens ne doivent pas être dévoyés, surtout pour mener une politique de harcèlement !
Bilan de la politique du Gouvernement pour la jeunesse
M. Rémi Cardon . - J'ai déposé il y a un an une proposition de loi pour étendre le RSA dès 18 ans.
À l'époque, le Gouvernement avait estimé, en dépit des difficultés liées à la crise sanitaire, des situations de détresse psychologique et financière et des files devant les banques alimentaires, que notre jeunesse méritait mieux qu'un RSA.
Hélas, le mieux est l'ennemi du bien.
Vous avez annoncé une garantie jeunes universelle, puis un revenu d'engagement, devenu contrat d'engagement, qui devait bénéficier à un million de jeunes, mais n'en concernera finalement que 400 000, dont 300 000 sont déjà dans le circuit de la garantie jeunes et de l'accompagnement intensif des jeunes.
J'ai une sensation de déjà-vu. Un jeune sur six a arrêté ses études, 22 % des 18-25 ans sont au chômage, un tiers a renoncé au moins une fois à des soins, les files d'attente qui nous font honte sont revenues.
Quand dépasserez-vous les effets d'annonce pour enfin porter secours à une jeunesse plus que jamais en souffrance ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion . - Par deux fois, l'Assemblée nationale a rejeté le RSA jeunes. Nous croyons en la capacité de chaque jeune à accéder à un emploi durable.
En France, la période entre la fin de la scolarité et le premier emploi est trop longue. Il faut réussir à remettre le jeune en activité le plus vite possible, par des formations, des immersions en entreprise, des services civiques. C'est pourquoi nous créons un dispositif d'accompagnement intensif pour les jeunes qui en ont le plus besoin, avec un volet financier.
Nous n'oublions pas les « invisibles », pour lesquels il faut penser des politiques sur mesure. Le premier défi est d'aller les chercher, ce à quoi le service public de l'emploi ne suffit plus. Les plus éloignés ne passent plus les portes des missions locales ou de pôle emploi, c'est pourquoi nous passons par les associations de lutte contre la pauvreté, pour leur proposer un accompagnement professionnel mais aussi social. Ils pourront bénéficier d'une allocation mensuelle de 500 euros.
M. Rémi Cardon. - La situation n'a pas changé depuis un an malgré votre soi-disant activité. Il y a 1,2 million de jeunes qui ne sont ni en étude, ni en emploi, ni en formation. Votre dispositif s'adresse à 400 000 jeunes : qu'en est-il des autres ?
Revalorisation des pensions de retraite
M. Jean-Claude Anglars . - Selon l'Insee, le niveau de vie médian des retraités est légèrement supérieur à celui du reste de la population. Pourtant, ce constat cache de fortes disparités. En effet, 37 % des retraités perçoivent une pension inférieure à 1 000 euros brut, ce qui correspond au seuil de pauvreté pour une personne seule.
Sont particulièrement concernés par cette précarité les non-salariés et certains indépendants, comme les exploitants agricoles et leurs conjoints collaborateurs ou encore les artisans et les commerçants.
La loi du 3 juillet 2020 revalorise la pension des exploitants agricoles à 85 % du SMIC à partir du 1er novembre 2021, ce qui reste insuffisant.
Avec l'abandon de la réforme des retraites, la question de la revalorisation des petites retraites n'a pas été envisagée dans son ensemble.
Des retraités vivent proches du seuil de pauvreté alors qu'ils ont cotisé tout au long de leur carrière - notamment certains artisans et commerçants qui, souvent, découvrent le faible montant de leur pension à quelques mois de leur départ en retraite, comme le relève le rapport Turquois-Causse.
Comment le Gouvernement revalorisera-t-il les pensions des artisans et commerçants ? Est-il envisagé, sur le modèle des exploitants agricoles, de leur garantir une retraite minimale ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion . - Le niveau de vie des retraités est globalement plus élevé que celui du reste de la population. Nous devons le protéger, même s'il ne faut pas négliger les plus petites retraites : c'est le sens du rapport des députés Turquois et Causse remis à Laurent Pietraszewski.
Les petites retraites proviennent de carrières hachées, de temps partiels prolongés ou de l'absence de complémentaire retraite.
Le Gouvernement a agi : les retraites agricoles ont été revalorisées, et le minimum vieillesse a été relevé de 100 euros par mois, à 900 euros pour une personne seule.
L'information en amont des futurs retraités a été améliorée.
L'approche des minima de pensions ne peut être que globale, les petites retraites touchant tous les publics. Le coût global d'une revalorisation se monterait à 2,5 milliards d'euros.
Chacun doit percevoir au moins 1 000 euros de pension par mois pour une carrière complète. Tel est l'engagement du Président de la République.
Situation des secrétaires de mairie
Mme Céline Brulin . - De nombreuses communes rurales peinent à trouver des secrétaires de mairie, comme me l'a récemment signalé une maire du pays de Bray qui a dû faire appel à Pôle Emploi. Il en manque une cinquantaine dans mon département. Combien au niveau national ?
Dans les communes de plus de 2 000 habitants, elles - car ce sont souvent des femmes - ont été reconnues comme agent de catégorie A, mais dans les plus petites communes, les catégories B et C constituent le gros des troupes.
Les secrétaires de mairie disent souvent manquer de formation et souffrir d'isolement en raison du recul de la présence de l'État en milieu rural.
La grille indiciaire est décorrélée des responsabilités endossées, avec un niveau de rémunération à peine supérieur au SMIC.
Faute d'attractivité, les départs à la retraite massifs des prochaines années ne pourront être compensés. Le changement de nom et la maigre revalorisation annoncée par le Président de la République n'y suffiront pas.
Comment revaloriser ce métier ? Allez-vous créer un cadre d'emploi pour une meilleure reconnaissance ? Quelle aide aux communes rurales pour augmenter les salaires ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée, chargée de l'insertion . - Le Gouvernement est engagé en faveur des secrétaires de mairie, dont le rôle est essentiel. Les ministres de Montchalin et Gourault ont effectué de nombreuses rencontres avec les élus à ce sujet.
Une revalorisation de 15 points d'indice majoré entrera bientôt en vigueur pour les communes de moins de 2 000 habitants.
Le métier sera mieux valorisé par le terme de secrétaire général de mairie.
Amélie de Montchalin a mobilisé Pôle Emploi sur la formation. L'AMF et la Fédération nationale des centres de gestion sont aussi mis à contribution pour accompagner la montée en compétences des secrétaires de mairie. Concrètement, les dispositifs déjà mis en place seront consolidés pour dynamiser le recrutement.
Mme Céline Brulin. - La revalorisation salariale est la bienvenue même si elle reste insuffisante.
Les revalorisations se font sur le budget des communes. Comment l'État les soutiendra-t-il ?
Accès aux archives publiques
M. Pierre Ouzoulias . - Ma question technique porte sur l'article 25 de la loi du 30 juillet 2021 qui concerne les archives publiques et sur lequel le Conseil constitutionnel a émis deux réserves majeures d'interprétation.
Tout d'abord, il a considéré que les restrictions de communication de documents relatifs à certaines installations ne pouvaient être rétroactives. Comment traduire concrètement cette obligation ?
La constatation matérielle du délai glissant ne peut être réalisée autrement que par un acte publié, ce que prévoit la loi. Quelles instructions donnerez-vous à vos services sur ce sujet ?
En outre, la ministre des Armées nous avait dit que les missions de renseignement exercées à titre principal seraient sans doute limitées aux services des premier et deuxième cercles. Un décret en Conseil d'État devrait être publié à la fin du mois. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Enfin, cette loi ne concerne pas très peu de pièces, comme annoncé, mais presque deux kilomètres de linéaires. Comment cela sera-t-il pris en compte ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Ces règles sont appliquées depuis six mois. Le service historique de la Défense (SHD) n'a pas bloqué la consultation des archives susceptibles d'être concernées par un allongement du délai de cinquante ans : la communicabilité de chaque archive est examinée au fil de l'eau, au gré de l'instruction de chaque demande d'accès.
Cette mise en oeuvre requiert un surcroît d'engagement des personnels, que je salue. Pour autant, nous ne constatons pas de difficulté de mise en oeuvre.
Les réserves du Conseil constitutionnel ne posent pas non plus de difficultés particulières. Si les informations classifiées sont déjà connues, le document reste accessible. Les documents déclassifiés ou non classifiés le restent.
Si une installation se trouvait désaffectée sans constatation officielle, l'usager pourra apporter lui-même la preuve de cette désaffectation.
Enfin, le décret d'application sera publié en mars 2022.
Honorariat au grade supérieur pour les réservistes opérationnels
M. Jean-Marc Todeschini . - Membre du conseil supérieur de la réserve militaire, j'ai été interpellé sur l'honorariat au grade supérieur pour les réservistes opérationnels devant quitter la réserve par atteinte de la limite d'âge.
Lorsqu'ils quittent la réserve militaire ou sont radiés, les officiers, sous-officiers et militaires du rang peuvent, sur demande de leur part, se voir accorder l'honorariat du dernier grade détenu à titre définitif. Depuis le 30 septembre 2019, ils pourront être proposés par l'autorité militaire au grade immédiatement supérieur. Aucune démarche individuelle ne serait nécessaire. La sélection, qui resterait exceptionnelle, serait opérée par la direction des ressources humaines parmi les postulants les plus méritants.
Dans les faits, ce nouveau décret connaîtrait des difficultés d'application, dans l'attente d'une instruction.
La réserve opérationnelle est un acteur majeur de nos armées et compte dans ses rangs des personnels dévoués. Les compétences professionnelles qu'ils apportent sont souvent décisives pour le bon déroulement du service et viennent compléter le travail des militaires d'active. La réserve opérationnelle est aussi un élément essentiel du lien armée-Nation, qu'il convient de valoriser.
Pourquoi ces difficultés autour du passage à l'honorariat au grade supérieur ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour valoriser la réserve opérationnelle ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Le ministère des Armées a mis en place l'honorariat au grade immédiatement supérieur afin de valoriser l'engagement des réservistes opérationnels les plus méritants. Ce dispositif est immédiatement applicable par les autorités militaires. L'obtention de l'honorariat n'est tout de même pas de droit. Le but est de valoriser un engagement exceptionnel par sa durée et son intensité.
La procédure qui figure dans le code de la défense sera prochainement révisée, une fois connues les conclusions du groupe de travail composé des représentants de l'ensemble des forces armées et des formations rattachées. Il convient en effet de veiller à l'équité en évitant qu'un réserviste opérationnel obtienne un grade plus facilement qu'un militaire d'active.
La garde nationale est aujourd'hui la forme d'engagement citoyen qui garantit le mieux à ses volontaires la pleine intégration à l'institution qu'ils ont décidé de servir. Ils sont assujettis aux mêmes obligations et droits que leurs camarades d'active et perçoivent la même solde.
M. Jean-Marc Todeschini. - J'espère que la situation va évoluer rapidement. Les réservistes doivent être intégrés de la meilleure manière, même si cela doit rester exceptionnel.
Situation en Palestine
Mme Martine Filleul . - La violence qui s'abat sur les Palestiniens s'accroît sans cesse. Depuis quatorze ans, Israël impose à Gaza un blocus désastreux, alors que les démolitions et expulsions se poursuivent en Cisjordanie, réduisant chaque jour les perspectives d'une solution négociée entre les parties.
Le 22 octobre 2021, le gouvernement israélien a inscrit six organisations palestiniennes de défense des droits humains sur la liste des organisations considérées comme terroristes, arguant de leurs liens avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Cette décision, prise sans qu'aucun élément de preuve n'ait été fourni, risque non seulement d'assécher les ressources financières de ces organisations mais également de priver de nombreux Palestiniens de l'aide qu'elles apportent.
Human Rights Watch démontre que les actions discriminatoires menées contre les Palestiniens, combinées à une sévère répression, peuvent s'assimiler à un crime contre l'humanité, d'apartheid et de persécution, tel que défini par le droit international.
Human Rights Watch démontre aussi de graves violations des lois de guerre et dénonce des crimes de guerre, notamment des frappes sur Gaza qui ont tué des civils en mai. Où est la France dans la dénonciation de ces crimes et que fait-elle pour les empêcher ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Je rappelle l'attachement de la France à la liberté d'expression et d'action des organisations de la société civile dont le rôle est indispensable à la vie démocratique en Israël comme dans les territoires palestiniens. Nous souhaitons que les sociétés, y compris les ONG, bénéficient de conditions respectueuses de l'État de droit et des libertés fondamentales. Cela relève de la responsabilité des États. Nous rappelons cette position lors de nos contacts avec Israël et l'autorité palestinienne.
Nous prenons la pleine mesure de la désignation par Israël de ces six ONG comme organisations terroristes. Le porte-parole du ministre des Affaires étrangères a exprimé le 26 octobre nos préoccupations, notamment sur une ONG ayant reçu le prix des Droits de l'Homme de la République française en 2018.
Nous demandons des éclaircissements aux autorités israéliennes et leur avons fait part, avec nos partenaires européens, de notre préoccupation.
Nous restons engagés et continuerons d'apporter notre soutien à ces organisations.
Rapatriement des enfants français et de leurs mères détenus en Syrie
M. Yannick Vaugrenard . - Plus de 200 enfants et leurs mères sont actuellement détenus dans les camps de Roj et d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie. Cette situation qui s'éternise est inacceptable.
Notre pays doit prendre ses responsabilités pour les sortir de ces prisons où les conditions de vie sont particulièrement dégradées. Nous parlons de mineurs français en situation de grande détresse matérielle et morale. De plus en plus de voix s'élèvent contre leur abandon.
Le Parlement européen a voté une résolution en février 2021 appelant au rapatriement de tous les enfants européens dans leur « intérêt légitime ».
Belgique, Finlande et Danemark ont annoncé leur décision de rapatrier l'ensemble de leurs ressortissants ; l'Allemagne et l'Italie ont commencé à faire de même. Les États-Unis, la Russie, le Kosovo, l'Ukraine, la Bosnie, l'Albanie, agissent de manière identique.
Récemment, Boris Cyrulnik a appelé à rapatrier les enfants et leurs mères qui font l'objet d'une procédure judiciaire antiterroriste et d'un mandat d'arrêt international délivré par un juge français.
Laisser ces femmes et ces enfants dans les camps syriens créera irrémédiablement le terrorisme de demain.
C'est pourquoi je vous demande d'agir, sans délai, pour le rapatriement de ces enfants et de leurs mères pour qu'elles soient jugées en France.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Nous voyons l'incompréhension et le désarroi de ceux qui ont vu partir leur fils ou leur fille. Les adultes, hommes et femmes, aujourd'hui détenus dans des camps dans le nord-est syrien ont pris la décision de rejoindre Daech, organisation terroriste. Ces crimes ne sauraient être impunis et ces personnes doivent être jugées au plus près des lieux où elles ont commis leurs crimes. Il en va du respect des victimes.
Juger ces personnes est un véritable défi. Il faut traiter cette question collectivement avec nos partenaires de la coalition, eu égard au caractère très grave des actes commis.
Contrairement à leurs parents, les enfants n'ont pas choisi de rejoindre cette cause ; notre priorité est de les rapatrier, mais cela s'avère très difficile. Il s'agit en effet d'une zone de guerre sur laquelle nous n'avons aucun contrôle. Cela demande de longues négociations avec les forces locales. Je tiens à souligner une nouvelle fois le travail précieux des ONG.
M. Yannick Vaugrenard. - La Cour européenne des droits de l'Homme doit prochainement statuer sur le respect des droits de l'enfant par la France. Les rapatriements ont commencé, il faut accélérer pour que la France ne soit pas condamnée.
Classement des stations de tourisme
M. Didier Rambaud . - L'arrêté du 16 avril 2019 modifiant l'arrêté du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme impose désormais la présence de certains commerces et plus précisément de services de restauration, de commerces de bouche, d'un service bancaire, d'un service de consommation courante, d'un marché forain hebdomadaire en haute saison touristique et d'une pharmacie.
Concernant la présence d'une pharmacie, la rédaction de l'arrêté du 2 septembre 2008 prévoyait « la présence d'un professionnel de santé ou d'une offre de soins dans un rayon de vingt minutes de trajet automobile ».
Si les communes touristiques peuvent et doivent agir pour répondre au cadre posé par l'État, cela ne peut s'entendre que dans les domaines où elles ont une capacité à agir. Ainsi, s'il est envisageable pour une commune candidate de se mobiliser pour assurer la présence d'un restaurant, d'un commerce de bouche ou d'un marché forain, le sujet de l'implantation d'une officine de pharmacie est des plus complexes. En effet, selon le code de la santé publique, l'ouverture d'officine n'est possible que dans les communes de plus de 2 500 habitants.
La nouvelle rédaction de l'arrêté interdira de fait l'accès au classement de « station classée de tourisme » à toutes les communes de moins de 2 500 habitants.
À l'heure où le Gouvernement annonce des plans de reconquête et de transformation du tourisme, une telle mesure ne manque pas d'inquiéter une trentaine de petites communes de montagne pour lesquelles le tourisme, hivernal comme estival, constitue une activité primordiale et qui risquent de perdre leur classement. Ce serait un mauvais signal économique.
Quelle réponse leur apportez-vous ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - La qualification de station classée est la reconnaissance d'une politique touristique d'excellence. L'article L. 133-13 du code du tourisme dispose que ne sont reconnues communes touristiques que les communes assurant entre autres une fréquentation pluri-saisonnière et mettant leur patrimoine en valeur. Cette reconnaissance d'excellence ne peut être décernée qu'aux communes remplissant l'ensemble des critères visés.
L'arrêté de 2019 a permis de passer de 45 à 23 critères, centrés sur les besoins et attentes des touristes, notamment les services de proximité, dont les pharmacies.
Avant que ces critères ne soient fixés, ils ont été examinés par les représentants des élus des territoires touristiques, y compris celui portant sur les pharmacies.
M. Didier Rambaud. - Votre réponse ne répond pas aux craintes des communes qui risquent de perdre leur statut. Il faut poursuivre les démarches.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.
Agences de l'eau
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur les agences de l'eau, à la demande du groupe Les Républicains.
M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains . - L'eau, c'est la vie ; c'est une ressource essentielle et stratégique pour notre pays. Le législateur en a fait une partie du patrimoine commun de la Nation. Mais les agences de l'eau pâtissent d'un trop-plein de concertation et d'un manque de lisibilité. L'eau est trop souvent utilisée à des fins idéologiques pour pointer du doigt les industriels, les agriculteurs et les collectivités.
La loi de 1964 a établi une nouvelle organisation de la politique publique de l'eau fondée sur une gestion décentralisée en bassins versants ; elle a consacré le principe du pollueur-payeur et celui de subsidiarité afin de concilier les besoins en eau, pour les collectivités, l'agriculture et l'industrie.
Avons-nous atteint ce dernier objectif ? Poser la question, c'est y répondre. Le fonctionnement est devenu trop complexe. Trois acteurs gèrent l'eau : les comités de bassin et de sous-bassins qui fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ; les agences de l'eau ; les préfets coordonnateurs de bassin.
Cependant, quel labyrinthe crétois ! L'organisation est complexe et chronophage. Trop d'acteurs sont impliqués : associations, experts, conseils scientifiques ; souvent, ils sèment le doute sur la capacité des collectivités à gérer la ressource. Une simplification s'impose.
Le deuxième problème est celui du financement des agences. Le principe fondateur « l'eau paie l'eau » n'est plus respecté. Depuis 2001 et Dominique Voynet, l'État siphonne les excédents des agences de l'eau. Nous sommes passés à « l'eau paie l'État ». Le plafond mordant de 2018 a entraîné une forte baisse des moyens des agences, au moment même où l'on demandait aux collectivités territoriales de mettre aux normes leurs infrastructures d'eau et d'assainissement, et où on leur confiait la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).
L'agence a vu sa compétence étendue du petit cycle de l'eau - eau potable et assainissement - aux grands cycles de l'eau, incluant les milieux aquatiques ou le littoral. Mais l'Office français de la biodiversité (OFB) absorbe une grande partie des ressources. Comment assurer dans ces conditions le respect de « l'eau paie l'eau » ? Le Sénat, qui s'en était inquiété, a eu, encore une fois, raison trop tôt. Le message de l'État aux agences de l'eau s'est réduit à : « débrouillez-vous ! ».
Enfin, la péréquation entre agences de l'eau et pour les territoires ruraux pose problème. Entre l'agence Seine-Normandie, 685 millions d'euros, et l'agence Loire-Bretagne, 376 millions, la différence de budget est considérable ! La péréquation vers les communes rurales devrait s'élargir, car les territoires ruraux, particulièrement étendus, rendent de grands services environnementaux, qu'il faut prendre mieux en compte. Les deux enjeux se recoupent, puisque l'agence Loire-Bretagne comprend un territoire classé à 55 % en zone de revitalisation rurale (ZRR).
Le dossier de l'eau est devant nous : dérèglement climatique, arrivée des adeptes du frein à main dans les instances de gestion... Diversification des ressources financières et simplification des procédures, une meilleure péréquation, voilà les chantiers à mettre en oeuvre.
Dans un futur proche, j'espère une grande loi sur l'eau, comme je le demandais dès 2016. Pragmatisme et discernement devront nous guider. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Je vous remercie pour votre invitation à débattre sur les agences de l'eau, qui sont au coeur de notre action pour la biodiversité et de la réponse aux défis posés à nos territoires.
Les agences de l'eau sont stratégiques, mais trop mal connues. Les assises de l'eau se sont penchées en 2017 sur l'assainissement puis en 2019 sur le dérèglement climatique. La troisième séquence, que j'anime avec M. Denormandie, s'intéresse à la gestion de l'eau pour les agriculteurs, réinterrogeant certaines pratiques.
Des tensions se font sentir autour de cette ressource. Nous voulons améliorer la qualité de l'eau et lutter contre les micropolluants. L'érosion de la biodiversité est aussi à prendre en compte, comme la préservation des écosystèmes naturels et des zones humides, essentielles, ou le développement de nouvelles aires protégées.
Les six agences de l'eau jouent un rôle central d'accompagnement des transitions. Depuis cinquante ans, elles portent la vision des bassins hydrographiques, incarnée dans les comités de bassin, au plus près des territoires.
La redevance sur l'eau du robinet et les amendes liées à des mésusages rapportent 2,197 milliards d'euros, au bénéfice des agences, qui les redistribuent ensuite aux acteurs de l'eau. Les programmes sont établis pour six ans. Chaque million investi génère ou préserve 30 à 35 emplois. Les 2 milliards d'euros d'aides ont donc créé ou préservé jusqu'à 70 000 emplois par an.
Les agences de l'eau voient leurs missions se diversifier depuis 2017 : accompagnement de la gestion de l'eau en fonction des grands cycles ou adaptation au changement climatique...
Les défis nouveaux indiquent que notre action doit être renforcée. La stratégie nationale des aires protégées fête son premier anniversaire ; nous publierons très bientôt une stratégie nationale pour la biodiversité : notre ambition doit perdurer, des ressources importantes doivent accompagner l'urgence à agir.
Malgré la diversification, la part des aides à l'amélioration des réseaux et infrastructures d'assainissement et d'approvisionnement reste nodale, à 45 %.
Nous encourageons une meilleure péréquation en faveur des ZRR, pour mieux prendre en compte les aménités rurales. Je vous rejoins sur ce point, monsieur le sénateur.
Nous devons aussi éviter l'effet de saupoudrage. Au 30 juin 2021, 700 millions d'euros ont été attribués aux collectivités territoriales pour la modernisation de leurs réseaux.
Les agences de l'eau ont su se mobiliser lors de la crise sanitaire, en assurant la continuité de l'adduction et le traitement très rapide des dossiers France relance, puisque les 260 millions d'euros concernés ont été engagés en totalité en moins de sept mois.
Les volumes d'intervention sont très importants, et pour la première fois depuis 2008, nous avons stoppé la baisse des effectifs. (M. Alain Richard applaudit.)
M. Frédéric Marchand . - Avec 8 000 kilomètres de cours d'eau, 80 rivières, 20 nappes phréatiques, 270 kilomètres de côtes, 4,8 millions d'habitants, le bassin d'Artois-Picardie exige une gestion durable. Le Sdage va être réévalué cette année, pour six ans.
Les citoyens doivent s'approprier ces questions à l'heure du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité.
Les enjeux du nouveau programme sont la réduction des fuites des réseaux d'eau potable, la réduction de la pollution, la prévention des inondations et la préservation de la qualité de l'eau potable.
Seuls 22 % des cours d'eau en Artois-Picardie sont en bon état, contre 88 % en Corse, avez-vous déclaré à Lille le 16 novembre dernier. Quelque 16 millions d'euros du plan de relance sont consacrés à ce bassin.
Les engagements pris lors de l'annonce du plan national pour la gestion des eaux pluviales permettront-ils bien à l'agence Artois-Picardie de mener ses missions, notamment dans le Nord, qui a connu ces derniers mois des phénomènes aux conséquences dramatiques ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - La gestion des eaux de pluie est essentielle pour prévenir les risques. Nous nous appuyons notamment sur le plan national de gestion des eaux pluviales.
Dans le bassin Artois-Picardie, il faut lutter en milieu rural contre l'érosion des sols pour recharger les nappes, en zone urbaine contre des rejets directs d'eaux usées lorsque les réseaux débordent ; une infiltration à la source des eaux de pluie permettrait de rafraîchir la ville en créant des îlots de fraîcheur.
Un budget de 60 millions d'euros sur six ans est prévu pour le bassin Artois-Picardie. La participation de l'agence est de 70 % pour les projets fondés sur la nature. Pour lutter contre l'érosion des sols, les budgets ont déjà été consommés à 200 % ! Ces enjeux sont pris à bras-le-corps, notamment par l'association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d'eaux pluviales (Adopta) financée par l'agence.
M. Pierre-Jean Verzelen . - Des inondations peuvent avoir lieu en dehors d'épisodes extrêmes ; dans l'Aisne, des précipitations de 40 ou 50 millimètres ont pu avoir des conséquences importantes : routes coupées, foyers isolés...
Pourquoi ? Parce qu'il faudrait mieux entretenir les cours d'eau et les fossés. Des millions de mètres cubes d'eau ne peuvent plus s'écouler. Pourquoi cette inaction ? Parce que plus personne n'y comprend rien. Entre ru, cours d'eau et fossé, personne ne fait la différence ni ne sait ce que l'on peut y faire. L'agence de l'eau devrait travailler avec les directions départementales des territoires (DDT) pour élaborer un cahier des charges, afin de donner les bonnes directives pour éviter les débordements récurrents.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous devons partager les bonnes pratiques et diffuser des fiches pratiques, essentielles pour entretenir correctement nos cours d'eau, malgré les méandres administratifs. (Sourires) Les agences de l'eau peuvent soutenir l'ensemble des acteurs d'un point de vue financier et en matière d'ingénierie.
M. Daniel Gremillet . - La situation des agences de l'eau nous interpelle, depuis la loi Biodiversité. Depuis 2010, la ponction sur les ressources et le plafond mordant ont entamé leur capacité d'action. La réforme sur la redevance a été ajournée. Les agences de l'eau peuvent-elles encore accompagner les collectivités territoriales sur les projets de gestion de l'eau ? Nous devons trouver des stratégies de financement pertinentes et des actions budgétaires de long terme.
Pour 2019-2024, la question de l'assainissement non collectif est critique, mais elle n'a pas été retenue comme une mission prioritaire des agences de l'eau. Les collectivités sont démunies. À quoi ressemblera la réforme de la redevance ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Cette montée en puissance et cette diversification des missions des agences de l'eau justifient de les soulager de l'effort général demandé sur l'emploi public. Dans la loi de finances pour 2022, nous avons donc proposé la stabilisation du nombre de leurs agents. C'était le bon moment pour cette mesure très attendue.
Pour l'assainissement non collectif, les débats sur le sujet animent notre ministère. L'effort des agences, qui a pu être très important, doit être questionné aujourd'hui. On laisse certains Français sans réponse alors que cela représente pour eux un budget considérable. Je ne connais pas encore la forme de l'aide qui pourrait être créée. Levier incitatif fiscal ou possibilité de service unique de l'assainissement à moyen ou long terme ? Cette dernière possibilité est intéressante et relève du législateur. En tout cas, nous devons intervenir dans les territoires les plus à risque et en tension.
M. Daniel Gremillet. - Les ponctions sur le budget des agences de l'eau ont été faites sans la moindre concertation. Des territoires sont abandonnés alors qu'ils participent au financement des agences de l'eau.
M. Ronan Dantec . - Je rejoins les propos de MM. Pointereau et Gremillet, et me trouve en plein accord avec la droite sénatoriale quand elle considère que les moyens alloués à l'action publique sont insuffisants. (Sourires)
La ministre a dit que 1 million d'euros investi créait 35 000 emplois. Pourquoi vous priver de la création de 35 000 emplois ? Entre le onzième et le dixième programme, c'est en effet 1 milliard d'euros de crédits d'intervention qui a disparu. Sur quelles études l'État s'est-il fondé pour prendre cette décision ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous partageons un certain diagnostic : les moyens des agences de l'eau doivent croître face au changement climatique. L'abaissement du plafond de recettes a entraîné une baisse de 9 % de la fiscalité sur l'eau potable, ce dont nous pouvons nous féliciter. Nous avons besoin de nouvelles recettes, mais il ne faut pas augmenter la pression fiscale sur les Français. Peut-être faut-il renforcer le principe de pollueur-payeur ?
Ne nous trompons pas sur le public qui doit participer à l'effort.
M. Ronan Dantec. - Merci à la ministre pour sa franchise. Clairement, l'État voulait faire baisser cette redevance qui était pourtant acceptée par les Français. Vous vous demandez où sont les recettes ? Elles sont dans les collectivités : avec la Gemapi, l'État se défausse sur elles, préférant qu'elles augmentent les impôts, plutôt que de le faire lui-même.
Par ailleurs, il y a une baisse de 40 ETP dans les agences de l'eau, c'est dans la loi.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Non ! Il n'y a pas de baisse d'effectifs des agences de l'eau cette année. C'est une première depuis 2008, alors que les agences connaissaient une baisse moyenne de leurs effectifs de 2 % chaque année. Réjouissons-nous de ce geste fort. Tous les autres opérateurs français sauf l'OFB, les parcs nationaux et le Conservatoire du littoral contribuent à la réduction de la dépense publique. Que nous ayons fait cesser la réduction du nombre des agents en charge de l'eau est un geste suffisamment fort pour être signalé.
M. Ronan Dantec. - Le schéma d'emploi a été fixé à moins 40 ETP et c'est après un collectif budgétaire technique que l'on a retrouvé le même chiffre, par mise à disposition de certains agents des agences de l'eau à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema).
Il y a des enjeux forts de respect des normes et des pratiques. Un agent de police de l'eau pour 1 000 km de rivière ! Sans vouloir vous faire un procès d'intention, il est impossible d'avoir une politique cohérente si l'on baisse sans cesse les crédits.
Mme Marie-Claude Varaillas . - Les missions des agences de l'eau sont essentielles dans le contexte de dérèglement climatique. Pour autant, elles font les frais d'une cure d'austérité drastique. Quelque 21 % des emplois ont été supprimés en dix ans alors que leurs missions s'accroissent. Leurs moyens financiers n'ont pas suivi. Pire, ils ont été rabotés par le plafond mordant.
Le besoin est de 3 milliards d'euros sur les six prochaines années. Quelle capacité pour faire face à ces enjeux, en particulier dans les bassins ruraux à faible potentiel fiscal ? Comment faire jouer davantage la solidarité nationale ? Quels moyens humains prévoyez-vous pour assurer un service public de proximité ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Pour vous répondre et répondre également à M. Dantec, les 41 ETP en moins étaient au projet de loi de finances pour 2021 débattu fin 2020. On est bien à zéro dans le budget de 2022 débattu fin 2021.
M. Ronan Dantec. - One point !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je vous remercie de le reconnaître. Il est nécessaire de stabiliser les opérateurs pour leur donner de la visibilité sur la mise en oeuvre de leurs nouvelles missions.
On a connu une baisse de 20 % des effectifs. Il était difficile dans ces conditions pour les agences de l'eau de mener à bien leurs missions. Nous avons une réflexion sur le financement global de la biodiversité, qui, avec tous ces transferts, constituait un véritable Beaubourg ! Nous nous efforçons de tout remettre à plat.
Nous devons disposer de différents scénarios pour redonner de la transparence au financement collectif de la biodiversité.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Le principe de décentralisation prévaut pour l'eau. Nous craignons pour la capacité d'adaptation de la politique nationale aux réalités locales. La notion même de bassin est mise à mal. Il faut maintenir le pilotage décentralisé et l'implication des collectivités territoriales au sein des agences de l'eau, avec une solidarité urbain-rural, amont-aval et générationnel.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Il faut absolument préserver le modèle de gouvernance des comités de bassin, qui est exceptionnel. L'ancrage local est indiscutable.
Mme Marie-Claude Varaillas. - Les élus sont inquiets de cette réforme des redevances, qui risque de mettre à mal le modèle même des agences. Ce sont les collectivités qui supporteront les impayés et les procédures annexes de facturation et de recouvrement. Une hausse des redevances est à craindre.
Le signal envoyé est contradictoire avec le principe pollueur-payeur, fondement de la gestion de l'eau en France.
Il faut conférer aux agences de l'eau une mission de progrès, plutôt qu'une fonction seulement fiscale. L'eau doit payer l'eau et la biodiversité doit payer la biodiversité.
M. Pierre Louault . - La loi Gemapi fonctionne bien pour la protection contre les crues des petits cours d'eau. Dans la basse vallée de la Loire, la communauté de communes d'Azay-le-Rideau voit de nombreux affluents qui prennent leur source dans le massif central - Indre, Cher, Vienne - rejoindre le fleuve. Or l'entretien de toutes les digues va revenir à cette intercommunalité, ce qui est injuste. Un financement local ne devrait pas assumer un défi national.
Pourquoi l'Agence de l'eau ne s'investit-elle pas sur la protection des crues de la Loire et de ses affluents ?
Le renforcement des digues est mission impossible pour les petites collectivités. Ne faudrait-il pas recentraliser la gestion et le financement des agences de l'eau ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Les aides liées à l'aménagement du territoire et au remembrement, très budgétivores, sont très largement assurées par les agences de l'eau et l'entretien des digues et barrages est éligible au fonds Barnier. J'entends que vous voulez une simplification de l'accès à ces aides. Cependant, le schéma est assez lisible et monte en puissance sur le plan financier.
M. Pierre Louault. - L'intervention du Fonds Barnier est une amélioration mais ce qui reste à financer est au-dessus des capacités financières des collectivités territoriales concernées.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - La capacité d'intervention atteint 40 %, mais j'entends la difficulté à boucler certains tours de table. N'hésitez pas à nous faire remonter des projets précis, car l'on trouve toujours un montage pour réunir les financements !
M. Pierre Louault. - Renforcer un kilomètre de digue en bord de Loire coûte 1 million d'euros !
M. Éric Gold . - L'adaptation au changement climatique préoccupe l'ensemble des usagers de l'eau. Le débit des cours d'eau devrait baisser de 10 à 40 % dans les prochaines décennies, ce qui va accroître les conflits d'usage. Il faut définir des priorités nationales et une réglementation forte.
Or malgré cela, la politique des agences n'est pas homogène. Les réponses sont différentes, selon les agences, sur les retenues collinaires. Il n'y a pas de doctrine ni de financements unifiés, ce qui engendre des tensions au niveau local.
Après les assises de l'eau, le Varenne agricole de l'eau devait être l'occasion de trouver des solutions apaisées. Malheureusement, plusieurs parties n'ont pas souhaité y participer. Comment améliorer la coordination des agences ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - L'urgence climatique nous impose de nous mobiliser, notamment en faveur des agriculteurs dont le modèle économique est fragile.
Julien Denormandie et moi avons eu à coeur de trouver une réponse commune à la problématique de la gestion de l'eau. La ressource s'amenuise... Une seule association n'a pas souhaité participer, craignant que les intérêts économiques du milieu agricole ne pèsent sur les échanges. Depuis, elle suit nos débats très attentivement.
Les conclusions du Varenne agricole de l'eau et du changement climatique seront publiées le 1er février.
Nous avons besoin d'une vision partagée sur la ressource et les volumes prélevables. Beaucoup d'agriculteurs sont prêts à s'adapter s'ils peuvent sécuriser leur activité à l'avenir.
Nous avons simplifié les montages de projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Ces derniers portent une vision globale, mais nous devons sans doute accélérer sur les « projets sans regret », sans menacer les équilibres.
M. Éric Gold. - Vous avez parlé des changements de pratiques en agriculture. S'il faut engager une réflexion sur la ressource en eau, il ne faut pas s'empêcher de penser aux retenues collinaires, qui permettent un prélèvement hivernal pour restitution en période de stress hydrique. Les évènements climatiques de ces dernières années doivent nous orienter vers des solutions innovantes et pragmatiques, hors de tout raisonnement dogmatique.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous ne nous interdisons rien, tant qu'il y a préservation de la ressource. Le Lot s'est retrouvé en rupture d'eau potable l'été dernier. Nous ne voulons pas que cela se reproduise. Divers moyens doivent être mobilisés.
M. Jean Louis Masson . - Malgré le principe pollueur-payeur, nous sommes confrontés depuis des décennies à la pollution de la Moselle par des rejets de chlorures de la part des soudières de la vallée de la Meurthe. Les gouvernements successifs n'ont rien fait ; de l'argent public a même été investi pour écrêter les pics de pollution en période d'été, mais les pollueurs en ont profité pour augmenter leur pollution : elle représente le double de ce qu'elle était il y a quarante ans. C'est scandaleux !
Actuellement, on continue à cautionner au lieu de réagir. Il serait peut-être temps de sanctionner les pollueurs. Vous ne pouvez pas laisser perdurer la situation actuelle ; il est urgent que vous fassiez quelque chose !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - L'Agence de l'eau avec l'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) peuvent chercher une solution technique de filtration contre ces rejets.
M. Jean Louis Masson. - Quand j'étais député, un ministre giscardien m'a répondu comme vous, en disant que c'était difficile et qu'on ne pouvait rejeter de chlorures dans la Moselle, parce que sinon, on polluerait la Mer du Nord. Votre réponse est aussi dense que la sienne.
Cela fait quarante ans que cela dure. Il serait temps de se réveiller.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Si j'avais été alertée sur ce dossier, j'aurais eu une réponse plus détaillée ...
M. Jean Louis Masson. - Cela fait vingt ans que j'écris à ce sujet !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Un contrat a été trouvé avec la région pour dessiner une réponse.
M. Jean Louis Masson. - C'est un dialogue de sourds. Ça et rien, c'est la même chose !
Mme Angèle Préville . - Chaque été, le bassin Adour-Garonne connaît des étiages inquiétants, qui seront sans doute réduits de moitié d'ici à 2050, alors que l'eau frise les 30 degrés. Toulouse et Bordeaux, attractives avec 15 000 habitants supplémentaires chaque année, ont besoin de plus d'eau. L'équation est difficile à résoudre. Alors que le réchauffement climatique s'apparente à un voyage sans retour, les micropolluants - plastiques, médicaments, pesticides - s'accumulent dans nos rivières. Or l'eau, c'est la vie.
Ces défis immenses auront un coût, qui risque fort de peser sur nos concitoyens : plus de 70 % des revenus des agences de l'eau proviennent déjà des particuliers. La reconquête nécessite une action locale et des moyens financiers et humains à la hauteur des besoins.
Les comités de bassin sont des lieux de dialogue et d'équilibre entre collectivités et associations. Leur modèle de gouvernance décentralisée est tout à fait pertinent. Maintiendrez-vous le gel de la baisse des effectifs des agences au-delà de 2022 ? Comment luttez-vous contre le réchauffement climatique et la pollution ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je salue votre implication sur le sujet et espère que votre colloque pourra se tenir. Les micropolluants sont au coeur de notre nouveau plan de lutte et vos travaux y contribuent.
Nos plans identifient des vulnérabilités comme celles du bassin Adour-Garonne. Ces travaux - tout comme les Sdage en cours de révision - dégagent des perspectives dans la gestion et la maîtrise de la ressource.
Par ailleurs, les comités de bassins me semblent un modèle de gouvernance particulièrement approprié, susceptibles de faire émerger une vision portée par tous. Il faut préserver ce modèle et rester vigilant sur les besoins majeurs, et donc les ressources à renforcer.
Mme Sylviane Noël . - Selon l'article L. 210-1 du code de l'environnement, l'eau fait partie du patrimoine commun de la Nation. Les agences de l'eau ont été créées en 1964 pour financer la solidarité, le petit cycle de l'eau et la prévention des pollutions en amont.
Entre 1982 et 2018, 92 % des communes du bassin Rhône-Méditerranée-Corse ont été concernées par une inondation déclarée catastrophe naturelle. Cela nécessite des crédits de reconstruction exceptionnels. Or le budget de l'agence de l'eau est très sollicité alors que ses capacités d'intervention sont en baisse de 15 % par rapport à 2013-2018.
Alors que nos montagnes constituent les principaux châteaux d'eau de la France, la solidarité nationale doit s'exercer au bénéfice de cette agence. Le plafond mordant instauré en 2018 a-t-il encore du sens ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Vous n'êtes que trop bien placée pour mesurer la violence de certains épisodes climatiques. Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles fait déjà appel à la solidarité nationale, qui intervient aussi dans la prévention à travers des études et des travaux. En deux ans, les crédits du fonds Barnier ont augmenté de 70 %, passant de 131 à 235 millions d'euros, auxquels s'ajoute une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d'euros au titre des suites de la tempête Alex. L'agence Rhône-Méditerranée-Corse apporte aussi son concours au financement de travaux, avec par exemple 25 millions d'euros post-Alex.
Un rééquilibrage des recettes entre agences a eu lieu durant la préparation du onzième programme, ainsi que des mutualisations interagences. Nous sommes attentifs à cet équilibre et à cette solidarité.
Mme Sylviane Noël. - Vous n'avez pas répondu à ma question sur les plafonds mordants.
La péréquation existe, mais elle est insuffisante pour une agence de l'eau aussi stratégique que Rhône-Méditerranée-Corse.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous avons à la fois besoin de maîtriser la pression fiscale sur les ménages et d'assurer une montée en puissance des financements. Le rapport Richard-Jerrettie fournit des réflexions intéressantes. Je me tourne vers M. Guené : ces réflexions sur la fiscalité doivent s'inscrire dans une réflexion plus large sur la fiscalité des collectivités territoriales.
Mme Sylviane Noël. - Je ne proposais pas de réévaluer les cotisations des particuliers. L'État a pris de l'argent aux agences de l'eau pour le donner à l'OFB, mais il faut que « l'eau paye l'eau ».
Mme Annick Billon . - Le stress hydrique est une réalité pour de nombreux départements et le changement climatique impose des solutions innovatrices.
En Vendée, le projet Jourdain, de 17 millions d'euros sur dix ans, vise à produire de l'eau potable à partir des eaux usées, grâce à des zones d'épuration végétalisées. Cette expérimentation, une première en Europe, est une opportunité et une réponse pertinente pour de nombreux territoires.
L'agence de l'eau accompagne Vendée-Eau à hauteur de 4 millions d'euros sur les 9 engagés à ce jour, mais refuse de soutenir l'intégralité du projet. Devons-nous recourir à un financement privé alors qu'un organisme d'État est censé se consacrer à ces sujets ? Madame la ministre, vous engagez-vous à soutenir ce projet ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Le projet Jourdain est très innovant et nous y portons un grand intérêt. Ce recyclage indirect des eaux usées traitées devrait améliorer l'approvisionnement en eau potable du littoral vendéen. Ce projet est accompagné depuis 2018 par l'agence de l'eau Loire-Bretagne, à hauteur de 4,18 millions d'euros, sur un total de 8,69. La région Pays de la Loire a contribué à hauteur de 1 million d'euros, le département de la Vendée pour 1,7 million d'euros. C'est un budget important, à la hauteur des ambitions.
Le reste à financer est estimé à 13 millions d'euros, le tour de table est en cours. Un financement exceptionnel est tout à fait justifié. Nous étudierons le soutien que l'agence de l'eau peut encore apporter.
Mme Annick Billon. - L'agence de l'eau participe à la première phase, mais on ne sait pas comment sera financée la deuxième. Vendée-Eau a besoin d'une réponse claire.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - L'accord de principe, je vous le donne et vous confirme le soutien de l'État et du Gouvernement. Cependant, la décision appartient à l'agence de l'eau. Le projet semble bien parti pour aboutir.
Mme Annick Billon. - Je vous remercie même s'il semble qu'il y ait des problèmes de gouvernance. Le projet a été lancé en 2017 : nous avons besoin d'une vision claire sur des investissements longs qui ne peuvent être supportés par les Vendéens.
M. Hervé Gillé . - Peut-on envisager une réforme de la gouvernance de l'eau qui repose sur la confiance avec les collectivités territoriales ? Il faudra pour cela développer les contrats interrégionaux, alors que les contrats de plan interrégionaux État-Régions (CPIER) sont en attente, et impliquer l'ensemble des collectivités.
L'État a une fonction régalienne de cohérence à l'échelle nationale et européenne.
Par leur expertise, les comités de bassin doivent assurer un appui aux actions. Il faciliter les contractualisations, en rapprochant les plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) et les Sdage, le tout participant à la mise en oeuvre d'une nouvelle loi-cadre de l'eau, avec un rôle accru des régions.
Quelle est votre position ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Un rapprochement entre PGRI et Sdage relève du niveau législatif, mais mérite d'être étudié en vue du prochain programme sur six ans.
Toutefois, la description que vous venez de donner me semble refléter la gouvernance actuelle. Les comités de bassin regroupent déjà des élus locaux de tous les niveaux de collectivité, ce qui participe de ce modèle exceptionnel.
M. Hervé Gillé. - Je souhaite un approfondissement de la décentralisation. L'État est parfois trop présent sur des projets territoriaux : il doit se recentrer sur le régalien. À l'inverse, il faut réaffirmer le rôle des régions, en particulier le dialogue inter-régions. Nous voudrions des CPIER plus fournis en la matière. Pourriez-vous donner plus de précisions, alors que des bassins s'étendent sur plusieurs régions ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - En effet, il faut décloisonner les politiques sur certains bassins hydrographiques. Cette problématique est déjà connue. J'y insiste : cette politique reste à la main des territoires et des élus. Si la vision globale de la politique de l'eau doit demeurer du ressort de l'État, son adaptation relève des bassins.
M. Hervé Gillé. - Des questions ont été posées sur le financement par la taxe Gemapi. Il reste un solde à payer au-delà du fonds Barnier. Mais nous manquons de visibilité sur la contractualisation, car les plans de financement ne sont pas suffisamment consolidés.
Mme Catherine Belrhiti . - De nombreux maires de petites communes rurales de Moselle m'ont fait part de leurs difficultés avec l'agence de l'eau. Alors que les budgets sont contraints, la rénovation des réseaux non collectifs, peu subventionnée par l'État et les régions, est coûteuse pour les communes. Or le 11e programme ne les subventionne plus !
C'est un casse-tête : la collectivité doit avancer des sommes pour que des particuliers conservent un dispositif individuel. Le réseau non collectif fait-il partie des priorités de l'État, et si oui, avec quelles subventions ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je suis d'accord : nous devons proposer une solution, notamment aux maires nouvellement élus, volontaristes dans leurs projets.
Sur la forme, le Gouvernement n'a pas souhaité poursuivre ces interventions, longtemps financées ; c'est pourquoi les capacités d'intervention des agences de l'eau ont été redirigées, mais nous devons imaginer de nouveaux leviers.
Nous pouvons élaborer des réponses quasi immédiates, notamment avec des incitations fiscales, ou bien un accompagnement en termes d'ingénierie financière.
Mme Catherine Belrhiti. - Les revirements successifs des agences de l'eau et leurs prescriptions contradictoires font que les collectivités territoriales ne savent plus à quoi s'en tenir. Les projets sont bloqués. Une solution urgente s'impose.
M. Thierry Cozic . - Depuis 2017, les sept agences de l'eau sont devenues de fait le bras armé des comités de bassin qui financent les politiques environnementales, au-delà de leurs compétences propres : biodiversité, parcs nationaux, j'en passe.
Plutôt que d'accorder à ses opérateurs des crédits propres, le Gouvernement pioche dans le budget des agences de l'eau : près de la moitié de la politique de la biodiversité est financée de la sorte.
En outre, au-delà d'un plafond mordant fixé à 2,1 milliards d'euros pour 2019, les ressources des agences sont reversées à l'État, alors qu'un rapport fait état d'un besoin de financement des agences de l'eau de 400 millions d'euros. Cette règle est anachronique, car les problématiques ne manquent pas : multiplication des inondations et sécheresses, raréfaction de l'eau, hausse du niveau de la mer... Les agences de l'eau prévoient une baisse de 10 à 50 % de l'étiage des grands fleuves et de 10 à 30 % du niveau des nappes phréatiques.
En organisant par le plafond mordant l'attribution du financement des agences, au mépris du principe de la gestion décentralisée de l'eau, n'ouvre-t-on pas une brèche dans le principe « l'eau paie l'eau » ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Je considère que l'eau et la biodiversité sont liées : la gestion de l'eau est un pilier de la biodiversité. Il en va de même pour les financements, et l'effort national doit rester dans cet esprit de décloisonnement et de solidarité.
Il faut en revanche rester clair sur la répartition des compétences : quels opérateurs, quelles missions, avec quels financements ?
Les recettes qui reviennent au budget de l'État au titre du plafond mordant ne disparaissent pas dans les poches de l'État, elles financent d'autres services publics, comme l'éducation ou la santé : ce n'est pas un coup de rabot.
Mme Sabine Drexler . - La loi du 27 janvier 2014 a créé la Gemapi, pour une meilleure gestion de l'eau et des zones humides à l'échelle des communes. Hélas, on en voit les limites, avec un positionnement ambigu des agences et des conflits d'intérêts évidents. L'agence de l'eau Rhin-Meuse subventionne des études pour des collectivités territoriales en dehors de leur champ de compétence. Après trois ans de mise en oeuvre, les agences de l'eau doivent respecter la loi et les contrôles demandés par la Cour des comptes en 2015 doivent être mis en place.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - J'espère que le cas de Rhin-Brisach restera un cas particulier. L'agence de l'eau avait subventionné la communauté de communes pour réaliser la réhabilitation d'un ancien bassin minier sur une île du Rhin, avant que la compétence ne soit transférée à un syndicat. Il s'agit d'un différend entre deux collectivités que l'agence de l'eau n'a pas à trancher.
La situation de conflit d'intérêts n'est pas établie. Le ministère a veillé au respect des règles déontologiques dans l'attribution des aides et un arrêté de 2021 rappelle désormais les obligations des agents.
Mme Sabine Drexler. - L'objectif du législateur était d'améliorer l'action publique; cela n'est pas une réalité partout... Nous avons besoin d'une clarification des compétences afin d'éviter blocages et tensions.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Nous espérons que ce différend très local reste circonscrit. Il me semble que le cadre de la Gemapi s'applique relativement bien.
M. Hugues Saury . - La loi de 1964 a créé les agences de l'eau selon le principe « l'eau paie l'eau », aujourd'hui menacé. Pour renouveler les réseaux, les petites communes ne sont pas suffisamment aidées. Pourquoi ces indispensables rénovations ne sont-elles plus une priorité des agences ?
La politique de subvention au sein d'un même territoire pose problème, comme dans le Loiret, où les deux comités de bassin ont des priorités très différentes. Les subventions sont attribuées de manière peu transparente et certaines situations confinent à l'absurde.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Le cas du Loiret est tout à fait particulier. Nous voulons une définition des priorités au plus près du terrain, il est donc normal que les priorités diffèrent selon les bassins. Les agences de l'eau regardent les situations au cas par cas et attribuent les subventions en fonction des exigences locales. Depuis 2016, il y a une continuité dans les différentes politiques de biodiversité, de la terre à la mer. Nous devons donc conserver une vision globale, tout fixant des priorités spécifiques pour certains territoires.
Il nous faut aussi prioriser certaines problématiques, notamment dans le cadre du plan France relance, avec 250 millions d'euros attribués via les agences de l'eau aux projets des collectivités territoriales.
M. Hugues Saury. - L'urgence écologique ne doit pas nous faire oublier la vocation première des agences de l'eau : l'entretien des équipements de base. Pouvez-vous réaffirmer que « l'eau paie l'eau » ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Eau et biodiversité ne sont qu'un même problème. On pourrait presque envisager de fusionner l'Ademe, l'OFB et les agences de l'eau !
Une vision globale est nécessaire, et les agences de l'eau y participent. Petits cycles, grands cycles, lutte contre le changement climatique et contre l'érosion de la biodiversité, continuum terre-mer, tout cela n'est pas éloigné.
M. Hugues Saury. - Les deux sujets que j'ai évoqués sont majeurs.
Une eau potable de qualité, à un prix raisonnable, c'est le premier des combats écologiques.
M. Laurent Duplomb . - Le projet de Sdage Loire-Bretagne fait l'objet de vives tensions : lors d'un premier vote en 2021, 49 % des votants étaient favorables, mais 32 % ont voté blanc ! C'est une légitimité insuffisante pour entrer en application - surtout si l'on compare avec le Sdage d'Adour-Garonne, adopté à 72 % !
Les points de blocage, dont la préfète de bassin et vous-même avez été informées, sont nombreux : manque de concertation, caractère excessif des prescriptions, biais méthodologiques, erreurs, non-prise en compte des enjeux économiques du territoire, vision dogmatique des enjeux environnementaux...
Au barrage de Naussac, l'étiage est régulé de manière absurde.
Manque de cohérence, manque de concertation... Reportez l'application du Sdage de six mois et revoyez la copie ! (MM. Pierre Cuypers et Rémy Pointereau approuvent.)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. - Cette situation de tension ne nous a pas échappé. La préfète est impliquée dans la concertation et les contours du Sdage doivent être fixés d'ici mars. Les agriculteurs sont particulièrement impactés par la tension sur la ressource.
Par ailleurs, je vous confirme le lancement d'une mission sur la mobilisation des barrages hydroélectriques pour un soutien à l'étiage, réalisée par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Nous pourrons ainsi affiner les volumes et trouver des solutions aux tensions.
M. Mathieu Darnaud . - D'un côté, des agences de l'eau dont on ne cesse de ponctionner les recettes ; de l'autre, une diversification croissante de leurs missions... Et d'autres problèmes non pris en compte, comme l'assainissement non collectif ou le ruissellement.
Le rapport de Rémy Pointereau dresse un constat inquiétant : l'eau ne paie plus l'eau ; voire, l'eau paie l'État. Et ce alors que les nuages s'amoncellent sur nos têtes : réchauffement climatique, diminution des ressources en eau...
Sur le financement, nous restons sur notre faim : les ressources des agences de l'eau se tarissent et l'État, via la DETR, doit pallier le manque d'accompagnement par les agences de l'eau.
Nous avons besoin de plus d'agilité sur les territoires ; je regrette que cela ne soit pas mis en avant, à quelques heures de la CMP 3DS... Tout ne doit pas passer par les intercommunalités, faisons aussi confiance aux syndicats. Les logiques sont encore trop technocratiques ; les élus n'obtiennent pas de réponse à leurs problèmes.
Nous voulons des réponses concrètes et des ressources à la hauteur des défis du changement climatique. L'eau, c'est la vie et il y a une vie et un avenir sur nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE)
La séance est suspendue quelques instants.
Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français.
Nominations à une éventuelle CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français, ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Discussion générale
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - L'histoire des harkis, c'est l'histoire de France, celle aussi d'une loyauté française et d'une fidélité déçues. Cette histoire nous la regardons en face, avec ses ombres et ses lumières.
Dans son discours du 20 septembre 2021, le Président de la République a prolongé le chemin de reconnaissance ouvert par Jacques Chirac et suivi par tous les présidents depuis. Il a renouvelé la reconnaissance des manquements de la France et rappelé les singularités de cette tragédie française. Il a souhaité aussi aller plus loin dans la reconnaissance, la réparation et la transmission mémorielle, en les inscrivant dans le marbre de la loi. Ce projet de loi en est la traduction.
C'est un projet de loi grave, pour tous ceux qui ont subi la guerre d'Algérie et pour la mémoire nationale. Les harkis, leurs enfants, leurs ayants droit attendent nos discussions.
Nous entendons les espérances et la soif de reconnaissance. Nous les avons entendues dans les instances des anciens combattants, dans le rapport Ceaux de 2017, au cours de nos déplacements et lors des cérémonies.
Ce projet de loi s'inscrit dans le temps du pardon ouvert par le chef de l'État. Sachons reconnaître cette page sombre de notre histoire : la France a tourné le dos à ses valeureux et loyaux combattants et n'a pas été fidèle à son histoire et ses valeurs.
Par ce texte, la France leur renouvelle sa gratitude.
L'histoire des harkis est une tragédie : des hommes et des femmes, abandonnés sur leur terre natale et rapatriés dans l'Hexagone, déracinés.
Le 19 mars 1962 fut un tournant.
Mais la vérité est cruelle : la France a alors tergiversé pour les accueillir et leur ouvrir ses portes. Ce fut un temps de déchirement et de douloureux exil pour nombre de harkis, qui n'ont trouvé sur notre sol qu'hostilité et arbitraire. Ce fut le temps des meurtrissures.
Près de la moitié des 90 000 personnes arrivées a été reléguée dans des camps et des hameaux de forestage, dans des conditions de vie particulièrement indignes - barbelés, froid, carences alimentaires, promiscuité, brimades, abus, détournement de prestations. C'était en France, c'était hier.
Et en laissant plusieurs milliers d'enfants sans instruction, la France n'a pas été au rendez-vous de sa promesse républicaine.
Ces lieux furent des lieux de bannissement qui ont meurtri, traumatisé et parfois tué.
Sur la voie de la justice et de la réparation, l'État a mis en place des actions de mémoire et des mesures de réparation, intensifiées depuis 2017. Sur la recommandation du rapport Ceaux, nous avons créé un dispositif de soutien pour la deuxième génération et augmenté les allocations de reconnaissance et viagères.
Depuis le 1er janvier, nous avons franchi une nouvelle étape avec le doublement des allocations, à près de 8 400 euros par combattant ou par veuve. C'est le signe tangible de la reconnaissance de la Nation.
Par ce projet de loi, la République couronne l'édifice de réparation.
L'article premier réaffirme la gratitude de la Nation envers tous les combattants qui ont servi la France entre 1954 et 1962. Pour la première fois, la France reconnaît sa responsabilité dans l'accueil indigne des harkis, moghaznis et autres supplétifs.
Nous ancrons dans la loi la journée nationale du 25 septembre et nous l'enrichissons d'un hommage à ceux, officiers, particuliers, maires, qui ont aidé des harkis sur le plan moral et matériel. Ils ont fait honneur à la France.
Ce projet de loi précise le périmètre de la réparation des préjudices subis. Sont éligibles les harkis et leurs familles ayant séjourné dans des lieux, camps et hameaux de forestage notamment, dont les conditions étaient indignes et contrevenaient à nos principes républicains. La réparation prend la forme d'une indemnisation forfaitaire et individualisée selon la durée du séjour dans les structures concernées, exonérée d'impôt.
Le texte instaure une commission nationale de reconnaissance et de réparation, qui statuera après instruction par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Elle mènera également une mission mémorielle pour recueillir, conserver et transmettre la mémoire des harkis.
Enfin ce projet de loi actualise et renforce des dispositifs préexistants. Il supprime les forclusions de rentes viagères, en permettant au conjoint survivant d'en bénéficier même sans avoir soumis de demande durant le délai légal.
L'accès à l'allocation viagère est étendu aux personnes vivant dans l'Union européenne et aux veuves des personnes « assimilées » aux membres des formations supplétives.
Il n'est pas de meilleure reconnaissance que la connaissance. Ainsi la transmission est prioritaire. L'histoire des harkis est trop méconnue par les Français. Nous devons favoriser son enseignement.
Le souvenir des harkis est rappelé sur les sites où ils ont vécu. Je pense notamment au travail fait sur les cimetières. La maison de l'histoire et des mémoires d'Ongles est soutenue par le ministère des Armées.
Un important travail d'archives est mené. Les expositions réalisées par l'ONACVG sont une pièce maîtresse de cette transmission mémorielle.
Je connais l'attachement du Sénat au monde combattant et aux enjeux de mémoire.
Ce projet de loi vous donne toute latitude pour renouveler l'hommage aux harkis et débuter un nouveau chemin de réparation. Nous sommes ensemble sur ce chemin. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) « Aux combattants, à ces hommes, à ces femmes, j'exprime la reconnaissance de la Nation. C'est une question de dignité et de fidélité. La République ne laissera pas l'injure raviver les douleurs du passé. Elle ne laissera pas l'abandon s'ajouter au sacrifice. Elle ne laissera pas l'oubli recouvrir la mort et la souffrance. » Par ces mots, le président Chirac reconnaissait la responsabilité de la Nation dans le sort réservé aux harkis.
J'ai reçu de nombreux témoignages poignants, bouleversants. L'histoire des harkis est celle de la France, qui a pu compter sur des milliers de supplétifs d'origine algérienne aux côtés de son armée, à l'instar des gardes champêtres et auxiliaires médico-sociaux.
À la fin de la guerre, le plan général de rapatriement du Gouvernement ne permet de rapatrier qu'une partie des supplétifs. Nombre de ceux restés en Algérie, considérés comme des traîtres, sont victimes d'exaction et assassinés malgré les engagements du FLN.
Sur 82 000 rapatriés, 42 000 ont été accueillis dans des camps de transit et hameaux de forestage, où les conditions de vie étaient indignes et précaires, contraires aux lois et valeurs de la République : promiscuité, privations, brimades, déscolarisation des enfants, restrictions de circulation. Ces souffrances ont entraîné des traumatismes durables.
Le 6 août 1975 ces lieux ont fait l'objet d'une fermeture administrative, à la suite d'une révolte des enfants de harkis. Pourtant certaines familles y sont restées des décennies, notamment au camp de Bias.
Depuis, de nombreuses mesures d'aide, de reconnaissance et d'indemnisation ont bénéficié à des milliers d'anciens harkis et à leurs familles, en complément de l'aide sociale de droit commun.
En parallèle, les présidents Chirac, Sarkozy et Hollande ont successivement rendu hommage aux harkis et reconnu que la République les avait abandonnés. Le 20 septembre dernier, le Président Macron a présenté une demande de pardon au nom de la Nation, qui trouve sa concrétisation dans le présent projet de loi.
La reconnaissance de la Nation est exprimée à l'article premier. Elle l'avait déjà été par la loi en 1994 et 2005. Elle est complétée à l'article premier bis par l'inscription dans la loi de la journée d'hommage du 25 septembre.
L'article premier reconnaît aussi la responsabilité de l'État dans les conditions d'accueil des harkis. L'article 2 en tire les conséquences, en prévoyant une réparation financière pour ceux qui ont transité par un camp ou hameau entre 1962 et 1975. Seule la preuve du séjour sera demandée, le préjudice étant présumé. Il s'agira d'une somme forfaitaire, d'un maximum de 15 000 euros, soit la somme à laquelle le Conseil d'État a condamné l'État en 2018 pour un préjudice comparable.
La liste des structures concernées devrait être identique à celle du fonds de solidarité envers les enfants de harkis créé fin 2018.
Des lieux de toutes natures seront retenus, comme des prisons reconverties en lieu d'accueil.
Les 40 000 rapatriés ayant séjourné dans des cités urbaines, précaires mais moins attentatoires aux libertés et droits fondamentaux, ne sont en revanche pas concernés par cette réparation. Une telle extension créerait une rupture d'égalité. Pour autant, ceux qui y ont été orientés après un passage en camp seront indemnisés à ce titre.
Les demandes de réparation seront soumises à une commission de reconnaissance et de réparation, créée par l'article 3, également chargée de recueillir et de transmettre la mémoire des harkis. La tragédie de ces citoyens français et de leurs familles doit être connue de tous.
Cette commission aura un rôle majeur ; la commission des affaires sociales a donc renforcé les garanties de son indépendance.
La levée des délais de forclusion de rentes viagères est très attendue. La commission proposera, en accord avec le Gouvernement, d'étendre de quatre à six ans la période au titre de laquelle les veuves pourront solliciter les arrérages de l'allocation.
Si ce projet de loi comporte des avancées importantes, il a néanmoins un goût d'inachevé. D'une part, une somme de 15 000 euros n'est pas à la hauteur des souffrances endurées. D'autre part, il porte sur un préjudice bien spécifique subi par une partie des harkis, et n'apaisera donc pas totalement la communauté harki. « La douleur est énorme et si irrépressible qu'il est impossible de la combler », a dit l'historien Gilles Manceron, que j'ai auditionné.
C'est pourquoi la commission considère que ce projet de loi ne saurait en aucun cas constituer un solde de tout compte. La réflexion doit se poursuivre.
La commission considère qu'adopter ce projet de loi réaffirme la reconnaissance de la Nation envers les harkis et règle une partie de la dette d'honneur, je dis bien une partie, qu'elle doit à ces citoyens français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Il y a bientôt soixante ans, après huit ans de conflit, la guerre d'Algérie prenait fin, ayant fait des centaines de milliers de morts. Les destins des populations s'étaient mêlés, et le conflit a revêtu une dimension de guerre civile. Des Algériens avaient pris fait et cause pour la France, les harkis, les moghaznis et les supplétifs, au péril de leur vie, comme les soldats de la métropole mais sans le même statut.
Hélas, leur souffrance ne s'est pas arrêtée avec la fin des combats. Une fois le cessez-le-feu signé, des dizaines de milliers de personnes ont été torturées et assassinées en Algérie. Je veux saluer leur mémoire, il ne faut pas les oublier.
Parmi les 82 000 rapatriés, certains ont connu un sort douloureux, dans des camps d'internement ou des hameaux de forestage, voire des prisons reconverties pour l'occasion. La France les a abandonnés. Elle a manqué à son devoir.
L'objectif de ce projet de loi est double. Tout d'abord, inscrire dans la loi la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont servi la France et reconnaître le préjudice subi. Cette reconnaissance, qui fait suite aux déclarations des présidents de la République successifs, est importante pour les personnes concernées et pour le travail de mémoire.
Ensuite, réparer le préjudice subi. La douleur et le temps perdu se convertissent mal en somme d'argent. Les réparations sont toujours imparfaites et n'ont pas le pouvoir d'effacer la souffrance. Elles ont néanmoins le mérite d'exister. Les montants ne sont pas dérisoires et seront exonérés d'impôt.
Le dispositif prévu présente l'avantage de la simplicité, avec une indemnisation fonction du temps passé dans les structures indignes. Le préjudice sera présumé. Cela dispensera les quelque 50 000 bénéficiaires potentiels de démontrer la réalité d'un préjudice subi il y a un demi-siècle.
Le projet de loi modifie les modalités d'attribution de l'allocation viagère. C'est une mesure de justice pour les 200 personnes qui restent concernées, ce dont nous nous félicitons.
Nous nous réjouissons aussi de la création d'une commission ad hoc au sein de l'ONACVG, chargée de faire évoluer le cas échéant la liste des structures d'accueil donnant droit à indemnisation.
Il faut regarder le passé en face. C'est la grandeur de la République que de reconnaître ses erreurs, tous les pays ne font pas preuve de la même hauteur de vue.
Je salue la rapporteure pour son excellent travail.
Le groupe INDEP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains, UC et du RDPI)
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à notre rapporteur pour son travail consciencieux.
Comment ne pas penser à ces femmes et hommes qui nous écoutent, attendent et espèrent. Ils n'ont rien oublié de l'indépendance de l'Algérie, ce moment qui a fait basculer un siècle d'histoire.
Alors que le manichéisme n'a aucune place dans ce débat, il faut parler de la responsabilité de la France dans ce qui fut un drame français. Les harkis ont toujours cru en la France. Des bords de la Marne au mont Cassin, le sang versé par les Algériens a souvent fait basculer le destin de notre pays.
Ne rien oublier, c'est rappeler le courage qu'il fallut pour faire le choix de la France. C'est prendre conscience des conditions d'arrivée dramatique d'un million de femmes, d'hommes et d'enfants contraints à un exil douloureux et sans retour.
À ce moment-là, la France aurait pu les aider à soulager les vicissitudes de leur arrivée. Élue du Lot-et-Garonne, où se trouve le camp de Bias, je sais le contraste entre ce confinement au long cours dans des lieux précaires, honteux et misérables, et le confort moderne des Trente Glorieuses.
Réparons, malgré le temps passé, les erreurs commises. Il y va de notre honneur, alors que les harkis n'ont pas pu s'insérer dans notre société.
Certes, la France a mis en place des régimes d'indemnisation, aidé les veuves et les enfants de harkis. Cependant, dans le symbole comme dans la rétribution financière, le compte n'y est pas.
Donner plus à ceux qui ont moins pour compenser le déterminisme, n'est-ce pas là, l'idéal républicain ?
Ce texte est une pierre importante dans l'oeuvre de réparation.
Je regrette toutefois qu'il ne s'adresse pas à toutes les victimes, notamment celles arrivées sur le sol métropolitain par leurs propres moyens. Ne créons pas une injustice pour en réparer une autre.
Ce projet de loi, qui rouvre un chapitre douloureux de notre histoire, ne saurait en constituer l'épilogue. Le Président de la République a demandé pardon aux combattants abandonnés. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de ce que nous impose la vérité ?
Il est bien tard pour porter un intérêt réel, sincère et dénué de tout électoralisme au crépuscule du quinquennat. Pourquoi ne pas avoir agi en début de législature ?
Les nombreuses auditions menées au Sénat comme les discussions que j'ai eues en Lot-et-Garonne nous montrent qu'il faut poursuivre notre devoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Esther Benbassa applaudit également.) « Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance, nous n'oublierons pas. Je demande pardon. La France a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants. » Ce sont les mots du Président de la République en septembre dernier.
En 2018 le Conseil d'État avait déjà condamné l'État à indemniser un fils de harki en réparation du préjudice subi.
Les derniers débats ici même sur le massacre d'octobre 1961 ont montré combien les blessures de la guerre d'Algérie perdurent.
Demandé par les associations de harkis, ce projet de loi ne répond pas à leur attente. Espoir suscité par les discours, déception suscitée par le texte : oserais-je dire que j'y ai reconnu la patte du Président de la République.
Nombre d'associations, dont je salue la présence en tribunes, regrettent le manque de concertation et critiquent une écriture bâclée.
Comment expliquer que la reconnaissance n'est pas étendue à l'ensemble des harkis, qu'ils aient vécu dans des camps, des hameaux ou ailleurs ? Les conditions indignes de leur accueil dans ces structures sont bien sûr majeures, mais on ne peut limiter le problème à l'accueil dans ces seules structures. Les conditions de vie des 40 000 harkis dans les cités urbaines n'étaient pas toujours plus confortables, même s'ils étaient alors libres de circuler, contrairement aux premiers.
Ces réparations sont une avancée majeure, mais les montants ne sont pas à la hauteur pour compenser les pertes de chance de toute une génération. Toutefois, elles se différencient des allocations, qui ne se basaient que sur une solidarité sociale et non sur une compensation liée au comportement défaillant de l'État. Il faudra veiller à écarter toute fongibilité entre solidarité nationale et réparation.
C'est pourquoi je salue la position de la commission, selon laquelle il ne s'agit pas d'un solde de tout compte. Mais comment bonifier ce texte, vu que nos amendements sur la durée de réparation, son élargissement et même la création d'une fondation mémorielle, sont irrecevables pour raisons financières ? Le Gouvernement peut les reprendre, et puisqu'il le peut, il le doit. Nous demandons la création d'une commission indépendante pour élaborer des solutions plus justes.
Oui, ce texte est incomplet et doit être modifié. Nous le ferons ensemble et je demande au Gouvernement de nous y aider ; nous le devons bien aux harkis et à leurs enfants et petits-enfants. À l'heure où la réécriture de l'histoire et les révisionnismes gomment le travail des historiens, il est judicieux de soutenir ce texte.
Ce projet de loi doit permettre de reconnaître enfin les souffrances infligées aux harkis, mais ce ne doit pas être à contrecoeur. Nous soutiendrons ce texte s'il est amélioré. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Michelle Gréaume . - À la veille du soixantième anniversaire des accords d'Évian, le Président de la République a voulu avancer sur la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la colonisation et la guerre d'Algérie.
En abandonnant les harkis et leurs familles en Algérie, le gouvernement de l'époque a trahi la parole donnée et les a condamnés à des représailles sanglantes. Selon l'ONACVG, de 80 à 90 000 personnes se sont réfugiées en France à partir de mars 1962.
Ce texte reconnaît la responsabilité de la Nation pour leurs conditions d'accueil et de vie inhumaines et les atteintes aux libertés dans les camps d'accueil et les hameaux de forestage. Aux privations de liberté et à la précarité des conditions de vie se sont ajoutés les violences, les humiliations et le racisme.
Réparer le préjudice subi est un progrès mais nous restons au milieu du gué. En effet, la réparation se limite aux 42 000 personnes passées par les camps de transit et de reclassement, excluant celles qui ont été placées dans les cités urbaines ou sont venues par leurs propres moyens. Elle exclut aussi les personnes qui ont demeuré dans ces structures après le 31 décembre 1975. Nous proposerons un amendement pour supprimer cette barrière.
Enfin, une simple somme forfaitaire ne tient pas compte de certaines circonstances personnelles. La réparation pour les personnes décédées devrait être plus importante.
Au total, 40 à 50 000 personnes restent exclues de toute réparation. C'est un vrai problème, alors que nous parlons de réconciliation et de reconnaissance.
En matière de mémoire, la reconnaissance dépasse la repentance et le dédommagement financier et exige un travail de mémoire, en Algérie comme en France. Si la mémoire divise, l'Histoire peut rassembler, comme le dit Pierre Nora.
Le rapport Stora préconise la création d'une commission « Mémoire et Vérité » chargée d'impulser des initiatives communes entre la France et l'Algérie. Pour cela, la France doit reconnaître sa responsabilité dans le massacre de Sétif le 8 mai 1945, l'assassinat de Maurice Audin en 1957, mais aussi les assassinats parisiens du 17 octobre 1961.
M. Philippe Tabarot. - Et le 5 juillet 1962 ?
Mme Michelle Gréaume. - La France et les pays du Maghreb ont un rôle irremplaçable dans l'avenir du bassin méditerranéen. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; Mme Esther Benbassa et M. Éric Jeansannetas applaudissent également.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue la qualité du travail de Marie-Pierre Richer sur un sujet passionnant mais complexe. Cette page de l'histoire est tragique : des dizaines de milliers de harkis, considérés comme des traîtres, furent massacrés sur le sol algérien. Parmi les 82 000 ayant réussi à gagner la France, 42 000 ont connu des conditions d'hébergement indignes dans des camps de transit et des hameaux de forestage.
Ce projet de loi s'inscrit donc dans une démarche de réparation des préjudices subis. Pour les sénateurs de l'UC, il est primordial de reconnaître cette faute de la France et de rendre hommage à l'engagement des harkis durant la guerre d'Algérie.
La responsabilité de l'État envers les harkis a pris corps ces dernières décennies : aide sociale à la réinstallation, indemnisation des biens perdus en Algérie, aide au désendettement. Au 1er janvier 2017, l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère des conjoints ont été revalorisées.
Ce texte instaure de nouvelles mesures de reconnaissance et de réparation et pose le principe de la responsabilité de la France. Le Gouvernement estime le nombre de bénéficiaires à 50 000, pour un coût de 302 millions d'euros. L'indemnisation ne sera pas fiscalisée.
Je salue la création d'une commission nationale de reconnaissance, qui aura un rôle de pilotage dans les demandes de réparation. Mais un sentiment d'abandon pèse toujours sur le coeur des survivants et des descendants des harkis.
En aucun cas ces mesures ne sauraient constituer un solde de tout compte. Pour autant, nous ne pouvons dire que rien n'a été fait : de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, la parole présidentielle a exprimé la reconnaissance de la République envers les harkis.
Aucune indemnité financière ne refermera les plaies : après plus de soixante ans, peut-on encore réparer l'irréparable ? Malgré le retard accumulé, ce texte est une avancée. Il faut continuer le combat : l'UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Il a fallu du temps, sans doute trop, pour que la France reconnaisse ses responsabilités dans l'abandon des harkis. Pour avoir servi la France, ils eurent le choix entre la mort et l'exil.
Dans ces conditions, ils n'ont pas hésité à franchir la Méditerranée. Quelle déception ! La terre promise ne s'est pas révélée aussi accueillante qu'espéré. Pour 42 000 d'entre eux, le passage dans des camps de transit, de reclassement ou hameaux de forestage, synonymes de privation de liberté et brimades, a constitué une véritable relégation, au mépris du principe de fraternité.
Notre pays, patrie des droits de l'Homme, a raté le rendez-vous de la compassion à l'égard de ceux qui croyaient en elle. À Bias ou dans le Larzac, peut-on comprendre que des enfants aient connu la France des barbelés avant celle des libertés ?
Diverses mesures sociales ont aidé certains à s'en sortir, mais le compte n'y est pas, comme l'a rappelé le Conseil d'État en 2018.
Aussi l'engagement du Président de la République prononcé le 20 septembre dernier permettra-t-il certaines réparations. Mon groupe approuve ce dispositif, tout comme les articles portant sur la reconnaissance de la Nation ou encore l'allocation viagère.
Cependant, ce n'est pas un solde de tout compte. Une majorité du RDSE aurait souhaité étendre le bénéfice du dispositif de réparation à tous les harkis, qu'ils aient été logés en structure fermée ou ouverte, car tous ont souffert de discriminations. André Guiol a déposé un amendement en ce sens, relayant le voeu de la communauté harki de ne pas être divisée.
Avec ce texte, nous aurions pu aussi régler le sort des 25 supplétifs civils de droit commun.
Le RDSE approuvera ce projet de loi qui concrétise la demande de pardon formulée par le Président de la République. Il est temps de panser les fêlures du passé pour laisser place à une seule communauté de destins.
Mon frère a fait son service militaire à Rodez, dans l'Aveyron. Avec ses collègues, il accueillait les harkis arrivant en gare de Millau et les conduisait dans le camp du Larzac, dans le froid ; il en conservait un souvenir poignant. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nicole Duranton et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Esther Benbassa . - Albert Camus, dans ses Carnets, écrivait : « J'erre parmi des débris, je suis sans loi, écartelé, seul et acceptant de l'être. (...) Je dois reconstruire une vérité, après avoir vécu toute ma vie dans une sorte de mensonge. » C'est précisément ce que ressentent les harkis et leurs descendants, témoins et victimes d'une histoire coloniale douloureuse.
Ils ont été abandonnés par la France sur le sol algérien. Ceux que l'État a rapatriés furent entassés dans des camps d'accueil et des hameaux de forestage insalubres, sans eau chaude ni électricité. Les témoignages sont glaçants. Ces conditions de vie ont eu de graves conséquences sur l'état physique et psychique de ces personnes. Les dommages matériels et moraux sont irréversibles.
Le temps du silence et de la honte est révolu. Emmanuel Macron, le 25 septembre 2021, a déclaré que la République avait contracté à leur égard une dette : il faut l'honorer. Le devoir de réparation s'impose.
Le texte exclut toutefois le sort des harkis restés en Algérie, qui y ont vécu l'infamie et la persécution : ils ne sauraient être oubliés.
En dehors de la réparation pécuniaire, la reconnaissance solennelle des préjudices subis est un tournant mémoriel. Reconnaître ses torts, demander pardon ne suffit plus, il faut assumer pleinement ses actes. Pour ceux qui ont tout perdu pour la France, arrive le temps de la vérité et de la cicatrisation.
Ce texte est un premier pas. Je regrette que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je tiens d'abord à saluer les représentants des associations de harkis, présentes en tribunes, pour les éclairages qu'ils ont donnés en commission. Je remercie aussi les collègues pour leur participation à ce texte, en particulier Mme la rapporteure.
Ce texte reconnaît, il faut s'en féliciter, la responsabilité de l'État français dans l'indignité des conditions d'accueil des anciens supplétifs et de leurs familles, hébergés dans des structures fermées. François Hollande avait pour la première fois reconnu en 2016 la responsabilité du gouvernement français dans le massacre des harkis restés en Algérie et leurs conditions d'accueil inhumaines en France.
Soixante ans après la fin de la guerre, les plaies restent vives et les mémoires troublées. Il faut regarder notre histoire de manière lucide. L'histoire des harkis est celle de la France. Le terme de « supplétifs » les rabaisse à un rôle d'auxiliaire, alors que leur action a souvent été essentielle.
Cette histoire est aussi celle d'un abandon : à la fin de la guerre, le gouvernement français ordonne de désarmer les harkis, en n'en rapatriant que certains. Ils seront victimes d'exactions et de massacres sur le sol algérien.
Mais l'abandon a aussi eu lieu sur le sol français, alors que beaucoup ont été rapatriés par des officiers français agissant contre leurs ordres, en hommes d'honneur.
Plus de la moitié furent relégués dans des camps et hameaux de forestage isolés, soumis à couvre-feu et au contrôle des déplacements, avec un manque de scolarisation pour les enfants. Exilés, marginalisés, oubliés, ils ont souffert de traumatismes durables.
En ne reconnaissant que le préjudice subi par ceux qui ont séjourné dans ces camps, ce projet de loi est incomplet. Il oublie les 40 000 personnes logées en cité urbaine. En outre, le montant forfaitaire proposé n'est pas à la hauteur : il reconnaît un préjudice sans culpabilité. La réparation doit être individuelle et se fonder sur ce que chacun a subi.
Enfin, sur le volet mémoriel, je salue le travail remarquable effectué par l'ONACVG, mais il faut aller plus loin, accélérer le recueil de mémoire, faire vivre cette mémoire commune.
Ce texte est une avancée, mais il ne doit pas rester purement déclaratif. Nous proposons des amendements, même si beaucoup ont été déclarés irrecevables ou ont été rejetés en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je ne vous cache pas mon émotion alors que notre Haute assemblée va contribuer à écrire un nouveau chapitre de notre Histoire. Ma meilleure amie est fille de harki. Née dans le camp de Rivesaltes, où elle a connu la douleur, sa plaie ne s'est jamais refermée. Je salue les représentants des associations présents en tribune.
Harkis, moghaznis et autres supplétifs et assimilés ont été abandonnés en Algérie ou exilés en métropole où ils ont été relégués dans des cités, des camps ou des hameaux de forestage, où leur séjour a été rythmé par les privations, le rationnement, le froid, l'arbitraire et le racisme, au mépris des valeurs de la République.
Ces souffrances se sont transformées en des traumatismes durables, difficiles à apaiser.
C'est pourquoi le 20 septembre 2021, Emmanuel Macron a demandé pardon au nom de la France. Pour réparer cette faute de l'État, le Président de la République a reconnu la nécessité d'inscrire dans le marbre de la loi la responsabilité de l'État, d'indemniser et de rendre justice. Les articles premier et 2 créent un mécanisme de réparation du préjudice subi dans les structures visées.
Ce fait générateur permet de suivre la jurisprudence du Conseil d'État pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité.
La Commission nationale de reconnaissance et de réparation, prévue à l'article 3, pourra dresser la liste des lieux dans lesquels avoir séjourné permettra d'obtenir réparation.
En recueillant les nouveaux témoignages, elle pourra aider à transmettre aux jeunes générations les mémoires les plus précises possibles.
Enfin, c'est un véritable soulagement de constater que l'article 7 supprime les irritants concernant l'allocation viagère.
Madame la rapporteure, notre groupe vous félicite. Votre amendement précisant que la responsabilité de l'État portera sur des structures de toute nature inclut certaines prisons encore mal identifiées.
Notre groupe RDPI a amélioré en commission la commission nationale de reconnaissance et de réparation. L'ONACVG pourra ainsi solliciter la communication des renseignements utiles à l'exercice de sa mission auprès de toute institution.
Le RDPI vous propose de voter deux amendements, pour définir la composition de la commission nationale de reconnaissance et de réparation, afin qu'elle conserve son indépendance, et pour permettre à certains combattants d'avoir un accès prioritaire à cette commission.
Madame la ministre, je vous remercie pour votre engagement inlassable. C'est grâce à vous que les allocations viagères ont été doublées.
Maintenons la flamme de l'espoir et de la mémoire. Voilà le chemin vers la réconciliation et un avenir meilleur. Nous voterons ce texte. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Philippe Tabarot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Gravité et émotion... Voilà mes sentiments en abordant l'examen de ce texte. Nous allons refermer une page de notre histoire.
Abandon, massacre, déracinement, discrimination, misère sociale : cette vérité doit être dite, ainsi que la dette immense de la France à l'égard des harkis et de leurs familles. Parce qu'ils avaient servi le drapeau français, ils furent victimes de représailles après le cessez-le-feu. Pour éviter les exécutions par des terroristes du FLN, comme les connurent 100 000 de leurs compatriotes, ils furent contraints à un exil précipité. En Algérie, la France a abandonné une partie de ses propres soldats.
En métropole, sans ressources ni attaches, ils furent accueillis dans des conditions indignes. La France les a abandonnés.
Ce texte répare l'une des plus grandes injustices du XXe siècle. Je veux croire que le Président de la République se repent aujourd'hui des propos ignobles prononcés en 2017 à Alger (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), quand il a qualifié la présence française en Algérie de crime contre l'humanité.
Ce texte cristallise néanmoins beaucoup de déceptions. La moitié des harkis sera exclue de la reconnaissance, ceux qui auront eu le tort de ne pas vivre entourés de barbelés. Vous créez ainsi une défiance. Ce texte est incomplet : rien sur la reconnaissance de la qualité de Français pour les harkis, rien sur la responsabilité de la France, rien sur l'instauration d'une sanction pénale en cas de diffamation, rien sur l'abrogation de la date du 19 mars, rien sur la Cité des mimosas à Cannes. C'était la valise ou le cercueil.
Le sort des harkis est aussi lié à celui des pieds-noirs.
Au moment où, soixante ans plus tard, des extrémistes se détournent de notre pays en s'appuyant sur une logique victimaire, comment ne pas ériger en héros ces musulmans qui ont combattu pour la France ?
Un peuple sans mémoire est un peuple sans histoire. Ce texte doit oeuvrer pour une complète réparation, pour tous ceux qui ont défendu notre pays avec leur coeur et avec leur sang.
J'en appelle à votre sens du devoir. Les harkis, qui ne demandent pas la charité, ne doivent pas subir une énième trahison. Tout doit commencer par la vérité. Tout doit finir par la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Brigitte Devésa . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie Mme Richer pour son écoute et son sens du consensus. Mes premiers mots iront aux harkis, à tous les blessés et aux morts. Je leur rends à tous hommage.
Les auditions à l'Assemblée nationale et au Sénat ont fait ressurgir les témoignages et les souvenirs. Moi, fille de pied-noir, je suis restée muette face à la douleur et à la blessure de l'histoire. Le cessez-le-feu n'en fut pas un. Les accords de paix furent ceux d'une paix bâclée. Au plus haut sommet de l'État, c'était la peur de revivre l'Indochine, de s'enliser dans une guerre interminable. La France a été lâche, elle a abandonné ses citoyens, ce qui a conduit aux pires massacres. Puis les harkis ont été une seconde fois oubliés et abandonnés, pendant presque soixante ans.
Les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron ont eu des mots forts, car ils savaient que les harkis n'accepteraient pas un énième abandon. Ce texte donne une chance à l'État de sortir d'un silence sournois. Cette réparation est une réparation par la France pour la France. L'injure aux harkis et une injure à la Nation. Il faut enfin déclassifier les archives. Toute la lumière doit être faite sur les préjudices subis.
Cette loi si tardive vient aussi trop tôt. C'est la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui semble avoir imposé son tempo au président Macron qui se décrivait comme le maître des horloges.
La loi peut paraître froide, mais elle n'est pas une fin en soi. Le chemin ne s'arrête pas là. Chaque année, désormais, le 25 septembre, les harkis seront honorés.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Rachid Temal . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce projet de loi doit répondre aux aspirations des harkis et de leurs familles, eux qui ont servi dans les forces armées françaises. Ils furent 200 000. Nous leur devons toute notre reconnaissance.
Mais après le cessez-le-feu, les promesses de protection et de citoyenneté françaises n'ont pas été tenues. Ils ne furent ni protégés ni rapatriés, mais abandonnés à leur triste sort. Nos militaires, au nom de la fraternité d'armes, ont permis le rapatriement de près de 90 000 soldats harkis avec leurs familles. Mais la moitié d'entre eux fut condamnée aux camps. Des enfants sont morts de froid et de faim. D'autres furent déscolarisés. Des femmes furent violentées et parfois même violées. L'horreur dura treize longues années.
Les autres harkis vécurent un enfermement social. Il fallut attendre douze ans pour qu'ils obtiennent le statut d'anciens combattants.
Nos présidents de la République ont reconnu les douleurs. Les associations de harkis attendaient beaucoup de ce projet de loi, né de la volonté présidentielle. Mais elles sont déçues, parfois en colère. Tant de dispositions manquent...
D'abord, les 90 000 harkis et leurs familles doivent être reconnus dans leur ensemble.
Le groupe SER demande que la qualité de Français figure dès l'article premier. De plus, ce texte ne saurait être voté pour solde de tout compte, or c'est ce que semble signifier la réparation forfaitaire.
Nous appelons à l'humanité et à l'écoute. Madame la ministre, saisissez la main tendue du Sénat en retenant nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec beaucoup d'émotion et de gravité que nous abordons ce texte. Cette reconnaissance de la Nation découle du processus engagé en 2001 par Jacques Chirac. À la veille d'une élection, je me refuse à voir dans ce texte une tentative de récupération...
En croisant le regard embué d'un ancien combattant, on comprend combien la paix est précieuse.
Plusieurs dizaines de milliers de harkis ont été assassinés en Algérie. Comment ne pas leur rendre hommage ? La République n'a pas été à la hauteur : 90 000 harkis ont été rapatriés, dont 40 000 ont vécu violences et brimades dans des camps. Rien ne pourra jamais réparer cela. Mais nous reconnaissons les grandes nations à leur faculté à regarder leur histoire droit dans les yeux.
Dans cet hémicycle, nous déplorons le communautarisme, mais il faut reconnaître que notre pays a manqué de fraternité à l'égard de ces rapatriés. Ils ont développé tant de solidarité entre eux, comment le leur reprocher ? Je regrette que le présent projet de loi divise aujourd'hui cette communauté. Certes, il a été déposé précipitamment, mais je le voterai dans un esprit de responsabilité à la condition que mon amendement à l'article 3 soit adopté.
J'espère que nos amendements seront acceptés, notamment au regard des garanties apportées à la Commission nationale de reconnaissance et de réparation. Cette page douloureuse sera difficile à refermer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Émilienne Poumirol . - L'article premier prévoit la reconnaissance des harkis et des participants aux forces supplétives par la France. Nous le saluons.
Un amendement de la rapporteure précise la notion de structure. Néanmoins, la reconnaissance de l'État devrait s'étendre à l'ensemble des harkis, à toutes les familles, venues en France même hors rapatriement militaire. Un droit à réparation individuelle et une reconnaissance non discriminante seront sources d'apaisement.
M. Hussein Bourgi . - L'article premier reconnaît les préjudices subis par les harkis. Leur patriotisme aura été mal récompensé par la mère patrie qui les a abandonnés. Je rencontre les harkis depuis trente ans, et j'ai entendu le sentiment d'injustice qu'ils portent en bandoulière, à la place des armes dont on les a privés. J'ai écouté le silence assourdissant de ces hommes et femmes qui ne voulaient plus évoquer les exactions et les humiliations. Leur histoire, c'est la nôtre. Longtemps, à Lodève, à Avène, à Rivesaltes, ils ont été relégués dans des camps et des hameaux de forestage.
Dans les mémoires aussi, ils ont été relégués bien loin.
Nous sommes favorables à votre démarche, madame la ministre, mais pas à n'importe quel prix : ne divisons pas ! Il ne faut ni mégoter ni barguigner. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Olivier Paccaud . - Dans l'histoire de France, il y a des heures glorieuses. Il y a aussi des pages sombres, comme la guerre d'Algérie. Les plaies ne sont pas cicatrisées. Ces « tristes événements » ne sont pas si lointains. Rien n'était simple, certes, mais l'Algérie fut un récif tranchant.
Le mouvement de la décolonisation fut puissant, mais le sort réservé aux harkis n'est à l'honneur ni de la France ni de l'Algérie. Pourchassés d'un côté, abandonnés de l'autre, ils périrent par milliers. Injustement oubliés, les harkis méritent l'hommage de toute la France, qui est leur pays. Il faut rendre aux harkis ce que la France leur doit.
Ce texte est une avancée perfectible. Nous voulons pouvoir regarder nos fils harkis droit dans les yeux. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Mme Valérie Boyer . - Nous sommes tous d'accord pour dire que nous parlons d'un drame français.
Nous voulons que la France reconnaisse le droit d'être Français à tous les anciens combattants. Notre pays sait ce qu'il leur doit.
Si l'on veut savoir ce qu'est l'identité nationale, écoutons les harkis : être Français, c'est choisir la France et l'aimer par-dessus tout.
Pour construire une mémoire sereine et apaisée, il faut être deux : il nous faut justice et vérité des deux côtés de la Méditerranée. Le discours du Président de la République a été bien accueilli, mais le texte d'aujourd'hui a déçu. La fidélité des harkis a été trahie. Il n'y aura pas de reconnaissance des harkis tant que la France célébrera les tragiques accords d'Évian (murmures désapprobateurs sur les travées du groupe SER) qui marquent le début de leur drame.
Je me souviens des mots d'un maire de Marseille, ministre de l'Intérieur, qui invitait les harkis à se réadapter ailleurs. (Protestations sur les mêmes travées)
Nous porterons des amendements pour apporter à ce texte un supplément d'âme, pour que notre pays retrouve ses valeurs et son histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Daniel Chasseing . - Notre pays a abandonné les harkis. Reconnaissons la responsabilité de l'accueil indigne que nous leur avons réservé. Ils ont été placés dans des structures fermées. Le projet de loi n'inclut pas les 40 000 rapatriés n'y ayant pas séjourné. Or tout le monde devrait être indemnisé. Ceux qui ont été placés dans des structures urbaines n'avaient pas une vie confortable, même s'ils avaient le droit de circuler.
La distinction entre les structures fermées et la ville n'est pas totalement satisfaisante même si ce projet de loi est une étape dans la reconnaissance totale des harkis. Nous sommes tout de même favorables à cet article.
M. Jean-Pierre Sueur . - Je voulais demander une réparation générale, sans séparation incompréhensible. Les situations sont diverses, certes. Mais dans le Loiret, dans la commune de Semoy, la cité de l'Herveline accueillait des harkis. Ils me disent qu'ils n'étaient pas reconnus, pas pris en considération. Conjointement avec le maire de la commune et les harkis du Loiret, je demande que la commission qui sera mise en place ait toute latitude pour examiner tous les dossiers, de telle manière que des personnes placées en situation d'isolement, que ce soit en camp d'accueil - appellation presque ironique -, en hameaux de forestage ou dans cette cité soient pleinement prises en considération, pour bénéficier des réparations.
Il ne faut pas que les critères retenus puissent être considérés comme arbitraires et la seule façon de ne pas l'être, c'est de prendre en compte toutes les situations.
Mme la présidente. - Amendement n°39, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 1
Après le mot :
assimilés
insérer les mots :
citoyens français anciennement
M. Rachid Temal. - Reconnaissons dans la loi que les harkis étaient des citoyens français.
C'est la moindre des choses quand on a été enrôlé dans l'armée ; l'ordonnance de 1962 le prévoyait d'ailleurs.
C'est une demande légitime, naturelle et assez simple.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
Alinéa 1
Après le mot :
Algérie
insérer les mots :
en tant que citoyens français
Mme Valérie Boyer. - Mon objectif est la dignité et la justice. Avant d'être harkis, ces personnes étaient des citoyens français : il faut l'écrire.
Par ailleurs, dans leur immense majorité, les anciens supplétifs réfugiés en France sont juridiquement redevenus Français par la procédure de la « déclaration recognitive » qui leur a été ouverte jusqu'en 1967 par l'ordonnance de juillet 1962.
L'ambition de ce projet de loi étant de « reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l'accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d'Algérie, sur son territoire après les accords d'Évian et de réparer les préjudices subis par ces personnes résultant de leurs conditions de vie, particulièrement précaires, dans les structures de transit et d'hébergement où ils ont été cantonnés », il convient de nommer les événements et les personnes impliquées afin de répondre à cet objectif.
Les harkis étaient des militaires français qui ont versé leur sang.
Tous les 25 septembre et tous les 5 décembre, je me rends aux commémorations. Mais une date unique serait bien plus satisfaisante.
Mme la présidente. - Amendement n°14, présenté par M. Bourgi.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France reconnaît que les Harkis étaient des citoyens français à part entière lorsqu'ils servaient et défendaient ses intérêts.
M. Hussein Bourgi. - Lorsque les harkis se sont engagés, ils étaient des citoyens français à part entière. Ils ont perdu cette nationalité lors des accords d'Évian. Ils l'ont recouvrée progressivement grâce à l'ordonnance du 21 juillet 1961.
Cet épisode fâcheux a été vécu par les intéressés comme une marque d'indignité infligée par la mère patrie.
Plus récemment, certains m'ont dit l'avoir vécu comme une déchéance de nationalité, comme une infamie supplémentaire.
Il convient de proclamer dans la loi que les harkis étaient des citoyens français à part entière.
Au-delà de la réparation symbolique, il s'agit d'une réalité incontestable qu'il n'appartient à personne de contester.
Mme la présidente. - Amendement n°31rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Longuet, Belin, Détraigne, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol, Mmes Demas et Devésa et M. Saury.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France reconnaît que les harkis ont servi en Algérie en tant que citoyens français.
M. Philippe Tabarot. - Cet amendement accorde la qualité de Français aux harkis.
À cette époque, les harkis étaient bel et bien Français, avant de perdre cette nationalité à la faveur des accords d'Évian, puis de la récupérer.
Non seulement les harkis ont fait le choix de la France, mais à l'époque, l'Algérie était française. Les harkis ont besoin de réparation, mais surtout de reconnaissance.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l'ordre donné par le Gouvernement français de ne pas rapatrier les harkis et leurs familles, conduisant de fait à leur abandon sur le territoire algérien, postérieurement aux déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie. Elle reconnaît que cet abandon a conduit les populations de harkis et personnes anciennement de statut civil de droit local, exposées aux représailles de membres du Front de libération nationale, à un sort tragique et souvent fatal.
Mme Valérie Boyer. - Dans le même esprit, cet amendement reconnaît l'abandon par la France des forces supplétives sur le sol algérien, qui a conduit à de nombreuses représailles envers les harkis et leurs familles. Plusieurs milliers d'entre eux ont été massacrés sur le sol algérien dans des conditions particulièrement cruelles. Le Président de la République, dans son discours du 20 septembre 2021, a évoqué le 19 mars 1962 comme « la fin des combats, le soulagement pour beaucoup, l'angoisse pour tant d'autres, le début du calvaire pour les harkis, la cruauté des représailles, l'exil ou la mort ». La valise ou le cercueil...
La France ne saurait accepter la responsabilité de massacres qu'elle n'a pas commis, mais elle doit reconnaître sa responsabilité dans l'abandon délibéré des harkis et des personnes anciennement de statut civil et de droit local, restés en Algérie, et de leurs familles. Car cet abandon a conduit à des massacres.
Il est important de voter cet amendement pour affirmer que si la France n'a pas commis ces atrocités, sa trahison doit être réparée.
Mme la présidente. - Amendement n°18, présenté par Mme Devésa.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Elle reconnaît que les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie ont amené à l'abandon des harkis, pourtant citoyens français, entraînant des massacres sur le territoire algérien, des représailles ainsi que l'exil forcé de harkis.
Mme Brigitte Devésa. - Nombre d'amendements ont la même teneur que celui-ci, qui vise à reconnaître la responsabilité de l'État français dans l'abandon des harkis et de leurs familles après les accords d'Évian du 19 mars 1962.
Le nôtre inscrit noir sur blanc dans ce texte de loi les deux mots, « citoyens français ».
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l'accueil attentatoire à la dignité humaine de ceux qui ont été relégués dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu'à des spoliations, à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles et aux libertés publiques qui ont été source d'exclusion, de souffrances et de traumatismes durables induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.
Mme Valérie Boyer. - Cet amendement inclut dans le champ de la reconnaissance ici prévue les ayants droit des harkis qui ont subi une perte de chance due aux conditions de vie et à l'absence de scolarisation. Entre eux et les autres citoyens et enfants de la République, il y a eu rupture d'égalité.
Élargir la reconnaissance de la faute de la France à l'endroit de la deuxième génération passée par les camps, les hameaux de forestage et les foyers constituerait une avancée sans précédent, que le Président de la République a du reste souhaitée dans son discours de 2021.
Il s'agit également de reconnaître que ceux qui ont été relégués dans les structures d'hébergement ou de transit ont subi divers préjudices, de la privation de libertés à la spoliation de leurs biens.
Mme la présidente. - Amendement n°53, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Après le mot :
responsabilité
insérer les mots :
dans l'abandon des harkis sur le sol algérien, la gestion aléatoire du rapatriement de certains d'entre eux et les conditions particulièrement inhumaines des harkis qui furent accueillis dans les structures dédiées sur le territoire français
M. Hussein Bourgi. - Ce projet de loi reconnaît la responsabilité de la France : elle a abandonné les harkis qui vivaient sur le sol français.
Mais la responsabilité vis-à-vis de ceux qui sont restés sur le sol algérien est aussi importante ; leur sang a rougi le port d'Alger pendant plusieurs jours !
Mme Valérie Boyer. - C'est vrai !
M. Hussein Bourgi. - Ils ont attendu en vain l'aide de la France.
Mme la présidente. - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Tabarot et Mandelli, Mme V. Boyer, MM. Longuet, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Belin, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol et Mmes Demas et Devésa.
Alinéa 2
Après le mot :
responsabilité
insérer les mots :
dans l'abandon et
M. Philippe Tabarot. - La France est responsable de l'accueil indigne qu'elle a réservé aux harkis sur son sol mais aussi des actes barbares perpétrés par le FLN à l'encontre des harkis restés en Algérie.
Mme la présidente. - Amendement n°40, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
personnes rapatriées
par les mots :
citoyens français rapatriés
M. Rachid Temal. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°43, présenté par M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Après le mot :
rapatriées
insérer les mots :
ou rentrées en France par leurs propres moyens
M. Lucien Stanzione. - Il convient de reconnaître les préjudices subis par tous les harkis en France. Mais on manquerait à notre devoir en excluant ceux rentrés en France par leurs propres moyens, souvent dans des conditions tout aussi difficiles.
Il faut une reconnaissance identique pour tous les harkis et les personnes anciennement de droit local.
Mme la présidente. - Amendement n°33 rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier et Hingray, Mme Ventalon, MM. Longuet, Belin, Détraigne, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol et Mmes Demas et Devésa.
Alinéa 2
Après les mots :
des personnes rapatriées d'Algérie
insérer les mots :
ou arrivées par leurs propres moyens
M. Philippe Tabarot. - On oublie que certains harkis sont arrivés en France par leurs propres moyens. Ne les excluons pas.
Certains, torturés et emprisonnés en Algérie, n'ont pu venir que des années plus tard en France. Il ne faut pas les oublier.
Mme la présidente. - Amendement n°41, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, hébergés dans de structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu'à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d'exclusion, de souffrances et de traumatismes durables
M. Rachid Temal. - Cet amendement élargit le projet de loi à tous les harkis accueillis en France, qu'ils l'aient été dans des camps ou non.
Mme la présidente. - Amendement n°42, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Après le mot :
familles,
insérer le mot :
notamment
M. Rachid Temal. - C'est un amendement de repli. L'ajout du mot « notamment » permettra à tous les harkis de prétendre à une juste réparation.
Mme la présidente. - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Corbisez, Roux, Bilhac, Gold, Cabanel, Fialaire et Requier.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
dans des structures de toute nature
par les mots :
pour leur transit puis leur cantonnement dans des structures de toute nature fermées ou ouvertes
M. André Guiol. - Cet amendement évite toute discrimination fondée sur les conditions d'accueil et d'hébergement sur le territoire français.
Il est dommage de distinguer les structures selon qu'elles furent ouvertes ou fermées.
La commission nationale indépendante, créée à l'article 3, pourra instruire les demandes de reconnaissance et de réparation, dans le cadre d'une enveloppe financière dédiée, annuelle et normée qui devra intégrer toutes les situations de logement ayant abouti à une relégation de la communauté.
Mme la présidente. - Amendement n°51, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Remplacer le mot :
précaires
par le mot :
inhumaines
M. Hussein Bourgi. - Derrière les mots, il y a des réalités. Parler de conditions d'accueil précaires, c'est atténuer la réalité. Il y a eu promiscuité, manque d'eau, absence de soins. On a empêché les harkis de se mêler à la population. L'hébergement précaire, cela aurait été de recevoir les harkis à l'hôtel, par exemple.
Mme la présidente. - Amendement n°59, présenté par Mme Benbassa.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'État français reconnaît avoir refusé de rapatrier tous les harkis en les abandonnant à leur sort sur le territoire algérien.
Mme Esther Benbassa. - L'article premier ne concerne que les harkis dans les camps et pas ceux arrivés par leurs propres moyens.
Tous les supplétifs de l'armée française n'ont pas eu le choix entre partir en France ou rester en Algérie.
N'excluons aucun supplétif du périmètre du texte. La France a une double responsabilité, elle qui a abandonné les harkis sur le sol français et sur le sol algérien.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
S'agissant des harkis et des personnes anciennement de statut civil de droit local et leurs familles rapatriées sur son territoire, la France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l'abandon de certains d'entre eux arrivés par leurs propres moyens dans le plus grand dénuement.
Mme Valérie Boyer. - Certains harkis et personnes anciennement de droit civil local sont arrivés en France par leurs propres moyens et, n'ayant pas séjourné dans des structures d'accueil, ont été livrés à la plus grande précarité dans l'indifférence générale, voire l'hostilité. Ils ont de fait subi un préjudice. Circonscrire cette loi à l'espace déterminé des structures de toute nature, exclura, en violation du principe constitutionnel d'égalité des citoyens, des harkis qui ne sont pas passés par ces structures mais qui seraient pourtant éligibles à une reconnaissance du préjudice subi.
Cette reconnaissance est une sépulture de dignité pour ceux qui sont morts dans des circonstances atroces. C'est aussi une réparation morale.
Mme la présidente. - Amendement n°44, présenté par M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l'accueil attentatoire à la dignité humaine des personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et des membres de leurs familles, ainsi que les souffrances et les traumatismes durables occasionnés par ces conditions de rapatriement, induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.
M. Lucien Stanzione. - Le 20 septembre 2021, le Président de la République disait qu'il fallait réparer pour la première génération, mais aussi pour la deuxième, qui a vécu les camps et les hameaux de forestage.
Cet amendement reconnaît donc les traumatismes et les préjudices subis par les descendants des harkis.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'article premier reconnaît la responsabilité de la Nation dans les conditions d'accueil indignes faires aux harkis. Les lois des 11 juin 1994 et 23 février 2005, toujours en vigueur, reconnaissent déjà cette responsabilité.
Les amendements nos39, 2 rectifié, 14, 31 rectifié et 40 précisent que les harkis étaient français. Mais tous les supplétifs ne l'étaient pas : il y avait aussi des Tunisiens et des Marocains.
L'ordonnance du 21 juillet 1962 a fait perdre leur nationalité française aux supplétifs de droit local sauf s'ils étaient installés en France et s'ils avaient déposé une demande avant 1967. Avis défavorable donc à ces amendements.
Les amendements nos3 rectifié, 18, 53, 32 rectifié, 59 et 5 rectifié soulignent que certains harkis sont arrivés en France par leurs propres moyens. Le FLN s'était engagé à assurer leur sécurité après les accords d'Évian. Néanmoins la France se saurait se soustraire à sa responsabilité à l'égard des harkis. Ces amendements sont satisfaits car l'alinéa 1 de l'article premier reconnaît l'abandon des harkis par la France. Retrait ou avis défavorable.
En outre, adopter ces amendements à l'article premier serait sans effet sur les indemnités prévues à l'article 2.
M. Philippe Tabarot. - Justement !
Les amendements nos4 et 44 mentionnant la perte de chance des harkis et de leurs enfants sont satisfaits par ce texte et par les précédents. Retrait ou avis défavorable.
Sur les amendements nos43 et 33 rectifié, le terme « rapatriés » inclut tous les supplétifs, quel que soit leur mode d'arrivée. Retrait ou avis défavorable car satisfaits.
Les amendements nos41, 42 et 15 élargissent les critères d'éligibilité aux structures ouvertes. L'alinéa 1 reconnaît l'abandon de tous les harkis mais l'alinéa 2 cible la responsabilité de l'État pour avoir accueilli les harkis dans des camps. Il ne saurait en être de même pour les cités urbaines qui n'étaient pas régies par un régime administratif dérogatoire du droit commun. Une telle mesure créerait une rupture d'égalité avec ceux qui ont séjourné en cité. Avis défavorable.
Enfin, si je comprends l'amendement n°51, le texte précise déjà que les conditions d'accueil étaient indignes. Il me semble suffisamment précis. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Je rejoins les conclusions de la rapporteure tendant au rejet de ces amendements. En toute humilité, je ne pense pas qu'ils apporteront quelque chose à ce texte simple et clair, qui comporte le terme d'abandon, lequel se suffit à lui-même.
Bien sûr que les harkis sont français. C'est un état de fait. L'ensemble des communications de notre ministère le rappelle. Cependant, la rigueur historique se rappelle à nous : la rapporteure a précisé que certains étaient tunisiens ou marocains.
M. Rachid Temal. - Certains !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Ils doivent pouvoir prétendre à réparation s'ils sont passés par un camp ou un hameau de foresterie.
Le 19 mars ne correspond pas à un soulagement, sauf peut-être pour les appelés, contents de rentrer chez eux. Nous savons tous que le 19 mars marque aussi l'accroissement de la violence, c'est historique. Il est clair qu'à la fin de la guerre d'Algérie, les autorités de l'époque...
M. Rachid Temal. - Qui ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - ... ont sous-dimensionné les problèmes de rapatriement : nous le reconnaissons déjà. Mais l'État français avait fait inscrire dans ces accords longuement négociés la protection des harkis par les nouvelles autorités algériennes : la responsabilité des massacres n'est donc pas celle de l'État français ; nous sommes, je pense, tous d'accord sur ce point.
Les conditions de rapatriement ont été difficiles, car largement improvisées et contradictoires. Tous les rapatriés, pieds-noirs compris, en ont souffert.
Après le 19 mars 1962, il a été mis en place un rapatriement insuffisant de 5 000, puis 10 000 places ; en mai 1962, trois instructions de Pierre Messmer, ministre des armées, Louis Joxe, ministre des affaires algériennes et Roger Frey, ministre de l'Intérieur, ont rappelé l'interdiction des rapatriements hors de ce plan. C'est, en septembre 1962, Georges Pompidou qui a décidé de l'accueil des harkis. Entre 1963 et 1965, l'ambassade de France a appuyé les efforts du Comité international de la croix rouge (CICR) pour la libération des prisonniers harkis en Algérie. Beaucoup d'entre eux sont ensuite arrivés de façon perlée. Ils entrent dans le périmètre de la réparation, s'ils ont vécu dans les camps ou les hameaux.
Je tiens à rappeler le doublement, depuis le 1er janvier, de l'allocation de reconnaissance créée par Jacques Chirac, et qui concerne tous les combattants, qu'ils soient passés par les camps ou les hameaux, ou non.
Cette loi tend à réparer les fautes de l'État, qui a contrevenu aux exigences d'accueil et de scolarisation ; ce sont ces privations de liberté, d'éducation, cette mise sous tutelle de l'État, ces fautes contraires aux valeurs de la République, que nous entendons réparer, comme l'a dit le Président de la République le 20 septembre 2021.
Cette loi telle qu'enrichie par l'Assemblée nationale est remarquable...
M. Rachid Temal. - Remarquable !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - ... dans la mesure où la commission qu'elle crée pourra augmenter le nombre de lieux concernés.
M. Rachid Temal. - Ce n'est pas le sujet !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - À l'heure actuelle, nous reconnaissons d'ores et déjà 80 lieux, et la liste est enrichie par cinq nouveaux lieux.
Cela montre que rien n'est cadenassé. Cette loi permet d'évoluer.
La question de l'abandon des harkis sur le sol algérien doit faire l'objet d'un traitement mémoriel avec l'Algérie. Nous n'y sommes pas, mais ayons confiance en l'avenir. Plus on s'éloigne des faits...
M. Rachid Temal. - Soixante ans, quand même !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - ... plus les choses s'améliorent. Avis défavorable sur tous les amendements.
M. Rachid Temal. - Je suis extrêmement choqué par les propos de la rapporteure et de la ministre sur la citoyenneté française des harkis.
Si l'on parle de statut civil de droit local, c'est donc bien d'Algériens qu'il s'agit. Pourquoi ne sous-amendez-vous pas mon amendement pour préciser : « à l'exception des Tunisiens et Marocains » ? Vos arguments ne sont pas au niveau : ils étaient français et il faut l'indiquer dans la loi. Quelle est votre intention, sinon d'humilier encore une fois les harkis ?
Ensuite, sur le périmètre, la loi reconnaît « et » répare. Elle ne reconnaît pas certains points « pour » en réparer d'autres. Il s'agit de donner réparation à des hommes qui ont pris tous les risques pour la France.
M. Philippe Tabarot. - Vous tentez vainement de nous opposer la nationalité tunisienne ou marocaine de certains combattants des harkas, pour contourner un sujet qui vous déplaît.
Aurez-vous le courage de nier devant les harkis leur qualité de Français ?
Vous ne souhaitez pas donner un espoir d'indemnisation qui pourrait être déçu ? Vous oubliez que l'article premier n'est que déclaratif : seul l'article 2 concerne l'indemnisation. Vous nous opposez exactement le même argument pour repousser un amendement tout autre.
M. Olivier Paccaud. - Mon explication de vote porte sur les amendements sur la citoyenneté française de MM. Temal, Bourgi, Tabarot et de Mme Boyer, qui proposent la même chose, si ce n'est que M. Temal ajoute « anciennement ».
M. Rachid Temal. - Simplement concernant le statut.
M. Olivier Paccaud. - Il y a une quasi-unanimité sur le fait que cette citoyenneté française doit être gravée dans le marbre. On ne ressuscite jamais les martyrs. Mais si, comme le dit élie Wiesel, l'oubli est une seconde mort, un oubli volontaire est une insulte à la mémoire de ces martyrs. Ils ont été loyaux envers la France et, pour cela, exterminés par les tueurs du FLN. Exauçons la volonté des descendants de ces braves : rendons-leur justice en leur reconnaissant pour toujours la citoyenneté française. (Marques d'approbation et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Hussein Bourgi. - Madame la ministre, madame la rapporteure, vous ne pouvez dire que vous comprenez nos amendements pour ensuite les balayer d'un revers de main.
Nos débats sont suivis, non seulement en tribune, mais aussi sur internet : je reçois en ce moment même des SMS de harkis qui se sentent blessés par vos propos. Le Sénat aussi a vocation à enrichir le texte. Quel que soit notre groupe, votons en conscience et en responsabilité !
M. Jean Louis Masson. - Il faut en faire le plus possible pour les harkis, mais cela n'interdit pas d'avoir un peu de pudeur. Combien de gouvernements de gauche et de droite y a-t-il eu depuis cinquante ans ? Ils n'ont rien fait ! (Protestations à droite et à gauche)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Merci !
M. Jean Louis Masson. - Si les harkis ont été massacrés, c'est aussi de la faute de ceux qui ont voulu les abandonner. Sans vouloir blanchir le présent Gouvernement, je trouve que donner des leçons est excessif.
M. Daniel Chasseing. - Je me réfère, moi aussi aux quatre premiers amendements. Les harkis ont versé leur sang pour la France. Mesdames la rapporteure et la ministre, cette loi répare une faute de l'État français, mais il ne me semble pas inutile de préciser que les harkis étaient, dans leur immense majorité, des citoyens français.
Mme Valérie Boyer. - Nous sommes ici au Parlement français pour voter une loi mémorielle sur des Français qui ont choisi la France, qui ne l'ont pas trahie.
Oui, ces débats sont très regardés par des familles dont les ancêtres sont nés de l'autre côté de la Méditerranée. En 1962, je n'étais pas parlementaire ; j'étais dans les valises de mes parents, à qui Gaston Defferre a demandé d'aller se réadapter ailleurs. Nous portons le poids de cette mémoire. Dénier aux harkis le fait d'être français est une offense à notre mémoire.
Il n'est pas question de couleur politique. Seules trois couleurs nous intéressent ici : bleu, blanc, rouge. Ce sont les couleurs pour lesquelles ils sont partis et pour lesquelles certains sont tombés. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Raymond Hugonet. - M. Masson nous traite de donneurs de leçons : il est expert en la matière ! (M. Rachid Temal le confirme.) Mais, madame la ministre, vous qui représentez ici le « en même temps », notez que dans cet hémicycle, des voix concordent pour améliorer le texte. C'est donc qu'il est perfectible (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Esther Benbassa. - Nous oublions de dire que les harkis étaient des protagonistes du contexte colonial. (Protestations à droite) La colonisation de l'Algérie est une réalité ! N'oublions pas qu'au contraire des rapatriés, les harkis - Français ou non - étaient des musulmans. (Protestations à droite)
Mme Valérie Boyer. - Et alors ?
Mme Esther Benbassa. - Les rapatriés n'ont pas été enfermés dans des camps, ils ont pu s'intégrer dans la société. Arrêtons de noyer le poisson et voyons la réalité en face !
M. Marc Laménie. - En tant que rapporteur spécial du budget des anciens combattants, je rappelle qu'il comprend le programme 169 « reconnaissance et réparations en faveur du monde combattant ». Le terme de réparation est fondamental.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - La devise de la légion étrangère est frappante : on est aussi français par le sang versé. Entre 60 000 et 150 000 harkis ont été massacrés après les accords d'Évian. Avoir un débat sur leur qualité de Français n'est pas approprié. Même si certains ne l'étaient pas techniquement, c'est notre devoir de les reconnaître comme des Français.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Je n'accepte pas les propos foulant aux pieds le travail de la rapporteure, lui reprochant d'injurier la mémoire des harkis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également)
Personne n'a jamais dit qu'ils n'étaient pas citoyens français, mais que certains d'entre eux venaient d'autres pays. Vos propos décrédibilisent vos prises de position. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Raymonde Poncet Monge et M. Martin Lévrier applaudissent également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Il faut un peu d'apaisement. Le conflit d'Algérie...
M. Guy Benarroche. - La guerre !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - La guerre, oui... a laissé les esprits à vif encore aujourd'hui. Il nous faut respecter toutes les mémoires et faire en sorte que chacune se sente à l'aise dans le champ mémoriel.
Cela m'écorche les oreilles d'entendre que nous ne considérerions pas les harkis comme français. Ce sont des citoyens français depuis toujours ; je n'ai jamais dit le contraire, et c'est écrit dans le rapport Ceaux, dont je vous recommande la lecture. (M. Olivier Paccaud proteste.)
Je ne voudrais pas que cet ajout crée des zones d'exclusion pour certains. Des Tunisiens et Marocains ont combattu également dans l'armée française.
M. Rachid Temal. - Combien ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Ils ne sont peut-être pas très nombreux, mais ils méritent tout autant une réparation. Simplifions, pour que chacun puisse voir son droit respecté, et que nous n'ayons pas besoin de voter une nouvelle loi pour corriger cela. Telle est la raison de mon avis défavorable, il ne s'agit pas de blesser les harkis et leurs familles. Cela fait cinq ans que je rencontre les associations, je les connais. Leur histoire est touchante, troublante, car méconnue. Abordons-la avec dignité et pragmatisme et faisons une loi utile. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
M. René-Paul Savary. - Je ne comptais pas intervenir, car je sais que nous partageons tous les mêmes préoccupations. Moi-même suis rapatrié d'Algérie. Les événements de la rue d'Isly sont concrets pour moi : ma cousine germaine a ainsi reçu un cadre sur la tête à cause des mitraillages. Nous sommes repartis de rien, élevés avec cette mémoire des événements traumatisants ; les harkis font partie de cette histoire, ils se sont battus à nos côtés ; ils sont français ! Jamais la commission ne l'a mis en doute.
Retrouvons la sérénité. Je fais confiance au travail de la commission. Ce texte est une avancée importante. Nous nous retrouvons tous dans la volonté d'une reconnaissance. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et sur les travées du groupe UC)
M. Laurent Burgoa. - J'apporte moi aussi mon soutien à Mme la rapporteure, qui a réalisé un travail très important. On dit que nous sommes des sages... Certains propos ici prononcés ne sont pas très sages.
Dans mon département, il y a beaucoup de harkis. Personne n'a jamais dit, à la commission des affaires sociales, qu'ils n'étaient pas français.
Sur ce sujet sensible, essayons de retrouver un peu de responsabilité. Je suivrai l'avis de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et sur les travées du groupe UC ; M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. Bernard Buis. - Soutenons Mme la rapporteure. Les harkis sont bien français, nous le savons tous.
L'amendement n°39 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos2 rectifié, 14, 31 rectifié, 3 rectifié, 18, 4 rectifié, 53, 32 rectifié, 40, 43, 33 rectifié, 41, 42, 15 rectifié, 51, 59, 5 rectifié et 44.
L'article premier est adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
ARTICLE PREMIER BIS
M. Bernard Buis . - Le samedi 25 septembre 2021, dans la Drôme, nous avons doublement honoré les harkis au carré militaire de Valence et avec une plaque sur le site du hameau de forestage de Beaurières.
Honorer, c'est bien, mais il faut aller plus loin. L'ONACVG pourra accompagner leurs enfants et descendants, qui sont au coeur de cette histoire.
Voici comment l'un d'entre eux décrit son arrivée à Beaurières : « On est arrivés fin 1962. C'était l'hiver. Nous étions logés dans des tentes meublées avec de gros poêles à bois, des lits en fer et des tables de l'armée. Quelques jours plus tard, il se mit à neiger ; la neige nous arrivait aux genoux et ce n'était pas évident, car il fallait prendre le chemin de l'école distante de 3 kilomètres. Ma petite soeur, en voyant la neige, a dit à ma mère que c'était comme du sable, mais froid. »
Ce froid glacial a pu, pour certains, se doubler d'une indifférence ; mais pas dans la Drôme où la chaleur humaine et la solidarité se sont exercées sous la houlette d'André Reynaud, le maire, qui n'hésitait pas à faire le tour des maisons, des commerces, pour que les habitants puissent aider les arrivants. Je me félicite que lors de l'examen à l'Assemblée nationale, l'article premier bis ait étendu la journée nationale d'hommage à toutes les personnes qui leur ont porté secours et assistance. Elles font honneur à la République, là où malheureusement l'État avait failli. À Beaurières, Élisabeth et Pascal Reynaud, les enfants du maire, nous le rappellent : tous les enfants étaient sur les mêmes bancs à l'école et jouaient ensemble sans distinction. La chaleur humaine est grande mais la réparation apportée par cette loi de réparation est un plus indéniable. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Valérie Boyer . - Le sujet rouvre les plaies de beaucoup d'entre nous. Nos amendements ne sont pas là pour dénigrer l'excellent travail de la rapporteure, mais pour améliorer le texte sur des sujets que nous portons depuis toujours - que nous le voulions ou non. Je veux que ce texte reconnaisse les massacres de la rue d'Isly et d'Oran, au cours desquels des militaires, des civils, hommes, femmes et enfants sont morts. Jean-Jacques Jordi dénombre 330 disparus civils jusqu'aux accords d'Évian ; plus de 600 ensuite, soit deux fois plus en quatre mois qu'en six ans de guerre !
Rue d'Isly, le bilan officiel d'une fusillade qui a duré douze minutes fut de 49 morts et 200 blessés, tous civils sauf un mort militaire. Les civils n'ont pas pu enterrer leurs morts dignement, les obsèques religieuses ont été interdites et les corps furent amenés directement au cimetière par camions militaires au jour et à l'heure choisie par les autorités. Il s'agit de la répression d'État d'une manifestation de rue la plus violente qu'ait jamais connu la France depuis la Commune.
Enfin, à Oran, le 5 juillet 1962, en quelques heures...
Mme la présidente. - Votre temps de parole est épuisé.
M. Marc Laménie. - Je salue cette journée nationale d'hommage, instituée en 2003, aux harkis et à tous ceux qui leur ont porté secours.
La date de l'hommage du 25 septembre rassemble tous les représentants de l'État et des anciens combattants, pour lesquels nous avons beaucoup de respect.
Le 19 mars et le 5 décembre sont aussi deux dates importantes pour la mémoire. Je soutiens donc cet article.
M. Philippe Folliot. - Les grands peuples se distinguent par l'analyse lucide de leur histoire, dans ce que celle-ci a de plus beau, mais aussi de plus tragique. Aujourd'hui, nous voulons réparer une injustice flagrante, pour ceux qui ont choisi la France, dans une période troublée, dans une véritable guerre civile. Je voterai cet article premier bis pour nos compatriotes harkis, pour leurs descendants et pour ceux qui les ont soutenus.
Cette journée spécifique est essentielle. D'autres commémorations méritent aussi le respect. Mais cette date permettra un hommage serein.
Je salue le travail de la rapporteure, qui nous permet aujourd'hui de débattre de ces sujets.
Mme la présidente. - Amendement n°50, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 1, première phrase
Après le mot :
consentis
insérer les mots :
et des sévices qu'ils ont subis
M. Hussein Bourgi. - Cet article salue les sacrifices consentis par les harkis, ciblés parce qu'ils étaient militaires français. Mais il serait aussi juste de rappeler que des membres de leurs familles ont été victimes de sévices alors qu'ils n'étaient pas dans l'armée. Chaque année, je rencontre des harkis qui me racontent que leurs parents ont été exécutés chez eux, dans leur village, parce que leur fils s'était engagé dans l'armée française. Ils n'avaient pourtant rien demandé.
Je propose de les inclure symboliquement dans la mémoire collective.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure - Cet amendement est pertinent. Il est indéniable que les proches ont subi des sévices. Avis favorable.
M. Rachid Temal. - Merci !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Vous évoquez une douloureuse vérité historique. Cette journée d'hommage englobe tous ceux qui ont servi la France. La mention des sévices est sans doute comprise dans la rédaction actuelle... Sagesse. (M. Rachid Temal s'en réjouit.)
L'amendement n°50 est adopté.
L'article premier bis, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE PREMIER BIS
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2012-1361 du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc est abrogée.
Mme Valérie Boyer. - Ce que la loi a fait, la loi peut le défaire. La loi du 6 décembre 2012 a imposé la date du prétendu cessez-le-feu, le 19 mars, comme date d'hommage.
Nicolas Sarkozy l'a dit : « Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date soit acceptée par tous. » Jacques Chirac, qui avait été sous-lieutenant dans ce conflit, avait choisi le 5 décembre, date plus neutre. Puis nous avons choisi le 25 septembre, date qui apaise.
Même François Mitterrand l'affirmait lui aussi : « cela ne peut être le 19 mars, car il y aurait confusion dans la mémoire de notre peuple. Ce n'est pas l'acte diplomatique rendu à l'époque qui pourrait s'identifier à ce qui pourrait apparaître comme un grand moment de notre histoire, d'autant plus que la guerre a continué, que d'autres victimes ont été comptées et qu'au surplus il convient de ne froisser la conscience de personne ».
C'est pour cela que j'ai tenu à évoquer ce qui s'est passé après. Comme l'a rappelé Jean Tenneroni, que je tiens à citer en conclusion, la date du 19 mars n'est pas propre à apaiser les mémoires. Dans un souci d'apaisement, il faut la changer.
Mme la présidente. - Amendement identique n°34 rectifié ter, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, Hingray, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon, Grosperrin, Paccaud et J.M. Boyer, Mme Demas et M. J.B. Blanc.
M. Philippe Tabarot. - Madame la ministre, pour justifier votre position, vous avez évoqué la question de quelques Tunisiens et Marocains ; mais à l'article 2, cela ne vous dérange pas d'exclure 50 000 harkis des indemnisations...
Le 19 mars 1962 marque l'entrée en vigueur des funestes accords d'Évian qui n'ont jamais signifié la fin des combats et des exactions.
Après cette date de sinistre mémoire, des milliers de harkis et de pieds-noirs ont perdu la vie dans des assassinats et des massacres comme ceux commis rue d'Isly ou à Oran.
Commémorer les accords d'Évian, c'est commémorer l'abandon et la douleur subis par ceux qui se battaient pour notre pays. Si nous souhaitons honorer la mémoire des harkis qui ont choisi la France pour ce qu'elle était et pour les valeurs qu'elle portait, nous ne pouvons accepter cette date, qui est le début des exactions infligées aux harkis et aux pieds-noirs, à qui l'on a imposé « la valise ou le cercueil ».
Le présent amendement vise donc à abroger la loi du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir.
Nous sommes le seul pays à célébrer une défaite ; car le 19 mars est une défaite. (Protestations à gauche)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - C'est la paix !
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Ce texte ne peut trancher cette question, qui divise. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Le 19 mars, factuellement, c'est la signature des accords d'Évian et le cessez-le-feu...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Des violences ont eu lieu après le cessez-le-feu ; c'est un fait historique reconnu par la carte de combattant 1962-1964.
Une remarque : je vois des personnes le 19 mars que je ne vois jamais le 5 décembre, et inversement ; même chose pour le 25 septembre... Il nous faut aller progressivement vers une date commune, certes ; mais nous n'y sommes pas prêts. Je consulte les associations depuis longtemps et je peux vous le dire, même si nous allons progressivement avancer.
Cependant, je me félicite de l'accord trouvé pour honorer les soixante ans des accords d'Évian lors d'une cérémonie commune, qui ne sera ni le 19 mars ni le 5 décembre, mais le 18 octobre.
Les 19 mars est certes une date douloureuse pour les harkis et leurs familles, mais je ne pense pas opportun de retirer cette date du calendrier officiel.
Il est difficile de construire un récit avec plusieurs dates. Avis défavorable.
Madame Boyer, le 26 mars 1962 et les exactions de la rue d'Isly ne relèvent pas de ce texte. Mais j'ai participé le 26 mars dernier à la cérémonie du Quai Branly et déposé une gerbe au nom du Président de la République pour honorer la mémoire des rapatriés.
Mme Michelle Gréaume. - Le travail de mémoire ne doit pas omettre les aspects les plus douloureux. Mais ces amendements ont pour objet de réécrire l'histoire. Le 19 mars 1962 est reconnu par les autorités françaises et algériennes comme marquant la fin de la guerre d'Algérie, alors que la date du 5 décembre ne correspond à aucune réalité historique.
Cet amendement nie la responsabilité de l'OAS dans le massacre de la rue d'Isly, pourtant reconnue par les historiens.
M. Philippe Tabarot. - Quelle honte ! Arrêtez de dire des choses pareilles !
Mme Michelle Gréaume. - Ce sont les mêmes qui ont massacré de nombreux militants communistes, et tenté d'assassiner le Général de Gaulle lors de l'attentat du Petit-Clamart !
M. Philippe Tabarot. - Porteurs de valises !
Mme Émilienne Poumirol. - Je suis étonnée de voir ces amendements dans un texte sur les harkis. Il fallait bien choisir une date et le 19 mars correspond aux accords d'Évian qui ont mis fin à la guerre. Le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945 n'ont pas marqué la fin de toutes les exactions.
Le 19 mars a été une date importante pour les appelés du contingent. Dans ma région, la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie française (Fnaca) en est satisfaite. (MM. Philippe Tabarot et Olivier Paccaud signifient qu'il ne s'agit là que d'une seule association.)
Je voterai donc contre cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je ne comprends pas ce que cet amendement vient faire ici. Vous ressortez un vieux leitmotiv, alors que le cessez-le-feu a été un immense soulagement pour des millions de familles qui ont vu leurs enfants revenir après le 19 mars.
Il y a 4 000 lieux de mémoire dans nos villes où l'on commémore le 19 mars. Ce que vous proposez, c'est de supprimer un symbole de paix, de débaptiser des rues, d'ôter des plaques. Deux maires du Front national l'ont déjà fait. Vous pouvez tenter de réécrire l'histoire, mais le 19 mars restera la date du cessez-le-feu.
M. Olivier Paccaud. - On ne choisit pas une date de commémoration par hasard. Le 11 novembre et le 8 mai s'imposent. Mais d'autres dates sont le fruit de débats, c'est le cas du 14 juillet 1790, pas 1789, date décidée par le Parlement.
Or, après le 19 mars, le sang a continué à couler. Des gens sans défense ont été massacrés, précisément parce que les forces officielles ont rangé les armes. Le 19 mars, c'est le début du calendrier de la haine, le signal de dizaines de milliers d'assassinats atroces !
Madame la ministre, j'espère aussi une date unique, mais commémorer le 19 mars est un non-sens historique, une faute morale et une provocation envers les sacrifiés. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Philippe Folliot. - Je ne voterai pas ces amendements. Nous débattons d'une loi de reconnaissance envers les harkis, pas de la fixation de journées du souvenir. La date du 19 mars fait débat, comme celle du 20 décembre d'ailleurs. Personne ne conteste les exactions qui ont suivi le cessez-le-feu.
Pour autant, je partage les propos de Mme la ministre qui appelle à prendre le temps pour arriver à un cadre consensuel.
Je rappelle aussi que depuis la loi du 25 février 2012, le 11 novembre commémore les morts de toutes les guerres et de tous les conflits.
M. Rachid Temal. - Nous voulons un débat serein.
Personne ne conteste les réalités historiques. Le 19 mars marque bien la fin de la guerre d'Algérie - même si le terme de guerre n'a été admis qu'en 1999. Oui, entre mars et juillet, il y a eu des exactions terribles, des deux côtés, mais la loi de la République a consacré la date du 19 mars.
Ayons un vrai débat là-dessus, plutôt que de voter cet amendement au détour d'un texte sur les harkis.
M. Marc Laménie. - Je suivrai l'avis de la commission. D'abord parce que nous participons tous, en tant qu'élus, aux cérémonies nationales du 19 mars comme du 5 décembre. Nous respectons la loi.
Ensuite parce qu'avec M. Requier et Mme Cukierman, nous avons des échanges avec des associations patriotiques à l'occasion des lois de finances, en recherchant le respect et le consensus.
M. Guy Benarroche. - Cette loi vise à réparer les préjudices subis par les harkis, qui aspirent à la dignité. Je ne comprends pas que certains collègues affaiblissent cette discussion avec ces amendements polémiques que je ne voterai pas.
Comme Valérie Boyer, je suis arrivé d'Algérie dans une valise, et mars 1962 n'est pas un bon souvenir pour ma famille. Pour autant, ne réécrivons pas l'histoire, monsieur Tabarot : ces exactions sont le fait de l'OAS.
M. Philippe Tabarot. - C'est l'OAS qui a massacré cent mille harkis ?
M. Guy Benarroche. - Comme dans toute guerre, il y a eu des exactions de part et d'autre.
Discuter de la date à commémorer doit se faire dans la sérénité. On ne peut pas opposer les morts des uns aux morts des autres. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Valérie Boyer. - Parlerions-nous encore des harkis ici, soixante ans après, s'il n'y avait pas eu de massacres après le 19 mars ? Bien sûr que non ! Les harkis ont été massacrés car ils ont été abandonnés, désarmés...
M. Rachid Temal. - Par qui ?
Mme Valérie Boyer. - À l'Assemblée nationale, j'ai déposé plusieurs propositions de loi pour revenir sur la date du 19 mars, pour reconnaître le massacre de la rue d'Isly et les disparus du 5 juillet. Le 26 mars, je commémore les 80 morts de Bab El-Oued ; le 5 juillet, les 700 morts d'Oran, enterrés en catimini ; le 25 septembre, je rends hommage aux harkis ; le 5 décembre, à tous les morts d'Afrique du Nord.
Les harkis, et tous les Français des trois départements d'Algérie, sont concernés au premier chef par les évènements qui ont suivi le 19 mars.
Ce que la loi a fait, elle doit le défaire. Trouvons une date unique pour réconcilier les mémoires : le 19 mars n'est pas la bonne. (M. Olivier Paccaud applaudit.)
M. Serge Mérillou. - Le 19 mars est une date historique. Elle a mis fin à une guerre qui n'avait que trop duré et a été un soulagement dans tout le pays. On nous dit qu'elle a été suivie par des règlements de comptes - mais le 8 mai 1945 aussi ! Un cessez-le-feu ne signifie pas la fin de toutes les violences.
Je ne voterai pas ces amendements, car la quasi-totalité des anciens combattants d'Algérie sont attachés à la date du 19 mars.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Chacun ici défend ses positions. Le débat mérite d'être posé, et je suis moi aussi favorable à une date unique pour commémorer cette histoire douloureuse. Mais la commission a jugé que ce n'est pas à travers un amendement à ce texte que l'on résoudra le problème. Avis défavorable.
M. Jean-Claude Requier. - Le 19 mars marque la date officielle du cessez-le-feu, même si elle a hélas été suivie d'exactions, d'un côté comme de l'autre. J'avais alors 15 ans et je me souviens du moment où l'orchestre du bal s'est interrompu pour annoncer la fin de la guerre. Ce fut un immense soulagement pour les familles, pour les appelés du contingent. C'est une date qu'on ne peut effacer !
M. Daniel Chasseing. - En Corrèze et dans le Limousin, les anciens combattants restent attachés au 19 mars, alors que, le 5 décembre, il n'y a personne.
Les amendements identiques nos12 rectifié et 34 rectifié ter ne sont pas adoptés.
Accord en CMP
Mme la présidente. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Daniel Chasseing. - Lors du scrutin n°82, Jean-Pierre Decool souhaitait voter pour.
Mme la présidente. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Avant de suspendre la séance, je salue les représentants des associations de harkis qui ont suivi nos débats.
La séance est suspendue à 19 h 55.
présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Harkis et autres personnes rapatriées d'Algérie (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 2
Mme Michelle Gréaume . - Le groupe CRCE soutient la reconnaissance de la responsabilité de la Nation pour le préjudice subi en raison de l'indignité des conditions d'accueil des harkis, source de souffrances et de traumatismes pour des milliers de personnes.
Les critères d'indemnisation prévus sont trop restrictifs.
En ne retenant que ceux ayant séjourné dans des camps ou des hameaux de forestage, plusieurs milliers de harkis seront exclus. En outre, le critère de résidence de 90 jours dans un camp divise inutilement les familles de harkis. Le décès dans un camp n'est pas non plus pris en compte. L'échéance du 31 décembre 1975 n'est pas satisfaisante car les structures ont continué à accueillir des personnes au-delà de cette date.
Nous nous abstiendrons donc sur cet article.
M. Philippe Tabarot . - Cet article n'est pas à la hauteur du drame subi par les harkis. Je voterai donc contre.
L'indemnisation ne reposera que sur la durée de séjour dans les structures destinées à accueillir les harkis : c'est bien trop restrictif. En dehors des camps et hameaux de forestage, certains harkis ont vécu dans des conditions elles aussi indignes. Ne seront pas indemnisées des personnes dont le seul tort est de ne pas avoir vécu entourées de barbelés.
En commission, j'ai voulu étendre l'indemnisation à tous, mais mon amendement n'a pas résisté au couperet de l'article 40. En outre, nombre de harkis ne seront pas indemnisés, puisqu'ils ne sont plus là, et leurs familles ne pourront pas non plus en bénéficier. Quand on souhaite réparer, il faut y mettre les moyens, madame la ministre !
Au surplus, le forfait et le barème froid ne sont pas satisfaisants. Ce mécanisme de réparation est partiel et partial.
M. Guy Benarroche . - M. Tabarot l'a dit justement : l'article 40 nous interdit d'améliorer ce projet de loi.
Je renouvelle donc mon interpellation : madame la ministre, faites droit aux demandes de nombreux sénateurs, de toutes les travées ! Certains harkis sont arrivés en France après le 31 décembre 1975 et doivent être inclus dans l'indemnisation.
Les critères pourraient être assouplis par l'ajout de l'adverbe « notamment » ; nous ne pouvons le proposer mais le Gouvernement, lui, peut le faire !
Il faut aussi tenir compte de la période d'emprisonnement en Algérie et, enfin, élargir le mécanisme aux veuves.
Mme Émilienne Poumirol . - Le mécanisme de réparation ne concerne que les harkis ayant séjourné dans des camps ou hameaux de forestage pendant une durée minimale.
Ce périmètre circonscrit pose problème au regard du principe d'égalité.
D'autre part, la réparation est forfaitaire, ce qui est certes plus simple, mais ne constitue pas une reconnaissance de la faute de l'État. Nous regrettons que nos amendements n'aient pas été jugés recevables.
Ce dispositif n'est pas à la hauteur des espérances qu'il a suscitées.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Daubresse, Meurant et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
Alinéa 1
Après le mot :
peuvent
insérer les mots :
, en tant que victimes d'une politique de ségrégation sociale,
Mme Valérie Boyer. - La façon dont ont été accueillis les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie constitue, de fait, une forme de ségrégation.
Il faut nommer justement ce qui s'est passé. Il y a le préjudice lié à la qualité de l'accueil et la barbarie subie par les harkis laissés dans les trois départements français devenus ensuite Algérie après 1962.
Il ne serait pas indécent d'envisager des réparations pour ces derniers, compte tenu des outrages subis.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Cette précision n'aurait aucune incidence sur l'accès à la réparation. Retrait ou avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Avis défavorable. Cet ajout pourrait même avoir une portée restrictive. Les préjudices subis ne se limitent pas à la mise à l'écart des harkis.
Mme Valérie Boyer. - J'apprécie les réponses. Néanmoins, il me paraît important, dans une loi mémorielle, de bien nommer les choses en parlant de ségrégation.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
Alinéa 2, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur proposition de la commission mentionnée à l'article 3
Mme Valérie Boyer. - Ce projet de loi prévoit de créer une commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles. Compte tenu de ses missions, il convient que cette commission soit associée à la fixation des conditions de versement et du barème relatif à la réparation.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'amendement est en partie satisfait, car cette commission aura un pouvoir de proposition sur le mécanisme de réparation.
Un amendement à l'article 3 prévoit d'ailleurs d'étendre ses pouvoirs. Retrait ou avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, à savoir les conditions indignes de vie dans une structure de relégation. Il ne tient pas compte des sommes éventuellement perçues antérieurement à titre de reconnaissance, d'indemnisation de biens ou d'aide sociale.
M. Guy Benarroche. - Les aides éventuellement perçues jusqu'à présent au titre de la solidarité, de l'aide sociale ou de la reconnaissance pour les sacrifices endurés, ne doivent pas être déduites de l'indemnisation accordée pour réparation des préjudices qui seront évalués.
Les allocations ne sont pas une compensation d'une faute de l'État ; ce sont des mesures de solidarité sociale.
Il ne doit donc pas y avoir de fongibilité entre les deux types de versements. Dissipons toute crainte à cet égard. Cette loi n'est pas un solde de tout compte, comme Mme la rapporteure l'a rappelé.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'article 2 est très clair à cet égard. L'amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - En effet, aucun malentendu n'est possible. Le texte est très clair : les aides sociales ne seront pas prises en compte. Je sollicite le retrait de l'amendement.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mme Benbassa.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une mission d'information parlementaire sur les préjudices subis par les harkis après le 19 mars 1962 est créée. Celle-ci peut suivre les travaux de la commission indépendante institué par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Un rapport est rendu le 31 décembre 2022.
Mme Esther Benbassa. - Je propose la création d'une mission d'information parlementaire sur les harkis.
Nous pourrons ainsi auditionner des chercheurs, des universitaires et des descendants de harkis, pour être au plus près de la vérité historique. Ce travail de fond fait partie de nos missions.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Cette initiative relève de la Conférence des présidents de chaque assemblée et des groupes parlementaires, pas de la loi. Avis défavorable.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Très bien !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - La commission indépendante créée à l'article 3 rendra un rapport annuel détaillé. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°61 est retiré.
ARTICLE 3
Mme Émilienne Poumirol . - La dimension mémorielle est essentielle. La commission créée à cet article aura pour mission de transmettre la mémoire des harkis.
Une campagne de collecte des témoignages a été menée depuis 2014 par l'ONACVG afin de garder la trace des expériences vécues. Il faudra veiller à avoir des traducteurs et valoriser les ressources, par exemple lors de journées d'étude. La commission peut compter sur un partenariat avec des services d'archives départementales.
L'histoire des harkis doit être enseignée à l'école. Dans certains établissements scolaires, des témoignages à plusieurs voix concourent à l'apaisement et au vivre-ensemble.
M. Hussein Bourgi . - La dimension mémorielle est ici bien présente, même si ce n'est pas l'objectif de ce texte. La mémoire des harkis est peu connue dans notre pays. Le musée de Rivesaltes, auparavant centre de transit, concourt à sa diffusion. Il est essentiel que des structures oeuvrent à la collecte et à la transmission, notamment dans les manuels scolaires.
Le travail de collecte coûte cher. Il faut prévoir les moyens nécessaires, madame la ministre.
Mme Esther Benbassa . - Je suis d'accord avec M. Bourgi. Mais la mémoire, passagère et fragile, doit être gravée dans l'histoire. Les livres d'histoire doivent faire la place qui convient aux harkis.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié quater, présenté par M. Burgoa, Mmes Bonfanti-Dossat et Estrosi Sassone, MM. Milon, Cardoux et Sol, Mmes Puissat, Belrhiti et V. Boyer, MM. Le Rudulier, Bacci, Bonnus, Regnard et Pellevat, Mmes Lopez et Guidez, M. Grosperrin, Mmes Lassarade et Demas, MM. Bouchet, Anglars et Lefèvre, Mme Devésa, MM. Sido, Grand et Bansard, Mmes Renaud-Garabedian et Gosselin, MM. Hingray, Belin et Genet, Mme Ventalon et MM. Somon et Brisson.
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre
par les mots :
du Premier ministre
II. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
, après instruction par les services de l'office
III. - Alinéa 4
1° Première phrase
Remplacer le mot :
office
par les mots :
Office national des anciens combattants et victimes de guerre
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
national des anciens combattants et victimes de guerre
IV. - Alinéas 6 et 7
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
La commission publie un rapport annuel d'activité, qui rend notamment compte des témoignages recueillis dans le cadre de l'exécution de la mission mentionnée au 2° .
.... - L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre assiste la commission mentionnée au I dans la mise en oeuvre de ses missions.
À ce titre, il assure le fonctionnement de la commission, participe à l'instruction des demandes qui lui sont adressées et exécute les décisions qu'elle prend sur le fondement du 1° du même I. Il peut également, à la demande de celle-ci, solliciter de tout service de l'État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales communication de tous renseignements utiles à l'exercice de ses missions.
V. - Alinéa 12
Remplacer les mots :
arrêté du ministre chargé de la mémoire et des anciens combattants
par les mots :
le Premier ministre
VI. - Alinéa 15, au début
Ajouter la mention :
III. -
M. Laurent Burgoa. - Cet amendement renforce les garanties d'indépendance de la commission instituée à l'article en la plaçant auprès du Premier ministre. Il précise que les représentants de l'État siégeant en son sein seront désignés par le Premier ministre.
Enfin, l'amendement conforte l'ONACVG dans sa mission d'instruction des demandes de réparation et prévoit que l'établissement public assurera des missions de soutien nécessaires au bon fonctionnement de la commission.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avis favorable. Cette commission sera ainsi portée au plus haut niveau de reconnaissance et confortée dans son indépendance, et l'ONACVG jouera un rôle d'appui.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - La clarification est souhaitable entre la commission et l'office. Placer la commission auprès du Premier ministre est une bonne mesure pour garantir son indépendance. Avis favorable.
L'amendement n°11 rectifié quater est adopté.
(M. Philippe Tabarot et Mme Valérie Boyer applaudissent.)
M. le président. - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° D'entendre à leur demande les combattants mentionnés au premier alinéa de l'article 1er, d'examiner leur situation et de leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée ;
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Cet amendement garantit l'accès de tous les harkis combattants à la commission nationale de reconnaissance et de réparation, qu'ils aient ou non vécu dans des camps.
En effet, à côté de la réparation des préjudices, cette commission aura un rôle majeur à jouer pour conserver la mémoire de tous les harkis combattants.
Il convient donc de renforcer les prérogatives de cette commission.
M. le président. - Amendement identique n°66 rectifié bis, présenté par MM. Iacovelli, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Grand, Chasseing, Cadic et Daubresse, Mmes Vermeillet et N. Delattre, MM. Verzelen, Guérini et Hingray et Mme Mélot.
M. Bernard Buis. - Je remercie tous nos collègues, issus de groupes différents, qui ont cosigné cet amendement qui prévoit un accès prioritaire des anciens combattants à la commission nationale, peu importent leurs conditions de rapatriement et d'accueil sur le territoire national.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Ces amendements donnent la priorité au recueil des témoignages des combattants, ce qui sera précieux pour le travail mémoriel. Il faudra assurer un bon maillage territorial. Sagesse plutôt favorable.
M. Philippe Tabarot. - Cet amendement est de façade, rédigé à la hâte, car les harkis sont mécontents du système partiel d'indemnisation de ce texte. C'est un aveu d'échec.
Pourtant, le Gouvernement n'est pas tenu par la même contrainte financière que nous. Il pourrait proposer un autre système que ce mécanisme froid et objectif, qui ne satisfait pas les harkis.
De plus, cet amendement est un copier-coller de l'amendement du président Retailleau qui sera examiné dans quelques instants, mais même là vous êtes restrictifs, sans proposer de véritable indemnisation. Je voterai contre cet amendement.
Les amendements identiques nos64 et 66 rectifié bis sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° De chiffrer le montant global des réparations en fonction de l'évaluation des préjudices effectifs et sociaux subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et par les membres de leurs familles ;
M. Guy Benarroche. - Cet amendement a pour objet d'intégrer aux missions de la commission nationale de reconnaissance et de réparation la tâche de chiffrer le montant global des réparations en fonction de l'évaluation des préjudices effectifs et sociaux subis par les harkis et par les membres de leurs familles, qu'il s'agisse des atteintes à leur dignité, des conditions de dénuement dans lesquelles ils ont été contraints de vivre mais aussi des préjudices sociaux subis.
Le but est également de ne pas fonder cette réparation uniquement sur le nombre de mois passés dans les lieux ciblés par la loi mais de permettre à la commission de poursuivre une évaluation plus précise des préjudices et de travailler à une meilleure réparation en fonction des résultats de ses travaux. Le montant global des réparations doit en effet être déterminé sur le fondement de l'évaluation des préjudices subis par les harkis.
Cette proposition est ainsi conforme et fidèle à une approche visant à ce qu'un véritable travail d'évaluation des préjudices subis par les harkis soit effectué, pour ainsi clore de manière apaisée cette période de notre histoire commune.
Madame la ministre, comme l'a dit M. Tabarot, vous avez toute latitude pour étendre le périmètre de l'indemnisation. Vous êtes la seule à pouvoir le faire.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le système prévu par le projet de loi établit une présomption de préjudice. Le système que vous proposez est donc sans incidence sur l'indemnisation. Il serait préférable que la commission nationale soit force de proposition pour faire évoluer le dispositif de reconnaissance et de réparation. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Si nous avons retenu comme critères la durée de séjour et un montant forfaitaire, c'est que nous voulions un dispositif simple. Selon que le harki est resté dans un camp une semaine ou quinze ans, la réparation ne sera pas la même. Mais un mécanisme trop complexe risquerait de repousser l'application de cette mesure.
Ce système simple me semble équitable, et je rappelle que ces réparations concernent chaque membre de la famille ayant séjourné dans un camp.
L'amendement n°28 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°63 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bascher, Belin, J.-B. Blanc et Bouchet, Mme V. Boyer, M. Daubresse, Mmes Dumont et Joseph et MM. Karoutchi, Laménie, Le Gleut, Longuet, Paccaud et Sido.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
D'apporter son appui à
par les mots :
De solliciter autant que nécessaire
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Ce projet de loi ne satisfait ni les familles ni les associations. Cet amendement inverse la logique de l'article en remettant la commission nationale de reconnaissance et de réparation au centre du dispositif.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Cet amendement va permettre de rassurer les associations et je vous en remercie, car cette inquiétude me semble devoir être levée au regard de la claire répartition des rôles posée par l'article entre les deux structures. Je sollicite le retrait de l'amendement.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Il suffira à un harki ou à un enfant de harki de signer un document demandant l'indemnisation. L'ONACVG jouera un rôle de facilitateur en faisant le travail de recherche dans les archives. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°63 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
Alinéa 5
Remplacer le mot :
mentionnée
par les mots :
et de la date du 31 décembre 1975 mentionnés
Mme Valérie Boyer. - Cet amendement élargit la période de prise en compte des séjours dans les camps.
Selon des experts, la fermeture des camps et des structures d'accueil n'a pas réglé la situation de certaines familles de harkis. En 1981, 23 hameaux de forestage sur les 75 répertoriés n'étaient pas encore fermés. Il en est de même pour les foyers de transit de type Sonacotra. Si les privations de liberté étaient levées, il n'en demeure pas moins que les harkis étaient maintenus sous tutelle sociale. Il convient donc d'élargir la période de prise en compte afin que chacun puisse prétendre aux réparations et ne pas créer de dramatiques effets de seuil. Nous demandons souplesse et bienveillance dans l'examen de ces situations.
M. le président. - Amendement identique n°48, présenté par M. Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Lucien Stanzione. - Si le Conseil des ministres du 6 août 1975 a décidé de la fermeture des camps et des hameaux, certains sont restés ouverts. En outre, les familles ont souffert de leur long isolement au moment de se réintégrer dans la société. Il s'agit de permettre à la commission nationale de définir une nouvelle date butoir.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - La date du 31 décembre 1975 correspond à la fermeture administrative des camps et des hameaux. Cependant, l'amendement n°1 rectifié qui suit tient compte de ces zones grises. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Je sais bien que des familles sont restées dans ces hameaux de forestage, parfois aidées par les maires, que je salue. Cependant, cette date marque la normalisation de la situation ; au-delà, les conditions d'engagement de la responsabilité pour faute de l'État ne sont plus réunies. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos8 rectifié et 48 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Tabarot, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bas et Bazin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et de Nicolaÿ, Mmes Deseyne, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau, Frassa et Frogier, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacques, Joseph et M. Jourda, MM. Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Meignen, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller, Paccaud, Panunzi, Paul, Perrin et Piednoir, Mmes Pluchet, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Reichardt, Mme Renaud-Garabedian, MM. Rietmann, Rojouan, Saury et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Somon, Mme Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° De proposer, au vu de ses travaux, toute mesure de reconnaissance et de réparation envers les personnes mentionnées au 2° du présent I.
M. Bruno Retailleau. - Cet amendement dit beaucoup de l'esprit dans lequel nous abordons ce texte. Pour nous, comme l'a dit Mme la rapporteure dont je salue le travail remarquable, ce texte n'est en aucun cas un solde de tout compte, mais un point de départ. Nous avons accepté d'aller au-delà des camps et des hameaux de forestage.
La commission créée est fondamentale, mais ne peut l'être que si elle est indépendante et si vous ouvrez son périmètre d'action. Elle devra pouvoir examiner les dossiers se situant en zone grise.
Aucun texte ne sera à la mesure du drame subi par ces familles, aucun ! Et si nous n'arrivons pas à créer cette commission indépendante, nous passerons à côté de notre objectif commun d'une réparation juste.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Grâce à son expertise, la commission nationale sera bien placée pour faire évoluer les dispositifs et faire progresser le travail de mémoire et de réparation. Avis favorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Je vous remercie de vouloir avancer, monsieur Retailleau. Vos demandes sont en grande partie satisfaites ; ainsi de l'indépendance de la commission, de sa capacité à juger si certains lieux non répertoriés sont à inscrire dans le périmètre de la réparation.
L'amendement que j'ai présenté n'a pas été rédigé sur un coin de table, comme je l'ai entendu dire, mais après avoir rencontré les associations et les représentants des harkis combattants.
Votre amendement me semble presque totalement satisfait et je ne me permettrai pas d'en demander le retrait. Dans ces conditions, sagesse défavorable... (Sourires à droite)
Mme Émilienne Poumirol. - Permettez-moi de m'étonner. Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons dit que nous voulions que ce texte concerne tous les harkis. Or, nos amendements en ce sens ont été déclarés irrecevables, et celui de M. Retailleau, non...
Quoi qu'il en soit, nous le soutiendrons car il met en exergue la nécessité d'évaluer tous les dossiers. La commission doit disposer de cette faculté.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - La commission ne pourra pas décider de réparation mais formulera des propositions au Gouvernement, ce qui nécessitera un nouvel acte législatif. Le président Retailleau le sait, mais je ne voudrais pas créer de faux espoirs ou de déceptions.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. - Comme nous l'avons dit, madame la ministre, ce texte n'est pour nous qu'une première étape.
M. Bruno Retailleau. - Vous avez fait la moitié du chemin, madame la ministre, émettant un avis de sagesse - certes défavorable... (sourires à droite), mais vous ne pouvez pas dire que l'amendement est satisfait tout en en redoutant ses conséquences : il y a contradiction.
Je précise que cet amendement, s'il est adopté, sera pour nous une ligne rouge lors de la commission mixte paritaire, car nous voulons que les zones grises soient prises en compte. Nous voulons que la commission nationale puisse traiter de cas individuels qui ne figurent pas dans la loi.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Il ne faut pas une loi cadenassée, j'en suis bien d'accord. Je me réjouis de l'adoption d'amendements qui font avancer les prérogatives de la commission. Certains l'ont été à l'Assemblée nationale, d'autres au Sénat. Continuons à progresser intelligemment.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°49 rectifié bis, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les fonds documentaires recueillis au titre du 2° sont reversés à une fondation pour la mémoire reconnue d'utilité publique. Cette fondation ne bénéficie pas de fonds publics.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Émilienne Poumirol. - Le travail documentaire et scientifique de la commission doit être utilisé afin de participer à la connaissance sur cette période de notre histoire ; il doit donc être rendu public et enseigné.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - La dimension mémorielle relève plutôt de la fondation créée par la loi du 23 février 2005, quitte à ce qu'elle modifie ses statuts. Retrait ou avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - La conservation et l'archivage des documents sont nécessaires, mais cela relève plutôt d'un service d'archives. Avis défavorable. Si une fondation veut obtenir un double des documents, elle pourra le demander, mais la fondation pour la guerre d'Algérie me semble plus indiquée.
Mme Émilienne Poumirol. - Nous ne demandons pas la création d'une nouvelle fondation, mais le versement d'un double des documents à la fondation existante - en complément des archives.
L'amendement n°49 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie.
Alinéa 9
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Un député et un sénateur désignés par les commissions permanentes chargées de la mémoire et des anciens combattants de l'Assemblée nationale et du Sénat ;
Mme Valérie Boyer. - Cet amendement rétablit l'article 3 dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, qui prévoyait qu'un député et un sénateur siègent au sein de la commission nationale.
Contrairement à l'exécutif et au pouvoir judiciaire, le Parlement ne serait pas représenté dans cette structure ? Je crois au contraire qu'il doit jouer pleinement son rôle.
Je me réjouis de l'adoption unanime de l'amendement de M. Retailleau, mais il faudra aller plus loin. J'aurais bien aimé qu'il y ait plus d'enthousiasme encore et je trouve triste d'ergoter sur des propositions faisant consensus sur tous les bancs du Sénat.
M. le président. - Amendement identique n°25, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
M. Guy Benarroche. - Même amendement que celui de Mme Boyer. La présence d'un député et d'un sénateur au sein de la commission accroîtra la représentativité de cette commission et fournira un premier relais de suivi.
M. le président. - Amendement identique n°54, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Lucien Stanzione. - La représentation nationale doit participer aux travaux de cette commission.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Ces amendements sont en contradiction avec les orientations données par le Bureau du Sénat en 2015 contre la multiplication des participations de parlementaires à des organismes extraparlementaires.
Concentrons-nous sur nos prérogatives constitutionnelles, ce qui nous évitera aussi d'être juges et parties de cette commission. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Le Gouvernement ne s'est pas opposé à un amendement identique à l'Assemblée nationale. Cette question relève davantage des échanges entre les deux assemblées. Sagesse.
M. Olivier Paccaud. - Les parlementaires représentent la Nation. Il est singulier qu'ils s'excluent eux-mêmes d'un tel organisme. Je comprends la position du Bureau, mais cette commission n'est pas un organisme anodin. Ce serait une faute de ne pas y être !
Mme Émilienne Poumirol. - Nous ne pouvons pas nous plaindre de la faible place laissée au Parlement - en particulier depuis cinq ans - si nous nous excluons nous-mêmes sur un sujet majeur.
M. Jean-Claude Requier. - Je voterai l'amendement. Mais il faudrait deux députés et deux sénateurs pour assurer la parité ! (Sourires)
Les amendements identiques nos9 rectifié, 25 et 54 sont adoptés.
Mme Valérie Boyer. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°56 rectifié bis, présenté par M. Iacovelli et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
I. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, désignés en concertation avec les associations d'élus
II. - Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, désignés, respectivement, sur proposition du vice-président du Conseil d'État et du premier président de la Cour de cassation
M. Bernard Buis. - Cet amendement précise les conditions de désignation des membres de la commission nationale : les désignations du membre du Conseil d'État et du magistrat de la Cour de cassation interviendraient, respectivement, sur proposition du vice-président du Conseil d'État et du premier président de la Cour de cassation.
Afin de garantir l'indépendance des maires de communes ayant accueilli sur leur territoire des structures mentionnées à l'article 2 du présent projet de loi, leur désignation interviendra en concertation avec les associations d'élus. Il s'agit d'assurer l'indépendance des membres de cette commission.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - La commission n'a pas pu examiner cette version rectifiée. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Cet amendement renforce les garanties d'impartialité des membres. Avis favorable.
L'amendement n°56 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
I. - Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Des représentants des associations de harkis et de leurs familles ;
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Les représentants mentionnés au II ne sont pas rémunérés.
M. Guy Benarroche. - Cette commission aura pour mission de statuer sur les demandes de réparation, de participer au recueil et à la transmission de la mémoire combattante, de coordonner l'application des dispositions concernant les rapatriés et de faciliter les démarches administratives des enfants et petits-enfants de harkis et assimilés.
L'article 3 autorise l'Office à solliciter, à la demande de la commission, tout service de l'État, de toute collectivité publique ou de tout organisme gestionnaire de prestations sociales.
Pour mieux prendre en compte les enjeux et problématiques rencontrés par les harkis, nous proposons de compléter la composition de la commission nationale par les représentants des associations de harkis mobilisées de longue date.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Il sera délicat de décider qui siégera et qui ne siégera pas... Mieux vaut que la commission recueille individuellement les témoignages de tous les intéressés. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Il n'est pas opportun de prévoir la présence de représentants des associations en cette qualité. Mais y siégeront sans doute des historiens, des psychologues, des sociologues qui seront des enfants de harkis. Avis défavorable.
L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLE 4
M. Marc Laménie . - Cet article attribue de nouvelles missions à l'ONACVG, qui relève, avec l'Institut national des invalides, du programme 169.
Son budget est de 108 millions d'euros et il compte 805 équivalents temps plein. Les crédits de ce programme sont en en légère baisse, pour des raisons démographiques, à 1,97 milliard d'euros au total.
L'ONACVG veillera à mieux prendre en compte les situations et accompagner les personnes. Je voterai cet article.
M. le président. - Amendement n°57, présenté par M. Iacovelli et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 3
1° Après les mots :
du fait de
insérer les mots :
l'indignité de
2° Après les mots :
conditions d'accueil
insérer les mots :
et de séjour dans certaines structures
M. Bernard Buis. - Amendement rédactionnel qui tire les conséquences de la modification de l'intitulé du texte par la commission des affaires sociales.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avis favorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Même avis. Je remercie le sénateur Laménie d'avoir évoqué l'ONACVG. Je suis fière d'avoir fixé à l'office un cap qui tient la route.
L'amendement n°57 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
L'article 5 est adopté, ainsi que l'article 6.
ARTICLE 7
Mme Michelle Gréaume . - Les lois successives ont créé un empilement d'aides dont la lisibilité et l'efficacité posent question : en 2022, l'allocation de reconnaissance concerne 4 787 harkis et veuves, l'allocation viagère 1 117 veuves, les compléments de bourses pour les enfants scolarisés bénéficient à 99 enfants, l'aide spécifique au conjoint survivant à 35 personnes, l'aide au rachat de trimestres de cotisations retraite pour des enfants de harkis à aucun, en raison de conditions d'âge trop restrictives.
Mieux vaudrait accorder à tous les harkis une indemnité unique. Il faut rassembler les familles au lieu de les diviser.
M. le président. - Amendement n°65, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
II et
par les mots :
I à
2° Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
six
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Cet amendement allonge de quatre à six années la période au titre de laquelle les veuves des anciens supplétifs ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l'allocation viagère.
Je remercie Mme la rapporteure d'avoir repéré cette faille dans notre dispositif.
M. le président. - Amendement identique n°69, présenté par Mme Richer, au nom de la commission.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - C'est une réelle avancée, qui améliorera substantiellement la situation des veuves concernées.
Les amendements identiques nos65 et 69 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°68, présenté par Mme Richer, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au 12° du I de l'article L. 136-1-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « versée au profit des conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France dans les conditions prévues » sont remplacés par les mots : « viagère prévue ».
L'amendement de coordination n°68, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
APRÈS L'ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°58 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Fernique, Mmes de Marco et Poncet Monge et MM. Dantec et Parigi.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi rédigé :
« Art. 5. - Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait visant une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d'ancien membre des formations supplétives ou assimilés constitue une injure au sens de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d'ancien membre des formations supplétives ou assimilés constitue une diffamation au sens de l'article 32 de la même loi. »
M. Guy Benarroche. - Cet amendement comble un vide juridique. L'article 5 de la loi du 23 février 2005 interdit la diffamation et l'injure à l'encontre des harkis, mais n'est assorti d'aucune sanction, ne détermine pas les éléments constitutifs de l'infraction et ne fait pas référence à la loi sur la presse.
Nous proposons de renvoyer aux articles 32 et 33 de la loi sur la presse afin de définir les éléments constitutifs des infractions et ainsi de permettre aux harkis visés d'obtenir réparation du préjudice.
M. le président. - Amendement n°35 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Mandelli, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie, Hingray, Longuet, Belin, Détraigne et Favreau, Mme Herzog, M. Somon, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne et Daubresse, Mme V. Boyer, M. Sol et Mme Demas.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est complété par les mots : « , sous peine d'une amende de 12 000 euros ou d'emprisonnement de douze mois maximum ».
M. Philippe Tabarot. - Le dispositif actuel est lacunaire, car dépourvu de sanction pénale. Cet amendement y remédie en prévoyant une amende ou une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à douze mois.
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est passible d'une peine d'amende de 45 000 €. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est passible d'une peine d'amende de 45 000 €. »
M. Hussein Bourgi. - Une infraction n'est pas opposable en l'absence de sanctions afférentes. Il faut remédier au vide juridique actuel, constaté par les plus hautes juridictions.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est puni de 12 000 euros d'amende. » ;
2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le fait de commettre cette infraction est puni de 45 000 euros d'amende. »
Mme Valérie Boyer. - Nous poursuivons tous le même objectif : que les injures dont sont victimes les harkis soient effectivement réprimées.
La loi de 2005 ne prévoit pas de sanction pénale, ce qui rend le dispositif inapplicable, comme l'a estimé la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mars 2009.
Comme le préconise le rapport de juillet 2018, cet amendement l'assortit d'une sanction pénale de 12 000 euros d'amende. Il punit l'apologie de crime contre les harkis de 45 000 euros d'amende.
Il faudrait aussi s'intéresser aux insultes proférées de l'autre côté de la Méditerranée... mais chaque chose en son temps.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - L'institution d'un régime pénal spécifique pourrait être contraire au principe d'égalité devant la loi et provoquer une censure du Conseil constitutionnel ; attention aussi à ne pas faire émerger des demandes comparables d'autres communautés. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Je ne saurais mieux dire.
Madame Boyer, vous avez raison : toute injure visant les harkis est profondément scandaleuse. Nous le répétons à chaque fois que nous avons connaissance de tels faits.
Pour faire reculer ce type de comportements, il faut faire progresser la connaissance. Cette loi est importante aussi de ce point de vue.
Les harkis sont des Français qui ont compté dans l'histoire de nos armées et nous en prenons soin.
M. Philippe Tabarot. - Vous êtes dans le monde des Bisounours, madame la ministre.
Les insultes montent avec le communautarisme, et les harkis sont en première ligne, traités par exemple de collaborateurs, de l'autre côté de la Méditerranée - y compris par un ancien président - mais aussi dans nos banlieues. C'est très mal vécu par leurs enfants et petits-enfants. Je crois que vous n'êtes pas suffisamment consciente de cette situation.
La communauté harki n'est pas une communauté comme les autres. Il faut absolument sanctionner fortement ceux qui l'insultent. Les harkis ont déjà suffisamment souffert.
M. Hussein Bourgi. - Je suis en désaccord avec la ministre et la rapporteure. Si le droit actuel était suffisant, il aurait été appliqué par les tribunaux. Or la Cour de cassation elle-même a reconnu qu'il y avait un vide juridique.
Le Conseil constitutionnel pourrait censurer de telles dispositions ? Si nous devions à chaque instant nous poser ce genre de questions, nous cesserions de légiférer...
Enfin, madame la ministre, j'aimerais partager votre optimisme. Mais les lois contre l'antisémitisme, le négationnisme et l'homophobie n'empêchent pas les injures. Il en va de même pour les harkis.
M. Guy Benarroche. - La Cour de cassation a reconnu que le processus ne fonctionnait pas. Comme la loi ne satisfait pas cette demande, nous demandons un dispositif en utilisant des lois existantes. Cela n'ouvre donc pas la porte à d'autres demandes.
Quant au Conseil constitutionnel, M. Bourgi a raison : autant ne rien voter ! Nous sommes déjà suffisamment entravés dans notre initiative par l'article 40.
Mme Valérie Boyer. - Je souscris en partie aux explications de la rapporteure. Cependant, nous nous honorerions de prévoir une sanction pour ces injures. Les harkis sont injuriés parce qu'ils sont restés fidèles au « beau drapeau de notre France entière ». Il faut assurer une répression efficace des insultes à leur encontre.
L'amendement n°58 rectifié est adopté, les amendements nos35 rectifié bis, 52 et 10 rectifié n'ont plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une commission consultative de suivi dont la composition est arrêtée par décret, et comprenant notamment des présidents d'associations de harkis, des fonctionnaires de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et des parlementaires. Sa mission est de suivre la mise en oeuvre de la loi et notamment l'avancée des travaux de la commission nationale de reconnaissance et réparation. La commission consultative de suivi se réunit au moins deux fois par an et peut demander aux ministères et à la commission les informations publiques dont elle a besoin pour remplir sa mission. Les membres de cette commission ne sont pas rémunérés et aucuns frais liés à son fonctionnement ne peuvent être pris en charge par une personne publique.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement crée une instance de suivi des travaux de la commission : un comité consultatif, comportant des représentants d'associations de harkis, des fonctionnaires de l'ONACVG et des parlementaires.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le Sénat a voté tout à l'heure la présence de parlementaires dans la commission ; l'amendement me semble satisfait. Retrait ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Je ne suis pas certaine qu'il faille empiler les commissions, d'autant que les présidents des assemblées pourront demander des missions. Avis défavorable.
L'amendement n°27 rectifié est retiré.
INTITULÉ DU PROJET DE LOI
M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après les mots :
envers les
insérer les mots :
citoyens français
M. Lucien Stanzione. - Le présent amendement entend rappeler dès le titre du texte que les personnes concernées par ce texte étaient et sont des citoyens français à part entière, comme le précise d'ailleurs l'ordonnance du 21 juillet 1962.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Avis défavorable, par cohérence avec notre position à l'article premier.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Même avis.
M. Olivier Paccaud. - Par cohérence avec la position que j'ai exprimée à l'article premier, je voterai cet amendement.
L'amendement n°36 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Remplacer le mot :
séjour
par le mot :
vie
M. Lucien Stanzione. - Cet amendement précise que les préjudices subis concernent tant les conditions d'accueil que de vie sur l'ensemble du territoire français.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Cette modification mettrait l'intitulé en cohérence avec les conditions de vie évoquées aux articles premier et 2. Avis favorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Sagesse. L'article 2 parle bien de conditions de séjour.
L'amendement n°38 est adopté.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer les mots :
dans certaines structures
Mme Émilienne Poumirol. - Supprimer la référence à « certaines structures », voulue par la rapporteure pour englober des zones grises, permettrait de viser l'ensemble des harkis.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Le texte concerne les harkis ayant vécu dans des structures fermées. La commission mise en place fera son travail par la suite. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Le régime de réparation prévu tire les conséquences d'une décision du Conseil d'État qui a reconnu la responsabilité de l'État dans l'indignité des conditions de séjour dans des structures de transit et d'hébergement particulièrement indignes, avec privation de liberté et tutelle administrative
Supprimer la référence à ces structures créerait une confusion quant à la portée du texte. Avis défavorable.
L'amendement n°37 n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Émilienne Poumirol . - Le texte inscrit dans la loi la reconnaissance de la Nation envers les harkis après leur abandon et la responsabilité de l'État dans les conditions indignes de leur rapatriement. Il marque un pas de plus vers une mémoire apaisée. Il supprime aussi la forclusion pour les veuves. Le groupe SER le votera.
Néanmoins, il ne doit pas être un solde de tout compte. Nous regrettons que seule une moitié des harkis soit concernée. La commission issue de ce texte doit se mettre au travail au plus tôt, afin que chacun reçoive une juste réparation.
Nous veillerons aussi à ce que la mémoire des harkis continue de vivre, notamment grâce au travail de l'ONACVG.
M. Bernard Buis . - Je félicite à nouveau la rapporteure pour son travail. Aucun texte ne saurait apaiser entièrement les souffrances et les traumatismes subis. Au-delà de nos divergences, nous partageons la même volonté de réparer cette faute de l'État, au nom de la justice et de la réconciliation nationale.
J'ai regretté d'entendre que la différence de traitement n'était liée qu'aux barbelés. Allez dire cela à ceux qui ont vécu des années dans des conditions indignes, qui ont perdu des enfants en raison du froid et de la faim, qui, après avoir fui, se sont retrouvés enfermés !
Je me réjouis de l'adoption de l'amendement permettant l'accès prioritaire à la commission pour les anciens combattants.
Le RDPI votera ce texte qui concrétise l'engagement du Président de la République et espère des travaux constructifs en CMP.
Mme Esther Benbassa . - Depuis 1962, la France a lentement reconnu l'abandon des harkis.
Ce projet de loi réaffirme la reconnaissance de la France envers les harkis et vise à réparer le préjudice subi par les rapatriés ayant transité par un camp ou un hameau. La somme est modeste, reconnaissons-le, et la distinction entre ceux qui ont été enfermés et ceux qui sont venus par eux-mêmes est difficile à accepter.
Je considère ce texte comme une promesse et le voterai dans cet esprit. Encore faudrait-il que la France reconnaisse sa faute, comme l'avait fait Jacques Chirac pour les juifs en 1995.
Mme Chantal Deseyne . - Nous avons amélioré le texte et Marie-Pierre Richer a travaillé dans un souci d'apaisement.
L'amendement que notre groupe a soutenu permettra à la commission nationale indépendante de proposer toute mesure de reconnaissance et de réparation pour ceux qui ont séjourné dans des structures non couvertes par le texte, afin de prendre en compte toutes les situations.
Ce texte n'est pas un solde de tout compte mais nous le voterons avec le plus grand respect envers ceux qui se sont sacrifiés pour notre pays et pour leurs descendants, auxquels nous devons réparation.
M. Daniel Chasseing . - Ce projet de loi exprime la reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont servi la France en Algérie avant d'être abandonnés ou accueillis de manière indigne dans des structures fermées, alors que ceux restés en Algérie étaient assassinés par dizaines de milliers.
Cet hommage, cette réparation sont justice.
Les personnes qui ont vécu dans des cités ont aussi souffert, et pourraient bénéficier aussi de cette réparation ; il faudra y travailler.
On peut juger les sommes attribuées insuffisantes, mais c'est une avancée pour 50 000 bénéficiaires, même si rien n'effacera les souffrances endurées.
Le groupe INDEP votera ce texte.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Nos débats ont permis d'améliorer ce texte. Je regrette que la réparation soit forfaitaire, alors que la reconnaissance doit être individuelle.
Les harkis ont été privés des droits fondamentaux, de dignité, du droit à l'instruction. Rien ne peut réparer de telles privations. Le calcul froid en fonction du nombre d'années empêche la prise en compte des histoires individuelles. Cette réparation forfaitaire ne permet pas l'apaisement. Il y a donc des avancées, mais elles sont insuffisantes. La concertation a fait défaut. Certains d'entre nous voteront le texte, d'autres s'abstiendront.
M. Hussein Bourgi . - Je remercie Mme la rapporteure et tous les acteurs de ce débat riche, qui fera date.
Je regrette cependant que nos amendements sur la question hautement symbolique de la citoyenneté n'aient pas été retenus. Ils ne coûtaient rien !
Je regrette également le périmètre retenu. Dans un pays de 65 millions d'habitants, on peut se donner les moyens d'indemniser 90 000 personnes quand il s'agit de réparer une injustice. En distinguant les 50 000 personnes qui ont transité par les camps et les hameaux des 40 000 autres, vous créez deux catégories de harkis.
À titre personnel, je m'abstiendrai donc à contrecoeur. C'est un petit pas, peut-être, en tout cas une promesse inachevée. Espérons que d'autres pas suivront.
Mme Michelle Gréaume . - Ce texte marque une étape dans la reconnaissance de la Nation à l'égard des harkis et des oubliés d'Algérie, malgré certaines limites, à commencer par le montant et les critères d'attribution de l'indemnité de réparation.
La question mémorielle est importante pour notre pays et pour les relations avec l'Algérie.
Nous formons le voeu que ce texte évolue. Le groupe CRCE le votera dans cet esprit.
À la demande de la commission, le projet de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°90 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 331 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. - Ce débat passionnant et passionné a été l'occasion de porter haut beaucoup de souffrances. Je remercie particulièrement les associations de harkis que nous avons entendues. Les témoignages sont poignants.
C'est peut-être un petit pas, mais nous poursuivons le travail. (Applaudissements)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. - Madame la rapporteure, je vous remercie pour la façon dont vous avez porté ce texte, avec humanité.
Le débat de ce soir montre que la guerre d'Algérie reste un sujet complexe. Nous aurions pu aller plus loin, parler des anciens combattants, des appelés, de tous les rapatriés européens...
Je suis fière d'avoir porté ce texte, après avoir côtoyé les associations ; les témoignages, et notamment ceux des femmes de harkis, sont particulièrement poignants.
Collectivement, nous pouvons être fiers que cette loi mémorielle de reconnaissance et de réparation ait pu voir le jour.
Je vous remercie du fond du coeur pour les améliorations que vous y avez apportées. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, mercredi 26 janvier 2022, à 15 heures.
La séance est levée à 23 h 40.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 26 janvier 2022
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30 et le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président
Mme Laurence Rossignol, vice-présidente
Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires :
M. Loïc Hervé - M. Daniel Gremillet
1. Questions d'actualité au Gouvernement
2. Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (texte de la commission, n°366, 2021-2022)
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes (texte de la commission, n°322, 2021-2022)
4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur (texte de la commission, n°368, 2021-2022)
5. Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l'adoption (texte de la commission, n°372, 2021-2022)