Adopter une déclaration de la fin de la guerre de Corée

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution appelant le Gouvernement à oeuvrer à l'adoption d'une déclaration de la fin de la guerre de Corée présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Christian Cambon, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution .  - Je remercie le Président Retailleau d'avoir permis l'inscription rapide de ce texte à l'ordre du jour. Je sais l'intérêt du Président du Sénat pour ce sujet, ainsi que celui de Catherine Dumas, présidente du groupe d'amitié France-Corée du Sud.

Le Sénat a une nouvelle occasion de montrer son engagement pour la paix et la résolution de dossiers gelés, si complexes qu'ils en paraissent inextricables.

Nous devons nous engager en particulier dans ceux qui concernent la zone indopacifique.

La France, alors engagée en Indochine, a participé à la guerre de Corée sous la bannière de l'ONU. Le 25 juin 1950, les forces du Nord franchissaient le 38e parallèle pour envahir le Sud. La résolution 83 du Conseil de sécurité - où l'URSS pratiquait la politique de la chaise vide - a autorisé une intervention militaire à l'été 1950 pour faire cesser cette agression. La France a envoyé un bâtiment de guerre dans la zone et un bataillon de 1 017 volontaires sous le commandement du Lieutenant-colonel Monclar. Au total, la France a fourni un contingent de 3 421 hommes, déplorant 300 tués et disparus et 1 350 blessés. Les forces françaises ont reçu de nombreuses citations. Rendons-leur hommage. Ces morts nous engagent et nous obligent.

Depuis le 27 juillet 1953, un cessez-le-feu s'applique, mais la guerre n'a pas pris fin officiellement. Quelque 29 000 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud et des exercices militaires bilatéraux se tiennent régulièrement pour faire face à une éventuelle attaque du Nord.

Cette situation, qui dure depuis presque 70 ans, fait obstacle à la négociation d'un traité de paix. Il est temps de déclarer officiellement la fin du conflit.

Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à prendre les initiatives diplomatiques nécessaires en ce sens. Elle représente également une marque de soutien à nos amis Coréens du Sud.

En septembre 2021, les propositions du président Moon Jae-in ont été une nouvelle fois repoussées par le Nord, qui pose comme préalable la fin de « la politique hostile » des États-Unis. Les tentatives de discussions sont régulièrement interrompues par les velléités nucléaires de Pyongyang qui se traduisent par des essais spectaculaires.

La dénucléarisation de la péninsule coréenne ne sera possible qu'en mettant fin à la guerre. Nous la voulons la plus large, la plus vérifiable et la plus sûre possible.

Ce texte appuie les objectifs des résolutions des Nations unies, en coopération avec les Sud-Coréens. C'est à leur demande que nous vous proposons cette résolution. D'autres parlements occidentaux poursuivent des initiatives similaires. Abondance d'initiatives parlementaires ne nuit pas, et nous devons affirmer notre soutien indéfectible à la démocratie coréenne.

La France y a aussi intérêt, au regard de sa politique indopacifique. Nos ambitions doivent se traduire en actes.

La France n'est pas partie directe de l'armistice de 1953, et ne sera donc pas partie à la signature d'une déclaration de fin de guerre - mais elle peut agir la reconnaissance par la communauté internationale, et notamment les Nations unies, de celle-ci.

De même, la France, qui dialogue avec tous, est invitée à engager le dialogue avec les acteurs concernés. C'est notre rôle, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et en tant que nation de l'indopacifique.

Le vote de cette proposition de résolution traduira le caractère concret de notre présence dans la zone indopacifique, en renouvelant l'engagement de la France pour le droit international, pour le respect des frontières, pour le respect du droit de la mer et, finalement, pour la paix. Oui, même quand la situation semble figée, la paix mérite que l'on remette inlassablement l'ouvrage sur le métier. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

Mme Catherine Dumas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je suis très heureuse, en tant que présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Corée du Sud, que le Sénat examine cette proposition de résolution. Je salue l'ambassadeur Yoo, présent en tribune.

Soixante et onze ans après l'éclatement de cette guerre oubliée entre les deux Corées, qui a en tête que les combats ne sont que provisoirement suspendus ? La convention d'armistice du 27 juillet 1953 reste en application. A-t-on à l'idée le terrible bilan de ce conflit ? Plus de 800 000 morts militaires coréens, des dizaines de milliers parmi les troupes de l'ONU, deux millions de victimes civiles coréennes, trois millions de réfugiés, une péninsule dévastée. Et deux Corées entre lesquelles les tensions restent palpables.

Notre groupe d'amitié l'a ressenti lorsque nous nous sommes rendus en Corée du Sud en septembre à l'invitation de l'Assemblée nationale coréenne. Nous avons tous été frappés par la tension sur place : la situation semble vécue comme un enjeu existentiel. Les Sud-Coréens considèrent que leur avenir en dépend.

La visite de la DMZ, la zone démilitarisée - l'une des zones les plus militarisées en réalité - nous a fait ressentir physiquement la situation, épée de Damoclès pour la Corée du Sud.

Nous avons perçu la reconnaissance profonde des Coréens envers la France. Nous avons déposé une gerbe dans le carré français du cimetière de Busan, témoignage de ces hauts faits d'armes, qui accueille 46 tombes françaises.

Nos amis Sud-Coréens nous ont constamment rappelé cette aide française, comme mon homologue M. Jung Sung-ho.

Cet attachement historique à la France nous donne une légitimité particulière pour intervenir dans ce dossier.

La proposition de résolution va dans le bon sens, celui de l'histoire : la transformation d'un armistice précaire en un état de paix durable, en attendant un véritable traité de paix.

En l'adoptant, notre assemblée enverrait un signal politique nécessaire alors que le climat se refroidit entre les deux Corées, et entre la Corée du Nord et les États-Unis.

L'objectif d'une paix durable a été réaffirmé lors des sommets intercoréens de 2000, 2007 et 2018. Le président Moon l'a rappelé à l'ONU récemment.

D'autres assemblées parlementaires ont pris des initiatives comparables.

Mais le processus doit respecter certaines conditions. Et même si la France n'a pas été partie à l'armistice, elle devra être associée à la négociation du traité de paix.

Il importera de veiller au maintien en place du commandement des Nations unies et surtout, à ce que l'objectif de dénucléarisation soit aligné sur les objectifs onusiens en la matière.

Je voterai cette proposition de résolution. Il est temps que les armes le cèdent à la toge, comme aurait dit Cicéron, et que les Coréens puissent vivre en paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Guillaume Gontard .  - Dans ce XXIe siècle tourné vers l'Asie, le sujet de cette proposition de résolution ne peut pas laisser indifférent. C'est sur ce continent où les poids lourds démographiques et économiques se côtoient que la paix devra être protégée avec le plus de détermination dans les années qui viennent. Et pourtant, 70 ans après la fin des opérations militaires en Corée, le conflit est tout sauf gelé : les programmes d'armement nord-coréens se poursuivent, avec le lancement d'un missile balistique ce matin même. Séoul testait aussi son premier missile mer-sol balistique stratégique en septembre dernier.

En 2018, l'ex-président Trump avait envisagé des frappes préventives sur la Corée du Nord, avant un renversement exceptionnel et une reprise du dialogue saluée par la Corée du Sud. Nous sommes loin de cet optimisme aujourd'hui : depuis le sommet de Hanoï, la situation se tend, avec des voeux militaristes de Kim Jong-un.

Nous voterons cette résolution, d'autant que la militarisation actuelle de la zone indopacifique nous inquiète.

Retrouver le chemin de la table des négociations ne se fera pas en un claquement de doigts. Les exigences nord-coréennes sont irréalistes, et c'est bien son programme nucléaire qui a mené à l'échec des négociations de 2019. La reprise des activités d'enrichissement d'uranium est une violation flagrante des résolutions de l'ONU. C'est une menace, en particulier pour le Japon, l'un de nos principaux partenaires.

Nos amis états-uniens doivent démontrer une vraie volonté politique d'arriver à une déclaration de paix. Alors que le président Moon arrive au terme de son mandat, que le Nord fait face à une crise sanitaire, économique et alimentaire et que se tiendra en 2022 la dixième conférence du Traité de non-prolifération, il est nécessaire d'oeuvrer à la résolution de ce dernier vestige de la guerre froide pour encourager le désarmement. (Applaudissements sur les travées du GEST, du RDSE et du groupe UC)

M. Christian Cambon.  - Très bien !

M. Pierre Laurent .  - Cette proposition de résolution est la bienvenue. Il est plus que jamais nécessaire de faire baisser la pression entre les deux Corées et avec les États-Unis, dans une région indopacifique sous tension.

Il est pertinent de demander aux autorités françaises de prendre une initiative pour une paix durable en Corée, et d'avancer vers la dénucléarisation.

La situation dans la région et l'escalade militaire nous y appellent. Depuis 1950, la péninsule coréenne est coupée en deux ; dix millions de familles restent séparées par la frontière ; les plaies du conflit ne sont pas refermées. Un traité de paix serait un pas historique. Depuis 2017, les discussions ont repris, mais les dirigeants ont soufflé le chaud et le froid. Au total, la région reste une inquiétante poudrière.

Est-il possible d'avancer vers une paix durable ? L'élection du Président Moon Jae-In, partisan de la main tendue, y concourt, et les Jeux olympiques de 2018 à PyeongChang ont vu la création d'une équipe commune de hockey. Le sommet intercoréen et la déclaration de Panmunjom, puis celle de Singapour, ont ouvert des perspectives.

Mais le sommet de Hanoï en 2019 entre Donald Trump et Kim Jong-un a montré que les tensions restaient fortes : les États-Unis veulent plus que le démantèlement de Yonbyong et la Corée du Nord veut une suspension des sanctions internationales.

Nord et Sud ont repris la course aux armements. L'entrée de la Corée du Nord dans le club nucléaire serait une catastrophe, mais l'en dissuader nécessite un climat de détente.

La déclaration conjointe des cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité en faveur de la non-prolifération est un point positif. J'y vois l'effet de la poussée du Traité d'interdiction des armes nucléaires et de l'application du volet désarmement du TNP.

Il faut passer aux actes. La péninsule coréenne n'est pas la seule concernée, mais sa dénucléarisation serait un signal fort. Nous voterons donc cette proposition de résolution (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Christian Cambon applaudit également.)

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci au président Cambon de nous donner l'occasion d'évoquer ce sujet important pour la zone indopacifique. La guerre « oubliée » de Corée fera de très nombreuses victimes, militaires et civiles. Le 27 juillet 1953, la Corée du Nord, la Chine et les États-Unis signaient une convention d'armistice, mais la guerre n'a jamais officiellement pris fin.

En 2000, puis en 2018, des espoirs de réconciliation ont été brièvement entretenus, avant de tourner court. La France et l'Union européenne doivent soutenir toute initiative favorisant un chemin vers un traité de paix.

Un tel accord permettrait la création d'une vraie zone démilitarisée, des discussions sur la dénucléarisation ou la redéfinition de certaines frontières maritimes.

La France et l'Union européenne ont des intérêts à défendre, des partenariats à construire dans l'indopacifique. Les ambitions chinoises et les tensions sino-indiennes, la piraterie, les trafics en tout genre et les conséquences désastreuses du réchauffement climatique déstabilisent cette région. La France et la Corée du Sud auraient intérêt à développer leur coopération. Le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Christian Cambon applaudit également.)

M. Christian Cambon.  - Merci !

M. André Guiol .  - Guerre sans fin, orpheline de la guerre froide, l'interminable crise coréenne se rappelle régulièrement à l'actualité internationale. Le chaud et le froid soufflent alternativement. Entre brèves lunes de miel et essais nucléaires décomplexés, la Corée du Nord reste un abcès ouvert et l'absence d'un véritable traité de paix est propice aux tensions.

Une déclaration de la fin de la guerre améliorerait-elle les choses ? La réponse ne peut être que nuancée.

Aujourd'hui comme hier, l'ombre des grandes puissances plane. Si l'on ne peut ignorer les ambitions de la dynastie Kim pour son pays, la péninsule reste un pion dans la région. En 1950, le ressort de la guerre était la lutte entre domination communiste et démocraties libérales. Si la guerre froide est terminée, les luttes d'influence demeurent.

Les États-Unis, qui ont déplacé leurs intérêts stratégiques vers l'Asie-Pacifique, cherchent à y contenir la menace chinoise : la menace nord-coréenne offre une fenêtre stratégique pour surveiller la Chine. Quel crédit accorder aux offres de pourparlers lancées par l'administration Biden à Pyongyang ? Le tir de missile de septembre dernier n'est pas de bon augure... Peut-on compter sur le dialogue intercoréen ? Depuis 2018, il existe, mais produit peu d'effets.

Le RDSE rejoint toutefois la volonté du président Christian Cambon de promouvoir une déclaration de fin de guerre. Nous le devons aux Coréens et surtout aux Coréens du Nord, dont 40 % souffriraient de malnutrition. Le coût humain des sanctions est important, quand leur effet est très limité.

Les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont appelé à un monde dénucléarisé ; c'est une bonne nouvelle. La dénucléarisation de la péninsule coréenne devrait être une préoccupation de la communauté internationale.

Le RDSE votera cette proposition de résolution qui s'inscrit dans notre tradition de défense de la paix et des droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP ; M. Christian Cambon applaudit également.)

M. Gilbert Roger .  - (Mme Victoire Jasmin applaudit.) Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à travailler avec les deux Corées pour qu'elles adoptent une déclaration de fin de guerre et entament un dialogue en vue d'un traité de paix. Elle enjoint également la France à oeuvrer en faveur de la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.

De semblables initiatives seraient en préparation dans d'autres pays. Il est en effet urgent de créer les conditions d'un véritable système de sécurité collective en Asie du Nord-Est, région la plus militarisée au monde.

Le 25 juin 1950, l'armée nord-coréenne franchit le 38e parallèle. La guerre fera entre deux et quatre millions de morts. Un armistice fragile est signé en 1953, jamais suivi d'un traité de paix.

De nombreux affrontements, la plupart provoqués par Pyongyang, ont depuis menacé le cessez-le-feu.

Malgré les tensions, les deux Corées n'ont jamais complètement coupé le dialogue et enchaînent phases de confrontation et de rapprochement. Kim Jong-un a tenu à Pyongyang deux sommets historiques avec les dirigeants du Sud, en 2000 et 2007. En 2018, année des Jeux olympiques en Corée du Sud, un léger dégel a eu lieu. Un premier sommet s'est tenu à Singapour entre le président Trump et Kim Jong-un. Un second, à Hanoï en février 2019, a tourné court.

Cet apaisement précaire jusqu'en février 2019 ne s'est traduit par aucune avancée constructive sur la priorité américaine qu'est la dénucléarisation. En effet, les discussions sont empoisonnées par les tentatives de Pyongyang de se doter de l'arme nucléaire.

Le président Biden a fait le choix d'ignorer l'épouvantail nord-coréen pour se concentrer sur la menace chinoise dans la sphère indopacifique.

Kim Jong-un a renoué les liens avec la Chine, rapprochement concrétisé par la visite de Xi Jinping à Pyongyang en 2019. L'arrivée du Covid a aggravé la donne : dès janvier 2020, la Corée du Nord s'est barricadée. Officiellement la Corée du Nord n'a aucun cas de Covid ; les experts en doutent toutefois.

Les deux Corées ont multiplié les gestes d'apaisement, entérinés par la signature le 27 avril 2018 d'une déclaration commune. Les deux présidents assuraient vouloir instaurer une paix durable et signer un traité « dans le courant de l'année » ; ils s'engageaient en faveur d'une péninsule non nucléaire et disaient vouloir transformer la zone démilitarisée en zone de paix. Une réflexion sur la situation des familles séparées a été entamée.

Mais la reprise du dialogue entre les États-Unis et la Corée du Nord reste plus qu'incertaine. En octobre, Pyongyang s'est dit prêt à envisager des discussions, mais les États-Unis exigent la fin du programme nucléaire militaire nord-coréen comme préalable.

Les prochaines élections sud-coréennes pèsent également dans la situation. Les dirigeants sont pris par le temps : le mandat du président Moon n'est pas renouvelable, tandis que Kim Jong-un a un besoin urgent d'aide alors que la crise alimentaire s'aggrave dans son pays. Sa priorité est donc d'obtenir une assistance alimentaire et médicale de Séoul pour contrebalancer sa dépendance accrue à l'égard de la Chine. Tant la Corée du Sud que la Corée du Nord ont intérêt à mettre fin au conflit.

La France, protagoniste de la guerre de Corée et membre du Conseil de sécurité de l'ONU, n'est pas directement concernée. Néanmoins l'adoption de cette proposition de résolution adresserait un message fort de paix, de confiance et de sérénité. Je partage la volonté, exprimée par Christian Cambon, de tout tenter pour enfin instaurer la paix dans la péninsule. Le groupe SER votera cette résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, UC, Les Républicains, du RDSE et du RDPI)

M. François Patriat .  - Je remercie le président Cambon de nous donner l'occasion de débattre de ce sujet.

L'actualité récente - un transfuge ayant réussi à passer au Nord par la voie terrestre - nous rappelle que la guerre est toujours en cours.

En 1953, l'armistice a bien été signé, mais en l'absence de traité de paix pérenne, officiellement, les deux pays sont toujours en guerre. Cette situation a justifié la dialectique de la peur et de la surenchère, ainsi que la course à l'armement. Les deux Corées sont divisées par une zone frontalière ultra-fortifiée : DMZ, trois lettres qui planent comme une épée de Damoclès sur la péninsule.

Le groupe RDPI salue les efforts du président sud-coréen qui a dernièrement relancé son action de rapprochement devant les Nations unies. Le principe de déclaration de fin de la guerre de Corée a été acté. Le président Moon a réaffirmé, lors de ses voeux, chercher « une voie irréversible vers la paix » en appelant à reprendre le dialogue et la coopération avec le Nord.

On espérait que 2022 soit l'aube d'une nouvelle ère de paix et de prospérité. Malheureusement, le lancement ce matin d'un projectile nord-coréen non identifié est une douche froide. Comme un message de Pyongyang à Washington, pour signifier que sa position est immuable.

Jusqu'à présent, la Corée du Nord avait soufflé le chaud et le froid, tout en poursuivant ses tests balistiques.

On attendait une ouverture de Kim Jong-un mais la communauté internationale n'a pas été éclairée sur ses intentions. Il s'est contenté de dire que la situation exigeait la poursuite de son programme d'armement. C'est amèrement regrettable.

Nous adressons notre solidarité à la population de Corée du Nord, qui souffre d'une grave pénurie alimentaire - imputable certes aux sanctions internationales, mais aussi à la priorité donnée à l'armement.

Cette pénurie s'est amplifiée avec la fermeture des frontières liée à la pandémie de Covid. Pour la première fois, dans son allocution du Nouvel An, Kim en a fait une priorité.

Nous formons le voeu que la Corée du Nord fasse un pas décisif vers la paix, la stabilité et la prospérité mondiales. En dépit des derniers mauvais signaux, il est hors de question de baisser les bras. Nous formons le voeu qu'en 2022 les relations entre les deux Corées se normalisent et que la France y contribue.

Nous voterons cette proposition de résolution et espérons que les Coréens connaîtront le même bonheur que les Allemands à la chute du mur de Berlin. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti et Christian Cambon applaudissent également.)

M. Joël Guerriau .  - Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis tentèrent d'endiguer la menace soviétique par le containment.

En 1950, la Corée du Nord a tenté d'envahir la Corée du Sud. Après trois ans de guerre et plusieurs centaines de milliers de morts, le conflit s'est stabilisé autour du 38e parallèle. La péninsule est divisée en deux, séparant les familles.

Mais la coexistence des deux Corées n'est pas pacifique. En 2006, la Corée du Nord a testé pour la première fois une arme nucléaire : désormais, elle menace la sécurité de toute la région. L'arme nucléaire sanctuarise ce régime marxiste d'un autre temps qui se maintient et opprime sa population, et 70 ans de dictature ont bien préparé la population nord-coréenne aux temps difficiles qui s'annoncent.

La péninsule coréenne doit cesser d'être l'une des poudrières les plus dangereuses de la planète.

En 2017, Donald Trump a menacé la Corée d'une pluie de feu et de fureur, avant de se rapprocher de Kim Jong-un, notamment au cours de rencontres historiques entre les deux leaders en 2018 et 2019. Mais cela n'a débouché sur aucune avancée concrète.

Une Corée du Nord qui se referme sur elle-même n'est pas une bonne nouvelle pour la paix. Pensons à l'Europe qui a su préserver la paix sur son territoire grâce à la construction européenne et au développement des échanges.

De dures sanctions économiques frappent actuellement la Corée du Nord. Il est de l'intérêt de tous d'encourager son renoncement à l'arsenal nucléaire par le renforcement des échanges économiques - Montesquieu soulignait que le commerce mène à la paix.

Cette proposition de résolution oeuvre pour la paix entre les deux Corées. Je salue cette initiative, soutenue par la Corée du Sud, en espérant que les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne fassent de même.

Le groupe INDEP la votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Cambon applaudit également.)

M. Bernard Fournier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) Beaucoup a déjà été dit, notamment par le président Cambon et Catherine Dumas, présidente du groupe d'amitié France-Corée du Sud.

Trois raisons expliquent que nous voterons cette proposition de résolution.

Premièrement, en raison de l'implication historique de la France dans cette région. Nous devons honorer la mémoire des soldats des bataillons français de l'ONU et poursuivre l'implication française dans cette zone.

Deuxièmement, en dépit de la fin des hostilités le 27 juillet 1953, la péninsule coréenne n'a pas recouvré une paix pleine et entière : la situation actuelle repose sur une convention d'armistice tripartite. Or les regains de tension et les manifestations récurrentes des puissances de la région fragilisent fortement ce processus de paix inachevé. Ne serait-il pas temps de lui trouver une issue ?

Dans un contexte de course mondiale aux armements, le délicat sujet du nucléaire militaire doit être abordé. La Corée du Nord fut un temps partie au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Mais sa sortie et la poursuite de son programme nucléaire font courir un dangereux risque d'escalade pour la sécurité mondiale.

Il est opportun que la France relance une initiative de désarmement nucléaire afin de réamorcer le dialogue. Les deux sommets de 2018 n'ont pas eu les effets escomptés. Alors que la France assure la présidence de l'Union européenne, elle pourrait oeuvrer au renouveau du dialogue, en s'appuyant sur la singularité française, respectueuse du multilatéralisme.

Troisièmement, nous devons nous mobiliser pour les populations de part et d'autre de la zone démilitarisée (DMZ) et devons pour cela utiliser tous les leviers disponibles : coopérations scientifiques, économiques, culturelles existantes, en y ajoutant un volet diplomatique nouveau.

Au-delà des États et des armes, il y a des humains qui méritent que nous nous mobilisions pour la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Alain Richard et Christian Cambon applaudissent également.)

M. Yves Détraigne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le cessez-le-feu en cours depuis 70 ans n'offre pas un cadre stable aux relations entre les deux Corées. La France a tout intérêt à soutenir les initiatives vers une déclaration de fin de guerre, gage de stabilité dans une région stratégique.

La relation entre la France et la Corée du Sud s'est renforcée après la visite du président Moon, avec une déclaration commune, fondée sur quatre principes : un dialogue sur les grandes questions internationales, le développement de la coopération en matière de diplomatie, de sécurité et de défense, l'approfondissement des relations économiques et le développement de la coopération dans les domaines des sciences, de l'enseignement, de la culture et du sport. Ces principes ont été réaffirmés et renforcés en mai 2019.

L'adoption d'une déclaration de fin de guerre permettrait d'envisager la dénucléarisation de la péninsule coréenne, condition d'une paix pérenne. Le nucléaire chinois prend de l'ampleur, mais le nucléaire nord-coréen reste tout aussi préoccupant.

La détente relative que Donald Trump et Kim Jong-un avaient tenté de mettre en place à compter de juin 2018 n'a pas fait avancer la dénucléarisation dans la région. La Corée du Nord n'a certes pas procédé à de nouveaux essais nucléaires depuis septembre 2017, mais elle a testé à plusieurs reprises le lancement d'engins susceptibles de transporter ce type d'ogives. Elle continue donc de faire progresser ses programmes d'armement malgré les sanctions.

En août dernier, l'Agence internationale de l'énergie atomique indiquait que les Nord-Coréens avaient relancé leur réacteur nucléaire de Yongbyon : c'est un signal préoccupant.

Dans cet espace qui concentre sept des dix plus importants budgets de défense au monde, l'accentuation des déséquilibres stratégiques et militaires constitue une menace dont les conséquences pourraient impacter la France et l'Europe.

Le groupe UC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Alain Richard et Christian Cambon applaudissent également.)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Ce débat est une bonne initiative. Le Gouvernement en apprécie l'esprit et la méthode et j'en remercie le président Cambon.

Le Gouvernement accorde une importance toute particulière à la situation coréenne, tout d'abord pour des raisons historiques. Plus de 3 000 de nos compatriotes, aux côtés de seize autres nations, ont pris part au conflit, dans les bataillons onusiens ; 300 y ont perdu la vie entre 1950 et 1953, notamment lors de la bataille de Crèvecoeur à l'automne 1951.

Mme Dumas a rappelé son émotion lors de son passage dans la DMZ. J'ai ressenti la même émotion quand j'ai rencontré les vétérans de ce bataillon, dont plus de 500 venaient de mon département. Cet engagement nous impose des devoirs.

Les activités illicites menées par la Corée du Nord constituent une menace pour la paix mondiale. En violation des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, Pyongyang poursuit ses essais balistiques et nucléaires. Le principal réacteur du pays a été remis en service. Des tirs de missiles préoccupants ont été réalisés en septembre et en octobre 2021. Le 28 septembre, le régime a réussi un tir de missile intégrant un planeur hypersonique. Très peu d'États en sont capables. Le 19 octobre, un tir de missile a eu lieu depuis un sous-marin. Aujourd'hui même les provocations continuent, avec un probable nouveau tir de missile balistique. Des investigations sont en cours.

Nous souhaitons un retour sincère de la Corée du Nord à la table des négociations dans le cadre d'une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible du pays. Les sanctions demeurent, faute de mieux, un instrument fondamental.

J'en viens aux droits de l'homme : la situation est très inquiétante. L'ONU dresse un constat accablant dans un récent rapport. L'Union européenne a prorogé ses sanctions jusqu'en 2022. Le suivi humanitaire est difficile, en l'absence de données fiables. Depuis la pandémie, les frontières sont totalement hermétiques et les ONG françaises rencontrent les plus grandes difficultés à agir.

La proposition de résolution soumise à cet examen, issue de la demande du président Moon devant l'ONU, rejoint d'autres initiatives prises en 2007, 2018 et 2019.

La France est favorable à ces initiatives, convaincue de la nécessité d'établir une paix durable dans la région. Votre volonté d'oeuvrer en faveur du dialogue intercoréen est partagée par le Gouvernement, notamment au regard de notre stratégie Indopacifique.

Le communiqué en cours de discussion donnera des éléments précis, sur lesquels se fondera la déclaration française, notamment en matière de contenu exact de la dénucléarisation : le démantèlement doit être complet, vérifiable et irréversible. L'Assemblée nationale de Corée travaille à un texte de même nature depuis septembre 2020. Nous serons très attentifs aux termes employés.

Dans cette attente, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Voilà la force de la diplomatie parlementaire, à laquelle vous êtes très attaché, Monsieur Cambon : anticiper et tracer des chemins vers la paix. Notre ministère soutiendra le dialogue et le rapprochement intercoréen, au service de la paix internationale. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

La proposition de résolution est adoptée à l'unanimité.

(Applaudissements)

M. Christian Cambon.  - Je ressens ce soir une légitime fierté : le Sénat agit pour la paix. Je remercie le ministre pour son soutien.

Nous sommes le premier Parlement du monde occidental à voter un tel texte, bientôt suivi, je l'espère, par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

Certes, une proposition de résolution ne comporte que des recommandations, mais elles peuvent parfois s'avérer utiles.

Mes chers collègues, je tiens à vous témoigner ma plus grande gratitude pour ce geste en faveur de la paix. (Applaudissements)