Contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires
Mme le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « la contribution des politiques d'appui aux collectivités à l'aménagement et la cohésion des territoires ».
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vaste sujet...
Mes questions vous paraîtront probablement peu originales : je les avais posées l'an dernier à M. Joël Giraud.
Ma première question concerne le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Je remercie le président Raynal pour le travail réalisé sur ce sujet. On le sait, le Sénat prône un rééquilibrage en faveur des communes qui se sont senties lésées. (M. Claude Raynal approuve.) Que prévoit le Gouvernement ?
Ma deuxième question concerne le déficit de recettes des collectivités. Le Gouvernement a maintenu la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), mais la crise sanitaire a fortement impacté les recettes de fonctionnement. Les maires de mon département, comme beaucoup d'autres, nous alertent. Ces communes ne doivent pas être les oubliées de la crise.
Enfin, sur le texte 3DS, je rappelle votre engagement à prendre en compte les 50 propositions du Sénat. Il faut renforcer l'État territorial et la place de coordinateur du préfet de département. Or, bien souvent, nous avons la désagréable surprise de vous voir lui préférer le préfet de région. Les collectivités territoriales attendent plus de proximité.
Entendez la voix du Sénat, pour plus d'agilité et d'efficacité au service de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - À l'heure d'une campagne présidentielle où fleurissent les propositions, ce débat a toute sa place ici.
La façon dont l'État agit n'est pas satisfaisante. Les maisons France services se sont certes développées, mais leur déploiement est inégal et tant l'illectronisme que les retards de déploiement de la fibre en montrent les limites.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a connu des retards à l'allumage. L'appui que les territoires recherchent n'est pas uniquement financier : ils ont aussi besoin d'ingénierie.
Nous, écologistes, pensons global et agissons local. Nous alertons depuis longtemps sur la recentralisation et la déconcentration qui perturbent l'autonomie de nos territoires.
Le nombre et les pouvoirs des préfets se multiplient, aggravant la mainmise de l'État déconcentré, comme sur l'Agence de la transition écologique (Ademe).
Le couple maire-préfet n'a de sens que si le maire a de réels pouvoirs. Certains revendiquent ce pouvoir pour interdire les éoliennes, mais le refusent lorsqu'il s'agit de lutter contre les épandages ou d'interdire la chasse le week-end. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains)
Le soutien est avant tout financier. C'est ainsi que l'État, via les pôles territoriaux de coopération économique, va concourir financièrement à des projets coopératifs économiques et solidaires territoriaux.
Lors du dernier projet de loi de finances, plusieurs amendements ont permis d'accompagner la métropole d'Aix-Marseille, par exemple dans le transport, le logement, la rénovation des écoles. Pour autant, si la métropole a tant besoin d'aide, c'est parce qu'elle est de plus en plus démunie.
Plus qu'un pacte de gouvernance, il faut une nouvelle vision de l'organisation territoriale, bâtie et pensée avec nos collectivités. Les politiques de soutien sont encore trop centralisées.
Couverture 4G, rendez-vous médicaux, desserte TER... Voilà les vraies attentes de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Marie-Claude Varaillas . - Ce débat ne porte pas sur les compétences des collectivités territoriales, mais sur l'appui que l'État et ses opérateurs leur apportent.
L'enjeu démocratique réside dans la conciliation entre intérêt local et intérêt général. Financements et pouvoirs se sont concentrés dans les métropoles ; les périphéries n'ont pas bénéficié du ruissellement et n'auront pu s'exprimer que sur les ronds-points...
La crise démocratique n'a pas été résorbée par l'exécutif pendant ce quinquennat et la loi 3DS ne fera pas bouger les lignes. C'est en réalité une loi de désengagement de l'État de sa responsabilité d'aménageur, par exemple sur les routes et les petites liaisons ferroviaires. Nous l'avons refusé au Sénat : l'État doit relier les territoires et non les segmenter.
Le Gouvernement n'a pas répondu aux attentes des collectivités territoriales sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), dont la stabilité est trompeuse. La nationalisation de la taxe d'habitation a coupé le lien entre fiscalité et territoires. De nombreuses collectivités ont subi des effets de ciseaux avec la dotation de solidarité rurale (DSR) ou le fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Le recentrage de la DETR pose la question de sa vocation généraliste. Les zones de revitalisation rurale (ZRR) doivent être pérennisées. L'État a revu à la baisse son soutien à la construction et s'est progressivement désengagé de la production de logements abordables.
Désormais, les politiques d'appui passent essentiellement par la contractualisation. C'est cette logique de guichet qui a prévalu lors de la création de l'ANCT - mais son fonctionnement n'est pas optimal et ses moyens insuffisants. Communes et intercommunalités sans ingénierie restent à l'écart des financements.
Les opérateurs de l'État voient leurs moyens baisser. Certains, comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), sont directement menacés.
Les élus ne veulent pas moins d'État, mais mieux d'État.
Enfin, au-delà de l'appui aux collectivités territoriales, nous avons besoin d'une déclinaison efficace des politiques nationales, qui respecte le principe d'égalité devant le service public. Je pense à l'hôpital public soumis au dogme de la rentabilité, à la couverture numérique, aux crèches, aux gares, etc. Les maisons France Services gèrent la pénurie alors que des pans de l'économie sont privatisés.
Nous avons besoin d'une loi d'aménagement du territoire, bâtie autour de trois piliers : habiter, travailler et vivre sur un territoire. Tel sera le chantier du prochain quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le débat porte sur une thématique chère au Sénat : comment favoriser la cohésion en prenant en compte les réalités locales ?
Banque des territoires, programmes « Action coeur de villes », « Petites villes de demain », plan Avenir Montagnes : les dispositifs sont variés.
Mais ces politiques d'appui ne sont pas une panacée. Elles sont complexes à mettre en oeuvre pour les petites communes. Demander une subvention, c'est une épreuve en solitaire dans la jungle administrative ! Une municipalité peut manquer des ressources humaines pour répondre à un appel à projets. Comment le préfet, en sa qualité de délégué territorial de l'ANCT, pourrait-il y remédier ?
Le Sénat a formulé des préconisations lors de l'examen du projet de loi 3DS, comme un formulaire Cerfa unique de demande de subvention. Il faut laisser plus de liberté aux communes dans leurs choix de compétences : le Sénat l'avait proposé en matière d'eau et d'assainissement. (Approbation sur les travées du groupe Les Républicains) C'est facile et ne coûte rien : j'espère une évolution du Gouvernement sur ce point.
Enfin, la loi Gemapi doit être révisée : les territoires de montagne ne peuvent financer toute la vallée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le projet de loi de finances pour 2022 aurait dû être l'occasion de faire le bilan du quinquennat sur l'aménagement du territoire.
La relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales repose sur trois piliers : clarté et stabilité de la norme ; péréquation territoriale ; accompagnement humain, juridique et financier des territoires les plus défavorisés. Sur ce dernier point, le RDSE se réjouit de la hausse des effectifs de l'État dans les départements, après une baisse constante depuis 2007.
Cependant, le Cerema a perdu 700 postes en sept ans, une véritable hémorragie. Cette cure d'austérité doit cesser.
Le RDSE a soutenu la création de l'ANCT qui monte progressivement en puissance. Les élus sont impatients, après des décennies d'abandon de la politique d'aménagement du territoire et la priorité octroyée aux métropoles.
Un effort particulier doit être réalisé en matière d'ingénierie, bien au-delà des 20 millions d'euros actuellement proposés - pour 750 projets en 2021 -, dont la moitié va à des prestataires privés.
Mettons un terme à la concurrence entre territoires via les appels à projets : les programmes de l'ANCT excluent certains territoires qui n'ont pas les moyens de monter des dossiers. Il faut plus de moyens pour rattraper les effets du retrait de l'État.
En Occitanie, seules 225 communes sont labellisées « Petites villes de demain », alors que le programme « bourgs-centres » de la région bénéficie à 501 communes... Que fait-on des communes oubliées ? Il faut mieux identifier les bénéficiaires des programmes.
Les collectivités territoriales attendent un accompagnement effectif pour maintenir les bassins de vie, faciliter l'accès aux services publics, se développer. En somme, de l'équité et de la cohésion territoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Claude Raynal . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Mardi dernier, comme président de la commission des finances, je regrettais que nous nous privions d'une séquence budgétaire toujours utile. J'aborderai donc la séquence qui s'ouvre comme rapporteur spécial sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
La suppression de la taxe d'habitation a porté un coup supplémentaire à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Les EPCI ont perdu 7,1 milliards de recettes en échange d'une fraction de TVA sur laquelle ils n'ont aucun pouvoir de taux. Quant à la réforme des impôts de production, elle porte sur 3,2 milliards d'euros. Au total, la part des recettes fiscales sur laquelle nos collectivités territoriales conserveraient un pouvoir de taux ou d'assiette s'établirait à 62 % pour le bloc communal, 33 % pour les départements et 10,6 % pour les régions.
Les ressources issues de la fiscalité directe locale diminuent chaque année au profit de concours de l'État, souvent discrétionnaires. Les principaux concours versés aux collectivités par l'État - DSIL, DETR, etc. - sont en réalité des subventions d'équipement pour un montant total de 2 milliards d'euros en 2021, hors plan de relance.
Sans oublier les aides des différentes agences de l'État - Ademe, ANCT, ANRU... - qui s'établissent à 5 milliards d'euros. Ces aides sont complexes ; leurs critères souvent rigides. La Cour des comptes considérait en mai dernier que ces différents programmes étaient révélateurs d'une certaine imprécision dans la stratégie de l'État.
En voulant mettre en place une politique d'encadrement budgétaire des collectivités, l'État organise l'aménagement et la cohésion des territoires, en ne leur laissant qu'une marge de manoeuvre réduite.
Des consignes de mobilisation des dotations au bénéfice des partenariats ont été passées. En actant la suppression de la fraction libre d'emploi de la DSIL, le projet de loi de finances pour 2022 s'inscrit dans cette logique, qui tend à faire des collectivités territoriales les bras armés de l'État.
On comprend que l'État flèche des priorités, mais laissons les élus impulser des politiques adaptées à leur territoire. Aujourd'hui, ils sont souvent jugés sur des politiques décidées par l'État !
M. Laurent Duplomb. - Tout à fait !
M. Claude Raynal. - N'est-il pas temps de trouver le bon équilibre entre subventions fléchées et financements libres d'emploi ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) On ne saurait minimiser l'appui de l'État, qui est primordial, tout particulièrement en période de crise. Mais cette action doit être efficace et pérenne. Quelles sont les attentes des collectivités ? Quelle est la stratégie de l'État ?
Les collectivités territoriales ont besoin d'un dispositif proche, global, transparent et qui les accompagne sans se substituer à elles.
La création de l'ANCT, issue de la proposition de loi de notre collègue Requier, constitue une nouvelle étape significative. En 2016 déjà, Hervé Maurey et moi-même appelions un tel organisme de nos voeux. Les élus sont satisfaits de disposer de ce guichet unique.
Il faut maintenant une approche transversale, pour faire du cousu main et permettre le partage d'expérience. L'innovation publique locale ne doit pas être découragée.
La contractualisation repose sur les contrats de plan État-Région (CPER) et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). On ne saurait oublier les ZRR dont nous attendons avec impatience la constitution des groupes de travail. La durée des CRTE doit être alignée sur un mandat.
La crise sanitaire et économique a mis en exergue le rôle clé des collectivités territoriales aux côtés de l'État pour gérer l'urgence.
La politique d'appui aux collectivités territoriales doit reposer sur un cadre souple, une politique contractuelle lisible et un engagement dans la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je veux évoquer quatre sujets concrets : les CRTE, tout d'abord. Certains préfets traitent uniquement avec les présidents d'EPCI, en oubliant les maires. Serait-ce la fin du couple maire-préfet, tant vanté par le Président de la République ?
Les conseillers numériques, ensuite : les premiers sont arrivés sur le terrain pour aider les collectivités territoriales à lutter contre l'illectronisme. Quelque 250 millions d'euros ont été prévus en 2021, mais quid du financement de ces emplois au-delà des trois années de contrat ? Le financement de leur formation est également problématique : qui prend en charge les frais de déplacement ?
De nombreuses communes ont monté des opérations scolaires ou périscolaires avec des agents de plus de 50 ans en contrats aidés. Mais ces publics ne sont plus considérés comme prioritaires et leurs contrats ne peuvent être renouvelés. Pôle Emploi ne pourrait-il faire preuve d'un peu de souplesse ?
Les régisseurs municipaux ne peuvent plus déposer leurs recettes auprès de la trésorerie départementale, mais dans un bureau ou une agence postale - c'est le cas en Moselle. Le recomptage contradictoire immédiat a disparu et l'éventuelle différence est imputée au régisseur, sur ses deniers personnels. L'État doit exiger de La Poste un retour du recomptage contradictoire, sans quoi nous ne trouverons plus aucun agent pour exercer la fonction de régisseur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Martine Filleul . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les collectivités territoriales ont été particulièrement sollicitées au cours de la crise sanitaire. Elles le seront aussi pour la transition écologique et ont besoin d'élaborer une stratégie de développement durable et résilient. Pour cela, il leur faut de l'ingénierie ; mais les plus petites d'entre elles, notamment rurales, manquent de moyens et ont besoin de l'expertise de l'État.
L'ANCT a été créée dans cet esprit, pour être une « fabrique de projets », mais ses moyens financiers et humains demeurent insuffisants. Avec 400 projets soutenus en 2021 et 500 en 2022 et 2023, on est loin des besoins des 25 000 communes de moins de 1 000 habitants. Et quid des collectivités territoriales qui n'entrent dans aucun dispositif ?
Les politiques de labellisation et les contrats de ruralité sont très complexes et peu lisibles pour les collectivités territoriales. Quand l'accès aux aides de l'État est si laborieux qu'il en devient inaccessible aux collectivités territoriales qui en ont le plus besoin, on frôle l'absurde. Il faut une action ciblée et renforcée en direction des territoires les plus en détresse.
La décentralisation ne doit pas être synonyme de désengagement ni de dessaisissement de l'État. Celui-ci doit conserver un rôle éminemment stratégique, au service de la cohésion et de l'équité territoriales.
De ce point de vue, on ne peut que regretter le mandat pour rien du Haut-Commissariat au plan, véritable coquille vide.
Le développement nécessaire - mais anarchique - des éoliennes et les problèmes spécifiques des communes littorales avec le retrait du trait de côte sont des exemples du besoin d'appui des collectivités territoriales.
M. Bruno Belin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voici qu'on reparle d'aménagement et de cohésion des territoires... Plutôt que de ZRR, on devrait parler de zones de frustration rurale ou de zones de libertés locales à développer.
Les élus attendent plus d'écoute et de confiance, notamment pour construire. Les règles des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) de 2021 désavantagent les territoires ruraux. Les élus locaux doivent pouvoir construire, ou ne pas construire. Sur les éoliennes, le dernier mot doit leur revenir. Le débat n'est pas de savoir si les architectes des bâtiments de France (ABF) ont raison ou tort : mais que de temps perdu et de découragement dans la France de Viollet-le-Duc !
Donnons-nous les moyens d'accueillir. Où en sont les 5 000 pylônes de téléphonie mobile promis ? Arrêtons les fermetures de classes, de services publics ou d'officines sans repreneur immédiat ! Il faut laisser vivre tout ce qu'on peut.
La démographie médicale est un sujet qui ne peut pas attendre dix ans. Il faut ouvrir les vannes des écoles d'infirmiers et de sages-femmes. Cela ne coûte rien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Si !
M. Bruno Belin. - La France des frustrations doit devenir la France des espérances ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
MM. Bruno Sido et Laurent Duplomb. - Bravo !
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) De tout temps, l'aménagement du territoire a été un sujet majeur. Aujourd'hui, il doit tenir compte du dérèglement climatique. La loi Climat et résilience ou le projet de loi 3DS ont déchaîné les passions : l'artificialisation des sols, la question des espaces préservés sont des sujets désormais très débattus.
En Loire-Atlantique, le pays de Retz, la Côte d'Amour ou la Côte Sauvage sont concernés. Pornic voit sa population augmenter de 1,5 % par an - cela s'est accentué depuis dix-huit mois à la faveur de la pandémie. Or cette commune subit de plus en plus de tempêtes, inondations, montées des eaux et les possibilités de construction y sont restreintes.
Les communes littorales sont soumises à de nombreuses lois - Littoral, ELAN, ALUR, Climat et résilience, 3DS, etc. -, qui, pour la grande majorité, vont dans le bon sens. Mais s'il est évident qu'il faut réduire l'artificialisation des sols, il faut aussi pouvoir accueillir les nouveaux venus et permettre à nos concitoyens de vivre là où ils sont nés.
Nos élus locaux sont parfois insultés, voire menacés, quand des immeubles sont construits, notamment pour respecter les pourcentages minimaux de logements sociaux.
Il faut une véritable différenciation sur les territoires. La France est riche de sa diversité. Faisons confiance aux acteurs de proximité ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Le thème de ce débat est très important. En cette période d'examen du projet de loi 3DS à l'Assemblée nationale, je tenais à être présente au Sénat pour échanger avec vous.
La politique de cohésion des territoires passe par la volonté de construire ensemble des projets.
L'État considère qu'il a une mission d'appui aux collectivités dans l'aménagement de leurs territoires ; mais qu'il a aussi une mission d'aménagement du territoire national, dans une logique de subsidiarité.
L'État travaille toujours de manière partenariale, à l'initiative des collectivités territoriales. Claude Raynal évoquait les financements des différentes politiques publiques insufflées par l'État sur les territoires. Ces politiques - « Action coeur de ville », « Petites villes de demain »... - sont appréciées.
En matière de très haut débit, le développement de la fibre réalisé par l'État était souhaité par les élus, notamment ruraux. Dans le cadre de cette politique partagée, départements et intercommunalités portent souvent des réseaux d'initiative publique (RIP).
Il ne s'agit pas d'imposer des politiques, mais l'État doit prendre ses responsabilités face aux évolutions de la société ou du climat - je pense aux problèmes des communes côtières dont il a été question par exemple. Travaillons ensemble.
La contractualisation est un élément très important. Ainsi, les CRTE se développent - 843 d'entre eux sont en cours.
Un certain nombre de départements, dont la Nièvre, les Ardennes, la Creuse ont vu leur DGF augmenter, malgré la diminution de leur population.
Dans le cadre du plan de relance, les dossiers ont pu avancer, notamment via la DSIL.
Au sein du programme 112, les ressources du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (Fnadt) s'accroissent de 35 millions d'euros pour 2022.
Beaucoup a été fait en deux ans par l'ANCT. Un tiers de son budget, soit 20 millions d'euros, va au financement de l'ingénierie pour aider les collectivités territoriales à concrétiser leurs projets. L'ANCT ne concurrence pas les ingénieries locales ; elle intervient dans une logique de subsidiarité. Ses financements sont bien évidemment ouverts à toutes les collectivités territoriales, madame Filleul. Les aides sont gratuites pour les communes de moins de 3 500 habitants et les intercommunalités de moins de 15 000 habitants : la ruralité dans son ensemble peut donc bien en bénéficier.
Le Gouvernement est favorable à la prolongation des zonages des ZRR jusqu'en décembre 2023. Sur le texte en discussion en commission à l'Assemblée nationale, nous déposerons donc un amendement concernant la politique de la ville, pour réparer un oubli.
Monsieur Darnaud, le rapport sur le FPIC est paru. Nous envisageons de reprendre par amendements certaines mesures proposées par le Sénat, notamment sur les garanties de sortie.
Je reviens au projet de loi 3DS : je suis entièrement d'accord avec vous sur le renforcement du préfet de département, même s'il est prévu que le préfet de région soit le délégué territorial de l'Ademe, dont l'organisation est régionale.
J'espère un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Mme Varaillas m'a accusée de métropolisation... Ce n'est pas sous ce quinquennat que la loi créant les métropoles a été adoptée ! (M. Laurent Duplomb proteste.)
Mme Cécile Cukierman. - Nous ne les avons jamais votées !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Soyons réalistes : les métropoles sont une réalité. Je ne comprends pas cet acharnement à opposer les métropoles aux zones rurales et aux périphéries. Traitons les sujets qui doivent l'être !
Ne nous reprochez pas non plus de nous désengager, sur la question des routes : nous achevons le travail engagé par Jean-Pierre Raffarin... Encore est-ce seulement pour les départements volontaires.
Dans le budget que vous n'examinerez pas, l'État versera 500 millions d'euros à La Poste pour qu'elle continue à assurer ce service public sur les territoires, madame Varaillas. Est-ce là un désengagement ?
M. Daniel Chasseing . - Les politiques d'appui aux collectivités sont nécessaires sur tout le territoire mais elles doivent être amplifiées dans les territoires ruraux, soit 80 % de notre pays et 30 % de la population, pour y maintenir la vie et réduire les inégalités.
Il faut notamment accompagner la réindustrialisation des zones rurales et la diversification des activités agricoles grâce à l'irrigation. Nous avons besoin de préfets développeurs. L'artificialisation des sols doit être différenciée entre territoires ruraux et urbains.
Le Gouvernement souhaite-t-il des ZRR mieux ciblées après 2022 et une plus grande différenciation en matière d'artificialisation ?
Il faut aussi un médecin par maison de santé. Suivrez-vous les préconisations du Sénat en la matière ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je connais votre attachement aux ZRR, monsieur Chasseing. Nous avons accepté le prolongement d'un an des zonages pour continuer à réfléchir, avec les sénateurs Frédérique Espagnac, Bernard Delcros et Rémy Pointereau, aux évolutions les plus pertinentes.
La question de l'eau devient de plus en plus importante. Nous savons ce qui s'est passé dernièrement dans les Deux-Sèvres ou dans le Lot-et-Garonne.
M. Laurent Duplomb. - C'est inadmissible !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Il faut avancer sur ce sujet vital et éviter les oppositions stériles.
Mme Else Joseph . - Nos collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées en ces temps de crise. Un appui renforcé est donc indispensable. Or beaucoup de petites collectivités territoriales souffrent d'un défaut d'ingénierie. Tout le monde n'est pas logé à la même enseigne en ce domaine.
Environ 30 000 communes et intercommunalités n'ont pas les moyens de se doter d'un service d'ingénierie. Les plus petites communes doivent être associées aux politiques mises en place. Nous resterons vigilants pour que les maires puissent bénéficier d'un soutien.
Le calcul des dotations et de la péréquation doit tenir compte des spécificités rurales.
Comment comptez-vous permettre aux petites communes rurales de bénéficier concrètement des politiques engagées afin qu'elles puissent mener à bien leurs projets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'ANCT a été conçue pour aider les communes rurales. Elle peut répondre à des besoins très spécifiques, et son aide est gratuite pour les communes de moins de 3 500 habitants et pour les intercommunalités de moins 15 000 habitants.
J'ai tenu à ce que « Petites villes de demain », ne fixe pas de seuil démographique, afin que des petites communes qui ont une fonction de centralité puissent bénéficier de ce programme.
Enfin, 800 volontaires territoriaux en administration (VTA), financés par l'État, aident à monter les projets des communes.
M. Guillaume Gontard . - Depuis vingt ans, les gouvernements successifs n'ont cessé de rogner sur l'autonomie fiscale des collectivités. Mais ce Gouvernement a battu des records avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, soit 30 % de recettes que les élus locaux ne peuvent plus moduler. Dans le même temps, les transferts de compétences se multiplient...
L'État coupe le robinet en direction des collectivités territoriales tout en insistant sur leur rôle essentiel dans tous les domaines. Il les contraint même dans leur capacité à moduler les taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires !
Pourquoi priver les communes de l'un des rares leviers financiers qui leur restent ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Président de la République a tenu son engagement en matière de suppression de la taxe d'habitation. Les Français s'y retrouvent en matière de pouvoir d'achat et la compensation est assurée à l'euro près.
Sur les résidences secondaires, l'évolution du taux est encadrée par une règle qui existe depuis le début de la décentralisation : il n'y a donc rien de nouveau. En revanche, une réflexion sur les logements vacants est nécessaire.
M. Guillaume Gontard. - Vous ne m'avez pas répondu sur l'autonomie fiscale.
En réalité, vous protégez les intérêts des multipropriétaires. (Mme la ministre lève les bras au ciel.) C'est fort regrettable.
Mme Cécile Cukierman . - Comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous fêterons dans quelques jours les deux ans de l'ANCT. Il n'en reste pas moins que les maires ont du mal à savoir qui fait quoi en matière d'ingénierie. Lors du congrès des maires, un élu local m'a dit que pour solliciter de l'ingénierie, il fallait de l'ingénierie...
Saisir l'ANCT n'est pas toujours si facile... Comment y arriver concrètement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire connaître l'ANCT. Son directeur général se déplace beaucoup, les préfets organisent des réunions pour la présenter... Aujourd'hui, l'agence aide pas moins de 700 petites communes.
Je viens d'un département rural ; il faut que les maires osent demander de l'aide. L'intercommunalité a aussi un rôle à jouer dans ce domaine.
Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et le Cerema, désormais ouvert aux collectivités, sont les partenaires de l'ANCT.
Merci aussi à vous de faire connaître l'ANCT.
Mme Cécile Cukierman. - Nous avons besoin de travailler ensemble. Les maires se retrouvent dans la situation du jeune demandeur d'emploi à qui on demande dix ans d'expérience.
M. Stéphane Demilly . - (M. Michel Canévet applaudit.) En 2021, 11 % des Français n'ont pas un accès aisé aux soins - contre 7 % en 2012. Les raisons sont nombreuses : absence d'anticipation des gouvernements successifs, départs massifs à la retraite de médecins et peur de froisser un lobby médical politiquement sensible. Des mesures ont été mises en place mais elles relevaient plus de l'homéopathie que de la médecine d'urgence. Même l'égalité des soins dont la France s'enorgueillissait se délite : un médecin pour 400 habitants dans les Alpes-Maritimes - un pour 1 000 dans l'Eure ou en Seine-et-Marne.
Un tiers des généralistes ont plus de 60 ans. Pompon du palmarès : il faut 80 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, plusieurs mois dans la Somme.
Le temps des rapports, des constats et des « mesurettes » doit laisser place à un véritable plan Marshall. Il faut de l'audace, encore de l'audace et toujours de l'audace ! Répondez aux oubliés de la santé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur plusieurs travées du RDSE)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Merci d'avoir posé votre question de cette façon. Sur tous les territoires, la problématique de la démographie médicale s'est installée au coeur des préoccupations. En augmentant les places en formation, nous résoudrons le problème à terme, mais cela prend du temps : cinq ans pour les infirmiers, dix ans pour les médecins.
L'État a lancé un programme de 400 médecins salariés - il y en a actuellement 200, faute de candidats. Nous encourageons les médecins à prendre des stagiaires avec eux et nous avons augmenté la prime des internes.
La Saône-et-Loire a embauché des médecins salariés sur trois ans, espérant qu'une partie d'entre eux s'installera définitivement.
L'articulation entre hôpital et médecine de ville est également importante.
M. Jean-Pierre Corbisez . - (M. Joël Bigot applaudit.) Dans le Pas-de-Calais, l'ancien bassin minier regroupe les communes les plus pauvres de France. Pour faire face au Covid, les collectivités territoriales ont augmenté leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement en achetant des détecteurs de CO2, des masques, des gants ou encore des purificateurs d'air. Selon la direction générale des collectivités territoriales, les besoins de financement des collectivités se sont élevés à plus d'un demi-milliard d'euros en 2020 tandis que les investissements des communes diminuaient. Les 890 communes du Pas-de-Calais me sollicitent souvent à ce propos.
En outre, les maires s'inquiètent des hausses annoncées pour 2022 : à partir du 1er janvier, le ciment augmentera de 10 %, la laine de roche et l'aluminium de 20 %. N'oublions pas non plus la hausse du prix de l'énergie qui impacte les budgets de fonctionnement des collectivités.
Qu'envisage le Gouvernement pour faire face aux dépenses locales ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - C'est à cela que servent les débats budgétaires... quand ils ont lieu. La hausse des matières premières ne va pas renchérir les devis déjà signés mais les contrats à venir.
Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de la DSIL de plus de 300 millions d'euros. La DETR s'élève déjà à plus de 1 milliard d'euros - ce n'est pas rien !
Les impôts fonciers bénéficieront d'une revalorisation de la base locative à hauteur de l'inflation, soit 3,2 % en 2022, rapportant 1 milliard d'euros supplémentaires aux communes et aux intercommunalités. Quant à la TVA, les départements devraient voir leurs recettes augmenter de 815 millions et les régions de 800 millions d'euros.
Nous sommes vraiment à l'écoute des collectivités territoriales. À l'occasion du projet de loi de finances, nous avons décidé de prolonger le dispositif de l'année dernière en faveur des régies municipales.
M. Éric Kerrouche . - La suppression de la taxe d'habitation est une mauvaise idée tant du point de vue de l'autonomie des collectivités territoriales que de la justice sociale : les 80 % des ménages les plus modestes bénéficient de 57 % de la baisse, soit 555 euros en moyenne, et les 20 % les plus aisés de 43 %, soit 1 158 euros en moyenne !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - C'est toujours un gain !
M. Éric Kerrouche. - Près de 40 % des 1 500 élus que nous avons interrogés avec Agnès Canayer pour le rapport de la délégation aux collectivités territoriales considèrent le niveau d'ingénierie comme ni bon ni mauvais ; la moitié font appel au département ou à leur EPCI lors du lancement d'un projet complexe, moins de 50 % des répondants connaissent l'ANCT et 22 % ont fait appel à elle.
Comment développer cette agence ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement voulait que la suppression de la taxe d'habitation bénéficie à 80 % de la population - le Conseil constitutionnel en a décidé autrement.
L'ANCT est déconcentrée, puisque c'est le préfet, voire le sous-préfet secondé par la Direction départementale des territoires (DDT) ou la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), qui est en charge de l'ingénierie.
L'agence envoie ses publications dans les mairies ; elle a eu un stand au Congrès des maires...
L'agence porte des politiques publiques importantes comme le plan Montagne.
Le travail se poursuit donc.
M. Pierre-Jean Verzelen . - La recentralisation du RSA est expérimentée - mais elle ne fait pas l'unanimité chez les présidents des départements, qui considèrent le social comme la raison d'être de l'action départementale.
Pourtant, dans l'Aisne, on voit de grands décalages dans le reste à charge par habitant par rapport à la moyenne nationale, ce qui asphyxie les finances du conseil départemental.
Plutôt qu'une recentralisation, ne croyez-vous pas qu'une péréquation horizontale entre départements serait préférable ? Il s'agit d'un sujet délicat et l'intervention de l'État serait la bienvenue.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - L'Assemblée des départements de France (ADF) - non sans débats - avait proposé la recentralisation du RSA. Le clivage politique initial a été dépassé, grâce à l'expérimentation.
En Seine-Saint-Denis, le conseil départemental est très satisfait de l'accord portant sur la reprise du RSA par l'État, même si certaines ressources comme les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) lui échappent désormais.
Dans l'Aisne, le taux de la taxe foncière est très élevé : il n'y a donc plus de marges de manoeuvre. Le département souhaite la recentralisation du RSA, mais pas en 2022. D'autres y réfléchissent aussi, comme la Somme ou la Corrèze.
N'oublions pas que les DMTO augmentent en moyenne de 20 à 25 %, ce qui bénéficiera au budget des collectivités.
M. Bruno Rojouan . - La crise sanitaire a fait redécouvrir à de nombreux Français les charmes de la vie à la campagne ou dans les petites villes. Dans mon département de l'Allier, des biens qui ne trouvaient pas preneurs se vendent désormais.
C'est une chance si les nouveaux habitants, souvent jeunes, restent sur ces territoires. Nous avons d'autant plus besoin de réseaux ferrés et routiers améliorés, de réseaux de fibre et de téléphonie mobile développés. Le new deal mobile doit prendre de l'ampleur. Il faut en finir avec les zones blanches et les fermetures des bureaux de poste et des classes.
L'implantation des maisons France Services ne résout pas tout ; le reste à charge pèse lourd sur les finances des collectivités territoriales qui craignent en outre une inégale implication des opérateurs dans la durée.
Les territoires ruraux se battent chaque jour pour attirer de nouvelles populations ; le soutien de l'État doit être plus important. Beaucoup reste à faire en la matière.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je sais que des zones blanches et grises persistent en matière de couverture en téléphonie mobile. Reconnaissons cependant les efforts des opérateurs. Sur les 5 000 pylônes prévus, 2 987 ont été installés et 1 000 de plus le seront en 2022. En outre, chacun d'entre eux sert à tous les opérateurs. Aujourd'hui, notre pays compte 30 000 pylônes.
L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) est là pour vérifier que le rythme reste bon - c'est ce que confirme un rapport publié en septembre.
À Salbris, en Sologne, il n'est pas facile de faire passer des ondes...
Pas moins de 1 600 communes sont concernées par le programme « Petites villes de demain ». J'y suis très attachée.
M. Daniel Salmon . - Le rôle des collectivités territoriales est central dans la gestion des déchets. Le Grenelle de l'environnement préconisait qu'elles puissent intégrer une part incitative dans les taxes ou les redevances d'enlèvement. Mais cela reste complexe techniquement, surtout dans les habitats denses.
Pourquoi ne pas prévoir des taxes ou des redevances par secteurs, quartiers ou îlots, définis par les collectivités territoriales elles-mêmes ?
Ce dispositif simple qui fait consensus auprès des associations d'élus pourrait être introduit par amendement dans le projet de loi de finances - que nous n'examinerons malheureusement pas.
Pourriez-vous présenter un tel amendement lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Votre demande est un peu curieuse : vous me demandez de défendre un amendement que vous ne pourrez déposer ! Je ne prendrai pas un tel engagement, d'autant que ce dossier est complexe.
Les redevances incitatives ne font pas l'unanimité, loin de là ! L'usager qui produit moins de déchets paye moins cher, mais élargir cette redevance à tout un quartier dénaturerait son objet même car les ménages les plus économes seraient pénalisés tandis que les gros producteurs de déchets payeraient moins. Une redevance incitative ne peut se concevoir qu'au plus près des usagers. Ce que vous proposez mérite d'être approfondi.
M. Daniel Salmon. - Ma proposition n'a rien de curieux. Nous devons impérativement réduire nos déchets et il est indispensable d'expérimenter, pour faire face aux tonnes de déchets qui s'accumulent.
Mme Céline Brulin . - La défense extérieure contre l'incendie (DECI) est un sujet primordial. C'est une épine dans le pied des élus de Seine-Maritime. Certaines communes manquent de foncier pour installer des bâches ou des réserves d'eau enterrées ; pour d'autres, le débit d'eau est insuffisant.
Les dépenses représentent parfois jusqu'à la totalité du budget d'investissement du mandat, sans parler des bureaux d'études qui font monter les enchères. Résultat, des permis de construire ne peuvent être délivrés, des aménagements sont empêchés, renforçant le sentiment d'abandon des petites communes qui se sentent asphyxiées.
La préfecture ne révisera le règlement départemental qu'à la marge, alors que le rapport Maurey-Montaugé montre que les préfectures ne peuvent chiffrer les coûts de mise en conformité. Pouvez-vous le faire ?
Comment soutenir les communes, alors que la part de la DETR consacrée à la DECI est passée de 1 à 8 % depuis 2017 ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je rappelle que les SDIS sont une compétence décentralisée. Le rapport Maurey-Montaugé a mis en évidence les difficultés d'application sur le terrain depuis la réforme de 2015. Je vous confirme que le Gouvernement va se saisir du problème, sans avoir pour autant l'intention de recentraliser cette politique.
En juillet, j'avais donné un avis favorable à un amendement de M. Maurey demandant un rapport au Parlement d'ici juillet 2022 sur ce sujet. Nous verrons, à la lumière de ce rapport, s'il est nécessaire de revoir la décision de 2015, qui a peut-être été source d'inégalités entre départements.
Mme Évelyne Perrot . - La France a un pouvoir de marché sur la moitié de la flotte aérienne mondiale. Des milliers d'emplois et d'entreprises sous-traitantes s'impliquent dans la transition verte de ce secteur. C'est un stimulant pour l'élévation du niveau scientifique ; économiquement, cela irrigue tout un écosystème : aéroports, compagnies et contrôleurs travaillent dans le même sens.
Nos avions sont de plus en plus sobres mais nous prenons du retard sur la fabrication des e-kérosène fabriqués en capturant du CO2. Quelque 90 aéroports vont devoir investir lourdement pour se verdir ; il faut compenser leurs pertes de recettes liées à la pandémie.
Un soutien limité de l'État permettrait aussi de renouveler la flotte des petits avions qui servent à former les pilotes, ce qui diminuerait les nuisances sonores. Enfin, les pertes de taxe sur les nuisances aériennes bloquent le financement de travaux d'insonorisation, alors que le fret de nuit se développe.
Qu'envisage le Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement est proactif dans le soutien au secteur aérien : le plan de relance consacre 1,57 milliard d'euros à un partenariat entre l'État et les industriels visant à mettre sur le marché un avion vert en 2035.
Nous voulons faire émerger une filière française de petits avions électriques, et misons sur la recherche et développement.
Enfin, conséquence de la crise sanitaire, le manque à gagner de taxes sur les nuisances sonores est de 80 millions d'euros. Nous n'allons pas relever les barèmes au vu des difficultés économiques des compagnies aériennes.
Toutefois, il faut d'urgence faciliter le financement du dispositif d'aide à l'insonorisation : 8 millions d'euros seront dégagés en fin de gestion 2021.
M. Jean-Pierre Corbisez . - Les élus locaux sont inquiets de la reprise épidémique. La pandémie a révélé les failles de notre société et aggravé les fragilités. Nos communes sont au coeur de la cohésion sociale et territoriale : l'État doit les accompagner, mais l'ambition n'est pas à la hauteur des enjeux.
L'effort sur l'hébergement d'urgence est reconduit en 2022 mais seulement jusqu'à fin mars ! Les élus craignent une rupture dans l'accompagnement.
De plus, la subvention de production de logements très sociaux stagne. La rénovation thermique des logements se heurte à l'importance du reste à charge. La réforme des APL a été défavorable aux jeunes ménages, les crédits de la rénovation urbaine peinent à être engagés.
Ce sont les plus fragiles qui sont touchés.
Notre société fragilisée réclame un grand plan solidarité. Entre le refus de la déconjugalisation de l'AAH, la réforme de l'assurance chômage et la stigmatisation des bénéficiaires du RSA, le bilan du quinquennat n'est pas satisfaisant de ce point de vue.
Que compte faire le Gouvernement pour résorber les fractures de notre pays ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le ministère du logement est indépendant du mien ; ces sujets ont été abordés lors des débats sur le volet logement de la loi 3DS.
Les moyens du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sont passés de 5 à 10 milliards d'euros en 2018, puis à 12 milliards d'euros en janvier 2021, à la suite du comité interministériel des villes. Les travaux ont démarré dans 328 quartiers relevant du NPNRU, contre 210 l'an dernier.
L'hébergement d'urgence voit ses moyens augmenter de 510 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022, ce qui permet de maintenir un parc généraliste de 190 000 places. Depuis 2017, le budget de l'hébergement d'urgence a augmenté de 48 % pour atteindre 2,7 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022.
La réforme des APL est neutre pour la majorité et bénéficie à 18 % des ménages.
En matière de logement social, nous avons fixé un objectif ambitieux de 250 000 nouveaux agréments pour 2021 et 2022.
M. Hervé Gillé . - Le CRTE soulève des questions sur sa portée réelle. Il faut une évaluation qualitative pour objectiver son impact en matière d'aménagement du territoire et de transition écologique. Quelle est votre méthodologie et quels sont les objectifs à atteindre ?
Le financement du CRTE est discrétionnaire. L'absence de ligne spécifique, le fléchage prioritaire de la DETR et de la DSIL vers les CRTE inquiète les communes, d'autant que les crédits disponibles ne couvriront pas les demandes.
Les contrats sont prévus pour une durée de six ans, d'où une incertitude de prévisions financières. Le financement du CRTE ne risque-t-il pas de grever plusieurs exercices ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Les CRTE sont une enveloppe signée au niveau intercommunal. Il s'agit de rendre lisibles les rapports entre l'État et les collectivités, de financer des projets communaux et intercommunaux, tout en donnant accès aux contrats de relance. Nous les avons signés pour six ans afin de correspondre au mandat municipal.
Des politiques existantes comme France services, « Action Coeur de ville » ou « Petites villes de demain » peuvent bénéficier de cette approche intercommunale.
L'absence de ligne dédiée ne freine pas le déploiement des financements. À date, 360 CRTE et 500 protocoles de préfiguration ont été signés.
En outre, je rappelle que des financements d'autres ministères sont accessibles.
M. Hervé Gillé. - Mais comment les projets hors CRTE seront-ils financés ? Voilà ce qui inquiète les élus ! En outre, on aurait pu avoir des CRTE différenciés entre régions et départements.
La séance est suspendue quelques instants.