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Table des matières
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Réforme de l'assurance chômage
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie
Ingérences étrangères dans les universités
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
Situation financière des collectivités territoriales
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
Départ des chercheurs français à l'étranger
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Prise d'otage à la prison de Condé-sur-Sarthe
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Revendications des sages-femmes (I)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté
Revendications des sages-femmes (II)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Intégration des élèves transgenres
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
Étudiants en première année de médecine
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Éoliennes en baie de Saint-Brieuc
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité
Réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques
Discussion de l'article unique
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ordre du jour du jeudi 7 octobre 2021
SÉANCE
du mercredi 6 octobre 2021
2e séance de la session ordinaire 2021-2022
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Eustache-Brinio, Mme Martine Filleul.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole.
Prix de l'énergie
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER ; M. Pierre Louault applaudit également.) Gaz, électricité, carburant : les prix augmentent et mettent les plus fragiles en difficulté, en s'ajoutant aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.
Depuis le début de l'année, le montant mensuel du tarif réglementé du gaz a augmenté de 50,8 % ; le tarif réglementé de l'électricité devrait augmenter de 12 % début 2022 ; le prix du sans-plomb 95 a retrouvé son niveau d'octobre 2018, avant la crise de Gilets jaunes. Il y a certes des facteurs conjoncturels, la demande mondiale est en hausse, mais le poids des taxes renforce l'élasticité des tarifs. L'Union européenne peine à établir une stratégie énergétique commune.
Il y a urgence. Le bouclier tarifaire que vous avez annoncé jusqu'au printemps et le relèvement du chèque énergie sont bienvenus, mais ponctuels.
C'est notre souveraineté énergétique qui est en jeu. Comment agirez-vous pour que l'énergie ne devienne pas facteur d'inégalité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Veuillez excuser Barbara Pompili, retenue au Conseil des ministres à Luxembourg.
Les prix de l'énergie augmentent fortement, en raison de la hausse de la demande liée à la reprise mondiale et de la baisse de la production de la Russie et de la Norvège.
Nous avons des réponses pour les ménages : une aide sociale supplémentaire de 100 euros sera directement versée aux 6 millions de ménages bénéficiaires du chèque énergie, et un nouveau chèque sera attribué en mars 2022.
De plus, le bouclier tarifaire bloquera les prix du gaz tout l'hiver à leur niveau d'octobre.
La hausse des tarifs réglementés de l'électricité sera limitée à 4 %, soit 5 euros par mois et par ménage. Pour atteindre cet objectif, nous proposerons d'ajuster la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) dans le prochain projet de loi de finances.
Quand les prix du gaz baisseront, sans doute au printemps, nous diminuerons un peu plus lentement les tarifs afin de revenir à la normale. C'est donc un lissage à la hausse et à la baisse.
Quant à l'électricité, ce sont les recettes exceptionnelles liées à la hausse des coûts qui nous permettent de financer les baisses annoncées.
M. Jean-François Husson. - Les Français paient tout !
Réforme de l'assurance chômage
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot et Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.) Le décret d'application de la réforme chômage est sorti le 30 septembre. Le Conseil d'État avait pourtant suspendu la réforme considérant que son application constituait « une erreur manifeste de jugement » au regard de la conjoncture économique.
Vous considérez que les critères de retour à bonne fortune ont été remplis, mais combien d'embauches en contrats de plus de six mois ou en CDI ? Quant à la baisse des chômeurs de catégorie A, elle doit être complétée par les données sur les catégories B, C et D, à savoir les salariés les plus impactés par votre réforme ainsi que de nombreux jeunes.
Quelle est la pertinence de ces critères ? Vous paupérisez les salariés au parcours d'emploi fractionné. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - La réforme de l'assurance chômage est en vigueur depuis le 1er octobre, avec notamment un nouveau mode de calcul de l'allocation chômage pour les nouveaux inscrits. La situation économique et celle du marché du travail justifient sa mise en oeuvre.
Le contexte est favorable : nous avons enregistré 2,4 millions d'embauches sur les trois derniers mois, un record depuis au moins quinze ans. Nous comptons 320 000 demandeurs d'emploi de catégorie A de moins, et 415 000 emplois ont été créés en 2021 quand on prévoyait 23 000 suppressions...
L'un des objectifs de la réforme est de lutter contre le recours excessif aux contrats courts, grâce à un mécanisme de bonus-malus. Nous voulons aussi encourager ceux qui le peuvent à travailler davantage, grâce au nouveau mode de calcul de l'allocation.
La clause de retour à meilleure fortune s'appuie sur des indicateurs d'embauche et de nombre de chômeurs représentatifs de la situation du marché du travail qui existent depuis longtemps. On nous aurait reproché tout indicateur ad hoc.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les catégories B et C sont plus de deux millions et la catégorie D a augmenté comme jamais, conséquence des récents plans de sauvegarde de l'emploi. Les demandeurs d'emploi sont poussés vers des contrats très courts et seront paupérisés. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Taxonomie verte européenne
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Taxonomie verte, taxonomie écologique, classification verte... Quel que soit le nom, le nucléaire n'en fait pas partie, et à ce titre n'ouvre pas droit aux financements verts européens. Or c'est une filière historique d'excellence, qui soutient notre souveraineté énergétique, mais aussi celle de certains de nos voisins qui mettent un mouchoir sur leur mauvaise conscience d'importateurs d'énergie nucléaire... (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP)
Les investissements dans le nucléaire ne doivent pas être entravés. Cette filière a toute sa place dans notre mix énergétique. Sans cette technologie bas carbone, nous n'atteindrons pas nos objectifs de neutralité carbone en 2050.
Il faudra financer la recherche, prolonger l'activité des centrales existantes en toute sécurité, comme celle de Nogent-sur-Seine dans l'Aube.
Je sais le Gouvernement investi, mais le temps presse. Où en sont les discussions au sein de l'Eurogroupe ? Quelles positions la France y défend-elle ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Emmanuel Capus. - Très bonne question !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie . - Le nucléaire est stratégique dans notre mix énergétique parce qu'indispensable à la décarbonation, toujours disponible et compétitif, alors que les besoins électriques vont augmenter massivement. Il est crucial de ne pas dépendre d'autres pays pour notre mix.
Notre position est sans ambiguïté (on fait mine d'en douter sur les travées du groupe Les Républicains) : le nucléaire doit figurer dans la taxonomie. Bruno Le Maire, Barbara Pompili, Clément Beaune et moi-même défendons clairement cette position.
Une voix sur les travées du groupe INDEP. - Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. - On ne luttera pas contre le changement climatique sans le nucléaire (Mme Françoise Gatel approuve) et cela n'est pas contradictoire avec le développement des énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Ingérences étrangères dans les universités
M. Étienne Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La mission d'information sénatoriale sur les influences extra-européennes dans nos universités vient d'adopter son rapport. Des pays non démocratiques et qui ne partagent pas nos valeurs - la Chine, la Russie, la Turquie - s'ingèrent dans le monde académique avec des moyens considérables, alors que nos moyens de lutte contre ces ingérences sont inadaptés.
Comment surveiller un institut Confucius hébergé dans une université ? Comment protéger les scientifiques travaillant sur les chrétiens d'Orient ou le génocide arménien alors que l'accès aux archives turques leur est dénié et qu'ils subissent pressions et menaces ?
L'intégrité scientifique et les libertés académiques sont des marqueurs essentiels de nos démocraties. Comment le Gouvernement va-t-il les protéger ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC et du RDPI)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Je salue le travail de cette mission initiée par M. André Gattolin et que vous avez présidée. Le sujet est majeur et appelle un traitement particulier pour la recherche et l'ensemble supérieur.
Vos vingt-six propositions, autour de cinq grands objectifs, sont analysées par mes équipes.
Intégrité scientifique et libertés académiques doivent être protégées. La loi de programmation pour la recherche a permis des avancées majeures en la matière. Cet attachement ne doit pas limiter les échanges internationaux, mais nous devons nous garder de toute naïveté.
C'est ainsi que nous travaillons avec le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS), avec la mission ministérielle « Sûreté et sécurisation de l'enseignement supérieur et de la recherche », avec les 160 fonctionnaires de sécurité et de défense, avec le dispositif de protection du potentiel scientifique et technique que vous proposez d'étendre à l'ensemble des disciplines universitaires.
Nous portons ensemble ces sujets et les conclusions de la mission du Sénat convergent largement avec l'action de mon ministère.
M. Pierre Cuypers. - Vous ne répondez pas !
M. Étienne Blanc. - Prenons garde, nous ne pourrons pas lutter avec un sabre de bois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
Pandora papers (I)
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La fraude fiscale sape le pacte républicain. À peine 48 heures après les révélations des Pandora papers, l'Union européenne supprime trois paradis fiscaux de sa liste. Mauvais timing...
Quelles mesures entendez-vous prendre pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, alors que notre dette flambe ?
Pendant que certains cachent leur fortune dans les paradis fiscaux, les étudiants font la queue devant les banques alimentaires et les agriculteurs souffrent. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Nous devons ces révélations à un consortium de 600 journalistes, qui ont exploité 12 millions de données, dans 117 pays. À ce stade, les informations dont nous disposons sont celles de la presse. Avec Bruno Le Maire, nous avons donné instruction à nos services d'analyser ces données pour vérifier si des contribuables français sont concernés et, le cas échéant, procéder à des contrôles fiscaux les plus sévères possible et lancer les procédures judiciaires ad hoc.
Nous luttons contre la fraude fiscale. Nous avons créé une police fiscale dans le cadre de la loi de lutte contre la fraude de 2018 ; nous avons renforcé notre système d'information, avec la pérennisation de la rémunération des aviseurs ; nous développons des échanges d'information avec nos partenaires européens. Pas moins de 107 milliards d'euros de revenus fiscaux complémentaires ont été dégagés sur 84 millions de comptes analysés en 2019.
Je peux vous assurer de notre détermination la plus totale. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. - On est toujours dans l'ex post. En réalité, vous avez réduit les moyens de la lutte contre la fraude fiscale ; vous avez démantelé la délégation nationale à la lutte contre la fraude ; vous avez tardé à mettre en place le système de détection précoce de la fraude à la TVA, qui représente 5 milliards d'euros au niveau français et 10 milliards d'euros au niveau européen ; vous avez refusé de supprimer les aides Covid aux entreprises à filiales dans les paradis fiscaux comme le Sénat vous le demandait ; quelque 577 enquêtes préliminaires pour fraude fiscale et blanchiment sont en cours, pour seulement trois enquêteurs ! Et pourtant vous avez refusé la proposition du Sénat de ne pas réduire les délais d'enquête dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire.
Le résultat de la lutte contre la fraude a été divisé par deux en 2017 : je vous renvoie aux chiffres de Charles Prats, dans son ouvrage Cartel des fraudes.
J'espère que nous prendrons des mesures efficaces dans le prochain projet de loi de finances, car le compte n'y est pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, CRCE et SER, ainsi que sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Pandora papers (II)
M. Éric Bocquet . - Voici la deuxième lame. (Sourires) Openlux révélait en février dernier l'existence de 55 000 sociétés offshore détenant 6,5 milliards d'euros d'actifs au Luxembourg. Aujourd'hui, les Pandora papers dévoilent l'existence de 29 000 sociétés offshore créées par quatorze officines spécialisées.
Bruno Le Maire s'est dit « choqué ». Nos concitoyens sont ulcérés. Milliardaires, responsables politiques, sportifs, trafiquants échappent à l'impôt et aux juges grâce à cette industrie de l'opacité. Le problème est systémique. Allez-vous en rester au « choc » et aux vérifications ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - En aucun cas. Nous développons des outils depuis plusieurs années. Loi Sapin II, loi de 2014, loi d'août 2017, loi du 23 octobre 2018 qui crée une police fiscale, développement de l'échange d'informations au niveau européen : ces outils sont toujours plus performants. Au niveau communautaire, ils ont permis de récupérer plus de 100 milliards d'euros de revenus supplémentaires.
S'agissant des Panama papers, l'administration fiscale a identifié un certain nombre de contribuables français concernés ; 657 dossiers de régularisation, de redressement ou de poursuites judiciaires ont été menés à terme, permettant à l'État sde recouvrer plus de 200 millions d'euros. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. David Assouline. - C'était 11 000 milliards !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Les 11 000 milliards ne concernaient pas que les fraudeurs français. Plutôt que de vous lancer dans des comparaisons hasardeuses, vous feriez mieux de féliciter l'administration ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Éric Bocquet. - Des milliards sont en fuite. Je vous propose trois pistes. Premièrement, recréer des postes de contrôleurs dans le prochain projet de loi de finances - 38 000 emplois ont été supprimés dans les finances publiques depuis 2002.
Deuxièmement, créer enfin l'Observatoire de la fraude fiscale, annoncé mais jamais créé. Nous y sommes candidats bénévoles. (Sourires)
Troisièmement, profiter de la présidence française de l'Union européenne pour mettre à jour la liste des paradis fiscaux, dont les Seychelles ont été retirées, et y ajouter le Luxembourg et Chypre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Situation financière des collectivités territoriales
M. Michel Dennemont . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Gouvernement a soutenu les collectivités territoriales durant la crise : le solde de l'État s'est dégradé de 8 % en 2020 et 2021, alors que les collectivités territoriales, qui n'ont pourtant pas ménagé leurs efforts, ont maintenu l'équilibre grâce au soutien inédit de l'État.
Mais certains jouent la polémique, dénonçant une baisse de dotation de 50 millions d'euros - moins de 0,2 % du budget des régions - , qui traduirait un prétendu mépris de l'État. Pourtant, l'État a compensé les pertes de recettes des régions à hauteur de 192 millions d'euros, sans compter les 600 millions d'euros de crédits d'investissement débloqués dès 2020.
On comprend mieux la polémique quand on sait que deux présidents de région sont déjà candidats à la présidentielle...
Pouvez-vous nous rappeler les aides du Gouvernement en faveur des collectivités territoriales, et notamment en direction des régions ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Je vous retrouve avec plaisir ici. (Applaudissements sur les travées du RDPI) Garanties de recettes et aides sectorielles et à l'investissement ont représenté un soutien de l'État de 10,5 milliards d'euros.
Pour les régions, nous avons garanti les recettes de TVA et de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) - à un niveau de plus de 900 millions d'euros. Le niveau de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été maintenu à hauteur de celui de 2019, soit 9,75 milliards d'euros.
Pour les régions d'outre-mer, nous avons inclus l'octroi de mer et la taxe spéciale sur la consommation des carburants dans le panier des ressources garanties, soit un effort de 80 millions d'euros.
Nous avons soutenu l'investissement local à hauteur de 600 millions d'euros, et l'effort va continuer, d'autant que, grâce à la reprise, les recettes de TVA des régions vont augmenter de 780 millions d'euros en 2022. Enfin, 100 millions d'euros sont dégagés sur les frais de gestion. Fin 2020, les régions affichaient un excédent de plus de 5 milliards d'euros...
Avec toutes ces mesures, les collectivités territoriales peuvent accompagner les Français sur le chemin de la reprise.
Départ des chercheurs français à l'étranger
M. le président. - Je salue la première intervention de notre collègue Yan Chantrel dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Yan Chantrel . - C'est un honneur de représenter les Françaises et Français de l'étranger au sein de notre assemblée.
Il y a un an, Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie, installée hors de France depuis 24 ans, déclarait qu'elle aurait eu du mal à obtenir en France les moyens dont elle a disposé en Allemagne.
La semaine dernière, Le Monde a publié une enquête accablante sur les salaires indignes, les équipements vieillissants, les conditions de travail dégradées de la recherche française.
J'ai rencontré des centaines de compatriotes chercheurs qui, faute de moyens, poursuivent leurs recherches à l'étranger, à Washington, Cambridge ou Sydney.
Quand allez-vous donner à la recherche française les moyens dont elle a besoin pour répondre aux défis climatiques et sanitaires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Je vous félicite de votre élection. Nous nous reverrons à la commission de la culture.
En réalité, les financements de la recherche française des vingt dernières années ont été ignobles et c'est ce Gouvernement qui inverse la tendance. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Martin Lévrier applaudit.) Nous connaissons une augmentation majeure du nombre de doctorants. Ce quinquennat apporte 25 milliards d'euros dans la loi de programmation, 500 millions d'euros dans le budget de cette année, 7 milliards d'euros pour le plan innovation santé et 7,8 milliards d'euros dans le volet recherche et innovation du Plan de relance. Cela permettra de préserver deux mille emplois hautement qualifiés dans la recherche et développement.
Mme Laurence Cohen. - Chez Sanofi ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Pour la première fois, il y a des recrutements à plus de deux SMIC ; le salaire des doctorants augmente de 30 % ; 650 emplois sont créés ; et 180 demandes de retour en France de chercheurs internationaux ont été reçues. C'est cela, croire en la recherche française. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Yan Chantrel. - Votre réponse n'est pas à la hauteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) En 2022, on sera déjà en-deçà des objectifs de la loi de programmation et les investissements planifiés pour 2030 sont beaucoup trop tardifs. Il faut une réponse immédiate. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Prise d'otage à la prison de Condé-sur-Sarthe
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une nouvelle prise d'otages a eu lieu hier à la prison de Condé-sur-Sarthe, pourtant l'une des plus sécurisées de France. Deux surveillants ont été pris en otage par un détenu muni d'une arme artisanale. C'est la sixième prise d'otage depuis 2013, avec le même protocole. Votre prédécesseur, il y a deux ans, promettait des moyens supplémentaires pour les gardiens. Qu'en est-il ?
Violence et mépris sont le lot des surveillants ; armes artisanales et téléphones circulent, sans qu'ils puissent procéder à des fouilles systématiques. Vous avez promis, hier, une aide psychologique pour la surveillante agressée. J'en conclus que, pour vous, la solution, c'est le psychologue ! (Exclamations sur les travées du RDPI)
Enfin, vous remerciez les détenus restés dans leur cellule dont la porte avait été ouverte. Vous avez décidément plus de compassion pour eux que pour les gardiens ! (Protestations à gauche et sur les travées du RDPI)
Quand allez-vous imposer les fouilles systématiques et équiper les gardiens en pistolets à impulsion électrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - J'ai rencontré les victimes et les ai assurées du soutien du Gouvernement et de la Nation tout entière. J'ai remercié les équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS), qui ont dénoué le drame, le RAID et, oui, les détenus, qui, loin d'adhérer à l'action de leur compagnon de détention, s'en sont désolidarisés et ont permis sa reddition.
Je me suis immédiatement rendu sur place avec le directeur de l'administration pénitentiaire, un ancien de l'administration pénitentiaire, que j'ai nommé, qui connaît le sujet.
Les fouilles systématiques, vous le savez, sont prohibées depuis l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme « Frérot contre France ». Depuis la loi de 2019, les fouilles sont autorisées sous certaines conditions. Un travail est en cours avec les représentants du personnel pour améliorer la formation des surveillants.
Sur le plan budgétaire, nous consacrons 100 millions d'euros à la sécurisation des établissements pénitentiaires, dont 45 millions d'euros pour la lutte anti-drones et 20 millions pour le déploiement de systèmes d'alerte géolocalisés.
Une expérimentation sur l'armement des surveillants est en cours à la centrale de Condé-sur-Sarthe. Enfin, le budget 2022 prévoit 600 emplois supplémentaires dans l'administration pénitentiaire.
Le risque zéro n'existe pas, mais nous ne nous complaisons pas dans le fatalisme. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Vincent Segouin. - Comme votre prédécesseur, vous vous réfugiez derrière les droits de l'homme... (On se récrie à gauche, M. le garde des Sceaux s'indigne.) Que ne faites-vous pas comme le directeur d'Aéroports de Paris (ADP) qui, lui, équipe son personnel ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Incroyable... C'est la zemmourisation des esprits !
Revendications des sages-femmes (I)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les 24, 25 et 26 septembre, les sages-femmes étaient en grève dans 150 maternités et dans 60 % des cabinets libéraux. Une nouvelle mobilisation aura lieu demain, la sixième depuis le début de l'année.
Face au manque de reconnaissance, aux contrats précaires, aux salaires insuffisants, au manque d'effectifs, les départs vers le privé augmentent. La détérioration des conditions de travail met à mal la permanence et la qualité des soins. Le Conseil national de l'ordre des sages-femmes sonne l'alarme : la sécurité des patientes n'est plus garantie, faute d'effectifs dans les maternités.
La revalorisation que vous avez annoncée le 16 septembre, de 100 euros par mois, inférieure aux préconisations de l'IGAS (M. Olivier Véran, ministre, se récrie), ne traite pas les causes profondes du malaise.
Comment combattre ce déficit d'attractivité ? Entendez la colère et l'inquiétude des sages-femmes. Leurs revendications dépassent leur profession : elles défendent avant tout de la santé physique et mentale des femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Tout le monde ici reconnaît le travail formidable des sages-femmes. À la suite du rapport de l'IGAS, j'ai annoncé mi-septembre une augmentation moyenne de 365 euros par mois pour les sages-femmes hospitalières, soit 4 500 euros nets par an - 180 euros grâce au Ségur, 100 euros de prime, 60 à 70 euros grâce au travail sur les grilles indiciaires. À quand remonte une telle augmentation, dans les annales de la fonction publique ?
Grâce à ces annonces, une sage-femme en fin de carrière percevra 4 000 euros nets par mois. Personne ne dira que c'est trop, mais c'est sans précédent.
Cela représente un effort de la Nation de 80 millions d'euros par an, plus 18 millions d'euros dans le cadre de la convention en cours de signature entre les syndicats libéraux et l'assurance maladie.
En deux ans, ce Gouvernement aura augmenté les salaires des soignants plus que tous les gouvernements de gauche et de droite réunis ne l'ont fait en un siècle ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; protestations à droite comme à gauche)
Mme Sophie Primas. - Et les libérales ?
M. Olivier Véran, ministre. - Nous avons lancé une mission sur la sixième année d'études et nous accordons aux sages-femmes le statut médical, car il s'agit bien d'une profession médicale. Votre question me permet à la fois de préciser les chiffres et de réaffirmer notre soutien à cette profession. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Émilienne Poumirol. - La réforme du statut reste le point le plus important sur lequel il faut travailler. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Asile et migrations
Mme Catherine Belrhiti . - Le pacte européen pour l'asile et les migrations est une bonne nouvelle et un enjeu primordial pour les Français, alors que la pression migratoire ne cesse de s'accentuer.
L'approche proposée en matière de filtrage, axée uniquement sur nos frontières, n'est toutefois pas adaptée.
Le Conseil européen du 29 juin 2018 avait acté la création de plateformes de débarquement en dehors de l'Union - les hotspots - chargées d'examiner les demandes d'asile. Cela permettrait d'anticiper les flux, de répartir les demandeurs, de dissuader les passeurs et enverrait un message clair d'unité européenne. Le Danemark s'engage dans cette voie ; d'autres pays pourraient suivre, mais un programme européen aurait plus de force.
La France va-t-elle se mobiliser pour rendre effectif un traitement des migrations qui permette de ne plus subir les flux et évite les drames humains ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - J'ai rappelé hier, au Sénat, notre position, qui s'inscrit dans la ligne fixée par le Président de la République : un équilibre entre fermeté et humanité. Le droit d'asile ne doit pas être dévoyé.
Les discussions se poursuivent au niveau européen pour harmoniser les règles, dans la cohérence et la confiance. Ce sera l'un des objectifs de la présidence française de l'Union européenne. Demain matin, les ministres européens en charge de ces questions se réunissent.
Le Danemark a adopté une loi non contraignante, qui fixe des objectifs. Ce n'est pas la ligne défendue par la France.
S'agissant des contrôles aux frontières, nous modernisons les systèmes d'information et renforçons les effectifs de Frontex, qui atteindront dix mille en 2027. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Revendications des sages-femmes (II)
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce n'est pas la première fois que les sages-femmes font grève depuis janvier. Elles demandent plus de reconnaissance, via une revalorisation salariale ou une augmentation des effectifs en maternité.
Vous avez confié à l'IGAS une mission sur l'évolution de la profession, qui a le sentiment de ne pas être reconnue, et pire, d'être parfois maltraitante, faute de temps à accorder aux patientes. Cette situation est aussi une conséquence de la pénurie criante de gynécologues.
Vous annoncez que les sages-femmes hospitalières recevront en janvier 2022 une prime et une hausse de salaire. C'est bien, mais loin de suffire. D'autres recommandations de l'IGAS méritent d'être prises en compte pour répondre au malaise. Les dirigeants d'établissements privés s'inquiètent...
Comment comptez-vous répondre aux demandes légitimes de la profession ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Viviane Artigalas et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - En ville comme à l'hôpital, c'est 100 millions d'euros de plus par an pour les 20 000 sages-femmes - la plus grosse revalorisation jamais accordée !
Nous sommes en train de préfigurer la sixième année d'études que demandait la profession. L'IGAS préconisait de leur confier les arrêts de travail, le dépistage et la prévention des infections sexuellement transmissibles : c'est fait.
Elles demandaient un statut de sage-femme référente, nous l'avons créé. Des centres de périnatalité et des maisons de naissance ? Nous les avons généralisés et en créons vingt de plus.
Je connais les sages-femmes, une profession que j'affectionne. J'ai réuni 8 500 d'entre elles en visio pour leur faire ces annonces. Elles seront reconnues comme une profession médicale à l'hôpital et représentée dans la gouvernance au même titre que les médecins.
Reste la demande de reconnaissance du statut de praticien hospitalier, réservé aux médecins, que l'IGAS ne recommande pas.
Mais je le redis, la revalorisation salariale atteint 4 000 euros.
Mme Sophie Primas. - À l'hôpital !
M. Olivier Véran, ministre. - C'est un geste fort de la nation. On ne peut pas dire que rien n'est fait. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Intégration des élèves transgenres
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous venez de publier une circulaire censée répondre à la situation des élèves confrontés à ce qu'on appelle désormais une dysphorie de genre. Directeurs d'établissement et personnel enseignant seront chargés d'instituer une nouvelle identité de genre choisie par l'élève, à partir de son seul ressenti intime, ce qui se traduit, entre autres, par un changement de prénom.
Est-ce le rôle des enseignants d'être à la fois officiers de l'état civil et gendarmes en charge de faire respecter cette nouvelle identité ?
M. Rémi Féraud. - Oui !
M. Cédric Vial. - Sous peine de quelles sanctions ? Est-ce le rôle de l'école d'accompagner une transition identitaire individuelle et d'assurer la médiation avec les familles pour la favoriser ?
Par ce texte, vous incitez à accompagner des transitions précoces, souvent irréversibles et précipitées. Ainsi, il faudrait changer les règlements intérieurs sur les tenues vestimentaires pour faire de l'exception la règle ! C'est un pas de plus vers une « déconstruction » qui nie l'altérité des sexes et crée plus de difficultés qu'elle n'en résout.
« Les vrais besoins n'ont jamais d'excès » : nous vous aurions préféré disciple de Jean-Jacques Rousseau plutôt que de l'activiste militante du même nom ! L'école est-elle encore un sanctuaire qui protège les élèves des excès et des violences de la société comme des discours militants ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire . - Veuillez excuser M. Jean-Michel Blanquer.
La mobilisation de tous est nécessaire pour créer un environnement scolaire favorable qui garantisse les droits des élèves, leur intégrité, leur bien-être, leur santé et leur sécurité.
La circulaire pose les enjeux et donne des éléments pour accompagner les situations individuelles et prévenir la transphobie à l'école.
Elle n'a pas vocation à traiter la question de l'identité de genre mais à donner des clés au personnel pour protéger et accompagner les élèves, et pour qu'il soit fait usage du prénom de leur choix.
Nous voulons que les élèves transgenres réussissent leur scolarité dans les mêmes conditions que les autres, et que la reconnaissance d'une identité de genre s'impose à tous. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - N'importe quoi !
Pandora Papers (III)
M. Thierry Cozic . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) 11 300 milliards de dollars, cinq fois le PIB de la France, voilà ce que nous coûte l'évasion fiscale - un pognon de dingue !
Offshore Leaks, China Leaks, Panama Papers : révélation après révélation, les chiffres sont de plus en plus vertigineux et votre inaction plus frappante. Pour traquer de fantomatiques acheteurs d'écrans plats, le Gouvernement est inflexible, mais quand on touche aux 1 %, il est aux abonnés absents.
Le système offshore est vicié en ce qu'il permet de rompre le contrat social et pousse les plus riches à faire sécession. Ceux qui ici dénonçaient le séparatisme religieux sont moins prolixes quand le séparatisme se fait financier !
Il n'y a pas d'argent magique pour les services publics, mais beaucoup d'argent caché pour les plus riches.
M. David Assouline. - Les écrans plats !
M. Thierry Cozic. - Comment comptez-vous stopper cette hémorragie de fuite des capitaux français dans les paradis fiscaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - La DGFip est pleinement mobilisée pour analyser les données révélées par la presse. Cette affaire touche 117 pays ; les chiffres énormissimes que vous avez rappelés ne concernent évidemment pas la France.
Quelque 657 dossiers ont été régularisés à l'occasion des Panama Papers ; les autres ne concernaient pas des contribuables français.
Nous appliquons la loi de 2018. Malgré le confinement, nos services ont encaissé près de 8 milliards d'euros de redressement. Au niveau européen, les échanges de données portant sur 84 millions de comptes ont permis de détecter des fraudes et d'encaisser plus de 100 milliards d'euros de revenus complémentaires.
Nous avons mis en place des systèmes d'information, pérennisé la rémunération des aviseurs, développé le data mining, qui a abouti à 800 millions d'euros de redressements. Dommage que vous n'ayez pas voté ces outils et les crédits qui permettent à l'administration fiscale d'agir... (Exclamations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du RDPI)
Étudiants en première année de médecine
M. Alain Houpert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après votre réforme du premier cycle des études de médecine, des étudiants de première année à Paris ont eu vingt minutes pour préparer un oral sur des questions comme le racisme ou la barrière de corail...
Une quarantaine d'étudiants très bien classés à l'écrit, n'ayant pas eu d'avis suffisamment éclairé sur la vie sous-marine, se sont vus recalés, car l'oral comptait pour 70 % de la note finale. De plus, ils n'ont pas la possibilité de redoubler. Face à cette injustice flagrante, ils ont formé un recours. Ancien étudiant en médecine, je connais les sacrifices qu'exigent ces études, et comprends totalement leur sentiment d'avoir été volés.
Qu'allez-vous faire pour réparer cette injustice et permettre à ces étudiants méritants de devenir les médecins dont notre pays a besoin ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - On sait le rôle qu'ont joué les étudiants en santé pendant la pandémie. Je salue les 17 660 jeunes qui entament leur formation médicale cette année - 2 663 de plus que l'an dernier.
Les épreuves que vous évoquez ont été pensées par des professeurs de médecine pour recruter leurs futurs collègues. Il faut respecter les choix du jury.
La loi a modifié en profondeur les études en santé : numerus apertus, possibilité de démarrer ses études et de réaliser des stages d'externat et d'internat partout sur le territoire. Comment lutter contre les déserts médicaux si l'on concentre toute la formation dans 34 villes ?
M. Bruno Retailleau. - Ce n'est pas la question !
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Comment arrêter la désertification médicale, tel est le sujet.
M. François Bonhomme. - Avec la barrière de corail ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Tout est fait pour que ces jeunes puissent présenter à nouveau le concours l'an prochain.
M. Alain Houpert. - Je regrette votre manque d'empathie. Ce n'est pas une question de politique. Peut-on se priver d'étudiants brillants sous prétexte qu'ils n'ont pas d'avis sur des sujets de société ?
Quand j'ai besoin d'informations sur les coraux, je ne vais pas chez mon médecin, j'appelle l'Ifremer ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel, Mme Anne-Catherine Loisier et Mme Laurence Cohen applaudissent également.)
Éoliennes en baie de Saint-Brieuc
M. Alain Cadec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Là où les parcs éoliens créent trop de tensions, dénaturent et défigurent le paysage, il faut savoir soit les adapter, soit y renoncer », a dit le Président de la République.
Le projet éolien offshore de la baie de Saint-Brieuc est mal né : faute d'étude d'impact et de concertation avec les pêcheurs, il fait l'unanimité contre lui. Les travaux détruiront les fonds marins et affecteront l'activité de pêche en perturbant le gisement de coquilles Saint-Jacques.
Sans compter qu'implanter 62 éoliennes de 207 mètres de haut - presque la tour Montparnasse ! - à 15 kilomètres de nos côtes défigurerait le paysage du Cap Fréhel.
Les énergies renouvelables doivent compléter le nucléaire, mais pas n'importe comment ni à n'importe quel prix. Le Gouvernement est-il prêt à réfléchir à une alternative ? L'éolien flottant est prometteur ; il est implanté plus loin des côtes et ne nécessite pas de forages profonds. Enfin, le parquet national financier s'est saisi du dossier d'attribution du marché en raison d'irrégularités relevées par le Conseil d'État. Sans commentaire...
M. le président. - Je vous prie de remettre votre masque. Respectons la discipline collective. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité . - Pour atteindre nos objectifs climatiques, nous devons électrifier nos usages et donc développer massivement les énergies renouvelables, notamment l'éolien. Notre pays possède le deuxième gisement européen pour l'éolien en mer - une énergie durable, sûre, compétitive. C'est une chance pour la Bretagne, pour le mix français, pour le climat.
En Bretagne, ce projet produira l'équivalent de la consommation de 835 000 habitants alors que la région importe 85 % de son électricité. Des emplois locaux seront créés : les fondations sont construites à Brest, le port de maintenance sera dans les Côtes d'Armor.
L'impact visuel sera limité à une silhouette à l'horizon.
Nous avons entendu les pêcheurs et adapté le projet, la pêche ne sera pas affectée. L'impact sur la faune a été étudié par le CNRS. Comme vous, nous avons été sensibles à l'incident de cet été, même si les huiles se sont révélées biodégradables. Des travaux ont été faits sur le navire foreur pour éviter que cela ne se reproduise.
Le projet a évolué pour tenir compte des attentes de tous. Laissons-le se faire, en transparence et avec vigilance. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue à 16 h 20.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. - J'ai le regret de vous annoncer le décès de notre ancien collègue Jacques Bellanger, qui fut sénateur des Yvelines de 1986 à 1995, puis de 1997 à 2004.
Délégation (Nomination)
Mme la présidente. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, présentée par MM. Bruno Retailleau, Patrick Kanner, Hervé Marseille, Guillaume Gontard, Jean-Pierre Sueur et François Noël Buffet.
Discussion générale
M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Pierre Sueur et Patrick Kanner applaudissent également.) Notre initiative est transpartisane - le fait est suffisamment rare pour être souligné ! Elle doit beaucoup à Jean-Pierre Sueur, que je salue.
Il ne s'agit ni de nier nos divergences - comptez sur nous pour tenir ferme sur nos convictions ! - ni de nous liguer contre le Gouvernement pour lui jouer un mauvais coup. Il s'agit de nous rassembler sur un socle commun de convictions. Ce socle existe, et c'est heureux : nous ne sommes pas en guerre civile, nous sommes en France, dans le même hémicycle.
Ces convictions portent sur les droits du Parlement et sur le fonctionnement de l'État.
Sur le premier aspect, la question est de forme, mais fondamentale. Jamais aucun Gouvernement depuis le début de la Ve République n'aura autant recouru aux ordonnances - 304 ordonnances publiées - ni aussi peu, en proportion, inscrit à l'ordre du jour leur ratification - 55 fois seulement. Contestez-vous ces chiffres ?
Les ordonnances sont une fois et demie plus nombreuses que pendant l'avant-dernier quinquennat, mais moins de 20 % d'entre elles ont été ratifiées. Le Gouvernement fait la loi ...
M. Jean-Raymond Hugonet. - Seul !
M. Bruno Retailleau. - ...en dehors du Parlement. L'article 38 est pourtant très clair : « les ordonnances ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. »
J'ai lu ce matin vos propos : ils sont une insulte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - Une insulte non pour ce que nous sommes individuellement - si peu - mais pour ce que nous sommes collectivement : la représentation nationale.
Savez-vous ce qu'est un « naufrage », comme vous dites ? Un gouvernement qui rejette jusqu'au débat ! Un gouvernement qui se défausse de ses responsabilités sur la haute fonction publique, dont elle fait un bouc émissaire ! Car toucher à la haute administration, c'est toucher à l'État.
Nous avons fait des propositions sur la fonction publique et son statut. Nous sommes pour le statut, mais aussi pour un recours plus large à la contractualisation, hors des fonctions régaliennes. Une réforme de l'École nationale d'administration (ENA) ne fait pas une réforme de l'État. Si vous lancez cette réforme à six mois de la présidentielle, c'est en réalité pour masquer votre inaction. Où sont les promesses du Président de la République ? Où sont les 50 000 postes qui devaient être supprimés ? À la fin du quinquennat, y en aura-t-il seulement un seul ?
L'esprit de cette réforme est l'archétype de « l'en même temps ». Qui a tenu l'État pendant la crise des gilets jaunes, sinon les forces de l'ordre avec le corps préfectoral ? Qui a parlé du couple maire-préfet, sinon le Premier ministre lui-même ? Être préfet, ce n'est pas une sinécure, un titre, c'est un long apprentissage de l'État régalien. Commander des policiers, des gendarmes, des pompiers, cela s'apprend ! Mais je crois qu'en la matière, votre usine à gaz débouchera sur un cadre d'emploi équivalent, et que « tout changera pour que rien ne change »...
Votre réforme remet en cause l'État tel qu'il fut refondé par le général de Gaulle, qui dit en juillet 1944 : « Dans l'ordre politique, nous avons choisi. Nous avons choisi la démocratie et la République. » La démocratie, c'est « rendre la parole au peuple. » La République, c'est remettre sur pied l'administration, à Paris comme dans les territoires. Car la mission particulière de la fonction publique est d'articuler le cycle court de la démocratie et le cycle long de la République. Vous risquez d'enfermer l'administration dans un cycle court, alors qu'il faut relever des défis de long terme comme la transition écologique ou la lutte contre le communautarisme.
Toucher à l'administration, c'est toucher à l'État. Votre idée - faussement moderne et réellement anglo-saxonne - du système des dépouilles imite les États-Unis en oubliant les contrepoids qui y existent : le fédéralisme et un Parlement autrement plus puissant que le nôtre.
En France, c'est l'État qui fait la Nation, non l'inverse. En cassant la confiance des Français envers l'État, vous risquez d'aggraver la crise démocratique.
On a souvent reproché à l'ENA une certaine consanguinité sociale. Mais le problème est plus général. C'est toute l'école qui reproduit les inégalités. Il eût fallu s'atteler à la réforme du système éducatif, en commençant par le bas ! (M. Guillaume Chevrollier applaudit.)
Nous souffrons de voir l'État se défaire. Vous avez tort de vous défausser sur un bouc émissaire : quand il y a un problème, c'est au patron d'assumer, et non à ses collaborateurs. Il aurait fallu viser beaucoup plus haut.
Notre haute fonction publique est reconnue internationalement. La remettre en cause de la sorte relève soit de l'angélisme, soit du populisme. Nous n'entendons céder ni à l'un ni à l'autre, car le dévouement des agents publics mérite mieux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois . - Cette ordonnance modifie en profondeur la haute fonction publique et les principes définis par l'ordonnance du 9 octobre 1945 prise par le général de Gaulle : primat d'une fonction publique de carrière, logique de corps, indépendance des fonctions juridictionnelles et des inspections générales.
C'est un changement de paradigme. Le fonctionnement même de l'État est en jeu. Le Gouvernement réforme la haute fonction publique par ordonnance, sans inscrire sa ratification à l'ordre du jour, profitant sans doute des décisions QPC des 28 mai et 3 juillet 2020 du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je remercie les auteurs de la proposition de loi d'avoir permis ce débat.
Cette ordonnance concrétise l'annonce-phare par le Président de la République de la suppression de l'École nationale d'administration (ENA) et du système des « grands corps » ; ses dispositions découlent du rapport Thiriez remis en février 2020.
Elle se fonde sur l'article 59 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, dont j'étais co-rapporteur avec Loïc Hervé. Ce dernier avait envisagé de supprimer cet article, le champ de l'habilitation trop ample étant douteux sur le plan constitutionnel. Mais le Sénat avait alors choisi d'apporter des précisions. Les seuls garde-fous dans le texte voté procèdent d'ailleurs de notre rédaction.
L'ordonnance vise à dynamiser les carrières, rénover la formation et décloisonner la fonction publique.
L'article 5 crée l'Institut national du service public (INSP) en lieu et place de l'ENA, et les administrateurs de l'État deviennent le corps unique de sortie d'école. Notons pourtant qu'à la sortie de l'ENA, la répartition n'est pas si éclatée, puisque plus de la moitié des anciens élèves deviennent administrateurs civils et que les « grands corps » en accueillent moins du quart.
Les dispositions relatives aux corps autres que juridictionnels relèvent du règlement. L'article 6 prévoit que les emplois au sein des services d'inspection générale seront désormais recrutés, nommés et affectés pour une durée renouvelable. L'article 10 généralise les statuts d'emplois qui pourront déroger à certaines dispositions du statut général de la fonction publique - dont peut-être les fonctions diplomatiques et préfectorales.
Le Conseil d'État et la Cour des comptes demeureront des corps, mais accessibles seulement après une première expérience. Le grade d'auditeur dans ces juridictions sera ainsi remplacé par un statut d'emploi d'une durée maximale de trois ans, un comité consultatif étant chargé de sélectionner les candidats, tandis que l'entrée dans le corps sera conditionnée à l'avis rendu par une commission d'intégration.
Les fonctions juridictionnelles de maître de requêtes au Conseil d'État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes, seront accessibles à des contractuels - en service extraordinaire.
Le chantier réglementaire devrait aboutir au premier semestre 2022. La portée en est incertaine. Il est donc difficile de se prononcer. Nombre d'inspections générales, telles que celles de l'agriculture, des affaires culturelles ou de l'éducation, du sport et de la recherche seront aussi concernées. Cette ordonnance n'est donc que la partie émergée de l'iceberg. Pouvons-nous donner un blanc-seing au Gouvernement ? Je ne le pense pas.
Ajoutons à cela une certaine incertitude juridictionnelle. L'ordonnance a fait l'objet de plusieurs QPC. Le 20 septembre, le rapporteur public du Conseil d'État a demandé le renvoi de certaines d'entre elles au Conseil Constitutionnel, ce qui épaissit encore le brouillard...
La commission ne peut donc pas mener la réflexion de fond nécessaire ni recommander d'adopter cette proposition de loi.
Nous voulons en revanche un vrai débat. Il n'est pas tolérable que le Parlement soit tenu à l'écart d'une réforme de cette importance, qui touche au fonctionnement de l'État et au lien de confiance avec les Français.
La construction de la loi se fait par le dialogue et non par le passage en force ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques . - Je vous remercie de me donner l'opportunité de défendre cette réforme de la haute fonction publique, la plus ambitieuse depuis 1945. Après les fausses informations, la mauvaise foi et les mensonges prononcés par M. Retailleau, il convient de dissiper le brouillard - s'il existe.
La majorité dont est issu M. Retailleau a essayé de mener une telle réforme par le passé ; mais elle a échoué. Je m'étonne donc qu'elle ne dépose aujourd'hui pas un seul amendement ! (M. Pierre Médevielle renchérit.)
Il faut toujours se référer aux engagements pris : Emmanuel Macron, candidat, annonçait que le statut des fonctionnaires ne serait pas remis en cause, mais assoupli et décloisonné. Il s'engageait à supprimer les grands corps. Cette réforme est donc, ne vous déplaise, une promesse tenue.
Le Gouvernement conduit cette réforme avec détermination. La loi sur la fonction publique de 2019 permet plus d'ouverture et de mobilité.
Replaçons cette réforme dans le temps long. En 1945, notre pays sortait exsangue d'une guerre qui commandait de tout reconstruire. Furent créés - par ordonnances et non sans protestations - l'ENA et le corps des administrateurs civils, afin d'incarner la méritocratie républicaine conformément au projet de Michel Debré.
Aujourd'hui, notre pays fait face à des besoins totalement nouveaux : défis technologiques, urgence climatique, crise sanitaire, besoin réaffirmé de proximité. La France du XXIe siècle n'est plus celle de 1945.
M. Julien Bargeton. - C'est l'évidence.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - L'État doit s'adapter. Pourtant, il s'est rigidifié. Les corporatismes se sont renforcés, nourrissant la bureaucratie et le centralisme. Combien de gouvernements ont-ils promis de s'y attaquer ? Tous ont échoué.
La suppression de l'ENA figurait déjà au programme commun de la gauche en 1972. En 1995, Jacques Chirac promettait de mettre fin à un « système de castes qui se cooptent ». En 1997, Alain Juppé disait qu'il voulait supprimer l'ENA
M. Pierre Médevielle. - Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Rien ne s'est passé. En 2008, une commission mandatée par le président Sarkozy promettait d'aboutir à un nouveau mode de recrutement moderne et transparent ; c'est le Sénat qui a fait obstacle à la suppression du classement de sortie de l'ENA. François Hollande, à son tour, a renoncé à toute réforme face à la levée de boucliers des élèves et des corporations.
Contrairement aux majorités précédentes, ce Gouvernement a enfin le courage de mener cette réforme à son terme. C'est vous qui avez habilité le Gouvernement à la mener : nous avons pris nos responsabilités.
Nous voulons une transformation qui réponde à une ambition claire. Nos concitoyens ont des attentes différentes de celles d'il y a 30 ou 70 ans. Ils demandent la proximité, l'efficacité, l'égalité.
Nous devons modifier la formation initiale et continue pour que nos fonctionnaires comprennent mieux la France dans son intimité et sa complexité. Demain, les administrateurs de l'État, les directeurs d'hôpitaux, les magistrats judiciaires, les commissaires de police auront une culture commune sur la transition écologique, la laïcité, les valeurs de la République, le numérique, la lutte contre les inégalités et la pauvreté, afin que les décisions ne soient plus prises en silo.
Nous voulons une école qui forme, pas une école qui classe.
M. Bruno Retailleau. - On est chez les Bisounours !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous voulons renforcer la formation continue, développer les liens avec le monde académique et universitaire et amplifier le rayonnement européen et international de la France.
Nous voulons changer le déroulé des carrières pour que nos fonctionnaires occupent des fonctions opérationnelles concrètes dans les territoires...
M. Jean-Pierre Sueur. - Langue de bois !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Avant de pouvoir juger, contrôler, inspecter, il faut avoir administré, il faut s'être confronté aux réalités du terrain...
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est ce que font les sous-préfets !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - ... et non édicter des normes depuis une administration centrale à Paris. Ce n'est pas cette assemblée qui me contredira.
En 2021, nous avons doublé le nombre de postes de sortie de l'ENA dans les ministères du travail et de la santé et divisé par deux les postes dans les grands corps.
La confiance, monsieur Retailleau, suppose que l'État s'adapte aux exigences de son époque, notamment dans les secteurs du travail et de la santé. Cette réforme est irréversible.
M. Jean-Pierre Sueur. - Non ! C'est à nous de la voter.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Il est inédit d'inscrire à l'ordre du jour une ratification pour la rejeter...
M. Jean-Pierre Sueur. - Votre agression aussi est une première !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Le Gouvernement était prêt à un débat en profondeur...
M. Jean-Pierre Sueur. - Déposez un projet de loi !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Quelle est votre vision ? Vous ne déposez aucun amendement !
M. Jean Louis Masson. - N'importe quoi ! Et les miens ?
M. Bruno Retailleau. - Mme le rapporteur vous a répondu.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je veux parler d'amendements déposés par les auteurs. Faut-il en déduire que vous n'avez pas la même vision de l'État ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas du tout !
Mme Cécile Cukierman. - Nous avons la même vision de la démocratie !
M. Julien Bargeton. - Ce sont des conservateurs !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je vois là une alliance contre-nature et sans vision, destinée à ne rien changer, en opposition stérile au Gouvernement. (Protestations à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous faites exprès de ne pas comprendre.
Mme Cécile Cukierman. - Caricature !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - J'ai lu le programme des Républicains sur la fonction publique, monsieur Retailleau : il prévoit la suppression du statut et la conservation des grands corps. À gauche, je n'ai vu aucun projet.
J'entends dire que cette réforme n'aurait pas été concertée, qu'elle aurait été fomentée dans le secret des dieux...
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous le savez bien !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - C'est faux. Vous avez habilité le Gouvernement à agir. Vous avez enrichi l'article 59 de la loi pour la transformation de la fonction publique ; vous avez adopté cette loi et l'avez confirmée en CMP.
M. Julien Bargeton. - Eh oui !
M. Bruno Retailleau. - Inscrivez donc la ratification à l'ordre du jour !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Personne n'a été laissé à l'écart de la réforme. Nous avons consulté les hauts fonctionnaires, nous avons reçu 7 300 réponses et sommes soucieux de satisfaire leurs attentes, par exemple en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)
Nous ne reculerons pas devant les réflexes corporatistes, souvent bruyants, mais que nous savons peu représentatifs.
Je regrette ce débat stérile qui ne permet pas de débattre projet contre projet. (M. Julien Bargeton renchérit ; marques d'indignation sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
M. Jacques Grosperrin. - Quelle agressivité !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous poursuivrons cette réforme - la plus ambitieuse depuis 1945 - coûte que coûte ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est un passage en force !
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°19, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi n° 807 (2020-2021) tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État.
M. Jean Louis Masson . - Avec cette réforme, vous voulez introduire en France l'arbitraire du système américain de spoliation. C'est extrêmement grave. Non, cette réforme ne donne pas plus de chances au pauvre petit gars qui vient de la base. Ceux qui auront plus de chance, ce sont les pistonnés ! C'est profondément antidémocratique, contraire à l'esprit de 1945.
Jusqu'à présent, seul le mérite était pris en compte. Ce système, à défaut d'être parfait, était au moins juste.
Votre logique de nomination au jour le jour, qui généralise les nominations au tour extérieur à des fonctions aussi saugrenues qu'ambassadeur aux pôles, conduira à un favoritisme systématique.
On ne sera plus nommé en fonction de ses compétences mais de ses relations ou de son appartenance à des réseaux occultes comme la franc-maçonnerie. (Mme Cécile Cukierman s'indigne.) Ce n'est pas en dénigrant ceux qui contestent vos méthodes que vous les convaincrez !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - La commission n'a pas eu le temps d'examiner cette motion. À titre personnel, avis défavorable.
Nous tenons à un vrai débat. Madame la ministre, il n'y a pas d'alliance contre-nature, mais une volonté commune de dialoguer.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Même avis. Il n'y aurait pas lieu de délibérer ? Alors, pourquoi avoir inscrit cette proposition de loi ? Je suis prête à débattre sur le fond et regrette l'absence d'amendements de proposition.
M. Jean Louis Masson. - J'aurais aimé que la commission des lois aille au bout de la logique en abrogeant l'article 59, donc l'ordonnance. C'est la raison de ma motion. Mais je la retire, car je ne souhaite pas qu'elle soit adoptée... (Sourires)
M. Claude Malhuret. - C'est la journée des dupes !
La motion n° 19 est retirée.
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°20, présentée par M. Masson.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission la proposition de loi n° 807 (2020-2021) tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État.
M. Jean Louis Masson . - Lors de la séance de questions d'actualités du 9 septembre 2021, je vous demandais, madame la ministre, si la carrière des fonctionnaires allait désormais dépendre d'appréciations arbitraires et de passe-droits.
Je défendais la fonction publique dans l'esprit de 1945. Or vous m'avez répondu de façon inqualifiable en tenant à mon encontre des propos de totale mauvaise foi : « à coups de fakes news et de complotisme », j'aurais « remis en cause la compétence et l'engagement des fonctionnaires » ?
Faire dire à un parlementaire ce qu'il n'a jamais dit est honteux. Ce n'est pas digne de votre fonction ! Vous ne faites pas honneur au Gouvernement !
M. Jean-Claude Requier. - Ni vous au Parlement !
M. Jean Louis Masson. - Votre réponse était indigne, scandaleuse même ! J'ai déposé cette motion pour vous dire ce que je pense de vous.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Même position que sur la motion précédente.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Avis défavorable. Je ne m'étendrais pas sur le reste.
La motion n°20 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. François Patriat . - Madame la ministre, je considère, moi, que vous faites honneur à votre fonction. (M. Julien Bargeton applaudit.)
Cet exercice est singulier, d'autant que les auteurs du texte voteront contre. C'est pour le moins paradoxal...
M. Jean-Pierre Sueur. - Innovant !
M. François Patriat. - Nos collègues affichent un rejet en bloc, alors qu'ils auraient pu modifier la réforme, proposer des alternatives de fond. Nous ne contestons pas le principe, certes disruptif, d'une proposition de loi de ratification, sachant que le chantier réglementaire qui s'annonce sera colossal.
En réalité, certains fustigent l'idée même de la réforme, tandis que d'autres invoquent une impossibilité matérielle pour amender. Mais l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi est le fait de la seule majorité sénatoriale. Des points de convergence, des objectifs communs auraient pu se dessiner.
Le débat sur la haute fonction publique est ancien. Je ne remonterai pas jusqu'au rapport Bloch-Lainé de 1969, à l'abandon sous la présidence Sarkozy de la suppression du classement de sortie de l'ENA ou aux tentatives d'Alain Juppé et de François Hollande.
Il faut approfondir l'interministérialité - suivant en cela le même mouvement qu'en 1945 - décloisonner la fonction publique et renforcer les mobilités et la formation déontologique. En particulier, il faut dynamiser et individualiser les parcours et mieux valoriser les fonctions opérationnelles. Le terrain doit être la première compétence.
En 2019, le rapport du Sénat défendait les objectifs qui se retrouvent dans l'actuelle réforme... Dommage que ces thèmes communs n'aient pas été repris.
Avec courage et détermination, le RDPI soutiendra la ratification. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI) Cette proposition de loi apporte une réponse incompréhensible à des questions importantes.
Depuis des décennies, les ordonnances sont de moins en moins souvent expressément ratifiées. Le défaut de ratification n'entraîne pas la caducité des ordonnances, le Conseil Constitutionnel estimant que le dépôt du projet de loi suffit. Les gouvernements en abusent, contournant la procédure, en se dispensant de la ratification expresse qu'exige pourtant l'article 38 de la Constitution. Cette proposition de loi a le mérite de soulever le problème.
Sur le fond, cette réforme est souhaitée depuis longtemps par la droite et le centre. En 2008, Nicolas Sarkozy trouvait déjà choquant que toute la carrière des hauts fonctionnaires soit déterminée à 25 ans et voulait supprimer le classement de sortie de l'ENA.
Aujourd'hui, le Gouvernement oblige tous les anciens élèves à se frotter au terrain. Pour conseiller et juger, les fonctions opérationnelles sont indispensables, tout comme la mobilité. Il est sain que les carrières évoluent en fonction de l'évaluation du travail des fonctionnaires.
Cette réforme n'est pas parfaite, mais c'est la plus ambitieuse depuis 1945. Les auteurs de la proposition de loi se tirent deux balles dans le pied et une troisième on ne sait où ! (Sourires) Je rappelle d'abord que le Parlement peut modifier une ordonnance. Pourquoi, dans ce cas, ne pas améliorer le texte ? Mais il semble plus compliqué de s'entendre sur une réforme commune que de censurer le texte du Gouvernement...
Cette démarche est inédite et incompréhensible pour nos concitoyens. Le dépôt d'une proposition de loi de ratification, dans le but de la repousser, figurera sans doute parmi les moments savoureux du Sénat...
Enfin, en votant contre ce texte, ses auteurs empêcheront son cheminement ultérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas du tout : le Gouvernement pourra l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
M. Pierre Médevielle. - Nous resterons logiques avec nous-même et voterons cette proposition de loi, hélas mort-née. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)
M. Philippe Bas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la ministre, nous goûtons modérément les propos que vous avez tenus dans Le Figaro de ce matin à l'égard du Sénat, aussi bien que la manière polémique dont vous avez abordé cette discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER)
Je croyais que l'entente entre droite et gauche était dans l'ADN de la macronie. Vous devriez être satisfaite que nous nous soyons retrouvés sur l'inscription de votre ordonnance à l'ordre du jour de notre assemblée, alors que vous ne l'aviez pas obtenue du Gouvernement.
Je suis aussi surpris que nous ne puissions, selon vous, qu'approuver ou amender votre texte. Mais le rejet est toujours une option, lorsque l'on considère le texte comme non amendable !
Admettez que nos convictions ne soient pas les vôtres. C'est l'essence du débat parlementaire que de les confronter.
Votre ordonnance ne respecte ni la lettre ni l'esprit de la Constitution et ne nous satisfait pas sur ses effets sur la qualité de la haute fonction publique. Nous la rejetterons donc, en espérant que l'Assemblée nationale se saisisse de ce texte.
D'abord, il y a abus d'ordonnances. Ensuite, il y a carence de ratification. Cela fait beaucoup !
Historiquement, l'article 38 de la Constitution est essentiel : le Parlement peut autoriser le Gouvernement à légiférer pour accomplir son « programme », mentionné aussi à l'article 49 : « le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sur son programme ». C'est dire le niveau du pouvoir d'habilitation du Parlement ! J'observe que la réforme de la haute fonction publique ne faisait pas partie de la déclaration de politique générale du Premier ministre.
J'en viens à l'abus d'ordonnances : 14 par an entre 1984 et 2007, 30 entre 2007 et 2012, 54 entre 2012 et 2017. On atteint 64 ordonnances par an depuis 2017 ! Je veux bien en défalquer les ordonnances liées à l'urgence sanitaire, mais cela laisse un total considérable.
Nous voulons mettre un coup d'arrêt à cette pratique abusivement utilisée.
Le pire, c'est que, contrairement à toute logique, on fait aussi plus de lois : il y a saturation de l'action publique par la loi. La confusion croît, les Français ne s'y retrouvent plus. Les entreprises, les administrations, les associations et les collectivités territoriales n'y comprennent plus rien. Mettons un terme à cette inflation législative.
Enfin, votre Gouvernement est mauvais élève en ce qui concerne les ratifications : 62 % des ordonnances ont été ratifiées sous Nicolas Sarkozy, 30 % sous François Hollande, 18 % durant ce quinquennat. Ce n'est pas correct !
Quant au fond de votre réforme, je ne l'approuve pas. Rebaptiser l'ENA en INSP n'est pas un progrès. Pourquoi fondre toutes les formations des hauts fonctionnaires dans un grand magma ? Ce n'est plus le mérite intellectuel mais la pratique administrative qui va dominer dans le recrutement. Est-ce cela dont ont besoin la Cour des comptes et le Conseil d'État ?
Quant au corps des administrateurs civils, il est déjà interministériel. Peut-être faut-il corriger la pratique, mais pourquoi casser ce qui marche ?
Enfin, les quatre premiers articles de votre ordonnance relèvent de la circulaire. Nous ne pouvons l'approuver et je remercie les présidents de différents groupes de nous avoir donné le moyen d'en débattre au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Le Gouvernement a pris la regrettable habitude de court-circuiter le Parlement par la pratique des ordonnances. Votre absence de considération pour le pouvoir législatif n'a plus de limite et nous voilà obligés à nous autosaisir de la ratification de vos ordonnances pour pouvoir en débattre !
Ni l'urgence ni la technicité du sujet ne justifiaient le recours aux ordonnances. Ne faites pas semblant, madame la ministre, de ne pas comprendre notre démarche.
L'ordonnance n'est certes pas à rejeter en bloc : la réforme de l'ENA et l'obligation d'exercer pendant cinq ans dans les services déconcentrés de l'État sont bienvenues.
Créer un corps unique d'administrateurs laisse espérer davantage de mobilité. Inclure des modules de formation sur la transition écologique, la transformation numérique et les enjeux de la pauvreté est de bon sens.
En revanche, nous n'avons guère d'illusions sur l'évolution du contenu pédagogique. On y apprendra toujours, en bon néolibéraux, que la dépense publique est un problème ! Nous redoutons l'affaiblissement du sens du service public chez les fonctionnaires et les conflits d'intérêts liés aux allers-retours dans le privé.
Cette ordonnance favorisera le pantouflage, d'autant qu'elle renvoie à beaucoup de textes réglementaires. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre sa ratification.
Nous souhaitons un débat annuel au Parlement sur la gestion des ressources humaines de l'État.
D'après une récente étude, 80 % des agents publics seraient confrontés à un sentiment d'absurdité dans l'exercice de leur travail. L'heure est grave !
Mme Cécile Cukierman . - La multiplication des ordonnances s'est accélérée sous ce quinquennat. La force de l'ordonnance réside dans une utilisation parcimonieuse : à trop y recourir, on empêche le Parlement de légiférer. J'y ajoute la jurisprudence qui permet à une ordonnance de devenir loi sans repasser devant le Parlement.
Une telle évolution va à rebours de l'esprit de la République des temps révolutionnaires, fondé sur la séparation des pouvoirs.
Oui, une réforme de la fonction publique est nécessaire pour garantir son indépendance et sa capacité, non à décider à la place des ministres mais à les éclairer et les conseiller dans le temps long.
Nous partageons aussi le constat des dérives dans la formation. Mais attention de ne pas remplacer un entre soi social par un autre entre soi, dépendant du pouvoir en place !
Comment assurer l'égalité républicaine dans la formation ? Supprimer l'ENA ne suffit pas : redonnons toute sa place à la politique éducative.
Créée en 1945 en raison de la compromission de l'administration avec Vichy, l'ENA devait former des hommes, non des rouages. Votre réforme ne répond pas à ce défi, qui reste d'actualité.
Nous avons le droit de nous y opposer, madame la ministre. La démocratie, ce n'est pas changer pour changer mais c'est débattre et proposer.
Être d'accord entre groupes politiques pour s'opposer ne signifie pas avoir les mêmes propositions.
Le naufrage politique n'est pas celui du Sénat ! Aucune réforme n'est irréversible. Se retrouver face à un chroniqueur prônant la haine des autres plutôt que l'amour de la République ne peut marquer la réussite d'un quinquennat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Yves Bouloux et Mme Marie Mercier applaudissent également)
M. Hervé Marseille . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 8avril, devant la Convention managériale de l'État, le Président de la République a annoncé la suppression de l'ENA. L'ordonnance du 2 juin 2019 concrétise l'engagement présidentiel de réformer l'encadrement supérieur de la fonction publique, notamment en supprimant les grands corps de l'État et l'ENA, en prévoyant des évaluations régulières des pratiques professionnelles et en valorisant la prise de risques.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Si le Gouvernement a bien déposé un projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale, il ne l'inscrit pas à l'ordre du jour et esquive ainsi le débat parlementaire sur une importante réforme de l'administration.
L'initiative du Sénat est nouvelle et dépasse les clivages politiques, puisque cette proposition de loi est co-signée par quatre présidents de groupes. Je regrette la polémique sur un sujet qui ne le méritait pas.
Ce débat est l'occasion d'évoquer l'usage des ordonnances par ce Gouvernement : 303 depuis 2017, 46 % de plus par rapport au quinquennat précédent, même s'il faut tenir compte de la crise sanitaire.
Le Conseil d'État dénonce d'ailleurs ce recours massif aux ordonnances qui entraîne un déséquilibre entre le pouvoir exécutif et législatif. La victime est toujours le Parlement !
Des décisions du Conseil constitutionnel, en mai et juillet 2021, ont reconnu aux ordonnances non ratifiées une valeur législative. Or l'article 38 exige une ratification expresse.
Que peut faire le Sénat face à cela ? Notre Règlement prévoit désormais un suivi des ordonnances par les commissions permanentes et un renforcement de l'information sur les intentions du Gouvernement quant à leur publication et leur ratification.
Sur le fond, le Sénat a certes accepté cette habilitation en 2019 - mais il ne s'agissait pas d'un blanc-seing. Pourquoi supprimer l'ENA alors que rien ne change ? On la remplace par une structure dont les modalités de recrutement et de formation sont les mêmes ! Pourquoi supprimer les grands corps de l'État ?
Certains craignent une politisation des fonctionnaires, notamment des ambassadeurs et des préfets. Fonctionnaliser les postes de préfets instillera le doute sur des nominations qui pourraient apparaître politiques.
Nous sommes déçus sur la forme par le refus du Gouvernement de débattre et sur le fond par des mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le groupe UC ne prendra donc pas part au vote. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Claude Requier . - Professeur d'histoire-géographie, je sais que l'histoire de France a des passages incontournables, comme les dernières années de l'Ancien régime avec la convocation des États généraux. Selon le juriste Guillaume Le Trosne, qu'il soit roi, ministre ou administrateur, « s'il veut entreprendre de tout diriger par lui-même, de la distance où il se trouve, celui qui administre risque de ne rien voir, de confondre les objets dans l'éloignement et de porter un jugement faux et incertain sur des détails mal aperçus, ou d'après des rapports infidèles ».
Avec les ordonnances, le Gouvernement entend décider de tout par lui-même. Le RDSE y est par principe réticent.
Ce détour historique enseigne la nécessité de réformer la haute fonction publique pour éviter qu'une nouvelle noblesse ne se substitue aux représentants de la Nation. L'administration doit être un outil au service des élus nationaux et locaux.
Je salue donc l'initiative des auteurs de cette proposition de loi. Le mode de recrutement est trop marqué par la consanguinité sociale et les réseaux de pouvoir. Les allers-retours entre public et privé sont en outre source de conflits d'intérêts.
La suppression de l'ENA est attendue mais n'est pas satisfaisante en elle-même. Tout est dans les modalités d'organisation : comment former des hauts fonctionnaires plus en phase avec nos territoires ?
Les contours du futur corpus d'administrateurs de l'État sont flous. La logique interministérielle de ce nouveau métier mérite elle aussi des éclaircissements.
Nous comprenons les intentions des auteurs de ce texte, même s'il est étonnant qu'ils votent contre... Nous sommes favorables sur le fond mais défavorables sur la forme : le RDSE s'abstiendra donc.
M. Jean Louis Masson . - Ceux qui sont contre cette réforme seraient d'horribles conservateurs partisan du statu quo...
Or, nous sommes là pour réformer ce qui doit l'être. Le concours d'entrée de l'ENA et surtout le classement de sortie doivent être revus : ayant côtoyé pendant quarante ans de vie parlementaire des gens issus de cette école, je m'interroge sur les critères de sélection tant à l'entrée qu'à la sortie.
Mais cette ordonnance introduit de la subjectivité ; c'est pourquoi je suis farouchement contre. Je ne comprends pas la commission des lois, dont le manque de logique est flagrant. Si elle est opposée à cette réforme, il fallait qu'elle présente un texte d'abrogation de l'article 59 de la loi habilitant le Gouvernement à prendre ces ordonnances ! Pour ma part, je n'avais pas voté l'article.
Pour une fois, je suis d'accord avec Mme la ministre. De quoi le Sénat, qui a voté l'habilitation, se plaint-il ?
C'est le sens de mes amendements.
Mme la présidente. - Vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Jean Louis Masson. - Je déposerai une troisième motion la prochaine fois !
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'ordonnance qui nous intéresse bouleverse notre conception républicaine de la haute fonction publique d'État issue de l'ordonnance de 1945 et de l'esprit du Conseil national de la Résistance qui réunissait gaullistes, communistes, socialistes et radicaux.
Le président de la République a annoncé en grande pompe qu'il allait supprimer l'ENA ! L'ordonnance se propose d'ouvrir, de dynamiser, de diversifier... Répétés à l'envie, les mots, issus du lexique vaporeux de la start-up nation, lassent et perdent leur force.
L'égalité doit retrouver son sens : donner plus à ceux qui ont moins, pour accéder aux plus hautes fonctions publiques. Méritocratie républicaine doit rimer avec promesse républicaine.
La réussite de quelques transfuges de classe ne masque pas les inégalités structurelles.
Ce Gouvernement détricote la haute fonction publique en vase clos : préfets par intérim, disparition des inspecteurs généraux de l'éducation nationale, fait du prince, même encadré, qui deviendra la règle...
Madame la ministre, votre méconnaissance de la fonction publique est grande et votre volonté d'importer les méthodes du privé dans la haute fonction publique d'État est surannée. (Mme la ministre s'exclame.)
Rien d'étonnant venant d'un Président de la République qui vante les mérites du spoil system, ou système de dépouille, à l'américaine...
Vous croyez à la main invisible du marché et à son avatar macronien, la théorie du ruissellement ; mais comment ne pas voir le fossé qui se creuse entre l'État et les Français ?
La solution n'est pas de déliter notre haute fonction publique.
Et pourtant, vous avez pensé qu'une telle remise en cause, lourde, structurelle, ne méritait pas un examen par le Parlement !
Le président Sueur vous demandait, le 2 juin, lors des questions au Gouvernement, de vous engager à une ratification de cette ordonnance. Vous vous êtes bien gardée de répondre. Madame la ministre, nous ne voulons pas donner de blanc-seing au Gouvernement.
Le groupe SER et le CRCE s'étaient opposés à cette habilitation en 2019. Depuis, nos collègues de droite nous ont rejoints. Nous disons aujourd'hui que cela suffit.
Le Gouvernement prend deux fois plus d'ordonnances que sous la présidence Sarkozy, 20 % de plus que sous la présidence Hollande, qui a dû faire face aux attaques terroristes. Et ce chiffre ne tient pas compte des ordonnances de 2020 liées à la pandémie...
En 2020, un record de 73 % de textes pris par ordonnances a été atteint, et pas sur des sujets mineurs : privatisation de la SNCF, santé publique, réforme de la fonction publique d'État... Rien ne justifie ce recours immodéré à l'article 38.
Tout semble urgent à ce Gouvernement : procédure accélérée, habilitations, projets de lois déguisés en propositions de lois... Le Gouvernement a raison, tout seul, contre tout le monde.
Cette réforme n'aurait-elle pas mérité quelques semaines de débats ?
Vos textes sont de plus en plus réactionnels : un fait divers, une loi ; l'action d'un lobby, une loi ! Cela dégrade le travail parlementaire.
Vous êtes dans l'instant, vous ne vous projetez pas à l'horizon d'une génération. Ces ordonnances illustrent les dérives jupitériennes du président de la République et la précipitation d'un pouvoir à bout de souffle. En refusant le dialogue, vous faites le lit des populismes.
Le Parlement n'est pas le supplétif du pouvoir exécutif mais un partenaire dans un dialogue respectueux et fructueux, si le Gouvernement le veut bien.
Enfin, vos propos à l'égard de la représentation nationale ce matin dans le Figaro sont scandaleux et indignes de vos fonctions. J'espère que décence et responsabilité vous seront de bon conseil. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a une administration de qualité, loyale et performante, avec des fonctionnaires qui servent l'État. La crise sanitaire en témoigne. Or l'ordonnance remet en cause le primat d'une fonction publique de carrière, la logique de corps et l'indépendance des inspections générales.
La mission Thiriez a identifié de nombreux problèmes : faible diversité sociale, formation continue faible, voire inexistante, carrières déterminées par le concours, inspecteurs nommés sans expérience...
Mais votre réforme va beaucoup plus loin en créant un corps A+ sans distinction et des zones d'ombre demeurent puisque des textes d'application doivent être publiés dans les prochains mois.
Madame la ministre, le 2 septembre 2019 vous avez lancé une réflexion sur les corps techniques avec la volonté de les agréger aux grands corps des administrateurs de l'État.
Quelle erreur de ne pas maintenir la distinction des métiers et des compétences ! Seuls des grands corps, avec des effectifs moins nombreux, permettent de construire de vrais parcours interministériels. Je peux en témoigner.
L'ouverture aux contractuels, c'est recruter des compétences sur le marché privé pour un temps limité. Cela remet en question le modèle d'une fonction publique de carrière, qui ne sert pas les intérêts privés.
Pour les ingénieurs, le problème du modèle se double d'un problème de compétence. Un ingénieur n'est pas un cadre A+, interchangeable avec un juriste ou un comptable (Mme Cécile Cukierman applaudit) ; il raisonne en projet, non en processus.
Le corps unique et standardisé des administrateurs ne reflétera plus la diversité des métiers. Le modèle promu par l'ordonnance se rapproche du mode de gestion des enseignants. Faudra-t-il bientôt qu'un haut fonctionnaire capitalise un nombre de points suffisant pour faire mobilité, comme c'est le cas pour changer d'académie ?
Je ne suis pas convaincue que le modèle proposé permette à l'État de mener une politique industrielle, environnementale, d'armement ou d'aménagement à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Merci au président Patriat, à M. Médevielle, au président Requier de rappeler que le débat n'est pas nouveau et que certains sujets font consensus. Monsieur Bas, vous avez rappelé la qualité du service public et la nécessité d'adapter la formation aux enjeux de notre temps.
Le programme commun de 1972, puis MM. Chirac, Juppé, Hollande, tous ont dit qu'il fallait réformer les conditions dans lesquelles les hauts fonctionnaires exercent leur métier.
Monsieur Kanner, vous me faites un procès en illégitimité, au prétexte que je ne suis pas fonctionnaire et que je suis jeune.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas du tout !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Oui, nous allons vite, parce que cela fait trente ans que l'on parle de cette réforme et que rien ne bouge.
Sur les préfets, nous faisons la réforme que M. Valls a proposée. En matière d'ordonnances, hors crise sanitaire, nous n'avons pas fait plus que le quinquennat précédent.
M. Philippe Bas. - C'était trop !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je regrette que nous n'ayons pas l'occasion de confronter nos visions.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Vous faites tout pour l'éviter !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nos propositions sont publiques. S'il y a un problème avec les ordonnances...
M. Bruno Retailleau. - Avec leur ratification !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - ...il faut changer de Constitution !
Monsieur Bas, je ne remets pas en question l'alliance gauche-droite mais nous voulons vous réunir pour agir, pas pour bloquer !
Je suis honorée de défendre la création des classes « talents du service public ». À Roubaix, à Tourcoing, à Valenciennes et à Lille, des centaines de jeunes, souvent boursiers, peuvent préparer des concours que l'on préparait jusqu'ici uniquement rue Saint-Guillaume.
Dans d'autres régions, nous avons créé des classes pour former une nouvelle génération de fonctionnaires, quels que soient leur origine et leur milieu social. Plus de 1 500 étudiants venus des territoires les plus ruraux et populaires ou des outremers y participent.
Nous ne défendrions pas l'égalité républicaine ? Bien au contraire !
L'INSP est bien plus que l'ENA ; il ne s'agit pas d'un simple changement de nom. Nous revoyons les formations initiales, en lien avec le monde universitaire et de la recherche. Nous sommes le seul pays au monde où les prix Nobel et nos meilleurs chercheurs donnent des conférences dans le monde entier et pas devant nos hauts fonctionnaires.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce n'est pas vrai !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Il faut que tous, au cours de leur carrière, apprennent les uns des autres en échangeant. On ne peut tout apprendre en une seule fois à l'ENA !
Sur les valeurs de la République, la laïcité, l'égalité de traitement, il n'y avait pas de formation commune aux magistrats, préfets, commissaires, directeurs d'hôpitaux. (On ironise à droite.)
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est absurde !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - (Se tournant vers la gauche) Vous n'arriverez jamais à rien si la formation écologique reste le monopole du ministère de la transition écologique !
La politisation sera du passé. Depuis Napoléon, les préfets sont nommés par le pouvoir exécutif ; les ambassadeurs, depuis François Ier. Le système de nomination en Conseil des ministres ne sera pas modifié.
En revanche, nous réduisons le tour extérieur, notamment au Conseil d'État et à la Cour des comptes. Nous mettons en avant les compétences, la transparence, pour en finir avec les nominations liées à des appartenances politiques ou des accointances personnelles.
Être préfet est un métier, non un titre ou un statut. C'est l'engagement de servir un territoire et ses projets, de faire travailler ensemble tous les acteurs. Il y aura toujours des préfets et des sous-préfets, nommés par le pouvoir exécutif. Mais il n'y aura plus de préfet sans affectation territoriale. Nul besoin d'appartenir à un corps pour exercer ce métier. Il y a 270 préfets et 140 postes territoriaux. Que fait-on des 130 restants ? Que grade et emploi se confondent est une bizarrerie.
S'agissant des administrateurs civils, le cloisonnement entre corps crée des hiérarchies implicites. Nous voulons renouer avec la promesse de 1945 : revaloriser les fonctions, améliorer la mobilité entre métiers, mais aussi mieux évaluer.
Je suivrai avec attention la mission sur les corps techniques.
Selon M. Kanner, nous aurions du mal avec le dialogue social... C'est pourtant ce qui m'occupe matin, midi et soir, depuis ma nomination ! Sur le sujet de la mutuelle des fonctionnaires, vieux de quinze ans, nous avons conclu un accord majoritaire pour que l'ensemble des agents bénéficient d'ici 2026 d'une prise en charge de 50 % par l'employeur, comme dans le privé. C'est un progrès social majeur, issu du dialogue social. Un autre accord majoritaire est intervenu sur la négociation collective. Nous avons également trouvé un accord unanime sur le télétravail, qui traite du droit à la déconnexion et de l'égalité homme-femme, car la fonction publique doit être à la pointe du progrès.
Je revendique toutes ces avancées comme étant collectives. Certains sujets ne se règlent pas en un après-midi, à coups de points d'indice.
M. Patrick Kanner. - Rien depuis 2017 !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je mène le dialogue social avec les syndicats, que j'associe dans des instances formelles et informelles. J'ai reçu le soutien des uns et des autres sur des points essentiels de la réforme. Il est caricatural de dire que nous passerions en force.
J'ai apprécié ce débat, mais j'aurais aimé connaître vos propositions ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Vous nous demandez une vision, mais nous aurions eu besoin d'un projet de loi pour débattre.
Les Français n'ont rien compris à votre histoire. Pour ma part, je la trouve technique, voire dangereuse.
Je ne vote presque jamais les ordonnances. Le Parlement doit se faire respecter ! Que non-ratification fasse loi est inacceptable. Mettons les pieds dans le plat.
Je suis pour une haute fonction publique neutre et indépendante, pas un État dans l'État. Nos fonctionnaires ne doivent être ni soumis à l'exécutif, ni ignorants du Parlement. Plus notre système institutionnel dévalorise le Parlement, plus le spoils system fonctionne, moins les fonctionnaires peuvent inscrire l'État dans le temps long.
Enfin, le problème majeur de la dépendance des hauts fonctionnaires à l'égard des lobbies et des puissances économiques n'est pas traité - 70 % des hauts fonctionnaires qui ont travaillé sur la loi de séparation bancaire sont aujourd'hui dans les grandes banques... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur de nombreuses travées du groupe SER)
M. Jean-Pierre Sueur . - Depuis le début, madame la ministre, vous prétendez réformer. En réalité, vous déconstruisez, article par article, le texte de 1945. C'est pourtant une construction républicaine qui nous réunit tous, depuis le général de Gaulle et Michel Debré. Pourquoi ne pas le reconnaître ?
Les corps d'inspection vont disparaître et l'indépendance des inspecteurs sera mise à mal.
Je travaille avec des préfets depuis quarante ans et j'ai une profonde estime pour eux. Nous aurons désormais des préfets intermittents. Je suis pour une décentralisation forte et un État fort. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Masson.
Rédiger ainsi cet article :
La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État sont abrogées.
M. Jean Louis Masson. - On est pour ou contre la réforme. On ne peut pas se quitter sans rien décider.
Cet amendement radical abroge l'ordonnance. Je suis la logique de ceux qui considèrent que cette réforme est néfaste.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Vous demandez également l'abrogation de la loi de transformation de la fonction publique. N'y touchons pas. Avis défavorable.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - En effet, vous allez bien au-delà du sujet du jour. La loi de 2019 est porteuse de nombreuses avancées : avis défavorable.
M. Jean Louis Masson. - Je n'ai pas voté cette loi. D'autres amendements de repli suppriment les différents éléments de l'ordonnance.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Masson.
Remplacer le mot :
ratifiée
par le mot :
abrogée
M. Jean Louis Masson. - Je le retire.
L'amendement n°1 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article premier de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - Il est retiré !
M. Jean Louis Masson. - Pas du tout ! Cette ordonnance doit être réduite à néant. C'est l'objet de mes amendements.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Avis défavorable à cet amendement ainsi qu'aux suivants. Il n'est pas question d'abroger l'ordonnance ni ses articles, mais de ne refuser sa ratification, car nous manquons d'éléments.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Avis défavorable à cet amendement et aux suivants. Le chantier réglementaire se poursuit. Je vous détaillerai comment, loin de déconstruire, nous reconstruisons dans l'esprit de 1945, pour l'unité, l'efficacité et la proximité de l'administration.
Je me tiens évidemment à la disposition de ceux qui veulent savoir comment nous mettrons en oeuvre cette ordonnance.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est trop aimable...
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 2 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Cet amendement est dans la logique du précédent. Mes collègues sont visiblement très contents d'avoir débattu pendant deux heures pour rien du tout...
L'amendement n°4 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 3 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°5 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 4 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°6 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 5 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°7 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 6 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°8 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 7 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°9 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 8 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°10 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°11 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 10 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Nous autres, non inscrits, avons peu de temps de parole. J'aurais pu utiliser mes deux minutes à chaque amendement, mais j'ai pitié de mes collègues...
L'amendement n°12 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 11 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°13 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 12 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°14 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 13 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°15 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 14 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°16 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 15 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°17 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Masson.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 16 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État est abrogé.
M. Jean Louis Masson. - Défendu.
L'amendement n°18 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur . - Il est probable qu'à une large majorité, le texte ne sera pas ratifié. Madame la ministre, je vous pose une question en face : alors que l'une des deux assemblées du Parlement refuse ce texte - c'est notre droit, et même notre devoir -, que va faire le Gouvernement ? En prendra-t-il acte en saisissant l'Assemblée nationale, qui pourrait ainsi en débattre à son tour ? Ou choisira-t-il de ne donner aucune suite à la prise de position du Sénat ?
Si cette ordonnance est « irréversible » - je vous cite - et que l'une des deux assemblées s'y est opposée, continuer comme si de rien n'était serait profondément antirépublicain ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean Louis Masson . - Je ne suis pas d'accord avec M. Sueur. Le Gouvernement n'est absolument pas tenu de soumettre un texte à l'Assemblée nationale. Le Sénat n'avait qu'à refuser l'habilitation à légiférer par ordonnance. Tout le reste est mascarade : je ne participerai pas au vote.
M. Bruno Retailleau . - Nous voterons contre cette proposition de loi pour manifester notre opposition à l'ordonnance. Vous faites mine de ne pas comprendre : nous n'en pouvons plus de la dépossession du Parlement ! Du temps du général de Gaulle et de ses successeurs, les ordonnances étaient ratifiées. Toujours plus d'ordonnances et toujours moins de ratifications, 18 %...
Nous sommes d'autant plus choqués que cette ordonnance concerne la haute fonction publique et donc l'État qui traverse une grave crise de défiance.
Il faut refaire l'État, lui donner plus d'impulsion. Votre vision technocratique et pseudo-managériale ne résoudra rien.
Avant tout, notre vote sera une dénonciation de votre mépris du Parlement - si bien exprimé dans Le Figaro ce matin. (Mme Cécile Cukierman rit de bon coeur.)
Avec votre réforme, le politique abdique et se défausse sur la haute fonction publique. Je voudrais dire à nos fonctionnaires qu'ils sont l'honneur de notre République et que bien d'autres pays nous les envient. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)
M. Pierre Médevielle . - À l'approche des élections présidentielles, nous voyons se former d'étonnantes alliances, incapables de formuler aucune proposition - à l'exception de M. Masson - , et qui ne savent que bloquer.
La droite et le centre avaient appelé cette réforme de leurs voeux. Pour notre part, nous resterons cohérents en votant, à une grande majorité, cette proposition de loi.
Mme Françoise Férat . - Les arguments avancés, y compris par la ministre, ne nous permettent pas de participer au vote.
Mme Cécile Cukierman . - Nous ne voterons pas la proposition de loi, car le recours abusif aux ordonnances et leur non-ratification posent un problème de séparation des pouvoirs.
De plus, nous ne partageons pas le contenu de la réforme envisagée pour la haute fonction publique.
Je ne vois pas d'alliance contre-nature. Le Sénat sait régulièrement adopter des positions transpartisanes, comme cela se passe souvent dans nos communes : c'est ainsi que l'on prend les bonnes décisions, en s'inspirant des réalités vécues. N'hystérisons pas le débat !
M. François Patriat . - Cette réforme est attendue de très longue date et personne ne s'y était encore attelé. Elle répond aux nécessités du temps présent. Le Gouvernement tient ses engagements, en ayant largement consulté.
L'alliance de la carpe et du lapin, nous y sommes malheureusement habitués : c'est « tous contre Macron », une fois de plus. Ce soir, cela tourne au ridicule... Le RDPI votera la proposition de loi.
Mme Amélie de Montchalin, ministre . - Cette réforme, promise de longue date, est nécessaire. Elle a fait l'objet de nombreuses concertations et le Conseil d'État l'a entérinée.
Monsieur Retailleau, quel est votre projet, à part abroger le statut des fonctionnaires comme le propose votre parti ?
Le Sénat aurait pu soit ratifier, soit abroger. Mais nous n'avons aucune réponse claire : votre vote de ce soir est illisible.
Je me tiens à votre disposition pour poursuivre le débat.
M. Patrick Kanner. - Veuillez répondre à la question de M. Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. - Je constate que Mme la ministre n'a pas répondu à une question précise et essentielle.
À la demande du groupe SER et du RDPI, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°1 :
Nombre de votants | 276 |
Nombre de suffrages exprimés | 257 |
Pour l'adoption | 32 |
Contre | 225 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Prochaine séance demain, jeudi 7 octobre 2021, à 10 h 30.
La séance est levée à 19 h 10.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 7 octobre 2021
Séance publique
À 10 h 30
Présidence : M. Georges Patient, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot Mme Marie Mercier
1. Questions orales
À 14 h 30
Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président
2. Débat sur le thème : « Les droits des personnes en situation de handicap sont?ils effectifs et respectés ? » (demande du groupe CRCE)
3. - Débat sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement » (demande du groupe INDEP)