Éloge funèbre de Patrick Boré
M. le président. - (M. le président, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) C'est une profonde tristesse qui nous a envahis quand nous avons appris, le 5 juillet dernier, la disparition de notre collègue Patrick Boré, sénateur des Bouches-du-Rhône, qui a mené pendant de longs mois un combat courageux et digne contre la maladie, avec cette même détermination qui l'a accompagné toute sa vie.
J'étais présent, le 8 juillet, à La Ciotat. Ce fut une très émouvante cérémonie d'adieu, à laquelle assistaient beaucoup de personnalités politiques et d'habitants des Bouches-du-Rhône. La ville entière était en deuil. Et c'est aussi dans les rues de cette cité, si chère à son coeur, que les habitants sont venus en masse le long du port lui rendre témoignage de leur affection et de leur reconnaissance, avec émotion et recueillement, et les sirènes des bateaux « pleuraient » à l'unisson des coeurs.
Le service de l'intérêt général, le don de soi et l'amour du prochain guidèrent sans cesse la vie de Patrick Boré.
Né à Toulon le 9 novembre 1956, de parents commerçants, Patrick Boré exerça le métier de pharmacien, après des études à la faculté de médecine de Marseille. Installé à La Ciotat, entre ses clients et lui, c'était un attachement, une empathie, tout particulièrement pour les ouvriers des chantiers navals.
Engagé en politique depuis les années passées sur les bancs de l'université, il porta la flamme du gaullisme à La Ciotat et commença sa carrière politique en 1999, en devenant le suppléant du député des Bouches-du-Rhône Bernard Deflesselles.
Son élection, en mars 2001, à la mairie de La Ciotat est restée un moment privilégié de sa vie publique. Il allait redonner vie à une cité fortement affectée par la fermeture de ses chantiers. Réélu maire à trois reprises, en 2008, 2014 et 2020, il s'est consacré à sa ville pendant plus de dix-neuf ans, il l'a transformée et a mis toute son énergie et sa générosité au service des Ciotadens, tant il est vrai qu'un maire est comme un potier qui donne forme à la terre brute.
Cette ville lui doit - entre bien d'autres réalisations - le renouveau des chantiers navals, devenus désormais l'un des fleurons de l'activité de réparation de yachts de luxe dans le monde, la création du parc du Domaine de la Tour, la rénovation du Port-vieux ou encore le développement des zones d'activité Athélia, consacrées aux industries innovantes, sans oublier une politique de l'habitat permettant aux Ciotadens de vivre et travailler chez eux.
Il permit à La Ciotat de renouer avec sa fierté industrielle, mais aussi culturelle en redonnant vie à l'association « La Ciotat berceau du cinéma », créée pour illustrer la vocation cinématographique de cette ville, liée à la présence des frères Lumière.
Il s'est battu pour La Ciotat avec la fougue du rugbyman qu'il était. Renaud Muselier, son ami depuis leurs études, m'a confié au soir de sa disparition : « Il était profondément gentil et bienveillant, jusqu'au coup d'envoi du match où il se transformait en beau diable. Ce trait de caractère du rugby, il l'avait aussi dans la vie politique : il adorait le combat ».
Je le revois, lors de la visite des chantiers que j'avais effectuée à son invitation, en août 2018. J'ai en mémoire sa fierté et sa passion lorsque nous parcourions les différentes installations et ateliers à la rencontre des entreprises du site. Nous avions souligné le succès de la réindustrialisation du chantier naval sous son impulsion, et insisté sur l'importance du travail collectif dans cette réussite.
Ancré à sa ville, Patrick Boré l'était aussi à son département. Il fut élu conseiller général du canton de la Ciotat en 2004, réélu en 2011 et 2015, et siégea au total plus de seize années au sein de l'assemblée départementale.
Il devint en 2015, aux côtés de la présidente Martine Vassal, premier vice-président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, chargé des relations internationales et européennes ainsi que des interventions humanitaires.
Il fut un élu local apprécié de tous tant au sein de cette assemblée qu'à la métropole d'Aix-Marseille Provence, dont il fut vice-président de 2016 à 2020.
En juin 2019, il s'engagea dans la campagne des élections européennes. Mais notre assemblée l'attirait depuis longtemps. Son arrivée au Sénat, début août 2020, en remplacement de Sophie Joissains, a marqué sa vie.
Il mena la liste « Cap sur l'avenir de nos villes et de nos villages » lors des élections sénatoriales qui suivirent, aux côtés de nos collègues Valérie Boyer, Stéphane Le Rudulier et Brigitte Devésa qui lui a maintenant succédé parmi nous. Il fut comme à son accoutumée un acteur de rassemblement et d'apaisement, J'ai le souvenir d'une réunion et d'un déjeuner de campagne sénatoriale particulièrement chaleureux, à Aix-en-Provence en septembre 2020.
Il sillonna les Bouches-du-Rhône au cours de cette campagne, allant de mairie en mairie. Élu sénateur, il a gardé la passion de sa ville et de son département.
Il déclara dans la presse locale lorsqu'il passa le flambeau de la mairie à Arlette Salvo : « En choisissant le Sénat, je choisis La Ciotat, car je ne quitte pas La Ciotat. Avoir deux parlementaires dans un conseil municipal, je crois que c'est important pour une ville aussi. »
Dès son arrivée, nous avons apprécié cet homme chaleureux. Souvenons-nous de sa silhouette élancée dans notre hémicycle, avec son côté gentil, affable. Ses premières interventions avaient été écoutées avec attention, car il avait une voix forte.
Sa profession de pharmacien l'avait tout naturellement conduit à rejoindre la commission des affaires sociales. Au cours de la crise sanitaire, il eut à coeur d'alerter le Gouvernement, comme beaucoup d'entre nous, sur la nécessité de « territorialiser » les mesures prises. Il avait ainsi appelé à réfléchir, en collaboration avec les élus locaux, les fédérations et les organisations professionnelles, à des protocoles sanitaires sûrs et réalisables », pour éviter de nouvelles fermetures et permettre notamment aux gérants des restaurants et des bars « d'avoir une véritable visibilité et à leur foyer de sortir de l'angoisse du lendemain ».
Membre du groupe d'amitié France-Arménie, il déposa, en avril 2021, une proposition de résolution par laquelle il invitait le Gouvernement « à exiger de la République d'Azerbaïdjan, sous peine de sanctions, la libération sans délai des prisonniers civils et militaires qu'elle détient toujours et la restitution immédiate des corps des soldats arméniens tués au combat ». Cela parle sans doute aux présidents de groupe qui m'ont accompagné le 24 avril en Arménie...
Puis, en mai 2021, il questionna le Gouvernement sur ce même sujet, déplorant le silence et l'inaction de la France, « pourtant liée à l'Arménie par des liens séculaires d'amitié », « face aux multiples exactions commises par la Turquie et ses alliés, notamment à l'encontre de l'Arménie ».
Il fut aussi membre du groupe France-Saint-Siège ; quoi de plus naturel pour celui qui fit en sorte que soient envoyées au musée du Vatican les reliques de Saint-Césaire d'Arles - ce saint du VIe siècle selon lequel il fallait courir sur ses deux pieds : « l'humilité et la charité ».
Sportif de haut niveau et adepte du rugby, marcheur patenté sur les chemins de Corse, Patrick Boré était un homme réservé qui était à l'écoute de la détresse humaine, comme il l'a prouvé en accueillant de jeunes migrants érythréens. Ses convictions l'ont toujours porté vers l'autre.
Nous garderons de Patrick Boré le souvenir d'un sénateur chaleureux, bienveillant et sincère, d'un élu de proximité profondément attaché aux Bouches-du-Rhône et à sa commune de La Ciotat, et aussi d'un humaniste doté d'une grande empathie, d'une personnalité d'une grande droiture et particulièrement agréable dans ses relations avec autrui.
À ses anciens collègues de la commission des affaires sociales, à ses amis du groupe Les Républicains, j'exprime notre sympathie attristée.
Au-delà des mots - car nous ressentons encore quelques mois après une profonde émotion - je souhaite adresser à sa maman, à son épouse Nadine, que je salue ici, à ses enfants Julien et Alicia, à toute sa famille, ainsi qu'à toutes celles et tous ceux qui l'ont accompagné tout au long de sa vie, notre compassion, mais aussi notre gratitude.
Il était un exemple : j'ai le souvenir de nos dernières conversations téléphoniques à un moment où peut-être l'espérance se faisait plus lointaine... Il continuait à être ce qu'il était : un homme profondément humain. Patrick restera présent dans nos mémoires. Nous ne l'avons pas accueilli assez longtemps ici dans cet hémicycle, mais il est des femmes et des hommes qui parfois marquent au-delà du temps qu'ils ont passé quelque part.
Je vous invite à partager ce moment de recueillement en mémoire en mémoire de Patrick ; puisqu'il avait une certaine vision de l'éternité, nous pouvons nous dire que, peut-être, à cet instant, il est parmi nous.
(Mmes et MM. les Sénateurs observent un moment de recueillement.)
La séance est suspendue à 14 h 45.
présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
La séance reprend à 15 h 15.