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Table des matières
Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires (I)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Inondations et annonces européennes
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Pénurie de soignants pendant les vacances
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Inondations en Allemagne et en Belgique
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports
Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires (II)
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Impôt mondial sur les sociétés
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires (III)
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Recevabilité des amendements sur l'obligation vaccinale
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
Enlèvements d'enfants binationaux à leur père
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Jean Castex, Premier ministre
Situation sanitaire dans les outre-mer
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles
M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur
Tests et pass sanitaire pour les Français de l'étranger
Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification(Procédure accélérée - Suite)
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 (Nouvelle lecture)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement (Nouvelle lecture)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois
Ordre du jour du jeudi 22 juillet 2021
SÉANCE
du mercredi 21 juillet 2021
13e séance de la session extraordinaire 2020-2021
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Jacques Grosperrin, M. Jean-Claude Tissot.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je devrai quitter notre séance avant son terme afin d'assister, aux Invalides, à la cérémonie d'adieu aux armes du général François Lecointre, chef d'état-major des armées.
Je remercie par avance Pascale Gruny de me relayer au fauteuil de la présidence.
Cette séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun veillera à observer l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, à commencer par celui du temps de parole.
Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires (I)
M. Olivier Cigolotti . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis l'arrêt Matzak, une épée de Damoclès planait sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Désormais, ce sont toutes les activités militaires qui sont menacées par la Cour de justice de l'Union européenne.
Dans sa récente décision, elle introduit une catégorisation entre les militaires combattant sur le terrain et ceux affectés aux fonctions support ou à la préparation opérationnelle. Le principe d'unicité du statut militaire est ainsi remis en cause, de même que la doctrine selon laquelle nos militaires doivent être disponibles en tout temps et en tout lieu.
La sécurité de nos militaires est aussi en jeu, car il leur faut se former et s'exercer pour être performants.
L'application de cet arrêt signifierait la fin de notre modèle d'armée complet. Il nécessiterait le recrutement de 30 000 militaires supplémentaires. C'est impensable !
Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour contrer cette jurisprudence ? La CJUE pense-t-elle convaincre les groupes terroristes de passer aux 35 heures avec récupérations ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; MM. Daniel Chasseing et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants . - Florence Parly et moi-même sommes farouchement pro-européennes et prônons une Europe de la défense solide. Mais la souveraineté française ne doit pas se dissoudre dans l'Europe ; elle doit en sortir renforcée.
Les juges découpent l'action militaire en pièces de puzzle, ce qui n'est conforme ni à l'histoire ni aux missions de nos armées.
S'agissant de militaires, c'est la réalisation de la mission qui prime. Depuis quatre ans, Florence Parly et moi-même n'avons rencontré que des femmes et des hommes pleinement engagés ; jamais nous n'avons été interpellées sur le temps de travail.
Nous analysons précisément les implications de cette décision. S'il faut faire évoluer le droit applicable, nous nous engagerons dans cette voie.
Il n'y aura pas en France d'armée à deux vitesses ! Ni Mme Parly, ni moi-même, ni les militaires, ni les Français ne le souhaitent. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny et Laure Darcos, ainsi que M. Jean-Claude Requier, applaudissent également.)
Espionnage numérique de masse
M. Pierre Ouzoulias . - Grâce au logiciel Pegasus, conçu par la société NSO, plusieurs États ont espionné jusqu'au Président de la République.
Contrôlée par l'État israélien, NSO est un mercenaire du piratage : elle achète des failles de sécurité et vend des programmes de surveillance.
Ainsi donc, des pays supposés être nos alliés, comme le Maroc, nous ont espionnés. Le développement de ce type de piratage est permis par l'activisme de certains États, mais aussi la passivité coupable des autres.
De même qu'il existe une convention internationale interdisant les mines antipersonnelles, il faut un traité de non-prolifération de l'espionnage de masse.
Quelle action la France entend-elle entreprendre pour protéger la démocratie et nos libertés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; MM. Daniel Chasseing et André Gattolin applaudissent également.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le Premier ministre s'est exprimé hier devant l'Assemblée nationale, aujourd'hui même devant le pays ; ma réponse, très ferme, sera donc aussi très courte.
Les faits que vous avez rapportés et dont la presse se fait l'écho depuis plusieurs jours, s'ils sont avérés, sont d'une extrême gravité.
Nous avons ordonné des investigations sur leur matérialité. Celles-ci sont encore en cours. Je ne puis donc en dire davantage.
Quand la clarté sera faite, le Gouvernement s'exprimera devant la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI.)
M. Pierre Ouzoulias. - Pégase est né du sang de Méduse, dont le regard pétrifiait les victimes. Face aux grandes entreprises du numérique, c'est le Gouvernement qui semble paralysé...
Agissez enfin pour notre souveraineté numérique et notre indépendance nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur de nombreuses travées du groupe SER et plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Élisabeth Doineau et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
Inondations et annonces européennes
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Au moment où la Commission européenne lançait le pacte vert européen, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg étaient frappés par des pluies diluviennes ; elles ont fait 165 morts en Allemagne et 31 en Belgique, sans parler des considérables dégâts matériels.
De telles catastrophes ont vocation à se multiplier et s'intensifier. Face à cela, il nous faut une stratégie d'adaptation au réchauffement climatique. Les inondations de 2020 dans les vallées de la Tinée et de la Roya l'ont bien montré, trois ans après les cyclones Irma, Maria et José dans les Antilles.
Météo France dispose d'un nouveau supercalculateur. Quels autres moyens le Gouvernement met-il en oeuvre pour prévenir ces événements ? (Applaudissements sur les travées du RDPI.)
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - J'exprime au nom du Gouvernement notre soutien sans faille aux familles et aux États touchés.
Le dérèglement climatique est à l'oeuvre. Nous devons nous en protéger.
Nous développons les plans de prévention - 200 ont été adoptés, dont 32 en Guadeloupe - et renforçons nos capacités de prévision : le supercalculateur de Toulouse permet d'avancer les prévisions de quelques heures, décisives en de telles circonstances.
Il faut agir aussi aux racines du problème, notamment en limitant l'urbanisation qui imperméabilise les sols. La loi Climat et résilience prévoit de réduire de moitié l'artificialisation en dix ans. Par ailleurs, le fonds Barnier finance la restauration des berges et des digues.
Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Vaccination obligatoire
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Face à une pandémie qui n'en finit pas, le courage politique serait d'affirmer que chacun doit se faire vacciner, par solidarité, par fraternité ; que nous ne sommes pas des pièces autocentrées, mais des citoyens conscients. Ce serait d'assumer la vaccination universelle obligatoire.
Or le Gouvernement fait tout l'inverse, catégorisant la société en fonction des professions, fracturant l'espace public entre lieux accessibles et inaccessibles, donnant à des personnes privées le pouvoir de contrôler les identités.
Une fois de plus, faute d'avoir anticipé, vous agissez dans l'urgence, sans réel débat démocratique. Pensez-vous que cela contribuera à apaiser la société ?
Vous êtes pris au piège, mais il est encore temps de nous entendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe CRCE.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Vous avez raison : la vaccination fonctionne. Les Français l'ont d'ailleurs bien compris, puisque 40 millions auront reçu une première dose d'ici à la fin juillet - un mois avant ce que le Premier ministre avait annoncé. Depuis la dernière allocution du Président de la République, 3 millions de rendez-vous ont été pris.
Nous devons encore accélérer. Le Premier ministre a annoncé l'ouverture de 5 millions de rendez-vous ces quinze prochains jours. Nous doublons notre objectif de vaccination pour la dernière semaine de juillet et la première d'août.
Se vacciner, c'est se protéger et protéger les autres. C'est pourquoi les professionnels en contact avec les plus vulnérables d'entre nous seront soumis à l'obligation vaccinale.
Nous avons toujours cherché à concilier libertés publiques et sécurité sanitaire. C'est l'esprit du projet de loi qui vous sera présenté demain. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Monique Lubin. - Le texte que nous examinerons demain n'est pas celui que le Gouvernement avait présenté, preuve que vous avez commis des erreurs. Ce n'est pas ce grand bazar qui rétablira la sérénité et la concorde nécessaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE.)
Pénurie de soignants pendant les vacances
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La situation sanitaire se dégrade très rapidement : les contaminations ont augmenté de 150 % par rapport à la semaine dernière. Dans ce contexte, le vaccin est plus que nécessaire.
Alors que les prises de rendez-vous ont explosé, les semaines à venir vont être particulièrement difficiles dans les établissements de santé et chez les médecins.
Chaque été, la pénurie de personnels médicaux se reproduit. N'oublions pas que 10 millions de Français vivent dans un territoire où l'accès aux soins est difficile et que la moitié des médecins de campagne ont plus de cinquante-cinq ans.
Des médecins vont devoir fermer leur cabinet, faute de remplaçant. Certains services d'urgence fermeront la nuit. Au CHU de Clermont-Ferrand, le taux d'absentéisme atteint 10 %. Les soignants, déjà épuisés, voient avec dépit leurs congés remis en cause.
Où en est-on des mesures attendues pour lutter contre la désertification médicale ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Je vous prie d'excuser Olivier Véran, qui est à l'Assemblée nationale pour la discussion du projet de loi dont vous serez saisis demain.
Nous débattons régulièrement de la lutte contre la désertification médicale et de l'accès aux soins.
Le Gouvernement a élargi le spectre des professionnels autorisés à vacciner, afin de soulager les soignants.
Tous les ans, la période estivale fait l'objet d'une attention particulière des agences régionales de santé. Chaque établissement de santé doit anticiper la gestion de ses services, tout spécialement cette année. Des reprogrammations de soins ont été prévues. (M. François Patriat applaudit.)
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
Inondations en Allemagne et en Belgique
M. Joël Labbé . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Des inondations dévastatrices viennent de ravager des territoires entiers d'Allemagne, après les inondations en Chine, le dôme de chaleur au Canada, la sécheresse qui sévit à Madagascar. Le dernier rapport du Giec l'annonce : ces événements ne feront que se multiplier et s'accentuer.
Nous pensons avec émotion aux victimes - le ministre Djebbari vient de le dire. Mais ces catastrophes appellent aussi des décisions politiques fortes et rapides.
Or, comme le Haut Conseil pour le climat et le Conseil d'État l'ont rappelé, les mesures prises en France sont loin d'être à la hauteur. La loi Climat et résilience permettra - au mieux - de réduire nos émissions de 30 % en 2030, bien loin de ce qui serait nécessaire.
La déconnexion entre la gravité des enjeux et les décisions prises devient de plus en plus alarmante ; elle est difficile à vivre pour nos concitoyens de plus en plus nombreux, notamment parmi les jeunes, qui prennent conscience de l'ampleur du défi climatique.
Allez-vous enfin prendre des mesures fortes pour le climat ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Angèle Préville applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué, chargé des transports . - Nous avons réagi très rapidement aux inondations qui ont frappé nos voisins, en engageant quarante sapeurs-sauveteurs, trente-quatre sapeurs-pompiers, un hélicoptère et une équipe de sauveteurs aquatiques.
Comme je l'ai dit à M. Théophile, nous améliorons notre protection en renforçant nos outils de prévention et de prévision. Le supercalculateur de Toulouse est très utile pour gagner de précieuses heures.
Nous agissons également contre l'artificialisation des sols, qui favorise le ruissellement des eaux, et pour la restauration des digues, à travers le fonds Barnier.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, le Haut Conseil pour le climat nous appelle à mettre en oeuvre pleinement les mesures que le Gouvernement a proposées. C'est ainsi que nous serons au rendez-vous de l'accord de Paris !
Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires (II)
M. Jean-Louis Lagourgue . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis le 1er janvier dernier, la France est le seul État de l'Union européenne membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, le seul aussi à posséder l'arme nucléaire. Notre responsabilité est immense.
Mais la protection des Français et la sécurité européenne ont un prix : l'engagement et la disponibilité, en tout temps et en tout lieu, de celles et ceux qui nous défendent au péril de leur vie.
L'arrêt de la CJUE sur le temps de travail des militaires fait réagir - c'est le moins que l'on puisse dire -, surtout à l'heure où les tensions se multiplient et où de nombreux pays se réarment.
Quelle en sera l'incidence sur notre modèle de défense ? Quelles sont les marges de manoeuvre de la France, en particulier dans le cadre de sa prochaine présidence de l'Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - La directive européenne date d'il y a vingt ans. Nous ne l'avons pas transposée, et nous sommes loin d'être les seuls. Depuis vingt ans, c'est notre modèle qui prévaut.
La décision de la CJUE méconnaît la réalité quotidienne et les missions des militaires, dernier rempart de la Nation.
Première puissance militaire européenne, la France a une grande responsabilité dans le concert international.
Nous nous opposons avec la plus grande fermeté aux conséquences de cet arrêt. Nous ferons le nécessaire sur le terrain du droit pour garantir la permanence de notre sécurité. Celle-ci exige une organisation à laquelle nous ne renoncerons pas ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur plusieurs travées du groupe INDEP.)
Impôt mondial sur les sociétés
M. Étienne Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je comptais interroger M. Le Maire.
M. Laurent Duplomb. - Qui n'est pas là !
M. Étienne Blanc. - Il est regrettable qu'il soit rarement présent à nos séances de questions d'actualité.
Il a annoncé un grand succès de la diplomatie fiscale, obtenu auprès de l'OCDE et du G20 : l'impôt mondial sur les sociétés à 15 %. Mais le taux annoncé à l'origine était de 21 %. Il a ensuite estimé que ce taux pourrait évoluer.
Quelques jours plus tard, l'Union européenne renonçait à sa taxe Gafa, sous la pression des États-Unis. La France, elle, maintient cette taxe.
Tout cela est particulièrement confus. Nous voulons connaître la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - La vérité tient en deux mots : constance et persévérance. (Murmures à droite.)
Constance, parce que nous avons toujours dit que les entreprises du numérique devaient être soumises à une contribution juste. Notre taxe nationale restera en vigueur tant qu'il n'y aura pas de taxe mondiale, du moins européenne. Nous avons insisté pour conserver dans le panier de ressources de l'Union européenne la perspective d'une telle taxe.
Persévérance, parce que l'accord sur la fiscalité internationale récompense quatre ans de combats pour adapter la fiscalité au numérique. Pas moins de 132 pays et juridictions ont donné leur accord.
L'imposition à 15 % des plus grands groupes est une victoire - nombre d'États n'en voulaient pas - et un minimum - nous devrons aller plus loin. Nous continuerons à avancer pour contrer le dumping fiscal et assurer une juste contribution des multinationales. (Applaudissements sur les travées du RDPI.)
M. Étienne Blanc. - Votre réponse confirme notre impression : une communication excessive sur cet accord pour masquer l'absence de recettes réelles - comme celles qui résulteraient de la réforme des retraites. (Murmures sur les travées du CRCE) La réalité vous rattrapera bientôt ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires (III)
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, le 3 février, Mme Parly me répondait être farouchement opposée aux conclusions de l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne sur le temps de travail des militaires.
Les Présidents Larcher et Cambon ont écrit au Président de la République pour lui demander de porter une parole politique au sommet de l'État.
Avec Jean-Pierre Chevènement, nous avons publié en avril une tribune alertant sur le coup mortel porté à notre Défense, et demandant au Président de la République de s'exprimer pour défendre notre armée.
La ministre des Armées et le chef de l'État n'ont eu de cesse de nous rassurer. Manifestement, ce Gouvernement n'a aucune influence en Europe !
Maintenant que la Cour a tranché et témoigné de sa méconnaissance totale des spécificités de l'engagement militaire, il faut agir. Vous avez la possibilité de reprocher à la Cour d'avoir statué au-delà de ses compétences. Le ferez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Vous êtes un spécialiste des questions européennes et de défense. Vous savez que la Cour de justice de l'Union européenne est indépendante : il n'est pas question ici d'influence politique mais d'une décision rendue par une juridiction indépendante.
Ce Gouvernement est attaché à la construction européenne, mais la France n'entend pas déléguer sa compétence en matière d'organisation de ses forces armées.
La fierté de nos militaires, c'est de faire primer la réalisation de la mission sur toute autre considération. Ils ont de lourdes obligations, qui font l'objet de compensations : cela s'appelle le statut général des militaires, qui donne pleine satisfaction.
La Cour de justice a joué son rôle, nous jouerons le nôtre et répondrons au droit par le droit.
Nous prendrons les initiatives qui s'imposent sans nous dérober face à nos responsabilités : assurer la sécurité des Français, prendre acte des décisions de la Cour de justice, et enfin agir pour faire évoluer le droit de l'Union si notre sécurité l'exige. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Cédric Perrin. - Vous n'avez pas répondu à ma question. En février dernier, je vous proposais déjà de renégocier la directive.
L'Union Européenne doit comprendre, si elle veut survivre, qu'elle n'est qu'un outil au service des peuples : ce n'est ni aux fonctionnaires européens ni aux juges de faire la politique européenne !
Nous vous demandons d'agir pour défendre les militaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Recevabilité des amendements sur l'obligation vaccinale
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'imagine, monsieur le Premier ministre, que vous avez envisagé deux options : obligation vaccinale obligatoire et pass sanitaire sans obligation de vaccination.
La première avait l'avantage de la simplicité juridique - il y a déjà onze vaccins obligatoires - et de la clarté. Cela aurait évité des questions comme : pourquoi les soignants mais pas les policiers contrôlant les pass ? Pourquoi les cinémas mais pas les lieux de culte ? Les théâtres mais pas les amphis ?
Vous avez fait un autre choix, plus compliqué, plus difficile à comprendre pour les Français.
Le débat démocratique doit avoir lieu, comme l'a dit la Défenseure des droits. Pour cela, il faut pouvoir contourner l'article 40 de la Constitution. Lèverez-vous le gage pour que nous puissions discuter de l'obligation vaccinale universelle ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ainsi que sur quelques travées du GEST)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Le débat démocratique a bien lieu. Le Gouvernement consulte, débat, soumet - comme il est normal - les textes aux assemblées.
Face aux légitimes questions soulevées, le Premier ministre a annoncé qu'il saisirait le Conseil constitutionnel.
M. Loïc Hervé. - Le Sénat aussi !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Nous en sommes ravis.
Nous faisons le pari de concilier liberté et sécurité, le pari de la pédagogie. Déjà, 40 millions de nos concitoyens ont reçu une première injection ; ils seront 50 millions fin août.
Mme Laurence Rossignol. - Vous ne répondez pas à la question !
Mme Éliane Assassi. - Et le gage ? (On renchérit sur plusieurs travées à gauche.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Cinq millions de rendez-vous seront ouverts sur les quinze prochains jours.
Nous mettons en place des dispositifs « d'aller vers » à destination de nos concitoyens isolés et précaires, et notamment les 3 millions de plus de 50 ans non vaccinés... (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Hussein Bourgi. - Hors sujet !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Nous nous appuyons sur les élus locaux dans les territoires. (Les protestations redoublent à gauche, au point que le brouhaha couvre la voix de l'orateur.) La question de la vaccination des plus vulnérables n'est pas accessoire !
Mme Laurence Rossignol. - Je ne vous ai pas demandé une dissertation sur le vaccin, les citoyens et les élus locaux, mais si vous lèveriez ou non le gage sur l'article 40 afin que le Parlement puisse débattre des différentes options !
L'obligation vaccinale serait plus coûteuse pour l'État que le système que vous proposez ? Si c'est le cas, c'est que vous ne visez pas la vaccination maximale. (Applaudissements à gauche ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Approvisionnement en vaccins
M. Olivier Rietmann . - Hier, à l'Assemblée nationale, plusieurs députés ont interrogé le ministre de la Santé sur notre approvisionnement en vaccins, alors que le pass sanitaire devient obligatoire. Il a assuré que plusieurs millions de doses seraient livrées chaque semaine, et que le stock s'élevait à six millions de doses.
Nous disposerions ainsi de 24 millions de doses en août, mais nul besoin d'être grand clerc pour constater que le compte n'y est pas pour atteindre les objectifs fixés. Certains centres n'ont pas assez de doses : des mails de l'ARS en attestent. Des centres de vaccination vont devoir fermer, faute d'approvisionnement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
M. Olivier Rietmann. - Pourquoi annoncer le 12 juillet une application du pass sanitaire dans des délais aussi brefs, alors que les ARS n'ont pas les moyens de vacciner suffisamment nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Il s'agit d'un pass sanitaire, pas d'un pass vaccinal.
M. Laurent Duplomb. - C'est la même chose !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - On commence mal...
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Un test négatif de moins de 48 heures peut aussi être produit, tout comme une attestation d'immunité. L'objectif de 40 millions de primo-vaccinés a été atteint avec un mois d'avance. Le stock disponible s'élève à 6 millions de doses et nous attendons 2 millions de doses par semaine.
L'objectif de 50 millions de vaccinés fin août, fixé par le Premier ministre, sera atteint.
Nous travaillons avec les professionnels de santé pour disposer des moyens humains nécessaires à la vaccination.
M. Olivier Rietmann. - Je partage votre optimisme et votre enthousiasme, mais pour vacciner massivement, il faut des vaccins ! Le décalage est flagrant avec la réalité. Arrêtez de signer des chèques que ne pouvez honorer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Enlèvements d'enfants binationaux à leur père
Mme Brigitte Devésa . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) M. Vincent Fichot, vivant au Japon, est empêché de voir ses enfants depuis leur enlèvement par leur mère japonaise en 2018. Il est en grève de la faim à la gare de Tokyo depuis douze jours.
Au Japon, où la garde partagée n'existe pas, l'enlèvement des enfants parental est courant, et toléré par les autorités ; quelque 150 000 mineurs en seraient victimes chaque année, dont beaucoup de binationaux.
Les parents victimes, constitués en association, se sont tournés vers l'ONU en 2019, et vers la justice française en décembre 2020.
Le Président de la République, qui se rend au Japon prochainement et a pris des engagements auprès de ces parents français il y a deux ans, abordera-t-il cette question ? Des actions diplomatiques seront-elles menées contre ces situations inacceptables ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le sujet est douloureux, particulièrement au Japon, où l'autorité parentale partagée n'existe pas, comme le délit de non-présentation d'enfant.
En novembre 2019, le Président de la République a déjà marqué son inquiétude à cet égard.
Nous évoquons souvent ce sujet avec les autorités japonaises. La situation de M. Fichot est très difficile ; il ne peut pas voir ses enfants depuis trois ans. Nous sommes en contact quotidien avec lui pour lui apporter toute l'aide possible, notamment médicale. Nous ne pouvons cependant pas nous immiscer dans des procédures judiciaires qui relèvent des juridictions locales, en particulier à l'étranger.
Le Président de la République évoquera évidemment la question lors de son déplacement.
Nous apportons tout notre soutien à M. Fichot.
Mme Brigitte Devésa - Effectivement, la situation n'est pas simple. Au nom de tous, j'adresse notre solidarité à M. Fichot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Pass sanitaire
M. Alain Houpert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement dit « agir en responsabilité ». Il a eu raison de dénoncer les outrances, les images abjectes de certains extrémistes, mais il faut entendre tous les autres, qui défilent au nom d'une certaine idée de la France, pays où la liberté est assortie de devoirs mais aussi de droits.
Est-ce agir en responsabilité que de dresser les vaccinés contre les non vaccinés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. François Patriat. - Et il est médecin !
M. Jean Castex, Premier ministre . - (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Une sénatrice socialiste me demande de généraliser la vaccination alors que le groupe socialiste à l'Assemblée nationale, que j'avais consulté, voulait la limiter aux soignants. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie Mensonges !
Mme Laurence Rossignol. - C'est faux !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Le Gouvernement ne cherche nullement à fracturer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est raté !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Il est vrai que certains entretiennent les fractures.
Les Français sont fatigués, après de longs mois pendant lesquels ils ont fait tant d'efforts.
À force d'écouter ceux qui hurlent le plus, vous n'entendez pas la majorité. Rappelons que 96 % des contaminés du Delta n'ont eu aucune dose de vaccin. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
L'épidémie explose là où la vaccination ne prend pas : en outre-mer.
Il faut vacciner et vacciner encore.
Mme Laurence Rossignol. - On est d'accord !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Après une baisse des vaccinations en juin, la situation étant devenue meilleure, la pression a été moindre et nous n'avons pas vacciné à l'AstraZeneca.
Je me réjouis de l'engouement très fort pour la vaccination. Nous devons tout mettre en oeuvre pour y répondre, malgré la période estivale.
L'erreur de communication d'une ARS à laquelle M. Rietman faisait référence a été corrigée. Nous aurons des doses pendant l'été.
Nous avons primovacciné 1,2 million de Français au cours de la deuxième quinzaine de juin. Nous espérons atteindre 2 millions cette semaine et faire entre 7 et 8 millions d'injections ces quinze prochains jours.
Il y aura 50 millions de vaccinés fin août. (M. Bernard Jomier s'en réjouit.)
Nous voulons, avec le pass sanitaire, encourager indirectement à la vaccination. Le Gouvernement ne pense pas nécessaire, à ce stade, d'imposer la vaccination de tous les Français.
Mme Laurence Rossignol. - Ah ! Dans trois mois, alors ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Mais nous voulons aussi, face à la reprise épidémique, s'assurer que tous les lieux qui avaient dû fermer pendant les confinements puissent continuer à fonctionner, alors que le Delta est quatre fois plus contagieux.
Mme Lubin a regretté que le texte issu de l'Assemblée nationale ne soit pas le même que celui du Gouvernement. Tant mieux, car c'est le rôle du Parlement ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, INDEP et RDSE ; Mme Sylvie Vermeillet et Mme Jacqueline Gourault, ministre, applaudissent également.)
M. Alain Houpert. - Monsieur le Premier ministre, vous êtes excellent en marketing vaccinal. (Protestations sur les bancs du Gouvernement)
Nous ne voulons pas d'une société où les droits sont différents selon les choix des citoyens, où chacun pourra surveiller l'autre. « Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu'un d'autre de sa liberté » a dit Nelson Mandela. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Nous sommes en train de nous attaquer au triptyque « liberté, égalité, fraternité » !
Situation sanitaire dans les outre-mer
M. Victorin Lurel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Allez-vous répondre à Mme Rossignol sur le gage ?
M. Roger Karoutchi. - Ce n'est pas terrible !
M. Victorin Lurel. - En outre-mer, la couverture vaccinale est trois fois moins importante que dans l'Hexagone. Cette fracture recoupe celle de l'éducation et de la pauvreté, des inégalités sociales et territoriales, de l'accès aux services.
La lutte contre la pandémie doit se conjuguer avec la lutte contre les inégalités. Beaucoup reste à faire. Le pass sanitaire ne garantit pas l'immunité collective, sauf à l'assortir de grandes privations de libertés.
Seule solution : une vaccination obligatoire universelle des adultes, progressive, et une gratuité des tests. Comment allez-vous le faire et infléchir la tendance aux outre-mer ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles . - Je pensais que la réponse du Premier ministre était claire sur le sujet...
M. Bernard Jomier. - Rien sur le gage !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - La situation est préoccupante dans les outre-mer, et en particulier en Guadeloupe, où le masque est à nouveau obligatoire en extérieur entre 8 heures et 23 heures. Il était urgent d'agir.
À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a introduit un amendement qui réinstaure l'état d'urgence sanitaire en Guadeloupe dans le cadre du débat sur le pass sanitaire. Un décret est envisagé pour aller plus loin car on ne peut pas attendre. En outre, seul 20 % du personnel paramédical est vacciné contre 80 % des médecins. Et seulement 20 % des plus de 18 ans est vacciné.
Il faut accélérer la vaccination, en s'appuyant sur les collectivités territoriales et en appliquant la stratégie d'aller vers. (M. François Patriat applaudit.)
M. Victorin Lurel. - Vous ne répondez pas... Il faut aller vers les gens en outre-mer. Changez de braquet ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Sécurité à Cavaillon
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Des scènes de guerre urbaine, d'une violence inouïe, se sont déroulées samedi soir à Cavaillon, petite ville provençale paisible.
Avec son maire, nous vous demandons que des mesures soient prises rapidement contre un trafic de drogue qui crée l'insécurité : 600 clients, 80 000 à 100 000 euros de chiffre d'affaires par jour.
Je rends hommage aux policiers nationaux et municipaux qui ont obtenu d'excellents résultats - 30 kilos de drogue ont été saisis - mais il leur faut plus d'effectifs.
Vous avez annoncé des renforts de cinq ETP - mais il s'agissait surtout de remplacements. De quoi avons-nous besoin ? D'une BAC de nuit, qui n'existe plus depuis quatre ans à Cavaillon. Nous ne voulons pas devenir la base arrière d'Avignon et de Marseille !
Nous souhaitons le retour de l'ordre républicain dans notre ville. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur . - Comme vous, j'ai vu les images, lu les rapports du préfet sur les troubles liés à un règlement de compte sur un point de deal. Les auteurs ont été déférés. Nous menons une lutte implacable, avec les forces de l'ordre, que je salue, en collaboration avec les élus, contre les points de deal. L'assassinat d'Eric Masson à Avignon l'a montré, le Vaucluse est déjà l'arrière-cour des trafiquants de Marseille...
Pendant les six premiers mois de l'année, les forces de l'ordre ont augmenté de 50 % les gardes à vue, de 70 % les constatations, et réalisé en six mois les deux tiers des saisies des deux dernières années.
Entre Avignon et Cavaillon, quarante postes de policiers municipaux ont été créés. Cinq policiers supplémentaires viendront renforcer les effectifs du commissariat en septembre, au moment des mutations.
J'entends la demande d'une BAC de nuit : je l'étudierai pour 2022. La lutte contre la drogue se fait grâce au courage des policiers et porte des résultats. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Blanc. - La chaîne police-justice fonctionne bien sur notre territoire, mais il faut une BAC de nuit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Tests et pass sanitaire pour les Français de l'étranger
M. Christophe-André Frassa . - Les Français de l'étranger ont du mal à suivre les annonces, les démentis, les tweets contradictoires : couacs sur la gratuité des tests, incertitudes sur le pass sanitaire ou le QR code... Il nous a fallu lutter pour qu'ils ne soient pas traités, une énième fois, comme des étrangers en France.
Comme d'habitude, on bricole. Malgré vos tweets, à ce jour, beaucoup de Français de l'étranger payent encore leurs tests en France. Tweeter, c'est bien, se faire obéir, c'est mieux.
Le Gouvernement dit travailler à une solution numérique pour les Français disposant d'un schéma vaccinal complet, avec un vaccin homologué ou un équivalent : quels sont-ils ? Quid du Sinopharm et du Spoutnik ? Et de la troisième dose ?
L'été est déjà bien entamé. Nous ne pouvons plus attendre. Quand et comment ferez-vous des Français de l'étranger des Français à part entière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie . - Depuis le début de la crise, le Gouvernement a été aux côtés de nos compatriotes établis hors de France et leur a apporté un soutien social, éducatif et médical.
En matière de vaccination, nous entrons dans une deuxième phase. Alors que plus de cinquante pays ont été approvisionnés directement par les postes diplomatiques, nous allons poursuivre l'effort et traiter le plus grand nombre grâce à la société ISOS.
Pour ceux qui ont reçu des vaccins reconnus par l'Agence européenne du médicament (EMA) ou équivalent - je pense au Covishield - nous mettons en place une cellule au Quai d'Orsay qui leur fournira un QR Code.
Ceux qui sont vaccinés par des vaccins non homologués par l'EMA auront accès au pass sanitaire grâce aux tests, qui seront gratuits pour les Français établis hors de France. Le Premier ministre l'a rappelé et Olivier Véran le redira demain aux pharmaciens.
Enfin, les Français de l'étranger peuvent se faire vacciner en France.
M. Christophe-André Frassa. - Un pass en avant, deux pass en arrière... (Sourires)
Les Français de l'étranger ne veulent pas de promesses non suivies d'effet mais du concret, maintenant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 20.
La séance reprend à 16 h 30.
CMP (Nominations)
Mme le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification(Procédure accélérée - Suite)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public ordinaire sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
Explications de vote
Mme Cécile Cukierman . - Nous arrivons en fin de parcours de ce texte, examiné dans des conditions insatisfaisantes, alors même que le nombre d'articles a presque doublé entre la commission et la séance publique.
Ce projet de loi manque toujours de souffle : or il y a urgence démocratique que rappellent l'abstention galopante et la défiance entre citoyens et élus : le pacte républicain se délite jour après jour.
Il faut redonner du sens et renforcer les moyens des élus pour mieux répondre aux besoins des populations.
La clause de compétence générale pour toutes les collectivités territoriales est la seule garantie de simplification et de décentralisation.
À l'inverse, le Gouvernement propose la différenciation, qui reste source de complexité, de remise en cause des équilibres et de renforcement des « grandes » collectivités : il en résultera une nouvelle concurrence entre collectivités territoriales alors que nous avons besoin d'égalité entre elles.
La déconcentration reste très superficielle : elle ne peut se résumer à l'accroissement du pouvoir des préfets : il faut renforcer tous les services de l'État pour épauler les élus locaux.
Les sujets de ce texte sont nombreux - de la politique du logement à l'alignement des arbres. Il répond certes à des soucis du quotidien, mais nous serons vigilants face aux évolutions en cours. Le « cousu-main » ne peut toujours prévaloir pour faire la loi de la République : il faut répondre aux aspirations des concitoyens et des élus pour faire République et avoir un avenir commun plus apaisé.
Enfin, je note quelques points positifs : amélioration de la saisine des présidents des Chambres du conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ; compensation des nouvelles compétences transférées et maintien de la compétence « eau et assainissement » aux communes. Il faut préserver la proximité lorsque cela est possible, sans misérabilisme ni communautarisme.
Mais la différenciation n'est pas l'indispensable décentralisation démocratique, garante des libertés locales et de l'égalité républicaine. Sans surprise, le groupe CRCE votera contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Françoise Gatel . - Je remercie, avant tout, le président de la commission des lois et mon collègue rapporteur.
Iris, messagère des dieux grecs, était adorée de tous car elle n'apportait que de bonnes nouvelles. Madame la ministre, vous êtes l'Iris du Sénat ! Vous allez porter d'excellentes nouvelles au Gouvernement et à l'Assemblée nationale sur ce texte que nous avons construit grâce à vous. Soyez-en remerciée.
Notre objectif, c'est l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre, jusqu'au plus éloigné de nos concitoyens.
Certains qualifiaient ce texte de barbare, technocratique, timide...
Deux crises, sociale - les Gilets jaunes - et sanitaire - mais aussi économique et psychologique - ont épuisé le pays mais ont aussi prouvé sa capacité à tenir grâce à l'engagement inlassable des élus locaux.
Tirons-en les conclusions : certains rêvent de grands soirs, mais ils sont souvent suivis de petits matins blêmes. Au big bang territorial, nous préférons la révolution des esprits avec l'État régalien présent dans les territoires, facilitateur de l'action des élus, qui leur fait confiance et leur accorde plus de souplesse et d'agilité.
À cet égard, le Sénat n'a pas démérité. Quelque 300 000 élus ont répondu à notre enquête ; nos 50 propositions traduisent le principe de subsidiarité, au service de la décentralisation.
Nous avons adoré la décentralisation et avons poussé en ce sens... Je pense notamment à la protection des enfants ou encore aux cantines des lycées. Sur ce point, j'ai été époustouflée par votre proposition, extravagante, de conventions entre les gestionnaires et les présidents d'exécutifs locaux, que vous suggérez d'expérimenter alors qu'elles ont été créées en 2004 lors du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS)...
Nous avons beaucoup aimé la différenciation. L'article premier ayant été jugé faible par le Conseil d'État, nous l'avons renforcé, afin de prendre en compte le réel et l'égalité des droits. Nous avons introduit la territorialisation des compétences et réaffirmé l'intérêt communautaire.
Sur le fond, vous n'êtes pas si éloignée de nous, madame la ministre : pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence, vous avez fait de l'intérêt communautaire sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose...
Il faut replacer l'État déconcentré et les élus locaux au coeur de la gestion de proximité : ce binôme est essentiel.
Vous avez choisi la procédure d'urgence : il y a bien urgence à agir pour retrouver la confiance de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, et RDSE)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Si ce texte était un livre, ce serait La peau de chagrin dans sa version initiale, Le portrait de Dorian Gray dans celle issue du Sénat ; un poème : L'inventaire de Prévert ; un animal : une méduse ou un invertébré (Mme François Gatel proteste) ; une peinture : un collage ; un jeu : un puzzle ou les échecs.
M. Loïc Hervé. - Poker menteur !
M. Éric Kerrouche. - Rien ne nous a été épargné sur la forme comme sur le fond, avec un examen long, fastidieux et décousu d'un texte passé de 84 à 158 puis 217 articles...
Madame la ministre, vous êtes experte de notre système local : quel contraste avec ce texte à l'examen baroque ! Ce texte a été tordu par la majorité sénatoriale d'autant plus facilement qu'il n'avait pas de colonne vertébrale.
Six écueils selon nous marquent ce texte : une cible ratée en matière de différenciation ; une décentralisation résiduelle ; une déconcentration s'assimilant davantage à une recentralisation ; une simplification complexificatrice ; et, en dessert, la question démocratique laissée de côté.
Le texte originel proposait beaucoup de petites dispositions mais peu d'essentielles. Celui sorti du Sénat tient de la samba : un pas en avant, deux pas en arrière.
Nous saluons quelques avancées de la commission, comme la compétence des régions en matière d'emploi, d'apprentissage et de formation professionnelle ; le transfert « à la carte » des compétences facultatives au sein des EPCI, et le renforcement du pouvoir règlementaire des régions dans l'attribution de certaines aides.
Après avoir évité les irrecevabilités, une quinzaine de nos amendements ont été adoptés : obligation de réponse pour le Premier ministre aux propositions législatives des départements ou des régions, accord des communes à la majorité qualifiée en cas de délégation de compétences à l'EPCI ; extension à l'ensemble des départements frontaliers des compétences reconnues à la Collectivité européenne d'Alsace ; rétablissement de l'expérimentation de la recentralisation du RSA ; expérimentation en faveur d'un système de transport sur d'anciennes voies ferrées.
Mais il y a tant de reculs et de franchissement de lignes rouges ! Votre ligne éditoriale tient de la posture : haro sur l'intercommunalité, culpabilisation et stigmatisation des plus précaires, mise à l'écart de la démocratie locale et de la participation citoyenne. (Protestations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous ne comprenons pas un tel repli sur la commune, peu réaliste, revenant sur l'intérêt communautaire, notamment en matière de zones d'activités ou de délégation de la compétence eau et assainissement.
La majorité sénatoriale est toujours plus sévère avec les faibles : elle impose une condition d'évaluation du patrimoine pour l'attribution du revenu de solidarité active (RSA), elle permet aux départements de réduire la prestation de compensation du handicap (PCH) et a même tenté d'abroger la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU). Certains parlent de « rente » à propos des minima sociaux : le mot devrait disparaître des comptes rendus.
En modifiant le pouvoir réglementaire local, la droite sénatoriale décrédibilise le principe de différenciation et stigmatise les plus précaires.
L'article 50 rendait possible l'échange de données pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux : c'était sans doute trop pour les plus précaires ! Il a été cantonné à une simple transmission d'information aux bénéficiaires plutôt qu'à une application des droits.
En matière de démocratie locale et de participation, tout a été relégué. Alors que l'exécutif est constamment dans une stratégie de l'évitement, la majorité sénatoriale est aux abonnés absents. La démocratie représentative ne peut rester exclusive de toute autre forme de participation,
La démocratie à éclipse a vécu, d'où nos propositions d'avenir faisant vivre la démocratie locale, hélas rejetées ! Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
Mme Laurence Cohen. - Bravo !
M. Stéphane Ravier . - La montagne 3DS accouche d'une souris ! On a mélangé le jeu de cartes, mais le château de cartes est resté le même et l'on s'y perd comme dans un labyrinthe. Il reste une citadelle imprenable, inaccessible au citoyen : la démocratie.
Avec le contrat de mixité sociale, le maire serait minoritaire pour décider de la politique du logement sur son propre territoire puisque le préfet et le président de l'EPCI auraient leur mot à dire. Voilà de quoi accentuer le sentiment de dépossession des élus locaux et des habitants. Les grands défenseurs de la théorie du vivre ensemble vont devoir se faire à la réalité du vivre avec. Je leur souhaite beaucoup de courage et d'abnégation républicaine...
Les maires ne sont pas au centre de l'attention du Parlement : la commission mixte paritaire sur le projet de loi Climat et résilience leur a refusé un droit de veto sur l'implantation des éoliennes. J'espère que cette disposition sera maintenue dans ce projet de loi.
Pour la métropole Aix-Marseille-Provence, la majorité sénatoriale a défendu ses baronnies, laissant quelques miettes aux 91 communes restantes. La métropole garde ses compétences déléguées sous la coupe de Martine Vassal. Rien sur le pays d'Arles, sur les 29 communes bucco-rhodaniennes qui résistent à l'intégration de force dans l'ogre métropolitain : j'apporte tout mon soutien à leur résistance à l'oppression.
Le triptyque commune-département-État est la clef de la différenciation et de la démocratie. Pour les maires, ne restera que le D de la débrouille pour gérer les crises.
Mais je voterai pour ce petit texte en raison de quelques améliorations : le contrôle du RSA, le retour de la délégation de compétences aux communes, la liberté municipale sur l'éolien. Éternel optimiste, j'espère que l'Assemblée nationale ne jouera pas les godillots du Gouvernement en annulant ces apports.
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Deux semaines intenses s'achèvent : le sujet de ce texte était vaste, et l'agenda resserré était fort contraignant.
Madame la ministre, je salue votre détermination. Mais le texte initial n'était pas à la hauteur des enjeux : il ne s'agissait pas du troisième acte de la décentralisation mettant fin au jacobinisme des quarante dernières années.
Oui, ce texte fut une déception pour notre famille politique : manque d'ambition, mesures seulement paramétriques, assemblage de sujets trop variés, absence de volet financier indispensable à une véritable différenciation.
Pour autant, le Sénat ne s'est pas résigné. Je salue nos rapporteurs qui ont redonné de l'ambition et de l'envergure à ce texte.
Nous nous sommes appuyés sur les 50 propositions sénatoriales de juillet 2020, hélas restés lettres mortes, et sur le rapport de Mmes Létard et Estrosi Sassone sur la loi SRU.
Le Sénat a voté le transfert à la carte de compétences, supprimé l'obligation du transfert de la compétence eau et assainissement, consacré le principe de la priorité accordée au préfet de département pour les décisions locales.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le logement pour sortir du climat de défiance entre l'État et les communes carencées ou déficitaires. Je me réjouis du rejet des sanctions financières inefficaces.
La gouvernance des agences régionales de santé (ARS) sera plus équilibrée au bénéfice des élus locaux, avec une coprésidence entre le préfet de région et le président du conseil régional.
Je salue enfin le consensus sur la métropole Aix-Marseille-Provence. Il s'agit d'un tournant historique pour ce territoire et ses habitants. Je remercie Mme la ministre pour ce dialogue constructif.
Nous espérons que l'Assemblée nationale approuvera cette consolidation des libertés locales. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) « Chaque révolution s'évapore en laissant seulement derrière elle le dépôt d'une nouvelle bureaucratie » disait Franz Kafka. Ce texte n'est pas une révolution, et c'est heureux.
Je salue la qualité de nos débats. Le Sénat a enrichi le texte pour accroître la liberté des collectivités territoriales. L'expérimentation de la recentralisation du RSA, proposée par notre groupe, a été adoptée ; le RSA est une charge majeure pour de nombreux départements.
Nous saluons le renforcement du rôle du département en matière sociale, celui des élus dans la gouvernance des ARS, et l'élargissement, quoique modeste, du pouvoir réglementaire local.
Le logement aurait mérité un texte spécifique. La loi SRU est complexe, avec de nombreuses obligations et seuils. Les communes qui ne la respectent pas ne sont pas toujours dirigées par des ennemis de la mixité sociale. Ce projet de loi apportera plus de souplesse et de liberté aux maires pour atteindre les objectifs fixés pour le logement social.
Un amendement d'Emmanuel Capus modifie la loi SRU pour rendre progressive l'entrée des communes dans les seuils de logement sociaux. Les procédures de revitalisation des territoires sont également simplifiées et assouplies ; je pense notamment aux biens sans maître ou à la compétence de la promotion du tourisme, qui pourra revenir aux communes membres d'une communauté d'agglomération grâce à l'amendement de Daniel Chasseing.
Le maire pourra aussi réglementer l'accès aux espaces naturels protégés, comme le voulait notre ancien collègue Jérôme Bignon. Nous saluons le renforcement du poids des territoires dans la gouvernance de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Le Sénat a cherché à libérer les territoires de leurs entraves. Il s'est toutefois laissé entraver par une interprétation extensive de l'article 40 au motif que le transfert de compétence aggraverait les charges publiques, selon un arrêt du Conseil constitutionnel d'il y a 35 ans... Il est étonnant de refuser à la représentation nationale de tels transferts ! Nous tenons à la liberté d'amendement. (M. André Reichardt renchérit.)
Les collectivités territoriales ont démontré leurs capacités de gestion des deniers publics contrairement à l'État, qui ne s'applique pas la même règle.
Nombreux ont aussi été les amendements fauchés par l'article 45 de la Constitution, qui semble à géométrie variable. M. Wattebled avait déposé un amendement renforçant le principe du « Silence vaut acceptation », qui a été déclaré irrecevable. Or ce principe souffre de tant de dérogations actuellement qu'il est vidé de toute substance.
Nous aurions pu renforcer les mesures de simplification de la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP) ; ce ne fut pas toujours le cas.
Certaines dispositions renforcent l'échange de données entre administrations et entre administrations et collectivités. Nos élus ont besoin de soutien. Le texte y répond en élargissant les missions du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et des chambres régionales des comptes ; ces dernières sont dotées d'une nouvelle mission d'assistance aux collectivités dans l'évaluation des politiques publiques.
Bien que modeste, ce texte apporte des évolutions utiles aux collectivités territoriales ; La majorité du groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains
M. Guy Benarroche . - Dire que la montagne a accouché d'une souris n'est pas approprié, sauf à parler d'une grosse souris (Sourires). De fait, ce texte, au départ pauvre et imprécis, a vu son nombre d'articles plus que doubler, malgré l'usage libéral de l'article 40 de la Constitution. Je déplore aussi un calendrier chargé, avec un examen qui a suivi les élections locales et la loi Climat.
Les promesses du grand soir post gilets jaunes ne sont cependant pas tenues. Le texte ne brille pas par sa cohérence...
Les Français attendent un échelon local plus souple et plus agile. Après une abstention record, nous aurions pu innover ! Encore eût-il fallu en avoir le temps. Le texte n'engage pas une nouvelle décentralisation. On décentralise en reconcentrant ou inversement.
Tout n'est que détail. In fine, ce texte n'est pas une oeuvre pointilliste à la Seurat, mais un patchwork indéchiffrable.
Nos propositions sur la démocratie locale - droit de pétition ou renforcement réel du pouvoir réglementaire du maire - ont toutes été rejetées ; c'est un coup de couteau à notre pacte républicain. Pourquoi avoir peur de la démocratie participative qui renforce la démocratie représentative ? Interdire un débat libre sur un sujet porté par une pétition est une faute.
Je suis éberlué par l'hypocrisie de la majorité sénatoriale sur le pouvoir réglementaire du maire : oui quand il s'agit d'éoliennes, non pour l'épandage d'engrais ou de produits phytosanitaires. Je regrette à ce titre les attaques et accusations d'agribashing sans aucun fondement dont le GEST est victime. (On s'offusque sur les travées du groupe Les Républicains.) On reste sur la théorie du « pas de ça chez nous ».
La simplification ne veut pas dire moins-disance, or c'est ce que vous faites avec les procédures d'urbanisme.
Je salue certaines dispositions comme l'expérimentation de la recentralisation du RSA, la plus grande démocratie sanitaire dans les ARS et j'approuve aussi la suppression de la mesure faisant du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) une chambre soumise à des nominations politiques.
Le titre sur la transition écologique, tout comme la loi Climat ne sont pas à la hauteur.
La reprise en main de l'Ademe par l'État me laisse perplexe.
Passée la surprise de voir figurer le volet logement initialement prévu dans la loi séparatisme, nous avons constaté que ni le Gouvernement, ni la majorité sénatoriale n'avaient à coeur de revenir sur l'assignation à résidence des plus précaires. C'est comme pour les éoliennes : pas de ça chez nous !
Je regrette que le texte préfère lutter contre les précaires plutôt que contre la précarité, avec le renforcement du contrôle des allocataires du RSA et le refus de pérenniser l'encadrement des loyers.
Nous ne sommes pas tombés d'accord pour la Métropole d'Aix-Marseille-Provence. Pour Marseille, qui doit maîtriser ses politiques de proximité, l'article 56 reste décevant.
Je regrette la timidité du Gouvernement et de la droite sénatoriale sur ce texte peu structuré. Bien que défenseur de la décentralisation et de la différenciation, mais aussi conscient des enjeux majeurs d'une Europe des régions, le GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après trois semaines de débats, nous avons achevé l'examen du projet de loi 3DS. Nous saluons l'engagement de Mme la ministre.
Ce texte marque un tournant dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Les 84 articles initiaux ont été maintenus et modifiés - souvent à la marge - par le Sénat, notamment ceux relatifs aux routes, à la loi SRU, ou encore à la recentralisation du RSA. Le Gouvernement avait pris en compte les demandes des élus.
Le Sénat a enrichi le texte qui compte désormais plus de 200 articles. Le Groupe RDPI y a contribué, notamment sur le pouvoir réglementaire local, les Ceser, la démocratie locale. En matière de transition écologique, je salue le transfert des routes nationales aux régions, et les sanctions applicables sur les voies navigables. En matière de logement, le Sénat a adopté nos amendements sur les catégories de dépenses déductibles du prélèvement SRU et sur les contrats de mixité sociale ouverts aux communes nouvelles.
Nous avons aussi longuement débattu sur la gouvernance des ARS, sur le rôle accru des usagers dans les conseils territoriaux de santé et sur les contrats locaux de santé. Vous avez adopté notre amendement facilitant l'implantation d'officines de pharmacies à Mayotte.
Notre groupe a fait oeuvre utile pour faire adopter plusieurs mesures en faveur de l'outre-mer après des échanges fructueux : mise à jour du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), conditions de prescriptions acquisitives, dérogations au code de l'urbanisme en Guyane pour la construction de logements, statut de Clipperton ...
M. Loïc Hervé. - Clipperton, c'est important !
M. Ludovic Haye. - ...composition du congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe...
Plusieurs normes simplifieront le fonctionnement des collectivités territoriales, comme le service public numérique, le « dites-le nous une fois », le recours aux financements participatifs, l'extension de la vision conférence pour les réunions des collectivités.
Le groupe RDPI votera ce texte, malgré ses réserves sur certaines dispositions votées par le Sénat à rebours des lois Engagement et proximité et Climat et résilience : assouplissement du transfert de compétence eau et assainissement, durcissement des conditions d'accès au RSA, obligation d'un avis conforme sur les éoliennes... Ces propositions ne font pas consensus et nous ne les partageons pas.
Espérons que l'esprit de compromis qui a guidé nos débats se poursuive à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous achevons quinze jours de débats engagés.
La discussion générale avait fait état d'un amer constat partagé : la déception des sénateurs quant à l'ambition du texte initial. Nous avons oeuvré pour l'enrichir au bénéfice de nos territoires.
Il est dommage que la loi SRU, abordée à l'article 17, n'ait pas fait l'objet d'un texte ad hoc.
Certaines mesures ont révélé des clivages profonds, comme la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires du RSA ; le RDSE doute que ce soit la bonne manière de lutter contre les abus de la solidarité.
Le Sénat a fait oeuvre utile, comme sur le droit à l'erreur des collectivités territoriales, qui hélas peine toujours à vous convaincre, Madame la ministre, ou sur l'expropriation des biens sans maître, pour la revitalisation des communes.
Nous ne pouvions pas compenser les défauts et les insuffisances de la différenciation. Quelle est sa portée réelle, sans moyens ? Elle fait courir le risque d'une inégalité croissante entre les territoires, d'une dérive vers des particularismes locaux aux dépens des territoires défavorisés.
Je salue l'adoption de l'amendement de Jean-Yves Roux sur la faculté de retour de la compétence tourisme aux communes touristiques.
L'article 7 sur l'expérimentation de la gestion des autoroutes et routes nationales non concédées par les régions interroge le RDSE. Contrairement aux départements, celles-ci n'ont pas la compétence de voirie. Quelle est la lisibilité de l'ensemble ? Je regrette que l'article n'ait pas été supprimé lors de la seconde délibération hier soir. Notre groupe ne souhaite pas que l'on privilégie à l'excès les régions et les intercommunalités.
M. Philippe Folliot. - Bien dit !
Mme Nathalie Delattre. - Nous ne comprenons pas l'intérêt de la réforme de l'Ademe.
Nous avons souvent, dans ce texte, abordé la question des communes de montagne mais certains aspects n'ont pu être discutés pour cause d'irrecevabilités parfois incompréhensibles. Je songe à l'amendement de ma collègue Pantel sur le droit de l'urbanisme dans les communes où s'appliquent à la fois la loi Littoral et la loi Montagne.
Nous n'avons pas suffisamment traité certains sujets qui engendrent des difficultés au quotidien pour les communes.
Le RDSE n'est pas unanime, mais il votera majoritairement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°161 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l'adoption | 242 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Nous achevons ces débats très riches, avec plus de mille amendements examinés en séance.
Je remercie la commission des lois, son président et ses rapporteurs qui ont accompli leur mission avec conviction, ainsi que les rapporteurs pour avis Gueret, Milon et Estrosi Sassone.
Je remercie aussi les présidents de séance, qui ont été les garants de la sérénité. Je salue un état d'esprit constructif : le Sénat a souvent convergé avec le Gouvernement pour ce texte de confiance, n'en déplaise à ceux qui cherchent à faire croire à une confrontation.
Il reste des divergences comme sur l'intercommunalité, mais je suis sûre qu'un équilibre sera trouvé au cours de la navette.
Nombre de mesures bienvenues ont été adoptées : l'extension du pouvoir réglementaire local, la pérennisation et la différenciation de la loi SRU, l'extension du transfert des routes nationales aux départements et l'expérimentation de la gestion des autoroutes par les régions volontaires...
Toutes ces mesures portent des avancées concrètes. Je remercie tous ceux qui ont voté pour ce projet de loi en faveur des territoires.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, INDEP et RDSE)
La séance est suspendue quelques instants.
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 (Nouvelle lecture)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020.
Discussion générale
M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Ce projet de loi a été rejeté en première lecture par le Sénat et logiquement, il n'a pas fait l'objet d'un accord en CMP.
L'exécution budgétaire de 2020 est exceptionnelle, car elle reflète la réponse massive et rapide à la crise : mesures de protection sanitaire et mesures économiques. La pandémie a causé une récession exceptionnelle.
Dès le premier confinement, nous avons mis les moyens pour tenir bon. En particulier, les modalités d'activité partielle étaient très généreuses : 35 milliards d'euros dont 26,3 en 2020 - 17,8 milliards directement décaissés du budget de l'État. Huit millions de salariés en ont bénéficié.
Le fonds de solidarité s'est élevé à 35 milliards d'euros. Les prêts garantis par l'État (PGE) ont connu un grand succès. Plus de la moitié des entreprises des secteurs les plus touchés en ont contracté un. Au total, ils se sont montés à 140 milliards d'euros.
L'État a renforcé sa participation au capital des entreprises stratégiques. Les quatre PLFR de 2020 ont montré notre prudence et notre prévoyance, afin de ne pas manquer de crédits. L'incertitude nous a forcés à budgéter des montants suffisants. Cela était justifié, et c'est ce qui explique les reports de crédits entre 2020 et 2021.
Nous avions dans le PLFR4 préféré faire l'hypothèse pessimiste d'un confinement de deux mois, il a duré un mois ; d'une chute d'activité de 20 %, elle n'a été que de 11 %. Le pouvoir d'achat des Français a augmenté de 0,4% en 2020 malgré la baisse de la production. La capacité de financement des collectivités territoriales a été préservée, les TPE et PME protégées.
L'économie a été soutenue par les projets de lois de finances rectificatives grâce aux marges de manoeuvre dégagées depuis 2017 par le Gouvernement. En 2019, le déficit était de 2,2% du PIB, le plus bas depuis bien longtemps.
Le financement du dispositif de crise nous met face à un défi de taille : le déficit du budget de l'État est porté à 178,2 milliards, soit deux fois plus que prévu en loi de finances initiale. Les recettes fiscales ont chuté de 37,1 milliards d'euros en 2020.
Pour l'avenir, nous voulons maximiser la croissance grâce au plan de relance, sortir progressivement des dispositifs d'urgence, faire preuve de sérieux dans les dépenses courantes et moderniser le cadre des finances publiques.
L'Assemblée nationale a adopté lundi soir deux lois organiques sur le budget de l'État et sur le financement de la sécurité sociale - nous y reviendrons en examinant celle de Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme le président. - Je demande à chacun de porter son masque sur le nez. Les soignants le supportent toute la journée, prenons exemple !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Très bien ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Le projet de loi de règlement a été rejeté par le Sénat. L'année 2020 a été exceptionnelle à bien des égards : récession de 7,8%, plus forte que dans la zone euro, plus forte qu'en Allemagne. Le déficit public atteint plus de 178 milliards d'euros. C'est inédit.
Plus de 40 milliards d'euros ont été dépensés sur la seule mission « Plan d'urgence » qui n'existait pas dans la loi de finances initiale. Les administrations publiques ont absorbé les coûts, préservant le pouvoir d'achat des ménages. En revanche, les entreprises ont subi un fort reste à charge, car les marges de manoeuvre manquaient. Le choix qu'a fait le Gouvernement de reporter systématiquement le redressement des comptes publics en période faste apparaît aujourd'hui regrettable. Nous sommes entrés fragilisés dans la crise.
Nous avons voté les quatre projets de loi de finances rectificative et adopté les mesures essentielles au soutien des entreprises et des ménages. Mais nous regrettions déjà l'absence d'assainissement des finances publiques. L'objectif de supprimer 50 000 emplois dans la fonction publique d'État apparaît désormais inatteignable - et il est abandonné.
Je conteste les reports massifs de 36 milliards d'euros de crédits entre 2020 et 2021, qui ne respectent pas toujours le principe de spécialité. Cela nuit au contrôle parlementaire et constitue une entorse à la sincérité de la loi de finances.
L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a adopté le texte en des termes identiques à sa version de première lecture.
En conséquence, la commission propose de ne pas adopter le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Vincent Delahaye . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors des questions au Gouvernement, Monsieur le ministre, et à nouveau à l'instant, vous avez mis en avant constance et persévérance. Je suis moi-même constant et persévérant dans ma pédagogie en faveur d'une bonne gestion des comptes publics.
En 2020, c'est un record historique : 178 milliards d'euros de déficit !
Aides d'urgence et mesures de soutien auraient pu être distribuées avec plus de rigueur pour éviter les effets d'aubaine. Je pense aux compensations de perte du chiffre d'affaires, non imposables alors que celui-ci l'est. Je regrette aussi que vous ayez intégré 16 milliards d'euros de dépenses récurrentes dans les 100 milliards d'euros du plan de relance.
Il y a eu quatre projets de loi de finances rectificative en 2020. La grande majorité du groupe UC les a approuvés. Par cohérence, le groupe aurait eu tendance à approuver la loi de règlement.
Quant à moi, je n'ai pas voté tous les PLFR, en raison du laisser-aller sur les dépenses. La plupart des missions - environ vingt sur trente - ont vu leurs crédits augmenter : on a profité de la crise sanitaire pour relâcher l'effort.
Le groupe UC s'abstiendra dans sa grande majorité : à titre personnel, je voterai contre : j'ai un doute sur la sincérité avec laquelle vous tenez les comptes de l'État.
Ce sont 36 milliards de dépenses reportées, avec lesquels le Gouvernement fera ce qu'il veut, sur les affectations desquelles le Parlement n'aura pas son mot à dire - contre 1,4 milliard habituellement.
Le ministre l'explique par la prudence et la prévoyance. Non ! Le projet de loi de finances pour 2021 a été voté. Dès le 1er janvier, vous pouviez utiliser les crédits 2021. Et, en cas de besoin, présenter à nouveau un projet de loi de finances rectificative. Je voterai contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est un fait notable ; pour la première fois depuis 2017, le Sénat a rejeté la loi de règlement, la gauche votant contre et la droite s'abstenant en grande partie.
Comme l'a déjà dit notre collègue Thierry Cozic, notre vote s'explique par notre opposition à votre politique mais surtout par le report de crédits.
Le Gouvernement aurait pu, grâce à ces crédits, mettre en place certaines mesures qui figuraient dans le contre-budget du groupe SER : hausse du RSA, plan pour l'hôpital, renforcement de l'aide alimentaire, aide à l'outre-mer, plan de soutien au monde associatif et à la culture... Nous avions proposé la dotation autonomie jeunesse, le financement de projets associatifs pour les jeunes, l'accélération de la mutation des transports polluants, un effort d'isolation sonore des bâtiments, un plan pour la ruralité, un fonds pour la transition écologique.
Tout cela coûtait 21,3 milliards d'euros - soit 16 milliards de moins que les crédits reportés.
Même l'Institut Montaigne réclamait le versement de 30 milliards d'euros aux plus modestes - soit peu ou prou les crédits reportés. Ces derniers rendent très crédible notre contre-budget.
L'approche du Gouvernement est insuffisante sur les questions environnementales et sociales. Nous ne partageons pas la prudence demandée par le Gouvernement alors que l'orage social se déchaîne.
Constance et persévérance, dites-vous ? C'est bien. Mais quand il y a une erreur de réglage et d'anticipation, cela conduit à rater ses paris.
Nous maintenons donc notre opposition au projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Sénat a rejeté en première lecture le projet de loi de règlement, tandis que l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture son texte de première lecture.
Sans tomber dans le déterminisme, le suspense est donc limité ! Ce texte prend acte des engagements collectifs consentis en 2020.
Le groupe Les Indépendants appelle à fixer un cap clair pour nos finances publiques. Certes, il faut relancer l'économie qui doit retrouver un rythme de croisière. Il faudra aussi renouer avec une réforme budgétaire. Le Gouvernement est bien peu ambitieux dans ce domaine.
La crise économique ne doit pas aliéner les missions régaliennes de l'État : éducation, hôpital, plan grand âge, défense, diplomatie, aide publique au développement.
La cohésion nationale nous pousse à repenser notre modèle social au prisme de la valeur travail et de la solidarité.
Notre groupe votera en majorité pour ce texte.
M. Paul Toussaint Parigi . - Le rejet d'une loi de règlement n'est jamais anodin. Le GEST y est incité pour plusieurs raisons.
On peut douter de la sincérité des choix budgétaires passés, et les choix présents sont contestables. Le Gouvernement n'a pas répondu correctement à la montée de la grande pauvreté, alors que les reports de crédits sont d'une ampleur sans précédent. Les va-et-vient financiers entre budgets de l'État et de la sécurité sociale empêchent toute vision claire.
Doit-on s'attendre pour le budget 2022 à une tonalité électorale, voire électoraliste ?
L'état des finances publiques nous inquiète. Il ne s'agit pas, comme certains ici, d'être nostalgique du passé, dans un monde qui n'a plus rien à voir avec les années 1970. Il ne s'agit pas d'affaiblir l'État en le privant de ses outils.
Mais nous nous fondons sur la réalité, tragique... Le changement climatique, ce n'est pas demain, c'est aujourd'hui, dans les canicules du Canada et d'Inde, dans les inondations en Allemagne ou à Liège, en Chine ou dans le nord-est de la France.
Nous savons ce qui nous attend : les rapports du GIEC le disent. Réduire les émissions ne coûterait pas aussi cher que cela : 1 à 2,5 % du PIB.
Au lieu de s'en remettre à l'expertise de cabinets privés, il est indispensable de disposer d'une véritable comptabilité écologique et de conditionner strictement les aides pour éviter le gaspillage et des dépenses inutiles.
Nous savons, et nous ne réagissons pas...
M. Georges Patient . - En 2020, nous avons su faire face ensemble, adoptant les projets de loi de finances rectificative proposés par le Gouvernement.
Le projet de loi de règlement vient mettre fin à cette période d'union sacrée. Chers collègues, vous avez adopté tous les collectifs de 2020 ; vous avez voté des crédits à la mesure de la crise. Et vous nous dites a posteriori que le compte n'y est pas. C'est un peu facile !
La situation des finances publiques est préoccupante et la crise a fait croître la dette publique. Pourtant, le Gouvernement avait réussi à réduire le déficit à 2,2 %, ce qui nous a gagné la confiance des marchés et nous a valu des financements à des conditions optimales.
Vous citez les crédits reportés. La gestion de la crise a nécessité une surbudgétisation qui témoigne non de l'insincérité mais de la prudence du Gouvernement.
Cette sous-consommation n'est pas une surprise, elle découle du dernier projet de loi de finances rectificative.
Nous devons réformer la LOLF et renforcer le contrôle parlementaire. Mais nous ne pouvons pas faire comme si l'année 2020 était une année ordinaire. Le Gouvernement a eu une gestion sincère. En cohérence avec ses votes de 2020, le RDPI votera une fois de plus ce projet de loi et appelle tous ceux qui ont voté les collectifs à faire de même. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les oppositions de gauche ont rejeté cette loi de règlement.
La nouvelle lecture est une occasion de débattre des questions budgétaires.
Alors que nous pensions tourner la page du covid, la recrudescence des cas nous oblige à accélérer la vaccination. Cette législature devra assumer un surplus d'endettement public dont l'impact devrait être nuancé par des taux d'intérêt historiquement bas et peut-être par un léger regain d'inflation.
Le budget 2020 témoigne des politiques précédentes et de la rupture due à la crise. Il faut reconnaître de véritables efforts de sincérisation, avec des prévisions raisonnables. En 2020, le déficit structurel s'est plus rapproché que jamais de l'objectif de 0,5 %.
Il faudrait s'intéresser à la qualité de la dépense publique, beaucoup de progrès peuvent être envisagés dans ce domaine. À la rentrée, nous aurons l'occasion d'y revenir en examinant notamment la proposition de loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques.
La majorité du RDSE votera le texte, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Pascal Savoldelli . - Le groupe CRCE votera contre.
C'est un exercice impropre auquel on se livre. Sous un faux prétexte de maîtrise des dépenses publiques, la fongibilité asymétrique - un vrai barbarisme ! - a fait fondre le service public, qui a perdu 180 000 agents entre 2006 et 2018. Et 220 000 autres ont été versés des ministères vers les établissements publics. C'est la privatisation de la gouvernance publique.
Or, après ces suppressions, il a fallu recruter en urgence, en particulier 3 048 enseignants. Ce yoyo a une histoire : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Sous couvert de maîtrise des dépenses publiques, on recourt à des cabinets privés qu'on paie deux fois : la première fois pour identifier des économies à dégager, la seconde pour trouver un remède aux carences provoquées. Cinq cents contrats passés avec de tels cabinets en trois ans ! Le pilotage de la crise sanitaire ne fait pas exception avec vingt-six contrats en dix mois ! Qui prend les décisions ?
Vous voulez adapter les outils de gestion de crise. Mais la crise exige des solutions, non des adaptations ! C'est le cas dans le domaine de la santé. Les ARS, nous en avons souvent débattu, imposent l'austérité au secteur hospitalier.
En 2018, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes consacrait 30 000 euros à du coaching... En 2020, elle mandatait des cabinets privés pour un audit. Et la liste est longue !
La privatisation de ces missions affaiblit le service public. Le cercle est vicieux et coûteux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur général et M. Vincent Delahaye applaudissent également.) Ce n'est pas notre court échange avec les députés qui aura modifié les positions que nous avons exprimées la semaine dernière.
Le Sénat a fait preuve de responsabilité en votant les quatre projets de loi de finances rectificative de 2020, compte tenu de la situation extraordinaire de crise sanitaire, économique et sociale. Non sans les avoir marqués de son empreinte, s'agissant notamment des collectivités territoriales.
À cet égard, je rappelle que les politiques sociales représentent désormais 56 % des dépenses de fonctionnement des départements : quelle marge de manoeuvre leur reste-t-il ? Quant aux régions, elles ont vu leur capacité de désendettement se dégrader.
Au-delà de la conjoncture, le Gouvernement a renoncé à redresser notablement les comptes publics. Les orientations pour 2022 ne nous rassurent guère : plus de 10 milliards d'euros de dépenses nouvelles sont prévus, et des dépenses censées être exceptionnelles sont désormais prises en compte dans le déficit structurel.
La prudence du Gouvernement s'est muée en mépris du Parlement, avec 36 milliards d'euros de reports de crédits. Un décret d'avance pris au niveau maximum a été suivi quelques semaines plus tard d'un projet de loi de finances rectificative...
Le groupe Les Républicain s'abstiendra donc sur le projet de loi de règlement, comme il l'a fait ces trois dernières années - entraînant très certainement le rejet du texte.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur général et M. Vincent Delahaye applaudissent également.)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE LIMINAIRE
L'article liminaire n'est pas adopté.
ARTICLE PREMIER
L'article premier n'est pas adopté.
ARTICLE 2
L'article 2 n'est pas adopté.
ARTICLE 3
L'article 3 n'est pas adopté.
ARTICLE 4
L'article 4 n'est pas adopté.
ARTICLE 5
L'article 5 n'est pas adopté.
ARTICLE 6
L'article 6 n'est pas adopté.
ARTICLE 7
L'article 7 n'est pas adopté.
ARTICLE 8
Mme le président. - En cas de rejet de cet article, l'ensemble du texte sera rejeté.
L'article 8 est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n° 162 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 144 |
Pour l'adoption | 49 |
Contre | 94 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme le président. - Les articles ayant été successivement supprimés, un vote sur l'ensemble n'est plus nécessaire.
En conséquence, le projet de loi de règlement n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 18 h 40.
présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
La séance reprend à 21 heures.
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.
Discussion générale
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté . - Le Gouvernement maintient sa ligne depuis 2017, en responsabilité : garantir l'équilibre entre efficacité de l'action antiterroriste et préservation des libertés individuelles.
Ce texte est essentiel pour renforcer l'arsenal législatif, en particulier pour les personnes condamnées pour terrorisme qui sortent de prison.
Nous visons toujours plus d'efficacité opérationnelle, de pragmatisme, entre respect de l'équilibre initial et recherche du plus large consensus.
Je remercie la commission des lois du Sénat, la délégation parlementaire au renseignement et la mission d'information sur le renseignement. J'espère que le travail commun se poursuivra, pour agir ensemble avec responsabilité.
Je salue aussi le travail excellent de nos forces de l'ordre et des services de renseignement qui identifient, suivent et mettent en échec les projets meurtriers des terroristes.
Alors qu'il y avait un consensus sur la plupart des dispositions de ce texte, nous assumons que la CMP ait achoppé sur le cas des sortants de prison. Quelque 188 condamnés terroristes islamistes sortiront de détention d'ici 2025. Ces individus, le « haut du spectre », présentent des enjeux sécuritaires multiples à court, moyen et long terme, avec un risque de prosélytisme, de récidive ou de redéploiement à l'étranger.
Le placement sous mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas) est particulièrement utile et adapté pour les surveiller à leur sortie de prison et d'observer leurs efforts de réinsertion. L'expérience le montre. Une surveillance physique et technique à plein temps serait difficile et coûteuse.
Mais la durée de douze mois est insuffisante. Dix-neuf Micas sont arrivées à échéance depuis 2017, alors que ces individus demeurent dangereux. L'allongement des Micas serait très encadré pour sécuriser la mesure sur le plan constitutionnel. La Micas ne pourra être prolongée jusqu'à vingt-quatre mois qu'à l'encontre d'individus condamnés à au moins cinq ans de détention, trois en cas de récidive. Au-delà de douze mois, le renouvellement de la mesure sera soumis à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires.
Le Conseil constitutionnel s'était prononcé sur des Micas beaucoup plus larges que celles que vise le texte du Gouvernement - y compris celles de personnes non passées à l'acte. Si les Micas ne peuvent se prolonger indéfiniment, elles sont acceptées par le Conseil constitutionnel à condition d'être bornées et de concerner des individus dangereux. Il y aurait donc une différence objective de situation.
La mobilisation du Gouvernement contre le terrorisme ne serait pas possible sans le soutien du Parlement, qui a permis de renforcer les moyens humains, juridiques et budgétaires de nos services. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois . - (M. Philippe Mouiller applaudit.) Chacun souhaite la prévention la plus efficace des actes de terrorisme.
Nous nous associons à l'hommage de la ministre à nos forces de l'ordre et à nos services de renseignement.
La CMP a échoué le 9 juillet 2021, alors que dix-neuf articles restaient en discussion. L'Assemblée nationale en a adopté six sans modification et a confirmé une suppression. Elle a modifié substantiellement les douze articles restant, notamment les articles 2, 3 et 5.
L'intransigeance du Gouvernement a rendu l'échec en CMP inévitable, alors que nous étions très proches d'un accord. Notre désaccord portait sur les modalités de suivi des personnes condamnées pour terrorisme.
Nous partagions le constat - l'insuffisance des dispositifs existants pour surveiller les 200 détenus qui sortiront bientôt, dont un quart sont très dangereux, susceptibles de récidive.
Nous divergeons sur les solutions. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale veulent des Micas de deux ans, afin d'assurer la surveillance de ces individus, tout en instaurant une mesure judiciaire qui se concentrerait sur leur réinsertion. Nous proposons une mesure judiciaire de réadaptation sociale mais aussi de surveillance de l'individu, en remettant sur le métier la loi votée en juillet dernier. Nous étions prêts à évoluer sur les deux ans, à condition de conserver une mesure de sûreté. Les mesures de suivi judiciaire, prononcées par un juge, permettent une surveillance plus longue et plus contraignante ; elles présentent de meilleures garanties pour l'individu car elles sont issues d'une procédure contradictoire ; elles comportent également un volet réinsertion.
L'Assemblée nationale n'a pas donné suite à nos propositions de compromis sur l'article 5. Nous proposons donc de supprimer l'allongement des Micas prévu à l'article 3, et à l'article 5 d'articuler correctement mesures judiciaires et administratives : les premières n'entrent en vigueur que lorsque les secondes sont levées.
Nous rétablissons aussi la version du Sénat sur l'article 2, afin de caractériser les locaux annexes au lieu de culte pouvant être utilisés pour faire échec à l'exécution d'une mesure de fermeture du lieu de culte. Dans un souci de conciliation avec l'Assemblée nationale, nous proposons de supprimer la mention d'accueil habituel de réunions publiques. Comme les mesures de police administrative ne peuvent concerner des lieux privés, cette mention semble satisfaite.
Voilà pour le volet terrorisme du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) S'agissant du volet renseignement, le Sénat a eu comme priorité de doter les services de renseignement de moyens adaptés pour faire face aux évolutions technologiques, tout en veillant au respect des libertés constitutionnelles, notamment à la préservation de la vie privée.
En première lecture, le Sénat était parvenu à un bon équilibre entre liberté et sécurité.
Malgré un accord sur la partie renseignement avec mon homologue rapporteur Loïc Kervran, la CMP a échoué et les députés ont rétabli l'accès des services du second cercle pour l'expérimentation relative à l'interception des données satellitaires. Ce n'est pas un point de blocage, car l'Assemblée nationale a précisé que les services concernés sont ceux dont les missions le justifient et qui seront déterminés par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Les conditions de participation des services du second cercle sont donc suffisamment précises.
Par contre, les députés ont supprimé à l'article 13 le caractère expérimental du traitement de l'algorithme des URL, prévu par le Sénat jusqu'au 31 juillet 2025. Or nous voulons une expérimentation préalable avant l'extension, car elles sont des données mixtes, à la fois de connexion et de contenu des communications. La DPR avait souligné cette nécessité d'expérimenter.
Le régime français a été remis en cause par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Nous avons précisé que les données d'identité, de contacts et de paiements et les adresses IP conservées par les opérateurs restent accessibles aux autorités judiciaires lors d'une procédure de réquisition. Nous vous proposerons de rétablir ce point, qui respecte la jurisprudence européenne et facilite le travail des enquêteurs.
Alors que le Sénat avait adopté deux amendements rédactionnels à l'article 7, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de fond apportant des garanties supplémentaires à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel du 9 juillet dernier : la transmission des données les plus sensibles par les autorités administrations aux services de renseignement serait davantage encadrée, et les exigences de traçabilité renforcées. Je vous propose de ne pas modifier ces dispositions.
Nous avons eu des débats très approfondis sur les archives, mais puisque l'article 19 a été adopté conforme, nous ne sommes pas appelés à en rediscuter en nouvelle lecture. Le dialogue se poursuivra avec la profession et les services concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDPI et RDSE)
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'actualité du renseignement nous montre que des acteurs privés peuvent développer des outils puissants et les utiliser. Cela ira de plus en plus en ce sens.
Face à cela, il est paradoxal de ne pas habiliter les opérateurs publics qui ont vocation à nous protéger. La maîtrise technique des renseignements est essentielle. L'affaire Pegasus nous le rappelle. Il faut encadrer les services de renseignement, cela relève d'un principe démocratique.
La loi de 2015 est, à cet égard, une rupture, avec la création de la CNCTR et l'encadrement de l'utilisation des nouvelles technologies. Mais leur évolution exige d'améliorer la loi. Nous soutenons la proposition de la rapporteure de réaliser une expérimentation, compte tenu de la nature intrusive des URL.
Ce texte ne tient pas compte de l'arrêt de la CEDH du 25 mai dernier, ce que je regrette. Nos partenaires, qui le respectent, ne pourront plus travailler avec nous. Ce qu'il n'est pas possible de faire dans un pays peut être fait ailleurs... Il faut encadrer les échanges. Les menaces au Levant, en Afghanistan et en Libye nous imposent de protéger les Français. La prévention relève du pouvoir administratif, mais dès que cela est possible, il faut un contrôle du juge judiciaire. Les moyens donnés aux services de renseignements, à la justice et aux forces de l'ordre seront toujours plus indispensables que la loi.
Les Micas, très intrusives, sont peut-être nécessaires. Nous ne sommes pas opposés à leur maintien, dès lors qu'il existe un contrôle régulier du Parlement. La CMP ne l'a pas retenu.
Nous nous opposons à certaines convergences entre Sénat et Assemblée nationale et saisirons le Conseil constitutionnel.
L'article 15 sur la conservation des données de connexion pose aussi problème. Les parquets craignent de ne pas pouvoir continuer leurs enquêtes avec la même fiabilité. La question, dans son aspect européen, est peut-être traitée avec désinvolture.
L'article 19 sur les archives est scandaleux. Comme il a été adopté conforme, nous ne pouvons pas l'amender. Construire l'histoire de notre pays se fait sur la réalité et non sur les mythes. Il faut pouvoir déclassifier des documents pour nos chercheurs.
Malgré notre accord sur certains points, nous nous abstiendrons en raison de cet article 19. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La CMP a échoué. Je le regrette d'autant plus que c'était de peu. Un compromis avait été trouvé sur le renseignement. La CMP n'a pas divergé sur le principe d'un suivi des sortants de prison, condamnés pour terrorisme, mais sur ses modalités.
Rappelons que 469 personnes sont détenues pour terrorisme islamique dans les prisons françaises, 253 sont condamnées et 162 seront libérées dans les quatre prochaines années tout en représentant un risque élevé de récidive.
Il faut agir pour protéger les Français de ce risque endogène. Il y va du droit à la sûreté. À chaque attaque, la République entière est atteinte. Le terrorisme constitue un défi majeur de notre temps.
La menace, variée, se nourrit des progrès technologiques. Nous avons le devoir d'y faire face en donnant les moyens adéquats aux services de renseignement : moyens technologiques, juridiques et opérationnels.
Si la menace existe, elle doit être prise en compte. Tout vide juridique doit être comblé.
Je félicite la commission des lois qui a préféré le renforcement du suivi judiciaire aux Micas.
Le groupe INDEP votera ce texte tel qu'amendé par notre commission des lois. Il fixe le cadre législatif dont nous avons besoin pour garantir notre sécurité.
« La défense est la première raison d'être de l'État. Il ne peut y manquer sans se détruire lui-même », a dit le général de Gaulle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)
M. Guy Benarroche . - La menace terroriste existe ; nul ne peut s'en désintéresser, ni refuser de donner des moyens suffisants à cette lutte. Mais à quel prix ? Celui de l'affaiblissement des droits garantis par la Constitution, comme la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et familiale ? Au prix de la surveillance généralisée par des IMSI-catcher ou du dessaisissement du juge, au profit de procédures administratives semblables à celles d'un état d'urgence ?
De quels moyens parlons-nous, quand la justice manque à ce point de ressources matérielles et humaines ? Cette lacune est au coeur de nos difficultés.
Votre réponse sécuritaire signe l'échec de la politique de prévention des actes de terrorisme en France. Cette loi est disproportionnée au regard des besoins des services de renseignement et au risque terroriste. Elle renforce l'arsenal pénal et tombe dans le piège des précédentes lois sur le sujet, en portant atteinte aux libertés individuelles.
L'article 19 contrevient à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Que cache-t-il ?
Nulle réponse n'est apportée au problème de la radicalisation en prison.
Nous tirons la sonnette d'alarme face à l'état d'urgence permanent et à la multiplication des textes d'exception - huit depuis 2015.
Ce texte relève-t-il d'une manoeuvre politique avant l'élection présidentielle ? Quoi qu'il en soit, comme en première lecture, le GEST votera contre. (Quelques applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Alain Richard . - Ce texte répond globalement au défi de la menace terroriste en renforçant les moyens de lutte, notamment les Micas. Il apporte aussi une sécurisation juridique de la technologie des algorithmes, du brouillage anti-drones agressifs et une amélioration de la transmission des données entre services. Il répond à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne sur la conservation des données, même s'il demeure un doute sur son efficacité dans la lutte contre la criminalité. Le travail législatif mené est parfaitement correct.
Un désaccord subsiste sur la méthode de surveillance des anciens condamnés pour terrorisme. Deux thèses juridiques s'opposent - je m'exprime avec prudence, car nous avons tous connu des mésaventures du contrôle constitutionnel. La mesure administrative me semble adaptée, compte tenu de la spécificité de ce groupe d'individus et de l'expérience des services compétents ; nous la défendons aux côtés du Gouvernement.
Le texte fournit des outils efficaces pour protéger les Français. Je rends hommage aux professionnels qui luttent contre le terrorisme.
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC) Je regrette que sur un tel texte, nous n'ayons pas trouvé d'accord.
Sa nécessité légale ne faisait aucun doute, de nombreuses mesures de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) arrivant à échéance en 2021.
Le désaccord a porté sur le suivi des détenus dangereux, une fois libérés. L'Assemblée nationale propose que le tribunal d'application des peines ordonne des mesures de prévention de la récidive et de réinsertion, et laisse aux Micas le contrôle administratif et la surveillance. Le Sénat préfère une mesure administrative dont le contenu serait mixte : réinsertion et surveillance des individus les plus dangereux. Cela nous semblait cohérent et efficace.
La commission des lois a montré son souci de compromis en adoptant une nouvelle version de l'amendement en cause, apportant des garanties suffisantes et écartant le risque de censure constitutionnelle.
L'article 19, qui fixe le régime juridique de la communicabilité des archives secret-défense, nous inquiète. Hélas, nos amendements n'ont pas été adoptés en première lecture. Nous craignons une minimisation des enjeux.
Pour autant, le groupe RDSE votera majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Catherine Di Folco applaudit également.)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Les dispositions de ce texte nous sont désormais familières et nous laissent un goût amer.
Ce texte s'inscrit dans la ligne des lois sécuritaires dérogeant au droit commun. Vous pérennisez des dispositifs de la loi SILT équivalant à l'assignation à résidence ou à la perquisition, qui ont des conséquences lourdes sur des personnes jugées pour des motifs flous.
Les Micas ont conduit à l'échec de la CMP, pourtant l'Assemblée nationale et le Sénat en acceptent la philosophie globale.
Vous opérez un tournant radical en matière de police administrative, inspirés par un principe de précaution incompatible avec nos principes démocratiques fondés sur un droit pénal d'interprétation stricte.
La loi Renseignement de 2015 avait été déférée devant le Conseil constitutionnel par François Hollande lui-même. Le texte consacre l'extension du champ de l'action et des techniques de renseignement. Le Gouvernement se dote d'un arsenal de surveillance de masse que nos concitoyens récusent, soucieux de préserver leur vie privée.
Le Monde a fait état d'un rapport confidentiel transmis à la délégation parlementaire au renseignement : les algorithmes n'ont abouti à aucun objectif opérationnel en matière de renseignement, alors que vous expliquez en parallèle que toutes les mesures prises sont efficaces et nécessaires.
Mieux vaut accroître les ressources humaines de ces services. Le recours déraisonnable aux techniques de surveillance massive n'ont jamais fait la preuve de leur efficacité.
Pour ces raisons et du fait de l'article 19 qui tourne le dos à la communauté des historiens et archivistes, nous nous opposerons avec détermination à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Yves Leconte applaudissent également.)
M. Philippe Bonnecarrère . - La France fait face depuis 2015 à de nombreuses attaques terroristes, parfois endogènes. Les services de renseignement s'inquiètent de l'émergence de radicalités multiformes : politiques, religieuses, survivalistes, conspirationnistes.
Les lois de 2015 et de 2017 ont renforcé les moyens de lutte contre le terrorisme. Ce texte pérennise plusieurs dispositions introduites à titre expérimental par la loi SILT : mesures de surveillance, fermeture des lieux de culte, renforcement des pouvoirs de police administrative notamment. Il crée en outre une mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste.
La mise en oeuvre de ces mesures a été évaluée par une mission de la commission des lois : elles s'avèrent très utiles pour l'autorité administrative, et complémentaires avec l'intervention de l'autorité judiciaire.
Je salue le travail de nos rapporteurs et regrette l'échec de la CMP, car l'objectif était atteignable.
À l'article 3, le Sénat a créé une mesure de sûreté à l'issue de la détention qui comporterait des obligations tant d'accompagnement à la réinsertion que de surveillance.
Le Sénat a voté, à l'article 5, au lieu de la prolongation des Micas, une mesure de sûreté comportant des obligations tant d'accompagnement à la réinsertion que de surveillance. L'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas souhaité aller au-delà des obligations de réinsertion adoptées en première lecture. L'Assemblée nationale a pris la responsabilité de l'absence d'accord entre nos deux chambres. Elle a rétabli sa version des articles 3 et 5, ne conservant que des apports modestes du Sénat, comme la suppression de l'article 4 bis.
Trois points de divergence demeurent : l'allongement à vingt-quatre mois des Micas, l'article 5 sur les mesures de sûreté et l'article 13 sur les URL traitées par algorithme. Deux d'entre eux ont fait l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel qui invite le législateur à la prudence.
Sur le troisième point, la Cour de justice de l'Union européenne et le Conseil d'État nous ont alertés. Il faut éviter tout conflit entre le droit interne et le droit européen.
La rédaction du Sénat présente de nombreux avantages : elle assure l'efficacité opérationnelle et garantit la conformité tant constitutionnelle que conventionnelle du dispositif.
Le groupe UC votera en faveur de ce texte, dans sa version issue des travaux de notre commission des lois. (Applaudissements sur le banc des commissions et sur les travées du groupe UC)
Mme Catherine Di Folco . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'heure où l'on mesure la dangerosité de l'affaire Pegasus pour la sécurité nationale, nous abordons l'ultime lecture de ce texte après l'échec de la CMP, le 9 juillet. Échec d'autant plus regrettable que l'on pouvait espérer un accord, au vu des échanges constructifs entre les rapporteurs. Comment l'expliquer, malgré un constat partagé ?
Je remercie la commission des lois de poursuivre la discussion, plutôt que de déposer une motion. En effet, des accords ont été trouvés en CMP, notamment sur le volet renseignement. Je pense en particulier à l'échange de données entre services.
Le Gouvernement, hélas, s'est montré intransigeant. Les principaux points de désaccord sont l'article 2 - la définition des lieux annexes aux lieux de culte proposée par les députés nous semble trop floue pour lutter contre le risque de déport de certains prédicateurs - et, surtout, les articles 3 et 5 du texte. Déjà en première lecture, la ministre avait déposé des amendements rétablissant la rédaction de l'Assemblée nationale.
Nous sommes défavorables à l'allongement de la durée des Micas. Le Conseil constitutionnel en avait fixé la durée maximale à douze mois. J'ai du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement et l'Assemblée nationale s'entêtent à passer à vingt-quatre mois.
Nous soutenons nos rapporteurs qui ont réintroduit, à l'article 5, la proposition de loi du président Buffet adopté par le Sénat en mai dernier, créant une mesure judiciaire de suivi et de surveillance, association des mesures sociales de réinsertion. Cette option nous semble plus efficace et respectueuse des libertés.
Nos rapporteurs ont veillé à l'équilibre entre les mesures de sécurité et le respect des libertés constitutionnelles.
Il faut renforcer notre arsenal législatif pour assurer une meilleure protection des Français qui aspirent à vivre en sécurité, dans un État de droit. À cet égard, les propositions du Sénat nous semblent plus efficaces et nous sommes satisfaits que le Sénat imprime sa marque, celle de l'efficacité et de l'humanité.
Le groupe Les Républicains votera le texte des rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
M. le président. - Je suspends la séance pour que la commission des lois examine les amendements.
La séance, suspendue à 21 h 55, reprend à 22 h 10.
Discussion des articles
L'article premier bis est adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Le régime des Micas, particulièrement attentatoires aux libertés publiques, avait été mis en place à titre expérimental étant donné leur caractère exorbitant du droit commun.
Une personne faisant l'objet d'une Micas peut se voir obligée de pointer, être assignée à résidence et être interdite de paraître dans certains lieux. Jusque-là, la durée des Micas était limitée à douze mois.
Le Gouvernement a souhaité rétablir la rédaction de l'Assemblée nationale qui les prolonge jusqu'à vingt-quatre mois. Il ne fait pas de différence entre suspect et condamné. Le Conseil constitutionnel estime pourtant que quelle que soit la gravité de la menace qui la justifie, une telle mesure de police administrative ne peut se prolonger aussi longtemps que dure cette menace.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Cet article 3 a été réécrit par la commission pour limiter la durée des Micas à un an. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le Gouvernement est opposé à la suppression de l'article 3, qui apporte des ajustements utiles. Il crée une interdiction temporaire de paraître et une obligation de respecter un périmètre de déplacement.
L'interdiction de paraître en certains lieux ne peut être imposée pour l'instant, or un évènement à risque peut être organisé dans le périmètre de la personne - par exemple, un procès d'auteurs d'actes de terrorisme au tribunal judiciaire de Paris. L'article 3 corrige l'anomalie que constitue la possibilité de ne pas respecter le périmètre dans certains cas.
L'allongement du délai des Micas est nécessaire.
Enfin, cet article répond à la nécessité de pérenniser de nombreuses mesures de la loi SILT arrivant à échéance. Avis défavorable.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
ARTICLE 5
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Supprimer cet article.
M. Guy Benarroche. - Cet article a cristallisé les oppositions. Il reprend les dispositions de la proposition de loi dite Mesures de sûreté, censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020.
Le Conseil d'État s'était déjà interrogé sur l'utilité d'une telle mesure de sûreté. De nombreuses mesures du code pénal favorisent déjà le suivi post-détention.
Cette disposition, par ailleurs d'application rétroactive, porte une atteinte excessive aux libertés individuelles.
En outre, cet article ne répond en rien au problème de la radicalisation en prison des détenus de droit commun.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Le suivi judiciaire est le point nodal de la position de la commission : avis défavorable à sa suppression. Nous nous sommes inscrits dans la voie tracée par le Conseil constitutionnel.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Michelle Gréaume. - L'article 6 autorise la communication aux préfets et à certains services de renseignements des données à caractère personnel issues du fichier relatif au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, lorsqu'un patient représente une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics à raison de sa radicalisation à caractère terroriste.
Le décret du 6 mai 2019 autorise déjà l'interconnexion de ce fichier avec le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. C'est une nouvelle fuite en avant dans l'amalgame entre folie et terrorisme. La logique sécuritaire prime sur la logique sanitaire. La lutte antiterroriste est le prétexte au fichage et au traçage des personnes atteintes de troubles mentaux, comme le dénonce le Syndicat de la magistrature.
Ce texte entérine l'idée que même les fous doivent être jugés - et si possible sévèrement !
Le débat n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi sur l'irresponsabilité pénale.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Il n'y a pas d'amalgame entre trouble psychiatrique et terrorisme. Nous améliorons les dispositifs existants. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Supprimer cet article.
M. Guy Benarroche. - Cet article acte la fin du principe selon lequel les renseignements ne peuvent être utilisés pour des finalités autres que celles motivant la procédure de surveillance.
En autorisant la transmission de renseignements entre service, cet article est attentatoire aux libertés publiques. Il contrevient au droit au respect de la vie privée.
De même, l'absence de contrôle préalable aux mesures de surveillance est problématique. Quid de la traçabilité et de la durée de conservation de ces informations une fois transmises ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable car l'article 7 a trouvé un équilibre satisfaisant sur la transmission d'information, avec un contrôle suffisant.
Il a été renforcé par l'Assemblée nationale pour le rendre conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 9 à 11
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces transmissions sont subordonnées à une autorisation du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dans les conditions prévues aux articles L. 821-1 à L. 821-4.
M. Jean-Yves Leconte. - Il est logique que les informations circulent entre services de renseignement. Toutefois, la CNCTR donne son accord à l'utilisation d'une technique de renseignement dans une finalité précise : l'information ainsi recueillie ne peut circuler sans le même niveau de contrôle, sans quoi l'équilibre est rompu.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Alinéa 9
1° Remplacer la référence :
L. 821-4
par la référence :
L. 821-3
2° Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
M. Guy Benarroche. - Il est regrettable que l'avis de la CNCTR ne soit pas contraignant. Il est primordial de renforcer son contrôle pour le rendre effectif. Compte tenu du caractère attentatoire aux libertés et à la vie privée des pouvoirs donnés aux services, des garanties doivent être apportées.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 9
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
Mme Éliane Assassi. - La CNIL recommande que - sauf cas d'urgence absolue - le Premier ministre ne puisse autoriser la mise en oeuvre d'une technique de renseignement après un avis défavorable de la CNCTR.
Le Conseil d'État avait préconisé un contrôle préalable par une autorité indépendante dotée d'un pouvoir d'avis conforme ou une juridiction, et la Cour européenne des droits de l'homme exige que les activités d'interception de masse soient soumises à une autorisation spécifique d'une autorité indépendante.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement 6 est contraire à la position de la commission des lois. L'article 7 est équilibré : avis défavorable.
Avis défavorable également à l'amendement n°3, satisfait, dans l'esprit, par l'article 16. Si le Premier ministre délivre une autorisation contre l'avis de de la CNCTR, le Conseil d'État est immédiatement saisi.
Même avis à l'amendement n°19, pour les mêmes raisons.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Il faut préserver l'équilibre du texte qui concilie droit à la vie privée et efficacité opérationnelle : avis défavorable à l'amendement n°6.
Seront soumises à autorisation préalable du Premier ministre délivré après l'avis de la CNCTR, les transmissions de renseignements bruts motivées par une finalité différente de celles ayant justifié la mesure de surveillance ; sont aussi concernés les cas où le service destinataire n'aurait pas pu mettre en oeuvre lui- même la mesure de surveillance.
L'article 7 ne concerne que la transmission d'informations entre services et entre l'administration et les services, pas le principe même de la technique de renseignement : avis défavorable à l'amendement n°19.
Défavorable enfin à l'amendement n°3 : les échanges d'informations entre services échappent au droit européen.
L'amendement n°6 n'est pas adopté non plus que les amendements nos3 et 19.
M. le président. - Amendement n° 7, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 32
Compléter cet alinéa par les mots :
et au plus tard dans un délai de six mois
M. Jean-Yves Leconte. - Les services de renseignement ne sont pas des services d'archives. Ils peuvent avoir besoin d'informations transmises par d'autres administrations, mais ils doivent les utiliser dans un délai court - sans quoi ils ne sont plus dans leur rôle. Nous proposons de fixer la durée maximale de conservation à six mois.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'article 7 prévoit que les informations transmises le sont sur l'initiative des autorités administratives. Au demeurant, il peut être utile de conserver certaines informations au-delà de six mois, pour la mission de renseignement. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Après l'article L. 811-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 811-... ainsi rédigé :
« Art. L. 811-.... - Dans le respect du droit et des conventions internationales auxquelles la France est partie, le Premier ministre fixe des orientations relatives aux échanges entre les services spécialisés de renseignement et des services étrangers ou des organismes internationaux. »
M. Yannick Vaugrenard. - Le contrôle a posteriori des échanges de renseignements entre services de différents pays est une question cruciale. Or le Président de la République, lançant le Collège du renseignement en Europe, s'est lui-même étonné que les coopérations entre services soient parfois méconnues des décideurs politiques. Nous proposons que des orientations relatives à ces échanges soient fixées par le Premier ministre.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article L. 833-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 4°, les mots : « à l'exclusion » sont remplacés par les mots : « y compris » et les mots : « ou qui pourraient donner connaissance à la commission, directement ou indirectement, de l'identité des sources des services spécialisés de renseignement » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des orientations fixées par le Premier ministre » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Elle remet un rapport annuel à la délégation parlementaire au renseignement relatif aux échanges avec les services étrangers. »
M. Yannick Vaugrenard. - La CNCTR serait chargée de contrôler le respect des orientations prévues par l'amendement précédent. Elle remettrait un rapport annuel à la délégation parlementaire au renseignement.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Concernant les échanges avec les services étrangers, le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2022 afin de travailler à la définition d'un cadre légal sur ces échanges et de se conformer aux exigences européennes.
M. Yannick Vaugrenard. - J'espère qu'au moins cet amendement de repli sera adopté. Seul pays européen dépourvu d'une autorité de contrôle a posteriori, la France risque d'être condamnée par la justice européenne. Travaillons à la définition d'un cadre légal pour les échanges avec les services étrangers. Il n'est pas urgent d'attendre !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il faut une réflexion approfondie sur cet enjeu essentiel, sous le contrôle de la délégation parlementaire au renseignement. Celle-ci va s'emparer de la question en vue d'alimenter un travail législatif ultérieur. Retrait ou avis défavorable aux trois amendements.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable. Je rappelle que l'article 7 concerne les transferts entre seules administrations françaises...
M. Jean-Yves Leconte. - C'est bien le problème !
M. Alain Richard. - La présentation qu'a faite M. Vaugrenard de la méconnaissance qu'auraient les responsables politiques de ces échanges est réductrice. Il me semble que ces échanges, le plus souvent bilatéraux, sont bien à la connaissance des autorités politiques. (Mme la ministre déléguée opine.)
L'amendement n°9 n'est pas adopté non plus que les amendements nos10 et 8.
L'article 7 est adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Nous nous opposons à l'expérimentation de l'interception des communications empruntant la voie satellitaire. Ce dispositif ne présente pas les garanties nécessaires sur le non-recueil de données sensibles et personnelles.
Nous ne sommes pas opposés à une expérimentation de cette technique, mais strictement limitée à la prévention d'actes terroristes. Prenons le temps d'affiner le dispositif pour éviter tout risque de surveillance de masse - d'autant que, comme toutes les autres en la matière, l'expérimentation sera pérennisée.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
et les services mentionnés à l'article L. 811-4 désignés, au regard de leurs missions, par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement,
M. Jean-Yves Leconte. - Compte tenu de l'état des techniques d'interception des correspondances par voie satellitaire, il est prudent de les réserver, au début, aux services du premier cercle, qui savent les utiliser de façon robuste et sans risque.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La limitation au deuxième cercle est un équilibre satisfaisant. Retrait ou avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un lien avec la personne concernée par l'autorisation est établi lorsqu'il est utile à la poursuite de l'une des seules finalités mentionnées au présent I.
M. Jean-Yves Leconte. - Défendu.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Le code de la sécurité intérieure est suffisamment précis sur la question. Retrait ou avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE 13
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Michelle Gréaume. - Nous nous opposons fermement à l'extension aux URL de la portée des boîtes noires. Le Conseil d'État a souligné qu'elle ouvrirait un champ d'investigations nouveau, potentiellement attentatoire à la protection des données personnelles.
La CNIL estime que le recueil des URL est susceptible de faire apparaître des données relatives à la vie privée des personnes - orientation sexuelle ou état de santé, par exemple.
Par ailleurs, aucun bilan de la technique des boîtes noires n'a été réalisé, contrairement à ce que prévoyait la loi Renseignement de 2015.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. La pérennisation des algorithmes est nécessaire et son extension aux URL prometteuse. Des contrôles sont certes nécessaires. C'est la raison pour laquelle nous avons rétabli l'expérimentation.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 4
I. - Après le mot :
internet
insérer les mots :
, à l'exclusion de celles pouvant figurer au sein de contenus de correspondances électroniques.
II. - Compléter cet alinéa par le mot :
précitées
M. Jean-Yves Leconte. - Il faut encadrer strictement la place des algorithmes. Dans cet esprit, nous proposons d'exclure du traitement algorithmique les éventuels liens hypertextes contenus dans les correspondances électroniques.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Le Gouvernement a apporté les garanties nécessaires en première lecture. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Aucune donnée de contenu ne peut faire l'objet d'un traitement algorithmique. L'amendement est donc plus que satisfait. Retrait.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté, de même que les articles 15, 16 bis et 17.
ARTICLE 17 BIS
M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Les recommandations et observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre en application des articles L. 833-6 et L. 855-1 C du même code. »
M. Yannick Vaugrenard. - La délégation parlementaire au renseignement doit disposer chaque année d'un bilan des recommandations adressées par la CNCTR à l'exécutif. Elle pourra ainsi savoir si des contournements du cadre juridique ont été constatés et, le cas échéant, apporter les modifications législatives nécessaires.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Un compromis a été trouvé sur le rôle de la délégation parlementaire au renseignement. Retrait ou avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
I. - Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins de mener ces missions sus-citées, la délégation peut donner des instructions générales aux services de renseignement, notamment en ce qui concerne les stratégies d'alliance avec d'autres services de renseignement. » ;
II. - Après l'alinéa 7
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° Le II est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « quatre députés et de quatre sénateurs » sont remplacés par les mots : « dix députés et de dix sénateurs » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les groupes d'opposition et minoritaires doivent être représentés. » ;
M. Guy Benarroche. - Nous entendons élargir la composition de la délégation parlementaire au renseignement et renforcer ses prérogatives. Porter son effectif à vingt membres assurerait la représentation en son sein des groupes minoritaires et d'opposition. Par ailleurs, cet organe devrait disposer d'un pouvoir d'injonction renforcé.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La composition actuelle est équilibrée et le pouvoir d'injonction serait contraire à la séparation des pouvoirs. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 19
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« La délégation entend le Premier ministre, chaque année, sur le réexamen périodique de l'existence d'une menace pour la sécurité nationale justifiant la conservation généralisée des données de connexion. » ;
M. Yannick Vaugrenard. - Le Parlement avait prévu que la délégation parlementaire au renseignement auditionnerait chaque semestre le Premier ministre sur l'application de la loi de 2015. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, la jugeant obsolète, ce que l'on peut entendre.
Toutefois, il serait utile de la remplacer par une audition annuelle du Premier ministre sur le réexamen périodique de l'état de la menace, qui sous-tend le maintien de la conservation généralisée des données de connexion.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La délégation parlementaire au renseignement auditionne le Premier ministre quand elle le souhaite. Retrait ou avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
L'article 17 bis est adopté.
Intervention sur l'ensemble
M. Jean-Pierre Sueur . - Je ne reviendrai pas sur toutes les raisons de notre abstention ; mes collègues Leconte et Vaugrenard les ont suffisamment exposées.
En revanche, je tiens à revenir sur l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas voter ce texte. Je veux parler de la question des archives, que le vote conforme de l'article 19 nous a empêchés de soulever à nouveau ce soir.
Ce dispositif pose des problèmes considérables en étendant à quatre domaines, à la définition vague, la possibilité de non-communication d'un document, en contradiction avec la loi de 2008 sur les archives. Le refus pourra, en outre, être perpétuel. Pour certains dispositifs, la divulgation sera même systématiquement interdite...
Alertés par de nombreux universitaires, historiens et archivistes, nous avions déposé un amendement fixant des conditions claires, dont un délai de dix ans. Nul compte n'en a été tenu.
Nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette question qui met en jeu des principes fondamentaux : droit à l'histoire, droit à la mémoire, droit de savoir.
À la demande du groupe CRCE, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n° 163 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l'adoption | 252 |
Contre | 26 |
Le Sénat a adopté.
Prochaine séance, jeudi 22 juillet 2021, à 21 h 30, sous réserve de la transmission du projet de loi Pass sanitaire.
La séance est levée à 23 heures.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 22 juillet 2021
Séance publique
À 21 h 30
Présidence : M. Georges Patient, vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau M. Pierre Cuypers
Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire (Discussion générale) (Procédure accélérée)