Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 (Nouvelle lecture)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020.

Discussion générale

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Ce projet de loi a été rejeté en première lecture par le Sénat et logiquement, il n'a pas fait l'objet d'un accord en CMP.

L'exécution budgétaire de 2020 est exceptionnelle, car elle reflète la réponse massive et rapide à la crise : mesures de protection sanitaire et mesures économiques. La pandémie a causé une récession exceptionnelle.

Dès le premier confinement, nous avons mis les moyens pour tenir bon. En particulier, les modalités d'activité partielle étaient très généreuses : 35 milliards d'euros dont 26,3 en 2020 -  17,8 milliards directement décaissés du budget de l'État. Huit millions de salariés en ont bénéficié.

Le fonds de solidarité s'est élevé à 35 milliards d'euros. Les prêts garantis par l'État (PGE) ont connu un grand succès. Plus de la moitié des entreprises des secteurs les plus touchés en ont contracté un. Au total, ils se sont montés à 140 milliards d'euros.

L'État a renforcé sa participation au capital des entreprises stratégiques. Les quatre PLFR de 2020 ont montré notre prudence et notre prévoyance, afin de ne pas manquer de crédits. L'incertitude nous a forcés à budgéter des montants suffisants. Cela était justifié, et c'est ce qui explique les reports de crédits entre 2020 et 2021.

Nous avions dans le PLFR4 préféré faire l'hypothèse pessimiste d'un confinement de deux mois, il a duré un mois ; d'une chute d'activité de 20 %, elle n'a été que de 11 %. Le pouvoir d'achat des Français a augmenté de 0,4% en 2020 malgré la baisse de la production. La capacité de financement des collectivités territoriales a été préservée, les TPE et PME protégées.

L'économie a été soutenue par les projets de lois de finances rectificatives grâce aux marges de manoeuvre dégagées depuis 2017 par le Gouvernement. En 2019, le déficit était de 2,2% du PIB, le plus bas depuis bien longtemps.

Le financement du dispositif de crise nous met face à un défi de taille : le déficit du budget de l'État est porté à 178,2 milliards, soit deux fois plus que prévu en loi de finances initiale. Les recettes fiscales ont chuté de 37,1 milliards d'euros en 2020.

Pour l'avenir, nous voulons maximiser la croissance grâce au plan de relance, sortir progressivement des dispositifs d'urgence, faire preuve de sérieux dans les dépenses courantes et moderniser le cadre des finances publiques.

L'Assemblée nationale a adopté lundi soir deux lois organiques sur le budget de l'État et sur le financement de la sécurité sociale -  nous y reviendrons en examinant celle de Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme le président.  - Je demande à chacun de porter son masque sur le nez. Les soignants le supportent toute la journée, prenons exemple !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Très bien ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Le projet de loi de règlement a été rejeté par le Sénat. L'année 2020 a été exceptionnelle à bien des égards : récession de 7,8%, plus forte que dans la zone euro, plus forte qu'en Allemagne. Le déficit public atteint plus de 178 milliards d'euros. C'est inédit.

Plus de 40 milliards d'euros ont été dépensés sur la seule mission « Plan d'urgence » qui n'existait pas dans la loi de finances initiale. Les administrations publiques ont absorbé les coûts, préservant le pouvoir d'achat des ménages. En revanche, les entreprises ont subi un fort reste à charge, car les marges de manoeuvre manquaient. Le choix qu'a fait le Gouvernement de reporter systématiquement le redressement des comptes publics en période faste apparaît aujourd'hui regrettable. Nous sommes entrés fragilisés dans la crise.

Nous avons voté les quatre projets de loi de finances rectificative et adopté les mesures essentielles au soutien des entreprises et des ménages. Mais nous regrettions déjà l'absence d'assainissement des finances publiques. L'objectif de supprimer 50 000 emplois dans la fonction publique d'État apparaît désormais inatteignable -  et il est abandonné.

Je conteste les reports massifs de 36 milliards d'euros de crédits entre 2020 et 2021, qui ne respectent pas toujours le principe de spécialité. Cela nuit au contrôle parlementaire et constitue une entorse à la sincérité de la loi de finances.

L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a adopté le texte en des termes identiques à sa version de première lecture.

En conséquence, la commission propose de ne pas adopter le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors des questions au Gouvernement, Monsieur le ministre, et à nouveau à l'instant, vous avez mis en avant constance et persévérance. Je suis moi-même constant et persévérant dans ma pédagogie en faveur d'une bonne gestion des comptes publics.

En 2020, c'est un record historique : 178 milliards d'euros de déficit !

Aides d'urgence et mesures de soutien auraient pu être distribuées avec plus de rigueur pour éviter les effets d'aubaine. Je pense aux compensations de perte du chiffre d'affaires, non imposables alors que celui-ci l'est. Je regrette aussi que vous ayez intégré 16 milliards d'euros de dépenses récurrentes dans les 100 milliards d'euros du plan de relance.

Il y a eu quatre projets de loi de finances rectificative en 2020. La grande majorité du groupe UC les a approuvés. Par cohérence, le groupe aurait eu tendance à approuver la loi de règlement.

Quant à moi, je n'ai pas voté tous les PLFR, en raison du laisser-aller sur les dépenses. La plupart des missions - environ vingt sur trente - ont vu leurs crédits augmenter : on a profité de la crise sanitaire pour relâcher l'effort.

Le groupe UC s'abstiendra dans sa grande majorité : à titre personnel, je voterai contre : j'ai un doute sur la sincérité avec laquelle vous tenez les comptes de l'État.

Ce sont 36 milliards de dépenses reportées, avec lesquels le Gouvernement fera ce qu'il veut, sur les affectations desquelles le Parlement n'aura pas son mot à dire -  contre 1,4 milliard habituellement.

Le ministre l'explique par la prudence et la prévoyance. Non ! Le projet de loi de finances pour 2021 a été voté. Dès le 1er janvier, vous pouviez utiliser les crédits 2021. Et, en cas de besoin, présenter à nouveau un projet de loi de finances rectificative. Je voterai contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est un fait notable ; pour la première fois depuis 2017, le Sénat a rejeté la loi de règlement, la gauche votant contre et la droite s'abstenant en grande partie.

Comme l'a déjà dit notre collègue Thierry Cozic, notre vote s'explique par notre opposition à votre politique mais surtout par le report de crédits.

Le Gouvernement aurait pu, grâce à ces crédits, mettre en place certaines mesures qui figuraient dans le contre-budget du groupe SER : hausse du RSA, plan pour l'hôpital, renforcement de l'aide alimentaire, aide à l'outre-mer, plan de soutien au monde associatif et à la culture... Nous avions proposé la dotation autonomie jeunesse, le financement de projets associatifs pour les jeunes, l'accélération de la mutation des transports polluants, un effort d'isolation sonore des bâtiments, un plan pour la ruralité, un fonds pour la transition écologique.

Tout cela coûtait 21,3 milliards d'euros -  soit 16 milliards de moins que les crédits reportés.

Même l'Institut Montaigne réclamait le versement de 30 milliards d'euros aux plus modestes -  soit peu ou prou les crédits reportés. Ces derniers rendent très crédible notre contre-budget.

L'approche du Gouvernement est insuffisante sur les questions environnementales et sociales. Nous ne partageons pas la prudence demandée par le Gouvernement alors que l'orage social se déchaîne.

Constance et persévérance, dites-vous ? C'est bien. Mais quand il y a une erreur de réglage et d'anticipation, cela conduit à rater ses paris.

Nous maintenons donc notre opposition au projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Sénat a rejeté en première lecture le projet de loi de règlement, tandis que l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture son texte de première lecture.

Sans tomber dans le déterminisme, le suspense est donc limité ! Ce texte prend acte des engagements collectifs consentis en 2020.

Le groupe Les Indépendants appelle à fixer un cap clair pour nos finances publiques. Certes, il faut relancer l'économie qui doit retrouver un rythme de croisière. Il faudra aussi renouer avec une réforme budgétaire. Le Gouvernement est bien peu ambitieux dans ce domaine.

La crise économique ne doit pas aliéner les missions régaliennes de l'État : éducation, hôpital, plan grand âge, défense, diplomatie, aide publique au développement.

La cohésion nationale nous pousse à repenser notre modèle social au prisme de la valeur travail et de la solidarité.

Notre groupe votera en majorité pour ce texte.

M. Paul Toussaint Parigi .  - Le rejet d'une loi de règlement n'est jamais anodin. Le GEST y est incité pour plusieurs raisons.

On peut douter de la sincérité des choix budgétaires passés, et les choix présents sont contestables. Le Gouvernement n'a pas répondu correctement à la montée de la grande pauvreté, alors que les reports de crédits sont d'une ampleur sans précédent. Les va-et-vient financiers entre budgets de l'État et de la sécurité sociale empêchent toute vision claire.

Doit-on s'attendre pour le budget 2022 à une tonalité électorale, voire électoraliste ?

L'état des finances publiques nous inquiète. Il ne s'agit pas, comme certains ici, d'être nostalgique du passé, dans un monde qui n'a plus rien à voir avec les années 1970. Il ne s'agit pas d'affaiblir l'État en le privant de ses outils.

Mais nous nous fondons sur la réalité, tragique... Le changement climatique, ce n'est pas demain, c'est aujourd'hui, dans les canicules du Canada et d'Inde, dans les inondations en Allemagne ou à Liège, en Chine ou dans le nord-est de la France.

Nous savons ce qui nous attend : les rapports du GIEC le disent. Réduire les émissions ne coûterait pas aussi cher que cela : 1 à 2,5 % du PIB.

Au lieu de s'en remettre à l'expertise de cabinets privés, il est indispensable de disposer d'une véritable comptabilité écologique et de conditionner strictement les aides pour éviter le gaspillage et des dépenses inutiles.

Nous savons, et nous ne réagissons pas...

M. Georges Patient .  - En 2020, nous avons su faire face ensemble, adoptant les projets de loi de finances rectificative proposés par le Gouvernement.

Le projet de loi de règlement vient mettre fin à cette période d'union sacrée. Chers collègues, vous avez adopté tous les collectifs de 2020 ; vous avez voté des crédits à la mesure de la crise. Et vous nous dites a posteriori que le compte n'y est pas. C'est un peu facile !

La situation des finances publiques est préoccupante et la crise a fait croître la dette publique. Pourtant, le Gouvernement avait réussi à réduire le déficit à 2,2 %, ce qui nous a gagné la confiance des marchés et nous a valu des financements à des conditions optimales.

Vous citez les crédits reportés. La gestion de la crise a nécessité une surbudgétisation qui témoigne non de l'insincérité mais de la prudence du Gouvernement.

Cette sous-consommation n'est pas une surprise, elle découle du dernier projet de loi de finances rectificative.

Nous devons réformer la LOLF et renforcer le contrôle parlementaire. Mais nous ne pouvons pas faire comme si l'année 2020 était une année ordinaire. Le Gouvernement a eu une gestion sincère. En cohérence avec ses votes de 2020, le RDPI votera une fois de plus ce projet de loi et appelle tous ceux qui ont voté les collectifs à faire de même. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les oppositions de gauche ont rejeté cette loi de règlement.

La nouvelle lecture est une occasion de débattre des questions budgétaires.

Alors que nous pensions tourner la page du covid, la recrudescence des cas nous oblige à accélérer la vaccination. Cette législature devra assumer un surplus d'endettement public dont l'impact devrait être nuancé par des taux d'intérêt historiquement bas et peut-être par un léger regain d'inflation.

Le budget 2020 témoigne des politiques précédentes et de la rupture due à la crise. Il faut reconnaître de véritables efforts de sincérisation, avec des prévisions raisonnables. En 2020, le déficit structurel s'est plus rapproché que jamais de l'objectif de 0,5 %.

Il faudrait s'intéresser à la qualité de la dépense publique, beaucoup de progrès peuvent être envisagés dans ce domaine. À la rentrée, nous aurons l'occasion d'y revenir en examinant notamment la proposition de loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques.

La majorité du RDSE votera le texte, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Pascal Savoldelli .  - Le groupe CRCE votera contre.

C'est un exercice impropre auquel on se livre. Sous un faux prétexte de maîtrise des dépenses publiques, la fongibilité asymétrique - un vrai barbarisme ! - a fait fondre le service public, qui a perdu 180 000 agents entre 2006 et 2018. Et 220 000 autres ont été versés des ministères vers les établissements publics. C'est la privatisation de la gouvernance publique.

Or, après ces suppressions, il a fallu recruter en urgence, en particulier 3 048 enseignants. Ce yoyo a une histoire : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Sous couvert de maîtrise des dépenses publiques, on recourt à des cabinets privés qu'on paie deux fois : la première fois pour identifier des économies à dégager, la seconde pour trouver un remède aux carences provoquées. Cinq cents contrats passés avec de tels cabinets en trois ans ! Le pilotage de la crise sanitaire ne fait pas exception avec vingt-six contrats en dix mois ! Qui prend les décisions ?

Vous voulez adapter les outils de gestion de crise. Mais la crise exige des solutions, non des adaptations ! C'est le cas dans le domaine de la santé. Les ARS, nous en avons souvent débattu, imposent l'austérité au secteur hospitalier.

En 2018, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes consacrait 30 000 euros à du coaching... En 2020, elle mandatait des cabinets privés pour un audit. Et la liste est longue !

La privatisation de ces missions affaiblit le service public. Le cercle est vicieux et coûteux ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur général et M. Vincent Delahaye applaudissent également.) Ce n'est pas notre court échange avec les députés qui aura modifié les positions que nous avons exprimées la semaine dernière.

Le Sénat a fait preuve de responsabilité en votant les quatre projets de loi de finances rectificative de 2020, compte tenu de la situation extraordinaire de crise sanitaire, économique et sociale. Non sans les avoir marqués de son empreinte, s'agissant notamment des collectivités territoriales.

À cet égard, je rappelle que les politiques sociales représentent désormais 56 % des dépenses de fonctionnement des départements : quelle marge de manoeuvre leur reste-t-il ? Quant aux régions, elles ont vu leur capacité de désendettement se dégrader.

Au-delà de la conjoncture, le Gouvernement a renoncé à redresser notablement les comptes publics. Les orientations pour 2022 ne nous rassurent guère : plus de 10 milliards d'euros de dépenses nouvelles sont prévus, et des dépenses censées être exceptionnelles sont désormais prises en compte dans le déficit structurel.

La prudence du Gouvernement s'est muée en mépris du Parlement, avec 36 milliards d'euros de reports de crédits. Un décret d'avance pris au niveau maximum a été suivi quelques semaines plus tard d'un projet de loi de finances rectificative...

Le groupe Les Républicain s'abstiendra donc sur le projet de loi de règlement, comme il l'a fait ces trois dernières années -  entraînant très certainement le rejet du texte.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. le rapporteur général et M. Vincent Delahaye applaudissent également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE LIMINAIRE

L'article liminaire n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

L'article premier n'est pas adopté.

ARTICLE 2

L'article 2 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

L'article 3 n'est pas adopté.

ARTICLE 4

L'article 4 n'est pas adopté.

ARTICLE 5

L'article 5 n'est pas adopté.

ARTICLE 6

L'article 6 n'est pas adopté.

ARTICLE 7

L'article 7 n'est pas adopté.

ARTICLE 8

Mme le président.  - En cas de rejet de cet article, l'ensemble du texte sera rejeté.

L'article 8 est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n° 162 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 144
Pour l'adoption 49
Contre 94

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme le président.  - Les articles ayant été successivement supprimés, un vote sur l'ensemble n'est plus nécessaire.

En conséquence, le projet de loi de règlement n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 18 h 40.

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

La séance reprend à 21 heures.