Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification(Procédure accélérée - Suite)
Mme le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public ordinaire sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
Explications de vote
Mme Cécile Cukierman . - Nous arrivons en fin de parcours de ce texte, examiné dans des conditions insatisfaisantes, alors même que le nombre d'articles a presque doublé entre la commission et la séance publique.
Ce projet de loi manque toujours de souffle : or il y a urgence démocratique que rappellent l'abstention galopante et la défiance entre citoyens et élus : le pacte républicain se délite jour après jour.
Il faut redonner du sens et renforcer les moyens des élus pour mieux répondre aux besoins des populations.
La clause de compétence générale pour toutes les collectivités territoriales est la seule garantie de simplification et de décentralisation.
À l'inverse, le Gouvernement propose la différenciation, qui reste source de complexité, de remise en cause des équilibres et de renforcement des « grandes » collectivités : il en résultera une nouvelle concurrence entre collectivités territoriales alors que nous avons besoin d'égalité entre elles.
La déconcentration reste très superficielle : elle ne peut se résumer à l'accroissement du pouvoir des préfets : il faut renforcer tous les services de l'État pour épauler les élus locaux.
Les sujets de ce texte sont nombreux - de la politique du logement à l'alignement des arbres. Il répond certes à des soucis du quotidien, mais nous serons vigilants face aux évolutions en cours. Le « cousu-main » ne peut toujours prévaloir pour faire la loi de la République : il faut répondre aux aspirations des concitoyens et des élus pour faire République et avoir un avenir commun plus apaisé.
Enfin, je note quelques points positifs : amélioration de la saisine des présidents des Chambres du conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ; compensation des nouvelles compétences transférées et maintien de la compétence « eau et assainissement » aux communes. Il faut préserver la proximité lorsque cela est possible, sans misérabilisme ni communautarisme.
Mais la différenciation n'est pas l'indispensable décentralisation démocratique, garante des libertés locales et de l'égalité républicaine. Sans surprise, le groupe CRCE votera contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Françoise Gatel . - Je remercie, avant tout, le président de la commission des lois et mon collègue rapporteur.
Iris, messagère des dieux grecs, était adorée de tous car elle n'apportait que de bonnes nouvelles. Madame la ministre, vous êtes l'Iris du Sénat ! Vous allez porter d'excellentes nouvelles au Gouvernement et à l'Assemblée nationale sur ce texte que nous avons construit grâce à vous. Soyez-en remerciée.
Notre objectif, c'est l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre, jusqu'au plus éloigné de nos concitoyens.
Certains qualifiaient ce texte de barbare, technocratique, timide...
Deux crises, sociale - les Gilets jaunes - et sanitaire - mais aussi économique et psychologique - ont épuisé le pays mais ont aussi prouvé sa capacité à tenir grâce à l'engagement inlassable des élus locaux.
Tirons-en les conclusions : certains rêvent de grands soirs, mais ils sont souvent suivis de petits matins blêmes. Au big bang territorial, nous préférons la révolution des esprits avec l'État régalien présent dans les territoires, facilitateur de l'action des élus, qui leur fait confiance et leur accorde plus de souplesse et d'agilité.
À cet égard, le Sénat n'a pas démérité. Quelque 300 000 élus ont répondu à notre enquête ; nos 50 propositions traduisent le principe de subsidiarité, au service de la décentralisation.
Nous avons adoré la décentralisation et avons poussé en ce sens... Je pense notamment à la protection des enfants ou encore aux cantines des lycées. Sur ce point, j'ai été époustouflée par votre proposition, extravagante, de conventions entre les gestionnaires et les présidents d'exécutifs locaux, que vous suggérez d'expérimenter alors qu'elles ont été créées en 2004 lors du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS)...
Nous avons beaucoup aimé la différenciation. L'article premier ayant été jugé faible par le Conseil d'État, nous l'avons renforcé, afin de prendre en compte le réel et l'égalité des droits. Nous avons introduit la territorialisation des compétences et réaffirmé l'intérêt communautaire.
Sur le fond, vous n'êtes pas si éloignée de nous, madame la ministre : pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence, vous avez fait de l'intérêt communautaire sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose...
Il faut replacer l'État déconcentré et les élus locaux au coeur de la gestion de proximité : ce binôme est essentiel.
Vous avez choisi la procédure d'urgence : il y a bien urgence à agir pour retrouver la confiance de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, et RDSE)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Éric Kerrouche . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Si ce texte était un livre, ce serait La peau de chagrin dans sa version initiale, Le portrait de Dorian Gray dans celle issue du Sénat ; un poème : L'inventaire de Prévert ; un animal : une méduse ou un invertébré (Mme François Gatel proteste) ; une peinture : un collage ; un jeu : un puzzle ou les échecs.
M. Loïc Hervé. - Poker menteur !
M. Éric Kerrouche. - Rien ne nous a été épargné sur la forme comme sur le fond, avec un examen long, fastidieux et décousu d'un texte passé de 84 à 158 puis 217 articles...
Madame la ministre, vous êtes experte de notre système local : quel contraste avec ce texte à l'examen baroque ! Ce texte a été tordu par la majorité sénatoriale d'autant plus facilement qu'il n'avait pas de colonne vertébrale.
Six écueils selon nous marquent ce texte : une cible ratée en matière de différenciation ; une décentralisation résiduelle ; une déconcentration s'assimilant davantage à une recentralisation ; une simplification complexificatrice ; et, en dessert, la question démocratique laissée de côté.
Le texte originel proposait beaucoup de petites dispositions mais peu d'essentielles. Celui sorti du Sénat tient de la samba : un pas en avant, deux pas en arrière.
Nous saluons quelques avancées de la commission, comme la compétence des régions en matière d'emploi, d'apprentissage et de formation professionnelle ; le transfert « à la carte » des compétences facultatives au sein des EPCI, et le renforcement du pouvoir règlementaire des régions dans l'attribution de certaines aides.
Après avoir évité les irrecevabilités, une quinzaine de nos amendements ont été adoptés : obligation de réponse pour le Premier ministre aux propositions législatives des départements ou des régions, accord des communes à la majorité qualifiée en cas de délégation de compétences à l'EPCI ; extension à l'ensemble des départements frontaliers des compétences reconnues à la Collectivité européenne d'Alsace ; rétablissement de l'expérimentation de la recentralisation du RSA ; expérimentation en faveur d'un système de transport sur d'anciennes voies ferrées.
Mais il y a tant de reculs et de franchissement de lignes rouges ! Votre ligne éditoriale tient de la posture : haro sur l'intercommunalité, culpabilisation et stigmatisation des plus précaires, mise à l'écart de la démocratie locale et de la participation citoyenne. (Protestations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous ne comprenons pas un tel repli sur la commune, peu réaliste, revenant sur l'intérêt communautaire, notamment en matière de zones d'activités ou de délégation de la compétence eau et assainissement.
La majorité sénatoriale est toujours plus sévère avec les faibles : elle impose une condition d'évaluation du patrimoine pour l'attribution du revenu de solidarité active (RSA), elle permet aux départements de réduire la prestation de compensation du handicap (PCH) et a même tenté d'abroger la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU). Certains parlent de « rente » à propos des minima sociaux : le mot devrait disparaître des comptes rendus.
En modifiant le pouvoir réglementaire local, la droite sénatoriale décrédibilise le principe de différenciation et stigmatise les plus précaires.
L'article 50 rendait possible l'échange de données pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux : c'était sans doute trop pour les plus précaires ! Il a été cantonné à une simple transmission d'information aux bénéficiaires plutôt qu'à une application des droits.
En matière de démocratie locale et de participation, tout a été relégué. Alors que l'exécutif est constamment dans une stratégie de l'évitement, la majorité sénatoriale est aux abonnés absents. La démocratie représentative ne peut rester exclusive de toute autre forme de participation,
La démocratie à éclipse a vécu, d'où nos propositions d'avenir faisant vivre la démocratie locale, hélas rejetées ! Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)
Mme Laurence Cohen. - Bravo !
M. Stéphane Ravier . - La montagne 3DS accouche d'une souris ! On a mélangé le jeu de cartes, mais le château de cartes est resté le même et l'on s'y perd comme dans un labyrinthe. Il reste une citadelle imprenable, inaccessible au citoyen : la démocratie.
Avec le contrat de mixité sociale, le maire serait minoritaire pour décider de la politique du logement sur son propre territoire puisque le préfet et le président de l'EPCI auraient leur mot à dire. Voilà de quoi accentuer le sentiment de dépossession des élus locaux et des habitants. Les grands défenseurs de la théorie du vivre ensemble vont devoir se faire à la réalité du vivre avec. Je leur souhaite beaucoup de courage et d'abnégation républicaine...
Les maires ne sont pas au centre de l'attention du Parlement : la commission mixte paritaire sur le projet de loi Climat et résilience leur a refusé un droit de veto sur l'implantation des éoliennes. J'espère que cette disposition sera maintenue dans ce projet de loi.
Pour la métropole Aix-Marseille-Provence, la majorité sénatoriale a défendu ses baronnies, laissant quelques miettes aux 91 communes restantes. La métropole garde ses compétences déléguées sous la coupe de Martine Vassal. Rien sur le pays d'Arles, sur les 29 communes bucco-rhodaniennes qui résistent à l'intégration de force dans l'ogre métropolitain : j'apporte tout mon soutien à leur résistance à l'oppression.
Le triptyque commune-département-État est la clef de la différenciation et de la démocratie. Pour les maires, ne restera que le D de la débrouille pour gérer les crises.
Mais je voterai pour ce petit texte en raison de quelques améliorations : le contrôle du RSA, le retour de la délégation de compétences aux communes, la liberté municipale sur l'éolien. Éternel optimiste, j'espère que l'Assemblée nationale ne jouera pas les godillots du Gouvernement en annulant ces apports.
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Deux semaines intenses s'achèvent : le sujet de ce texte était vaste, et l'agenda resserré était fort contraignant.
Madame la ministre, je salue votre détermination. Mais le texte initial n'était pas à la hauteur des enjeux : il ne s'agissait pas du troisième acte de la décentralisation mettant fin au jacobinisme des quarante dernières années.
Oui, ce texte fut une déception pour notre famille politique : manque d'ambition, mesures seulement paramétriques, assemblage de sujets trop variés, absence de volet financier indispensable à une véritable différenciation.
Pour autant, le Sénat ne s'est pas résigné. Je salue nos rapporteurs qui ont redonné de l'ambition et de l'envergure à ce texte.
Nous nous sommes appuyés sur les 50 propositions sénatoriales de juillet 2020, hélas restés lettres mortes, et sur le rapport de Mmes Létard et Estrosi Sassone sur la loi SRU.
Le Sénat a voté le transfert à la carte de compétences, supprimé l'obligation du transfert de la compétence eau et assainissement, consacré le principe de la priorité accordée au préfet de département pour les décisions locales.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le logement pour sortir du climat de défiance entre l'État et les communes carencées ou déficitaires. Je me réjouis du rejet des sanctions financières inefficaces.
La gouvernance des agences régionales de santé (ARS) sera plus équilibrée au bénéfice des élus locaux, avec une coprésidence entre le préfet de région et le président du conseil régional.
Je salue enfin le consensus sur la métropole Aix-Marseille-Provence. Il s'agit d'un tournant historique pour ce territoire et ses habitants. Je remercie Mme la ministre pour ce dialogue constructif.
Nous espérons que l'Assemblée nationale approuvera cette consolidation des libertés locales. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) « Chaque révolution s'évapore en laissant seulement derrière elle le dépôt d'une nouvelle bureaucratie » disait Franz Kafka. Ce texte n'est pas une révolution, et c'est heureux.
Je salue la qualité de nos débats. Le Sénat a enrichi le texte pour accroître la liberté des collectivités territoriales. L'expérimentation de la recentralisation du RSA, proposée par notre groupe, a été adoptée ; le RSA est une charge majeure pour de nombreux départements.
Nous saluons le renforcement du rôle du département en matière sociale, celui des élus dans la gouvernance des ARS, et l'élargissement, quoique modeste, du pouvoir réglementaire local.
Le logement aurait mérité un texte spécifique. La loi SRU est complexe, avec de nombreuses obligations et seuils. Les communes qui ne la respectent pas ne sont pas toujours dirigées par des ennemis de la mixité sociale. Ce projet de loi apportera plus de souplesse et de liberté aux maires pour atteindre les objectifs fixés pour le logement social.
Un amendement d'Emmanuel Capus modifie la loi SRU pour rendre progressive l'entrée des communes dans les seuils de logement sociaux. Les procédures de revitalisation des territoires sont également simplifiées et assouplies ; je pense notamment aux biens sans maître ou à la compétence de la promotion du tourisme, qui pourra revenir aux communes membres d'une communauté d'agglomération grâce à l'amendement de Daniel Chasseing.
Le maire pourra aussi réglementer l'accès aux espaces naturels protégés, comme le voulait notre ancien collègue Jérôme Bignon. Nous saluons le renforcement du poids des territoires dans la gouvernance de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Le Sénat a cherché à libérer les territoires de leurs entraves. Il s'est toutefois laissé entraver par une interprétation extensive de l'article 40 au motif que le transfert de compétence aggraverait les charges publiques, selon un arrêt du Conseil constitutionnel d'il y a 35 ans... Il est étonnant de refuser à la représentation nationale de tels transferts ! Nous tenons à la liberté d'amendement. (M. André Reichardt renchérit.)
Les collectivités territoriales ont démontré leurs capacités de gestion des deniers publics contrairement à l'État, qui ne s'applique pas la même règle.
Nombreux ont aussi été les amendements fauchés par l'article 45 de la Constitution, qui semble à géométrie variable. M. Wattebled avait déposé un amendement renforçant le principe du « Silence vaut acceptation », qui a été déclaré irrecevable. Or ce principe souffre de tant de dérogations actuellement qu'il est vidé de toute substance.
Nous aurions pu renforcer les mesures de simplification de la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP) ; ce ne fut pas toujours le cas.
Certaines dispositions renforcent l'échange de données entre administrations et entre administrations et collectivités. Nos élus ont besoin de soutien. Le texte y répond en élargissant les missions du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et des chambres régionales des comptes ; ces dernières sont dotées d'une nouvelle mission d'assistance aux collectivités dans l'évaluation des politiques publiques.
Bien que modeste, ce texte apporte des évolutions utiles aux collectivités territoriales ; La majorité du groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains
M. Guy Benarroche . - Dire que la montagne a accouché d'une souris n'est pas approprié, sauf à parler d'une grosse souris (Sourires). De fait, ce texte, au départ pauvre et imprécis, a vu son nombre d'articles plus que doubler, malgré l'usage libéral de l'article 40 de la Constitution. Je déplore aussi un calendrier chargé, avec un examen qui a suivi les élections locales et la loi Climat.
Les promesses du grand soir post gilets jaunes ne sont cependant pas tenues. Le texte ne brille pas par sa cohérence...
Les Français attendent un échelon local plus souple et plus agile. Après une abstention record, nous aurions pu innover ! Encore eût-il fallu en avoir le temps. Le texte n'engage pas une nouvelle décentralisation. On décentralise en reconcentrant ou inversement.
Tout n'est que détail. In fine, ce texte n'est pas une oeuvre pointilliste à la Seurat, mais un patchwork indéchiffrable.
Nos propositions sur la démocratie locale - droit de pétition ou renforcement réel du pouvoir réglementaire du maire - ont toutes été rejetées ; c'est un coup de couteau à notre pacte républicain. Pourquoi avoir peur de la démocratie participative qui renforce la démocratie représentative ? Interdire un débat libre sur un sujet porté par une pétition est une faute.
Je suis éberlué par l'hypocrisie de la majorité sénatoriale sur le pouvoir réglementaire du maire : oui quand il s'agit d'éoliennes, non pour l'épandage d'engrais ou de produits phytosanitaires. Je regrette à ce titre les attaques et accusations d'agribashing sans aucun fondement dont le GEST est victime. (On s'offusque sur les travées du groupe Les Républicains.) On reste sur la théorie du « pas de ça chez nous ».
La simplification ne veut pas dire moins-disance, or c'est ce que vous faites avec les procédures d'urbanisme.
Je salue certaines dispositions comme l'expérimentation de la recentralisation du RSA, la plus grande démocratie sanitaire dans les ARS et j'approuve aussi la suppression de la mesure faisant du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) une chambre soumise à des nominations politiques.
Le titre sur la transition écologique, tout comme la loi Climat ne sont pas à la hauteur.
La reprise en main de l'Ademe par l'État me laisse perplexe.
Passée la surprise de voir figurer le volet logement initialement prévu dans la loi séparatisme, nous avons constaté que ni le Gouvernement, ni la majorité sénatoriale n'avaient à coeur de revenir sur l'assignation à résidence des plus précaires. C'est comme pour les éoliennes : pas de ça chez nous !
Je regrette que le texte préfère lutter contre les précaires plutôt que contre la précarité, avec le renforcement du contrôle des allocataires du RSA et le refus de pérenniser l'encadrement des loyers.
Nous ne sommes pas tombés d'accord pour la Métropole d'Aix-Marseille-Provence. Pour Marseille, qui doit maîtriser ses politiques de proximité, l'article 56 reste décevant.
Je regrette la timidité du Gouvernement et de la droite sénatoriale sur ce texte peu structuré. Bien que défenseur de la décentralisation et de la différenciation, mais aussi conscient des enjeux majeurs d'une Europe des régions, le GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Ludovic Haye . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Après trois semaines de débats, nous avons achevé l'examen du projet de loi 3DS. Nous saluons l'engagement de Mme la ministre.
Ce texte marque un tournant dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Les 84 articles initiaux ont été maintenus et modifiés - souvent à la marge - par le Sénat, notamment ceux relatifs aux routes, à la loi SRU, ou encore à la recentralisation du RSA. Le Gouvernement avait pris en compte les demandes des élus.
Le Sénat a enrichi le texte qui compte désormais plus de 200 articles. Le Groupe RDPI y a contribué, notamment sur le pouvoir réglementaire local, les Ceser, la démocratie locale. En matière de transition écologique, je salue le transfert des routes nationales aux régions, et les sanctions applicables sur les voies navigables. En matière de logement, le Sénat a adopté nos amendements sur les catégories de dépenses déductibles du prélèvement SRU et sur les contrats de mixité sociale ouverts aux communes nouvelles.
Nous avons aussi longuement débattu sur la gouvernance des ARS, sur le rôle accru des usagers dans les conseils territoriaux de santé et sur les contrats locaux de santé. Vous avez adopté notre amendement facilitant l'implantation d'officines de pharmacies à Mayotte.
Notre groupe a fait oeuvre utile pour faire adopter plusieurs mesures en faveur de l'outre-mer après des échanges fructueux : mise à jour du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), conditions de prescriptions acquisitives, dérogations au code de l'urbanisme en Guyane pour la construction de logements, statut de Clipperton ...
M. Loïc Hervé. - Clipperton, c'est important !
M. Ludovic Haye. - ...composition du congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe...
Plusieurs normes simplifieront le fonctionnement des collectivités territoriales, comme le service public numérique, le « dites-le nous une fois », le recours aux financements participatifs, l'extension de la vision conférence pour les réunions des collectivités.
Le groupe RDPI votera ce texte, malgré ses réserves sur certaines dispositions votées par le Sénat à rebours des lois Engagement et proximité et Climat et résilience : assouplissement du transfert de compétence eau et assainissement, durcissement des conditions d'accès au RSA, obligation d'un avis conforme sur les éoliennes... Ces propositions ne font pas consensus et nous ne les partageons pas.
Espérons que l'esprit de compromis qui a guidé nos débats se poursuive à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous achevons quinze jours de débats engagés.
La discussion générale avait fait état d'un amer constat partagé : la déception des sénateurs quant à l'ambition du texte initial. Nous avons oeuvré pour l'enrichir au bénéfice de nos territoires.
Il est dommage que la loi SRU, abordée à l'article 17, n'ait pas fait l'objet d'un texte ad hoc.
Certaines mesures ont révélé des clivages profonds, comme la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires du RSA ; le RDSE doute que ce soit la bonne manière de lutter contre les abus de la solidarité.
Le Sénat a fait oeuvre utile, comme sur le droit à l'erreur des collectivités territoriales, qui hélas peine toujours à vous convaincre, Madame la ministre, ou sur l'expropriation des biens sans maître, pour la revitalisation des communes.
Nous ne pouvions pas compenser les défauts et les insuffisances de la différenciation. Quelle est sa portée réelle, sans moyens ? Elle fait courir le risque d'une inégalité croissante entre les territoires, d'une dérive vers des particularismes locaux aux dépens des territoires défavorisés.
Je salue l'adoption de l'amendement de Jean-Yves Roux sur la faculté de retour de la compétence tourisme aux communes touristiques.
L'article 7 sur l'expérimentation de la gestion des autoroutes et routes nationales non concédées par les régions interroge le RDSE. Contrairement aux départements, celles-ci n'ont pas la compétence de voirie. Quelle est la lisibilité de l'ensemble ? Je regrette que l'article n'ait pas été supprimé lors de la seconde délibération hier soir. Notre groupe ne souhaite pas que l'on privilégie à l'excès les régions et les intercommunalités.
M. Philippe Folliot. - Bien dit !
Mme Nathalie Delattre. - Nous ne comprenons pas l'intérêt de la réforme de l'Ademe.
Nous avons souvent, dans ce texte, abordé la question des communes de montagne mais certains aspects n'ont pu être discutés pour cause d'irrecevabilités parfois incompréhensibles. Je songe à l'amendement de ma collègue Pantel sur le droit de l'urbanisme dans les communes où s'appliquent à la fois la loi Littoral et la loi Montagne.
Nous n'avons pas suffisamment traité certains sujets qui engendrent des difficultés au quotidien pour les communes.
Le RDSE n'est pas unanime, mais il votera majoritairement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°161 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l'adoption | 242 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Nous achevons ces débats très riches, avec plus de mille amendements examinés en séance.
Je remercie la commission des lois, son président et ses rapporteurs qui ont accompli leur mission avec conviction, ainsi que les rapporteurs pour avis Gueret, Milon et Estrosi Sassone.
Je remercie aussi les présidents de séance, qui ont été les garants de la sérénité. Je salue un état d'esprit constructif : le Sénat a souvent convergé avec le Gouvernement pour ce texte de confiance, n'en déplaise à ceux qui cherchent à faire croire à une confrontation.
Il reste des divergences comme sur l'intercommunalité, mais je suis sûre qu'un équilibre sera trouvé au cours de la navette.
Nombre de mesures bienvenues ont été adoptées : l'extension du pouvoir réglementaire local, la pérennisation et la différenciation de la loi SRU, l'extension du transfert des routes nationales aux départements et l'expérimentation de la gestion des autoroutes par les régions volontaires...
Toutes ces mesures portent des avancées concrètes. Je remercie tous ceux qui ont voté pour ce projet de loi en faveur des territoires.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI, INDEP et RDSE)
La séance est suspendue quelques instants.