Projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, complétant l'article premier de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - J'ai l'honneur de présenter une nouvelle fois à votre Haute Assemblée ce projet de loi constitutionnelle.

Vous connaissez la genèse de cette réforme historique en faveur du climat, fruit du travail des 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) - qu'ils en soient chaleureusement remerciés  - et de l'engagement du Président de la République à reprendre leur proposition de modifier l'article premier de la Constitution.

En première lecture, nos désaccords se sont cristallisés sur deux des dix-huit mots du projet de loi, qui ont donné lieu à de savantes exégèses : « garantir » et « lutter ». Dans un esprit d'ouverture et de conciliation, l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont fait un pas vers la Haute Assemblée, en remplaçant « lutter » par « agir ».

Cette main tendue n'a pas été saisie par votre commission des lois ; je le regrette. Le Sénat refuse ainsi la possibilité pour les Français de s'exprimer sur le sujet primordial qu'est l'avenir écologique du pays.

Reprochant au Gouvernement d'entretenir zones d'ombre et contradictions quant aux effets juridiques attendus, vous proposez, pour votre part, une rédaction bien timide : « la France agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004 ». À se demander si vous ne redoutez pas avant tout notre volonté, assumée, de renforcer juridiquement la protection de l'environnement ! Vous reconnaissez d'ailleurs que votre rédaction ne produit aucun effet juridique nouveau. Mais vu l'urgence climatique, une réforme purement symbolique n'est pas envisageable : nous n'allons pas convoquer les Français à un référendum ayant pour but de ne strictement rien changer !

Le Gouvernement et l'Assemblée nationale veulent au contraire assumer pleinement notre responsabilité historique et faire évoluer la protection de l'environnement. Ce qui est une ambition doit devenir une garantie.

Il s'agit de rehausser la protection de l'environnement au coeur des principes constitutionnels. Si la Charte de l'environnement fait pleinement partie du bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 31 janvier 2020, que la préservation de l'environnement constitue seulement un objectif à valeur constitutionnelle - à ce titre, il n'emporte qu'une obligation de moyens et nécessite l'intervention du législateur. Nous voulons en faire un principe à valeur constitutionnelle, invocable même sans intervention du législateur, notamment à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Nous allons plus loin que l'article 2 de la Charte en créant à la charge des pouvoirs publics une garantie de préservation de l'environnement. Je suis surpris par l'hostilité de votre assemblée à ce verbe qui figure déjà dans notre Constitution : le préambule de 1946 « garantit » la santé, la protection matérielle, le repos, les loisirs, sans pour autant imposer de responsabilité automatique de l'État pour toute personne malade ou en grande précarité. Les dangers que vous dénoncez sont illusoires.

L'État peut déjà voir sa responsabilité engagée en matière environnementale, oui, mais nous voulons instaurer une quasi-obligation de résultat, une obligation de moyens renforcée. Cela facilitera la charge de la preuve pour les requérants et rendra plus difficile pour la personne publique mise en cause de s'exonérer de ses obligations.

Il s'agit bien d'obliger les pouvoirs publics à agir concrètement et efficacement.

La Constitution doit s'adapter aux enjeux de notre temps, et donc être à la hauteur du défi écologique ! Voilà pourquoi le Gouvernement, l'Assemblée nationale et la CCC entendent garantir la protection de l'environnement.

Ce combat est le nôtre ; il devrait être aussi le vôtre, car c'est le combat de la France pour le siècle à venir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est un bien lourd fardeau que vous portez là, monsieur le garde des Sceaux. Il ne suffit pas que le Gouvernement affirme quelque chose pour que cela devienne vérité ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Notre travail a été de rechercher la vérité constitutionnelle.

Lors de la première lecture, le Gouvernement nous a dit vouloir rehausser la protection de l'environnement, tout en disant que le verbe « garantir » ne changerait pas grand-chose - mais que cela revenait à une quasi-obligation de résultat... Quelle est, au juste, la portée réelle de la garantie ?

La CCC est légitime dans sa démarche, mais il nous revient, à nous parlementaires, d'apprécier les effets d'une telle rédaction.

À nous de faire oeuvre constitutionnelle précisément, pour nous prémunir d'un gouvernement des juges.

Les conditions d'un accord entre nos deux assemblées sont encore loin d'être réunies. Le projet de loi initial décalquait une proposition de la Convention citoyenne ; il avait été adopté sans modification par l'Assemblée nationale. Le Sénat, observant que la rédaction proposée avait une portée juridique beaucoup trop vague, lui a substitué une rédaction supprimant la référence à la notion de « garantie » et renvoyant à la Charte de l'environnement.

Contrairement à ce qui a été allégué, les pouvoirs publics sont déjà soumis à de fortes obligations de valeur constitutionnelle qui découlent de la Charte de 2004. Notre rédaction levait tout problème d'articulation avec cette Charte. Le remplacement du verbe « lutter » par « agir », suggéré par le Conseil d'État, visait à éviter un effet rhétorique dénué de portée juridique : même si nous sommes « en guerre » contre beaucoup de choses, nous préférons la sobriété du style aux effets de manche. (Sourires)

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, sous couleur de rechercher un compromis avec le Sénat, a rétabli le texte initial, remplaçant seulement « lutter » par « agir », point tout à fait accessoire.

Loin de répondre aux arguments juridiques du Sénat, les députés ont entretenu le flou sur les effets juridiques attendus de ce projet.

Le Gouvernement annonce instituer « un véritable principe d'action des pouvoirs publics », mais a reconnu que la Charte de l'environnement s'applique aux autorités publiques depuis seize ans.

Le Gouvernement ne parle plus de « quasi-obligation de résultat », mais d'obligation de moyens renforcée. Quelle est la portée exacte de cette notion ? Il s'agit d'inverser la charge de la preuve, nous dit-on, d'obliger les pouvoirs publics à démontrer qu'ils ont accompli toutes les diligences raisonnables pour assurer la préservation de l'environnement. Soit, mais il faut beaucoup d'imagination pour faire produire au verbe « garantir » de tels effets...

Le rapporteur de l'Assemblée nationale prétend que le texte érige la protection de l'environnement en principe constitutionnel : c'est faux, la Charte de l'environnement a déjà valeur constitutionnelle. Il déclare que le texte pourrait constituer « le support d'actions en carence contre le législateur », or dans notre État de droit, en vertu de la séparation des pouvoirs, aucune juridiction n'a le pouvoir d'adresser des injonctions au législateur. La disposition proposée ne suffirait pas, à elle seule, à opérer un tel bouleversement.

En séance, il s'est prévalu d'un esprit de « dépassement et de rassemblement » vis-à-vis du Sénat, ce qui ne manque pas d'humour. (Sourires)

Pour notre part, nous sommes impatients de passer de la communication au débat juridique de fond. Notre mission première est de défendre le droit. D'où la rédaction que nous proposons, selon laquelle la France « agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004 ».

J'ai entendu ce matin plusieurs ministres tenir des propos fort désobligeants sur le Sénat (Exclamations indignées à droite), taxé de ringardise, accusé de bloquer le processus alors que l'Assemblée nationale ferait un pas vers nous... Je leur réponds qu'en défendant l'indéfendable, ils ont commis plus qu'un faux pas, une faute ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Éliane Assassi .  - Sans surprise, le Sénat a réécrit ce texte en première lecture pour en affaiblir la portée et le réduire à une tautologie renvoyant à la Charte de l'environnement.

Sans surprise, l'Assemblée nationale a rétabli le fameux « garantit », tout en cédant sur « lutte ». Nous voici coincés dans un débat purement sémantique, dans le cadre d'une navette qui pourra s'éterniser...

Nous dénonçons cette instrumentalisation du Parlement, purement dilatoire. Nous proposions de dépasser les symboles et d'étendre la Charte aux principes de solidarité écologique et de non-régression, ce qui aurait permis au juge constitutionnel de censurer la réintroduction des néonicotinoïdes ou la loi ASAP.

Mais le Gouvernement comme la majorité sénatoriale cherchent surtout à faire illusion.

Cette farce constitutionnelle...

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - ... nous agace d'autant plus que le référendum annoncé, nous le savons, n'aura jamais lieu.

M. Roger Karoutchi.  - C'est évident !

Mme Éliane Assassi.  - Pour le Gouvernement, comme dans le Guépard de Visconti, « Il faut que tout change pour que rien de change » ! Ainsi, sur la loi Climat, nous avons passé deux semaines à débattre de mesures insignifiantes, qui ne remettent nullement en cause le système de production et les intérêts économiques. Ces débats stériles décrédibilisent le politique dans son ensemble.

Cette réforme constitutionnelle passe à côté de l'essentiel : il faut en finir avec la présidentialisation du régime, engager l'irruption citoyenne et rééquilibrer les pouvoirs en faveur du Parlement. Sur le climat, commençons par faire respecter la Charte et remettre en cause les traités de libre-échange, les privatisations et la casse du service public.

Il faudra enfin respecter l'Accord de Paris. Le Conseil d'État vient d'enjoindre à l'État de prendre toutes les mesures utiles pour tenir ses objectifs. Notre maison brûle et vous ne cessez de l'arroser d'essence ! Il ne restera bientôt que des cendres et la colère légitime de nos concitoyens.

Nous voterons contre ce texte inutile et inopérant, qui n'a d'autre fonction que détourner l'attention des véritables objectifs de ce Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas donné suite aux trois points soulevés par le Sénat en première lecture. Non, le débat n'est pas uniquement sémantique, monsieur le ministre.

Le premier point, ce sont les incertitudes béantes sur les effets d'une « garantie » par la Nation.

Le second, c'est notre refus d'une hiérarchie entre les normes constitutionnelles.

Le troisième, c'est notre attachement à la conception traditionnelle mais respectable des droits subjectifs - les droits de l'homme, tels que consacrés en 1789 - et le refus d'un basculement vers des droits dits objectifs - les droits de la nature. Pour nous, l'éthique à l'égard de l'être humain reste première.

Selon le garde des Sceaux, le Sénat aurait refusé la main tendue. Mais où est la main tendue ? Où est la volonté de dialogue ?

Ne vous en déplaise, la proposition du Sénat a bien un effet juridique puisqu'elle mentionne la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure pas dans la Charte de l'environnement.

La proposition du Gouvernement serait l'expression d'une haute ambition environnementale, nous dit-on - sans modification de la hiérarchie des normes. Or la seule manière de donner un sens à votre dispositif réside justement dans le changement de hiérarchie des normes ! La contradiction intellectuelle est patente...

La préservation de l'environnement et de la biodiversité ne seraient que des objectifs à valeur constitutionnelle, sans portée réelle, dites-vous. Or ils ont bien une valeur normative, même si le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel est moins strict que sur une norme législative détaillée précisément. L'ensemble des éléments de la Charte de l'environnement constituent une norme juridique.

Enfin, curieuse idée que de réformer la Constitution pour une question de charge de la preuve : il s'agit d'une donnée procédurale qui n'a aucun caractère constitutionnel.

La juridictionnalisation de la société, constante, est demandée par nos concitoyens et doit être abordée sereinement en dialoguant avec les juges, ou en utilisant les articles 88-4 et 88-6 de la Constitution.

Les juridictions s'emparent désormais de normes internationales ou nationales : l'arrêt Big Brother Watch de la Cour européenne des droits de l'homme s'explique par les articles 8 et 10 de la Convention, l'arrêt « Quadrature du Net » de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Idem pour les positions de la Cour de cassation sur les conditions de détention décentes. Et dans son arrêt du 1er juillet 2021, le Conseil d'État a intimé à l'État de tenir les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris...

Le débat sur la notion de garantie prend désormais un reflet différent. De plus en plus, les juges, européens ou nationaux, donnent rang juridique à ces éléments.

Le Sénat tient à la référence à la Charte de l'environnement, d'autant que le Gouvernement n'a jamais expliqué en quoi celle-ci aurait été défaillante, ni présenté de bilan.

La volonté de dialogue du Sénat n'étant pas été saisie par l'Assemblée nationale, le groupe UC approuvera la proposition de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Si j'étais taquin, je dirais que tout cela devient croquignolesque, alors que le sujet appelle le plus grand sérieux. Comme dans un remake parlementaire d'Un jour sans fin, nous sommes enfermés dans une boucle temporelle, à reprendre ces débats de pharisiens où chacun, Gouvernement, l'Assemblée nationale et majorité sénatoriale, feint de chercher un compromis dans un jeu de poker menteur. Il n'y aura ni référendum, ni Congrès ; la démarche était insincère dès l'origine. Tout ça pour ça...

La loi fondamentale et la préservation de la planète ne méritent-elles pas mieux qu'un jeu de dupes ? L'objectif est bien que la réforme constitutionnelle échoue.

Ce texte relève en réalité du prétexte. Emmanuel Macron cherche à déporter une double responsabilité sur le Sénat : celle de son manque d'ambition face au défi climatique, illustré par la loi Climat ; ensuite, le non-respect de l'engagement pris devant la Convention citoyenne.

La majorité sénatoriale, quant à elle, tente d'échapper à ce piège politique grossier. Faut-il offrir un référendum au Président de la République à la veille des élections ou le bloquer, quitte à nourrir le cliché d'un Sénat ringard en décalage avec son temps ? La majorité sénatoriale a choisi la seconde solution. Elle préfère une rédaction symbolique mais peu normative, un placebo, au détriment de la finalité.

En définitive, elle ripoline en vert l'image d'Emmanuel Macron. Ainsi, ce matin, le porte-parole du Gouvernement, connu pour sa finesse et sa sincérité, fustigeait un Sénat climato-sceptique, qui bloquait la réforme constitutionnelle...

Quel est le résultat de ce manège politique ? Quel coût pour la démocratie, et pour la planète ? Nos débats parlementaires n'intéressent guère, les calculs politiques alimentent la crise démocratique et nourrissent l'abstention.

Certes, on peut considérer que les 150 citoyens de la Convention citoyenne n'ont pas à dicter la marche à suivre au Parlement. Mais la vraie question, c'est que le Président de la République ne souhaite pas tenir ses promesses et rejette la responsabilité sur les sénateurs, qui assument leur travail de législateur.

Pendant ce temps, la transition écologique se retrouve l'otage de considérations politiques. L'environnement est passé derrière l'exégèse. D'autres pays ont pourtant mené à bien de telles réformes constitutionnelles sans conséquences dramatiques.

N'avons-nous pas une obligation de résultat en matière environnementale ? Qui peut s'affranchir d'une responsabilité envers les générations futures ?

La situation n'est plus tenable. Selon le GIEC, une hausse de la température de plus de 1,5 degré entraînerait des conséquences graves pendant des siècles, parfois irréversibles.

Aux spécialistes du droit, et ils sont nombreux, je rappelle que le Conseil d'État a sommé le Gouvernement d'agir pour le climat d'ici avril 2022 sous peine d'astreinte financière.

Aux contemplatifs, je citerai les vagues de sécheresse, les inondations, le dôme de chaleur au Canada, les tempêtes de grêle...

Notre Charte de l'environnement n'est pas suffisante. La Constitution doit donc être adaptée aux nécessités de notre temps.

Notre volonté politique doit être la plus forte possible, ce qui suppose une réécriture ambitieuse de l'article premier. Nous aurions souhaité y intégrer la notion de préservation des biens communs mondiaux, objet d'une proposition de loi de Nicole Bonnefoy, quitte à contraindre le droit de propriété.

Les Français doivent pouvoir s'exprimer sur ce sujet. Nous n'ajouterons pas de l'obstruction à l'obstruction. C'est pourquoi nous n'avons pas déposé d'amendements et nous voterons contre les propositions de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. Alain Marc .  - La prise de conscience de l'urgence face au péril climatique doit être mondiale. Le Canada a enregistré des températures de 49,6°degrés, qui ont provoqué de nombreux décès. Des phénomènes météo violents frappent régulièrement nos agriculteurs : épisodes de gel, sécheresse toujours plus précoce et grave, saisons de moins en moins prévisibles.

Le projet de loi constitutionnelle a encadré l'examen du projet de loi Climat, qui visait principalement à réduire les émissions des gaz à effet de serre. Le Sénat a prôné le réalisme et le pragmatisme : la transition, pour être efficace, doit être ancrée dans le réel.

La rédaction de l'Assemblée nationale a été modifiée, mais soulève les mêmes problèmes qu'à l'origine. Le verbe « garantir » a refait son apparition, là où nous avions préféré « agir ». Notre position n'a pas varié depuis la première lecture : le groupe INDEP refuse de faire entrer l'incertitude dans notre Constitution.

Il y a urgence, oui, urgence à faire les choses bien. Nous devons concilier les libertés. La protection de l'environnement passera par les volets sociaux et économiques. Il faut une écologie humaniste et libérale contre le changement climatique.

Demain, nous circulerons dans des transports plus propres, nous aurons décarboné les industries les plus polluantes comme l'acier et le ciment, notre économie sera plus circulaire, notre mode de vie aura évolué.

Mais nous devons nous en donner la possibilité, avec une relance et une croissance vertes : la protection de l'environnement doit être pensée par tous les acteurs, du monde entier.

Nous voulons une modification de la Constitution efficace, écartant tout flou. Préservons-nous de tout glissement vers un gouvernement des juges. Les arbitrages politiques ne relèvent pas des juges mais des élus.

Les sénateurs, représentant des collectivités territoriales, savent les contraintes qui pèsent sur les élus locaux en matière environnementale. Ceux-ci les acceptent sans rechigner. La France doit agir pour la préservation de l'environnement et de la biodiversité, dans le cadre de la Charte de l'environnement, trésor de notre bloc de constitutionnalité. C'est le sens de la proposition de notre rapporteur. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, le groupe INDEP votera ce texte à l'unanimité.

M. Guy Benarroche .  - Cet après-midi, j'ai le coeur lourd d'assister à l'enterrement d'une belle promesse, enterrement prévisible, prémédité par la majorité de droite du Sénat.

La vie sur terre peut s'adapter à une élévation des températures, l'humanité ne le peut pas. Ce sont les membres du GIEC qui le disent - pas une horde de décroissants. Nous n'avons plus le temps de tergiverser.

Je refuse de me résigner à l'inaction, d'ailleurs dénoncée par le Conseil d'État jeudi dernier.

La CCC a émis le souhait d'ériger le principe de protection de l'environnement et de lutte contre le changement climatique au coeur de la Constitution. Le texte de l'Assemblée nationale a ses limites, et nous aurions préféré une rédaction plus complète, mais je m'étonne que la majorité se braque ainsi devant le terme « garantit ». La sémantique a ses limites. À la vérité, ce terme vous effraie car il emporte une obligation d'action.

Pourtant, sur le terrain, élus et citoyens ont compris la nécessité d'agir. Nous devons inscrire cette ambition dans le droit. Alors que nous regrettons l'absence de débat sur le CETA, cette garantie nous servirait pour les accords de libre-échange.

Le jeu de dupes a été initié par le Président de la République, mais vous jouez le jeu ! Les seuls qui avancent de façon transparente sur le sujet, ce sont les écologistes. (Mme Éliane Assassi le conteste.)

Osez présenter ce projet aux citoyens ! N'ayez pas peur d'eux, permettez-leur d'en débattre !

Ce projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux mais c'est une première étape essentielle.

Bien sûr, les renoncements successifs du Gouvernement sur les néonicotinoïdes ou le glyphosate ne seront pas effacés par ce projet de loi constitutionnelle.

Les citoyens, les marcheurs pour le climat, les associations, les scientifiques et experts nous demandent d'agir plus vite et plus fort. Nous sommes prêts à voter ce texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Nous voterons contre les amendements du rapporteur. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce deuxième rendez-vous sur le présent projet de loi constitutionnelle appelle deux constats : la navette a bien suivi son cours ; et la politique des petits pas des rapporteurs à l'Assemblée et au Sénat n'a pas suffi à obtenir un consensus.

La France doit s'armer de nouveaux outils juridiques face à l'urgence climatique. Au-delà de la sémantique, il y a des divergences d'ambition. Nous ne comprenons pas que la majorité sénatoriale défende une rédaction tautologique, sans effet juridique nouveau.

Il est vrai que l'absence de consensus entre les constitutionnalistes ne contribue pas à clarifier les débats. Mais il est difficile d'imaginer qu'un texte puisse être à la fois inutile et dangereux, comme l'affirme la majorité sénatoriale.

Nous défendons une voie médiane. Nous n'avons pas voulu modifier le préambule de la Constitution de 1946 pour établir une prééminence de l'environnement sur d'autres principes.

Le verbe « garantir », qui figure déjà dans le bloc de constitutionnalité, serait difficile à articuler avec l'article 6 de la Charte de l'environnement, nous dit-on. Mais l'article 2 de cette même Charte dit déjà que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement », sans que les objectifs du développement durable aient jamais été remis en cause.

Le texte de l'Assemblée nationale ne compromet aucunement la conciliation entre droits et libertés. C'est un projet de loi ambitieux, réponse symbolique à la prise de conscience environnementale de nos concitoyens. Ne le réduisons pas à ce que certains, désignant la Convention citoyenne pour le climat, ont appelé avec mépris un « Comité de salut public 3.0 ».

M. Philippe Bas.  - Je m'en souviens !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Réformer la Constitution n'est jamais anodin, dit le rapporteur. Mais en maintenant son désaccord, il nous propose une réécriture cristallisée sur un verbe, qui ne produira pas d'effets juridiques. Devons-nous convaincre nos concitoyens de se rendre aux urnes pour une réforme privée de toute portée ? Ce serait un parti pris cynique, très en deçà de l'urgence environnementale. Le groupe RDPI ne votera pas ce projet réécrit et minoré. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - La décision du Conseil d'État « Commune de Grande-Synthe » du 1er juillet tombe à pic. Elle confirme l'insécurité juridique qui fait suite aux insuffisances de l'État en matière de protection de l'environnement. Le contentieux climatique n'en est qu'à ses balbutiements, et le verdissement de la jurisprudence se poursuivra, avec ou sans ce projet de loi constitutionnel.

Le Conseil d'État rappelle que le principe de protection de l'environnement est déjà au plus haut dans la hiérarchie des normes. Son inscription à l'article premier de la Constitution ne lui conférerait aucune prééminence juridique. N'accordons pas au verbe « garantir » une valeur juridique contraignante : le droit constitutionnel, a rappelé le professeur Dominique Rousseau, ne distingue pas entre obligation de moyens et obligation de résultats.

Les inquiétudes se dissiperont à la faveur du double filtrage des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : saisine indirecte par les parties et contrôle préalable par le Conseil d'État et la Cour de cassation. Au surplus, le Conseil constitutionnel anticipe les conséquences économiques, sociales et politiques de ses décisions.

La commission des lois a fait en sorte que le texte n'ait aucun effet. C'est une réforme symbolique, oui, mais des symboles, il y en a déjà plusieurs dans la Constitution.

Le Gouvernement, certes, est allé un peu vite en besogne. La rédaction de la Charte de l'environnement avait impliqué un comité d'experts présidé par Yves Coppens, ainsi que des assises territoriales. Pris en étau entre des jeux politiciens qui se concrétisent dans cette navette infinie, ce texte ne satisfera personne. Ceux qui veulent aller plus loin le qualifieront de cosmétique, les autres de dangereux. Il a au demeurant recueilli moins de votes en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Et le climat, pendant ce temps, s'emballe...

Tergiverser, c'est risquer des restrictions de libertés plus graves demain. Le pré-rapport du GIEC pour 2022 prévoit que l'homme ne survivrait pas à un changement climatique majeur sans changement radical de ses comportements. Or la France n'agit pas comme elle le devrait. Si la rédaction du Sénat est retenue, ce texte n'aura aucune incidence juridique.

Dans ces conditions, nos concitoyens se déplaceront-ils si ce texte est soumis à référendum ? Rien n'est moins sûr. Avec une partie de mon groupe, je voterai contre cette rédaction. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Martin Lévrier et Guy Benarroche applaudissent également.)

M. Philippe Bas .  - Grâce à la Charte de l'environnement voulu par Jacques Chirac, la protection de l'environnement est une exigence constitutionnelle depuis 2005.

Pourquoi cette réforme constitutionnelle ? Que va-t-elle changer ? Quelles nouvelles obligations emporte-t-elle ? Personne n'a su le dire : ni la Convention citoyenne sur le climat, ni le Gouvernement, ni même le Conseil d'État, qui a nettement exprimé ses réserves.

Les implications du texte sont inconnues et imprévisibles. Une chose est certaine : l'article premier de la Constitution n'a pas plus de valeur juridique que la Charte de l'environnement. La distinction entre une règle constitutionnelle et un objectif de valeur constitutionnelle ne dépend pas de la localisation de la norme constitutionnelle.

Deuxième constat, le nouvel article premier et la Charte de l'environnement entreraient en contradiction. Selon l'article 6 de cette dernière, « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. » L'article premier, complété par l'Assemblée nationale, dit que « la République garantit la préservation de l'environnement et la diversité biologique. » Chaque mot compte : « préserver » est plus fort que « protéger », mais surtout « garantir » exclut la conciliation prévue par la Charte. C'est un choix politique, qui n'est pas sans conséquences.

Troisième constat, la combinaison entre l'article 6 de la Charte et le nouvel article premier sera impossible. Dans ce conflit de normes, c'est la plus récente qui s'imposera ; dans le cas contraire, le texte serait dépourvu de toute portée. Ce ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau, qui ne mérite pas un vote du Parlement, encore moins un référendum.

Le rideau de fumée répandu autour de ce projet ne semble pas vous déranger, monsieur le garde des Sceaux. Vous vous en remettez au Conseil constitutionnel pour déterminer posteriori le contenu du changement proposé - c'est sans précédent dans notre histoire constitutionnelle, cela laisse le législateur de demain dans l'incertitude, ceux d'hier et d'aujourd'hui sous la menace d'une QPC.

Après une deuxième lecture par l'Assemblée nationale qui n'a tenu aucun compte de nos travaux, devrions-nous renoncer à exercer pleinement notre responsabilité de constituant et adopter ce texte à l'aveugle ? Devrions-nous accepter ce cas singulier d'incompétence constitutionnelle ?

Mais si nous n'avons pas le droit de voter une loi floue, interdisons-nous à plus forte raison de voter une révision constitutionnelle ambiguë et ectoplasmique. Ce projet est à la révision constitutionnelle ce que les montres de Dali sont à l'horlogerie... (Sourires)

N'y voyez pas insulte à votre sens artistique : ce texte que vous défendez est le produit d'un aréopage qui ne vous a pas demandé votre avis, pas plus qu'il n'a pris le temps de mettre son expertise juridique au niveau de l'expertise environnementale dont il se prévaut... Les 150 archontes d'Athènes réunis sur le mont d'Arès n'étaient, eux, pas choisis au hasard, mais issus des plus hautes magistratures.

Voilà ce qui explique ce résultat désolant que, pourtant, personne, si ce n'est le Sénat, n'a osé remanier pour lui donner sens et sécurité juridique. Je remercie le président Buffet de s'y être attelé avec efficacité et sagacité.

La contradiction entre deux normes constitutionnelles opposées est-elle délibérée ? Monsieur le garde des Sceaux, vous êtes resté au milieu du gué. Si vous pensez que le développement durable est une notion dépassée, ne laissez pas subsister l'article 6 de la Charte. Dites clairement que la garantie de préservation de l'environnement l'emporte sur le développement économique et le progrès social. Vous en avez le droit, mais nous ne partageons pas cette conviction. Il faut dire aux Français qu'il y a ceux qui veulent inscrire la politique écologique dans le développement durable, et ceux qui veulent l'en faire sortir.

Le Conseil constitutionnel a l'habitude de concilier des principes constitutionnels opposés. Mais nos droits fondamentaux sont relatifs, et non antagonistes. C'est ce qui permet le compromis.

L'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen définit la liberté comme « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », ouvrant ainsi à une conciliation entre droits des uns et liberté des autres. La même logique est à l'oeuvre partout, et il en va de même pour l'article 6 de la Charte de l'environnement.

Le Conseil constitutionnel sait ce qu'il a à faire ; il ne s'érige pas en constituant délégué. Mais en l'espèce, il sera confronté à une contradiction, et sera contraint de rejeter le développement durable, qui lie économie, écologie et social, dans un passé lointain. Ce choix sera binaire, sans moyen terme.

Le texte de l'Assemblée nationale, en signant un chèque en blanc au Conseil constitutionnel et aux groupes de pression susceptibles de le saisir, lierait les mains du Parlement et du peuple français.

Le Président de la République devrait pourtant se souvenir que, lorsqu'il a dû renoncer à l'écotaxe - refusée par le Sénat - il s'est trouvé bien heureux que le législateur ait la faculté constitutionnelle de concilier les exigences économique et sociale avec l'impératif écologique pour désamorcer la crise des gilets jaunes... Cela ne serait plus possible avec l'adoption de ce texte en l'état. Nous ne pouvons nous soumettre par avance aux aléas de la jurisprudence constitutionnelle.

Protégeons nos institutions, n'aliénons pas notre capacité souveraine de légiférer, écartons le texte de la Convention citoyenne et réécrivons le texte comme le propose notre rapporteur. Sans quoi, notre renoncement serait une abdication.

C'est au Gouvernement et au Parlement de décider de la politique écologique de la Nation. Ils doivent pouvoir la modifier si l'intérêt de la Nation ou la volonté du peuple le commande, sans interdit invisible.

Préférons la voie étroite et féconde du développement durable à l'écologie de la décroissance que le texte de l'Assemblée nationale porte en germe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 17 h 25, reprend à 17 h 45.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Folliot.

Supprimer cet article.

M. Philippe Folliot.  - Monsieur le ministre, je ne voterai pas ce projet de loi constitutionnel. Il est dangereux de modifier la Constitution au gré des opportunités, politiques ou autres. Toucher à la loi fondamentale n'est pas anodin. Nous devons plutôt veiller à sa stabilité.

Selon vous, ce texte n'aurait aucun effet juridique nouveau. Alors, à quoi bon le voter ?

J'ai rencontré plus de deux cents maires de mon département au cours de la campagne électorale. Pas un ne m'a dit qu'il était urgent de changer la Constitution - et pas un concitoyen non plus.

Pour lutter contre le changement climatique, il faut des actes, des politiques, plutôt que de toucher aux normes juridiques. Le Sénat ne doit pas entrer dans ce jeu. Supprimons cet article pour maintenir l'équilibre existant.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement supprime l'article unique, que la commission des lois a préféré modifier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis. Vous supprimez purement et simplement l'objet de cette réforme. Je regrette que vous n'ayez pas rencontré un citoyen qui considère cette révision comme indispensable... Nous en avons rencontré cent cinquante !

M. Loïc Hervé.  - Tirés au sort !

Mme Catherine Procaccia.  - Je vote l'amendement.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Remplacer les mots :

garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique

par les mots :

agit pour la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement se justifie par son texte même, et je l'ai déjà présenté. Il renvoie à la Charte de 2004 sur le développement durable.

M. le président.  - Amendement identique n°5 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Marseille, Allizard, Anglars, J.M. Arnaud, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti, Berthet et Billon, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bonneau, Bonnecarrère et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Burgoa, Cadic et Calvet, Mme Canayer, MM. Canévet, Capo-Canellas, Cardoux et Cazabonne, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chauvet, Mme Chauvin, M. Cigolotti, Mmes de Cidrac et de La Provôté, M. Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et Delahaye, Mme Delmont-Koropoulis, M. S. Demilly, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco, Dindar, Doineau et Drexler, M. Duffourg, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Férat, M. B. Fournier, Mme C. Fournier, M. Frassa, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam et Gatel, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et N. Goulet, MM. Grand et Gremillet, Mmes Gruny et Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, MM. Hingray, Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacquemet et Jacques, M. Janssens, Mmes Joseph et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kern, Klinger, Lafon et Laménie, Mme Lassarade, M. Laugier, Mme Lavarde, MM. Le Nay, Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Le Rudulier et Longuet, Mme Lopez, MM. Louault, Mandelli, P. Martin et Maurey, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Mizzon et Moga, Mme Morin-Desailly, M. Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Nougein, Pellevat et Perrin, Mme Perrot, M. Piednoir, Mme Pluchet, MM. Poadja et Pointereau, Mme Primas, M. Prince, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Reichardt et Rietmann, Mme Saint-Pé, MM. Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido et Sol, Mme Sollogoub, MM. Somon et Tabarot, Mme Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mmes Ventalon, Vérien et Vermeillet et MM. C. Vial et Vogel.

M. Philippe Bas.  - Cet amendement du groupe Les Républicains est identique à celui de la commission des lois : il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre nos positions respectives.

Il peut y avoir plusieurs politiques écologiques. Le Gouvernement avance masqué avec la sienne, rompant avec le développement durable qui concilie écologie, économie et progrès social.

Nous demandons que l'Assemblée nationale et le Gouvernement saisissent la main tendue du Sénat. Les Français sont attachés au développement durable ; ils veulent l'écologie, mais aussi le développement économique, l'emploi et le progrès social - pas une écologie punitive ou la décroissance !

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après le mot :

préservation

insérer les mots :

et l'amélioration constante

M. Guy Benarroche.  - Les amendements précédents opposent une prétendue écologie de la décroissance à une écologie soi-disant pragmatique... Tenant compte de leur probable adoption, notre amendement consacre l'obligation pour l'État de protection de l'environnement en élevant au rang constitutionnel l'objectif d'amélioration constante de l'environnement. Il aura ainsi une valeur égale à celle des principes constitutionnels de droit de la propriété et de liberté des entreprises, avancés pour autoriser la mise sur le marché des néonicotinoïdes et de produits phytosanitaires extrêmement nocifs. 

La France serait ainsi mieux armée juridiquement pour se conformer aux objectifs de l'Accord de Paris et, plus généralement, à ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion de la résilience.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°5, contraire à la position de la commission des lois. La Charte de l'environnement impose déjà à toute personne de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Monsieur Bas, c'est le Gouvernement qui a tendu la main au Sénat ! Deux mots étaient en discussion, nous avons accepté d'en modifier un. Vous n'avez pas évolué sur l'autre. N'ayant pas le sens de l'effort inutile, je ne tiens pas à prolonger artificiellement les débats... Je persiste et signe : s'il y a eu modification, elle est venue de notre côté.

M. Éric Kerrouche.  - Monsieur Bas, vous vouliez sans doute dire qu'il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre le groupe Les Républicains et la majorité de la commission des lois. Car avec le reste de la commission, il y a une bonne épaisseur de tabac !

Le verbe « garantir » n'a pas le même sens en droit constitutionnel et en droit pénal. Vous en exagérez la portée, dans ce qui n'est qu'un jeu sémantique.

La proposition du Gouvernement n'allait pas très loin ; celle du rapporteur est inutile, car tautologique dans sa référence à la Charte de l'environnement. Nous voterons contre ces amendements identiques.

Les amendements identiques nos3 et 5 rectifiés sont adoptés.

L'amendement n°9 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle garantit aux générations présentes et à venir le droit de vivre dans un environnement sain et sûr.

Mme Raymonde Poncet Monge - Les atteintes à la biodiversité et à l'environnement pourraient, à terme, détruire l'humanité. Aussi la France doit-elle mettre en oeuvre toutes les politiques environnementales nécessaires afin de limiter l'impact des activités humaines à un niveau permettant à l'humanité de disposer des fonctions essentielles de la biosphère.

Le droit à un environnement sain, dans lequel on peut inclure le droit à l'eau, à un air non pollué, aux bénéfices de la biodiversité, est inscrit dans la Charte de l'environnement de 2005. Érigeons ce droit en principe constitutionnel en l'inscrivant à l'article premier de la Constitution.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle, satisfait votre amendement en faisant référence aux droits des générations futures.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Compléter cet article par les mots :

, dans le respect des limites planétaires

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le concept de limites planétaires, proposé en 2009 par une équipe internationale de 26 chercheurs, est déjà utilisé par de grands groupes industriels privés.

Notre société ne doit pas évoluer au détriment des capacités de notre planète, de ses ressources naturelles, de leur capacité de renouvellement.

Une limite d'émission n'aura de sens et ne sera acceptée que si elle est mise en rapport avec le maximum qui serait possible avant un dépassement des ressources de la planète.

Cette inscription dans la Constitution solidifierait les démarches d'inscription dans le droit de limites chiffrées d'émission de CO2, de destruction forestière, de limites de pêche et autres.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement superflu. Comment pourrait-on préserver l'environnement sans respecter les limites planétaires ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Dépasser ces limites, c'est pourtant bien ce que nous faisons, et de plus en plus tôt dans l'année - dès le mois d'août désormais ! Il nous incombe de repousser cette date au 31 décembre.

M. Philippe Bas.  - Je ne voterai pas cet amendement inutilement restrictif : n'oublions pas la pollution dans l'espace par les particules métalliques, résidus d'objets satellisés... Il faudrait prendre en compte les limites interstellaires ! (Sourires)

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle assure un haut niveau de protection de l'environnement selon le principe de non-régression.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Un droit humain à l'environnement ne devient réalité qu'avec la garantie juridique que chaque avancée pour la préservation de l'environnement ne pourra être remise en cause.

Cela n'empêche pas les autorités d'agir, mais crée une obligation positive, notamment pour le législateur, de ne pas dégrader les avancées écologiques.

Au vu de la récente validation par le juge du retour en arrière sur les néonicotinoïdes, il convient de souligner qu'à défaut de faire plus, on ne peut plus se permettre de faire moins.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amendement est partiellement satisfait par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a dégagé dans une décision du 10 décembre dernier un principe de non-régression tempéré en matière d'environnement.

Le Conseil constitutionnel a considéré que les limitations portées par le législateur au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles, ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. N'allons pas plus loin.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article unique

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Henno, Moga et Delcros, Mmes Vermeillet et Guidez, MM. Louault, Kern et Le Nay, Mmes Sollogoub et Saint-Pé et M. Détraigne.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 75-1 de la Constitution, après le mot : « régionales », sont insérés les mots : « , y compris celles enseignées de manière intensive ».

M. Olivier Henno.  - Cet amendement de M. Canévet, d'inspiration plus bretonne que ch'ti ou picarde, inscrit l'apprentissage intensif des langues régionales dans notre Constitution.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est éloigné de l'objet du texte. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Canévet, Henno, Moga et Delcros, Mmes de La Provôté et Vermeillet, MM. Louault, Kern et Le Nay, Mmes Morin-Desailly, Sollogoub et Saint-Pé et M. Détraigne.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, après le mot : « élus », sont insérés les mots : « , y compris pour la représentation dans les établissements publics de coopération ».

M. Olivier Henno.  - Cet amendement donne davantage de liberté aux exécutifs locaux pour la représentation dans les établissements publics de coopération, au nom de la libre administration des collectivités territoriales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce n'est pas l'objet de cette révision constitutionnelle. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié ter n'est pas adopté.

Explications de vote

Mme Muriel Jourda .  - Monsieur le garde des Sceaux, nous ne croyons guère à la main tendue, que ce soit celle du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale. L'inscription des termes « agit pour » dans le texte ne fait que répondre à une recommandation du Conseil d'État !

Oui, le verbe « garantir » nous inquiète, parce qu'il emporte soit une quasi-obligation de résultat, soit une obligation de moyens renforcée. Personne ne mesure sa portée juridique.

À nos yeux, le cadre du développement durable prévu par l'article 6 de la Charte de l'environnement, qui permet que la préservation de l'environnement ne se fasse pas au détriment du progrès social ni du développement économique, doit être maintenu.

Le groupe Les Républicains, dans sa grande majorité, soutient la rédaction proposée par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'ensemble du projet de loi constitutionnel est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°156 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 210
Contre 127

Le Sénat a adopté.

(M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, applaudit.)

La séance est suspendue quelques instants.