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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Constructions illégales en zone naturelle

M. Alain Cazabonne

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Revitalisation des centres de villes moyennes

M. Bruno Rojouan

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Les vallées des Alpes-Maritimes après la tempête Alex

M. Philippe Tabarot

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville

Rendre lisible la réforme de la fiscalité locale

Mme Pascale Gruny

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Crédit d'impôt pour investissements en Corse

M. Jean-Jacques Panunzi

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Situation de la société Argicur

M. Serge Mérillou

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Présence postale dans les territoires

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Antenne 5G à Berre-les-Alpes

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Participation des employeurs territoriaux à la prévoyance

Mme Élisabeth Doineau

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Reconduction du dispositif « vacances apprenantes »

M. Jean-Jacques Michau

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Fermeture des classes et diminution des heures de cours

Mme Béatrice Gosselin

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Places en établissement pour les personnes en situation de handicap

Mme Jacky Deromedi

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Hyper-fréquentation et sur-tourisme dans les petites communes

M. Pascal Martin, en remplacement de Mme Agnès Canayer

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire

Indemnisation en cas de foyers d'encéphalite à tiques

M. Patrick Chaize

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Médiation familiale

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Derniers oubliés du Ségur de la Santé

M. Gilbert Favreau, en remplacement de M. Philippe Mouiller

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Sécurité des enfants en famille d'accueil

M. Hugues Saury

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Vers une télémédecine interdépartementale pérenne

Mme Nicole Duranton

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Revalorisation des métiers de l'autonomie

M. Michel Canévet

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Traitement du cancer du sein triple négatif métastatique

M. Jean-Luc Fichet

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Accès aux soins en Seine-Saint-Denis et situation de l'hôpital de Montreuil

M. Fabien Gay

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Sectorisation du SAMU des Alpes-de-Haute-Provence

M. Jean-Yves Roux

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Projet de reconstruction du commissariat de police de Cognac

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Effectifs supplémentaires de police

M. Didier Marie

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Prime pour les CRS du secours en montagne

M. Didier Rambaud

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Stationnement des caravanes sur des terrains classés

M. Didier Mandelli

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Loyers impayés

M. Jean-Baptiste Blanc

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation

M. Pascal Martin

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Stocamine

Mme Sabine Drexler

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Réforme du code minier

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Sauvegarde du patrimoine riparien

M. Vincent Segouin

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Déviation du Taillan-Médoc et risque de pollution de l'eau

Mme Monique de Marco

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Aménagement de l'aéroport Nantes-Atlantique

Mme Laurence Garnier

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée

Rétrocession des pont-routes aux communes

M. Jean-Pierre Decool

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Traversée de Villecresnes

M. Laurent Lafon

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement

Commission (Nomination)

Améliorer la lisibilité du droit

Explications de vote

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques

M. Vincent Delahaye

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Bernard Fialaire

Mme Éliane Assassi

M. Yves Bouloux

Régulation des Gafam

M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie

M. Thierry Cozic

M. Yves Bouloux

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Thomas Dossus

M. André Gattolin

M. Bernard Fialaire

M. Éric Bocquet

M. Jean-Pierre Moga

Mme Claudine Lepage

M. Guillaume Chevrollier

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Rémi Cardon

M. Vincent Segouin

Mme Anne Ventalon

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Céline Boulay-Espéronnier

M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains

Contrôle aux frontières nationales depuis 2015 : bilan et perspectives

Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

M. Roger Karoutchi

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Nicole Duranton

M. Bernard Fialaire

Mme Éliane Assassi

M. Olivier Cigolotti

M. Jean-Yves Leconte

M. Serge Babary

M. Yves Détraigne

Mme Claudine Lepage

M. Stéphane Le Rudulier

M. Jean-Yves Leconte

M. Marc Laménie

M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires

Ordre du jour du mardi 8 juin 2021




SÉANCE

du jeudi 3 juin 2021

103e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Marie Mercier.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle trente-cinq questions orales.

Constructions illégales en zone naturelle

M. Alain Cazabonne .  - Ma question est simple, la réponse sera sans doute plus difficile.

J'ai été alerté par la maire du Taillan-Médoc qui constate que des terrains protégés sont vendus, souvent à des gens du voyage, qui y construisent. Il est alors bien difficile d'obtenir l'arrêt des travaux, voire une démolition.

La préfète a été saisie, elle confirme ces difficultés. Mais il y a un autre problème : le futur schéma des gens du voyage prévoit la régularisation d'installations illicites... Cela inquiète les maires.

Que peuvent-ils faire, en amont, pour s'opposer à la vente ou à la construction ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - Les constructions illégales sont un sujet de préoccupation. Elles remettent en cause les projets de territoire définis par les élus locaux ; elles sont en outre source de risque pour les biens et les personnes.

L'action pénale est un instrument de lutte contre ces constructions et l'instruction du 3 septembre 2014 a visé à mobiliser toute la chaîne.

Notre Gouvernement a souhaité aller plus loin, dans la loi Engagement et proximité de 2019, à l'initiative d'Alain Richard, avec un nouveau mécanisme administratif : une fois le procès-verbal dressé, le maire peut mettre l'auteur de l'infraction en demeure de faire les travaux nécessaires ou de régulariser sa situation. Cette action peut être assortie d'une astreinte pouvant aller jusqu'à 500 euros par jour. Le produit revient à la commune ou à l'EPCI.

Attendons que le dispositif ait porté ses fruits avant d'envisager une nouvelle modification législative.

M. Alain Cazabonne.  - Ce dispositif arrive trop tard. Les maires auraient besoin de s'opposer aux ventes en amont. Je sais que la question est compliquée, c'est une patate chaude...

Revitalisation des centres de villes moyennes

M. Bruno Rojouan .  - Les centres-villes et centres-bourgs sont en voie de délaissement, y compris dans les villes de taille moyenne. Une des causes en est la dévitalisation commerciale ; les boutiques sont remplacées par des banques, des assurances, des agences immobilières. La promenade lèche-vitrines a perdu de son attrait...

Des programmes existent comme Petites villes de demain. Mais dans l'Allier, seules quinze communes sont concernées.

Certains élus ont choisi de limiter l'installation d'institutionnels ou d'interdire les changements d'affectation. Le Gouvernement va-t-il les soutenir et comment entend-il revitaliser nos centres-villes ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - Les commerces de proximité sont fondamentaux. Le programme Action Coeur de ville a fait passer la vacance commerciale de 13 % en 2017 à 12,4 % en 2019.

Le programme Petites villes de demain y concourt également, pour les villes de plus petite taille, en lien avec la Banque des territoires. Il apporte un budget de 20 000 euros par an pour recruter un manager de centre-ville, une aide pour financer un diagnostic flash, une subvention pour créer des plateformes numériques.

Nous poursuivons nos efforts : 400 conventions d'adhésion à Petites villes de demain ont été signées. Dans l'Allier, 37 dossiers ont été déposés, dont 22 pour des postes de manager de centre-ville.

Le plan France Relance prévoit un fonds pour la restructuration de locaux d'activité de 60 millions d'euros qui soutiendra la réhabilitation de 6 000 commerces.

Les vallées des Alpes-Maritimes après la tempête Alex

M. Philippe Tabarot .  - La tempête Alex a été un traumatisme dans les vallées de la Tinée, de la Vésubie, de la Roya, et dans le Haut-Pays de Grasse et certaines communes de la vallée du Var. Nos territoires portent encore les stigmates du drame. Comment indemniser et reloger leurs habitants, leurs entreprises ? Comment financer la reconstruction ?

Sept mois plus tard, les engagements de l'État -  plusieurs centaines de millions d'euros promis par le Président de la République  - restent en suspens. À la mi-avril, seuls 26 millions d'euros ont été versés alors que les besoins sont évalués à 1 milliard d'euros. Les collectivités territoriales se sont mobilisées. Les sinistrés attendent de savoir si le Fonds Barnier interviendra. Les maires demandent un prêt à taux zéro pour relancer les entreprises.

Quel est le calendrier et le montant des sommes à verser par l'État ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - Dès les premieres heures, l'État a répondu présent. Le Premier ministre et le Président de la République sont venus sur place. Dès le 14 octobre, un préfet délégué à la reconstruction a été nommé. Des renforts de sécurité civile et miliaire ont été déployés. Et 26 millions d'euros ont été débloqués en 2020 pour les travaux urgents.

Une mission d'évaluation des biens non assurables des collectivités territoriales a été mise en place, son travail a été salué par tous les élus locaux.

Le Président de la République annoncera prochainement les engagements, mais je puis déjà vous indiquer qu'ils combineront dotations de solidarité pour la réparation, moyens de droit commun - comme la mobilisation du Fonds Barnier - FCTVA, aide européenne de 60 millions d'euros. Un cadre contractuel partagé avec les collectivités territoriales sera signé. L'engagement sera tenu.

M. Philippe Tabarot.  - L'attentisme n'est pas une option. Sept mois après, la situation reste fragile. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels.

Rendre lisible la réforme de la fiscalité locale

Mme Pascale Gruny .  - La réforme de la fiscalité locale est illisible. En compensation de la suppression de la taxe d'habitation, une partie de la taxe foncière est réaffectée aux communes. Sur la feuille d'impôt, la colonne « département » disparaît. Cela prête à confusion !

Les communes de l'Aisne, où le taux de taxe foncière est plus élevé que la taxe d'habitation, vont devoir rendre le surplus de taxe foncière à d'autres communes plus riches. Le contribuable croit que nos communes touchent ces montants.

Quelle solution proposez-vous pour que la feuille d'impôt soit claire et transparente ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - La suppression de la taxe d'habitation est compensée pour les communes par une part de taxe foncière, avec un coefficient correcteur afin que les montants avant et après réforme restent identiques et assurent une compensation à 100 %.

Le département de l'Aisne avait un taux de taxe foncière très élevé, situation atypique liée à un choix fiscal du conseil départemental il y a dix ans. La nouvelle présentation de l'avis de 2021 clarifiera les mécanismes. Cela concernera aussi la Métropole de Lyon et la Ville de Paris.

Nous n'inscrivons pas les montants de compensation, mais un encart didactique expliquera la réforme.

Mme Pascale Gruny.  - Les contribuables ne lisent pas les notices ! Ils regardent les sommes et penseront que l'on a augmenté les impôts dans l'Aisne, département pauvre où l'on rend de l'argent, contrairement à des collectivités comme Paris ! On aurait pu laisser quelques milliers d'euros à ces collectivités territoriales... Les impôts à Saint-Quentin semblent chers.

Crédit d'impôt pour investissements en Corse

M. Jean-Jacques Panunzi .  - Le monde économique rencontre des difficultés dans l'application du crédit d'impôt sur les investissements hôteliers réalisés en Corse.

J'ai déposé un amendement en première partie du projet de loi de finances pour 2021 concernant l'éligibilité au crédit d'impôt, afin de ne pas pénaliser l'hôtellerie de plein air par rapport à l'hôtellerie classique, alors que les prestations offertes sont identiques. C'est une position non restrictive qui a été retenue.

Le texte a été promulgué le 28 décembre 2020. Depuis, je ne cesse de solliciter le cabinet du ministre pour savoir quelle forme prendra cette évolution, sans obtenir de réponse à ce jour.

Cet attentisme est intenable ! Quand interviendra et quelle forme prendra l'adaptation de la doctrine administrative concernant la mobilisation de ce crédit d'impôt ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Les PME corses bénéficient d'un crédit d'impôt sans condition. Sont concernés les biens d'équipement amortissables de manière dégressive et les agencements de locaux commerciaux ouverts au public.

Or la notion d'investissement hôtelier a évolué dans la jurisprudence : les campings ne sont plus considérés comme de l'hôtellerie depuis une décision du Conseil d'État de novembre 2020. Toutefois, un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille a rendu éligibles les locaux correspondants s'il y a des prestations hôtelières.

Aujourd'hui, sont pris en considération les équipements neufs, les locaux liés à la fourniture de prestations hôtelières ; le respect des conditions est vérifié au cas par cas par les services fiscaux.

Nous travaillons à l'adaptation de notre doctrine pour prendre en compte ces jurisprudences contradictoires.

Situation de la société Argicur

M. Serge Mérillou .  - Les dispositifs pour faire face à la crise ne sont pas suffisants. Certaines entreprises périgourdines peinent à garder la tête hors de l'eau. Je pense notamment à Argicur, au Buisson de Cadouin, spécialisée dans la vente l'argile aux établissements thermaux or ces derniers sont fermés depuis des mois.

Elle a perdu plus de 50 % de son chiffre d'affaires, son déficit atteint 400 000 euros et la reprise des activités thermales est soumise à une jauge de 50 % de curistes... Malgré un prêt garanti par l'État (PGE), Argicur ne pourra pas se relever car elle ne serait pas éligible aux aides. Elle emploie six à huit personnes et fait des investissements innovants. Des mesures simples permettant d'éviter la fermeture ne pourraient-elles être mises en place ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Cette société a sollicité le ministère. Toutes les entreprises qui ont perdu 50 % de leur chiffre d'affaires, hors secteur 1, peuvent bénéficier d'une aide correspondant à leur perte de chiffre d'affaires. Argicur l'a sollicitée en janvier puis en avril 2020 mais non ensuite. Elle a également bénéficié d'un PGE.

Cette entreprise ne peut recevoir un traitement particulier, mais elle pourra bien entendu être aidée, notamment au regard de l'examen de sa situation par le comité départemental de suivi financier. En outre, elle pourra être éligible au plan Anti-faillites avec une aide en fonds propres pour le redémarrage de l'activité.

S'il y a des éléments particuliers dans ce dossier, néanmoins, je vous invite à prendre contact avec mon cabinet.

M. Serge Mérillou.  - Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Je ne manquerai pas de prendre contact avec vos services.

Présence postale dans les territoires

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le groupe La Poste s'en sort bien, avec un bénéfice net de plus de deux milliards d'euros.

Sous prétexte de Covid et de digitalisation, un nouveau pan du service public risque toutefois de disparaître à l'occasion de la révision anticipée du contrat de présence postale territoriale. Derrière, se profilent des fermetures d'agences et de guichets...

La compensation accordée par La Poste pour les agences communales n'est pas à la hauteur des dépenses consenties par les communes.

Les relais-poste commerçants ne garantissent pas la confidentialité et marchandent le service public. La disparition des guichets de la Banque postale, associée à la restructuration de la Caisse d'Épargne et à la raréfaction des distributeurs de billets, menace le service public bancaire de proximité.

Monsieur le ministre, le contrat de présence postale territoriale garantira-t-il un maillage adapté ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - La loi garantit un maillage fin du territoire en imposant à La Poste de maintenir au moins 17 000 points de contacts : 90 % de la population d'un département doit être à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes en voiture d'un point de contact.

La baisse de l'activité courrier ne cesse de s'accentuer, avec l'essor de la digitalisation.

L'État consacre 174 millions d'euros par an pour la présence postale dans les zones rurales et de montagne, les quartiers de la politique de la ville et les départements d'outre-mer.

Je suis très attentif à ce que les adaptations menées par La Poste garantissent un haut niveau de qualité de service ; l'Observatoire national de la présence postale, présidé par le sénateur Chaize, y veille.

Le contrat 2023-2025 fera suite à une concertation approfondie avec les élus locaux et nationaux.

Les réflexions en cours sur le service universel postal s'appuient sur le rapport de Jean Launay. La nature et le montant de la compensation ne sont pas encore arrêtés.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Après la réforme des finances publiques, celle de La Poste. À la clé, toujours moins de service public !

Antenne 5G à Berre-les-Alpes

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Le déploiement de la 5G est un enjeu majeur. Le nombre d'antennes nécessaires à la couverture 5G du territoire a été fixée à 10 500 sites d'ici 2025 par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Certaines communes, sans contester le principe de cette installation, indispensable à la couverture numérique, souhaiteraient une concertation sur le lieu d'implantation.

La loi Abeille impose l'information du maire. La loi ELAN a fixé à un mois le délai entre le dépôt du dossier d'information auprès du maire et la demande d'autorisation d'urbanisme permettant de consulter les habitants.

À Berre-les-Alpes, une pétition recensant plus de 200 signatures sur 1 200 habitants, soutenue par le maire, demande le déplacement du lieu d'implantation envisagé, situé à proximité d'une école.

Dans son rapport du 20 avril 2021, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estime « peu vraisemblable, à ce stade, que le déploiement de la 5G dans la bande de fréquence autour de 3,5 GHz constitue un nouveau risque pour la santé », mais estime nécessaire de poursuivre les recherches.

En septembre 2020, le secrétaire d'État chargé du numérique déclarait être prêt à discuter avec les maires pour qu'ils sachent quand une antenne va arriver chez eux.

Le Gouvernement est-il prêt à ouvrir le dialogue avec la commune de Berre-les-Alpes pour rassurer la population ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Je vous prie d'excuser Cédric O.

Nous avons considéré que le succès du déploiement ambitieux de la 5G sur l'ensemble du territoire reposait sur la confiance du public. Nous devons assurer la transparence la plus totale.

Le Gouvernement a donc saisi l'Anses d'une demande d'expertise sur les effets sanitaires éventuels de la 5G, remise en avril. Elle indique que les niveaux d'exposition seront identiques aux technologies précédentes. Comme le préconise l'Agence, nous poursuivrons les recherches. Le plan de renforcement des mesures de l'exposition aux ondes prévoit un triplement des contrôles réalisés par l'Agence nationale des fréquences.

La 5G ne peut se faire sans les élus locaux. Depuis la loi Abeille, les maires peuvent demander une simulation de l'exposition et des mesures de terrain. La concertation passe notamment par le comité de transparence 5G.

Dès lors que l'installation respecte les émissions autorisées, la seule voie possible est celle du dialogue. Cédric O demandera au préfet d'ouvrir une discussion avec l'opérateur pour rechercher une alternative.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Sur ces sujets, l'irrationnel l'emporte souvent. Il faut donc privilégier le dialogue et la concertation.

Un maire ne peut refuser l'implantation d'une antenne 5G. Il faut toutefois écouter et rassurer les habitants, dans le dialogue avec les opérateurs.

Participation des employeurs territoriaux à la prévoyance

Mme Élisabeth Doineau .  - La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoyait une ordonnance relative à la protection sociale complémentaire des agents publics.

Le principe d'une participation obligatoire et progressive des employeurs publics au financement de la complémentaire est une avancée pour la protection des agents territoriaux dont l'état de santé se dégrade depuis plusieurs années.

Cependant, cette réforme ne saurait être efficace sans intégrer la question de la prévoyance. En cas d'arrêt long, un agent territorial sur deux n'est pas couvert en prévoyance. Cela signifie qu'après trois mois d'arrêt maladie, il ne percevra plus que 50 % de son traitement, ce qui entraîne des situations de grande précarité.

Une partie des agents territoriaux en arrêt long renonce à cotiser à leur complémentaire santé, quand bien même leur collectivité la finance déjà à 50 %.

Le dispositif mis en oeuvre par le Gouvernement devra améliorer la protection des agents sur le risque prévoyance. La participation des employeurs en prévoyance devrait être au même niveau que celle en santé dès 2022, ce risque étant particulièrement sensible au phénomène d'antisélection. Cela permettrait de mieux mutualiser le risque.

Que compte faire le Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Ancien maire, je suis sensible à la question de la protection sociale complémentaire des agents territoriaux. Amélie de Montchalin a mené toutes les concertations préalables à la rédaction de l'ordonnance prévue par la loi du 6 août 2019 : toutes les associations d'employeurs ont dit leur volonté de participer au financement de la complémentaire. Actuellement, les situations sont disparates : certaines collectivités territoriales financent déjà à 50 %, d'autres ont des contrats collectifs, d'autres encore ne font rien.

Une ordonnance du 17 février rend obligatoire une prise en charge à 50 % de la protection sociale complémentaire, progressive à compter de 2022 puis générale en 2026. Les partenaires sociaux ont toutefois choisi de différer cette réforme pour la prévoyance.

Le coût de cette réforme pour les employeurs publics s'élève à 500 millions d'euros en 2022, et 1 milliard d'euros en 2024. Nous ouvrirons ultérieurement le chantier de la prévoyance. Priorité a été donnée au rétablissement d'une égalité de droits pour les agents et de devoirs entre employeurs privés et publics.

Mme Élisabeth Doineau.  - Merci, monsieur le ministre. Je serai très attentive à l'équité en la matière.

Reconduction du dispositif « vacances apprenantes »

M. Jean-Jacques Michau .  - Le dispositif « vacances apprenantes », inscrit dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020, a été décisif pour les colonies de vacances, les camps de scoutisme et les accueils de loisirs.

Il visait à répondre à la fois au problème récurrent d'accès aux vacances et aux loisirs collectifs et au contexte de rupture pédagogique lié au confinement. Dans des délais très courts, des activités éducatives et collectives complémentaires de l'école ont pu être proposées à 125 000 enfants. Des centres d'accueil à caractère éducatif ont pu rouvrir cet été et limiter les effets délétères du confinement.

L'accès aux vacances et aux loisirs collectifs participe de la construction de l'individu et est vecteur de cohésion sociale et nationale. Alors que quatre millions d'enfants sont privés chaque année de vacances, la pérennisation de telles actions est d'utilité publique.

L'instauration d'un pass colo de 300 euros par enfant en CM2 serait une bonne idée.

Reconduirez-vous le dispositif « vacances apprenantes » en 2021 et au-delà ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - La crise sanitaire a mis à mal l'épanouissement de nos enfants et fragilisé économiquement de nombreuses familles. Le secteur de l'accueil collectif de mineurs a également été impacté.

Le dispositif « Vacances apprenantes » visait à la fois à créer un véritable droit aux vacances et à soutenir le secteur de l'éducation populaire, complémentaire de l'école. À l'été 2020, il a été décliné sous la forme d'écoles ouvertes, d'écoles ouvertes buissonnières, ou encore de colonies apprenantes et a bénéficié à près d'un million d'enfants. J'en remercie les agents du ministère et des collectivités territoriales.

Le fonds d'urgence pour les colonies de vacances et les classes de découverte a soutenu près de six cents structures. Le succès n'est pas que quantitatif. Un enfant sur deux partait pour la première fois en colonie !

Nous reconduisons donc le dispositif à l'été 2021, avec 80 millions d'euros pour École ouverte et stages de réussite, et 40 millions d'euros pour les colonies apprenantes. S'y ajoutent les Quartiers d'été et Été culturel. Au total, ce sont 180 millions d'euros pour offrir aux enfants des temps éducatifs et culturels, des moments de partage et de bonheur après une année difficile.

Fermeture des classes et diminution des heures de cours

Mme Béatrice Gosselin .  - La diminution constante, depuis des années, du nombre de classes ou d'heures de cours met en péril la qualité de l'enseignement.

Certes, le nombre d'enfants scolarisés baisse, mais les préconisations de différenciation pédagogique se heurtent au nombre croissant des groupes-classes.

L'Éducation nationale préconise l'école inclusive : l'idée est d'épauler les enfants en difficultés et de faire progresser davantage ceux qui ont des facilités. Cela suppose une pédagogie différenciée, individuelle ou en groupes restreints. Mais, en même temps, on impose à ces professionnels des effectifs croissants.

La crise sanitaire a encore accentué l'hétérogénéité des élèves.

L'enseignement obligatoire dès 3 ans est à saluer, mais permettons à ces enfants de suivre un enseignement adapté à leurs besoins dans des classes aux effectifs contrôlés.

Dans certains pays du Nord de l'Europe, le nombre d'élèves varie en fonction des matières, l'accent est mis sur l'apprentissage des fondamentaux.

Les professeurs exercent leur métier avec passion (Mme la ministre le confirme de la tête), ils souhaitent mettre en place des projets pédagogiques et sont prêts à remettre en question leurs pratiques, mais l'augmentation constante du nombre d'élèves par classe et la régression des moyens financiers est un frein

Est-il prévu de limiter les fermetures de classes ou la baisse du nombre d'heures au collège ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Je salue l'engagement et la mobilisation remarquables des enseignants.

Le budget de l'Éducation nationale est le premier de l'État, en hausse de 1,6 milliard d'euros ; les emplois y sont stabilisés.

Nous réaffirmons la priorité donnée au premier degré et à la maîtrise des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, respecter l'autre. Nous créons 11 900 postes malgré le contexte de baisse démographique.

De fait, nous avons perdu 150 000 élèves dans le premier degré. Après le CP et le CE1, nous dédoublons les classes de grande section en REP. Les effectifs seront plafonnés à 24 élèves dans 87 % des classes grande section, CP et CE1 à la rentrée prochaine, avec une généralisation en 2022.

La Manche est plutôt favorisée. Le nombre moyen d'élèves par classe est inférieur à la moyenne nationale, le nombre de professeurs pour cent élèves atteindra 6,16 à la rentrée 2021, quand la moyenne nationale est de 5,74.

Dans le second degré, le volume d'heures d'enseignement sera abondé ; les heures supplémentaires sont un moyen de répondre aux besoins des établissements tout en améliorant la rémunération des enseignants.

En milieu rural, le nombre moyen d'élèves par division est sensiblement plus favorable qu'ailleurs. Ces taux d'encadrement reflètent la capacité des autorités académiques à proposer un enseignement différencié, adapté aux besoins des élèves.

Places en établissement pour les personnes en situation de handicap

Mme Jacky Deromedi .  - Actuellement, 7 000 adultes et 1 500 enfants souffrant de troubles du spectre de l'autisme sont pris en charge dans des établissements wallons, faute de réponse adaptée en France.

Le 11 février 2020, le Président de la République a annoncé que des établissements spécialisés seraient construits en France.

Dès le 21 janvier 2021, la France et la Belgique ont mis en place un moratoire sur l'accueil en Belgique des adultes et enfants français en situation de handicap.

La prise en charge de ces personnes en Belgique représente 500 millions d'euros par an, or le budget prévu pour cette adaptation est de 90 millions sur trois ans... en totale inadéquation avec les montants nécessaires.

Des initiatives privées de construction de centres spécialisés dans certains départements n'ont reçu aucune suite.

On ne peut empêcher ces personnes d'aller en Belgique sans leur offrir de solution ! Qu'avez-vous fait depuis le 11 février 2020 ? Quand les familles disposeront-elles de places pour leurs enfants dans des établissements spécialisés en France ?

Plutôt que de placer ces enfants dans des hôpitaux ou des centres inadaptés à leur pathologie, ne peut-on suspendre le moratoire afin que les familles puissent à nouveau envoyer leurs enfants en Belgique, dans des structures adaptées ? Enfin, que l'on examine les offres déposées pour créer des établissements en France !

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Veuillez excuser l'absence de Sophie Cluzel.

Beaucoup de ceux qui partent en Belgique le font faute de solution en France. Le moratoire sur la création de places d'accueil d'adultes en Wallonie ne remet pas en cause les places existantes, ni leur financement par l'assurance maladie. Il permet une régulation de l'offre.

Près de cent établissements belges ont déjà signé la convention d'objectif transfrontalière. Nous voulons travailler sur la qualité de l'accueil et le projet de vie des personnes.

À court terme, aucun départ prévu respectant les procédures en vigueur avant la mise en oeuvre du moratoire ne sera remis en cause.

Notre priorité est de créer toutes les solutions possibles en France : 650 nouvelles places sont déjà programmées dans les Hauts-de-France, en Île-de-France et dans le Grand Est, pour 90 millions d'euros ; il y en aura mille d'ici 2023.

Des unités de vie de six personnes seront créées pour les adultes atteints de troubles du spectre de l'autisme en situation très complexe. Les premières ouvrent d'ici fin 2021.

Près de 8 600 solutions médico-sociales ont déjà été créées entre 2017 et 2019. Nous devons agir sans relâche pour des accompagnements plus inclusifs.

Hyper-fréquentation et sur-tourisme dans les petites communes

M. Pascal Martin, en remplacement de Mme Agnès Canayer .  - Étretat suffoque face à la saturation touristique : 1,2 million de visiteurs par an ! La pression n'est plus tenable. Les riverains de l'Aiguille Creuse sont excédés par les embouteillages, les dépôts sauvages, les stationnements gênants au moment des vacances.

En dix ans, 400 habitants sont partis et la commune ne compte plus que 1 300 habitants ! Les dotations de l'État baissent à l'avenant.

La sortie de la seconde saison de la série Lupin ne va rien arranger...

La ville et la communauté urbaine ne peuvent plus faire face seules.

En 2019, le Sénat a adopté la proposition de loi Bignon sur l'hyper-fréquentation des sites naturels et culturels patrimoniaux, mais elle s'est perdue dans les limbes de la navette. Le projet de loi Climat et résilience pourrait être l'occasion de faire aboutir ces mesures.

Le département de la Seine-Maritime travaille sur une Opération Grand Site, mais les beaux jours reviennent, les touristes avec : il faut des solutions rapides et accompagner financièrement la commune d'Étretat.

Comment comptez-vous accompagner durablement les communes exposées à l'hyper-fréquentation ?

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État, chargée de l'éducation prioritaire .  - Il faut se réjouir de la fréquentation touristique dans nos territoires, alors que les professionnels du tourisme ont tant souffert de la crise.

Cela dit, je mesure les nuisances qu'induit l'hyper-fréquentation, provoquant un rejet, voire un dépeuplement graduel - même si la France résiste mieux que d'autres destinations européennes.

Des initiatives sont prises localement, comme obligation de réservation préalable, le contingentement, l'extension des horaires d'ouverture, la hausse des tarifs ou les fermetures temporaires.

La proposition de loi Bignon autorise le maire à réglementer l'accès à certaines voies ou à certains secteurs de la commune pour préserver la tranquillité publique, la qualité de l'air, la protection ou la mise en valeur des espaces naturels, des paysages ou des sites.

Les Grands Sites de France mènent une politique de préservation et de valorisation des sites les plus fréquentés, avec redistribution sur tout le territoire de la manne générée par la fréquentation d'un site. L'opération « Falaises d'Étretat, Côte d'Albâtre » est porteuse d'espoir.

De son côté, l'État restructure l'offre touristique pour prévenir et contenir le phénomène de sur-fréquentation. En particulier, il encourage l'itinérance, l'oenotourisme, les destinations rurales, le slow tourisme. Des appels à projets viennent d'être lancés dans le cadre du fonds tourisme durable.

Indemnisation en cas de foyers d'encéphalite à tiques

M. Patrick Chaize .  - Des phénomènes sanitaires nouveaux affectent nos exploitations agricoles. Le cas des foyers d'encéphalites à tiques, ou virus TBE, fait figure d'exemple dès lors que la contamination se fait par voie alimentaire et non par piqûre.

Plusieurs personnes ont été malades dans l'Ain, après avoir mangé des fromages contaminés au lait cru de chèvre.

Or le virus TBE n'est pas une maladie ouvrant droit à indemnisation réglementaire, de sorte que les frais ou pertes de l'exploitant ne peuvent être pris en charge. La sécurité sanitaire des aliments est de la responsabilité du metteur sur le marché - or le virus TBE n'étant pas reconnu au niveau national, les exploitants agricoles sont impuissants et aucunement aidés.

Le risque est pourtant réel, tant pour l'économie agricole que pour la santé.

Quelles mesures urgentes envisagez-vous de prendre pour anticiper de nouvelles situations et faire que les agriculteurs soient efficacement aidés, tant sur le plan technique que financier, face à une situation qu'ils ne peuvent supporter seuls ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Cette maladie, insuffisamment connue, sévit dans certains pays de l'Est ; des foyers se sont hélas déclarés dans l'Ain. Je salue votre détermination à avancer sur le sujet.

Les causes de l'infection ont été détectées, des mesures de pasteurisation du lait ont été prises.

Comment accompagner les éleveurs ? L'indemnisation des maladies infectieuses dans l'élevage relève de différentes réglementations, fixées au niveau européen : certaines relèvent de la responsabilité l'État, d'autres des filières.

En l'occurrence, le virus TBE n'est pas classé comme relevant de la responsabilité de l'État. Nous sommes bien sûr vigilants, mais il n'y a pas d'indemnisation associée à cette crise, contrairement à ce que nous avons pu faire pour l'influenza aviaire cet hiver.

Je porterai le sujet au niveau européen. Des accompagnements ad hoc sont en outre possibles au titre de la MSA. Merci encore pour votre action.

M. Patrick Chaize.  - Merci pour votre réponse. La réalité du terrain est dramatique : les exploitants attendent votre soutien ! Ils se sentent abandonnés, d'autant qu'ils voient les aides couler à flot pour d'autres secteurs... Or ils ne sont nullement responsables ! Ce cas particulier mérite une attention particulière.

Médiation familiale

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Avec la crise sanitaire, les parents séparés ont dû adapter leur organisation aux restrictions de déplacement. La médiation peut favoriser le dialogue et la recherche du compromis, dans l'intérêt des enfants.

J'ai déposé une proposition de loi le 13 juillet 2020 visant à rendre obligatoire l'entretien d'information préalable sur la médiation familiale avant toute saisine du juge aux affaires familiales. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice a prévu une expérimentation dans onze juridictions. La loi de finances pour 2021 prolonge cette expérimentation jusqu'au 31 décembre 2022.

Ma proposition de loi généralise cette expérimentation, mais limiterait le caractère obligatoire à l'entretien d'information préalable et exclurait les situations de violence parentale et conjugale.

Il s'agit de favoriser la culture de la médiation, insuffisamment développée en France, en formant juges et avocats.

Par ailleurs, la résidence alternée, entrée dans le code civil en 2002, reste peu répandue en France : seuls 12 % des enfants de parents séparés sont concernés. Comment l'expliquez-vous ?

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Veuillez excuser le garde des Sceaux, qui m'a chargé de vous répondre.

Généraliser l'entretien d'information préalable sur la médiation dans toute procédure familiale, hors cas de violences, risquerait d'alourdir et d'allonger les procédures.

Une expérimentation est en cours dans onze juridictions, et sera prochainement élargie : attendons d'en tirer le bilan.

Le garde des Sceaux est favorable au développement de la médiation, comme en témoignent les amendements au projet de loi pour la Confiance dans l'institution judiciaire.

Sur la résidence alternée, de nombreux parents séparés s'organisent sans recourir au juge. Dans le cadre judiciaire, dans 80 % des situations, les parents s'accordent ; ils optent pour la résidence alternée dans 19 % des cas. En cas de désaccord, le juge tient compte de la pratique antérieure des parents, des sentiments exprimés par l'enfant... Il apprécie au cas par cas l'intérêt de l'enfant.

Le maintien des repères de l'enfant est conforme à la pratique des juridictions. Il n'est donc pas nécessaire de légiférer en la matière.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Merci pour ces précisions. La Convention internationale des droits de l'enfant consacre le droit d'être élevé par ses deux parents. Ce sujet mérite un débat dépassionné.

Je continuerai à défendre la médiation et un temps parental équilibré, dans l'intérêt de l'enfant.

Derniers oubliés du Ségur de la Santé

M. Gilbert Favreau, en remplacement de M. Philippe Mouiller .  - La question de M. Mouiller porte sur les derniers oubliés du Ségur.

Le 13 juillet 2020, les fonctionnaires des hôpitaux et Ehpad ont bénéficié d'une augmentation de salaire de 183 euros. Quant aux personnels des établissements du secteur privé, ils ont obtenu une hausse salariale de 160 euros. Le 11 février 2021, à la suite de la mission Laforcade, cette revalorisation salariale a été étendue au personnel des établissements publics du secteur social et médico-social.

Mais les personnels du secteur privé non lucratif demeurent exclus de toute augmentation salariale, malgré leur engagement lors de la crise sanitaire.

Les annonces du 28 mai montrent que le Gouvernement s'est avisé de cette iniquité de traitement, qui a entraîné une hémorragie de départs dans une profession déjà confrontée à un problème d'attractivité. Ces annonces devront être précisées pour ne pas susciter de faux espoirs.

Quels seront le périmètre et le calendrier de ces revalorisations salariales ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Les salariés du secteur social et médico-social privé non lucratif jouent un rôle essentiel. Ce secteur est confronté à d'importantes difficultés de recrutement et de fidélisation.

À l'issue du Ségur de la Santé, la mission Laforcade s'est attachée à prendre en compte les spécificités de chaque secteur. Les négociations ont abouti à deux protocoles d'accord destinés à ouvrir le complément de traitement indiciaire à de nouveaux personnels paramédicaux.

Pour pérenniser les effectifs et stabiliser les structures, le Gouvernement s'engage à financer les mesures qui bénéficieront, à compter du 1er janvier 2022, à 90 000 professionnels pour un coût en année pleine de 500 millions d'euros. Nous aurons ainsi tenu nos engagements.

Sécurité des enfants en famille d'accueil

M. Hugues Saury .  - La garde par un assistant maternel ou familial à son domicile représente le premier mode d'accueil du jeune enfant dans le département du Loiret. Cet assistant doit disposer d'un agrément attestant de ses capacités à assurer la santé, la sécurité, l'éveil et le développement des enfants, délivré par le président du Conseil départemental.

Les départements ont accès à l'extrait du bulletin n°2 du casier judiciaire des candidats à l'agrément et peuvent consulter des fichiers judiciaires nationaux, dont le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais), via les préfets.

On ne prend toutefois pas en compte la spécificité de l'exercice à domicile, et les départements ont du mal à obtenir des d'informations pénales sur la situation des personnes vivant au domicile de l'assistant maternel. Les dispositifs existants mériteraient d'être étendus ou simplifiés, en prévoyant une consultation directe des fichiers par des agents départementaux habilités.

Enfin, l'élargissement de la transmission d'informations pénales concernant des majeurs vivant au domicile des personnes agréées renforcerait la protection des enfants.

Les jeunes enfants accueillis au domicile d'un professionnel doivent être protégés de toute menace. Le Gouvernement envisage-t-il à court terme des évolutions législatives ou réglementaires sur ce sujet ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Ce sujet est une priorité absolue de mon mandat. Le plan de lutte contre les violences faites aux enfants du 20 novembre 2019, lancé à l'occasion du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, a déjà prévu des mesures.

Les employeurs consultent-ils le Fijais ? Quels sont les délais de réponse ? Selon certains présidents de conseil départemental, ils peuvent atteindre six mois...

C'est pourquoi j'ai lancé, avec la Chancellerie, un audit de toutes les administrations, en lien avec l'Association des maires de France (AMF) et l'Assemblée des départements de France (ADF), afin d'étudier un mécanisme automatisé et opérationnel, inspiré de ce qui existe dans les secteurs de l'éducation nationale ou de la jeunesse et des sports. C'est un gros travail qui met en jeu des systèmes d'information et des données personnelles sensibles, qui passent par les préfets, difficiles à « industrialiser ».

Je salue le travail des assistantes familiales durant la crise sanitaire.

Un projet de loi sur la protection de l'enfance sera présenté en Conseil des ministres le 16 juin prochain, et débattu à l'Assemblée nationale en juillet. Il prévoit le contrôle des antécédents judiciaires de tous les professionnels qui interviennent auprès des enfants et la création d'une base nationale des agréments des assistants familiaux.

M. Hugues Saury.  - Tout cela plaide pour un accès plus direct des agents habilités au Fijais.

Vers une télémédecine interdépartementale pérenne

Mme Nicole Duranton .  - Il est urgent de rétablir l'égalité dans l'accès aux soins, qui est un droit fondamental.

La téléconsultation apporte une solution intéressante pour les patients des zones sous-dotées. Or six à huit millions de personnes n'ont pas de généraliste et ne peuvent donc se faire rembourser des téléconsultations hors département, comme le prescrit l'avenant n°6 à la convention médicale du 14 juin 2018, hors pathologie Covid.

Le département de l'Eure est le moins bien doté, avec 94 médecins pour 100 000 habitants ; 10 % des habitants n'ont pas de médecin traitant et les délais de consultation atteignent dix jours.

Les Eurois n'ont aucun espoir de voir la couverture médicale s'améliorer à court ou à moyen terme au vu de la baisse de l'offre de soins.

En vertu d'accords passés entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et les syndicats de médecins libéraux, les téléconsultations ne sont remboursables que si elles émanent d'une organisation territoriale de soins, ce qui suppose qu'elles soient pratiquées par les médecins du territoire de résidence du patient.

Durant la crise sanitaire, cet obstacle a heureusement été levé et les Eurois sont de plus en plus nombreux à avoir recours à ce service. Comment pérenniser ce remboursement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Le développement de la télémédecine est une opportunité majeure de modernisation et d'amélioration de l'accès aux soins. Dès avant la crise, le plan MaSanté2022 en avait inscrit le principe dans le droit commun et la crise a conduit à de nouveaux assouplissements.

Mais l'expérience de ces derniers mois nous amène à revoir le cadre de prise en charge. Au plus fort de la crise et malgré les dérogations possibles, 80 % des téléconsultations respectaient le parcours de soins.

Olivier Véran a souhaité que le principe de connaissance préalable du patient soit assoupli et qu'une téléconsultation puisse se faire hors parcours coordonné de soins. Les négociations sont actuellement en cours et devraient aboutir. Nous devons aussi nous appuyer sur les pharmaciens et infirmiers.

Il est essentiel de tirer profit de la télésanté, mais elle ne peut être l'unique réponse à la désertification médicale. Nous sommes mobilisés pour développer d'autres leviers comme la démographie médicale et l'accès aux soins.

Revalorisation des métiers de l'autonomie

M. Michel Canévet .  - Le 1er décembre 2020, j'attirais l'attention du ministre sur les inégalités de traitement entre professionnels de santé à la suite du Ségur de la Santé.

Où en est-on, à la suite de la mission de Michel Laforcade ?

La fonction publique hospitalière avait bénéficié d'une prime de 183 euros mais pas le secteur privé à but non lucratif ni les services dépendant des collectivités locales, comme les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Je pense notamment aux services de Quimper, de Pont-L'Abbé ou de la communauté de communes du Haut pays bigouden.

Qui bénéficiera des primes annoncées ? Il faut renforcer l'attractivité de ces métiers : nous avons besoin de bras pour accompagner les personnes valides et non valides.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Les accords du Ségur ont attribué un complément de traitement indiciaire (CTI) de 183 euros net pour les personnels des hôpitaux et des Ehpad. La mission Laforcade a permis la signature de deux protocoles d'accord le 28 mai : le premier ouvre le CTI aux personnels paramédicaux ainsi qu'aux aides médico-psychologiques, aux auxiliaires de vie sociale et aux accompagnants éducatifs et sociaux dans les structures publiques autonomes, à compter du 1er octobre 2021 ; le second l'étend à ceux qui exercent dans les établissements pour personnes en situation de de handicap, dans les établissements accueillant des publics en difficulté spécifique et dans les SSIAD, hors secteur privé non lucratif.

L'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit un financement de 200 millions par an de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour revaloriser de 13 à 15 % les personnels intervenant à domicile, en lien avec les départements, à compter du 1er octobre prochain. L'agrément de l'avenant 43 devrait être bientôt signé.

M. Michel Canévet.  - Ces personnels doivent être traités à parité, quel que soit le type d'établissement. Il est regrettable que les personnels des SSIAD doivent attendre l'automne prochain pour bénéficier de ces revalorisations. Parfois l'inégalité de traitement est visible à l'intérieur d'un même établissement comprenant un Ehpad et une résidence autonome...

Traitement du cancer du sein triple négatif métastatique

M. Jean-Luc Fichet .  - Chaque année, 11 000 femmes, souvent très jeunes, sont touchées par un cancer du sein triple négatif métastatique ; 30 % récidiveront dans les trois ans avec développement de métastases. Leur pronostic vital est souvent engagé à court terme.

Les cancers du sein triple négatif sont très difficiles à traiter, faute de solutions thérapeutiques. Le Trodelvy, commercialisé par Gilead, qui a bénéficié d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) fin 2020, a suscité un vif espoir : il réduirait le risque de déces de 49 %. Cette ATU a malheureusement été suspendue fin janvier 2021, en raison de difficultés de production qui devraient durer jusqu'au mois de décembre 2021.

C'est une perte de chance considérable pour les patientes : chaque jour compte !

Alors que le traitement est disponible chez nos voisins européens, quelles solutions pourraient être trouvées en urgence au niveau national pour assurer un approvisionnement en Trodelvy ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Ce sujet est terrible et douloureux. Nous entendons les appels et mettons tout en oeuvre pour y répondre.

Ce type de cancer est difficile à traiter par chimio ou homono-thérapie. Il appelle des réponses innovantes comme le Trodelvy.

L'ATU est en cours de réforme et les textes d'applications pourraient être publiés dans le courant de l'été.

Malheureusement, à la suite du rachat d'Immunomedics fin 2020, Gilead nous a informés qu'il réservait sa production aux patientes des États-Unis. Les difficultés d'approvisionnement concernent toute l'Europe, à quelques exceptions près. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a réservé les unités disponibles aux patientes qui suivaient déjà le traitement afin d'éviter une rupture de soins.

Gilead a demandé une autorisation de mise sur le marché à l'Autorité européenne du médicament le 4 mars dernier. Olivier Véran a écrit à Gilead pour que les capacités de production augmentent rapidement afin que le médicament soit mis à disposition le plus vite possible en France.

M. Jean-Luc Fichet.  - Je souhaite qu'une solution soit trouvée rapidement, et ne doute pas de votre volonté. Les patientes rencontrent de terribles difficultés.

Accès aux soins en Seine-Saint-Denis et situation de l'hôpital de Montreuil

M. Fabien Gay .  - Cent mille : c'est le nombre de lits d'hôpitaux fermés ces vingt dernières années. On voudrait appliquer à l'hôpital public les logiques de gestion et de rentabilité qui priment partout. Il faut faire plus d'actes, plus vite, moins cher, accélérer le turn-over... Cela entraîne une hausse de l'ambulatoire, un accroissement des risques, une moindre qualité des soins et l'épuisement du personnel. La crise a aggravé le phénomène.

En Seine-Saint-Denis, la surmortalité a atteint 134 % durant le pic de la pandémie. La population était en première ligne, au travail, dans les transports. Les logements sont surpeuplés. Nous manquons de lits et de médecins. Comme en matière de justice et d'éducation, la Seine-Saint-Denis souffre d'une rupture de l'égalité républicaine dans le secteur de la santé.

Le centre hospitalier André-Grégoire de Montreuil, dont le taux d'endettement atteint 78 %, à 98 millions d'euros, ne compte que douze lits de réanimation pour neuf villes et 400 000 habitants. Le maire, Patrice Bessac, a lancé une pétition qui a recueilli 10 000 signatures.

La dette de l'hôpital de Montreuil sera-t-elle reprise ? Que prévoit le Gouvernement pour relancer l'investissement dans cet hôpital et plus largement dans les hôpitaux de Seine-Saint-Denis ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Votre constat est juste. L'hôpital public fait face à des enjeux pressants. Le volet investissement du Ségur montre notre détermination à y répondre. Le contrat entre l'ARS et l'établissement qui sera signé avant le 31 décembre allègera le poids de la dette de 20 millions d'euros.

Depuis 2014, cet établissements bénéficie en outre d'une aide annuelle de 2 millions d'euros pour se défaire d'un emprunt toxique, d'une aide de trésorerie de 3 à 5 millions d'euros, d'une prise en charge à 100 % de la rénovation des services d'urgence dont 3 millions d'euros d'équipement, ainsi que de 1,9 million d'euros d'aides à l'investissement.

Le groupement hospitalier de territoire (GHT) Grand Paris Nord-Est finalise son projet de transformation immobilière pour améliorer les conditions de travail et l'accueil des patients, pour 600 millions d'euros. C'est un projet prioritaire de l'ARS d'Ile-de-France. Nous devrons aussi rénover les sites hospitaliers de Seine-Saint-Denis.

M. Fabien Gay.  - En Seine-Saint-Denis, on ne fait demande pas la charité, mais l'égalité républicaine. !

Cessez de fermer des lits en pleine pandémie à Jean-Verdier, Bichat et Beaujon, et assurez-nous que nous aurons autant que les autres départements franciliens !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - C'est ce que nous faisons.

Sectorisation du SAMU des Alpes-de-Haute-Provence

M. Jean-Yves Roux .  - Les élus des Alpes-de-Haute-Provence viennent d'apprendre le transfert de la zone de Sisteron gérée par le SAMU 04 vers le SAMU des Hautes-Alpes auquel ils se sont toujours farouchement opposés.

Le SAMU 04 est actuellement implanté à Digne-les-Bains. Malgré des effectifs réduits, il assure également la médicalisation de l'hélicoptère de gendarmerie qui opère les secours en montagne dans le département et les secteurs limitrophes.

Notre département a déjà subi la fermeture des urgences de nuit de l'hôpital de Sisteron, ce qui a nécessité un recours important au SAMU 04.

La mutualisation envisagée aurait des conséquences fâcheuses sur l'offre de soins de premiers secours mais fragiliserait aussi le centre hospitalier de Digne ; nous ne pouvons l'accepter. Nous sommes cependant favorables à une plateforme commune de réception des appels du 15, du 18 et du 112.

Le rapport Mesnier-Carli sur la refondation des urgences préconise une adaptation à chaque territoire : nous aussi !

Ni la qualité des services publics, ni la confiance dans notre système de santé en milieu rural ne gagnerait à un transfert d'activité du SAMU 04. Écoutez donc les élus, le SDIS 04 et le GHT !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Grâce à la mobilisation constante de personnels dévoués, la régulation médicale fonctionne. Les enjeux sont cruciaux, nous l'avons vu avec l'incident de cette nuit, désormais terminé.

Le SAMU 04 a fait l'objet d'un audit. La mutualisation avec le SAMU du département voisin professionnalisera davantage les services. Les travaux sont en cours ; ils portent également sur la régulation du secteur d'intervention de la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) de Sisteron, qui appartient au centre hospitalier des Alpes du Sud.

Quel que soit le résultat de ces travaux, il faut garantir un accès le plus rapide à une offre de soins adaptés. C'est dans cet esprit que les décisions seront prises.

Projet de reconstruction du commissariat de police de Cognac

Mme Nicole Bonnefoy .  - Depuis plusieurs années, le commissariat de police de Cognac, abrité dans une vieille maison de centre-ville, est dans un état de vétusté indigne de notre République.

Les locaux sont inadaptés : exigus, inconfortables, non conformes ; on a du mal à se croiser dans les couloirs étroits, il y a une seule douche pour le vestiaire masculin et le vestiaire féminin est dans une cave ! Les sanitaires sont dans un état déplorable. Les bureaux ne sont pas fonctionnels, d'autant que les effectifs ont augmenté.

Les policiers de Cognac, qui accomplissent leur tâche avec courage et abnégation, méritent de travailler et d'accueillir le public dans de bonnes conditions. Cognac attend un commissariat de police digne d'un service public moderne et respectueux de ses agents.

Le 19 novembre 2020, une délibération unanime du conseil municipal proposait de mettre à disposition à titre gratuit un terrain sur le site de l'ancien hôpital pour reconstruire le commissariat de police.

Le ministère de l'Intérieur souhaite inscrire l'étude technique de ce projet dans le cadre du budget triennal 2021-2023, mais les crédits d'études n'ont toujours pas été alloués. Le Gouvernement entend-il prendre un engagement ferme sur ce point ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Chaque jour, les policiers font preuve d'abnégation. Leurs conditions de travail sont une priorité.

En 2017, nous avons accordé une dotation triennale d'investissement et de fonctionnement de 200 millions d'euros, car les besoins sont criants. Près de deux mille opérations d'urgence, dites « poignées de porte », ont été engagées, à hauteur de 26 millions d'euros. Il s'agit de travaux parfois modestes, mais nécessaires au fonctionnement des commissariats.

Les crédits en loi de finances ont été abondés de 10 % pour l'immobilier, avant même le résultat de l'appel à projets de France relance pour lequel la police nationale a candidaté à hauteur de 740 millions d'euros.

L'intérêt du projet des élus de Cognac est identifié. Le ministère de l'Intérieur a décidé de mener des études techniques à hauteur de 30 000 euros pour un projet total de 4,5 millions d'euros.

Effectifs supplémentaires de police

M. Didier Marie .  - Le 20 avril 2019, le ministre de l'Intérieur annonçait l'arrivée imminente de 36 policiers supplémentaires pour la circonscription de police Rouen-Elbeuf. N'ayant rien vu venir, et constatant des départs à la retraite non remplacés, 22 maires ont interpellé le ministre, sans réponse. Le 20 avril dernier, le ministre annonçait 48 nouveaux policiers pour Le Havre, 13 à Lillebonne mais aucun pour Rouen, pourtant huitième métropole de France avec plus de 500 000 habitants.

Depuis 2017, 200 policiers ont disparu de l'effectif départemental. Le commissariat d'Elbeuf-sur-Seine, deuxième pôle de la métropole rouennaise, est le plus concerné. Alors que les syndicats et les élus demandent des postes, nous constatons un phénomène inverse avec une réforme dissociant les filières d'investigation de celle de la voie publique ; 15 officiers de services judiciaires ont été transférés à Rouen, la brigade accidents et délits a été fermée... Pendant ce temps, les jets de pétard et les trafics augmentent.

Le Président de la République avait promis que chaque circonscription de police aurait plus de policiers qu'au début du quinquennat. Chez nous, on en est loin !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Les attentes des Français sont fortes. Les crédits consacrés aux forces de l'ordre sont en hausse de 1,7 milliard d'euros depuis 2017, 621 millions d'euros du plan de relance sont dédiés à la modernisation de la police ; sur les plus de 10 000 policiers supplémentaires prévus, 6 200 ont déjà été recrutés.

Nous renforçons aussi les moyens matériels avec le renouvellement de 50 % du parc automobile des policiers et gendarmes, 30 000 caméras piétons et des moyens massifs pour les quartiers de reconquête républicaine afin de lutter contre la délinquance quotidienne. Nous intensifions le combat contre la drogue, en agissant sans relâche pour déstabiliser les points de deal.

Je connais les attentes de la métropole de Rouen. Au 30 avril, la sécurité publique y compte 1 015 agents dont plus de 700 gradés. Dans le quartier de reconquête républicaine Les Hauts de Rouen, 20 agents sont à l'oeuvre pour assurer le droit à une vie paisible.

L'État y consacre les moyens nécessaires et doit pouvoir compter sur la mobilisation concertée des collectivités afin de réduire la délinquance.

M. Didier Marie.  - Vous faites état des effectifs actuels ; mais élus et syndicats en attendent plus. La République est forte quand elle tient ses engagements !

Prime pour les CRS du secours en montagne

M. Didier Rambaud .  - Mardi 8 décembre 2020, un hélicoptère du service aérien français de Savoie s'écrasait lors d'un exercice. Cinq des six occupants de l'aéronef ont trouvé la mort dans ce tragique accident, dont deux personnels de la CRS Alpes secours en montagne d'Albertville : le capitaine Amaury Lagroy de Croutte et le brigadier Stéphane Le Meur.

En avril 2019, un autre secouriste CRS, Nicolas Revello, décédait lors d'une opération de sauvetage au sommet de la barre des Écrins. Je leur rends hommage.

Le secours en milieu montagneux est extrêmement dangereux. Il demande une qualification technique de haut niveau et un investissement total des agents qui risquent leur vie à chaque mission. Cinquante-trois semaines de formation sur sept à dix ans sont nécessaires ; 95 % des interventions se font en hélicoptère.

Malheureusement, il n'existe aucune prime associée à la prise de risque constante pour ces agents. Comme les agents du RAID ou les démineurs, les CRS du secours en montagne demandent un statut de « spécialité », qui donnerait droit à un régime dérogatoire en termes de salaire ou d'avancement.

Quelle réponse le Gouvernement entend-il leur donner pour que la Nation reconnaisse ce métier à haut risque ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Les CRS exercent des missions essentielles avec professionnalisme et efficacité. Le ministère de l'Intérieur est déterminé à leur fournir les moyens de le faire dans les meilleures conditions. Leur dévouement mérite toute notre gratitude.

Ceux affectés aux secours en montage subissent un entraînement continu pour intervenir en zone parfois difficile d'accès. Le haut niveau d'exigence de leur service n'est pas reconnu, c'est vrai.

Le 8 décembre 2020, un hélicoptère s'écrasait, quelques mois après la mort d'un CRS dans la barre des Écrins, cruels rappels des risques pris par ces fonctionnaires.

Le ministère a donc décidé, d'ici l'année prochaine, de reconnaître la spécificité montagne pour les CRS et gendarmes de haute montagne.

M. Didier Rambaud.  - Je vous remercie de votre réponse positive et attendue par les CRS.

Stationnement des caravanes sur des terrains classés

M. Didier Mandelli .  - La communauté des gens du voyage a acquis, à Talmont-Saint-Hilaire, en Vendée, une parcelle de terrain de 6 458 mètres carrés située en zone naturelle et dans le futur périmètre de l'espace labellisé « Grand site de France », pour y stationner cinquante à cent caravanes.

Malgré la labellisation du terrain et l'impossibilité de construire un habitat fixe, le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont confirmé qu'il est impossible de priver un propriétaire du droit de stationner sur un terrain qu'il possède. Pourtant, la Vendée compte un grand nombre d'aires de rassemblement pour les gens du voyage.

Afin de préserver le site classé, la commune a dû racheter le terrain pour 125 000 euros -  soit dix à quinze fois son prix initial. La mairie n'a pas de droit de préemption sur ce type de terrain. Cette situation risque de se reproduire ailleurs. Le Gouvernement envisage-t-il une solution avec la Safer et les notaires pour y remédier ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Selon le Conseil Constitutionnel, la loi du 5 juillet 2000 ne permet pas de s'opposer au stationnement d'un propriétaire sur son terrain. Mais les installations de caravanes peuvent être refusées si elles ne sont pas compatibles avec le droit de l'urbanisme. Il faut une déclaration préalable en cas d'installation de plus de trois mois et un permis d'aménager pour installer plus de deux caravanes. En outre, les propriétaires de terrain en zone naturelle ne peuvent faire de travaux d'aménagement sans en informer la commune quatre mois auparavant.

La loi Engagement et proximité de 2019 a institué un nouveau mécanisme de traitement des infractions par lequel le maire peut mettre en demeure un propriétaire fautif.

Le droit existant concilie à la fois le droit à l'installation des gens du voyage et le droit de l'urbanisme. Une évolution législative n'est pas opportune.

M. Didier Mandelli.  - Je ne partage pas votre analyse. Les installations de moins de trois mois sur des zones sans préemption sont dans un angle mort, comme le montre l'exemple de Talmont-Saint-Hilaire. Évitons à l'avenir ce genre d'incidents, qui nuit aux finances publiques et à la tranquillité des riverains.

Loyers impayés

M. Jean-Baptiste Blanc .  - La crise sanitaire sans précédent a un impact majeur sur les plus fragiles et les plus précaires. Beaucoup ont perdu leur emploi ou subi une baisse de leurs revenus et ont, de ce fait, du mal à payer leur loyer.

Face à cette situation, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures : prolongation de la trêve hivernale, mobilisation des partenaires afin de déployer les aides existantes, notamment celles du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL).

L'Agence départementale pour l'information sur le logement (ADIL) Vaucluse fait un travail formidable mais se trouve démunie devant la flambée du nombre de consultations : 8 072 en 2020, contre 4 312 en 2015. Certains dossiers portent sur des dettes de 10 000 euros.

Il faut accompagner et protéger les plus fragiles, mais aussi lutter contre les locataires indélicats qui profitent de ces mesures. Derrière chaque locataire, il y a un propriétaire, un petit épargnant qui ne peut plus rembourser son prêt immobilier ou compléter sa petite retraite.

Quels moyens le Gouvernement entend-il prendre pour rassurer les propriétaires et éviter qu'ils ne retirent leurs biens du marché ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La prévention des expulsions locatives est un sujet délicat. Après des mesures exceptionnelles en 2020, il faut revenir au cadre de la loi.

Nous préparons avec les grandes associations la sortie de trêve hivernale.

Une expulsion après le 1er juin sera accompagnée de propositions d'hébergement et surtout d'un accompagnement social pour un relogement pérenne.

Nous abondons le fonds d'indemnisation des propriétaires bailleurs à la hauteur des besoins -  10 millions d'euros pour commencer, qui seront complétés selon les remontées des préfets. Un fonds national de 30 millions d'euros pour les impayés de loyers abondera le FSL afin que les locataires puissent rester dans leurs logements.

Afin d'objectiver la mauvaise foi, nous avons engagé un travail avec l'ANIL et le réseau des ADIL. Le Gouvernement est mobilisé pour aider les locataires en difficulté et les propriétaires.

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Merci de rappeler le travail du FSL et de l'ANIL. Nous resterons très vigilants.

Détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation

M. Pascal Martin .  - L'article 5 de la loi sur l'installation obligatoire des détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation prévoit un rapport au Parlement après cinq ans. Nous l'attendons toujours.

La DGCCRF a indiqué en 2017 que dix millions de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée (DAAF) auraient été installés en 2015 et que persistent « des anomalies et une hétérogénéité des performances des produits. »

La presse se fait pourtant régulièrement l'écho de leur utilité. Les incendies font 500 morts et 2 000 blessés chaque année. Il y a en moyenne un incendie toutes les deux minutes, deux fois plus qu'il y a vingt ans, le plus souvent la nuit.

L'absence de ce rapport empêche de prendre des mesures adéquates pour sensibiliser nos concitoyens à la nécessité d'installer au moins un DAAF dans les parties privatives des habitations.

Ce manquement engage la responsabilité des pouvoirs publics en cas de tragédies liées à l'incendie. Dans quels délais ce rapport sera-t-il transmis au Parlement ? Quelles mesures prendrez-vous pour informer les Français ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Oui, la détection de fumée est importante.

La loi de 2010 rend obligatoire l'installation d'un détecteur de fumée-avertisseur sonore dès 2015. Effectivement, le rapport prévu n'a pas été rendu par l'exécutif du quinquennat précédent. Néanmoins plusieurs campagnes d'information ont été menées par l'État, les pompiers ou les compagnies d'assurance. Le site internet du ministère de la Transition écologique a été actualisé pour mieux faire connaître les obligations réglementaires.

Le Gouvernement reste pleinement mobilisé sur la prévention et l'information.

M. Pascal Martin.  - Vous ne m'avez pas répondu sur la remise du rapport, obligation légale.

Stocamine

Mme Sabine Drexler .  - Quelque 42 000 tonnes de déchets toxiques sont définitivement confinés sur le site de Stocamine, juste au-dessus de la plus grande nappe d'eau potable d'Europe, sur décision de l'État.

Cela discrédite les propos de la ministre de la Transition écologique, selon lesquels l'État s'engageait à préparer l'avenir tout en réparant le passé.

Ce scandale écologique et démocratique est qualifié par certains de premier écocide européen. Nos collègues parlementaires allemands ont récemment écrit au Président de la République pour lui faire part, eux aussi, de leurs inquiétudes.

L'instabilité des sols et les risques sismiques dans la région conduiront à la dispersion des déchets dans la nappe. Un suivi minutieux du site est indispensable. Pourrez-vous publier en temps réel l'état d'ennoiement des mines adjacentes ?

La commission de suivi du site ne s'est plus réunie depuis deux ans. Les Alsaciens, les Suisses, les Allemands veulent de la transparence. Il y va de la santé de sept millions d'habitants. Quand cette commission sera-t-elle réunie ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le site de Stocamine a toute l'attention du Gouvernement. Mme Pompili a conscience des inquiétudes concernant cette nappe phréatique, 500 mètres en dessous du stockage.

L'étude de faisabilité d'un déstockage complémentaire du site a été présentée le 3 décembre dernier. Tous les scenarii montrent qu'il exposerait les travailleurs à des risques élevés, alors que le bénéfice environnemental pour la nappe d'Alsace n'est pas démontré.

À l'issue de la visite de Mme Pompili sur place, il a été conclu que les conditions du déstockage complémentaire n'étaient pas réunies.

Le confinement du site a donc été décidé, dans des conditions optimales. En parallèle, une enveloppe de 50 millions d'euros gérée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) finance le plan de protection de la nappe d'Alsace sur les cinq prochaines années, afin de dépolluer plusieurs anciens sites industriels situés au-dessus de la nappe.

Enfin, le préfet du Haut-Rhin a installé le 30 avril la commission de suivi de la nappe d'Alsace à laquelle les élus et des associations de protection de l'environnement participent.

Mme Sabine Drexler.  - L'État n'a jamais rien contrôlé. Trop de promesses ne sont pas tenues.

L'État sacrifie la santé des populations et l'avenir de toute une région. Il faut appliquer le principe de précaution en évacuant les déchets.

Les 50 millions annoncés ne concernent pas Stocamine, le site le plus dangereux !

Acceptez la proposition de Frédéric Bierry, président de la communauté européenne d'Alsace, de prendre la maîtrise d'ouvrage !

Réforme du code minier

M. Jean-Marie Mizzon .  - Dans sa réponse à l'une de mes précédentes questions orales, en 2018, la secrétaire d'État à la transition écologique de l'époque annonçait la réforme du code minier pour fin 2018 ou début 2019. Or celle-ci n'est toujours pas à l'ordre du jour. Que de temps perdu !

Obsolète, ce code nécessite pourtant d'être totalement réformé. Il ne peut décemment être intégré au projet de loi Climat. Sa nouvelle version est très attendue dans les territoires concernés par l'après-mine, comme la Moselle.

Les dégâts engendrés par l'arrêt de l'exploitation minière sont si importants qu'à Rosbruck, par exemple, les maisons, fissurées n'ont plus aucune valeur. Elles étaient l'investissement de toute une vie. C'est particulièrement injuste et cruel.

Pourquoi la réforme du code minier n'a-t-elle pas été traitée dans le cadre d'un projet de loi ordinaire ni évoquée dans un véritable débat parlementaire ? Comment expliquer ce choix inacceptable ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Le Gouvernement est très attentif à la réforme du code minier et à la situation des personnes affectées par les dégâts miniers.

La réforme sera intégrée dans le projet de loi Climat et résilience afin d'être votée avant la fin du quinquennat. Plusieurs dispositions ont déjà été inscrites dans la loi et non dans des ordonnances. Quant à l'ordonnance de révision, elle renforcera l'indemnisation en élargissant la notion de dommages.

L'État consacre chaque année près de 40 millions d'euros à la surveillance des anciens sites miniers, à la prévention des risques miniers et à la réparation des dommages d'origine minière.

Les dégâts constatés à Rosbruck ont été indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) ou par Charbonnages de France, et font l'objet d'une attention particulière.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Votre réponse ne me convainc pas. Il faut venir voir avec les pieds, comme on dit en Moselle !

Nous avons besoin d'un vrai volet après-mine. Réparer le passé est un devoir moral. Les indemnisations que vous évoquez sont une misérable goutte d'eau.

Sauvegarde du patrimoine riparien

M. Vincent Segouin .  - La politique de suppression des moulins menée au nom de la continuité écologique interroge, notamment dans l'Orne, où certains moulins sont aujourd'hui fortement menacés par les arrêtés préfectoraux.

En juillet 2019, j'avais interrogé la secrétaire d'État Poirson à ce sujet, me faisant le relais d'associations de défense des moulins comme Les amis des moulins 61 ou le collectif de défense des rivières normandes.

Comme je le craignais, les administrations déconcentrées n'ont pas suivi la réponse alors formulée par la secrétaire d'État, m'assurant de la sauvegarde des moulins à forte valeur patrimoniale ou producteurs de petite hydroélectricité.

De nombreuses associations dénoncent les atteintes à la biodiversité provoquées par la destruction des moulins. Certaines sécheresses et crues en sont justement les conséquences.

Ces opérations de destruction coûtent cher, sans effet bénéfique sur l'environnement. Il serait préférable d'investir dans la restauration des moulins et de mieux contrôler leur entretien. Il y aurait aussi intérêt à développer la production d'électricité à partir de ces petites installations hydrauliques.

Le Gouvernement peut-il clarifier sa position sur la continuité écologique et la sauvegarde de notre patrimoine riparien ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La continuité des cours d'eau est indispensable pour sauver la biodiversité : 28 % des crustacés et 39 % des poissons d'eau douce sont menacés et 19 % de ces derniers risquent même de disparaître.

Notre politique est ciblée. Elle ne concerne que 11 % des cours d'eau français et porte sur quelque 5 000 ouvrages qui font obstacle.

Depuis 2018, le Gouvernement a renforcé la logique de conciliation avec les usages des ouvrages existants.

La restauration de la continuité écologique est compatible avec la sauvegarde de notre patrimoine. Nous favorisons la concertation locale. Les décisions sont prises au cas par cas, dans le respect des propriétaires. Tous les moulins sont différents. Tous ne peuvent pas être facilement remis en état de fonctionner. De nombreux projets avancent, mais ce n'est pas toujours le cas. La désignation de référents contribuera à un meilleur accompagnement.

M. Vincent Segouin.  - Ce sont des paroles de Normand... Peut-être que oui, peut-être que non, rien n'est clair ! Les services ne mènent parfois aucune concertation. De vrais drames affectent notre patrimoine historique.

Déviation du Taillan-Médoc et risque de pollution de l'eau

Mme Monique de Marco .  - Un risque de pollution de l'eau est induit par le chantier de la déviation du Taillan-Médoc, en Gironde.

Le centre-ville du Taillan-Médoc est depuis longtemps touché par le trafic routier. Un projet de déviation a été décidé il y a plusieurs dizaines d'années. Le tracé retenu il y a vingt ans n'a pas fait l'objet d'études alternatives ; il coupe en deux les derniers espaces boisés de la métropole bordelaise, zone extrêmement riche en biodiversité.

La compensation prévue n'est pas à la mesure de la sixième extinction de masse des espèces.

La future déviation traversera un champ captant qui alimente l'agglomération bordelaise en eau potable. Cette nappe a été victime à trois reprises de pollutions.

Un récent effondrement du sol dû à des travaux d'engins a mis en exergue les risques d'accidents de chantier et de pollution de la nappe. Dans l'attente de nouvelles études, allez-vous suspendre ce chantier par mesure de précaution ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - La déviation est sous maîtrise du département de la Gironde depuis 2007. Une association et des riverains ont déposé en février 2020 un référé qui n'a pas abouti : fin 2020, le Conseil d'État a considéré qu'il n'y avait pas lieu de suspendre les travaux.

Les autorisations administratives délivrées tiennent compte du champ captant et des périmètres protégés ; des experts ont été consultés et le chantier est régulièrement contrôlé.

Aucun tracé alternatif n'a été jugé préférable. De nombreuses mesures ont été prises pour limiter les incidences du projet sur les espèces protégées et prévoir des compensations.

Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a rendu, le 23 mai 2019, un avis favorable, assorti de normes de compensation. Enfin, un protocole spécifique de protection a été mis en place à la suite de l'effondrement du sol en février dernier.

Mme Monique de Marco.  - Les choses ont changé depuis vingt ans. Nous nous apprêtons à examiner une loi climat ambitieuse. Ce projet n'a plus lieu d'être ! Le risque de pollution de l'eau de la région bordelaise est réel.

Aménagement de l'aéroport Nantes-Atlantique

Mme Laurence Garnier .  - Il y a trois ans, le projet d'aéroport du Grand-Ouest à Notre-Dame-des-Landes a été abandonné, contre l'avis des élus locaux, deux cents décisions de justice et l'opinion des habitants.

Conséquence : du bruit et de la pollution pour des milliers de Nantais dont les maisons seront encore survolées pendant de longues années. Le changement de trajectoire d'atterrissage touchera de nouveaux riverains. Il faut préparer l'avenir et les protéger contre le bruit.

Le Gouvernement s'est débarrassé d'un problème politique, mais sur place, rien n'est réglé. Quelles sont vos intentions pour le réaménagement de l'aéroport de Nantes-Atlantique ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée .  - Il se poursuit conformément au calendrier prévu. Un nouveau concessionnaire sera désigné au premier semestre 2022.

Les priorités sont de protéger les populations et l'environnement, de réaménager l'aéroport en conciliant sobriété et intérêts économiques et d'assurer la transparence du processus.

Des mesures sans précédent ont été prises pour les habitants, telles que l'instauration d'un droit de délaissement au profit des propriétaires de logements exposés à un bruit fort et la mise en place d'une aide à la revente pour les logements exposés à un bruit modéré.

Avec les 6 millions d'euros supplémentaires annoncés par le Premier Ministre à Nantes, soit 19 millions d'euros au total, l'aide aux riverains est inédite.

La consultation sur le couvre-feu nocturne se poursuit. Quant aux atterrissages, ils feront l'objet d'une enquête publique.

Le Gouvernement veillera à ce que l'aéroport réaménagé soit performant et respectueux de l'environnement, pour servir au mieux nos concitoyens.

Mme Laurence Garnier.  - Le début des travaux avait été annoncé pour fin 2021... Non, le calendrier n'est pas respecté. Prenez vos responsabilités rapidement !

Rétrocession des pont-routes aux communes

M. Jean-Pierre Decool .  - La communauté de communes de Flandre intérieure a saisi la ministre de la Transition écologique en décembre 2020 sur l'entretien des ponts-routes, qui pose problème à nombre de communes.

La jurisprudence considère que la propriété d'un pont est celle de la voie portée par l'ouvrage : des communes doivent prendre à leur charge des travaux sur des ponts qui enjambent la ligne TGV Nord, alors même que ces ouvrages ont été construits pour le développement du rail. Cela va souvent au-delà de leurs capacités financières.

La loi Didier de 2014 a apporté des améliorations mais n'a pas réglé la question des ouvrages existants. Un lourd travail de recensement a commencé. Des conventions sont en cours d'élaboration mais quelles en seront les modalités ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - Ces ouvrages d'art dépendent en effet de la voie qu'ils portent, non de celle qu'ils surplombent. La loi Didier a prévu un inventaire exhaustif des 9 480 ouvrages d'art dont 4 000 surplombent une voie ferrée et feront l'objet de conventions.

Une solution sera trouvée au cas par cas, avec un appui financier et technique de l'État, de Voies navigables de France ou de SNCF Réseau, afin d'entretenir les ponts dans la durée. Ce travail, qui demande du temps, est engagé.

Le Sénat a publié un rapport très riche sur les ponts et le ministre Djebbari a eu l'occasion de rappeler l'engagement du Gouvernement à accélérer les travaux, qui bénéficieront en outre de financements du plan de relance.

M. Jean-Pierre Decool.  - J'attends avec vigilance vos propositions. Les finances de nombreuses communes rurales sont exsangues, surtout dans le Nord où les mouvements de terrain causent des dommages aux ouvrages. Merci de votre réponse.

Traversée de Villecresnes

M. Laurent Lafon .  - J'appelle votre attention sur les aménagements et mesures à prendre sur la route nationale 19 et plus particulièrement sur la traversée de Villecresnes, dans le Val-de-Marne. Chaque jour, 50 000 véhicules, dont beaucoup de camions, y circulent.

Avec l'ouverture du tunnel de Boissy-Saint-Léger, on attend une augmentation substantielle du transit de véhicules. En outre, ce tronçon est particulièrement accidentogène. Il y a peu, un camion de pompiers s'est encastré dans un camion-citerne, et le lendemain, au même endroit, une voiture s'est retrouvée sur le toit.

Le maire de Villecresnes, Patrick Farcy, se mobilise et propose des aménagements concrets, simples et peu onéreux tels que des séparateurs, des plots ou des feux tricolores, rapides à mettre en place. Malheureusement, la Direction des routes d'Ile-de-France (Dirif) ne bouge pas. Interviendrez-vous pour que des solutions se concrétisent ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée, chargée du logement .  - En agglomération, le maire est compétent sur la circulation : l'État n'a pas de responsabilité, même s'il s'agit d'une route nationale.

Les mesures proposées par le maire sont en cours d'analyse par la Dirif, avec une étude de sécurité, des modifications réglementaires et une analyse conjointe avec la commune. Une convention État-commune pourra être établie pour la répartition des charges et des responsabilités.

À plus long terme, des études d'opportunité portent sur de meilleurs aménagements de la RN19. L'État sera au rendez-vous.

M. Laurent Lafon.  - Ces éléments ne me satisfont pas complètement : on y sent l'attentisme de la Dirif, alors que l'inquiétude des riverains - notamment des parents d'élèves - est grandissante. Il est urgent d'agir !

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Commission (Nomination)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Améliorer la lisibilité du droit

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit.

Explications de vote

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois .  - Nous avons examiné cette proposition de loi en procédure de législation en commission (LEC) la semaine dernière : ce texte dit « Balai 2 » est l'aboutissement de la mission du même nom visant à abroger des lois obsolètes ou inutiles, pour satisfaire aux objectifs constitutionnels de clarté, intelligibilité et accessibilité de la loi, pour réduire le stock de normes et pour éviter les confusions.

En décembre 2019, une première loi Balai avait abrogé une cinquantaine de lois votées avant 1940. La présente proposition de loi en concernait au départ 163, votées entre 1941 et 1980. La commission des lois, pour garantir la sécurité juridique, a souhaité agir avec prudence : dans le doute sur les conséquences, nous avons préféré renoncer à abroger 49 des 163 lois visées, en accord avec l'auteur, Vincent Delahaye. Nous avons suivi l'avis du Conseil d'État.

Une abrogation accidentelle serait préjudiciable. Certaines lois sont encore utilisées ou pourraient servir de base légale - la disposition relative aux accidents en service de sapeurs-pompiers fonde encore le versement de 22 pensions à des pompiers, par exemple. D'autres modifient des lois toujours en vigueur. D'autres enfin font l'objet de renvois dans d'autres textes, et leur abrogation pouvait nuire à la clarté du droit. Nous nous sommes efforcés de recenser ces effets de ricochet.

D'autres motifs de refus d'abrogation sont plus ponctuels. Je pense aux lois symboliques : celle de 1948 sur l'accès des femmes aux professions d'auxiliaires de justice, celle de 1971 sur la liberté d'installation des médecins,...

Le Conseil d'État a souligné que le législateur n'était plus compétent pour certaines dispositions applicables outre-mer : il ne peut donc supprimer les lois correspondantes.

Je souligne la collaboration avec les services de l'État. Je remercie également Vincent Delahaye pour son engagement sur ce dossier. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Cohen applaudissent.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Je salue à mon tour le travail réalisé sur ce texte par Vincent Delahaye, ainsi que par la rapporteure.

Ce texte dépasse les clivages. Nous poursuivons tous l'objectif de simplification de notre droit.

Après un premier texte pour la période 1870-1940, celui-ci balaie la période 1940-1980, en abrogeant environ 110 lois obsolètes.

Le Gouvernement y a apporté son soutien. L'inflation législative a rendu notre droit confus pour nos concitoyens. Elle résulte d'une tendance à vouloir toujours plus répondre aux problèmes de société par la norme. Avec ce texte, le Sénat participe à la qualité et à l'applicabilité du droit. J'y étais très attachée comme députée ; je continue à l'être comme ministre.

Le Gouvernement prend sa part au chantier de la simplification. Il a décidé en 2017 que chaque norme autonome produite s'accompagnerait de l'abrogation de deux existantes. Nous avons ainsi réduit le nombre de circulaires : jamais le nombre de pages de Légifrance n'a été aussi faible depuis 2004.

La loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc), la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) ou la loi d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP) ont supprimé des comités Théodule et simplifié les démarches administratives dont la complexité peut être source d'injustice.

Nous devons passer d'une culture de production de la norme à une culture du résultat sur le terrain. Proximité, accessibilité, bienveillance : chaque agent doit y prendre sa part. Nous déconcentrons davantage de moyens et de pouvoirs de décision vers le terrain. Un site permet à chacun de connaître les résultats de l'action publique.

Nous accroissons les possibilités de différenciation du droit et d'expérimentation et renforçons la culture du service. Nous relançons fortement France Expérimentation : tout projet innovant pourra solliciter une dérogation afin que la loi d'hier ne bloque pas le progrès de demain.

Je salue l'esprit constructif et la méthode rigoureuse des travaux du Sénat. Nous avons travaillé en bonne intelligence. Dans un souci de sécurité financière, plusieurs abrogations ont été abandonnées par la commission des lois. Le Gouvernement est favorable à la proposition de loi dans sa rédaction actuelle. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Vous avez aimé Balai 1, vous allez adorer Balai 2 ! C'est ce que j'avais dit à mes nombreux collègues cosignataires. Je les remercie de leur soutien, en particulier Valérie Létard, et je salue le président Gérard Larcher qui avait inscrit ce chantier dans son programme de mandature.

Balai 1 a supprimé entre 40 et 50 textes ; Balai 2 en visait initialement plus de 160. Je remercie la commission des lois, le Gouvernement et le Conseil d'État pour le travail mené conjointement. J'ai eu l'honneur d'assister à une assemblée du Conseil d'État.

Le principe de prudence - cher à l'expert-comptable que je suis - conduit à supprimer quelques abrogations. Dans le doute, mieux vaut s'abstenir. Je citerai notamment le comité interprofessionnel du cassis de Dijon : il a été dissous en 2017, mais certaines de ses décisions s'appliquent encore.

Consensuelle, la proposition de loi s'inscrit dans une démarche de long terme. Nous aurons l'occasion de revenir sur les textes écartés par la commission des lois : nous approfondirons notre travail dans la perspective d'un Balai 3, qui portera sur les collectivités territoriales et les 400 000 normes qui leur sont applicables.

Comme candidat sénateur, je prônais, pour chaque nouvelle loi, d'en supprimer deux : cela serait un bon principe à appliquer par les administrations ministérielles, lorsqu'elles préparent les projets de loi.

Qui dit inflation, dit dévalorisation, avançait avec raison le Conseil d'État dès 1991. Quand la loi devient bavarde, les citoyens ne lui prêtent plus qu'une oreille distraite. Nul n'est censé ignorer la loi, mais les Français finissent par s'y perdre... (Applaudissements à droite et au centre ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Au 25 janvier 2019, 84 619 articles législatifs étaient en application, et 233 048 dispositions réglementaires... Dans ces conditions, comment ne pas ignorer la loi ?

Les productions législatives s'amoncellent depuis des années. Or les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, disait Montesquieu.

Face au nombre de fossiles juridiques, a été créée au Sénat la mission Balai, ou Bureau d'annulation des lois anciennes et inutiles - bravo aux auteurs de l'acronyme ! La mission travaille sous la houlette de nos collègues Vincent Delahaye et Valérie Létard.

Après Balai 1 en 2020, la présente proposition de loi poursuit l'abrogation de textes obsolètes comme celui concernant le passage au nouveau franc dans les DOM. La volonté d'épurer notre droit de ces fossiles a un intérêt évident, surtout lorsqu'ils sont en contradiction avec la législation en vigueur.

Cette proposition de loi n'est donc ni archéologique ni anecdotique. La commission des lois en a conforté la sécurité juridique. Le groupe SER la votera et remercie les auteurs et la rapporteure. Je salue mon collègue Hussein Bourgi qui s'est particulièrement investi dans ce chantier.

M. Dany Wattebled .  - Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de la mission Balai créée par le Bureau du Sénat en janvier 2018. Elle proposait initialement l'abrogation de 163 lois datant de la période 1940-1980.

Nous déplorons tous l'inflation législative. Certes, parce qu'il y a le droit européen, parce que nous vivons dans une économie mondialisée, et parce que des innovations et des contraintes nouvelles apparaissent, des secteurs comme les transports, l'énergie, les télécommunications, le numérique ou la bioéthique nécessitent l'intervention du législateur. Il en va de même de l'environnement.

Parfois, la procédure législative semble relever davantage d'une réponse à l'actualité. Le professeur Carbonnier l'a dit : la loi est considérée, à tort, comme le remède universel à tous les problèmes. Le professeur Carcassonne, lui, déplorait que tout sujet traité au « 20 heures » ait un potentiel de loi. Une passion, une indignation, et le processus législatif s'amorce. Il faut beaucoup de courage à un Gouvernement pour ne pas répondre aux attentes de la société.

L'inflation est également réglementaire : un toilettage pourrait utilement être réalisé sur les plus de 233 000 articles règlementaires.

La complexité du droit pèse sur notre efficacité administrative et économique. Le groupe INDEP soutient fortement cette proposition de loi.

M. Guy Benarroche .  - Nul n'est censé ignorer la loi, certes. Mais le nombre des normes et la frénésie du législateur empêchent quiconque de respecter cet adage. L'obsolescence programmée, en principe, ne touche pas les lois : encore faut-il qu'elles ne poursuivent pas un effet d'affichage, comme un objet de consommation l'effet de mode, passager.

La mission Balai a débouché sur ce deuxième train d'abrogations à la faveur d'un travail minutieux que je salue. La prudence et la retenue qui ont prévalu devraient nous guider aussi dans la production des normes... Ce nettoyage n'est pas seulement cosmétique : c'est une incitation à mieux appréhender notre rôle de législateur. De son côté, le Gouvernement doit continuer, voire amplifier son travail de codification, et s'appliquer son propre principe, édicté dans une circulaire de 2017 : deux normes supprimées pour une créée.

Hélas l'État a semblé de plus en plus kafkaïen tout au long de la crise sanitaire. Qu'est devenue la résolution de M. Dussopt, un volet de simplification dans tout nouveau projet de loi ?

Les maires, en particulier, ont du mal à naviguer dans les méandres des normes et des textes... Installer une aire de jeux pour les enfants n'a plus rien d'un jeu d'enfant ! (Sourires)

Au GEST, nous serons unanimes pour redonner tout leur sens, voire toute leur noblesse, aux lois utiles.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Cette initiative d'amélioration de la lisibilité du droit est bienvenue. De fait, les dispositions obsolètes nuisent à la clarté et à l'accessibilité de la loi. Le premier texte Balai a porté sur 49 lois de 1819 à 1940. Le second visait 163 lois dans sa version initiale.

La prudence de la rapporteure a conduit à renoncer à l'abrogation quand un doute subsistait. D'autant que la manoeuvre est de plus en plus délicate et le travail de plus en plus difficile au fur et à mesure que la mission progresse. Nous pourrions nous pencher désormais sur les normes jugées inconventionnelles ou contradictoires et sur les malfaçons législatives.

Cet élagage nécessaire relève de notre responsabilité de législateur. La règle dite du « 2 pour 1 » doit être confortée. Il faudrait aussi que chaque projet de loi comporte effectivement un titre relatif à la simplification, comme le Premier ministre l'a annoncé en 2018.

Le Sénat prend sa part de ce travail - colossal - de rationalisation. Le contrôle renforcé des irrecevabilités, à l'initiative de MM. Alain Richard et Roger Karoutchi, va dans le même sens.

Le RDPI votera ce second volet modifié.

M. Bernard Fialaire .  - Bientôt, le Tour de France va s'élancer de Brest (M. Michel Canévet s'en réjouit) avec derrière lui une camionnette blanche redoutée des coureurs : la voiture-balai... Je me réjouis que le Parlement ait institué la sienne. Le travail législatif, comme le cyclisme, est un sport d'endurance.

Lancée en 2018, la mission dite balai a abouti à une première loi, rapportée par Nathalie Delattre. Ce deuxième texte est lui aussi le fruit d'un travail de fouille précis et patient, qui nous dit quelque chose de notre histoire et des faits marquants de notre société. Je pense à la loi de 1978 sur la maternité ou à la forclusion liée aux événements de mai 1968. Boulanger, infirmier, travailleur à domicile : on trouve aussi des mesures en faveur de professions qu'il faut soutenir aujourd'hui...

Je salue la prudence de la commission des lois, car la recherche de clarté ne doit pas être source d'imprévisibilité.

Ce texte participera à la lisibilité du droit. Mais il faudrait surtout ralentir le flux et reflux des réformes incessantes qui affectent en particulier l'administration locale. Les actes décentralisateurs finissent par jouer contre elle. Toute l'énergie mise à assimiler les nouvelles lois est retirée à l'action concrète sur le terrain. Endiguons cette tendance à l'inflation, contenons notre désir de loi !

Le RDSE votera unanimement ce texte.

Mme Éliane Assassi .  - La démarche des lois Balai est vertueuse. Elle est amenée se poursuivre avec un troisième texte, concernant les collectivités territoriales. Je remercie Vincent Delahaye et Valérie Létard qui en sont à l'initiative.

Ce travail d'ampleur est marqué du sceau du Sénat : celui du sérieux et de la hauteur de vue.

Cette méta-loi est consensuelle. La chasse aux fossiles législatifs concourt aux objectifs constitutionnels de clarté, d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

Elle se prêtait à la procédure de LEC - vous savez ce que j'en pense par ailleurs... Les amendements prudents de la commission des lois n'appellent pas de commentaires.

Nous légiférons souvent dans des conditions difficiles, dans l'urgence, et cela empire. Dès lors, disons-le, nous travaillons parfois mal. La multiplication des censures constitutionnelles en est un signe. Le Sénat joue souvent le rôle de correcteur...

Les lois de circonstance, voire électoralistes, n'arrangent rien. Toutes ces lois sont-elles utiles à l'intérêt général ? Nous devrions nous poser la question à chaque fois.

Notre groupe votera ce texte.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur.  - Merci.

M. Yves Bouloux .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Cette proposition de loi tend à améliorer la lisibilité du droit.

Elle est le fruit de la mission dite Balai, qui accomplit un travail remarquable de recensement des lois inappliquées ou obsolètes. C'est un travail d'orfèvre qui ne laisse place à aucune erreur, car il faut veiller à la sécurité juridique.

Cette oeuvre de simplification doit être poursuivie pour réduire le stock de normes et prévenir les confusions.

Trop de lois rendent la société trop complexe. Il ne faudrait légiférer qu'en cas d'utilité avérée. Rien qu'en 2020, 47 lois ont été promulguées : seront-elles toutes utiles ?

Le projet de nouveau code pénal déposé par Robert Badinter en 1985 comptait 108 pages et 300 articles ; il comprend désormais 396 pages et plus de 1 000 articles ! Les Français sont-ils mieux protégés ? Assurément non. En revanche, la tâche des forces de l'ordre et de la justice s'est complexifiée...

Il ne faut pas légiférer à chaque fait divers, mais rechercher la qualité de la loi. L'exemple de la loi ELAN est éloquent : on est passé de 65 articles à 634, soit 569 articles issus d'amendements, parfois gouvernementaux, sans étude d'impact, et dont les décrets d'application, deux ans plus tard, n'ont toujours pas été pris.

Abroger des dispositions obsolètes, c'est important ; mais il faudrait surtout mieux légiférer ! Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue pour quelques instants.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

Régulation des Gafam

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la régulation des Gafam, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Google, Apple, Facebook, Microsoft, Amazon : la simple évocation du nom des Gafam nous plonge dans l'univers de la démesure. Ces cinq superstars de la technologie ont tout changé. L'étendue de leurs pouvoirs a remodelé et redéfini l'univers technologique.

Le smartphone dans notre poche est devenu le troisième hémisphère de notre cerveau.

Cette révolution numérique a permis à une poignée de géants de dominer le secteur et à leurs créateurs de s'enrichir démesurément. Ils abusent de leur domination, rachetant toutes les sociétés susceptibles de contrarier leur position monopolistique, comme l'ont fait Facebook avec Instagram ou Google avec YouTube. Les barrières aux nouveaux entrants sont telles que la concurrence, qui stimule l'innovation, n'est plus possible.

Les Gafam sont régulièrement mis à l'amende par la Commission européenne pour abus de position dominante ou pratiques fiscales illicites - Google a dû payer 1,5 milliard d'euros pour pratiques anticoncurrentielles exercées au profit de sa régie publicitaire en 2019 ; Facebook a été visé par plusieurs amendes pour pistages illicites.

Protéger les données personnelles et la propriété intellectuelle est un exercice kafkaïen, tant nos libertés individuelles s'accordent mal avec la survie d'une société où l'horreur le dispute à la cupidité.

Les Gafam ont fait main basse sur les données du monde et concentrent la rente technologique, au bénéfice de l'économie américaine. « Si nous refusons qu'un roi gouverne notre pays, nous ne pouvons accepter qu'un roi gouverne notre production, nos transports ou la vente de nos produits », disait John Sherman, instigateur de la première loi anti-trust aux États-Unis en 1890...

La régulation des Gafam ne peut s'opérer que conjointement sur les fronts législatif et géopolitique. La guérilla judiciaire européenne est utile mais bute à la fois sur les réticences du Danemark, de l'Irlande et de la Suède et sur l'absence de moyens budgétaires pour faire émerger des acteurs européens.

La situation de quasi-monopole des géants du Net inquiète les économistes mais aussi les politiques. En contrôlant la circulation de l'information, les Gafam disposent d'un pouvoir politique démesuré.

Le démantèlement partiel est-il une utopie ? Je ne le crois pas. On peut imaginer une voie douce en limitant leur croissance externe. On peut aussi agir plus sévèrement, comme on l'a fait envers la Standard Oil au début du XXe siècle, ou AT&T dans les années 1980.

Mais démanteler ne sert à rien si l'on n'empêche pas la reconstitution des monopoles. Cela suppose de renforcer les réglementations mais aussi d'agir sur les acteurs financiers qui arment les stratégies de concentration.

Les confinements ont renforcé la place du numérique dans nos vies et accru encore la part de marché de ce secteur ; les plateformes sont non seulement aussi riches que bien des États, mais contrôlent la communication politique, au point de menacer la démocratie.

Les réseaux sociaux donnent aux complotistes une tribune pour attaquer toute parole d'autorité. Les plateformes nous enferment, par leurs algorithmes, dans des bulles cognitives qui nous laissent à penser que tout le monde pense comme nous. Plus graves, elles ont la capacité d'influencer le débat politique en fonction des convictions de leurs dirigeants.

Le 10 décembre 1957, Albert Camus recevait le prix Nobel de littérature ; il faisait alors dans un discours mémorable le constat d'un monde soumis au libéralisme et à un progrès technique liberticide. Partageons son engagement pour maintenir un monde décent et vivable : « notre tâche consiste à empêcher que le monde ne se défasse. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin et Éric Bocquet applaudissent également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Embrasser l'ère du numérique, c'est embrasser ses opportunités, mais aussi regarder en face les défis qu'il pose à notre économie et à notre démocratie.

Ce nouveau paradigme ne doit pas signer la fin de l'État de droit, de l'ordre public en ligne, de la concurrence loyale ou de la protection des consommateurs.

Les modèles des plateformes numériques créent certes des opportunités pour nos entreprises, mais, devenus incontournables, les grands acteurs semblent pouvoir échapper aux régulations étatiques. Cette position génère des pratiques de verrouillage de marchés, des situations de rentes ou la confiscation de l'innovation.

Les réseaux sociaux sont devenus de véritables espaces publics d'information et de la communication mais n'assument pas suffisamment leurs responsabilités démocratiques et juridiques. C'est pourquoi le Gouvernement oeuvre depuis trois ans pour un nouveau cadre de régulation des plateformes numériques.

Ceux qui maîtrisent les codes du numérique détiennent le pouvoir. L'absence de transparence des grands réseaux sociaux est une aberration démocratique. Nous avons agi au plan national, avec la loi contre la manipulation de l'information adoptée en 2018 et les initiatives contre la haine en ligne contenues dans le projet de loi sur les principes de la République, mais une véritable régulation ne peut être qu'européenne, voire mondiale.

La France appelle au retour du régulateur pour permettre au marketplace of ideas cher à John Stuart Mill de retrouver son point d'équilibre. C'est l'ambition du Digital Services Act de la Commission européenne : responsabilisation des acteurs, obligations graduées et proportionnées, transparence sur la modération des contenus et sanctions dissuasives. Il assujettit les plateformes à un devoir de diligence quant à leur politique de modération.

La France plaide pour un cadre réglementaire inédit, reposant sur des obligations de transparence, de moyens, mais aussi de coopération avec les autorités judiciaires.

Nous souhaitons aussi renforcer les obligations des places de marché en ligne. La DGCCRF peut désormais bloquer les sites pour protéger le consommateur. Là encore, l'articulation entre le droit national et le droit européen est la clé d'une régulation efficace.

L'empreinte des plateformes dans le débat public est à la mesure de leur quasi-monopole. Gratuité apparente, effets de réseau et monétisation des données sont le propre de l'économie numérique, qui obéit au principe « winner takes all ». Le régulateur a donc un rôle particulier à jouer.

La régulation des réseaux sociaux suppose une coopération interétatique, car les plateformes sont « too big to care », comme dit Thierry Breton.

Le Digital Markets Act prévoit une réglementation ex ante, avec des règles d'application immédiate pour les acteurs structurants que sont les Gafam mais aussi les BATX chinois - Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi - et certains géants européens.

C'est en comprenant les failles de la régulation passée que le Gouvernement a proposé des solutions novatrices et courageuses.

Nous avons été les premiers à adopter une taxe sur les services numériques, tout plaidant au sein de l'OCDE pour une imposition plus juste des géants du numérique.

Il est temps de mettre fin à cette exception et de revenir à une rationalité qui protège nos institutions démocratiques et forge une société dans laquelle l'innovation est au service du progrès. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Thierry Cozic .  - Il ressort d'un rapport sénatorial que le numérique émettait, en 2019, 15 millions de tonnes équivalent carbone, soit 2 % des émissions de la France, pour un coût collectif d'un milliard d'euros. En 2040, à politique constante, ces chiffres seraient de 24 millions de tonnes, 7 % et 12 milliards d'euros respectivement.

Face à leurs besoins énergétiques, les Gafam s'organisent : Amazon dit vouloir se fournir pour moitié par de l'éolien, Google achète 100 % de l'électricité qu'il consomme en énergies renouvelables via sa filiale Google Energy.

Nous ne sommes pas dupes : c'est surtout un moyen de sécuriser leur approvisionnement énergétique. L'enjeu économique prime - et renouvelable ne signifie pas forcément écologique.

La question du consentement à l'impôt se pose. La recette de la taxe Gafam - 400 millions d'euros en 2019 - est symbolique au regard des 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires générés en France et délocalisés dans les paradis fiscaux.

Ne pouvons-nous pas instaurer une vraie taxe Gafam verte, fléchée vers les investissements d'avenir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Oui, ce sujet est essentiel car la part des émissions liées au numérique ne fera que s'accroître. Barbara Pompili et Cédric O ont tracé une feuille de route environnementale pour le numérique, qui a pour objectif de revenir en 2025 au niveau d'émission de 2020. Notre stratégie est claire.

Faut-il pour cela utiliser l'outil fiscal ? Nous plaidons pour la convergence et la lisibilité. Une législation nationale n'a guère de portée pratique. La taxe sur les services numériques a été d'abord une façon de montrer qu'il était possible d'agir pour embarquer d'autres partenaires dans ce projet - et cela avance.

M. Thierry Cozic.  - J'entends l'ambition du Gouvernement. Le numérique consomme entre 5 et 10 % de l'électricité mondiale. Si Internet était un pays, ce serait le troisième plus grand consommateur !

Les Gafam accumulent les données personnelles dans plus de 500 data centers installés dans plus de 125 pays, qui fonctionnent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Il est urgent d'agir avant la surchauffe.

M. Yves Bouloux .  - La capitalisation des Gafam dépasse 4 000 milliards de dollars - le double de celle du CAC 40.

Outre les menaces d'atteinte à la souveraineté des États, cette domination du marché comporte un risque de pratiques anticoncurrentielles. Le 27 mai, la France a appelé avec l'Allemagne et les Pays-Bas à une prise en compte plus forte du sujet. Les autorités de la concurrence des États membres doivent pouvoir s'en saisir.

Le tout n'est pas d'édicter des règles mais d'en assurer le respect, rapidement et efficacement. La Commission européenne a parfois mis six ans à rendre sa décision !

Est-il envisagé de renforcer les moyens de l'Autorité de la concurrence française sur ces sujets ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Pour que les avancées soient effectives, il faut que les moyens de régulation et de contrôle soient au rendez-vous. Nous souhaitons que la Commission reste l'autorité centrale - c'est ce qui fait sa force - mais s'articule au mieux avec les autorités nationales.

Au niveau français, nous avons renforcé le pôle d'expertise de la régulation numérique, avec le recrutement de treize professionnels - vingt d'ici la fin 2021 - pour aider l'Autorité de la concurrence et d'autres autorités. Nous mettons les moyens en relation avec les missions et intégrons le potentiel contentieux numérique.

Notons aussi que la part des contrôles de la DGCCRF sur les plateformes numériques est en forte hausse.

M. Pierre-Jean Verzelen .  - On ne compte plus les attaques, les injures, les appels à la violence sur les réseaux sociaux - pour toujours plus de clics, de publicité, donc de profit. Les algorithmes privilégient les contenus qui font le buzz.

Derrière les drames que ce système engendre, il y a un modèle mathématique, et donc un modèle économique.

Malgré l'influence des plateformes sur des scrutins démocratiques - Brexit, élections américaines - elles conservent un régime d'irresponsabilité, étant considérées comme de simples hébergeurs.

La question est celle de la responsabilité liée à l'algorithme, qu'il s'agisse d'hébergeurs, d'intermédiaires ou d'éditeurs.

Les Gafam peuvent-ils être tenus pénalement responsables des conséquences des contenus qu'ils mettent en avant ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Il y a effectivement un débat sur ce sujet. Les plateformes ne sont pas irresponsables juridiquement, mais le régime des hébergeurs prévoit une responsabilité limitée : elles ne peuvent être tenues responsables qu'en cas de non-retrait d'un contenu illicite porté à leur connaissance.

Nous pensons qu'il faudrait introduire un devoir de diligence, contrôlé de façon systématique par le régulateur, proportionnel à la taille des plateformes - l'équivalent du contrôle de conformité des banques sur la légalité des fonds.

M. Thomas Dossus .  - Les Gafam ont acquis une position dominante dans l'économie et dans nos vies. Par la façon dont ils façonnent notre rapport au monde, ils représentent un défi démocratique majeur.

Les algorithmes qui traitent des quantités astronomiques de données créent des biais considérables. Au lieu de favoriser le débat, le traitement et la mise à disposition de l'information sur les réseaux sociaux favorisent la segmentation et la radicalisation des opinions. On l'a vu avec l'envolée des fake news au cours de la crise sanitaire.

La transparence des algorithmes qui enferment les utilisateurs devient une urgence démocratique.

Lors d'un débat sur la haine en ligne, Cédric O m'avait répondu qu'il ignorait comment les algorithmes mettaient en avant certains contenus et qu'il n'aurait au demeurant aucun moyen de contrôler la véracité des informations provenant des Gafam. Quel aveu de faiblesse ! La passivité occidentale face aux stratégies d'influence des Gafam ne peut plus durer. Cessons de nous défausser sur Bruxelles. Le Gouvernement compte-t-il demander un droit de regard démocratique sur les algorithmes ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est le coeur du Digital Services Act : obliger les plateformes structurantes, qui orientent le débat par leurs pratiques de ciblage, à faire la transparence sur leurs algorithmes afin que le régulateur européen puisse les contrôler.

Cédric O et moi-même portons cette ambition à Bruxelles, et espérons un accord dans les prochains mois.

Il faut savoir lire ces algorithmes, d'où la création, en septembre dernier, d'un pôle d'expertise numérique. L'État recrute des profils spécifiques et mène un travail sur l'intelligence artificielle avec des appels à projet sur l'audit des algorithmes numérique. Le sujet dépasse celui des seules plateformes.

M. André Gattolin .  - L'intitulé de ce débat me gêne, car il existe plusieurs régulations : celle du marché économique, celle des contenus et celle de l'usage des données personnelles. Ensuite, l'appellation de Gafam ne vise que des sociétés nord-américaines, en agitant la menace de Big Brother. Il faudrait plutôt parler de géants de l'Internet, afin d'inclure les BATX chinois.

Il n'y a pas de géant numérique sans grande puissance derrière. C'est le problème de l'Europe. Dernièrement, le message d'un universitaire français en soutien aux Ouïghours sur TikTok, filiale d'une société chinoise, a conduit à la radiation de son compte...

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Oui, le débat doit être élargi au-delà des acteurs américains. Les plateformes sont en perpétuelle mutation économique.

Deux grands pays, les États-Unis et la Chine, possèdent des plateformes structurantes. Les BATX gèrent une quantité colossale de données personnelles !

Il faut effectivement distinguer le contenu et le modèle économique, qui relève davantage du Digital Markets Act. Les plateformes empêchent l'émergence de startups innovantes. Par ailleurs, les données privées des consommateurs doivent être protégées. Les enjeux sont donc nombreux. Nous prônons une approche matricielle. La réglementation européenne a l'ambition de tous les traiter, de manière transversale, avec le Digital Services Act, le Digital Markets Act et la directive e-privacy.

M. Bernard Fialaire .  - Les géants du numérique ont une valorisation boursière supérieure à celle des entreprises traditionnelles, mais leur taux de taxation est bien inférieur en raison du caractère immatériel de leur création de valeur, qui facilite l'optimisation fiscale.

La taxation des géants du numérique suscite d'âpres débats au sein de l'Union européenne. En mai, Amazon a obtenu une victoire symbolique lorsque la justice européenne a validé les rabais fiscaux octroyés par le Luxembourg - un camouflet pour la Commission européenne. Idem pour Apple en juillet 2020.

Certains États ont tenté de faire cavalier seul, comme la France avec sa taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des géants du numérique, qui a rapporté 400 millions d'euros en 2019. En représailles, les États-Unis ont taxé le vin français - je viens du Beaujolais... - et les Gafam ont augmenté les tarifs pour les annonceurs.

Joe Biden a suggéré une taxe de 21 % à ces entreprises partout dans le monde, mais le Trésor américain propose désormais 15 %. Hormis les paradis fiscaux, nul n'aurait à y perdre ; les recettes de l'Union européenne pourraient même augmenter de 13 % à 50 % ! Il faut avancer sur le sujet lors du prochain G7 ou du G20 de Venise.

M. le président.  - Votre temps est épuisé, mon cher collègue.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Qu'espérer des négociations en cours à l'OCDE ?

Nous sommes en faveur d'une négociation sur les deux piliers : la révision des règles d'allocation des droits d'imposer des bénéfices générés par les entreprises les plus profitables, qui touche tous les secteurs, et l'institution d'une règle mondiale d'imposition minimale effective des multinationales. L'objectif est d'aboutir à une imposition plus équitable entre entreprises pour éviter qu'elles ne privilégient les pays à très faible fiscalité. Bruno Le Maire n'a cessé de porter cette approche et nous espérons des avancées historiques au G20.

Nous avons été les premiers à mettre en place une taxe nationale, en assumant le risque de rétorsion, afin d'ouvrir la voie. Nous sommes en passe d'obtenir un accord, mais ne relâchons pas nos efforts.

M. Éric Bocquet .  - Je salue le groupe Les Républicains pour cette excellente initiative.

M. Gérard Longuet.  - Merci !

M. Éric Bocquet.  - Le numérique a transformé notre société. Chaque minute, l'être humain produit sur la planète 300 000 tweets, 15 millions de SMS, 204 millions de mails ; et 2 millions de mots-clés sont recherchés sur Google.

Les technologies de l'information et de la communication sont plus répandues que l'électricité sur la planète. Nous offrons gratuitement nos données aux Gafam. Grâce à cette matière première, Apple est valorisé à 2 000 milliards de dollars, la moitié du PIB du Royaume-Uni !

Il est temps de réguler et, pourquoi pas, de démanteler ces grands groupes - il en a été question dans la campagne présidentielle américaine. Facebook compte aujourd'hui plus de 2,8 milliards d'usagers.

L'objet de ces groupes est d'éliminer toute marge d'incertitude, de rendre le monde prévisible, de créer un marché de la certitude totale - bref, pour citer Shoshana Zuboff, de permettre à la connaissance parfaite de supplanter la politique comme moyen collectif de prise de décision.

N'y a-t-il pas un risque que ces géants défient un jour la souveraineté des États et la démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - L'empreinte des plateformes dans nos vies est exceptionnelle. Elles créent des situations de concurrence déloyale et nuisent à la qualité du débat démocratique. Il faut se doter d'outils nationaux et transnationaux de régulation, ainsi que de moyens de contrôle, en évitant l'écueil de la censure mais aussi celui de la naïveté. Nous devons avoir des moyens de contrôle et la capacité d'infliger des sanctions financières.

Tel est le sens de la politique que nous menons et qui semble faire consensus dans votre hémicycle, ce dont je me réjouis. L'objectif est de concilier la liberté d'opinion et d'entreprendre et la régulation qui protège les citoyens.

M. Éric Bocquet.  - Le numérique est une magnifique illustration de l'intelligence humaine. Il peut être émancipateur, mais aussi nous asservir en l'absence de régulation. Les plateformes imposent déjà leur langue et leur fiscalité. Demain, sera-ce leur monnaie, leur pensée et leur vision du monde ?

M. Jean-Pierre Moga .  - D'une promesse de liberté, les Gafam sont devenues le symbole de l'optimisation fiscale et de la concurrence déloyale. En 2017, la France avait un manque à gagner fiscal de 623 millions d'euros sur les Gafam. Le chiffre est probablement bien supérieur en 2021.

La France a mis en place une taxe sur les services numériques en 2019, mais qu'en est-il des avancées à l'échelle de l'Union européenne et de l'OCDE ?

Le DSA et le DMA ont été présentés en 2020 pour mettre de l'ordre dans le chaos. La France a proposé de les durcir. Où en sommes-nous ?

Le démantèlement des Gafam n'est pas une solution en soi, il renforcerait les BATX chinois. L'Union européenne est incapable de proposer une offre domestique ; c'est regrettable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - L'absence de plateformes domestiques - commerce en ligne aussi bien que réseaux sociaux - est effectivement préoccupant. Peu d'entre elles sont redevables de la taxe sur les services numériques - qui représentent 750 millions d'euros de chiffre d'affaires global et 25 millions de chiffre d'affaires liées à la publicité ou aux services numériques.

Il faut investir dans ce secteur. Les données individuelles, économiques et logistiques ont une grande valeur. Certains de nos acteurs ont d'importantes capacités, comme Dassault Systèmes qui est présent dans la moitié au moins des projets de traitement des données de santé ; ou Schneider, qui donne un contenu technologique, orienté sur l'analyse des données et l'intelligence artificielle, à son modèle d'affaires. Nous devons les soutenir pour créer une puissance économique numérique européenne. Nous en avons les moyens.

Nous travaillons aussi sur le cloud souverain, la 5G, l'intelligence artificielle et la nanoélectronique pour restaurer des capacités de recherche et développement et de production.

M. Jean-Pierre Moga.  - Il est temps que l'Europe réagisse face à ces monopoles étrangers. Ce sont des milliards d'euros que la France et l'Europe perdent !

Mme Claudine Lepage .  - Le secteur culturel n'est pas épargné par l'appétit des Gafam. La presse fait l'objet d'un véritable pillage depuis des années. Google refuse de rémunérer les contenus dont il tire profit.

La loi du 24 juillet 2019, à l'initiative de David Assouline, a créé un droit voisin au droit d'auteur pour les éditeurs et agences de presse, mais Google s'affranchit de cette obligation, malgré la reconnaissance européenne de ce droit.

Cette attitude est inacceptable dans un État de droit. Que comptez-vous faire ? Le risque hégémonique touche aussi le sport : Amazon va diffuser en exclusivité, pour la première fois, les matchs de Roland Garros.

Quelles actions fermes l'Europe et le Gouvernement entendent-ils mettre en oeuvre pour contrer cette toute-puissance qui menace notre équilibre démocratique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est un combat complexe. La presse française a entrepris une démarche contentieuse contre Google, car il référençait moins bien les journaux qui refusaient l'exploitation gratuite de leurs contenus. En avril 2020, l'Autorité de la concurrence a obligé Google à négocier de bonne foi. Un accord a été signé en janvier 2021 avec les principaux représentants de la presse française mais sans l'AFP, par exemple. Le contentieux se poursuit, l'enjeu est de déterminer si l'accord est réellement de bonne foi.

Nous devons lutter contre tout abus de concurrence. Le DMA nous y aidera.

M. Guillaume Chevrollier .  - La montée en puissance des Gafam, qui ont désormais un poids politique, soulève des questions politiques majeures ; nous l'avons vu lors de nombreuses élections, comme dans l'affaire Cambridge Analytica où des données ont été manipulées à l'insu des citoyens. Il s'agit d'un problème démocratique. La liberté d'expression ne saurait être bafouée par des algorithmes !

La réforme de la directive sur le droit d'auteur en 2019 a été déterminante, mais il faut aller plus loin à l'approche des prochaines élections présidentielles, pour mieux contrôler l'usage des données et apprendre aux jeunes à distinguer le vrai du faux.

Quels instruments ambitieux comptez-vous mettre en place pour sécuriser les élections, et pour que les électeurs votent en conscience et en toute liberté ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Nous mettons en oeuvre une régulation des contenus au niveau national et européen, avec le DSA, afin que les contenus illicites soient retirés le plus rapidement possible. Nous nous protégeons aussi contre les attaques qui fragilisent le débat démocratique. Nous sommes très impliqués sur la cybersécurité, auprès des services publics mais aussi des entreprises.

Il convient, en outre, d'apprendre à chacun comment utiliser convenablement les réseaux sociaux. La société civile et les journalistes jouent aussi un rôle important dans la vérification des informations. Tout cela améliorera la qualité du débat démocratique.

Mais l'État n'a pas les moyens de s'assurer qu'à chaque instant, il ne circule pas de fake news sur les réseaux. C'est aussi la responsabilité de chaque citoyen de prendre du recul et de minimiser la diffusion d'infox.

M. Guillaume Chevrollier.  - L'Union européenne est désormais dépassée par les Gafam et les BATX. La présidence française de l'Union doit inscrire le contrôle et la souveraineté technologique et numérique à l'agenda politique européen !

Mme Anne-Catherine Loisier .  - La régulation recoupe le sujet de la souveraineté numérique. Nous sommes inquiets. Hier, Catherine Morin-Desailly déplorait la « gafamisation » des services de l'État et de nos fleurons, soumis à la loi américaine Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA). Ainsi, le Health data hub a été confié à Microsoft ; Palantir gère des données de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et d'Airbus ; tandis que la gestion des prêts garantis par l'État (PGE) a été confiée à Amazon Website, qui dispose dès lors des informations stratégiques pour acquérir des entreprises.

Le savoir-faire technologique de ces géants est réel. Mais devons-nous nous livrer, avec nos données et celles des Français, à leur empire ?

Les offres françaises et européennes sont souvent équivalentes à celles de leurs concurrents américains. Pourquoi cette défiance à l'égard de nos entreprises ?

Le cloud européen Gaïa-X se construit comme une base de données unifiée et associe des Gafam ; il n'est donc pas l'outil européen de souveraineté et de protection des données que nous attendions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Dans l'achat public, nous veillons à la qualité des offres. Nos acteurs ont un retard objectif lié à un manque d'investissements et d'interopérabilité ; nous ne disposons pas de l'ensemble des briques technologiques.

Notre stratégie consiste à créer une offre de cloud souverain de confiance, avec des briques européennes, ou étrangères mais répondant à un cahier des charges très exigeant quant à la gestion des données. Ce sera la meilleure protection contre l'extraterritorialité.

L'enjeu est de créer les cas d'usage, afin qu'un grand nombre d'acteurs publics accèdent à des offres de confiance. C'est ce qui permettra ensuite de financer l'innovation : j'invite les acteurs privés à être clients de ces offres - l'administration les utilisera dans le cadre de la stratégie Tech.gouv d'Amélie de Montchalin.

M. Rémi Cardon .  - Nous voulons créer des géants du numérique européens... mais le moteur de recherche européen Qwant patine.

Comment protéger nos acteurs qui réussissent, comme Leboncoin et Deezer, mais aussi Cdiscount ou Fnac.com ?

Amazon se développe rapidement dans l'Hexagone. Vous dénoncez une psychose, mais le nombre de visiteurs uniques équivaut à la moitié de la population française. Attendrez-vous le dernier moment pour agir, comme face à la crise sanitaire ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - Ne sous-estimons pas les acteurs français et européens, dont les parts de marché sont plutôt supérieures à celles de leurs concurrents étrangers face à Amazon. Celui-ci n'a que 20 % de parts de marché en France, beaucoup moins qu'ailleurs en Europe ou dans le monde.

Il n'appartient pas à l'État régulateur d'imposer un choix au consommateur, mais de protéger celui-ci et d'assurer les conditions d'une concurrence loyale. Il faut mieux informer les consommateurs. La dimension de l'empreinte locale est de mieux en mieux comprise par les Français. Améliorer la qualité de service reste la meilleure façon de conquérir le marché.

M. Rémi Cardon.  - Allez-vous laisser nos entreprises être rachetées par les Gafam ou les BATX ? Que l'État prenne ses responsabilités fiscales !

M. Vincent Segouin .  - Depuis des années, les Gafam défraient la chronique fiscale. Google ne paie que 17 millions d'euros d'impôts en France, sur 411 millions de chiffres d'affaires - soit 4,13 % du chiffre d'affaires, bien loin des 28 % de l'impôt sur les sociétés et des 2 milliards d'euros de son chiffre d'affaires réel. La taxe Gafam n'a pas mis fin à cette distorsion de marché.

La justice européenne valide les rabais fiscaux accordés à ces entreprises destructrices d'emplois. L'Irlande taxe les entreprises à 12,5 % - contre 28 % pour la France.

L'Union européenne est aphasique, notamment en matière d'harmonisation fiscale. L'Europe va-t-elle rétablir la justice ?

L'impôt mondial minimal sur les entreprises multinationales est idéaliste et ne résoudra pas l'écart avec nos 28 %.

Comment et à quelle échelle comptez-vous agir ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est dans le cadre de l'Union européenne que des avancées sont en train de se réaliser. La convergence fiscale et la profondeur des discussions y sont plus poussées qu'ailleurs, grâce à la mobilisation de notre président de la République et du ministre de l'économie et des finances. Désormais, 23 pays soutiennent la taxation des services numériques. Nous sommes aussi en passe de conclure un accord dans le cadre de l'OCDE.

Voyons le verre à moitié plein : la persévérance de la France paie. En quatre ans, nous avons beaucoup plus progressé qu'au cours de la décennie antérieure.

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En nous appuyant sur des technologies massivement extra-européennes, nous risquons de perdre notre souveraineté.

L'économie numérique repose sur les algorithmes et des données complexes à analyser. Il faut recruter des spécialistes - data scientists, notamment - pour réguler les plateformes numériques. Or, ces profils sont trop absents de nos administrations nationales comme européennes.

Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) a préconisé de faire monter en compétences sur les enjeux numériques, de même que la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Lors de la réforme sur l'audiovisuel, le Gouvernement déplorait le manque d'expertise technique de l'État, compte tenu notamment de la rigidité des règles et des rémunérations peu attractives.

Comment attirer et conserver des talents du numérique ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie.  - Nous oeuvrons à la création d'un pôle d'expertise de la régulation numérique à l'échelle nationale. Les possibilités de recrutement sont plus ouvertes grâce à la récente loi sur le recrutement dans la fonction publique.

En septembre 2020, nous avons créé une force de frappe mutualisée pour nos administrations, spécialisée sur les enjeux du numérique et des algorithmes. Cette initiative intéresse beaucoup à l'étranger. Cinq projets d'audit et d'évaluation ont été réalisés, vingt sont en cours. Cela concerne des audits d'algorithmes d'intelligence artificielle, l'évaluation de la modération des réseaux sociaux, la collecte d'informations par les plateformes... Des projets d'expérimentation sont en cours avec les grandes plateformes et l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), spécialisé en intelligence artificielle. L'équipe rassemble désormais treize experts de haut niveau, ils seront vingt à la fin de l'année. Cette démarche a vocation à faire école en Europe.

Mme Anne Ventalon.  - Renforcer l'expertise est un défi de taille pour être à la hauteur des enjeux. La France est riche d'ingénieurs bien formés. Nous devons les conserver en France, être à l'avant-garde et servir d'aiguillon en Europe !

M. Stéphane Le Rudulier .  - Les armes efficaces manquent pour lutter contre la haine en ligne, face au nombre de faits signalés. Les Gafam ne souhaitent ni ne peuvent contrôler les dérives, et les cyberdélinquants ont toujours un temps d'avance.

En 2020, la loi Avia était une première tentative de prendre le sujet à bras le corps, mais le Conseil constitutionnel a censuré la majorité des dispositions portant atteinte aux libertés individuelles, et notamment à la liberté d'expression.

La Commission européenne déploiera le DSA à l'horizon 2022 pour protéger le consommateur et responsabiliser les hébergeurs.

Un délit de mise en danger de la vie d'autrui par la diffusion d'informations relative à la vie privée, familiale ou professionnelle va être instauré par la loi confortant le respect des principes de la République. Cet arsenal est-il suffisant, dans un contexte transitoire, à un an du déploiement européen du DSA ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie.  - Le DSA est encore en cours de négociation. C'est pourquoi nous décidons de mesures au plan national, notamment dans le cadre du projet de loi Principes de la République. Les plateformes doivent être contraintes de retirer rapidement les contenus illicites. Je vous invite à soutenir ces mesures, en attendant que le DSA, plus structurant et à l'échelle européenne, aille plus loin : en réunissant les autorités de régulation compétentes quant au lieu d'implantation des plateformes et des consommateurs, le dispositif créera davantage de protection.

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - Après dix ans de lutte au coeur de nos territoires, l'heure est venue de poser des limites à l'extension des Gafam.

Plus de 70 % de nos données sont hébergées par Amazon, Microsoft et Google. Nous envoyons des données dans des serveurs américains à longueur d'année ! L'intelligence artificielle se développe ainsi outre-Atlantique grâce à nos données, alors que nous accumulons les retards économiques et industriels.

L'administration française a certes annoncé le 17 mai qu'elle recourra à un cloud protégé, mais cela ne sera pas effectif du jour au lendemain et ne concernera pas le secteur privé.

Le projet européen Gaïa-X risque d'être réutilisé comme un cheval de Troie par les acteurs américains et chinois qui en font partie.

Comment garantir la sécurité de nos données numériques et les répartir sur notre territoire ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie.  - Les données traitées par les Gafam ne sont pas toujours stockées aux États-Unis, je pense notamment à Amazon Web Services. Les entreprises négocient souvent dans leurs conditions contractuelles qu'elles soient stockées en Europe.

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) protège les Européens en matière d'utilisation des données privées. Il faut donner aux autorités de régulation les moyens de mener davantage de contrôle, notamment sur les algorithmes. C'est en cours de construction à l'échelle européenne et devrait être effectif d'ici 18 mois.

Nous oeuvrons à bâtir nos solutions européennes, y compris au-delà du cloud. Il faut investir dans le traitement des algorithmes et l'intelligence artificielle.

Nous avons des acteurs importants, comme Dassault Systèmes. Tout ne se passe pas aux États Unis.

Le plan d'investissements d'avenir financera massivement la cybersécurité et la 5G. À l'échelle européenne, des IPCEI (Important Projects of Common European Interest) feront émerger des briques technologiques de qualité équivalente aux briques américaines.

M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains .  - Je remercie tous les orateurs et particulièrement M. Hugonet, rapporteur de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique avec Franck Montaugé. Toutes les interventions et toutes les réponses ont été pertinentes. Le Sénat est particulièrement impliqué sur ce sujet majeur, centré sur des rapports de puissance entre les Gafam, les BATX et les gouvernements de nos démocraties.

La convergence pour préserver un système respectueux de l'homme et de la propriété intellectuelle est très positive. Elle sera durable si le rythme des mesures nationales, européennes et mondiales est rapide.

La décision politique est lente, alors que l'initiative des acteurs est sans limite et le ressort technologique inépuisable : c'est une première difficulté ! Qui aurait pensé que TikTok séduise des centaines de millions de jeunes gens en quelques mois ? Les règlements et lois, a contrario, peinent à voir le jour après des négociations interminables au sein de l'Union européenne et de l'OCDE.

Deuxième difficulté : le système s'installe, avec des clients - certes assez infidèles  - , des fournisseurs -  certes exploités, mais qui s'en sortent  - et des actionnaires. Le politique doit prendre la mesure de cette situation.

Notre devoir de parlementaires, madame la ministre, est de vous empoisonner l'existence en vous réclamant toujours plus sur vos engagements (Sourires), que nous partageons, et sur les résultats, dont nous espérons voir le succès émerger à l'horizon. Mais l'horizon, c'est une ligne fictive qui recule à mesure que l'on avance. (Nouveaux sourires)

Que se passera-t-il aux États-Unis, où 55 procureurs ont lancé des actions ? On a cité les textes envisagés, DMA et DSA, ou acte des places de marché numérique et acte des services numériques, en français. Ils apparaissent plus équilibrés et prudents.

L'histoire montre que les États-Unis savent limiter les monopoles - je me souviens du démantèlement de AT&T lorsque j'étais ministre des Postes et des télécommunications... au siècle dernier. Comme le disait M. Hugonet, ils ont refusé un roi pour les gouverner, ils n'ont pas plus l'intention de subir l'autorité d'un monarque auto-désigné par sa performance industrielle ou son marketing, parfaitement respectables et qui rejaillissent sur le confort des actionnaires, mais qui qui ne donnent aucune légitimité pour gouverner nos sociétés. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur les travées du RDPI et du RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.

Contrôle aux frontières nationales depuis 2015 : bilan et perspectives

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Rétablissement du contrôle aux frontières nationales depuis 2015 : bilan et perspectives », à la demande du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires .  - Au moment où nous menons ce débat, des femmes et des hommes risquent leur vie pour entrer sur notre territoire, parce qu'ils n'ont pas d'autre choix.

Or, à rebours de notre histoire et de notre tradition, quand elle renouvelle tous les six mois depuis 2015 les contrôles aux frontières sous prétexte de terrorisme, la France s'assoit sur ses valeurs et sur le droit européen, en inscrivant dans la durée une mesure censée être exceptionnelle.

Elle se décharge de l'accueil des exilés sur ses voisins et délègue hypocritement aux ONG le soin d'accueillir et de soigner les personnes, en leur consentant très peu de moyens afin de décourager les bénévoles comme les exilés.

Où sont nos valeurs lorsque nous laissons ceux-ci mourir en Méditerranée ou à la frontière italienne, lorsque les femmes et les hommes solidaires sont criminalisés ? Nous en appelons à l'état d'urgence humanitaire pour la dignité, les droits fondamentaux, la fraternité et la solidarité.

Depuis janvier, 17 sénateurs et députés européens se sont rendus à Montgenèvre, aux côtés de l'Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita), de Médecins du monde et des autres associations que nous voulions soutenir face aux politiques brutales et inefficaces du Gouvernement. Ces réseaux solidaires sont notre fierté et nous les remercions.

Tout être humain, indépendamment de son origine, mérite le respect, l'accès aux droits, aux soins et au respect de son intégrité physique et psychique. Trop souvent, le push back, le refoulement à la frontière, est source d'humiliation.

Nous refusons cette politique contraire à nos valeurs et inefficace.

Ces contrôles aux frontières mettent en danger les exilés, contraints d'utiliser des chemins de plus en plus dangereux : il y a eu neuf morts entre Montgenèvre et Oulx, plus d'une vingtaine entre Vintimille et Menton  - sans parler des amputations dues aux engelures.

De plus en plus d'enfants en bas âge et de femmes enceintes tentent de franchir nos frontières. Le 13 février, l'eurodéputé Damien Carême a assisté au renvoi en Italie d'une femme sur le point d'accoucher, alors que la maternité la plus proche était en France.

Cette dissuasion politique et policière bafoue le droit international qui impose de porter secours. C'est insupportable.

Les exilés seraient-ils dangereux ? Les militants complices ? Pourquoi, dans ce cas, ne pas encadrer les exilés, lesquels, de toute façon, finissent par passer ? Le 6 juillet 2019, le Conseil constitutionnel consacrait la fraternité comme principe de valeur constitutionnelle, et la Cour de cassation relaxait définitivement Cédric Herrou le 31 mars 2021. Le 22 avril s'est ouvert un nouveau procès pour « aide à l'entrée illégale et à la circulation sur le territoire national de personnes en situation irrégulière ». Il met en lumière la répression policière à la frontière franco-italienne.

Depuis cinq ans, à Briançon et ailleurs, des bénévoles soignent les exilés qui, lorsqu'ils sont refoulés, reviennent, encore et encore. Les policiers nous le disent : ils ne se sont pas engagés pour faire des chasses à l'homme -  telle celle à laquelle j'ai assisté, la nuit en montagne. Ces migrants font le choix de la vie. Pourquoi mettre autant de moyens humains et financiers pour une politique inefficace ? C'est absurde et inhumain.

Les flux migratoires ne vont pas cesser : les conflits, le réchauffement climatique sont là. Au lieu de mettre en place des politiques hypocrites, assumons le problème.

Les contrôles ne font qu'empirer la situation. La France est coupable de drames humains ! La politique assumée du déni des droits doit cesser. Il faut accueillir les exilés, les accompagner, et protéger les mineurs isolés, tout en détectant ceux qui pourraient être dangereux.

Les idées d'extrême droite progressent dans notre pays. Des milices identitaires se croient autorisées à faire la chasse aux migrants.

Nous souhaitons que ce débat soit posé dans le cadre républicain, et répondre à ces défis de manière digne, efficace, intelligente et républicaine. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Je remercie le GEST pour ce débat, qui est l'occasion de réaffirmer la détermination du Gouvernement d'agir partout pour la sécurité. C'est ce qui a motivé le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en 2015 et le doublement des forces qui y sont affectées en novembre 2020.

Nous devons faire preuve de réalisme : la menace terroriste n'a pas disparu. Le contrôle aux frontières est une réponse efficace et proportionnée. Ces initiatives doivent être complétées par une amélioration du fonctionnement de Schengen. Nous défendons des mesures en ce sens à Bruxelles.

En 2015, la France a rétabli le contrôle de ses frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Confédération helvétique, l'Italie et l'Espagne à l'occasion de la COP 21 en raison de menaces graves. Les attentats de Paris et de Saint-Denis ont entraîné une prolongation.

Ce rétablissement est prolongé pour six mois en raison, principalement, de la menace terroriste. Nous avons obtenu des résultats : en trois ans, nos services ont déjoué 32 attentats. Hélas, la menace ne faiblit pas, comme en témoigne l'attentat de Nice, commis par un Tunisien entré illégalement en Italie et arrivé en France par la frontière Vintimille-Menton. Les réseaux djihadistes sont toujours actifs au Sahel, en Libye et dans la zone syro-irakienne.

La lutte contre la propagation de la covid-19 est une autre raison : la Commission européenne a souligné que tous les déplacements non essentiels devaient être fortement découragés.

En 2020, les flux de migrants atteignant l'Europe sont en augmentation par rapport à 2019 sur les routes occidentales et centrales, ainsi que par les Balkans. Début 2021, on décompte 36 076 entrées irrégulières, soit 32 % de hausse par rapport à la même période de 2020, principalement vers l'Italie et l'Espagne.

Ce sont surtout les flux secondaires qui sont en croissance. Les non-admissions prononcées en 2020 sont en hausse de 55 % par rapport à l'année précédente, sur les frontières terrestres ; la tendance se poursuit sur les trois premiers mois de 2021, avec une augmentation de 221 % par rapport à 2020. Les frontières italiennes et espagnoles sont les plus concernées. La France a enregistré 152 000 demandes d'asile en 2019 et 93 000 en 2020.

L'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Suède et la Norvège ont également réintroduit des contrôles à certaines frontières intérieures.

Sur les frontières belges, allemandes et suisses, les effectifs de douane et de police sont d'un peu moins de 2 000 personnes. Sur les frontières italiennes et espagnoles, ils ont été portés de 2 400 à 4 800.

Outre leur caractère dissuasif, ces contrôles ont révélé l'utilité de la lutte contre la fraude documentaire.

Depuis 2015, 274 millions de personnes ont franchi les frontières françaises, dont un tiers a fait l'objet de contrôles ; 300 000 personnes n'ont pas été admises. Les contrôles fonctionnent. Environ 50 000 personnes par an sont détectées comme n'ayant aucun droit à se rendre sur notre territoire.

La liberté de circulation n'est nullement entravée. Les droits des migrants sont respectés et les contrôles se font dans une coopération solide avec les États voisins. Les analyses de risque sont partagées afin de lutter contre les entreprises criminelles transfrontalières. Des conventions signées avec les pays voisins facilitent les choses.

Nous devons aller vers la réforme de Schengen. Hier, la Commission européenne a publié sa feuille de route. Notre but est de préserver la liberté de circulation.

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tout État a naturellement le droit de définir sa politique migratoire. Aucun État n'est une page blanche, ou un moulin.

Depuis 2015, la France a rétabli le contrôle aux frontières intérieures. Mais cela n'a de sens que si nous réformons Schengen et que nous renforçons Frontex ; sinon, c'est un jeu de dupes.

Comment comptez-vous coordonner les politiques française et européenne en la matière ? Y a-t-il une politique migratoire commune ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le Gouvernement partage la volonté d'une politique aux frontières juste, efficace et coordonnée. C'est un impératif de sécurité. Alors que 51 attentats ont été déjoués depuis 2015, nous ne pouvons baisser la garde.

Nous avons l'ambition d'un contrôle commun aux frontières de l'Union. Nous croyons en Schengen, mais pour le sauver, il faut le transformer. C'est la position que nous tiendrons dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Une action diplomatique est en cours au niveau européen à cet effet.

M. Roger Karoutchi.  - Cela fait des années que l'on appelle à réformer Schengen... Il est temps de construire une politique migratoire commune. Je sais que chaque État conservera sa souveraineté. Il est impératif que la France puisse décider de qui entre sur son territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Schengen permet la libre circulation entre vingt-six États. Cette liberté est une chance pour le peuple européen.

Des restrictions sont toutefois apparues ces dernières années pour cause de lutte contre le terrorisme, de contrôle des flux migratoires et de lutte contre la pandémie.

La France a rétabli les contrôles en 2015, année des attentats et d'une forte vague migratoire. C'est un acte de sécurité. Frontex avait alors des moyens insuffisants. Une réforme globale s'impose pour que les États aient confiance et sachent qui franchit les frontières extérieures.

Ces objectifs sont-ils atteignables à vingt-six ? Ne faut-il pas prévoir un espace de libre circulation plus restreint mais mieux maîtrisé ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Il est vrai qu'à vingt-six, il est difficile de se mettre d'accord, y compris sur le partage des données.

Il y aura dix mille gardes-frontières Frontex de plus d'ici 2027. Le budget de l'agence a augmenté. Nous soutenons la proposition de la Commission de rendre obligatoire le contrôle à la frontière extérieure de l'Union, notamment en utilisant Eurodac. Les procédures doivent faciliter l'identification rapide des personnes manifestement inéligibles à l'asile.

Nous plaçons les plus grands espoirs dans le code de coopération policière. Il sera essentiel pour les contrôles aux frontières en facilitant la coopération entre États membres.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Pendant plusieurs semaines, à Montgenèvre, la police aux frontières a refoulé systématiquement toute personne, même demandeur d'asile, en contradiction avec le droit et la jurisprudence. Nous pouvons citer plusieurs décisions claires du Conseil d'État et de la Cour de cassation : le rétablissement des frontières intérieures ne saurait justifier des refus d'entrée sans prise en compte des demandes d'asile.

Plutôt que les frontières, rétablissez le droit !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je salue votre engagement sur le terrain.

Le contrôle aux frontières intérieures ne change rien au fait que ce sont les frontières extérieures de Schengen qui sont prises en compte par le règlement de Dublin. Ces migrants conservent la faculté juridique de demander l'asile en Italie s'ils ne peuvent attester de liens particuliers avec la France.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Votre politique est en contradiction avec la position de la Cour de justice de l'Union européenne : les règles d'exception au droit d'asile ne s'appliquent pas et la demande d'asile doit être traitée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Nicole Duranton .  - Il y a trente-six ans, cinq États s'accordaient pour supprimer les frontières. De nos jours, 3,5 millions de personnes se déplacent chaque jour dans l'espace Schengen, dont le succès repose sur de solides frontières extérieures. En France, les contrôles aux frontières intérieures ont cependant été rétablis en 2015 ; d'autres États ont suivi, en raison de circonstances exceptionnelles.

Les motifs sont certes légitimes, mais ces rétablissements et prolongations successifs posent la question de la liberté de circulation et sont perçus comme un signe de méfiance et de repli.

Comment concilier l'impératif de sécurité et la fidélité à l'esprit de Schengen ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Les crises de 2015 ont justifié le rétablissement des contrôles, prolongés depuis lors par les gouvernements successifs. Il faut cependant veiller à ne pas dénaturer Schengen, qui est l'un des acquis les plus précieux de la construction européenne.

Pour cela, les contrôles extérieurs doivent être la clé de voûte de la sécurité en Europe.

Il faut également poser un cadre plus efficace en matière d'asile, pour éviter les abus.

Le nouveau code de la coopération policière est un outil efficace pour travailler main dans la main avec les autres États membres. Les contrôles aux frontières participent de la lutte contre la menace terroriste.

M. Bernard Fialaire .  - Il faut mener une réflexion technique et pratique sur le droit de séjour et de naturalisation, dont les procédures sont de plus en plus dématérialisées. L'illectronisme représente un handicap majeur. Nous imaginons combien les migrants peuvent être désemparés sans accès à internet, quand il faut envoyer des pièces jointes en PDF compressé après une prise de rendez-vous en ligne...

En 2019, saisi par la Cimade, le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti) et la Ligue des droits de l'homme, le Conseil d'État a reconnu la difficulté induite par la numérisation des démarches. Comment s'assurer que chacun puisse effectuer dignement ses démarches en vue d'une régularisation ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La dématérialisation ne saurait entraîner de baisse de la qualité du service rendu. Les démarches relatives au séjour font partie des moins dématérialisées et des guichets physiques existent toujours dans les préfectures. Les rendez-vous en ligne sont liés au contexte sanitaire et ne doivent pas être confondus avec la dématérialisation.

Les demandeurs d'accès à la nationalité française bénéficient d'un accompagnement numérique. Des vidéos didactiques sont en ligne.

L'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) sera mobilisée. Plus généralement, la dématérialisation se fait autour de l'usager, qui bénéficie par exemple d'un numéro de dossier unique, pour plus de simplicité.

M. Bernard Fialaire.  - Certaines administrations ne tiennent pas compte des recommandations. Le tribunal administratif de Rouen s'est prononcé le 18 février contre l'obligation de déposer en ligne un dossier de titre de séjour.

Mme Éliane Assassi .  - La COP 21 et les attentats de 2015 ont donné le coup d'envoi de multiples dérogations à la libre circulation dans l'espace Schengen. En pratique, elle ne s'applique plus. De transitoires, les contrôles sont devenus permanents et la pandémie n'a rien arrangé.

La politique sécuritaire, la criminalisation de la solidarité et la pénurie de moyens nous éloignent du respect des droits fondamentaux des personnes migrantes.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) s'est déclarée profondément choquée par les violations des droits des personnes migrantes à la frontière italienne. Cela ne semble guère différent à la frontière espagnole.

À moins d'un an de la présidence française de l'Union européenne, n'est-il pas temps de renouer avec nos valeurs et nos principes républicains ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La politique de contrôle aux frontières se fait dans le respect du droit et sous le contrôle du juge. Concernant la frontière italienne, le Conseil d'État n'a demandé que des améliorations.

Il n'y a pas de raison de contrôler moins bien les entrées irrégulières que les entrées régulières. Chaque État doit savoir qui est sur son sol.

La France a dénombré 133 000 enregistrements auprès de l'Ofpra en 2019. Le nombre de places d'hébergement des demandeurs d'asile a doublé en cinq ans, à plus de 110 000. Nous avons accepté plus de 5 000 relocalisations depuis la Grèce et l'Italie entre 2015 et 2018. La France a aussi été à l'initiative du dispositif de La Valette sur les sauvetages en mer. Nous n'avons pas à rougir de nos efforts de solidarité.

M. Olivier Cigolotti .  - Dans sa « Lettre aux Européens » de 2019, Emmanuel Macron écrivait qu'« aucune communauté ne crée de sentiment d'appartenance si elle n'a pas des limites qu'elle protège », ajoutant : « la frontière, c'est la liberté en sécurité ».

Nous devons remettre Schengen à plat. Les États membres doivent assumer leurs obligations. Les contrôles aux frontières doivent être plus rigoureux et la politique d'asile mieux harmonisée.

Depuis 2018, il est question de doter Frontex de ses propres moyens, notamment de 10 000 agents. Ce serait pleinement opérationnel pour 2027. Quelles sont les prochaines étapes de cet engagement ? Le premier contingent de gardes-frontières prévu pour janvier 2021 est-il arrivé ?

Devons-nous redouter une nouvelle dépossession de notre souveraineté ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté.  - La montée en puissance de Frontex, créée en 2004, est fondamentale pour la mise en place du nouvel espace Schengen.

L'agence sera pleinement réorganisée ; elle est même en avance sur le calendrier prévu. En 2027, son corps permanent s'élèvera à 10 000 membres. Son budget sera porté à 5,6 milliards d'euros pour la période 2021-2027.

M. Olivier Cigolotti.  - Si l'Europe veut éviter d'être à la merci d'États sans scrupule, elle doit se doter de mécanismes permanents et solidaires au service d'une véritable politique à la fois stricte et respectueuse de nos principes.

M. Jean-Yves Leconte .  - Ce que nous avons vécu en 2015 illustre les limites de la construction de Schengen. L'accord n'est cependant pas le problème, mais la solution. Il faut renforcer le contrôle aux frontières extérieures et rendre les fichiers interopérables.

La France a porté cette position, avec succès, auprès de ses partenaires européens : renforcement de Frontex, PNR, interopérabilité des fichiers, contrôle biométrique... Votre Gouvernement s'inscrit-il dans cette continuité ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté.  - Oui, il y a un travail partenarial à mener. La présidence française sera le bon moment pour agir de façon résolue.

Nous devons trouver une ligne de crête avec nos partenaires européens.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le Président de la République ne cesse d'appeler à refonder Schengen. Hélas, La France ne gagne plus aucune négociation en la matière car elle n'est plus crédible, faute de solidarité et faute de lever ses contrôles aux frontières.

Le problème, ce n'est pas Schengen, c'est l'attitude du Gouvernement français ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Serge Babary .  - Pensée sous le seul prisme économique, l'Europe s'est construite autour du principe de libre circulation. Le contrôle devait se faire aux frontières extérieures, mais il l'a été inégalement.

La France, ce sont 12 000 kilomètres de frontières extérieures terrestres, 32 000 kilomètres de frontières maritimes et 1 900 points de passage autorisés. Chaque année, plus de 700 millions de personnes franchissent les frontières extérieures de l'Union européenne. C'est dire l'ampleur de la tâche !

La prise de conscience sécuritaire et sanitaire a désormais eu lieu. La France a rétabli ses contrôles en 2015.

Dès 2017, les franchissements illégaux détectés aux frontières de l'Union avaient baissé de 60 %. Cela représentait toujours 204 000 personnes. L'Europe est-elle capable de mener une politique migratoire et de se doter d'une agence Frontex solide ? À défaut, la France est-elle prête à renforcer ses propres contrôles ? (M. Yves Bouloux applaudit.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté.  - Nul ne peut dire que le Président de la République n'a pas fait de l'Europe une de ses priorités. J'ai déjà évoqué la réorganisation de Frontex, ses nouveaux moyens humains et financiers.

Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune mènent également un travail diplomatique assidu pour préparer la présidence française de l'Union européenne. Gérald Darmanin et moi-même sommes bien décidés à inscrire ce sujet en haut de l'agenda.

M. Serge Babary.  - La lenteur de ces progrès nous fait douter de votre volonté... Entre 2015 et 2027, cela fait douze ans.

M. Yves Détraigne .  - L'immigration clandestine est devenue un sujet de préoccupation majeur en Europe.

L'incendie du plus grand centre de réfugiés d'Europe, à Lesbos, a rappelé l'urgence à réformer la politique européenne en la matière.

La Commission européenne a présenté, en septembre dernier, son Pacte sur la migration et l'asile. C'est un premier pas. L'Europe se heurte à de nombreux défis, dont l'hétérogénéité des demandes d'asile entre États membres. Elle a toujours été une terre d'accueil, mais la crise sanitaire fait douter de ses capacités à faire face. La solidarité peut-elle prendre d'autres formes que l'accueil ?

Quel sera le positionnement de la France dans les négociations à venir sur la gestion des demandeurs d'asile ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La Commission européenne a en effet présenté son nouveau pacte en septembre. L'objectif est de refonder en profondeur les politiques migratoires européennes. L'impact d'un mécanisme de solidarité fait l'objet d'une simulation ; celle-ci n'a pas pris en compte des dimensions fondamentales telles que les flux secondaires ou les requalifications. Les relocalisations et retours représenteraient 55 % pour la France et l'Allemagne. Nous y sommes évidemment opposés. Nous n'acceptons pas que la solidarité mette en péril notre politique migratoire.

Mme Claudine Lepage .  - Depuis 2015, les sujets migratoires ont envahi le débat public. Ce retour à la frontière marque un recul pour ma génération, qui a vécu la construction européenne et la chute du Mur de Berlin. L'humanisme européen est écrasé par une gestion exclusivement sécuritaire des migrations.

Le drame récent de Ceuta le montre encore. Depuis 2015, des dizaines de milliers de réfugiés ont péri noyés en Méditerranée. Ils préféreront toujours prendre tous les risques plutôt que de rester dans leur pays d'origine.

La déshumanisation de la question migratoire touche aussi les conditions de rétention, plus que difficiles, notamment au Mesnil-Amelot.

La France va-t-elle continuer à défendre une approche exclusivement sécuritaire ? À quand une dimension solidaire et humaniste ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La France reste une terre d'accueil pour les personnes menacées dans leur pays. Ce n'est pas incompatible avec l'attention à la sécurité de nos concitoyens. Nous accueillons d'ailleurs un grand nombre de demandeurs d'asile - 133 000 enregistrements à l'Ofpra en 2019. Le parc d'hébergement des demandeurs d'asile a doublé en cinq ans.

Le Président de la République est à l'origine de l'accord de La Valette sur le secours en mer. Nous sommes aussi bouleversés. La France prend toute sa part et continuera à le faire.

M. Stéphane Le Rudulier .  - La libre circulation, oui. Les flux migratoires incontrôlés, non. Malgré le rétablissement des frontières, les flux demeurent à un niveau préoccupant.

Si la France avait choisi de partager sa souveraineté avec l'Europe, c'était pour promouvoir une culture, une civilisation et des valeurs. C'était pour être mieux protégée, pour que les frontières de l'Europe soient mieux défendues.

Quand il y a des frontières, celui qui vient d'ailleurs est reçu en ami. Sinon, il peut malheureusement être perçu comme une menace.

Si la France ne maîtrise plus les entrées, elle ne pourra plus répondre à l'exigence d'intégration et d'assimilation ni assurer sa protection sociale.

L'Europe va-t-elle continuer à être la seule région du monde à si mal défendre ses frontières et ses intérêts, à tant ignorer les angoisses de ses citoyens sur le devenir de notre civilisation ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Gérer les flux migratoires est nécessaire pour préserver les conditions de l'intégration. La politique migratoire doit prendre en compte trois aspects : l'asymétrie politique, écologique et sociale ; la porosité des frontières en sortie ou à l'entrée ; un système de retour performant. L'approche globale des questions de développement et de migration nous semble pertinente. Nous nouons des partenariats fructueux avec les pays de provenance. Le pacte asile et migration favorisera l'instauration d'une procédure unique de filtrage à l'échelle européenne.

Nous devons nous montrer exigeants avec les pays d'origine et les aider à mettre en place des process clairs. Le système de retour forcé ne suffit pas à lui seul.

M. Stéphane Le Rudulier.  - On n'a pas assez souligné l'explosion démographique du continent africain. Le codéveloppement est essentiel à la maîtrise des flux migratoires. Sans maîtrise, nous allons droit à la déflagration !

M. Jean-Yves Leconte .  - Le droit au mariage doit être assuré, même si son entrave concerne un petit nombre de futurs conjoints de Français qui souhaitent se rendre en France pour se marier. Le Conseil d'État, le 9 avril, a dénoncé une atteinte disproportionnée à ce droit. Les instructions nécessaires ont-elles été données pour la délivrance de visas ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je vous le confirme. Le ministre de l'Intérieur a envoyé une note le 22 avril en ce sens aux postes diplomatiques et consulaires. Les laisser-passer seront systématiquement délivrés.

M. Jean-Yves Leconte.  - Les droits fondamentaux sont peu à peu grignotés. Heureusement que le Conseil d'État a interrompu cette dérive. Restons vigilants sur ce terrain !

M. Marc Laménie .  - Je remercie le GEST pour ce débat interactif. Mon département, les Ardennes, est frontalier de la Belgique et je me souviens des nombreux points de passage dans les années 1960 et 1970.

L'administration des douanes joue un rôle essentiel. Ses moyens humains sont-ils maintenus, voire renforcés ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La France compte 122 points de passage frontaliers extérieurs. La police aux frontières (PAF) et les douanes se partagent les contrôles. La PAF en gère 44 - les plus denses - les douanes 78. Les douanes comptent 18 000 agents et la PAF 12 290, dont 3 645 gardes-frontières. Ces deux administrations se partagent les contrôles aux points qui demeurent ouverts. Je rappelle que les entrées en France sont conditionnées à des obligations sanitaires particulières dans cette période.

M. Marc Laménie.  - Il faut donner aux douanes les moyens nécessaires dans la durée.

M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires .  - Il y a peu, j'étais au poste frontière de Montgenèvre, entre l'Italie et la France. Le spectacle auquel j'ai assisté fut d'une grande tristesse pour quelqu'un qui a grandi avec le projet européen, projet de paix fondé sur le recul des barrières. Ses fondements volent en éclats face à nos peurs et nos renoncements.

J'invite tous les parlementaires à constater l'absurdité de la situation franco-italienne. Le rétablissement du contrôle depuis 2015 n'entraîne aucune maîtrise des flux. Les migrants passent, sont renvoyés, finissent par passer, remplissant des tableaux statistiques absurdes.

La politique européenne scandaleuse se caractérise par le manque de courage. Elle divise les États membres, ce qui est un poison pour l'Europe.

En tant que pays moteur de l'Union, la France est responsable. Responsable des conditions de vie intolérables dans les hotspots, responsable de la situation en Turquie, en Libye, responsable des morts en Méditerranée.

Avec les funestes accords de Dublin, la responsabilité du traitement des migrants repose uniquement sur la Grèce et l'Italie. Cet abandon de responsabilité se double des arrangements avec certains régimes autoritaires, comme la Turquie, que nous payons 6 milliards d'euros pour gérer à notre place le problème. Ces prestataires de la honte ont ensuite tout loisir d'utiliser le chantage migratoire !

Le fonds fiduciaire pour l'Afrique, pensé comme un outil d'aide au développement, s'est mué en carotte financière pour les pays maîtrisant les flux migratoires vers l'Europe.

Le budget de Frontex est passé de 3 millions d'euros en 2003 à 544 millions en 2021. Incarnation de l'Europe forteresse, elle reste passive face aux milliers de morts qui font de la Méditerranée une fosse commune mondiale.

Les garde-côtes libyens, financés par l'argent européen, retiennent les personnes migrantes dans des conditions inhumaines, réduites à l'esclavage, violées, torturées. Ces actes de barbarie sont commis avec notre aval implicite.

Depuis 2015, l'Europe déploie ses barbelés jusqu'à notre frontière avec l'Italie. Pourtant, la fraternité du peuple français reste vivace. Des bénévoles arpentent les cols toutes les nuits pour porter secours aux exilés. Je rends hommage à leur dignité et leur fraternité. Nous avons rencontré des médecins bénévoles qui sont harcelés par la police, verbalisés pour non-respect du couvre-feu !

À nos frontières, des gens meurent à cause de vos politiques, de nos peurs, de l'abandon de nos valeurs.

Mettons fin à ces contrôles aux frontières intérieures et amorçons une politique d'accueil et de développement humaniste et fraternelle ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Prochaine séance, mardi 7 juin 2021, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 25.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 8 juin 2021

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Laurence Rossignol, vice-présidente M. Roger Karoutchi, vice-président M. Vincent Delahaye, vice-président

1. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 juin 2021

2. Proposition de loi visant à améliorer l'économie du livre et à renforcer l'équité entre ses acteurs, (procédure accélérée) (texte de la commission, n°663, 2020-2021) (demande du groupe Les Républicains)