Sécurité globale (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

Discussion générale

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Nous arrivons au terme du long périple de ce texte. Le 29 mars, la CMP est parvenue à un accord qui préserve presque intégralement les apports du Sénat, afin de mieux protéger les forces de sécurité tout en préservant les libertés publiques.

L'article premier élargit à titre exceptionnel les prérogatives des agents de police municipale. Il accroît leurs prérogatives judiciaires tout en leur permettant de constater davantage d'infractions, sous l'autorité du parquet.

Le principal point de désaccord concernait les saisies. La CMP a trouvé un équilibre en précisant le dispositif.

Les apports du Sénat sur la mutualisation des polices municipales et les prérogatives des gardes champêtres sont préservés, tout comme les modalités d'évaluation souhaitées par Françoise Gatel. Une rédaction commune a été trouvée par l'article 6 : le conseil municipal pourra demander le remboursement de la formation - ce n'est plus une obligation.

La rédaction du Sénat a été conservée pour l'article 24. Il ne sera plus un cas particulier de l'article 18 du projet de loi Principes de la République : les deux infractions sont distinctes. Nous avons créé une infraction, la provocation à l'identification, sans lien avec la diffusion de données. Le Sénat a purgé le vice initial des deux textes concurrents. Je vous proposerai seulement un amendement de précision.

Un désaccord demeurait à l'article 23 au regard des principes d'égalité, de proportionnalité et d'individualisation des peines. La CMP a conservé notre rédaction qui centrait le dispositif sur les infractions les plus graves et élargissait le champ des victimes, tout en réduisant la durée des crédits de réduction de peine.

Je remercie Loïc Hervé ainsi que mes homologues de l'Assemblée nationale et les ministres pour ce travail commun.

Le texte s'intitule désormais : « loi de sécurité globale préservant les libertés ». (MM. Stéphane Le Rudulier et Alain Richard applaudissent.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Je remercie à mon tour Marc-Philippe Daubresse.

Nous avons surmonté nos divergences avec l'Assemblée nationale sur la captation et l'utilisation des images, grâce au travail mené avec les rapporteurs Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue.

Sénat et Assemblée nationale souhaitaient mieux encadrer la sécurité privée. Le Sénat a obtenu le maintien de sa rédaction sur la sous-traitance, pour plus de souplesse. La durée de séjour exigée pour obtenir des agréments est portée de trois à cinq ans ; les députés y tenaient, pour garantir le contrôle effectif des antécédents.

Un compromis a aussi été trouvé sur les sanctions pécuniaires du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Le montant final est plus adapté aux salaires modestes de ce secteur.

Sur l'extension des règles des agents de sécurité privée aux agents de sécurité incendie, le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement dans dix-huit mois.

Le Sénat s'est appuyé sur l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) touchant la captation d'images. En CMP, nous avons trouvé une version respectueuse de la vie privée pour la transmission à la police des images de vidéoprotection filmées depuis les halls d'immeubles ou dans les gares.

La version du Sénat a aussi été retenue pour la consultation immédiate des images des caméras mobiles : elle sera possible pour certains motifs opérationnels précis. Mais la diffusion directe dans les médias a été écartée pour éviter une bataille médiatique.

Les garanties du Sénat - autorisation préalable, doctrine d'emploi et interdiction de la reconnaissance faciale - pour recourir aux drones ont été préservées. L'utilisation des drones par les polices municipales, souhaitée par le Gouvernement de manière expérimentale, a été mieux encadrée : elle sera soumise à une délibération du conseil municipal et autorisée par le préfet. Sa durée sera limitée à six mois renouvelables.

Les modalités de contrôle de l'alcoolémie au volant ont été précisées, afin d'éviter que la liberté d'aller et venir soit excessivement limitée.

Je salue le compromis ambitieux trouvé par la CMP ; avec M. Marc-Philippe Daubresse, nous avons tenu bon sur de nombreux sujets. Je vous invite à approuver le texte qui issu de ces travaux.

Cet accord est une bonne nouvelle pour le Parlement, notamment pour le Sénat, qui a apporté des ajouts robustes juridiquement, fondés sur son expérience de terrain, et qui préservent les libertés publiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI ; M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, applaudit également.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté .  - Selon le président Buffet, ce texte est le plus important sur la sécurité depuis la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Loppsi) de 2011. Il comprend de nombreuses avancées.

C'est un texte de confiance envers nos maires et nos polices municipales. Avec l'article premier, les agents expérimenteront des compétences nouvelles. Ce n'est pas un désengagement de l'État : il ne confie pas des missions régaliennes aux polices municipales.

L'ambition du Gouvernement, comme celle des rapporteurs, est de démultiplier les moyens de sécurité sur le terrain pour mieux répondre aux troubles du quotidien qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. Élue locale, je sais combien il est frustrant de ne pas pouvoir agir sur ces nuisances. Les polices municipales sont les partenaires essentiels des forces de l'ordre ; je leur rends hommage.

Nous ne créons pas une sécurité à double vitesse, bien au contraire. Nous renforçons l'intérêt pour les communes de se doter de polices municipales.

Avec l'article 4, Paris se dotera de la police municipale la plus importante de France, tandis que les possibilités de mutualisation des moyens sont renforcées par les articles 5 et 20.

Ce dernier article ajoute les agents de police municipale parmi les destinataires des images de vidéo surveillance. Les articles 21 et 22 bis leur donnent recours aux drones et caméras embarquées, en coordination avec les forces de sécurité intérieure.

Nous marquons aussi notre confiance au secteur de la sécurité privée en lui donnant un cadre et en le responsabilisant, dans la perspective de grands événements à venir - coupe du monde de rugby et Jeux olympiques.

L'article 27 ter aligne la réserve de la police nationale sur celle de la gendarmerie nationale. Cela sera très utile pour la sécurité comme pour les retraités concernés. Ainsi, les officiers de police judiciaire conserveront leur qualification durant cinq ans après leur retraite. Cette mesure que nous devons à Henri Leroy est une avancée majeure.

Le Sénat a encadré utilement l'usage des moyens vidéos et des drones, notamment pour la surveillance de la voie publique ou pour des opérations de secours, afin d'en avoir une déclinaison opérationnelle et respectueuse des libertés.

Les articles 23, 23 ter, 24 et 27 bis sont bienvenus pour les policiers et les gendarmes : la République doit protéger ceux qui la protègent.

C'est un texte de fermeté contre ceux qui brisent des vies sur la route ou qui ne respectent pas les règles dans les transports. Les produits dangereux comme les mortiers seront également mieux réglementés.

Avec Gérald Darmanin, je salue la qualité des débats et le travail des rapporteurs. Même si l'article 45 de la Constitution n'a pas permis d'intégrer d'autres dispositions au texte, comme les rodéos, le refus d'obtempérer ou la détention d'explosifs, nous saluons le compromis trouvé par le Parlement. Nous n'y apporterons que des amendements de coordination et d'application outre-mer. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Sans surprise, le groupe SER votera contre ce texte.

Nous aurions pu adhérer à l'idée d'une coordination des forces de sécurité pour certains événements, mais ce texte aurait mérité une expertise plus approfondie et un débat public préalables. Les mesures sont disparates et peu claires, affectant la lisibilité et la sécurité juridique.

Nous sommes opposés au champ trop étendu de l'expérimentation qui conduirait à dénaturer les capacités de la police municipale. Qu'elle procède à des actes d'enquête est contradictoire avec les limites constitutionnelles de ses prérogatives.

Nous regrettons l'assouplissement des règles de sous-traitance applicables au secteur de la sécurité privée. Le rétablissement d'un titre de séjour de cinq ans, l'élargissement des missions à la surveillance de la voie publique pour lutter contre le terrorisme ou la suppression d'un agrément pour effectuer des palpations poseront un problème constitutionnel.

Les garanties du Sénat restent insuffisantes sur les drones et les caméras de surveillance.

Nous sommes hostiles au titre III, contraire au principe constitutionnel de respect de la vie privée. Nous récusons l'évolution de la doctrine d'emploi des caméras-piétons, qui deviendront des outils de maintien de l'ordre alors qu'elles devaient sécuriser les agents et apaiser les relations entre la police et la population. Pourquoi la CMP a-t-elle rétabli les mesures élargissant les possibilités de déport d'images de vidéosurveillance des halls d'immeubles ? Les services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF de transports se voient désormais dotés d'une mission régalienne de surveillance de la voie publique. Les dispositifs encadrant les régimes légaux sur les drones et les caméras embarquées posent problème.

Enfin, les dispositions relatives aux forces de sécurité intérieure nous interpellent : l'article 24, même réécrit, menace toujours la liberté de la presse et sa relation avec l'article 18 du projet de loi Principes de la République demeure douteuse. Nous regrettons également la rédaction retenue pour l'article 23 supprimant les crédits de réduction de peine.

Nous restons opposés au port d'arme des policiers et gendarmes, en dehors de leur service, dans les établissements recevant du public.

Nous regrettons ce que ce texte contient et ce qu'il ne contient pas - réforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), remise à plat du schéma national de maintien de l'ordre, interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD) et lutte contre les contrôles d'identité abusifs.

Malgré son changement de titre, ce texte ne rétablira pas la confiance et ne préservera pas les libertés.

Nous voterons contre et saisirons le Conseil constitutionnel. Nous regrettons que nos apports n'aient pas été retenus. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Stéphane Ravier .  - Je constate le télescopage des articles 24 de cette proposition de loi et 18 du projet de loi Principes de la République. Ce grand n'importe quoi met en lumière le mépris du Gouvernement pour la représentation nationale, alors qu'un texte sur la sécurité globale devrait garantir aussi la sécurité démocratique.

L'État doit concilier liberté et sécurité, mais l'insécurité se généralise tandis que les libertés reculent. Perdue, la République en Marche se met à courir et se prend les pieds dans les marches, en faisant de la mauvaise communication.

Ministère de l'Intérieur et ministère de la Justice portent chacun leurs solutions dans leur coin. Est-ce une lutte d'ego, un combat de coqs ou une stratégie mettant en scène le méchant contre le gentil ? En tout cas, le cafouillage affiché met à mal la crédibilité de l'État, qui a tant besoin de retrouver son autorité.

Pourtant, les locataires de Beauvau et Vendôme ne se privent pas de faire la leçon aux parlementaires et d'afficher leur dédain pour les communes. Les Français attendent des solutions utiles pour leur sécurité. Il faut rejeter les conclusions de la CMP. En attendant que le Gouvernement accorde ses violons, les élus des territoires et des terroirs étaient en droit d'attendre plus de respect.

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Nous nous réjouissons de l'accord conclu en CMP, sur un texte nécessaire.

Depuis de nombreuses années, la sécurité dans notre pays se dégrade nettement, avec une multiplication des actes de violence contre les policiers, gendarmes et pompiers. Il était nécessaire de les protéger.

Grâce à la sagesse du Sénat, la nouvelle rédaction de l'article 24 clôt les polémiques en protégeant le personnel de sécurité sans attenter à la liberté de la presse.

La vocation des forces de l'ordre est de protéger les Français, celle des soignants de les secourir, et celle des élus de les servir. Quel triste retournement du devoir : nous devons aujourd'hui protéger ceux qui sont chargés de notre protection.

Le Premier ministre avait assuré qu'il n'y aurait pas de zone de non-droit, sans contrôles d'identité. Ce texte donne plus de moyens aux forces de l'ordre. La vidéoprotection sera étendue.

Le Sénat s'est soucié de protéger les libertés publiques comme à son habitude. Nous nous félicitons que le décret qui détermine les modalités de la vidéoprotection soit dorénavant pris après avis de la CNIL.

La sécurité privée est un pilier important du continuum de sécurité. Le contrôle de la sous-traitance sera renforcé, pour améliorer la qualité des prestations et la légitimité des sociétés spécialisées.

Une expérimentation va confier des prérogatives de police judiciaire à la police municipale. J'aurais aimé que le seuil de quinze agents pour y participer soit encore abaissé. Veillons à ne pas pénaliser les petites communes car la sécurité doit être uniforme sur tout le territoire. Celles-ci n'ont pas toujours les moyens de recruter une police municipale. C'est à l'État d'assurer à titre principal la sécurité des Français. Des moyens financiers seront indispensables pour cela. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Loïc Hervé, rapporteur, applaudit également.)

Mme Esther Benbassa .  - Entre état d'urgence sanitaire et sécurité globale, la succession des textes liberticides devient alarmante.

Pas de surprise : la CMP a été conclusive, car majorités gouvernementale et sénatoriale sont à l'unisson, dans les starting-blocks de la course à l'extrême.

Où sont donc les libertés mentionnées dans le nouvel intitulé du texte ? On favorise ici la surveillance de masse, avec des drones et des caméras piétons qui seraient mieux employées à renforcer l'action de la justice dans les affaires de violence commises par des policiers.

Ce texte s'attaque à la liberté d'expression, en limitant la dénonciation des actes répréhensibles commis par les forces de l'ordre, par son article 24. Pourtant, selon la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), l'ingérence dans l'exercice du droit à la liberté d'expression doit répondre à un besoin social impérieux. Or, comme la Défenseure des droits le rappelait, ce texte n'était pas nécessaire pour défendre les forces de l'ordre.

Le nouveau délit de provocation à l'identification est flou et pourra nuire au travail des journalistes. Avec ce dispositif, l'affaire Benalla n'aurait pas été dévoilée.

Le texte reste muet sur les LBD et les grenades de désencerclement dont nous connaissons la dangerosité. Nous partageons la vision que la Mairie de Paris a de sa future police municipale : une police de proximité formée aux questions sociétales.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Alors votez ce texte !

Mme Esther Benbassa.  - Mais nous regrettons le dangereux rapprochement des prérogatives et des statuts des polices nationales, municipales, et des sociétés de sécurité privée, sans vision novatrice et complète de la sécurité. Le GEST votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - C'est dommage.

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dès le début, cet accord était prévisible, et nous nous en réjouissons. Il est juste de saluer le travail intense et méthodique des rapporteurs. Je rends aussi hommage au président Buffet.

Voyez le chemin parcouru sur le rapprochement des différentes forces de sécurité. Il y a vingt ans, la perception des polices municipales était très différente ! Grâce aux conventions de coordination, de nombreux progrès ont été réalisés. C'est le résultat, notamment, de la montée en compétences réalisée par les communes.

Je me souviens du premier texte sur la sécurité privée, en 1983. On partait de loin, les préventions étaient très fortes. La majorité de l'époque a dû faire un grand effort pour réglementer la profession. Désormais, les sociétés privées ont toute leur place dans le code de la sécurité intérieure.

Les images et leur transmission ont fait l'objet d'une grande méfiance avant de se développer pour soutenir les enquêtes judiciaires. Les préjugés étaient très intenses. À présent, les critiques sont extrêmement réduites. La commission de déontologie se réunit chaque année. Nous avons fait collectivement oeuvre utile.

Nos collègues nous rendent service : le Conseil constitutionnel nous garantira la sécurité juridique des solutions retenues. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc de la commission)

M. Jean-Yves Roux .  - Le bicamérisme a fait son oeuvre. Cette proposition de loi, initialement controversée, apporte une régulation bienvenue. C'est une étape... Nous aurions souhaité aller plus loin dans le contrôle de la sous-traitance et la formation des agents de sécurité privée.

Le Sénat a voulu encadrer l'utilisation des caméras aéroportées. Nous devrons évaluer régulièrement la pertinence des dispositions et les adapter aux pratiques. Prenons rendez-vous lors du prochain projet de budget pour contrôler la montée en puissance du régime.

Réaffirmons notre attachement à nos libertés fondamentales - usage proportionné et délimité strictement aux missions, respect des libertés individuelles et de la presse - cadre dans lequel l'action des forces de l'ordre doit s'inscrire. La majorité du RDSE s'oppose à la détention d'armes par les membres des forces de l'ordre, hors service, dans les lieux accueillant du public.

La nouvelle police intercommunale ne doit pas devenir une troisième force de sécurité, ni servir de prétexte à un désengagement de l'État. Nous craignons une sécurité à deux vitesses, avec de super polices intercommunales d'un côté, rien de l'autre ; et des inéquités au sein des intercommunalités de sécurité. Les forces publiques doivent être partout, y compris dans les territoires ruraux et en outre-mer.

Je m'interroge sur la complexité et la lisibilité des dispositifs. Évitons toute concurrence territoriale. L'expérimentation devra faire l'objet d'une évaluation rigoureuse. De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Éliane Assassi .  - « La France, berceau des droits humains tels que promulgués en 1789, serait-elle en train de rejoindre le camp des pays où la démocratie est fragilisée par le pouvoir lui-même ? » Angela Davis, Noam Chomsky, Jean Ziegler et pas moins de trois prix Nobel de la paix - excusez du peu... - s'interrogent dans une récente lettre envoyée au président Macron.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Ils n'ont pas lu le texte !

Mme Éliane Assassi.  - Nous actons un recul sans précédent des libertés publiques, qui sera peu toléré. La mobilisation importante a permis de réécrire l'article 24 mais sa formulation finale pose encore question. « L'usage malveillant de l'image » n'est plus, mais comment prouver un « but manifeste » de porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique des policiers, lorsque l'image est diffusée pour dénoncer une violence policière ? Ce texte mériterait d'être retiré.

La philosophie globale de ce texte, celle d'un continuum de sécurité, était partagée par les majorités de l'Assemblée nationale et du Sénat.

En échange de quelques contraintes, les agents de sécurité privée pourront surveiller l'espace public et assurer des palpations dans les manifestations. Pourtant, les sociétés qui les emploient ont un but lucratif.

De nouveaux pouvoirs seront accordés aux policiers municipaux, sans moyens ni formation.

L'extension de l'usage des nouvelles technologies sera démesurée. L'encadrement opéré par la commission des lois du Sénat est largement insuffisant. Actuellement, il s'agit uniquement de capter des images, mais qu'en sera-t-il demain ? Si les garanties sont aussi faibles et éphémères que celles de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) de 2017, le pire est à craindre - sans être alarmiste. Gageons que le Conseil constitutionnel saura vous faire entendre raison.

Mesurons bien les implications de ce texte sur nos libertés et nos droits fondamentaux et opposons-nous aux conclusions de la CMP ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi a suscité d'importants remous dans le débat public et des manifestations. C'est avec soulagement que nous nous apprêtons à la voter.

Que de chemin parcouru ! En décembre 2020, peu après l'adoption du texte à l'Assemblée nationale, le Sénat avait fait part de sa détermination à améliorer l'article 24 et s'était opposé à la création d'une commission pour le réécrire.

Dans la navette, seul le Sénat était saisi de la proposition de loi telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale. La version sénatoriale de l'article 24 a fait l'objet d'un consensus en CMP. Elle a totalement abandonné la référence à la loi de 1881 et crée un nouveau délit de provocation à l'identification des policiers afin de porter atteinte à leur intégrité physique et psychique, qui sera inscrit dans le code pénal.

Cette nouvelle rédaction n'attente pas à la liberté de la presse et lève toute ambiguïté sur une pseudo-intention. (M. le rapporteur Hervé le confirme.)

Au-delà de l'article 24, de nombreuses modifications sénatoriales ont été conservées par la CMP.

L'expérimentation est étendue aux communes qui disposent d'au moins quinze agents de police municipale et non plus vingt. Elle durera cinq ans au lieu de trois pour coïncider avec le mandat municipal.

Afin de mieux protéger ceux qui nous protègent, le texte renforce les peines encourues en cas de violences sur des personnes dépositaires de l'autorité publique ou leurs proches.

Le délit d'intrusion illégale dans une exploitation agricole pourra être constaté par les policiers municipaux et les gardes champêtres.

Le Sénat a apporté des garanties sur la vidéosurveillance et la captation d'images, pour protéger les libertés individuelles et publiques.

Nous regrettons la disparition des mesures adoptées par le Sénat à l'initiative de Mme Estrosi Sassone, permettant à la police municipale de constater un délit de flagrance dans les parties communes d'immeubles.

Au total, nous nous réjouissons qu'une grande part du travail sénatorial ait été conservée. Merci au président de la commission des lois et aux rapporteurs, qui malgré les turbulences n'ont commis aucune erreur de navigation.

L'enrichissement de ce texte par le Sénat montre une fois de plus toute l'utilité du bicamérisme. Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les rapporteurs et le président Buffet ont fait un travail de grande qualité. Notre groupe votera ce texte avec conviction.

Le Sénat a su dépasser la frénésie et les postures pour adopter une loi adaptée aux évolutions de la délinquance et des nouvelles technologies qui font de ceux qui nous protègent des cibles, et trop souvent des victimes.

La CMP a conservé les apports essentiels du Sénat et préservé l'équilibre entre sécurité et liberté, socle du contrat social qui fonde notre démocratie.

M. Loïc Hervé, rapporteur.  - Très bien

Mme Françoise Gatel.  - À la violence qui gangrène notre société, nous répondons par une loi ciselée, sécurisée juridiquement, apaisée. L'article 24 est désormais cicatrisé : il ne touche plus à la loi de 1881 mais crée un nouveau délit de provocation à l'identification des policiers qui concourra à la protection des forces de l'ordre.

La police municipale ne saurait se substituer à la police ou à la gendarmerie nationale. C'est à l'État d'assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire.

La mutualisation des polices municipales est une piste intéressante. La nécessité d'un encadrement robuste de l'usage des drones était devenue pressante.

L'extension des compétences des polices municipales fera l'objet d'une expérimentation, dont le Sénat a renforcé l'évaluation. Les membres de notre délégation aux collectivités territoriales seront des interlocuteurs coopératifs mais exigeants, madame la ministre.

L'atterrissage de l'expérimentation devra être anticipé, en évitant d'imposer verticalement le transfert des prérogatives judiciaires aux polices municipales. Chat échaudé craint l'eau froide... L'élargissement des compétences ne doit concerner que les communes volontaires. La libre administration des collectivités territoriales doit être respectée.

Merci aux deux rapporteurs et au président Buffet pour leur implication, aux ministres au banc pour leur écoute : cela a permis d'atteindre un difficile équilibre.

Le groupe UC votera ce texte en réaffirmant que la sécurité doit évoluer comme la société et protéger la liberté. Ceux qui nous protègent doivent être protégés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 22

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

autorités publiques mentionnées

par les mots :

services mentionnés

L'amendement de coordination n°2, accepté par la commission, est adopté.

ARTICLE 24

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

d'un agent des douanes lorsqu'il est en opération, d'un militaire de la gendarmerie nationale ou d'un agent de la police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d'une opération de police

par les mots :

d'un militaire de la gendarmerie nationale ou d'un agent de la police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d'une opération de police, d'un agent des douanes lorsqu'il est en opération

L'amendement rédactionnel n°7, accepté par le Gouvernement, est adopté.

ARTICLE 27 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 61 et 62

Rédiger ainsi ces alinéas :

3° Au 1° ter de l'article 21, le mot : « civile » est remplacé par le mot : « opérationnelle ».

V.  -  À la fin de l'article L. 331-4-1 du code du sport, les mots : « civile de la police nationale mentionnée aux articles 4 à 4-5 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure » sont remplacés par les mots : « opérationnelle de la police nationale mentionnée à la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la sécurité intérieure ».

L'amendement rédactionnel n°1, accepté par la commission, est adopté.

ARTICLE 31

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Au premier alinéa de l'article L. 155-1, la référence mentionnée entre les mots : « dans leur rédaction résultant de » et les mots : « , les dispositions suivantes : » est remplacée par la référence : « la loi n°       du      pour une sécurité globale préservant les libertés » ;

II.  -  Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a bis) Au premier alinéa de l'article L. 156-1, la référence mentionnée entre les mots : « dans leur rédaction résultant de » et les mots : « , les dispositions suivantes : » est remplacée par la référence : « la loi n°       du      pour une sécurité globale préservant les libertés » ;

III. - Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

c) Au premier alinéa de l'article L. 157-1, la référence mentionnée entre les mots : « dans leur rédaction résultant de » et les mots : « , les dispositions suivantes : » est remplacée par la référence : « la loi n°       du      pour une sécurité globale préservant les libertés » ;

d) Au premier alinéa de l'article L. 158-1, la référence mentionnée entre les mots : « dans leur rédaction résultant de » et les mots : « , les dispositions suivantes : » est remplacée par la référence : « la loi n°       du      pour une sécurité globale préservant les libertés » ;

IV.  -  Alinéas 8 à 13

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

1° Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1, la référence mentionnée entre les mots : « dans leur rédaction résultant de » et les mots : « , les dispositions suivantes : » est remplacée par la référence : « la loi n°      du       pour une sécurité globale préservant les libertés » ;

2° Le titre IV du livre III est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa des articles L. 344-1, L. 345-1 et L. 346-1, la référence mentionnée entre les mots : « dans leur rédaction résultant de » et les mots : « , les dispositions suivantes : » est remplacée par la référence : « la loi n°        du         pour une sécurité globale préservant les libertés » ;

b) Après le mot : « résultant » , la fin du premier alinéa de l'article L. 347-1 est ainsi rédigée : « de la loi n°            du           pour une sécurité globale préservant les libertés. » ;

V.  -  Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

b bis) Au second alinéa du 3° de l'article L. 445-1, au second alinéa du 2° de l'article L. 446-1 et au second alinéa du 2° de l'article L. 447-1, le mot : « civile » est remplacé par le mot : « opérationnelle » ;

VI.  -  Alinéa 27

Rédiger ainsi cet alinéa :

-  au 5°, les mots : « formant un ensemble de moins de 80 000 habitants d'un seul tenant » sont remplacés par les mots : « limitrophes ou appartenant à une même agglomération au sein d'un même département ou à un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » ;

VII.  -  Alinéas 35 à 37, 49 à 51 et 64

Supprimer ces alinéas.

VIII.  -  Alinéas 43, 57 et 68

Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

troisième

IX.  -  Alinéa 63

Remplacer la référence :

L. 121-1

par la référence :

L. 233-1

L'amendement de coordination n°5 rectifié bis, accepté par la commission, est adopté.

ARTICLE 31 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 9

Rétablir le e dans la rédaction suivante :

e) Le vingt-deuxième alinéa est ainsi modifié :

-  les mots : « et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire adjoints » sont supprimés et, après le mot : « des », sont insérés les mots : « vérifications destinées à établir l'état alcoolique, qui sont soit réalisées immédiatement et sur les lieux, soit précédées d' »  ;

-  est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints peuvent, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré. » ;

II.  -  Alinéa 13

Rétablir le c dans la rédaction suivante :

c) Le vingt et unième alinéa est ainsi modifié :

-  les mots : « et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire adjoints » sont supprimés et, après le mot : « des », sont insérés les mots : « vérifications destinées à établir l'état alcoolique, qui sont soit réalisées immédiatement et sur les lieux, soit précédées d' » ;

-  est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints peuvent, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré. » ;

III.  -  Alinéa 17

Rétablir le c dans la rédaction suivante :

c) Le vingt et unième alinéa est ainsi modifié :

-  les mots : « et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire adjoints » sont supprimés et, après le mot : « des », sont insérés les mots : « vérifications destinées à établir l'état alcoolique, qui sont soit réalisées immédiatement et sur les lieux, soit précédées d' » ;

-  est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sur l'ordre et sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints peuvent, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré. » ;

L'amendement de coordination n°4 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 31 quinquies

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 31 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions du II de l'article 11 bis de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L'amendement de coordination n°3, accepté par la commission, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 31 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° du VI de l'article 8 de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs est ainsi rédigé :

« 1° Au premier alinéa des articles L. 155-1, L. 156-1, L. 157-1 et L. 158-1, la référence mentionnée entre les mots : "dans leur rédaction résultant de" et les mots : ", les dispositions suivantes :" est remplacée par la référence : " l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs " ; ».

L'amendement de coordination n°6 rectifié, accepté par la commission, est adopté.

À la demande du groupe CRCE, le texte élaboré par la CMP, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°103 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 241
Contre 98

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La séance est suspendue quelques instants.