Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Je demande la réserve après l'article 55 des amendements portant articles additionnels après l'article 30, à l'article 31 et portant articles additionnels après l'article 31.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Avis favorable.

La réserve est ordonnée.

ARTICLE 18

M. David Assouline .  - Je ne pensais pas, ayant eu à plaider pour la liberté de la presse sous Chirac, sous Sarkozy, sous François Hollande, qu'elle souffrirait autant durant ce quinquennat-ci. Combien de journalistes malmenés, dans l'exercice de leur métier et dans la loi ? À peine votée la loi Sécurité globale que cet article 18 y revient - sans que l'on comprenne la coordination entre deux articles qui se chevauchent.

Vous remettez en cause la liberté de la presse contre l'avis de tous ceux qui la font vivre.

Cet article a une portée très large : il vise toutes les atteintes aux personnes et aux biens. Il est indispensable d'en exclure explicitement les journalistes. Leurs syndicats sont inquiets, pour les journalistes et pour les lanceurs d'alerte.

Faire croire que la liberté de la presse pose problème est une erreur : la loi de 1881 est un outil pour lutter contre le séparatisme. C'est par elle que nous défendrons la démocratie.

M. Julien Bargeton .  - « Nous ne pouvons plus choisir nos problèmes. Ils nous choisissent l'un après l'autre. Acceptons d'être choisis », disait Albert Camus.

La République a choisi, à ses débuts, de traiter de la question sociale, de la séparation de l'Église et de l'État ; elle s'est solidifiée progressivement.

Inversement, les problèmes nous sautent parfois à la figure.

En République, nous vivions dans une séparation entre vie publique et sphère privée, selon la distinction d'Hannah Arendt. La dimension publique, c'est l'espace public physique, mais aussi théorique - l'espace public de la délibération, dit Habermas. Ainsi de ce nouvel espace public virtuel qui est de plus en plus le lieu des attaques haineuses.

Ce texte conforte les principes de la République dans un monde qui a changé, marqué par des phénomènes nouveaux. Redéfinissons ce qu'est l'espace public dans une République au XXIe siècle.

Mme la présidente.  - Amendement n°316, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Sorti par la porte, rentré par la fenêtre, l'article 24 de loi Sécurité globale réapparait ici, élargi à toutes les atteintes à la personne ou aux biens, volontaires ou non.

Cette rédaction imprécise, prévoyant des peines trop sévères, est contraire au principe de la légalité des délits et des peines, et au respect de la liberté d'expression. Supprimons cet article.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°555 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Tout acte de haine est susceptible d'être réprimé, y compris en ligne. Depuis la loi Avia, nous refusons de laisser aux Gafam cette responsabilité. En République française, c'est le juge qui doit condamner.

Mme Nathalie Goulet.  - Oui.

M. Fabien Gay.  - Cet article 18 ressemble comme deux gouttes d'eau à l'article 24 de la loi Sécurité globale. La liberté de la presse peut être attaquée autant par l'un que par l'autre. C'est pourquoi il faut sécuriser les lanceurs d'alerte.

Abandon de l'article 24, réécriture par le Sénat, puis à nouveau par l'article 18 : l'inflation législative galope et personne n'y comprend plus rien.

Nous voulons la garantie que les images filmées par les journalistes pourront être diffusées, monsieur le ministre.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Cet article réprime la diffusion de données destinée à nuire aux personnes. Sa rédaction a été précisée en commission des lois pour ne pas porter atteinte à la liberté de la presse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Un mot d'abord sur la genèse de cet article. Après l'assassinat de Samuel Paty, nous nous sommes interrogés : aurions-nous pu judiciariser plus tôt, et comment ? Qu'aurions-nous pu faire pour éviter le drame, au regard des données factuelles et de la législation ? Rien. C'est désespérant, mais c'est la réalité.

C'est pourquoi nous avons conçu l'article 18 -  dans la concertation, ne vous en déplaise. J'ai reçu les syndicats, les avocats spécialistes de la presse et les patrons de presse.

Je voudrais vous rassurer -  si tant est que vous souhaitiez l'être, mais peut-être préférez-vous rester avec vos certitudes. (M. Fabien Gay proteste.)

Je veux vous parler des faits et de la légalité. Vous avez le droit de placer le problème sur le terrain idéologique.

Cet article 18 a été élaboré avec le parquet national antiterroriste et la Chancellerie. Je le revendique. La période qui a précédé l'assassinat de Samuel Paty a été une bulle mortifère : faute de textes, nous ne pouvions intervenir. Nous le pourrons à l'avenir.

Si vous ne faites pas la différence entre l'article 24 que vous avez réécrit et cet article 18, c'est à désespérer de tout. Lisez-les ! Ils n'ont rien à voir. Vous préférez entretenir la confusion, peut-être à des fins politiques, sans doute parce que l'article 24, avant sa réécriture par le Sénat, avait mobilisé dans la rue. Libre à vous, mais il suffit d'un effort de lecture pour voir la différence.

Vous êtes le grand chantre de la liberté de la presse, dites-vous ? Mais lisez donc ! Faites-vous la différence entre liberté d'informer et intention de nuire ? La Cour de cassation vient de le faire. D'un côté le journaliste qui informe, de l'autre le haineux qui cherche à nuire. Faites la différence, et vous comprendrez que je sois défavorable à ces amendements.

M. David Assouline.  - Je vois que vous attaquez calmement et sereinement ce débat...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'aime pas les idéologues.

M. David Assouline.  - M. le garde des Sceaux n'aime pas les idéologues. Nous défendons la liberté de la presse contre votre pseudo-pragmatisme, qui se cache derrière un drame qui nous a tous bouleversés - moi, comme professeur d'histoire-géographie, tout particulièrement.

Les faits, c'est que Pharos a été alerté bien en amont. Mais combien de magistrats avez-vous pour suivre la haine en ligne ? Pharos manque cruellement de moyens, même s'il y a des progrès.

Pas de procès d'intention !

Le délit d'intentionnalité est très difficile à définir. Nous vous demandons d'exclure spécifiquement la presse du champ de l'article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est fait !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ne faisons pas de procès d'intention. (Mle garde des Sceaux manifeste son agacement.)

Nous souhaitons tous que le drame de Conflans ne se reproduise jamais.

La coexistence de l'article 24 de la loi Sécurité globale, réécrit par la commission des lois et la commission mixte paritaire, et de l'article 18 tel qu'examiné aujourd'hui, semble poser problème. Comment les parquets pourront-ils qualifier correctement ?

Heureusement, la rapporteure a introduit un alinéa sur la presse, mais uniquement sur le respect des procédures.

La loi spéciale prime sur la loi générale, si je me souviens bien de mes cours de droit pénal : la loi de 1881 s'appliquera donc. Est-ce bien le cas, monsieur le garde des Sceaux ? Sinon, mon inquiétude grandit. Nous partageons le but poursuivi, mais il faudrait un article et non deux.

M. Pierre Ouzoulias.  - Séparons le dogme de l'idéologie. L'idéologie met les idées en système, ce qui assure la cohérence de la pensée. J'ai, comme le garde des Sceaux, la plus grande aversion pour le dogme.

Il a manqué, dans le martyr de Samuel Paty, le déclenchement de la protection fonctionnelle. Lorsqu'il a été convoqué au commissariat, il était seul ! Ce n'est pas normal. La protection fonctionnelle doit être de droit pour tout fonctionnaire mis en cause dans l'exercice de ses fonctions.

Sans l'article 40, je l'aurais bien proposé par voie d'amendement. Avec une protection fonctionnelle, la riposte des services de l'État aurait été bien plus rapide.

M. Fabien Gay.  - Nous voulons dialoguer, monsieur le ministre. Nous sommes tous attristés par ce drame, et cherchons des solutions.

Nous proposons de renforcer la protection fonctionnelle, d'augmenter les moyens du service public, et notamment des services de renseignements.

C'est vrai, nous avons du mal à voir la différence entre l'article 18 et 24 sur la liberté de la presse. (Mle garde des Sceaux s'exclame.)

La loi de 1881 consacre la liberté de la presse mais aussi sa responsabilité ; on est passé d'un cautionnement à une responsabilité posteriori. Quiconque s'estime diffamé peut attaquer la presse.

Mais depuis le début de ce quinquennat, on ne cesse de mettre à mal la liberté de la presse, de nous informer, de nous alerter. Je pense à la loi sur le droit des affaires. (M. le garde des Sceaux lève les bras au ciel.)

Avec ces articles 24 et 18, il y aura une autocensure préalable des rédactions. Nous voulons l'éviter.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - En commission des lois, nous avons corrigé le texte pour nous assurer que les journalistes seront protégés.

On aurait pu s'interroger sur le télescopage des deux articles mais ce n'est plus le cas avec la nouvelle rédaction de l'article 24, qui a été adoptée en commission mixte paritaire.

L'article 24 visait initialement un cas particulier ; ce n'est plus le cas dans la rédaction adoptée en CMP, qui crée une infraction sans lien avec la diffusion de données. Soit il y a provocation à l'identification des policiers, gendarmes et douaniers en opération, avec ou sans diffusion de données identifiantes et l'article 24 s'applique, soit il y a diffusion sans provocation et l'article 18 s'applique. La provocation implicite n'existe pas.

L'article 24 tel que rédigé par le Sénat réprime également la création de fichiers.

Si l'intention de nuire est prouvée, cela relève de l'article 18.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Le juge choisira la qualification la plus ciblée pour atteindre son objectif.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je remercie la rapporteure de ce rappel des textes. Je ne dis pas que vous n'avez pas ressenti de l'émotion à l'assassinat de Samuel Paty, ce serait insupportable.

Nous sommes partis des faits en nous demandant comment nous aurions pu intervenir plus tôt -  pour ce qui relève de mon périmètre. C'est ainsi qu'est né l'article 18.

Entendez, monsieur le sénateur, que je sois blessé que vous considériez la défense de la liberté de la presse comme votre monopole. (M. David Assouline s'exclame.)

J'ai commencé fort, avez-vous dit ? Vous aussi, en invoquant vos grands combats, sous Chirac, etc. (M. David Assouline rit.)

Je ne suis pas plus liberticide que vous !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Oh...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mme de La Gontrie dit « Oh ». Toujours aimable ! Cela figurera au compte rendu. Soit : je suis un affreux liberticide, vous êtes la lumière de cet hémicycle.

M. Pascal Savoldelli.  - Vous êtes ministre, désormais !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai pris toutes les précautions, consulté les syndicats, avocats et patrons de presse - mais vous ne voulez pas l'entendre. Vous voulez être les chevaliers blancs, et que je sois le méchant ministre qui musèle la presse.

L'article 18 ne concerne en rien les journalistes, mais ceux qui propagent la haine.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Évidemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'article 20 le prouve. Nous avons précisément exploré le code de procédure pénale pour éviter de toucher à la loi de 1881.

Lisez les articles 18 et 24, si différents ! Vous n'avez pas envie d'être convaincus mais souhaitez faire du bruit. Assumez !

Vous n'avez pas le monopole de la sauvegarde de la liberté de la presse. J'y suis particulièrement attentif, souffrez de l'entendre.

Mme la présidente.  - Je ne peux vous donner la parole sur l'amendement, madame de La Gontrie, mais pour un rappel au Règlement. Pour le fait personnel, c'est en fin de séance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ceci est un rappel au Règlement sur la tenue des débats. Nous travaillons de manière austère et très impliquée depuis plusieurs jours et nuits.

Au-delà de l'animosité que le garde des Sceaux peut nourrir à l'égard de tel (M. le garde des Sceaux s'en défend.), je souhaiterais, en tant que parlementaire, pouvoir intervenir sans que soient exprimés des qualificatifs grossiers ou insultants.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Vous êtes l'arbitre des élégances !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Parfaite démonstration...

Je ne peux pas, à chaque séance, faire l'objet de propos grossiers.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Qu'ai-je dit de grossier ?

Mme la présidente.  - Il n'est pas de bon usage d'interrompre les orateurs d'un bord ou de l'autre. Chacun a un temps de parole, celui du Gouvernement est illimité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a des caricatures non conformes à la réalité. Depuis plusieurs semaines, Mme de La Gontrie met l'accent sur les problèmes de compatibilité entre l'article 24 et l'article 18. C'est un débat de fond.

Le groupe SER a beaucoup réfléchi sur cet article 18.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Moi aussi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La protection des journalistes est importante. Nous n'avons pas déposé d'amendement de suppression, mais un amendement de précision, extrêmement important, pour interpréter l'alinéa précédent dans un sens préservant la liberté de la presse. Les propos outranciers n'ont pas lieu d'être, notre position n'est en rien caricaturale.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - La nouvelle rédaction de l'article 24 par la commission des lois du Sénat sort la loi de 1881 de son champ. Elle a été confirmée par la CMP.

Mme Vérien a précisé l'articulation des deux articles. Relisez l'alinéa 5 de l'article 18 qui exclut les journalistes, qui restent sous le régime de la loi de 1881. Il n'y a pas de polémique.

Les amendements identiques nos316 et 555 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°371 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°419 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu'elles permettent d'identifier ou de localiser. »

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La loi de 1881 protège les journalistes mais aussi, plus largement, la liberté d'expression. Si nous ne voulons pas empêcher la révélation d'un certain nombre de faits, il faut encore préciser l'article, que la commission des lois a incontestablement amélioré.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. À trop exclure, le principe sera inefficace. Restons-en à la rédaction de la commission des lois.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis. L'exigence qu'il y ait intention de nuire exclut de fait les révélations faites dans un but légitime.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis déçu par le laconisme de ces réponses. Notre démarche n'est pas simpliste.

La protection de la vie privée des agents des forces de l'ordre est déjà assurée par les articles 226-1, 222-33-2-2, 222-17 et 226-8 du code pénal, par les articles 24 et 39 de la loi de 1881 et par la loi Informatique et liberté de 1978.

Parallèlement, la liberté de la presse doit être intégralement préservée. Notre amendement est précis et réfléchi, nous avons pesé chaque mot, pour éviter tout détournement. Il protège la liberté de la presse tout en assurant la protection des forces de sécurité. C'est un travail parlementaire sérieux qui améliorera ce texte déjà amélioré par la commission.

M. David Assouline.  - Puisqu'il n'y a ici que des défenseurs de la liberté de la presse, je pensais que, pour éviter tout procès d'intention, on nous accorderait cette précision !

Les attaques contre la liberté de la presse sont une réalité : il n'y a jamais eu autant de journalistes matraqués, molestés lorsqu'ils couvrent des manifestations. Pourtant, tout n'a pas toujours été rose.

Désormais, préventivement, on leur interdit de prendre des images. Le législateur doit mettre le holà. L'information professionnelle par des journalistes est la meilleure arme contre la haine.

En février dernier, Valérie Murat, lanceuse d'alerte sur des pesticides dans des vins HVE, a été condamnée à 125 000 euros d'amende pour dénigrement. Voilà comment on attaque la liberté d'informer.

Mme Françoise Gatel.  - Généralement, le fil du temps court vers l'avenir et non vers le passé...

Nous avons longuement débattu de la loi Sécurité globale. Grâce au travail remarquable de la commission des lois sur l'article 24, nous avons éteint tous les feux, notamment les inquiétudes de la presse.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Très bien.

L'amendement n°419 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°657, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Au-delà des dogmes et des idéologies - puisque je ferai désormais la différence entre les deux... je veux supprimer l'alinéa 5. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER)

Je vais vous expliquer pourquoi, vous ricanerez moins.

Cet alinéa, ajouté par la commission des lois du Sénat, prévoit l'application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse alors même que le délit ne serait pas commis par des journalistes ou assimilés. Cela signifierait qu'il ne serait pas possible de placer les auteurs de ces infractions en détention provisoire et priverait le dispositif répressif de son efficacité.

Le nouveau délit n'a pas pour objet de réprimer la diffusion de propos, sons ou images ayant pour but d'informer le public, quand bien même il pourrait être fait usage de ces éléments par une tierce personne dans le but de nuire.

L'équilibre réside dans l'existence d'un élément intentionnel spécifique, afin de réserver l'application du délit aux seules personnes ayant l'intention de nuire.

Mais quelles garanties procédurales ? Là, on ne ricane plus ! Quel délai de prescription de l'action publique ? Ce n'est pas précisé. La poursuite est-elle déterminée par un dépôt de plainte ? Pas de réponse ! La détention provisoire est-elle possible, alors que la loi de 1881 ne le prévoit que pour certains délits ? Il faut préciser les garanties procédurales de la loi de 1881.

Bref, on ne peut pas instituer un délit pour lequel la prescription, les peines et la mise en oeuvre de l'action publique sont aléatoires.

Mme la présidente.  - Amendement n°664, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque les faits reprochés résultent du contenu d'un message placé sous le contrôle d'un directeur de la publication en application de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ou de l'article 93-2 de la loi n 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le régime de responsabilité et les garanties procédurales prévues par la loi du 29 juillet 1881 sont applicables. »

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Monsieur le garde des Sceaux, vous avez raison sur la première version de l'alinéa 5, qui était trop large. Mais nous avons repris votre rédaction de l'article 20 pour être plus précis. Vous nous dites qu'elle n'est pas complète. Je regrette que nous le découvrions aujourd'hui. Je vous propose que nous maintenions cette sécurité - car c'est un bon signal pour les journalistes - quitte à préciser les pénalités en CMP. Avis défavorable à l'amendement n°657.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - S'agissant des personnes visées, Mme la rapporteure a raison. Ce n'est pas facile car certains journalistes n'ont pas de carte de presse. Le problème est de savoir quelles sont les garanties procédurales qui s'appliquent.

Nous devons extraire les haineux qui viennent se lover dans la loi de 1881 où ils n'ont rien à faire.

Je suis chagriné mais ouvert à la discussion. Sagesse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - L'amendement du Gouvernement est un mauvais signe. Même si l'amélioration apportée par la commission des lois est selon nous insuffisante, elle est bienvenue. La loi pénale ne peut se permettre d'être floue. La loi de 1881, si elle est complexe, est aussi précise. La prescription et la nature du délit y sont. Je ne suis pas persuadée que le garde des Sceaux ait des raisons de s'inquiéter.

M. Roger Karoutchi.  - Nous avons compris qu'il faut que cela mature, que l'on retravaille le dispositif en CMP. M. le ministre pourrait donc retirer son amendement. La sérénité des débats y gagnerait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Dans la rédaction initiale, qui souligne l'intention de nuire, les journalistes ne sont par définition pas concernés. La commission des lois instaure une protection supplémentaire en précisant ceux qui resteront protégés par la loi du 1881, comme à l'article 20.

Mais le problème est que l'article 18 crée un nouveau délit - il faut donc préciser quelle garantie de ladite loi s'appliquera.

L'amendement n°657 est retiré.

L'amendement n°664 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°136 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel, Roux, Corbisez et Gold et Mme Guillotin.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsque les faits sont commis au préjudice d'une personne en situation de handicap ou dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. »

Mme Maryse Carrère.  - Les personnes vulnérables doivent faire l'objet d'une protection accrue. Il convient donc de prévoir des circonstances aggravantes en cas de diffusion d'informations malveillantes visant une personne en situation de handicap ou particulièrement vulnérable.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Les personnes en question ne seraient pas attaquées pour leur nature propre, mais pour leurs fonctions.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement crée une autre circonstance aggravante, qui ne se superpose pas à la première, au bénéfice des personnes en situation de handicap. Nous le voterons.

L'amendement n°136 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous cherchons la meilleure rédaction et refusons la moindre réduction de la liberté de la presse.

Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes opposés à notre précision visant à exclure la liberté d'informer. Elle est à nos yeux de la plus haute importance car la liberté de la presse doit être intégralement préservée. Nous ne pourrons donc pas voter cet article.

L'article 18, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°137 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier, Cabanel, Roux, Guiol, Corbisez et Gold.

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 131-10 est complété par les mots : « soit, lorsque la condamnation a pour fondement l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par tout moyen de communication audiovisuelle » ;

2° Le cinquième alinéa de l'article 131-35 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par un ou plusieurs services de communication audiovisuelle » ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « ou les services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « , les services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les services de communication audiovisuelle ».

M. Stéphane Artano.  - Les médias sont le quatrième pouvoir. Cet amendement donne au juge la possibilité de prononcer une peine de diffusion à la télévision de la condamnation d'une personne ayant provoqué à la commission d'un crime ou d'un délit.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cela semble plus difficile que dans la presse, où l'information est diffusée dans le numéro suivant.

Avis défavorable, même si j'estime, à titre personnel, que l'idée devrait être retravaillée car son objectif est légitime.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Le code pénal prévoit une diffusion dans la presse écrite et sur internet. Comment publier l'information ? Elle serait diffusée deux cents fois sur une chaîne d'information en continu, une seule fois sur une chaîne du service public. L'arsenal législatif suffit.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faudrait aussi diffuser les relaxes, les non-lieux et les acquittements. La presse viole allègrement la présomption d'innocence, mais quand il n'y a pas de condamnation, cela n'intéresse plus personne. J'ai été traînée dans la boue, accusée d'avoir assassiné mon mari -  excusez du peu ! Et quand il n'y a plus rien, pas même une demi-ligne ! La présomption d'innocence est devenue un pipeau péruvien.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement évoque un vrai problème mais la réponse n'est pas adaptée. Est-il satisfaisant de se limiter à la presse écrite ? Non. J'encourage la Chancellerie à y travailler, avec créativité.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame de La Gontrie, vous êtes cordialement invitée à la Chancellerie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je ne discute pas avec ceux qui m'insultent.

L'amendement n°137 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°200 rectifié ter n'est pas défendu

Mme la présidente.  - Amendement identique n°423 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 226-10 du code pénal, les mots : « ou de non-lieu, » sont remplacés par les mots : « , de non-lieu ou de classement sans suite ».

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Amendement de précision.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Le classement sans suite n'entraîne pas nécessairement la fausseté d'un fait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Le classement sans suite peut être décidé par le procureur alors que l'infraction est commise. Un rappel à la loi entraîne un classement sans suite.

Monsieur Sueur, vous avez été bien reçu à la Chancellerie...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne vois pas le rapport.

Mme la présidente.  - Les invitations, c'est à la fin de la séance.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est ça, quand on lit L'Obs !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pour pouvoir se plaindre d'une dénonciation calomnieuse, il faut que les faits relatés aient été l'objet d'une procédure.

Le classement sans suite n'est pas une décision judiciaire mais administrative. Certaines juridictions acceptent toutefois que l'on se fonde sur le classement sans suite pour se défendre de la calomnie.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Lorsqu'il y a prescription, il y a classement sans suite, mais cela ne signifie pas que les faits n'existent pas. Dans mon département, il y a ainsi un violeur qui le reste, même après prescription. Il ne doit pas pouvoir être innocenté.

L'amendement n°423 rectifié n'est pas adopté.

L'article 18 bis A est adopté.

L'article 18 bis est adopté.

ARTICLE 19

M. David Assouline .  - Il faut lutter contre les sites miroirs qui font réapparaître les contenus illicites.

Saluons le retour du juge dans le dispositif grâce à l'Assemblée nationale.

Mais l'autorité administrative reste compétente pour identifier les cas. Le critère proposé est celui du « contenu identique ou équivalent ». Cela manque de précision et peut conduire à porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) recommande que les critères pour apprécier le caractère équivalent soient explicités par la loi et que l'autorité judiciaire en précise le contenu.

Nous regrettons que la majorité sénatoriale n'ait pas pris ce parti.

Mme la présidente.  - Amendement n°244 rectifié, présenté par M. Mizzon, Mmes Thomas et Belrhiti, MM. Duffourg, Masson, Canevet, Delahaye, P. Martin, Kern, Cuypers, J.M. Arnaud et Moga, Mme Herzog, MM. Bouchet et Le Nay et Mme Bonfanti-Dossat.

Supprimer cet article.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Cet article est purement déclaratif puisqu'il ne prévoit aucune sanction si les hébergeurs ou les fournisseurs d'accès à internet refusent la demande des autorités. Il rappelle simplement des dispositions existantes, sans imposer la moindre obligation. Il risque donc de s'avérer totalement inefficient.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°570 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous revivons le débat de la loi Avia - sévèrement censurée par le Conseil constitutionnel. Pour une fois, l'Union européenne s'est saisie du sujet et va revoir la législation. Ce que vous proposez risque d'être complètement dépassé.

J'ai déféré un tweet de M. le ministre de l'Intérieur en référé, démontrant par l'absurde, malgré ma condamnation, l'inefficacité du dispositif.

Faute de pouvoir obliger les portails à fournir des éléments à la justice, hélas, nous sommes démunis. Il faut une réflexion plus générale sur le statut d'hébergeur.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous devons lutter contre les sites miroirs. La loi autorise déjà l'administration à saisir les hébergeurs pour interdire l'accès aux sites malfaisants et les déréférencer des moteurs de recherche, mais il faut pouvoir le faire pour leurs copies sans nouvelle procédure.

Avis défavorable aux amendements identiques nos244 rectifié et 570 rectifié bis.

La commission aurait préféré un nouveau texte à une réintégration de toute la proposition de loi par amendement. Mais le Digital services act (DSA) risque de ne pas être adopté avant longtemps, ce qui explique que nous ayons conservé ces dispositions. Il est urgent d'agir.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.  - Le texte européen a été présenté le 15 décembre 2020, le texte du Gouvernement le 8 décembre. Il n'était donc pas possible d'en tenir compte.

Une fois le texte européen analysé, nous avons déposé un amendement à l'Assemblée nationale pour le pré-transcrire dans notre droit.

Nous aurions préféré une autre temporalité, mais nous n'avions pas la main sur le processus européen. Des sites illégaux sont bloqués par la justice française - ce pour quoi il faut plusieurs mois, tandis qu'il ne faut que vingt-quatre heures pour qu'ils soient remis en ligne avec simplement une extension différente.

Les procédures judiciaires sont inadaptées face aux sites miroirs.

La proposition de loi Avia avait donné lieu à un débat, certains estimant que la demande faite aux hébergeurs ou aux fournisseurs d'accès de fermer les sites identiques devait émaner de l'autorité judiciaire.

Nous proposons que le juge puisse ordonner la fermeture par avance d'un site identique ou similaire au site existant.

L'absence de sanction en cas de refus, de la part d'un hébergeur ou d'un fournisseur d'accès, de fermer un site, ne rend pas l'article inopérant. Ce n'est jamais arrivé : ils accèdent aux demandes, à condition qu'elles soient formalisées. Cet article 19 est tout à fait indispensable. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Les amendements identiques n°244 rectifié et 570 rectifié bis ne sont pas adoptés

Mme la présidente.  - Amendement n°639, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Au 8 du I de l'article 6, les mots : « L'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 » sont remplacés par les mots : « Le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire, à toute personne susceptible d'y contribuer ;

II.  -  Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

aux personnes mentionnées aux 1 ou 2 du I du même I

par les mots :

à toute personne susceptible d'y contribuer

III.  -  Alinéa 8

Remplacer les mots :

l'autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner

par les mots :

le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous visons les fournisseurs d'accès internet et les hébergeurs pour bloquer les sites miroirs. Actuellement, pour des raisons techniques, les hébergeurs peuvent être empêchés d'accéder à la demande de la justice.

Le député Bothorel nous a saisis de ce problème, mais son amendement nécessitait d'être retravaillé. La justice doit pouvoir enjoindre toute partie technique concernée, et pas seulement les hébergeurs et les fournisseurs d'accès, de bloquer le site.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°680 à l'amendement n° 639 du Gouvernement, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Amendement n° 639

Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Alinéa 9

Remplacer les mots :

aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la présente loi au titre

par les mots :

au premier alinéa

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous serions favorables à cette solution si l'on intègre les surcoûts pour les fournisseurs d'accès, qui ne tirent pas de bénéfice de ces sites. Le Conseil d'État croit cette précision inutile mais le Conseil constitutionnel a l'opinion inverse.

Mme la présidente.  - Amendement n°638, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable au sous-amendement n° 680. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dès lors que les surcoûts sont conséquents, l'État doit les rembourser. S'ils sont négligeables, le Conseil d'État a jugé que ce n'était pas nécessaire. C'est le cas ici.

M. David Assouline.  - Quels les moyens l'État a-t-il dégagés pour repérer ou traiter les signalements, qui sont en croissance exponentielle - 200 000 l'année dernière ? Sommes-nous correctement outillés pour traiter judiciairement les faits ? Il y a trente-et-une personnes chez Pharos et six magistrats pour l'ensemble des atteintes à la loi sur le Net. C'est mieux que quatre, comme naguère, mais ce n'est pas suffisant.

L'inflation législative n'est-elle pas un palliatif à ce manque de moyens concrets ?

Mme Esther Benbassa.  - Le Gouvernement et Mme Avia utilisent ce projet de loi pour réintroduire une proposition de loi largement censurée par le Conseil constitutionnel. Ce n'est pas le bon véhicule. La censure des publications en ligne nécessite une loi spécifique.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Une étude attentive de la décision du Conseil constitutionnel révèle que seul l'article premier a été censuré sur le fond. Les articles 2 à 4 ont été censurés par voie de conséquence. On peut discuter de l'opportunité de pré-transposer un règlement européen, mais il est un peu rapide de soutenir que l'on réintroduirait par la fenêtre la loi Avia, censurée par le Conseil constitutionnel.

Le parquet national n'est pas le seul compétent pour les affaires en question. Il serait faux de ne compter que les procureurs attachés à la chambre spécialisée de Nanterre. Au reste, nous ne résoudrons jamais ces problèmes en nous contentant d'augmenter les effectifs. Même avec 2 500 magistrats spécialisés, nous ne pourrons pas poursuivre toutes les infractions commises sur internet.

Dans la rue, si vous insultez quelqu'un, la plupart du temps, il ne se passe rien. Les paroles s'envolent. Sur internet, en revanche, l'injure demeure et, potentiellement, est visible par des milliers, voire des millions de personnes.

Monsieur Assouline, nous appartenions tous les deux à la même majorité, qui n'a pas fait assez. Celle d'aujourd'hui n'en fait peut-être pas assez non plus... Mais cela ne suffira jamais.

Nous n'éviterons pas la question principielle : la gravité d'une insulte dépend-elle de sa propagation ?

M. Pierre Ouzoulias.  - En effet, les articles 2 à 4 n'ont pas été examinés par le Conseil constitutionnel, à la suite de la censure de l'article premier.

Le modèle économique des Gafam repose sur l'économie de l'attention : la violence, la diffamation engendrent l'attention et la diffusion. Avec la présidente Primas, nous avions suggéré un autre système économique passant par l'interopérabilité. Il faut s'attaquer à ce modèle.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°638 et favorable au n°639 s'il est sous-amendé.

Le sous-amendement n°680 est adopté.

L'amendement n°639, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°638 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°609, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5

Après les mots :

d'empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne

rédiger ainsi la fin de cet alinéa : 

reprenant le contenu du service visé par ladite décision en totalité ou de manière substantielle.

M. Julien Bargeton.  - Cet amendement est un compromis, une rédaction intermédiaire entre celles des deux assemblées.

Le présent projet de loi introduit un article 6-4 dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. L'Assemblée nationale en a considérablement étendu le champ, en disposant qu'un « site miroir » peut être entendu comme un service de communication au public en ligne ayant un contenu équivalent à tout ou partie du contenu du service visé par une précédente décision de justice. Le site miroir ne concernait donc plus seulement la reprise totale ou substantielle.

La commission des lois du Sénat quant à elle, en posant que l'autorité administrative ne peut apprécier de manière autonome le contenu des sites en question, a restreint de façon excessive la portée et l'efficacité du dispositif. Nous revenons à la rédaction initiale.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°609 est adopté.

L'article 19, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°179 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « y compris les crimes de génocide ».

Mme Sabine Drexler.  - Cet amendement ajoute à l'apologie des crimes contre l'humanité, la négation et la banalisation des crimes de génocide.

La pénalisation reste inconstitutionnelle. En 1990, le législateur a fait du négationnisme un délit de presse. La loi Gayssot a interdit de contester publiquement un ou plusieurs crimes contre l'humanité, au premier du rang desquels la Shoah.

Après le principe, voté en 1998 à l'Assemblée nationale, la France a adopté la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

Allons plus loin, pour éviter toute concurrence des mémoires et toute inégalité de traitement entre les victimes et leurs descendants. De nombreux descendants du génocide arménien ont trouvé refuge en France et sont devenus Français. Face au négationnisme - y compris d'État - on doit s'en remettre non à l'arbitraire communautaire mais à la justice de la République.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - La commission des lois a refusé d'étendre le champ des contenus haineux au-delà du texte initial. Avis défavorable. Chacun pourrait ajouter sa cause. En outre, ce dispositif a été déjà censuré deux fois par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable, d'autant que l'article 19 bis A répond à votre souci.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°179 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°420 rectifié, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :

1° Après le mot : « humaine », sont insérés les mots : « et au libre choix des personnes à disposer de leur corps » ;

2° La dernière phrase est complétée par les mots : « ainsi qu'à l'article L. 2223-2 du code de la santé publique » .

Mme Marie-Pierre Monier.  - Les tentatives d'entrave numérique à l'IVG sont des atteintes aux principes de la République, commises sous couvert d'information neutre. Les conséquences humaines sont trop graves pour que nous laissions opérer les sites de désinformation. Un délit d'entrave numérique a été instauré en 2017, mais l'interprétation du Conseil constitutionnel est trop restrictive. Aucun site de ce type n'a pu être condamné depuis.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°420 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°250  sexies, présenté par MM. Malhuret, Chasseing, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, Mme Mélot, M. Decool, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Gold, Mme Vermeillet, MM. Kern, Fialaire, de Belenet, Cigolotti et Mizzon, Mme V. Boyer, MM. Bonne, Milon et Laugier, Mme Loisier, MM. Lévrier, Longuet, Mandelli et Burgoa, Mme C. Fournier, M. Charon, Mmes Drexler et Richer, M. Savin, Mme Puissat, M. Louault, Mme L. Darcos, MM. Brisson, Genet et Delahaye, Mme Saint-Pé, M. Klinger, Mmes Havet et Duranton, M. Buis, Mme Guidez, MM. Laménie, Saury et Yung, Mme Férat, M. Moga, Mme Di Folco, M. Bouchet, Mme Schillinger, M. Lefèvre, Mmes Demas et Billon, MM. Rojouan, Vogel, Levi, Chauvet et Meurant, Mme Herzog, MM. Rohfritsch et Longeot, Mme Doineau, MM. Verzelen, Menonville et Médevielle, Mme Guillotin, MM. Requier et de Nicolaÿ, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme, P. Martin et Houpert, Mme Schalck, M. J.M. Arnaud, Mme Perrot, M. Capus, Mme Jacquemet et MM. Husson et Rapin.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« .... Les personnes mentionnées au 2 du présent I sont civilement et pénalement responsables des informations qu'elles stockent pour mise à disposition du public, dès lors qu'elles effectuent sur ces informations un traitement par algorithme, modélisation ou tout autre procédé informatique, afin de classer, ordonner, promouvoir, recommander, amplifier, ou modifier de manière similaire la diffusion ou l'affichage de ces informations, à moins qu'il ne soit chronologique, alphabétique, aléatoire, ou fondé sur la quantité ou la qualité des évaluations attribuées par les utilisateurs. »

M. Claude Malhuret.  - Les réseaux sociaux sont devenus dangereux. Ils injurient, blessent et commencent à miner la démocratie.

Pour l'heure, nous échouons à y mettre bon ordre - dans tous les pays. Et ce, parce que nous avons cédé à l'argumentation des plateformes et de leurs lobbyistes, alors qu'elles ne sont décidément pas de simples hébergeurs, exonérés de toute responsabilité quant aux contenus illicites. Leur modèle économique les conduit à sélectionner et promouvoir les contenus les plus extrêmes, les plus polémiques, ceux qui génèrent le plus de vues, de messages, donc de fric. Les algorithmes dégradent la visibilité des contenus normaux, mettent en avant les plus dangereux.

Cette sélection est bien un choix de contenus. Je souhaite maintenir l'exonération de responsabilité pour les purs hébergeurs, mais rendre les autres responsables devant le juge pour les contenus qu'elles diffusent.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Responsabiliser les plateformes est un combat utile, mais cet amendement contrevient au droit européen. Ces plateformes sont actuellement régies par la directive e-commerce. Les réflexions en cours au niveau européen sur le statut d'hébergeur permettront d'avancer.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La démocratie, la société se portent-elles mieux avec les réseaux sociaux ? Je n'en suis pas sûr. La désintermédiation a été enthousiasmante au début. Mais l'équilibre actuel n'est pas le meilleur.

Transformer les réseaux sociaux en hébergeurs n'est faisable ni politiquement, ni démocratiquement. Néanmoins la notion de tierce responsabilité est au coeur des réflexions européennes autour du Digital services act.

Souvent, la plateforme enferme la communication dans des silos informationnels. Nous ne considérons pas les plateformes comme des éditeurs, mais pas non plus comme des simples hébergeurs. Ce sont des accélérateurs de contenus. Il faut approfondir la régulation, mais il serait abusif de les considérer comme des éditeurs - ce serait tuer le modèle.

Mme Nathalie Goulet.  - Je rejoins l'argumentation de M. Malhuret. Vous craignez de tuer ce modèle, mais c'est lui qui nous tuera ! N'oublions pas que Twitter est allé jusqu'à fermer le compte de Donald Trump. Leurs comités de régulation vont loin !

M. David Assouline.  - Les dangers, nous le voyons, sont considérables. Les États n'ont pas encore trouvé les moyens d'assurer une police efficace.

Dans ces conditions, on ne peut pas considérer les plateformes seulement comme des accélérateurs. Un contenu simplement « posté », même non « accéléré », peut occasionner des dégâts majeurs.

Quand une plateforme supprime le compte du président des États-Unis, n'est-ce pas liberticide ? On mesure l'ampleur prise par ces structures. L'appel à l'invasion du Capitole a été lancé sur les réseaux sociaux, et ceux-ci n'ont aucune responsabilité ? Monsieur le ministre, je vous trouve bien complaisant, quand vous invoquez le modèle à préserver. Il faut mettre les plateformes au pas.

M. Pierre Ouzoulias.  - L'invasion du Capitole par des monstres qui voulaient assassiner des sénateurs a été rendue possible par des appels sur les réseaux sociaux. Quel terrible avertissement ! Le spectacle de la démocratie impuissante a été suivi par la planète entière.

Les plateformes se placent, nolens volens, en dehors des règles démocratiques. Hadopi doit pouvoir se faire communiquer des algorithmes mais n'y parvient pas. Trêve d'irénisme, il faut envoyer un message politique fort. Nous voterons l'amendement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous m'accusez à la fois d'être iréniste et liberticide, il faudrait savoir !

Monsieur Assouline, les plateformes ne peuvent être responsables pour chacun des contenus, à moins de tout filtrer avant mise en ligne. Vous défendez l'exact contraire de votre position sur la loi Avia.

Superviser la politique de modération, c'est ce que prévoit le Digital services act. Rendre les plateformes responsables de chaque contenu n'est pas une approche juridique sensée.

Mme Esther Benbassa.  - Je suis sensible à la proposition de M. Malhuret. Il faut responsabiliser Facebook et les autres plateformes dont les algorithmes favorisent la propagation des contenus haineux. Je voterai l'amendement.

M. Claude Malhuret.  - Cet amendement va-t-il tuer les réseaux sociaux ? Ils en ont vu d'autres. Il s'agit de changer un modèle économique délétère.

Mon amendement ne porte pas sur le statut - hébergeur, éditeur ou tiers statut. Il rend les plateformes responsables de leurs algorithmes pour la sélection des contenus. Non, elles ne seront pas obligées de vérifier un par un chaque contenu. C'est l'algorithme qui est visé.

Les plateformes redoutent cette évolution et s'abritent derrière le secret de fabrication. Il y a surtout, derrière les algorithmes, de sales petits secrets. N'attendons pas la Commission européenne et le Congrès américain et soyons à l'origine d'une loi de régulation. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Mais votre amendement rend les plateformes pénalement responsables de chaque contenu.

Les responsabiliser pour leurs algorithmes, c'est précisément ce que nous ferons avec l'article 19 bis.

L'amendement n°250 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°500 rectifié, présenté par M. Ravier.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, sont insérés deux articles 6-1-1 et 6-1-2 ainsi rédigés :

« Art. 6-1-1.  -  Le fait de retirer, de restreindre ou de suspendre la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste sur une plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics est puni d'un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende. Le fait de supprimer, de suspendre ou de restreindre l'accès à cette plateforme en raison de la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste est puni des mêmes peines.

« Art. 6-1-2.  -  L'autorité judiciaire peut prescrire en référé à tout opérateur de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics de mettre fin sans délai à un fait qu'elle estime relever de l'interdiction mentionnée à l'article 6-1-1 de la présente loi ou aux conséquences de ce fait.

« Elle se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

« La procédure est entièrement dématérialisée et, sauf opposition de l'une des parties, l'audience a lieu par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication permettant de certifier l'identité des personnes et de garantir la qualité de la transmission. »

M. Stéphane Ravier.  - Il faut interdire aussi la censure de propos licites par ces réseaux, pour que la liberté d'expression cesse d'être entravée par ces géants. Ce sont parfois des publications d'élus et de parlementaires qui sont visées. Toujours sur le même sujet : l'immigration et l'islamisme. Notre collègue Meurant en a fait les frais lorsqu'il a publié la photo d'une femme en burqa tout en rappelant la loi.

Il faut réguler ces plateformes pour garantir la liberté d'information.

La censure récente d'une Une de Charlie Hebdo présentant Erdo?an dénudé - certes pas d'une grande finesse - relève d'une censure inacceptable. Le sultan turc n'aurait pas fait mieux.

Défendons la liberté d'expression numérique !

Mme la présidente.  - Amendement n°169 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 précitée, il est inséré un article 6-... ainsi rédigé :

 « Art. 6-....  -  Le fait de retirer, de restreindre ou de suspendre la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste sur une plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics est puni d'un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende. Le fait de supprimer, de suspendre ou de restreindre l'accès à cette plateforme en raison de la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste est puni des mêmes peines. »

Mme Sabine Drexler.  - L'auteur des propos bloqués ne dispose d'aucune voie pénale spécifique pour faire cesser l'entrave à la liberté d'expression que constitue ce blocage. Il est seulement prévu par la loi du 21 juin 2004 que le signalement abusif d'un contenu aux hébergeurs en vue d'en obtenir le retrait est sanctionné pénalement, mais la plainte ne vise pas tant la plateforme qu'un autre utilisateur.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Une plateforme n'est pas un service public. Les contenus même licites peuvent faire l'objet d'une modération selon les règles qu'applique l'entreprise. En outre, l'imputabilité est douteuse : qui enverra-t-on en prison ? Le directeur de Twitter ou le modérateur ? Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement no500 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 169 rectifié bis.

Les articles 19 bis A et 19 bis B sont adoptés.

ARTICLE 19 BIS

M. David Assouline .  - La question du respect des droits fondamentaux en matière numérique appelle un débat de fond.

Je souscris à l'objectif de cet article, mais est-il opportun d'examiner ces dispositions avant le texte européen ? Le Gouvernement se précipite, alors qu'un débat de société est nécessaire.

Au-delà du déclaratif, quid des moyens mobilisés, des sanctions prévues ? Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) verra-t-il ses moyens renforcés ?

M. Julien Bargeton.  - Parfois, on nous reproche au contraire d'être à la traîne de l'Europe... Je me réjouis que nous posions les termes du débat mais ce texte n'épuisera pas le sujet de la régulation des grandes plateformes.

Il y a plus de 2,7 milliards de terriens actifs sur Facebook, plus de 1 milliard sur Instagram et 300 millions sur Twitter. Ces entreprises-États sont devenues surpuissantes. À l'opposé, il y a la Chine, État-entreprise qui met en place un contrôle absolu des réseaux sociaux.

Évitons à la fois Charybde et Scylla : il faut inventer le modèle de l'État démocratique entre ces deux modèles répressifs.

Mme la présidente.  - Amendement n°317, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 19 bis reprend en grande partie le dispositif de la loi Avia, objet de nombreuses censures par le Conseil constitutionnel.

Ses dispositions, qui visent essentiellement à renforcer les pouvoirs de sanction du CSA, n'ont pas leur place dans ce texte et portent atteinte à la liberté d'expression.

Internet est un espace de liberté d'expression, de communication et de critique des pouvoirs publics. Quel rapport avec la lutte contre le séparatisme ? Ne nous trompons pas de combat !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Le dispositif est fragile au regard du droit européen, mais permet d'avancer. Et les éléments repris de la loi Avia ne sont pas ceux qui ont été censurés. Défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Défavorable. Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur le fond de ces dispositions, invalidées uniquement par voie de conséquence. Ce sont les articles 2 à 4 de la proposition de loi Avia qui avaient fait l'objet de censures.

Je ne suis pas sûr que le groupe écologiste au Parlement européen trouve ce dispositif liberticide...

L'amendement n°317 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°424 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au début, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;

II.  -  Après l'alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...°Après le même quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu'il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l'objet dans les vingt-quatre heures d'un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu'à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées aux 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Le fait de ne pas respecter l'obligation définie à l'alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Comment encadrer au plan judiciaire le retrait des contenus manifestement illicites ? Nous proposons, comme dans la loi Avia, une obligation de retrait en 24 heures avec validation par le juge des référés. Ce système combine urgence du retrait et garantie des libertés publiques.

Mme la présidente.  - Amendement n°598 rectifié, présenté par MM. Savin, Brisson, Savary et Kern, Mme Primas, MM. Rapin, Laugier, Mandelli et Belin, Mme Demas, M. Sol, Mmes Vermeillet, V. Boyer et Puissat, MM. Darnaud, Genet, D. Laurent, Boré et Le Rudulier, Mmes Gosselin, Goy-Chavent et Imbert, MM. Chasseing, Laménie, Lefèvre et Regnard, Mme Belrhiti, MM. Decool et Moga, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Bouchet, Mmes Billon et Deroche, MM. Burgoa, Allizard, Vogel et A. Marc, Mmes Gruny et Herzog, MM. Bonne et H. Leroy, Mmes Lassarade et Boulay-Espéronnier, M. Le Gleut, Mmes Ventalon et Di Folco, MM. Hingray et Duffourg, Mmes Schalck, Muller-Bronn, Canayer et Dumont, MM. E. Blanc et Wattebled, Mme Berthet, MM. Segouin, Somon, Longeot et Sautarel, Mme Bourrat, MM. Levi et Malhuret, Mme Saint-Pé, M. Détraigne et Mme N. Delattre.

Alinéa 11

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 6-5.  -  Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu'ils soient ou non établis sur le territoire français, sont tenus de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures, tout contenu contrevenant manifestement aux dispositions de l'article L. 222-17 du code pénal ou incitant manifestement à commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Lorsqu'il est saisi dans les conditions prévues au présent article, l'opérateur n'est tenu d'apprécier le caractère manifestement illicite qu'au regard du signalement qui lui en est fait.

« Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu'ils soient ou non établis sur le territoire français, concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus contrevenant aux dispositions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la présente loi ainsi qu'à l'article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. À ce titre :

M. Stéphane Le Rudulier.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°608 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 11, première phrase

Remplacer les mots :

la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics 

par les mots :

le classement, le référencement ou le partage de contenus 

II.  -  Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« I.  -  Les opérateurs définis au premier alinéa qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le partage de contenus mis en ligne par des tiers :

III.  -  Alinéas 12, 16 à 20, 22 et 32

Supprimer le mot :

Ils

IV.  -  Alinéa 37

Supprimer le mot :

ils

V.  -  Alinéa 44

Remplacer la mention :

9° 

Par la mention :

II.  -  

VI.  -  Alinéa 45

Remplacer la mention :

a) 

par la mention :

1° 

VII.  -  Alinéa 46

Remplacer la mention :

b)

par la mention :

2° 

VIII.  -  Alinéa 47

Remplacer la mention :

c) 

par la mention :

3° 

IX.  -  Alinéa 48

Remplacer la mention :

10° 

par la mention :

III. 

X.  -  Alinéa 56, première phrase

Remplacer la référence :

9° 

par la référence :

II

M. Julien Bargeton.  - La commission des lois a exclu les moteurs de recherche du champ du dispositif. Cela peut s'entendre. En revanche, eu égard au rôle que jouent les grands moteurs de recherche dans l'accès aux contenus en ligne, il faut leur appliquer plusieurs obligations.

Cet amendement d'équilibre les oblige uniquement à évaluer les risques systémiques liés à leurs services, à prendre des mesures pour atténuer ces risques et à en rendre compte au CSA.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°681 à l'amendement n° 608 rectifié de M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Amendement 608 rect.

I. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

Après la référence:

« Art. 6-5.  -  

insérer la référence :

I A.  -

et remplacer les mots :

II. - Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Alinéa 11, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Alinéa 8

Remplacer la référence :

premier alinéa

par la référence :

I A

et après le mot :

contenus

insérer le mot :

publics

IV - Alinéa 13

remplacer le mot :

le

par les mots

la seconde occurrence du

V. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

... - En conséquence, alinéas 4 (deux fois), 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 26, 33, 38, 39, 41, 44 (deux fois), 45, 48, 55 (deux fois), 59 et 69

remplacer la référence :

premier alinéa

par la référence :

I A

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Sous-amendement de coordination.

Mme la présidente.  - Amendement n°435, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics

par les mots :

le classement ou le référencement au moyen d'algorithmes informatiques ou le partage de contenus proposés ou

M. David Assouline.  - Conformément à notre position sur la loi Avia, nous souhaitons réintroduire les moteurs de recherche dans le champ de la régulation du CSA.

Ils en ont été exclus en commission des lois au motif que la nouvelle régulation devait se concentrer sur les réseaux sociaux à fort trafic. Ces derniers constituent les principaux vecteurs d'échanges de propos haineux illicites, certes, mais cette justification ne suffit pas.

Au contraire, l'intégration des moteurs de recherche s'impose, en raison de leur capacité à accentuer la viralité des contenus haineux.

Mme la présidente.  - Amendement n°436, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 17

Supprimer les mots :

internes et

II.  -  Alinéa 18

Supprimer les mots :

et des recours internes

III.  -  Alinéa 25

1°  Supprimer les mots :

internes et

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Tout contenu notifié dont il apparaît qu'il contrevient manifestement aux dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article doit faire l'objet dans les vingt-quatre heures d'un retrait ou doit être rendu inaccessible, à titre provisoire.

IV.  -  Alinéa 26

Après le mot :

inaccessible

insérer les mots :

à titre provisoire

V.  -  Alinéa 29

Supprimer les mots :

internes et

VI.  -  Après l'alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision mentionnée au même d reste en vigueur jusqu'à sa validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par la personne à l'origine de la publication d'un contenu ayant fait l'objet d'une décision de retrait ou de rendu inaccessible. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. »

VII.  -  Alinéas 32 à 36

Supprimer ces alinéas.

M. David Assouline.  - Le recours prévu au bénéfice des personnes qui voient leurs contenus supprimés par les plateformes ne va pas assez loin.

Seule l'autorité judiciaire devrait évaluer, au cas par cas, les recours formés par les utilisateurs contre des opérations de modération. Il est important de s'appuyer sur les juges, car la censure est une pente dangereuse.

C'est pourquoi nous proposons d'instaurer une décision de retrait ou de blocage de 24 heures, à titre provisoire, d'un contenu haineux manifestement illicite, jusqu'à la validation par le tribunal judicaire statuant en référé.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - L'amendement n°424 rectifié introduit une sorte de référé confirmation. Il a déjà été rejeté deux fois par le Sénat. Ce mécanisme n'est pas totalement opérationnel. Avis défavorable.

L'amendement n°436, également rejeté par le Sénat dans la proposition de loi Avia, n'est pas plus praticable. Avis défavorable.

L'amendement n°598 rectifié reprend une disposition censurée par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable, comme à l'amendement n°435, contraire à la position du Sénat.

Avis favorable à l'amendement n°608, qui vise uniquement les grands moteurs de recherche et la vigilance systémique, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n°681.

Avis défavorable à l'amendement n°435.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux amendements nos424 rectifié, 598 rectifié et 436. Avec ou sans juge, comment traiter en 24 heures de tels flots de messages, même en référé ? Il y a un risque de sur-censure.

Avis favorable à l'amendement n°608 rectifié, pour les raisons exposées par la rapporteure. Je demande le retrait de l'amendement n°435, au bénéfice du premier.

Sur le sous-amendement de la commission des lois, sagesse. La rédaction devra être retravaillée dans la suite de la navette.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je soutiens fortement l'amendement n°424 rectifié. Tôt ou tard, on en viendra à un dispositif de ce type. Le mal est fait, instantanément, pour la victime d'attaques haineuses. La suspension du message est la seule manière de la protéger. Ce n'est pas exorbitant !

L'intervention du juge est la garantie absolue pour éviter l'arbitraire. Le dispositif de référé permet d'aller vite tout en garantissant le respect des libertés. Si on le mettait en oeuvre, l'effet dissuasif serait très important.

M. David Assouline.  - Je retire l'amendement n°435 au profit de l'amendementn°608 rectifié - même si on aurait aussi bien pu faire l'inverse.

L'amendement n°435 est retiré.

Les amendements nos424 rectifié et 598 rectifié ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement n°681 est adopté.

L'amendement n°608 rectifié, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°436 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°665, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent I

II.  -  Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent 7

L'amendement rédactionnel n°665, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°434, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer le mot :

rapide

par les mots :

dans un délai de quarante-huit heures

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La mise en place d'un point de contact unique faisant office d'interface entre les autorités publiques et les opérateurs pour la mise en oeuvre des mesures visant à lutter contre la haine en ligne est un progrès. Mais prévoir un délai de traitement « rapide » est peu opérant : nous préférons un délai de 48 heures.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable, car certaines décisions ne requièrent pas de rapidité particulière. Laissons le CSA apprécier.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°434 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°601, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 21

Supprimer les mots :

d'indépendance, 

M. Julien Bargeton.  - La commission des lois a utilement prévu l'obligation de désigner des « signaleurs de confiance » dont les notifications font l'objet d'un traitement prioritaire. C'est cohérent avec le Digital Services Act et avec la récente mise en place par certaines plateformes de procédures de traitement accéléré des plaintes et des signalements provenant d'entités publiques comme Pharos, ou d'associations de lutte contre la haine ou les discriminations sur internet.

Toutefois, la commission impose un critère général d'indépendance pour ces groupements. Tenons-nous en aux garanties de diligence et d'objectivité, doublées des exigences de transparence et de non-discrimination.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous vous proposons de rectifier votre amendement en précisant « indépendance à l'égard des opérateurs ». Avis favorable dans ce cas.

M. Julien Bargeton.  - Certaines plateformes financent ces signaleurs de confiance. Il serait dommage de sanctionner des pratiques plutôt positives, qu'il faudrait plutôt encourager.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je suis du même avis que M. Bargeton, ce qui ne vous surprendra pas.

De nombreuses associations pour la protection de l'enfance ou la lutte contre le racisme ou l'homophobie ont des accords de financement avec les plateformes qui ne remettent pas en cause leur indépendance. Ce critère doit être retravaillé, car il risque de sortir ces associations du jeu. Par conséquent, avis favorable.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. La notion d'indépendance devrait figurer dans le Digital Services Act. De plus, j'ai du mal à comprendre en quoi une association financée par une plateforme serait indépendante.

L'amendement n°601 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°535 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 26

Après les mots :

d'en informer

insérer les mots :

, avant l'exécution de la décision,

II.  -  Après l'alinéa 30

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas de protestation motivée de l'utilisateur à l'origine de la publication du contenu notifié, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.

« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Les actions fondées sur le présent d sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d'appel déterminée par décret.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ma position reste la même que lors de l'examen de la loi Avia. Il ne me semble pas acceptable que les plateformes puissent faire disparaître en 24 heures l'identité numérique d'un individu, fût-il président des États-Unis, d'autant qu'elles sont en situation de monopole.

Mon amendement, rédigé avec le Barreau de Paris, donne la possibilité aux personnes ayant fait l'objet d'un effacement qu'elles jugent intempestif de saisir le juge.

Mme la présidente.  - Amendement n°437, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 43

1° Après la première phrase

Insérer trois phrases ainsi rédigées : 

Elles restent en vigueur jusqu'à leur validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par les utilisateurs ayant fait l'objet des mesures mentionnées aux mêmes a et b. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

internes et

M. David Assouline.  - Comme les décisions univoques de retrait d'un contenu, les mesures radicales consistant à suspendre ou résilier le compte d'un utilisateur ou à suspendre l'accès au dispositif de notification ne sauraient être prises qu'à titre provisoire. Le recours interne est insuffisant sans le contrôle de l'autorité judiciaire.

Cet amendement écarte tout risque de suspension ou de résiliation abusive : il convient que l'autorité judiciaire exerce un contrôle sur les suspensions de comptes.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Déjà repoussés par le Sénat lors de l'examen de la loi Avia, ces amendements présentent des effets pervers.

L'amendement n°535 rectifié pose deux problèmes : d'abord une requête peut émaner de toute personne, même non lésée par le contenu, or il faut avoir un intérêt à se porter devant le juge. Ensuite, il oblige la plateforme à rétablir le contenu en attendant la décision du juge qui peut prendre une semaine, alors que ce contenu engage sa responsabilité.

Quant à l'amendement n°437, le délai de 48 heures accordé au juge des référés pour statuer est illusoire. Les personnes qui s'estiment lésées peuvent déjà saisir le juge, y compris en référé. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°535 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°437.

Mme la présidente.  - Amendement n°438, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 45, première phrase

Remplacer les mots :

en matière de

par les mots : 

favorisant la

M. David Assouline.  - Défendu.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement rédactionnel.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - J'estime au contraire qu'il n'est pas seulement rédactionnel et va à l'encontre de son objectif, car sa formulation pourrait restreindre le périmètre du contrôle. Avis défavorable.

L'amendement n°438 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°602, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 55, première phrase

Remplacer la dernière occurrence du mot :

par

par le mot : 

sur

M. Julien Bargeton.  - Défendu.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable : un texte ou une image ne sont pas diffusés « sur » un opérateur de plateforme mais « par » cet opérateur.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°602 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°439, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 56, deuxième phrase

Supprimer les mots : 

principes de fonctionnement des 

M. David Assouline.  - L'article 19 bis prévoit que les plateformes donnent au CSA accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés auxquels ils ont recours, ainsi qu'aux paramètres utilisés par ces outils.

On nous oppose le secret des affaires, mais il s'agit de confier ces outils à une instance spécifique.

L'obligation de transparence créée par l'article 19 bis est incomplète. Afficher les intentions ou les principes ne suffit pas. Il faut contrôler la conformité des algorithmes aux principes d'un espace public démocratique.

Les algorithmes seront audités par les experts du CSA, soumis à obligation de réserve. Cela nécessitera des moyens supplémentaires pour l'organisme, car les ingénieurs spécialisés s'arrachent à prix d'or.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cette suppression ne rend pas le texte plus opérant. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Votre amendement est moins puissant que la rédaction proposée. Dans le machine learning généralement utilisé par les plateformes, l'accès au texte du code n'est d'aucune utilité si l'on ne connaît pas les paramètres de test et de fonctionnement. La formulation d'origine permettait cet accès global. Retrait ?

M. David Assouline.  - Si vous estimez que ce n'est pas suffisant, sous-amendez ! Vous ne m'avez pas convaincu.

L'amendement n°439 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°603, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 56, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots : 

, y compris lorsque l'accès à ces données nécessite la connexion à un compte

M. Julien Bargeton.  - Il s'agit d'éviter une restriction excessive des capacités de régulation du CSA par la collecte automatisée de données.

À la suite d'une décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2019, la formule « données publiquement accessibles » pourrait être interprétée comme excluant les données protégées par un mot de passe. Or de nombreux acteurs visés par le dispositif ne présentent rien sur l'internet ouvert : c'est le cas des réseaux sociaux, puisqu'il faut avoir un compte pour accéder aux contenus proposés, même lorsqu'ils sont publics. D'où cette précision, pour couvrir tout le champ des données publiques.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°603 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°257 rectifié, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Guérini, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel.

Alinéa 64, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Stéphane Artano.  - Nous ne pouvons admettre que des opérateurs soient exonérés de sanctions pécuniaires parce qu'un autre pays les a déjà condamnés pour un même manquement. Ces sanctions doivent être rendues souverainement, d'autant que les seuils prévus sont insuffisants au regard des bénéfices des sociétés concernées.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable : votre amendement aboutirait à des sanctions disproportionnées. Mais cela montre à quel point nous avons besoin du Digital Services Act.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°257 rectifié n'est pas adopté.

L'article 19 bis, modifié, est adopté.

L'article 19 ter A est adopté.

L'article 19 ter est réservé.

L'article 19 quater est adopté.

ARTICLE 20

Mme la présidente.  - Amendement n°318, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Par dérogation à l'article 397-6 du code de procédure pénale, cet article étend la procédure de comparution immédiate aux auteurs présumés de provocation à la haine et délits de provocations prévus à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881.

Selon le Conseil national des barreaux, cela revient a? méconnaître la technicité de ces dossiers, qui nécessitent une vraie expertise.

Les magistrats rencontrent plus de difficultés à matérialiser des faits de cyber-harcèlement et à qualifier pénalement les infractions du champ virtuel. Le manque de personnel formé au sein des services enquêteurs allonge considérablement les délais d'analyse des données recueillies.

La France, très attachée à la liberté d'expression, doit maintenir un cadre spécifique pour ce type de contentieux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°421 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi le garde des Sceaux est-il absent lorsque l'on aborde un sujet aussi grave que la comparution immédiate pour les délits de presse ? Ce n'est pas signe d'un grand intérêt...

La procédure de comparution immédiate n'est pas applicable dans deux cas : pour les infractions à la loi du 29 juillet 1881 et pour celles qui concernent les mineurs. Nous allons aujourd'hui, dans un hémicycle clairsemé après de très longs débats, déroger à ce principe ancien.

Le garde des Sceaux a déclaré à la commission des lois souhaiter que les « gamins haineux » soient jugés rapidement. Cela signifie-t-il qu'il veut aussi déroger au principe de la non-comparution pour les mineurs ?

De plus, la comparution immédiate entraîne le recours à la garde à vue et la détention provisoire. On met à la poubelle les principes de la loi de 1881. C'est très grave car, demain, le champ sera élargi, et il n'y aura plus de protection des journalistes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°571, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le garde des Sceaux nous a promis, avec force effets de manche, qu'il ne toucherait pas à la liberté de la presse ; mais quand il en est question, il n'est plus là. J'aurais aimé qu'il défende cette liberté fondamentale avec toute la verve qu'il a déployée un peu plus tôt...

Il est triste de voir cette liberté attaquée un vendredi soir, dans l'indifférence totale.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. La rédaction, en visant ceux qui agissent individuellement et sont retenus exclusivement responsables de leurs propos, exclut bien les journalistes.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - M. Dupond-Moretti est retenu auprès du Premier ministre. Il arrive que, dans une discussion parlementaire, un ministre en remplace un autre au nom du Gouvernement. Dénoncer l'absence d'un ministre fait partie du jeu politique ; mais M. Dupond-Moretti ne s'est aucunement défaussé, et il reviendra la semaine prochaine pour la suite de la discussion.

Avis défavorable sur le fond. D'abord, soyez rassurée, madame de la Gontrie : les mineurs ne seront pas jugés en comparution immédiate, je le réaffirme devant vous.

Ensuite, cet article exclut les contenus éditorialisés, donc les journalistes. L'individu qui profère des menaces de mort sur Facebook et le journaliste engagé par une déontologie font l'objet d'un traitement différencié.

La capacité à juger vite est essentielle à la crédibilité du droit et de la parole publique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je connais cette argumentation, qui s'appuie sur le fait que dans la loi de 1881, l'auteur principal des propos poursuivis est le directeur de publication ; le journaliste n'est que complice.

Sauf qu'un journaliste, aujourd'hui, s'exprime par de nombreux canaux - et lorsqu'il s'exprime sur Facebook, c'est toujours en son nom propre. Il pourrait donc être visé par cet article. C'est une dérive inquiétante.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne pouvons nous résigner à laisser passer, dans une certaine apathie, des dispositions qui rognent la liberté de la presse - l'article 24 de la loi Sécurité globale la semaine dernière, l'article 18 du présent texte, et enfin cet article.

Cette question de la comparution immédiate n'est pas anodine. Le mot « journaliste » n'apparaît pas dans l'article, or la fabrication d'un journal est souvent une oeuvre collective : un article passe par divers stades - rédaction, correction et publication.

Votre rédaction introduit une grande part d'arbitraire. Vous savez combien depuis Beaumarchais, notre pays est attaché à la liberté d'expression. Il est très grave de banaliser la comparution immédiate pour les oeuvres de l'esprit.

Les amendements identiques nos318, 421 rectifié et 571 ne sont pas adoptés .

Mme la présidente.  - Amendement n°666, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

dès lors qu'il apparaît que l'auteur du propos poursuivi en est exclusivement responsable

par les mots :

sauf si ces délits résultent du contenu d'un message placé sous le contrôle d'un directeur de la publication en application de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ou de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cet amendement évite justement la mise en oeuvre de procédures de jugement rapide dans tous les cas où un organe de presse est concerné.

Mme la présidente.  - Amendement n°422 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Cette dérogation n'est pas applicable :

« - aux journalistes qui s'expriment dans le cadre de leurs fonctions sur les réseaux sociaux ;

« - aux lanceurs d'alertes, tels que définis par l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

« - aux mineurs. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Votre amendement, madame la rapporteure, remplace des termes de la loi de 1881 qui sont peu compréhensibles pour un public non spécialiste. Cela montre bien que, dans les cas où il n'y a pas de directeur de la publication, c'est le journaliste qui est visé.

Notre amendement exclut explicitement les journalistes s'exprimant en leur nom sur les réseaux sociaux, les lanceurs d'alerte et les mineurs - mais sur ce dernier point, monsieur le ministre, vous m'avez donné satisfaction. Autant le dire, car le garde des Sceaux n'était pas clair devant la commission.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Pour les journalistes, la question est réglée par notre amendement. La précision sur les lanceurs d'alerte est inutile : leur bonne foi pourra être établie par un juge. Enfin, les mineurs ne peuvent faire l'objet d'une comparution immédiate.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°666, avis défavorable à l'amendement n°422 rectifié.

L'amendement n°666 est adopté.

L'amendement n°422 rectifié n'est pas adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

L'article 20 ter est adopté.

Mme la présidente.  - L'examen du chapitre V est réservé jusqu'à mardi prochain.

Nous avons examiné 93 amendements au cours de la journée ; il en reste 338.