Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable
M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances
Discussion de l'article unique
Réforme du courtage (Conclusions de la CMP)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable
Justice de proximité et réponse pénale (Conclusions de la CMP)
M. Alain Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Évolution de la situation sanitaire
M. Jean Castex, Premier ministre
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Jean Castex, Premier ministre
Améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (Nouvelle lecture)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission
Respect des principes de la république (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 6
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 9
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 10
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 11
Ordre du jour du vendredi 2 avril 2021
SÉANCE
du jeudi 1er avril 2021
79e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Pierre Laurent, vice-président
Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Michel Canevet. - Hier, lors du scrutin n°99 sur l'amendement n°290 rectifié bis, Bernard Delcros souhaitait voter contre.
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.
Convention France-Argentine
Discussion générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable . - Le 6 décembre 2019, la France et l'Argentine ont conclu un avenant à la convention du 4 avril 1979 pour éviter les doubles impositions et prévenir l'évasion fiscale. Un premier avenant avait été signé le 15 août 2001.
Cette convention, la seconde signée par la France avec un pays membre du Mercosur, fixe les règles de répartition du droit d'imposer. Elle témoigne des relations fluides et solides qu'entretiennent nos deux pays. Elle avait besoin d'être actualisée pour que la France bénéficie d'un plafond de retenue à la source inférieur au précédent.
Notre relation bilatérale investit de nombreux domaines : pharmaceutique, parfumerie, chimie organique de base, agriculture, automobile. Le dialogue politique entre nos deux pays s'est développé - en témoigne la venue en France du président Fernández en février 2020.
La présence économique française en Argentine est très diversifiée, avec 250 entreprises représentant 50 000 emplois. La France est le dixième fournisseur de l'Argentine, et le quatrième parmi les pays européens.
L'avenant permettra de développer encore ces échanges.
Il réduit les taux plafonds de retenue à la source sur les dividendes, intérêts, redevances et gains résultant de cession d'actions. Il bénéficiera mécaniquement au Trésor public français, compte tenu de l'asymétrie des flux d'investissement en faveur de nos intérêts économiques.
La baisse des taux sera également favorable pour nos entreprises.
Cet avenant intègre une clause de la nation la plus favorisée à portée large, garantissant à la France le bénéfice automatique des taux plus réduits que l'Argentine pourrait concéder à d'autres partenaires en matière de revenus passifs, gains en capital, revenus de professions indépendantes ou d'établissement stable.
Il permet de lutter contre les schémas d'évasion fiscale lors de la cession d'immeubles.
Il empêche l'imposition en Argentine des services ordinaires rendus par les entreprises françaises sans recours à un établissement stable sur place. Il exonère d'impôt les salaires versés aux volontaires internationaux à l'étranger.
En échange, la France a accepté une clause relative aux établissements stables en l'absence d'installation matérielle, dès lors qu'une entreprise rend des services dans un État pour une durée de plus de 183 jours dans l'année.
M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances . - La convention de 1979 témoigne de l'ancienneté de nos relations économiques et diplomatiques avec l'Argentine.
La présence française en Argentine est significative : 15 000 de nos ressortissants y sont établis, dont près de mille étudiants.
Les échanges commerciaux sont très asymétriques : la France est le dixième fournisseur de l'Argentine, quand l'Argentine est le soixante-dixième fournisseur de la France.
La retenue à la source en Argentine - plafonnée à 15 % pour les dividendes, 20 % pour les intérêts et 18 % pour les redevances - ouvre droit à un crédit d'impôt en France équivalent. Les gains en capital sont exclusivement imposables dans l'État source, sans plafond.
Ces taux élevés, qui font que la convention franco-argentine se rapproche du modèle de convention de l'ONU, sont préjudiciables pour notre pays car ils renchérissent le coût des investissements pour nos entreprises et diminuent nos recettes fiscales.
L'Argentine a conclu ces dernières années des conventions fiscales bien plus avantageuses. C'est pour obtenir une baisse de ces taux que la France a souhaité renégocier cette convention : l'avenant a été signé le 6 décembre 2019, après un seul tour de négociation.
Nous avons obtenu une diminution significative des taux de retenue à la source sur Ies dividendes, intérêts et redevances et serons aussi bien traités, et parfois mieux, que nos partenaires européens.
En contrepartie, nous avons dû accepter la reconnaissance d'un établissement stable de services, ce qui n'est pas anodin. Toutefois, l'équilibre global de l'avenant demeure favorable à notre pays.
L'article 2 prévoit une baisse du taux de retenue à la source sur les dividendes de 15 à 10 % en cas de participation substantielle. Seule l'Italie et l'Allemagne bénéficient de taux inférieurs à ce jour. L'OCDE préconise un plafond de 5 %.
L'article 3 ramène le taux de retenue à la source sur les intérêts de 20 à 12 %, sachant que le modèle de convention de l'OCDE le fixe à 10 %.
Enfin, l'article 4 diminue les taux de retenue à la source en matière de redevances, avec des plafonds différenciés en fonction des catégories de revenus.
L'article 6 exclut du champ des redevances les rémunérations de services normalisées.
À la demande de la France, l'article 5 plafonne l'imposition applicable dans l'État source sur les gains réalisés lors de la cession du capital d'une société. Cela devrait bénéficier aux entreprises françaises qui verront leur charge fiscale locale diminuée et plafonnée. La charge fiscale totale sera inchangée, sauf si le résultat est déficitaire - dans ce cas, seul le prélèvement argentin subsiste.
L'insertion de plusieurs clauses du modèle France sécurise le cadre juridique de nos relations fiscales et le rend conforme au modèle de convention de l'OCDE. Les volontaires internationaux seront en outre exonérés d'impôt sur le revenu.
La France bénéficie d'une clause de la nation la plus favorisée à portée élargie, en matière de revenus passifs, de gains en capital, mais aussi de revenus de professions indépendantes ou d'établissement stable. Dommage que nous ne l'ayons pas prévue dès 1979. L'Argentine a négocié ce type de clause avec de nombreux pays, ce qui a pu limiter nos marges de négociation...
En contrepartie, une clause reconnaît un établissement stable en l'absence de toute installation matérielle dans le pays, pour des services sur plus de 183 jours par an. Initialement, l'Argentine souhaitait taxer l'ensemble des services rendus par des entreprises françaises sur son territoire, sur une base brute et sans condition de durée, ce qui aurait été très préjudiciable pour nos entreprises.
L'impact fiscal de cette disposition restera minime : seules 30 entreprises sur 250 seraient concernées. Selon l'administration fiscale, la perte de recettes fiscales pour le Trésor public devrait rester très limitée.
Le nouvel équilibre conventionnel est globalement avantageux pour notre pays. Saluons la clarification qui sécurise l'application de dispositifs de droit interne.
La commission des finances a adopté sans modification le projet de loi.
M. Paul Toussaint Parigi . - Ce projet de loi élargit et actualise les accords fiscaux issus de la convention du 4 avril 1979 entre la France et l'Argentine.
L'Argentine, membre du G20 et candidate à l'OCDE, a toujours été un partenaire de la France. La France est le dixième fournisseur de l'Argentine, le quatrième parmi les pays européens. Pourquoi avoir attendu un an pour présenter ce texte ?
Nous saluons cependant ce projet de loi qui évite les doubles impositions et l'évasion fiscale. L'équilibre conventionnel sera globalement favorable aux intérêts français, notamment par l'introduction de la nouvelle clause de la nation la plus favorisée : notre pays bénéficiera automatiquement des taux les plus favorables que l'Argentine octroie à ses partenaires, en matière de revenus passifs, de gains en capital, de revenus des professions indépendantes ou d'établissement stable.
La décision du Conseil d'État du 1er décembre 2020 élargit la notion d'établissement stable à des situations qui visent l'économie numérique. La France doit s'engager pour l'étendre aux géants du numérique.
Enfin, l'Argentine a voté un impôt exceptionnel sur la fortune pour financer les services publics et les aides sociales face à la crise. Le Gouvernement envisage-t-il de faire de même, comme nous le demandons régulièrement ?
M. Teva Rohfritsch . - Prenons du recul et remettons ce texte en perspective.
Depuis 2017, la majorité présidentielle s'est engagée pour lutter contre la fraude fiscale et renforcer le socle d'imposition de la France, sur son sol et à l'étranger. Le Gouvernement a porté de nombreuses réformes : projet de loi Fraude, taxe sur les services numériques, projet d'impôt minimum avec le G20.
Les conventions fiscales bilatérales, brique fondamentale de notre modèle fiscal, doivent être renégociées régulièrement pour suivre les évolutions des droits nationaux et éviter les doubles impositions.
La France et l'Argentine ont des relations économiques étroites. La France a souhaité renégocier la convention qui nous lie pour obtenir une réduction des taux de prélèvement à la source appliqués en Argentine.
Elle a obtenu trois avancées considérables : une nouvelle clause de la nation la plus favorisée, une baisse des taux de retenue à la source et l'insertion de clauses permettant l'application de notre législation fiscale dans un certain nombre de cas.
La clause de la nation la plus favorisée permettra à la France de bénéficier automatiquement du traitement fiscal le plus favorable accordé par l'Argentine à ses partenaires.
Les taux de retenue à la source sur les dividendes, intérêts, gains en capital et redevances seront fortement réduits.
En contrepartie, la France a concédé une clause reconnaissant l'existence d'un établissement stable pour les entreprises de services intervenant pour plus de 183 jours en Argentine. Une trentaine d'entreprises seraient concernées.
Le groupe RDPI votera ce texte. Nous soutenons le chantier entrepris par le Gouvernement pour actualiser les conventions bilatérales, dans un souci de simplification et d'harmonisation.
M. Jean-Claude Requier . - L'Argentine exporte vers l'Europe principalement sa production agricole : vin, boeuf, soja. Elle est aussi une grande nation sportive, notamment dans le rugby et le football - le tout sur un air de tango... (Sourires)
L'avenant baisse la taxation des revenus du capital pour les entreprises françaises implantées en Argentine. Les exportateurs français seront avantagés ; les jeunes en volontariat international en entreprise seront exonérés d'impôt sur le revenu.
Je regrette la faiblesse relative des relations commerciales entre nos deux pays, la France n'étant que le quatrième fournisseur de l'Argentine, derrière l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie.
Soulignons l'élargissement de la clause de la nation la plus favorisée, recommandée par l'OMC et emblématique du principe d'équité des échanges.
En 2018, le RDSE avait défendu une proposition de résolution européenne sur le projet d'accord de libre-échange avec le Mercosur, appelant à tenir compte des intérêts de notre secteur agricole et de nos standards sociaux, sanitaires et environnementaux. Le présent accord est-il concerné ?
La production de la truffe argentine, nouvel or noir, est en plein essor. Elle fait l'objet de méthodes de récolte chronométrées et de conservation sous semi-vide, afin d'être exportée vers l'Europe et l'Amérique du Nord pour une commercialisation en contre-saison. Peut-être cette production contribuera-t-elle à relancer les échanges commerciaux...
En dépit d'une portée limitée, cet avenant est positif. Le groupe RDSE le votera.
M. Éric Bocquet . - Dans un accord international, il est parfois difficile de reconnaître qui est gagnant et qui est perdant. Ici, le score est sans appel : 9 à 1, la France l'emporte haut la main !
M. Jérôme Bascher. - Excellent !
M. Éric Bocquet. - Une analyse de la situation sociale et économique en Argentine aurait pu nous inspirer plus d'égard. Récession latente, chômage record, inflation massive, pauvreté qui touche six enfants sur dix...
Les premiers bénéficiaires de cet avenant sont les grands groupes français. La France bénéficiera automatiquement du traitement le plus favorable qu'accorderait l'Argentine à un autre État. Nous avons décidément obtenu beaucoup d'un pays que nous considérons comme un « partenaire ».
La seule concession octroyée est bien mince : la taxation des établissements stables mais uniquement de services, uniquement sur les bénéfices nets, à partir de 183 jours !
Pourtant, l'affaire s'est réglée en un seul tour de négociation. Et pour cause : les bailleurs privés et la Troïka maintiennent la pression sur l'Argentine depuis soixante ans. Avec quel résultat ? Le 22 mai dernier, l'Argentine a dû faire défaut ou renégocier sa dette pour la neuvième fois. Son créancier Blackrock ayant refusé son offre, elle a dû accepter une simple réduction de son taux d'intérêt de 7 à 3 %... Les gains escomptés par les bailleurs ne baissent que de 11 %.
Nous ne pouvons nous réjouir de cet accord au rabais, alors que l'Argentine s'apprête à renégocier un prêt de 44 milliards de dollars avec le FMI.
Mauricio Macri avait les mots les plus doux pour « Christine » ; il n'est pas sûr que le nouveau chef du Gouvernement, qui doit désormais sortir du joug du FMI, soit sous le charme... La renégociation doit s'accompagner d'un programme économique - nul doute qu'il s'agira d'une nouvelle cure d'austérité, qui ne fera qu'empirer la situation...
Nous nous abstiendrons, car cet accord aurait dû faire plus de cas de la solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La convention fiscale de 1979 est amendée pour la deuxième fois. Il s'agit de réduire les retenues à la source sur les dividendes et les intérêts, mais aussi sur les revenus passifs et les gains en capital.
La France a longtemps figuré parmi les premiers investisseurs en Argentine, avant que la crise de 2008 ne change la donne. L'Argentine est le quatrième bénéficiaire de nos investissements directs en Amérique latine. À l'inverse, les investissements argentins en France restent faibles.
Dans ce contexte déséquilibré, la baisse de taux jouera en faveur de nos entreprises et du Trésor français.
Ce texte s'inspire des travaux menés par l'OCDE pour harmoniser les systèmes fiscaux, initiés par le G20 de Saint-Pétersbourg en 2013 dans le but de contrecarrer les stratégies d'optimisation fiscale des grands groupes. Nous soutenons l'adaptation du paysage fiscal mondial et l'intégration des pays émergents à ce système. Les stratégies d'optimisation fiscale entraînent entre 100 et 240 milliards de dollars de pertes de recettes publiques à l'échelle mondiale, soit 4 à 10 % des recettes de l'impôt sur les sociétés !
Le financement du secteur numérique est peu abordé dans les conventions, ce que nous regrettons. Cela tient aux divergences entre États sur la taxation des géants du Net. Un rapport de 2018 présente les pistes possibles, tout en actant l'absence de consensus international.
Il faut pourtant avancer sur ce sujet, malgré l'échec de la task force de l'OCDE devant le blocage des États-Unis et de plusieurs pays européens. L'Union européenne doit être plus ambitieuse et faire évoluer la notion d'établissement sable pour l'adapter à l'économie numérique.
La coopération internationale en matière de fiscalité doit régler la contradiction entre facilitation des échanges et segmentation des réglementations, propice aux stratégies d'évitement de prélèvement. La multiplication des signatures d'avenants aux conventions bilatérales montre les limites de l'approche actuelle et l'utilité qu'aurait une approche multilatérale.
Notre groupe votera ce texte.
M. Jérôme Bascher . - France-Argentine : deux champions du monde de football à deux étoiles. Mais c'est la France qui est championne du monde de la fiscalité...
Du coup, cet avenant ne peut être qu'avantageux pour la France. Nous sommes champions du monde aussi par le nombre de conventions fiscales.
Quelque 250 entreprises françaises sont présentes en Argentine. Ce n'est pas considérable, mais il convient de les soutenir. Plusieurs autres pays européens bénéficiaient en effet de taux de retenue à la source inférieurs à ceux prévus par la convention de 1979. Pour une fois, la France remet ses entreprises sur un pied d'égalité avec cet avenant.
Mais je ne voudrais pas qu'il y ait un contrat caché. Je veux parler de l'agriculture, bien sûr. L'Argentine est perdante ici, mais n'est-ce pas l'agriculture française que l'on menace avec un nouvel accord, que nous refusons ici ?
Notons que même diminués, les taux pratiqués demeurent supérieurs à ce que préconise le modèle OCDE. Cela va néanmoins dans le bon sens et encouragera les investissements français en Argentine. C'est aussi une bonne chose pour l'économie argentine, exsangue après trois ans de récession et une inflation record de 54 %. De quoi annuler notre dette ! La pauvreté frappe plus de 40 % de la population.
Je me réjouis de l'évolution de nos relations avec l'Argentine - s'il n'y a pas de contrat caché.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre-Jean Verzelen . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'Argentine est certainement le plus européen des pays d'Amérique latine. Nos relations diplomatiques, culturelles ou économiques sont excellentes.
Qui dit relations économiques, dit aventures entrepreneuriales.
La convention de 1979 a déjà été amendée en 2001. Il s'agit de la modifier à nouveau pour réduire les taux de retenue à la source, insérer des clauses du modèle France et entériner la clause de la nation la plus favorisée. Cette dernière clause est une avancée notable pour notre pays. Elle profitera aux 15 000 ressortissants français en Argentine et aux 250 entreprises françaises qui y exercent.
Face au poison de l'inflation, l'Argentine a fait le choix courageux de résister à ses penchants protectionnistes et isolationnistes. Preuve qu'une nation peut aussi combattre ses démons par l'ouverture au monde, à rebours d'une vision moribonde de la souveraineté économique.
Après sa cessation de paiements en 2001, ce pays est entré dans une crise économique terrible dont il ne s'est pas encore relevé. Son endettement public s'élevait alors à 60 % de son PIB. Voilà qui donne à réfléchir...
Je me réjouis que nos pays renforcent leurs relations économiques. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Michel Canevet . - Je félicite M. Delahaye pour la qualité de son rapport. Quatre décennies après la signature de la convention France-Argentine, une adaptation était nécessaire. Le groupe de l'Union centriste tient beaucoup à la lutte contre l'évasion fiscale. Il est bon aussi d'accompagner davantage nos entrepreneurs dans ce pays.
La révision des taux de retenue à la source les rend plus conformes aux standards habituels.
À la demande de l'Argentine, la notion d'établissement stable de services a été précisée. Il faut en effet tenir compte de l'essor des échanges immatériels et les intégrer dans les bases de taxation.
La France affiche la volonté taxer davantage le commerce électronique, qui concurrence de plus en plus le commerce sédentaire. De fait, les modes de taxation devront être adaptés à l'évolution du commerce international, afin que chacun contribue aux recettes fiscales.
Le groupe UC votera le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
L'article unique, constituant l'ensemble du projet de loi, est adopté.
La séance est suspendue quelques instants.
Réforme du courtage (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement
Discussion générale
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Enfin une bonne nouvelle : une commission mixte paritaire conclusive !
Cette proposition de loi vise à structurer les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement, en s'inspirant du modèle de co-régulation en vigueur pour les conseillers en investissements financiers. Elle prévoit une adhésion obligatoire aux associations professionnelles agréées par l'Autorité de contrôle prudentielle et de régulation (ACPR).
Mais elle ne révolutionne pas la régulation du secteur. Elle n'apporte pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services et ne mettra pas fin à aux pratiques commerciales déloyales - assureurs insolvables ou courtiers indélicats, dans le domaine de la construction notamment - car les associations professionnelles n'auront pas de pouvoir de contrôle.
Ces limites s'expliquent par les contraintes du droit européen.
Le dispositif est cependant bienvenu, car il complète l'activité de l'ACPR qui ne peut contrôler tous les acteurs, compte tenu de la forte atomisation du secteur.
Les missions confiées aux associations seront utiles, dans un secteur à fort turnover qui emploie plus de dix mille intermédiaires, dont beaucoup d'entrepreneurs individuels et de TPE.
La CMP a consacré trois apports significatifs du Sénat : la possibilité pour une association professionnelle de notifier à l'ACPR et aux autres associations le refus d'adhésion ; celle de formuler, dans les limites fixées par le droit européen, des recommandations en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d'intérêts ; et un meilleur encadrement du démarchage téléphonique en matière de produits d'assurance, qui protégera mieux le consommateur des abus constatés notamment sur les complémentaires santé ou les obsèques.
En revanche, la CMP n'a pas retenu la disposition confiant à l'Organisme pour le registre unique par des intermédiaires en assurance, banque et assurance (Orias), plutôt qu'aux associations, le contrôle de l'honorabilité des salariés. C'était une question de fiabilité, puisque l'Orias a déjà accès au casier judiciaire des dirigeants. Mais l'Orias a besoin de temps pour approfondir cette piste.
Madame la ministre, il faut un accès direct au casier judiciaire pour éviter les faux, qui sont très faciles à obtenir sur internet - je peux vous en faire la démonstration !
Sur le démarchage téléphonique, l'obligation d'enregistrer l'appel ne s'applique qu'aux appels non sollicités, sauf quand le souscripteur éventuel est déjà lié au solliciteur par un contrat en cours, à charge pour l'assureur de produire les justificatifs. C'est une disposition de bon sens.
Ce texte ne changera pas la face du monde, mais c'est une avancée. Je regrette cependant que les interventions dans le cadre de la libre prestation de service ne puissent être abordées, alors qu'elles représentent la plupart des abus.
Je remercie la députée Valérie Faure-Muntian, auteur et rapporteure du texte, pour le travail constructif mené ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI)
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable . - Ce texte porte une réforme utile aux courtiers comme aux consommateurs. Merci aux parlementaires, et en particulier aux rapporteurs : leurs efforts ont permis d'aboutir à une proposition commune recueillant une large approbation.
L'amendement adopté au Sénat assurant une régulation du démarchage téléphonique, inspiré par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), est bienvenu. Il renforce l'information de l'assuré, interdit la vente en un temps, définit les modalités de recueil du consentement et prévoit une conservation des enregistrements pendant deux ans. Cela donnera à la DGCCRF et à l'ACPR la possibilité d'assainir le secteur.
Le texte renforce aussi les garanties pour les courtiers dans leurs relations avec les associations professionnelles agréées, notamment grâce à une adhésion simplifiée et à l'obligation de motiver un refus d'adhésion. Je salue la possibilité donnée à l'ACPR de notifier une décision de refus d'adhésion.
Le Gouvernement partage la décision de la CMP de revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale qui confie la vérification de l'honorabilité des salariés aux associations professionnelles : l'Orias n'est pas en mesure de s'en charger pour l'instant.
Les futures associations professionnelles ne constitueront pas des instances de contrôle mais auront des missions d'accompagnement.
Il s'agit de soutenir des professionnels, souvent de petites structures, qui peuvent se sentir perdus face à leurs obligations : formation minimale de quinze heures par an, médiation avec les consommateurs notamment.
Les courtiers ont jusqu'au 1er avril 2022 pour mettre en oeuvre ces dispositions. Le Gouvernement apporte tout son soutien à ce texte qu'il souhaite promulguer dans les meilleurs délais.
M. Richard Yung . - Commencé en février 2019 avec des dispositions de la loi Pacte ensuite censurées par le Conseil constitutionnel, le parcours de ce texte s'achève avec un compromis qui n'est pas révolutionnaire mais améliore l'accompagnement des courtiers et la protection des consommateurs.
À compter du 1er avril 2022, les courtiers et intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) devront adhérer à une association professionnelle agréée par l'ACPR. Celle-ci accompagnera ses membres, vérifiera leurs conditions d'exercice, offrira des services de médiation. Faute de garanties, elle pourra refuser l'adhésion d'un courtier.
Ce dispositif, inspiré de celui qui s'applique aux conseillers en investissement financier, est d'autant plus bienvenu que le secteur du courtage croît fortement, dans un contexte de taux d'intérêt bas. Nos concitoyens n'hésitent plus à faire jouer la concurrence.
Je me félicite que les associations puissent désormais signaler un refus d'adhésion, mais aussi formuler des recommandations. En revanche, le droit de l'Union européenne interdit aux associations professionnelles de contrôler leurs membres.
Concernant le démarchage téléphonique, l'interdiction explicite de vente en un temps (one shot) et l'obligation d'enregistrement des appels de vente sont bienvenues.
Enfin, l'Union européenne nous impose de faire de l'adhésion à une association professionnelle une faculté et non une obligation, ce qui crée une situation paradoxale vis-à-vis des courtiers étrangers sous le régime de la libre prestation de service, qui ne seront pas soumis aux mêmes obligations. Je suis toutefois convaincu qu'ils seront nombreux à adhérer, attirés par l'accompagnement offert par les associations.
Le RDPI votera ce texte qui adresse un signal positif au secteur. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Christian Bilhac . - Je soulignais en première lecture la diversité et l'ancienneté du secteur du courtage. Le courtage en assurance est difficile à encadrer, avec des dizaines de milliers d'acteurs pas toujours domiciliés en France. Cette proposition de loi laisse espérer que le secteur s'organisera davantage, dans l'intérêt de la protection du consommateur et du respect des règles de la concurrence. L'obligation d'adhérer aux associations professionnelles améliorera le contrôle tout en préservant la liberté d'établissement.
Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. Éric Bocquet . - Comme nous le soulignions en première lecture, les associations professionnelles créées par ce texte ont un rôle flou. La proposition de loi cultive l'ambiguïté sur les « recommandations » qu'elles pourront formuler qui, estime la CMP, devraient généraliser les bonnes pratiques commerciales...
Pourtant l'ACPR a récemment mis en garde TCA Assurances, ce courtier-grossiste spécialisé dans les restaurants, bars, et discothèques, très touchés par la crise : la compagnie avait anticipé le renouvellement des contrats souscrits auprès d'une société d'assurance sous le régime de la libre prestation de service, dont elle connaissait pourtant les graves difficultés.
Nous en tirons deux conclusions. D'abord, l'ACPR exerce un contrôle sérieux dont il aurait fallu renforcer les moyens, tout comme ceux de l'Orias ; la CMP a écarté son implication dans le contrôle au motif que cela allongerait les procédures, mais elles seront aussi longues si les associations professionnelles en ont la charge.
Seconde conclusion, les courtiers en libre prestation de service (LPS) doivent être contrôlés par l'ACPR, or le texte ne prévoit pour eux qu'une adhésion facultative. L'inégalité qui en résulte entre Français et étrangers est à nos yeux un motif de censure du Conseil constitutionnel.
En 2016, à Drusenheim, dans le Bas-Rhin, trois familles avaient acheté, pour 650 000 euros, trois maisons en VEFA (vente en état futur d'achèvement). Deux mois après le début des travaux, le chantier s'est arrêté : le promoteur avait cessé de payer les maçons, tout en produisant de fausses attestations de fin de travaux. Les familles continuaient à payer, sans réussir à récupérer leur garantie finale d'achèvement auprès de l'assureur, qui continue à temporiser malgré les assignations. (M. Claude Kern le confirme.)
Tant que nous n'aurons pas affronté ce fléau qu'est la LPS, qui gangrène le marché français, nous condamnerons des familles comme celles-ci au désespoir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC se félicite de cet accord en CMP, signe que nos deux assemblées savent s'entendre lorsque l'intérêt général l'exige.
Les améliorations proposées par le Sénat ont prospéré, ce qui nous réjouit, même si elles ne sont pas suffisantes. Nous saluons tout particulièrement la garantie que représente l'adhésion à des associations professionnelles qui peuvent émettre des recommandations pour diffuser les bonnes pratiques commerciales.
En matière de démarchage téléphonique, la rédaction retenue protégera les consommateurs sans entraver les offres commerciales en cours. Les comparateurs en ligne, dont l'utilité est avérée, sont préservés.
Le contrôle de l'honorabilité restera aux mains des associations, ce que nous comprenons à la lumière des échanges avec les acteurs du secteur. Mais la vigilance s'impose, au vu du nombre important de faux extraits de casier qui circulent.
C'est un texte imparfait, mais un premier pas dans la bonne direction. Le groupe UC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission)
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Vous connaissez nos réserves sur ce texte. Le courtage est un secteur où évoluent de très nombreux acteurs, contrôlés aujourd'hui par l'Orias et l'ACPR. Le Gouvernement aurait pu donner à ces derniers les moyens d'effectuer les contrôles qui s'imposent, au lieu de déléguer cette tâche à des associations professionnelles.
Créer un intervenant supplémentaire entre professionnels et instances de régulation manque de cohérence, alors que l'on supprime des organismes de gestion agréés sur d'autres marchés.
De plus, le texte ne répond pas aux dysfonctionnements liés à la libre prestation de services ou la concurrence déloyale.
L'autorégulation par des associations professionnelles, qui favorise de grandes entités de courtage, est porteuse d'un risque oligopolistique - qui n'est jamais au bénéfice du consommateur.
Je regrette l'absence d'étude d'impact, qui aurait pu nous éclairer sur les bénéfices d'un marché plus concentré. Je regrette également que l'amendement du Sénat confiant à l'Orias le contrôle d'honorabilité n'ait pas été retenu.
Ce texte consacre un recul des pouvoirs publics. Le groupe SER s'abstiendra, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Pierre-Jean Verzelen . - Le courtier joue dans l'économie un rôle d'intermédiaire, avec une double valeur ajoutée : tiers de confiance, il sécurise la transaction, il fait jouer la concurrence et permet le bon ajustement entre l'offre et la demande.
Cette proposition de loi manquera sa cible si elle n'améliore pas la confiance ou la compétitivité. Elle va cependant dans le bon sens : les associations professionnelles à adhésion obligatoire apportent lisibilité et protection au consommateur. Elle témoigne de l'utilité du Sénat, dont plusieurs apports ont été conservés.
Ces dispositions avaient déjà été adoptées il y a deux ans dans le projet de loi Pacte. J'espère qu'elles ne conduiront pas à une hausse des prix : l'adhésion obligatoire va engendrer des surcoûts qui pourraient être répercutés sur le consommateur. Mais il est également possible que cette clarification renforce les acteurs les plus solides qui pourront absorber ces coûts sans augmenter leurs prix.
Malgré ce point de vigilance, le groupe INDEP approuve ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Paul Toussaint Parigi . - Fallait-il créer un nouvel étage de contrôle de la profession de courtier en assurance, plutôt que de s'appuyer sur les outils de régulation existants ?
Certes, les associations professionnelles pourront formuler des recommandations de bonnes pratiques en matière de conflits d'intérêts, ce qui gommera certains effets délétères du texte initial. Mais c'est une amélioration partielle.
En matière de protection du consommateur, le texte encadre mieux le démarchage téléphonique, mais les mesures restent peu ambitieuses ; il aurait fallu donner de vrais moyens de contrôle à l'Orias et à l'ACPR.
Il n'était nul besoin de désavouer la puissance publique, ni urgent de réformer le courtage par un texte dont les dispositions sont très techniques et difficiles à évaluer. Nous légiférons à l'aveugle, sans étude d'impact.
Le GEST aurait préféré discuter de la place des assurances dans le soutien à la population, en pleine crise sanitaire. Nous nous abstiendrons.
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Simplifier en votant un nouveau texte qui crée une strate administrative supplémentaire : la démarche me laisse sceptique. Nous avions supprimé les centres de gestion dans la loi de finances 2021, et nous créons ici une obligation administrative, avec une charge financière improductive à la clé.
J'avais déposé un amendement de suppression, considérant que l'Orias pouvait exercer le contrôle d'honorabilité, mais j'ai pris conscience depuis du nombre très élevé d'inscriptions et de résiliations dans le secteur.
J'espère que cette proposition de loi protégera les courtiers français des courtiers étrangers en libre prestation de service, qui n'ont pas les mêmes obligations de solvabilité ou de garanties financières.
Les courtiers ont aussi des obligations en matière de médiation et de formation ; compte tenu de la taille moyenne des structures, il n'est pas toujours facile de les remplir.
Les sociétés de courtage devront adhérer à une association professionnelle à partir de 2022, qui assurera la médiation, la formation et l'information sur l'évolution réglementaire moyennant une cotisation annuelle de 500 euros. Les associations professionnelles pourront prévenir l'ACPR et les autres associations en cas d'irrégularités. J'espère que les recommandations qu'elles formuleront ne se traduiront pas en obligations et en nouvelles normes franco-françaises.
J'ai été surpris du dépôt tardif de l'amendement du Gouvernement sur l'obligation d'enregistrer et de conserver deux ans les appels de démarchage. Certes, il y a quelques cas déviants, mais nous ne légiférons pas pour quelques-uns. Je me félicite que la portée de l'amendement ait été réduite.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La discussion générale est close.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
La séance est suspendue pour quelques instants.
Justice de proximité et réponse pénale (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale
M. Alain Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - La CMP du 4 mars est rapidement parvenue à un accord sur cette proposition de loi assez technique du député Dimitri Houbron.
Pour l'essentiel, la CMP a retenu la version du Sénat du 18 février, avec quelques améliorations rédactionnelles. Le débat principal portait sur la répartition des compétences entre le juge d'application des peines (JAP) et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) pour l'établissement de la liste des travaux d'intérêt général (TIG) proposés dans le département.
L'Assemblée nationale avait prévu que le directeur du SPIP établisse cette liste, mais le JAP pouvait y ajouter des employeurs volontaires. Le Sénat a préféré confier l'ensemble de cette responsabilité au directeur du SPIP, et l'Assemblée nationale s'y est ralliée. La procédure sera plus simple et plus rapide, et le travail des directeurs de SPIP mieux reconnu.
Le texte encourage le recours aux TIG, alternatives aux courtes peines qui facilitent la réinsertion. Les travaux non rémunérés (TNR) proposés dans le cadre d'une composition pénale avec le parquet ou d'une transaction municipale mériteraient eux aussi d'être développés.
À l'initiative du RDPI, le Sénat a souhaité que les biens récupérés par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) soient attribués à des associations d'utilité publique ou des organismes contribuant à la politique du logement. Cet apport qui renforce le tissu associatif a été conservé en CMP ; il complète la contribution citoyenne versée aux associations d'aide aux victimes prévue par le texte.
La CMP a également conservé l'intégration des TNR dans le périmètre de l'expérimentation sur les TIG au bénéfice de l'économie sociale et solidaire, ainsi que l'affiliation des personnes qui effectuent un TNR à la branche accidents du travail-maladies professionnelles.
Le texte donne ainsi de nouveaux outils aux magistrats du parquet pour apporter une réponse rapide et proportionnée aux petites infractions du quotidien, au lieu de renvoyer les affaires à des tribunaux correctionnels très engorgés. Nous savons qu'une sanction rapide est plus efficace pour éviter la récidive.
C'est une étape sur la voie d'une vraie justice de proximité, qui reposera sur des changements organisationnels et des moyens suffisants, notamment dans les territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - Depuis mon arrivée au ministère, mon premier objectif est de restaurer la confiance entre les citoyens et la justice - une justice plus proche de citoyens, sur tous les territoires.
La délinquance de basse intensité n'épargne pas plus les petites et moyennes communes que les métropoles. Tags, rodéos urbains, feux de poubelles, insultes, petits trafics peuvent passer inaperçus, mais pourrissent la vie quotidienne de nos concitoyens et nourrissent un sentiment d'impunité et de défiance envers l'institution judiciaire.
Notre réponse repose sur deux axes : renforcer la rapidité de la réponse pénale et accroître la visibilité de l'action judiciaire.
Je me félicite de l'accord trouvé en CMP. Je salue l'esprit de concorde qui a prévalu et l'implication des sénateurs Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi.
La justice de proximité repose sur une réponse pénale plus efficace. Ce texte complète l'arsenal des mesures alternatives à l'incarcération, plus rapides et adaptées à l'infraction, à la fois punitives et éducatives. Le procureur pourra ainsi contraindre le délinquant à remettre en état les lieux dégradés, à verser une contribution citoyenne à des associations de victimes, à donner son scooter. « Tu casses, tu répares », « tu salis, tu nettoies », « tu rembourses les victimes » : voilà la logique.
Les postes de TIG sont massivement développés, grâce aux efforts de l'Agence nationale du travail d'intérêt général et à la plateforme numérique TIG 360°. Quelque 20 000 postes sont disponibles et nous espérons atteindre les 30 000. Nous avons besoin de la mobilisation de toutes les collectivités territoriales pour proposer des TIG sur tout le territoire.
J'ai pris deux circulaires, le 1er octobre puis le 15 décembre 2020, pour renforcer l'activité des juridictions de proximité et le développement des audiences foraines et des points justice. Il s'agit d'être au plus proche des territoires.
Nous menons une politique volontariste de coordination de l'action judiciaire. Le nombre de délégués du procureur, qui réalisent un travail remarquable, a doublé, de 1 000 à 2 000. Le décret du 21 septembre 2020 a précisé et élargi leur mission.
Enfin, nous augmentons massivement des recrutements de contractuels pour soulager les juridictions. Ainsi, 13 millions d'euros sont alloués au recrutement de magistrats honoraires ou temporaires.
Les frais de justice augmenteront de 127 millions d'euros pour accroître l'intervention des délégués du procureur et créer de nouvelles unités médico-judiciaires ou d'assistance de proximité aux victimes.
Le milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) bénéficiera de 20 millions d'euros pour renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien.
Cette proposition de loi s'inscrit dans une volonté globale de redonner à nos concitoyens le sens d'une justice rapide, efficace et proche d'eux. C'est pourquoi je vous demande chaleureusement d'adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains)
M. Jean-Claude Requier . - Au-delà de la peine, le procès a une fonction sociale et naturelle. C'est une cérémonie de reconstitution du lien social, selon le magistrat Denis Salas.
Reste que les impératifs de célérité et d'efficacité imposent de réfléchir à des alternatives aux peines.
Ce texte atteint un bon équilibre. Le procès pénal reste la règle mais les magistrats auront un spectre élargi de solutions face à la délinquance du quotidien. La création d'une contribution citoyenne, le recours plus important au TIG, les amendes forfaitaires sont de bonnes mesures. Espérons que cela diminuera le nombre de contraventions impayées.
Nous nous interrogeons : ce texte atteindra-t-il ses objectifs ?
Il faut être ferme et sans complaisance face la criminalité afin de prévenir toute banalisation. Mais ne perdons pas de vue ses origines : carences du système éducatif, précarité de l'aide sociale à l'enfance, faible prise en charge des primo-délinquants.
Le groupe RDSE votera les conclusions de la CMP.
Mme Cécile Cukierman . - Ce texte renforce le rôle du parquet. Encore faut-il qu'il ait les moyens d'agir. Or la hausse prévue des effectifs n'y suffira pas.
La question de l'indépendance du parquet reste en suspens. Quinquennat après quinquennat, cette réforme est toujours repoussée.
Le Sénat a fait évoluer les procédures. Il faut mener la réflexion sur la capacité à accueillir des TIG, afin de développer cette alternative qui favorise la réinsertion. Un parcours de peines est souvent plus destructeur que réparateur pour la société.
Nous nous abstiendrons, en regrettant qu'en France, le parquet ne soit toujours pas indépendant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Philippe Bonnecarrère . - Je remercie le rapporteur pour son travail.
Mme Cukierman a parlé d'indépendance du parquet - nous en débattrons en mai. En écho à ce qui a été dit hier soir, monsieur le garde des Sceaux, il ne nous appartient pas de commenter vos occupations précédentes.
Le groupe UC continue de soutenir ce texte. Nous voterons donc les conclusions de la CMP.
« Proximité » est devenu un mot parapluie. Ce n'est pas un programme. Les mesures proposées sont de bon aloi : TIG, amendes forfaitaires, contribution citoyenne. Nous verrons comment le monde judiciaire se les approprie.
Nous auditionnerons bientôt M. le garde des Sceaux, avec Mme de Montchalin, sur les chantiers numériques. Cette dimension est importante pour accroître l'efficacité de la justice du quotidien et soulager le personnel. Les magistrats sont parfois contraints à des tâches qui ne mettent pas pleinement à contribution leur valeur ajoutée... (M. le garde des Sceaux approuve.)
M. Hussein Bourgi . - Nous prenons acte du succès de la CMP, qui a été rapide. Il faut dire que l'enjeu du texte est mineur. La grande majorité des apports du Sénat ont été conservés, et je salue la qualité du travail du rapporteur.
Je regrette que la confiance en notre système judiciaire continue de se déliter. La moitié des Français déclaraient en 2019 ne pas lui faire confiance ; 60 % considèrent qu'elle fonctionne mal. La responsabilité de cet échec est partagée entre les différents gouvernements de ces dernières décennies.
Nos juridictions tournent avec onze juges et trois procureurs pour cnt mille habitants en moyenne, contre vingt-deux juges et douze procureurs en moyenne en Europe. Et je ne parle pas du sous-effectif chronique des greffes. Les juridictions sont engorgées, les procédures longues et le stock d'affaires en attente d'audiencement considérable.
Les procédures sont trop longues, complexes, fastidieuses. C'est un parcours du combattant, pour une sanction et une réparation dont la mise en oeuvre est aléatoire. Le sentiment d'impunité se développe chez les délinquants et la défiance chez les victimes.
Je regrette que le texte se concentre sur le contentieux pénal, qui ne représente que 25 % des affaires traitées par nos juridictions. La fluidification des procédures est nécessaire aussi en matière civile et commerciale.
Tout n'est pas négatif : nous approuvons la contribution citoyenne. Nous sommes également favorables au stage de responsabilité parentale, mais nous regrettons que d'autres propositions de stages, contre la haine en ligne ou les atteintes à la nature, aient été rejetées.
La philosophie générale de déjudiciarisation est regrettable. Par cohérence avec nos positions précédentes, nous nous abstiendrons. Nous attendons avec impatience le projet de loi à venir sur la confiance dans le système judiciaire, en espérant être davantage entendus.
Mme Brigitte Lherbier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit que la CMP ait été conclusive et que l'ensemble des améliorations du Sénat aient été maintenues.
Nous aurons demain un outil supplémentaire contre les incivilités. L'élargissement des alternatives aux poursuites et le développement du TIG sont des mesures efficaces et utiles à la réinsertion. Pour les avoir pratiqués à Tourcoing, je peux en témoigner.
Le Sénat a inclus le travail non rémunéré dans le champ de l'expérimentation. Ce sera l'occasion d'évaluer dans quelle mesure le secteur de l'économie sociale et solidaire est capable d'accueillir des TIG.
Nous avons modifié le code de la sécurité sociale afin que les personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d'une transaction avec le maire puissent être indemnisées en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
Le procureur pourra proposer au délinquant de se dessaisir d'un bien au profit d'une organisation à but non lucratif. Cette mesure est consensuelle.
Sur la détermination de la liste des TIG, l'Assemblée nationale s'est ralliée à la position du Sénat, plus simple et qui revalorise le rôle du directeur du SPIP. Mais n'oublions pas que la France ne compte que trois procureurs pour cent mille habitants, quand la moyenne européenne est de douze. C'est fort peu...
Ayant dirigé pendant de longues années l'Institut d'études judiciaires de Lille, je sais combien le recrutement de magistrats issus de toutes les régions serait souhaitable pour comprendre la mentalité des justiciables.
Il faut une réponse ferme, forte, juste et rapide de la justice. L'informatisation ne doit être qu'un outil au service d'une réponse de proximité. La répartition du personnel doit aussi être adaptée sur la base d'une analyse statistique.
Le groupe Les Républicains salue le travail du rapporteur et votera les conclusions de la CMP. (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Esther Benbassa . - La CMP a été conclusive sur ce texte qui s'attelle à une noble tâche : restaurer une justice de proximité contre la délinquance du quotidien.
La simplification du TIG et le développement des alternatives aux poursuites sont des avancées, face au tout carcéral qui est à l'opposé de la justice moderne que nous défendons.
Cependant, je déplore des reculs sur les droits de la personne condamnée : suppression de l'examen médical, relèvement du plafond du travail non rémunéré. Le transfert au SPIP de la détermination des modalités d'exécution du TIG est regrettable.
Nous aurions souhaité que la sensibilisation à la protection de l'environnement soit incluse dans les stages proposés. Les initiatives menées en ce sens en Savoie et en Charente-Maritime sont concluantes.
Malgré une légère hausse de crédits pour 2021, le maigre budget de la justice et le manque de personnel sont au coeur du problème.
Le texte est manifestement privé des outils de sa réussite. Le rendez-vous avec la modernisation de la justice de proximité est reporté. Comme en première lecture, nous nous abstiendrons, comme en première lecture.
Mme Nicole Duranton . - Félicitations à Alain Marc pour son excellent travail. Le texte issu de la CMP renforce l'efficacité de la réponse aux incivilités et à la délinquance du quotidien, celle qui trouble la vie de nos concitoyens et nourrit le sentiment d'impunité.
Ce texte est la traduction concrète de l'engagement du Premier ministre en faveur de la justice de proximité. La justice de proximité, c'est l'alternative aux poursuites pour les 350 infractions de faible et moyenne intensités, comme le tapage nocturne ou les rodéos motorisés. C'est l'augmentation substantielle du nombre de délégués du procureur. C'est le renforcement des relations avec les partenaires locaux et le maillage du territoire par plus de deux mille « points Justice ».
Cette proposition de loi apporte des ajustements opportuns. Elle complète les mesures alternatives aux poursuites, favorise le recours aux TIG et renforce la procédure de l'amende forfaitaire pour accélérer son recouvrement. Cela désengorgera les prétoires et rendra la réponse pénale plus rapide et plus efficace - et donc la peine plus constructive.
Nous nous réjouissons de l'accord en CMP, d'autant que les apports du Parlement ont été conservés, sur le couple maire-procureur ou l'affiliation à la branche AT-MP des personnes qui effectuent un travail non rémunéré.
Désormais, les biens immobiliers dont l'État est devenu propriétaire dans le cadre d'une procédure pénale pourront être transférés à des associations. La chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction pourra être dessaisie au bénéfice d'une personne morale à but non lucratif, le tout étant entouré de garanties pour ne pas créer d'insécurité juridique.
Le RDPI votera ce texte.
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Les manquements aux règles du comportement en société altèrent la tranquillité publique : insultes, tags, petits trafics, autant d'incivilités face auxquelles les Français attendent une réponse pénale rapide et efficace.
Montesquieu a écrit : « Qu'on examine la cause de tous les relâchements, on verra qu'elle vient de l'impunité des crimes, et non pas de la modération des peines ». Je me réjouis de l'accent mis sur l'effectivité des peines plutôt que sur leur sévérité, contre le sentiment d'impunité.
Ce texte apporte une réponse pénale plus claire, plus directe, plus lisible pour le délinquant, plus compréhensible pour le délinquant comme pour la victime. Il offre de nouveaux outils aux procureurs, fluidifie la mise en oeuvre des TIG et accélère le recouvrement des amendes forfaitaires.
Je me réjouis de la réussite de la CMP.
Toutefois, ne nous y trompons pas : ces mesures seront insuffisantes sans moyens afférents.
Depuis trop longtemps, alors que les besoins de la justice augmentent, les moyens stagnent. Heureusement, les crédits de la justice ont augmenté pour 2021. Cet effort devra être poursuivi.
Grâce à Alain Marc, les maires pourront recourir plus aisément au travail non rémunéré, dans le cadre d'une transaction, pour régler des différends sur leur territoire. Cela sera apprécié par les maires de l'Aube.
Le groupe INDEP sera attentif aux crédits de la justice pour 2022. Il votera à l'unanimité ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur le banc de la commission)
La discussion générale est close.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
(Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
La séance est suspendue à 13 h 10.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 15 heures.
Évolution de la situation sanitaire
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à l'évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.
M. Jean Castex, Premier ministre . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI) Le Président de la République s'est exprimé hier pour présenter à la Nation les nouvelles mesures de lutte contre l'épidémie de Covid-19.
La France doit affronter cette crise sanitaire, qui dure et qui mute dans des conditions inquiétantes. Une fois de plus, nous devons faire face et prendre les décisions qui s'imposent.
Cette troisième vague, presque une nouvelle épidémie, exige que les représentants de la Nation débattent et s'expriment par un vote solennel, selon l'article 50-1 de la Constitution.
Des mesures nouvelles sont indispensables pour protéger la vie et la santé, notamment des plus fragiles, et franchir la dernière étape, celle de la vaccination massive, vers un retour à une vie normale.
L'épidémie s'emballe depuis la mi-mars avec une augmentation du nombre de cas de 55% pour atteindre 38 000 cas par jour. Elle progresse vite et partout, en raison du variant anglais, plus contagieux et plus dangereux : il frappe des patients plus jeunes et sans facteur de risques liés à des comorbidités. Cette situation n'est pas propre à la France : le nombre de cas journaliers a triplé en quinze jours en Allemagne, il a augmenté de 70% en Belgique et de 40% aux Pays-Bas.
Notre système de santé est mis à lourde contribution avec 5 000 malades de la covid en réanimation, moins que lors du pic de la première vague, mais plus qu'au plus fort de la deuxième.
Nous avons réagi rapidement avec des mesures fortes : maintien des fermetures d'établissements recevant du public, couvre-feu national depuis la mi-décembre, mesures renforcées dans près de vingt départements depuis la mi-mars.
Nous l'avons fait en tenant compte des différences de situations territoriales et je sais combien le Sénat est attaché à une adaptation de notre stratégie sanitaire aux réalités du terrain. Cette stratégie était la bonne car l'épidémie frappait notre territoire de manière hétérogène.
Mais le variant accélère sur l'ensemble du territoire métropolitain, nous obligeant à accélérer nous aussi. La hausse de la circulation dépasse 20% en une semaine dans la moitié des départements, 40% dans une vingtaine de départements... et 73% dans les Pyrénées-Orientales !
C'est pourquoi les mesures applicables dans les dix-neuf départements les plus touchées sont étendues à tous les départements métropolitains à partir de samedi 19 heures, avec une application pleine à partir de dimanche soir et jusqu'au 3 mai. Nous préservons l'offre hospitalière des territoires les moins touchés pour conserver des capacités de repli.
La situation outre-mer n'est pas comparable à celle de la métropole : les règles seront spécifiques à chaque territoire ou département.
Les règles, dans l'ensemble du territoire métropolitain, seront identiques à celles des 19 départements où elles s'appliquent déjà : couvre-feu à 19 heures ; télétravail à quatre jours par semaine minimum partout où cela est possible ; déplacements dans un rayon de dix kilomètres, interdiction des rassemblements de plus de six personnes, restriction des déplacements interrégionaux à des motifs impérieux, professionnels ou familiaux - notamment aller chercher un enfant chez un grand-parent ou un proche.
Nous sommes un Gouvernement pragmatique (murmures à droite), faisant preuve de souplesse. L'immense majorité de nos concitoyens démontrent leur sens des responsabilités et leur civisme. Mais une minorité s'y refuse ; je condamne leur inconscience et leur irresponsabilité : ils se croient immortels... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Les gestes inconséquents doivent être prévenus et sanctionnés. Le nombre de gendarmes et de policiers affectés à cette tâche sera augmenté. La consommation d'alcool sur la voie publique sera interdite...
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Certains espaces - quais, berges, places... - seront interdits d'accès ; les organisateurs récidivistes d'événements clandestins susceptibles de mettre en danger la vie d'autrui seront poursuivis.
Ces comportements ne doivent pas masquer la résilience et la haute conscience citoyenne de l'immense majorité des Français, qui s'agacent des mesures, s'interrogent mais sont respectueux des règles, donc d'autrui.
Les crèches, les établissements scolaires, les activités périscolaires et extrascolaires seront fermés. Je sais qu'il y avait un très large consensus en faveur du maintien de l'accueil à l'école. La France est le pays européen qui a le moins fermé ses établissements scolaires : seulement 10 semaines, contre 24 en Allemagne, 26 au Royaume-Uni et 32 en Italie. Nous pouvons en être fiers. (M. François Patriat renchérit.)
Nous les fermons en ultime recours. Les écoles, collèges et lycées ne sont pas épargnés par l'épidémie. Le taux d'incidence chez les jeunes augmente plus vite que dans la population générale. C'est pourquoi nous avons décidé une fermeture pour trois semaines, en optimisant la période des vacances scolaires, comme cela était suggéré par beaucoup. La semaine prochaine, les établissements assureront leur enseignement à distance. Les deux semaines suivantes, tous les élèves seront en vacances.
Cela nous permettra d'agir sur la contamination en milieu scolaire tout en limitant l'impact sur l'enseignement. Un système de garde pour les enfants de certaines professions prioritaires sera mis en place. Les parents forcés de garder leurs enfants bénéficieront du dispositif d'activité partielle.
Les étudiants pourront continuer à fréquenter l'université à raison d'un jour par semaine.
Je consulterai demain (on ironise sur les travées du groupe CRCE) les associations d'élus locaux sur les modalités concrètes d'application de ces mesures.
L'accompagnement et le soutien économique et social seront prolongés aussi longtemps que nécessaire. Certains dispositifs ont été complétés, en faveur par exemple des commerces fermés depuis février dans les grands centres commerciaux, de ceux qui ont accumulé d'importants stocks ou de certaines grandes entreprises ayant de lourds frais fixes.
Les mesures que je vous présente sont difficiles mais indispensables. Elles sont contrebalancées par la perspective de la campagne de vaccination qui s'amplifie chaque jour. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER et Les Républicains) Nous allons vers la sortie de crise. Plus de huit millions de nos concitoyens sont vaccinés et nous visons 20 millions en mai, 30 millions en juin, à condition que les calendriers de livraison des doses soient respectés. (Même mouvement) Nous comptons sur la Commission européenne pour y veiller.
M. Hussein Bourgi. - L'espoir fait vivre !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Nos objectifs, que je vous avais présentés le 17 décembre, seront donc respectés.
La mobilisation est totale pour vacciner sans relâche. Depuis trois semaines, le rythme quotidien en France est plus élevé qu'en Italie, en Espagne ou en Allemagne et nous sommes mieux positionnés (on s'esclaffe à droite comme à gauche) pour la vaccination des plus vulnérables. Eh oui !
Je tiens à remercier tous ceux qui sont engagés dans cette campagne de vaccination, dans 1 700 centres. Je salue les 50 000 médecins de ville et les 20 000 pharmaciens qui sont mobilisés. Les infirmiers vont les rejoindre la semaine prochaine. Il y aura 1,4 million de doses supplémentaires, puis 3 millions en avril et 3,6 millions en mai. Le vaccin monodose de Johnson & Johnson arrive aussi.
M. Rachid Temal. - Et Sanofi ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Il sera possible d'ouvrir la vaccination le 15 avril aux plus de 60 ans, le 15 mai aux plus de 50 ans, le 15 juin à tous les autres.
Le moment venu, le Gouvernement présentera au Parlement la stratégie de réouverture des établissements accueillant du public. (On feint l'émerveillement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il nous faudra également nous prononcer sur les élections départementales et régionales. Elles ont déjà été reportées une fois.
M. Rachid Temal. - Encore un pari perdu...
M. Jean Castex, Premier ministre. - Seules des raisons sanitaires impérieuses pourraient justifier un nouveau report.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vraiment ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Le Conseil scientifique a rendu son avis, particulièrement balancé (rires), qui ne préconise pas un report : le maintien est donc privilégié à ce stade. Cependant, le Conseil...
M. Jean-Pierre Sueur. - Tout est dans cet adverbe !
M. Jean Castex, Premier ministre. - ... formule des recommandations précises sur les conditions d'organisation des élections.
M. Hussein Bourgi. - Sur la plage !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Nous devons veiller à ce qu'elles puissent être satisfaites sans altérer l'expression libre et sécurisée du vote. Je vais consulter les partis représentés au Parlement (on s'en réjouit sur les travées du groupe Les Républicains) et les associations d'élus locaux, avant d'organiser un débat au Parlement. Tel est le sens du rapport que je vous remettrai tout à l'heure, monsieur le Président, conformément à la loi du 22 février dernier.
Des semaines difficiles sont devant nous. Les soignants méritent notre soutien et notre reconnaissance. Je sais ce qu'ils endurent. Malgré la fatigue et la lassitude, notre hôpital tiendra le choc, grâce à eux. Nous les aiderons en déplafonnant les heures supplémentaires, en mobilisant toutes les ressources disponibles y compris les réserves - sanitaire, civile, mais aussi militaire - et en organisant la coopération public-privé, qui n'a jamais été aussi fluide, ainsi que les transferts de patients entre régions. Ainsi, nous accueillerons tous les malades qui en ont besoin.
Mon Gouvernement agit avec cohérence et pragmatisme.
Gérer une crise sanitaire, c'est combiner divers critères dans l'intérêt du bien commun. Critères épidémiologiques et sanitaires, d'abord, avec des avis de scientifiques et de médecins : je le dis et le répète, il n'y a pas d'opposition entre le pouvoir politique et le pouvoir médical. Mais le Gouvernement a le devoir d'intégrer aussi les critères scolaires, sociaux, économiques, psychologiques.
C'est dans cette combinaison difficile que doivent être recherchés l'équilibre et la temporalité des décisions. Mais la mère des priorités est bien la protection sanitaire de nos concitoyens.
C'est dans l'unité, la solidarité et la responsabilité que nous trouverons les ressources pour faire face à ce choc grave, inédit et complexe. C'est cette responsabilité de tous et de chacun que je partage ici avec vous. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Hervé Marseille . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le Parlement est de nouveau saisi d'un débat, sur les nouvelles mesures sanitaires annoncées par le Président de la République. Elles pourraient être largement commentées, mais elles étaient indispensables.
Nous partageons l'idée qu'il ne fallait pas revenir à un confinement dur, qui ne serait plus accepté. La peur et la sidération ont laissé place à la lassitude et à la colère.
Vos mesures sont une synthèse, le résultat de considérations sanitaires mais aussi économiques, sociales, psychologiques.
Le passage de sept à dix mille lits de réanimation nous a surpris. Comment est-ce réalisable ? Après l'argent magique, les lits magiques... Si cela est possible, que ne les avez-vous mis à disposition plus tôt ! Mobiliser l'intégralité de la réserve sera-t-il suffisant pour les faire fonctionner ?
Quant à la stratégie vaccinale, seuls les soignants et les seniors étaient prioritaires jusqu'à présent. Pourquoi les enseignants les rejoignent-ils, mais pas les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) ? Pourquoi pas les chauffeurs de bus, les pompiers, les caissiers ?
Les annonces sont très optimistes sur l'accélération des achats, sur les doses manquantes. AstraZeneca a livré 30 millions des 120 millions de doses promises.
À entendre le Président de la République, l'Europe deviendrait le premier continent producteur de vaccins. Très bien, mais comment ? Où les usines seront-elles implantées ?
La fermeture des écoles inquiète les élus, en première ligne sur le périscolaire, et les familles doivent s'organiser.
Pourquoi faire l'impasse sur les autotests en France, contrairement au Royaume-Uni ou à l'Allemagne ? Qu'en est-il du pass sanitaire, grand oublié de votre déclaration ?
Ne fallait-il pas faire oeuvre de plus de différenciation pour donner plus de marges de manoeuvre aux collectivités territoriales ?
Vous avez cité les aides économiques. L'État a fait beaucoup. Mais nous ne voterons pas votre déclaration, texte cosmétique et platonique que nous ne pouvons pas modifier. (On renchérit à droite.) Le principal outil de travail des parlementaires est devenu la télévision ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER, ainsi que sur quelques travées des groupes CRCE et RDSE)
Nous avons un problème institutionnel. Les mesures sanitaires vont dans le bon sens, mais elles affectent les libertés publiques. Quand on touche à la liberté d'aller et venir, à la liberté de commerce, cela va loin. Il n'est donc pas anormal que le Parlement apprécie la proportionnalité. (Applaudissements nourris sur l'ensemble des travées, à l'exception de celles du RDPI et du groupe INDEP)
Qu'y aurait-il d'offensant à ce que les parlementaires puissent a priori émettre des recommandations ? Il n'est pas normal qu'un homme décide seul, fût-il aidé d'un Conseil de défense.
Monsieur Véran, « la démocratie, c'est la transparence » avez-vous dit à l'Assemblée nationale. Le Conseil de défense est-il un exemple de transparence ? (Même mouvement)
Le Parlement a disparu de la prise de décisions. On crée même des « machins » - le général de Gaulle les avait appelés ainsi - avec des citoyens tirés au sort... dont on n'entend plus parler, du reste.
Le Président de la République veut parler directement à l'opinion. C'est très dangereux. On l'a vu avec les gilets jaunes. Quand on joue avec l'opinion, cela finit au Capitole ou sur les Champs-Élysées avec des CRS devant défendre les institutions.
M. Gérard Longuet. - C'est la roche Tarpéienne !
M. Hervé Marseille. - Il y a une Constitution. Il y a des institutions.
La Parlement ne peut être relégué à attendre des annonces sur les écrans.
Si demain d'autres arrivaient au plus haut niveau de l'État, ou en cas de cohabitation, comment fonctionnerait notre pays ? Aujourd'hui, ce n'est pas encore inquiétant, mais cette concentration des pouvoirs nous alerte.
Les élections donneront lieu à un débat dans les prochains jours. Vous vous appuyez sur les conclusions très « balancées » (sourires) du Conseil scientifique, qui semble suivre la devise des humoristes Chevallier et Laspalès : « C'est vous qui voyez ». (Rires) Sauf événement important, il n'y a pas lieu de modifier les dates.
De nombreux sujets relèvent de l'action européenne. Le plan de relance nous inquiète, car il faut préparer l'après. Or, avec le recours devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, 750 milliards d'euros sont en jeu. Le problème des frontières et celui des vaccins nous préoccupent également.
En Italie, un gouvernement d'union, de Salvini au centre gauche, est à la manoeuvre. En Allemagne, Mme Merkel négocie avec les Länder. Nous vous faisons confiance mais de grâce, monsieur le ministre, ayez une autre pratique institutionnelle ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER et du RDSE)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 29 octobre dernier, vous veniez nous annoncer des mesures nécessaires pour faire face à la situation sanitaire. J'avais souligné la lourdeur de votre tâche et de vos responsabilités.
Malgré les errements et la trop grande verticalité de vos décisions, le groupe SER avait voté en faveur de votre déclaration, mais cela ne valait pas soutien ni quitus de votre gestion.
Cinq mois plus tard, la situation n'a pas changé mais vous n'avez pas tiré les enseignements des précédentes séquences. La gestion de l'épidémie s'est dégradée, la concentration des pouvoirs s'est renforcée. Vous êtes devant nous mais nous ne savons pas pourquoi, sinon pour décliner les annonces de l'oracle présidentiel. Si le Parlement unanime votait contre, cela ne changerait rien ! Vous ne vous associez pas, balayez nos propositions. Depuis des mois, nous demandons plus de clarté, de démocratie sanitaire, mais vous prenez le Parlement pour un paillasson, seule existe la doxa élyséenne. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
Le Parlement, normalement, débat et vote. Mais désormais, la parole du Président suffit, issue du bunker qu'est le Conseil de défense. Le Président parle, le Premier ministre répète et le Parlement enregistre.
Mme Valérie Létard. - Bravo !
M. Patrick Kanner. - Hier, le Président de la République a justifié son action, malgré quelques erreurs avouées du bout des lèvres. Aucun mot pour les personnes décédées, pour lesquelles j'ai une pensée. Bientôt, nous aurons perdu cent mille des nôtres.
Le Président de la République décide seul, il doit assumer seul. Il dit avoir gagné du temps de liberté pour les Français. Mais de quelle liberté parle-t-on ? Depuis des semaines, nos concitoyens tremblent à l'écoute de la moindre rumeur d'intervention présidentielle. Chaque jour voit son lot de nouvelles restrictions.
L'exécutif n'a pas tenu compte des avertissements des scientifiques. Pourtant, la déferlante a eu lieu. Le Conseil scientifique avait alerté dès janvier, craignant des pics épidémiques très élevés. Vous-même, lors d'un comité de liaison parlementaire, vous montriez des projections plaidant pour de nouvelles mesures. J'ai mes notes ! Nous vous soutenions. L'épidémiologiste en chef, fort de son intelligence hors du commun, en a décidé autrement.
Or son pari du « trou de souris » est perdu. Qu'il reconnaisse ses erreurs, qu'il s'excuse, car c'est la débâcle. Tri des patients, confinement : l'exécutif ne nomme pas les choses, mais elles existent. Quand on ferme les écoles et les commerces, on confine ; quand on reprogramme massivement des interventions à l'hôpital, on trie.
M. Julien Bargeton. - Non !
M. Patrick Kanner. - Un homme concentre tous les pouvoirs entre ses mains, alors que la politique sanitaire ne fait pas partie de son domaine réservé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Si le Gouvernement peut restreindre les libertés, c'est parce que nous lui en avons délégué la possibilité via les ordonnances.
À l'automne, nous vous interrogions sur la stratégie vaccinale. Nous demandions un plan clair et précis - sans polémique, mais parce qu'il y avait urgence absolue. Nous attendions de la transparence. Vous n'avez été que dans la réaction et c'est seulement le dos au mur que vous réagissez.
Ce manque d'anticipation et cette lenteur doivent se transformer en mobilisation générale. Seuls 13 % des Français ont reçu une première dose : la France est à la vingtième place des pays qui vaccinent le plus. Certes, ce n'est pas pire qu'ailleurs. Comme disent les Québécois, « Quand on se regarde, on se désole ; quand on se compare, on se console ».
L'Europe ne doit pas être le bouc émissaire de la vaccination. Fin mars, huit millions de personnes ont reçu une dose, quand vous en annonciez quinze millions. Quid de la volte-face sur les vaccinodromes ? Le Président de la République annonce l'arrivée de nouvelles doses et la production de vaccins en France. Très bien, mais où sont les chiffres ? Expliquez-vous !
Comment vous croire alors que le Président de la République ou le porte-parole du Gouvernement, savant mélange de Pinocchio et de Mme Irma, annonçaient un retour à la normale mi-avril, et que l'on reconfine ?
Vous annoncez dix mille lits. Comment vous faire confiance, quand vous n'avez pas tenu vos promesses ? Nous regrettons que ces mesures arrivent trop tard. Votre procrastination a compliqué la donne des élus locaux.
La fermeture des écoles, que je regrette, était nécessaire. Mais pourquoi pas plus de tests ? Vaccinez les 1,2 million d'enseignants et le personnel encadrant dans les écoles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Vous rejetez nos propositions sur l'aide alimentaire, l'aide aux établissements les plus fragiles, le RSA pour les moins de 25 ans. Nous avons proposé des mesures ciblées sur les ménages les plus défavorisés, comme la réforme des aides au logement. Au lieu de cela, vous relancez la réforme de l'assurance chômage. Vous n'avez rien entendu. Nous avons proposé de multiples mesures pour mieux organiser les élections, retenues par le Conseil scientifique.
Vous avez voulu freiner, cela n'a fait qu'accélérer. Vous ne vouliez pas enfermer, vous êtes obligés de le faire alors que le train épidémique est lancé à pleine vitesse. Les Français attendent autre chose. C'est un jour sans fin...
Vous voulez vivre avec le virus alors que nous aurions dû le réduire à néant. Nous ne voulons pas être les faire-valoir de cette politique. Le groupe SER ne participera pas au vote. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du RDPI et du groupe INDEP)
M. Stéphane Ravier . - Hier soir, le Président de la République a confessé ce que les Français savent déjà : il a commis des erreurs. Le problème, c'est que le Premier ministre en commet d'autres : voyez les promesses non tenues sur les lits en réanimation.
Quand le Président de la République parle de l'irresponsabilité de quelques-uns, visait-il les Français ou parlait-il du Gouvernement ?
Le Waterloo de la vaccination marque votre déroute. Comme Grouchy, on attend une intervention salvatrice, en vain. Chaque jour, la bataille de la vie est perdue pour des centaines de compatriotes. Vous n'avez à annoncer que des lendemains qui enferment et vous enfoncez les indépendants, les étudiants, les commerçants dans la détresse.
Le parent va télétravailler et faire la classe en même temps : bon courage ! Cela coûte 365 millions d'euros par jour.
Nous sommes dépendants de vaccins étrangers, mais votre poutinophobie vous empêche d'acheter le vaccin russe, pourtant accepté partout. Les Allemands et les Italiens le commandent par millions de doses ! Vous interdisez le traitement du professeur Raoult à Marseille, gratuit et performant, car il menace trop les laboratoires pharmaceutiques.
Confinement et état d'urgence sanitaire sont des facilités pour éviter de parler des sujets qui fâchent. La vérité nous rend libres et la vérité, c'est que la résurrection de nos libertés n'aura lieu ni samedi, ni dimanche, ni lundi. Vous voulez emprisonner le pays dans un enfer économique, social et autoritaire un mois de plus. Merci bien ! (M. Alain Duffourg applaudit.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une fois de plus, la vague est montée ; une fois de plus, l'hôpital a été submergé ; une fois de plus, le Président a parlé ; une fois de plus, le Parlement est pris en otage ; une fois de plus la France est reconfinée.
Vous allez nous demander de voter, mais c'est un vote pour rien, sur rien, puisque sur des annonces déjà faites, des mesures déjà prises. Comme l'a rappelé Hervé Marseille, nous avons la télévision et l'électricité : nous avons pu écouter l'annonce du Président de la République ! À quoi bon voter ?
Lorsque nous le demandions, en cas de prorogation du confinement par exemple, vous nous l'aviez refusé, monsieur le Premier ministre - pour éviter l'embolie des chambres, ajoutait le ministre de la Santé. Merci pour votre sollicitude ! (Sourires)
Le Sénat n'est pas le faire-valoir de l'exécutif, ni du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC, GEST et SER)
Nous ne sommes pas les greffiers appliqués des verdicts de Jupiter ! Un jour le Président de la République parle, le lendemain le Parlement exécute : ce n'est pas cela, la Ve République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et SER)
Nous vous avons confié des pouvoirs immenses. Leur contrepartie, ce devrait être de veiller à un contrôle parlementaire fort. Or vous abusez des ordonnances : 298 depuis 2017, au prétexte que c'est plus rapide. Non, c'est plus long !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Absolument !
M. Bruno Retailleau. - Il faut 436 jours pour une ordonnance, 235 pour une loi. La seule différence, c'est le contrôle du Parlement.
À cela s'ajoutent l'opacité du Conseil de défense, la procédure législative expéditive - la procédure accélérée systématique - parce que le temps parlementaire est considéré comme du temps perdu. Et que dire de la floraison des comités Théodule !
Il est dangereux que le Président de la République cultive l'illusion d'un homme seul qui décide de tout. Car lorsqu'il y a défaillance, que les mécanismes parlementaires font défaut, la nature ayant horreur du vide, d'autres mécanismes les remplacent.
Le premier, ce sont les réseaux sociaux où chacun peut devenir un Fouquier-Tinville ; le second, ce sont les ministres appelés à la barre, cette judiciarisation que j'ai toujours dénoncée : un ministre de la Santé, qui a autre chose à faire, réveillé à six heures du matin pour une perquisition. Vous le voyez, la sollicitude est réciproque... (Sourires) Cela encourage la bureaucratisation, puisqu'à tous les niveaux de décision, on ouvre le parapluie.
Qu'avez-vous donc fait des pouvoirs très étendus que nous vous avons confiés ? Le Président de la République promettait déjà dix mille lits de réanimation en octobre ; il a réitéré la promesse hier. C'est que la première était une tromperie, ou un engagement non tenu.
Je discutais récemment avec des chefs de service de grands hôpitaux ; ils me disaient qu'il faut l'équivalent de deux blocs opératoires pour un lit de réanimation. Pour un malade Covid soigné pendant quinze jours, ce sont 150 opérations reportées, et donc des pertes de chances.
Vous promettiez quatorze millions de vaccins à la mi-mars, qui sont devenus dix millions à la mi-avril. C'est la valse des chiffres et des calendriers ! Pas un Français ne s'y retrouve.
Il y a deux semaines, un responsable allemand disait : mieux vaut vacciner lentement, si l'on vaccine dans un cadre européen. C'est de l'idéologie. Aucun commissaire européen ne fera pour nous ce que ferait un élu du peuple. Vous avez la santé des Français en responsabilité, monsieur le Premier ministre.
J'entends citer la phrase : « Quand je me regarde je me désole ; quand je me compare je me console ». Non ! Quand on se compare, on se désole ! Nous sommes au 51e rang mondial pour la vaccination, nous faisons moins bien que le Chili et le Maroc. L'Allemagne, avec ses 82 millions d'habitants, compte 75 000 morts, nous en déplorons 100 000 ; et j'ai une pensée pour chacune des familles endeuillées.
M. Trump, en mai, promettait les vaccins pour la fin 2020. Le Président de la République a rétorqué que personne de sérieux ne prédisait de vaccin pour la fin de l'année. Or dans cette organisation hyper-centralisée, quand la tête n'y croit pas, elle ne met pas la chaîne de commandement en tension. C'est un manque de volonté politique et stratégique. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Il y a deux stratégies gagnantes. D'abord le zéro Covid pratiqué par les démocraties asiatiques, qui ont déploré moins de 20 000 morts. Cela nous était impossible, puisque nous avons manqué d'efficacité sur le traçage et l'isolement.
Restait la vaccination de masse, réussie par ceux qui avaient manqué la première marche : le Royaume-Uni, les États-Unis.
Nous n'avons eu ni l'un ni l'autre. Le trou de souris d'Emmanuel Macron s'est changé, pour les Français, en souricière !
Vous retrouverez la confiance, le meilleur antidote, à trois conditions. L'efficacité d'abord. Les Allemands, nous a indiqué leur ambassadeur, ont commandé 30 millions de vaccins Pfizer sans passer par la procédure européenne. C'est légal ; faisons-le !
Humanité ensuite : ne laissons pas mourir nos aînés derrière les portes closes des Ehpad et des hôpitaux.
Lucidité enfin : chacun a ses limites, le pire est de ne pas reconnaître les siennes. (M. le Premier ministre laisse échapper une exclamation ironique.)
Un Président de la République, même Jupiter, même expert universel, grand épidémiologiste, philosophe, même avec sa pensée complexe (sourires), ne peut rien tout seul.
Comme d'autres groupes, nous ne participerons pas au vote. Ce n'est pas un caprice mais un message. La démocratie représentative, c'est l'assurance que le sort de tous ne repose pas entre les mains d'un seul.
J'espère que cette nuit sans fin aura une aube. J'espère un joli mois de mai ; le Président l'a évoqué, mais pas vous, monsieur le Premier ministre. Y croyez-vous ? Et dans ce cas, pourquoi reporter les élections ? Nous voulons une nouvelle espérance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SER et GEST)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes UC et RDPI) Après la découverte d'un vaccin que peu espéraient si tôt, la course est lancée entre immunité collective et dissémination des nouveaux variants.
Cette équation à deux inconnues est une ordalie pour le Gouvernement comme pour tous les Français. Elle se complique de deux paramètres : le retentissement immédiat sur l'économie d'un confinement, et le désastre psychologique de cette crise interminable qui a amené nos concitoyens au bord de l'épuisement. Même si nous entrevoyons la lumière au bout du tunnel, nous sentons tous que les semaines qui viennent seront cruciales.
C'est pourquoi la décision du Président de la République de ne pas reconfiner en janvier, s'exemptant des injonctions des scientifiques, a été soutenue par une majorité de Français. J'en étais, c'est pourquoi je ne saurais la critiquer aujourd'hui.
N'oublions pas que, depuis deux mois, les enfants sont allés à l'école, les entreprises ont tourné, les Français ont vécu une vie presque normale. (M. François Patriat approuve.) De plus, nous n'avons plus la certitude qu'un confinement serait efficace face aux nouveaux variants. L'Allemagne en est au demeurant au même nombre de décès quotidiens que nous, après un confinement radical.
Aujourd'hui les critiques fusent, une partie du corps médical, sans doute déçu qu'on ne l'écoute plus, fait pression pour des mesures plus sévères. Je ne nie pas les difficultés extrêmes, ni le dévouement inlassable des soignants, mais il faut rendre à César ce qui est à César et à la politique sa prérogative : juger des moyens de tenir face à l'adversité, en prenant en compte les possibilités et les capacités de résistance.
Ce choix est rarement entre une bonne et une mauvaise position ; il est plutôt entre une mauvaise et une plus mauvaise.
Dans une tribune au Monde, 41 médecins de l'AP-HP parlaient d'une situation jamais connue, même après les pires attentats ; le lendemain, le président de l'association des médecins-urgentistes de France répondait que ce n'est pas la Bérézina, qu'il est totalement faux de prétendre que l'on doit trier les malades. Le patron de la Pitié-Salpêtrière demandait la fermeture immédiate des écoles ; le lendemain, la société française de pédiatrie demandait de tout faire pour l'éviter.
Camper sur des mesures qui ne freinent pas assez, c'est être sûr de perdre la course ; mais confiner strictement, c'est prendre le risque d'une révolte de nos concitoyens.
La clé de notre avenir, ce sont les vaccins. La lenteur de la campagne et les décisions de l'Union européenne ont donné lieu à de nombreuses critiques, parfois justifiées. L'an dernier, je demandais d'aller plus vite, sans nous laisser contraindre par le principe de précaution. Alors que l'on faisait passer les Français pour des vaccino-sceptiques, j'avais peur que nous ne manquions de vaccins.
Le Président de la République a désormais pris la mesure de l'enjeu. Le succès de la vaccination est dans les mains de l'exécutif, qui peut compter sur les élus locaux.
Je comprends l'agacement, l'irritation des groupes qui refusent de prendre part au vote. La Ve République n'est pas tendre avec le Parlement ; mais la situation est trop grave pour que nous refusions de prendre nos responsabilités.
C'est toujours quand on est sur le point de réussir que la tentation de renoncer est la plus forte. Cette crise est une épreuve, mais elle n'est que cela ; nous en avons surmonté de plus graves. L'année 2021 sera celle où nous aurons surmonté l'épreuve. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Guillaume Gontard . - Un an de pandémie, et bientôt cent mille morts ; un an de pandémie, et 4,6 millions de malades ; un an de pandémie, et des soignants à bout de souffle ; un an de pandémie, et des inégalités sociales qui explosent ; un an de pandémie, et plus de dix millions de pauvres ; un an de pandémie, et une entreprise sur trois menacée de faillite ; un an de pandémie et la détresse psychologique, une jeunesse aux abois, une vie sociale et culturelle sous cloche et des perspectives toujours aussi incertaines.
Le bilan est dramatique et ses conséquences se feront sentir pendant des années.
Ce bilan n'est pas celui du Gouvernement, mais il ne vous exonère pas de vos responsabilités, ni le Président de la République des siennes, car Jupiter l'épidémiologiste, le roi thaumaturge, le maître des horloges, décide de tout.
Je le disais déjà le 29 octobre, lors d'un débat similaire : vous n'avez pas su construire l'unité nationale indispensable. Il aurait été intelligent d'associer la représentation nationale aux décisions. Il faut s'appuyer sur l'intelligence collective plutôt que sur celle d'un seul homme, responsable devant personne à cause de notre Constitution bancale.
Vous auriez dû mieux prendre en compte les élus locaux. Quand ils sont de bonne composition, comme à Lyon, vous les récompensez avec des accusations fallacieuses et des polémiques médiocres. Votre gouvernance a été solitaire et erratique ; elle a réduit l'acceptabilité des mesures et leur efficacité.
En un an, d'autres pays ont fait beaucoup mieux. L'Afrique du Sud a élaboré, dans une concertation entre le Gouvernement et le Parlement, un barème à cinq niveaux, activés sur la base de critères objectifs : circulation du virus, nombre de décès quotidiens, occupation des hôpitaux.
Pourquoi ne pas adopter un tel barème ? Pourquoi ne pas demander, comme l'ont fait l'Afrique du Sud et l'Inde, la levée des brevets sur les vaccins ?
Sans espoir d'être entendu, je formulerai néanmoins quelques demandes. D'abord, renforcer les moyens des hôpitaux, en allant plus loin que le Ségur de la santé. Il faut revaloriser les carrières des infirmiers, augmenter le nombre de lits de réanimation : on nous en promettait douze mille en octobre, ils ne sont que sept mille. Comment cette crise n'a-t-elle pas encore débouché sur un plan Marshall de l'hôpital public ?
Il faut enfin une vraie politique sociale : abroger la réforme de l'assurance chômage, augmenter les minima sociaux, étendre le RSA aux moins de 25 ans, rétablir les contrats aidés, soutenir les associations et mettre en place un revenu universel.
Nous vous demandons une vigilance accrue sur les plus fragiles : personnes seules, victimes de violences conjugales.
Vous fermez enfin les écoles, comme nous vous le demandions la semaine dernière lors des questions d'actualité au Gouvernement. Nous sommes soulagés.
Le retard de la vaccination explique en partie cette situation. Le personnel enseignant doit être inclus dans les publics prioritaires.
Hier, le Président de la République qualifiait la lutte contre le décrochage scolaire de combat du siècle. Espérons qu'il dépassera le stade de l'incantation : il faut des moyens pour dédoubler les classes, revaloriser les salaires des enseignants.
Pour financer ces réformes, il faut une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les entreprises qui tiré bénéfice de la crise. Les écologistes n'ont pas cessé d'être constructifs, mais ils ne prendront pas part, eux non plus, à cette mascarade politique. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes CRCE et SER ; M. Yves Bouloux applaudit également.)
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) J'entends la dureté des propos, les sarcasmes faciles, les procès sans appel. (On se récrie sur plusieurs travées.) Vous me dites : « C'est le jeu ». Mais est-ce un jeu ? Nous avons eu un an pour mieux connaître et combattre ce virus. Il faut prendre des décisions cruciales et tenir ensemble.
Une seule question se pose : adhérons-nous aux décisions du Président de la République ? J'entends parler de fausse concertation. Avons-nous été consultés ? Oui. J'ai participé à tous les comités de liaison et jamais je n'ai entendu vos propositions. (On s'indigne sur plusieurs travées.) Ces consultations ont eu lieu.
M. Jomier parlait hier d'un homme seul au pouvoir. Ce sont des propos irresponsables, qui vous déshonorent. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Que d'anathèmes, de mises en demeure, de « y a qu'à, faut qu'on » ! On exige de fermer les écoles, pour s'insurger ensuite contre l'inhumanité du confinement. Mais la réalité ce sont des enfants isolés, des parents débordés. En laissant les écoles ouvertes, nous avons évité ce « drame éducatif » souligné par l'Unesco. Il faut aussi reconnaître les bienfaits.
M. Hussein Bourgi. - Ridicule !
M. François Patriat. - L'humilité est essentielle. (Rires et applaudissements ironiques sur plusieurs travées)
Sortons du jeu politique et des postures binaires. Nos mots doivent être choisis avec responsabilité.
J'entends d'un côté ceux qui critiquent, prédisent, mais ne décident jamais ; de l'autre, ceux qui ignorent, sont arrogants, ne consultent pas. Cela ne fait pas avancer notre pays. (Protestations sur plusieurs travées)
Cette épidémie a été une suite d'aléas et de mauvaises surprises. À chaque fois, des choix difficiles mais nécessaires ont été faits. Ainsi de la décision, en avril 2020, de rouvrir les écoles au mois de mai, très contestée, mais qui s'est révélée efficace, juste et adaptée. En octobre, le reconfinement a été reproché au Président, alors qu'il y avait cinquante mille contaminations par jour. Un jour de novembre, sept questions d'actualité ont été adressées au Gouvernement pour demander la réouverture des commerces ! (Protestations à droite) Nous sommes descendus à vingt mille grâce à ces mesures.
J'ai aussi entendu demander un confinement préventif, mais cela ne marche pas : voyez l'Allemagne.
Certains s'adonnent à de hasardeuses comparaisons internationales, oubliant qu'aux États-Unis, la covid a été la troisième cause de mortalité en 2020, oubliant qu'au Royaume-Uni, le déconfinement, c'est pouvoir se rassembler à six personnes maximum dans un parc.
Le Gouvernement prend des mesures appropriées et graduées pour nous faire passer le pic des prochaines semaines et revenir à une vie normale.
Certains responsables politiques ne voulaient pas se faire vacciner ; je songe à Mme Le Pen et à M. Mélenchon... (Protestations sur plusieurs travées) Un sénateur ici présent a vanté la chloroquine, et déclarait en janvier qu'il ne voulait pas servir de cobaye !
Pourtant, le Gouvernement a anticipé et participé au cadre européen d'achat de vaccins. Un cadre qui a été respecté, et heureusement : nous avons évité une guerre des vaccins.
Vous avez douté du calendrier, mais il a été tenu. (Protestations ; quelques huées)
Vous doutiez du million de vaccinés en janvier, des quatre millions de vaccinés en février (on s'agace sur plusieurs travées, en signalant que le temps de parole est écoulé) ; vous doutez toujours des dix millions en avril, qui seront atteints. Allez-vous douter des trente millions à la fin juin ?
Ces mesures gouvernementales sont des mesures de sagesse. C'est pourquoi le RDPI leur apportera son soutien. Beaucoup d'orateurs ont évoqué Jupiter ; je pense surtout à Ponce Pilate, et je ne suivrai pas son exemple. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; quelques huées)
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI) Monsieur le Premier ministre, j'ai la sensation d'un déjà-vu, car vos propos sont dans la droite ligne de ceux du Président de la République hier.
Nous sommes toujours dans le même schéma : le Président de la République décide, l'exécutif nous parle de choix collectifs, mais lesquels ? Confinement, déconfinement, reconfinement, confinement limité, rayon de dix kilomètres, de trente, Conseil de défense... Nous n'avons pas la même définition du choix collectif dans une démocratie parlementaire ! (M. Max Brisson approuve.)
Le débat parlementaire aurait dû avoir lieu avant la décision du Président de la République. Celui-ci s'est voulu rassurant mais le constat est tout autre, et nous payons tous le pari d'avoir privilégié l'économie, au prix d'un rebond de l'épidémie. Sans intention polémique, il aurait fallu prendre des mesures plus en amont.
Maintenir l'école ouverte était nécessaire, notamment pour les élèves les plus défavorisés. Mais si le virus ne circule pas davantage à l'école, il ne circule pas moins ; la fermeture était devenue inévitable. Néanmoins, est-il vraiment possible de télétravailler avec des enfants à la maison - surtout pour les huit millions de familles monoparentales ?
Profitons de cette parenthèse de trois semaines pour vacciner nos professeurs et encadrants.
Nous souscrivons à l'impératif de vacciner, vacciner, vacciner, avec le regret que les commandes européennes aient été si timides, et que le vaccin AstraZeneca ait été temporairement suspendu malgré l'avis de l'OMS. L'organisation a jugé le rythme de vaccination en Europe « inacceptable ».
Il faut agir plutôt que réagir pour sortir de la crise. Je crains que l'application des nouvelles mesures, notamment le rayon de dix ou trente kilomètres, ne soit délicate, notamment dans nos territoires ruraux. Les gendarmes et policiers ne sont pas dotés de décamètres ! En ville, le besoin de s'aérer est grand.
Le virus est imprévisible, parler de réouvertures nous semble-t-il prématuré. Nous sommes toujours dans l'incertitude sur la reprise d'une vie normale.
Il aurait fallu faire davantage confiance aux élus locaux : les décisions arrivent d'en haut sans qu'ils soient consultés. Mettez-vous à la place du maire de Cahors, de Tarbes ou de Mende...
L'unité ne se décrète pas ; elle se construit. C'est pourquoi le RDSE, dans sa très grande majorité, ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE)
Mme Éliane Assassi . - Si la vie de milliers de nos compatriotes ne tenait pas à un fil, on aurait cru à une mauvaise blague.
Le Président de la République a présenté, seul, des décisions prises seul, avec l'avis du seul Conseil de défense. Et le Parlement est mis sur la touche, devenant une chambre d'enregistrement. Nous sommes convoqués pour écouter le Premier ministre nous expliquer les décisions présidentielles, au cas où nous n'aurions pas compris... et voter des décisions dont nous ignorons les motivations. Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il pris des décisions qu'il rejetait auparavant ?
Dès le 19 mars 2020, je dénonçais le risque de dérive autoritaire, avec cet état d'urgence qui met un couvercle sur la démocratie. Il faut rendre au Parlement sa capacité permanente de décision : il est le représentant du peuple et non un aréopage inutile comme du temps du Conseil des Cinq-Cents.
Nous sommes en colère. Le Président de la République écarte le Parlement de sa route, parce qu'il n'a pu lui imposer sa révision constitutionnelle. Il écarte le Conseil des ministres avec ce Conseil de défense détourné de son objet que fixe l'article 15 de la Constitution ; il écarte le Conseil scientifique puisque M. Macron a la science infuse.
L'exercice solitaire du pouvoir n'est jamais une bonne chose pour la démocratie et peut conduire à des drames.
M. Macron nous a présenté ses choix hier. Il abandonne la stratégie territoriale, et autorise la circulation dans tout le pays pendant le week-end de Pâques, sans doute pour laisser le temps aux propriétaires de résidences secondaires de se mettre au vert !
MM. Véran et Blanquer nous expliquaient pourtant, il y a peu, que la situation était maîtrisée. Le variant anglais change la donne. Or le 29 janvier, vous connaissiez déjà ses effets potentiellement dévastateurs : une étude de l'Inserm du 19 janvier indiquait qu'il deviendrait dominant entre la fin février et la mi-mars.
Vous avez accueilli avec scepticisme l'annonce de Boris Johnson, le 22 janvier, sur la dangerosité de ce variant. Or le 10 mars, une étude révélait qu'il était de 64 % plus mortel. Mais M. Macron a attendu la saturation des services de réanimation pour agir...
Hier, M. Macron a caché la vérité : la saturation entraînera des déprogrammations, qui sont déjà un tri. La question va se poser très vite. Renouant avec la pensée magique, il a annoncé l'ouverture de dix mille lits de réanimation « rapidement ». Monsieur le Premier ministre, je vous interrogeais il y a deux semaines sur cette promesse non tenue ; vous me répondiez qu'on ne pouvait les acheter chez Ikea... M. Macron l'a fait. Qu'en pensez-vous ?
Votre Gouvernement est resté les deux pieds dans le même sabot, car il reste attaché au dogme de la liberté économique et de la limitation de la dépense publique. Le « quoi qu'il en coûte » n'a pas été appliqué à l'hôpital.
Dès le 12 mars 2020, le Président dénonçait la loi du marché. Le vaccin aurait dû être un bien commun, sans autre profit que le bien de l'humanité. Pourquoi la France n'agit-elle pas pour la levée des brevets ? (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
Maintenir les écoles ouvertes : oui, mais à quel prix ? Pour combien de morts ?
Les mesures sont déjà prises. Vous auriez dû nous demander la confiance, et vous ne l'auriez pas obtenue. Le groupe CRCE a décidé de ne pas prendre part à ce vote, qui est une hypocrisie. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je vous remercie pour la qualité de ces échanges. Peu de groupes se prononceront, c'est votre choix et je le respecte, de même que doit être respecté le nôtre de demander un débat avec vote.
La priorisation de la vaccination a été prévue par tranches d'âge. Déjà, 92 % des résidents d'Ehpad ont été vaccinés ; après les plus de 75 ans et les plus de 70 ans, la vaccination sera bientôt ouverte aux plus de 60 ans. Ainsi, nous faisons baisser la mortalité dans les hôpitaux.
Nous passons maintenant aux publics prioritaires. Les enseignants d'abord, qui ont tenu leurs classes ouvertes. Le Président de la République a aussi évoqué les forces de l'ordre qui, dans leurs interventions, peuvent entrer en contact avec des personnes contaminées.
Jean-Michel Blanquer, mobilisé, a proposé de commencer par vacciner les enseignants au contact des enfants en situation de handicap. Cela paraît juste et pragmatique.
Quand on compare la France à l'Allemagne sur les tests, il faut tout prendre en compte. La France réalise trois millions de tests par semaine, dont un tiers d'antigéniques - tous gratuits et sans ordonnance. Outre-Rhin, les tests antigéniques ont été introduits il y a un mois, quarante mille seulement sont remboursés : l'Allemagne dispose seulement d'autotests et de PCR.
Nous allons déployer des autotests. Certains ne sont pas encore validés, tous ne sont pas de bonne qualité - vous nous reprocheriez de jouer avec la santé des Français si nous les mettions en circulation !
Nous voulons aller vite, aller fort, faire reculer les obstacles, pas faire n'importe quoi.
Parfois, le Sénat a fait de bonnes propositions, mais j'ai aussi souvenir, monsieur le président Retailleau, de débats sur certains médicaments que d'aucuns auraient voulu me voir distribuer comme des bonbons, et dont nous savons qu'ils ne marchent pas ! Au moins cela n'a-t-il tué personne, dit aujourd'hui M. Bolsonaro... Je n'ai pas à rougir d'avoir tenu tête à des discours parfois virulents, voire démagogiques.
Pour augmenter le nombre de lits en réanimation, on mobilise les équipes, on transfère des unités de soins vers des unités de réanimation, éphémères ou durables : cent-cinquante lits ont été créés à l'hôpital Henri-Mondor, nous en créerons soixante de plus. Il y a des transformations de blocs opératoires, une mobilisation des étudiants, des réservistes.
Cela suppose de déprogrammer. Nous pouvons monter à dix mille lits, mais au prix de déprogrammations. L'an dernier, j'avais déployé le plan blanc dans tous les hôpitaux, car nous ne savions pas à quelle vitesse monterait la vague. Aujourd'hui, nous savons qu'il y a cinquante à cent patients supplémentaires par jour. Si je demandais une déprogrammation immédiate de tous les soins pour monter d'un coup à dix mille lits - dont trois mille resteraient vides - vous me le reprocheriez ! Faites confiance à nos soignants, qui sont au contact des malades.
Un mot sur le pass sanitaire. Notre pays a la passion de l'égalité. J'imagine mal que quand certains lieux rouvriront au public, ils ne rouvrent pas pour tous. C'est en tout cas mon opinion, mais le débat démocratique aura lieu. Nous y travaillons, sur le plan juridique, sanitaire, scientifique et logistique.
M. Bruno Retailleau. - Il faut d'abord vacciner.
M. Olivier Véran, ministre. - Est-ce trop tard pour confiner, comme je l'ai entendu ? Où en serions-nous si le pays avait été confiné le 29 janvier ? Cela n'a pas empêché le variant de se diffuser en Allemagne et en Italie. Nous avons gagné du temps de liberté, où les commerces et les écoles sont restés ouverts.
Le risque juridique pourrait-il nous freiner, monsieur Retailleau ? Permettez-moi de citer un film que j'aime beaucoup, Bienvenue à Gattaca.
M. Julien Bargeton. - Excellent film !
M. Olivier Véran, ministre. - Deux frères, l'un handicapé, l'autre en forme, se mesurent à la nage. C'est le premier qui gagne. « Comment as-tu fait ? », lui demande son frère. « Je n'ai jamais économisé mes forces pour le retour », réplique-t-il. Nous ne le faisons pas non plus, car l'enjeu est de protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean Castex, Premier ministre . - Si, avec de nombreux ministres, je suis ici devant vous, c'est parce que je respecte beaucoup le Parlement et le Sénat. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Nous en donnons la preuve. Ne pas respecter le Parlement, ce serait le priver des droits et prérogatives qu'il tient de la Constitution. Libres à certains de critiquer la Constitution et les institutions, mais ne reprochez pas au Gouvernement de la République d'appliquer la Constitution de la République. En application de son article 34, tout ce qui relève du Parlement dans la gestion de la crise sanitaire est soumis au Parlement.
Je suis venu vous présenter notre action et vous demander de vous prononcer. La démocratie, c'est la clarté et le respect. Je ne suis pas certain que le général de Gaulle, pour qui j'ai le plus grand respect, n'aurait pas trouvé iconoclaste que le Gouvernement demande au Parlement d'approuver des dispositions relevant de son autorité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
La gestion de cette crise est transparente. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.) Jamais les données sanitaires, économiques, épidémiologiques n'ont été autant à la disposition non seulement de la représentation nationale, mais de tous nos concitoyens. Ils ne se privent pas de s'en saisir pour commenter, critiquer - et c'est leur droit, en démocratie.
À chaque fois que le Parlement nous interroge, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, nous répondons. C'est la procédure, et nous l'appliquons.
Une gestion de crise suppose toujours des prérogatives spécifiques pour l'exécutif, en France comme ailleurs.
Le moment est grave. Comme je l'ai fait lors du deuxième confinement, puis pour vous présenter la stratégie vaccinale, je viens vous expliquer les tenants, la motivation et le contenu des mesures difficiles que le Gouvernement s'apprête à prendre, en vertu des pouvoirs que la Constitution lui attribue. Rien de plus, mais rien de moins !
Prendre part à ce vote, en votre âme et conscience, aurait été un exercice de clarification et de responsabilité, qui ne vous aurait pas rendu coresponsables de l'action des pouvoirs publics.
Sur le fond, je note beaucoup d'interventions mesurées, qui reconnaissent que la situation n'est pas si simple et que les exemples étrangers tempèrent les commentaires expéditifs.
M. Bruno Retailleau. - Nous sommes au Sénat.
M. Jean Castex, Premier ministre. - L'épidémie s'accélère, elle est plus dangereuse, elle va plus vite que la vaccination, ici comme ailleurs, ce qui nous oblige à prendre des mesures complémentaires.
Le président Kanner, d'un ton désolé, dénonce « un nouveau confinement »...
M. Patrick Kanner. - Eh oui!
M. Jean Castex, Premier ministre. - ... tout en nous reprochant de ne pas l'avoir fait plus tôt ! Comprenne qui pourra !
M. Bernard Jomier. - Mais si.
M. Jean Castex, Premier ministre. - Vous vouliez que nous prenions des mesures plus difficiles, mais tout est dans l'art de l'exécution, comme dit M. Retailleau. Vous ne vouliez surtout pas fermer les commerces, ou les écoles - vous demandiez même la réouverture des établissements culturels, des pistes de ski...
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. - ... Même des discothèques ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Le Gouvernement prend des mesures proportionnées, d'abord sur des critères sanitaires, mais pas seulement. C'est le rôle du politique.
L'exemple de M. Malhuret est très illustratif : certains médecins appellent à fermer les écoles, mais les pédiatres disent l'inverse ! Bref, tout invite à être mesuré, progressif et proportionné.
Face à la gravité de la situation, nous prenons des mesures plus graves, dont nous mesurons l'impact considérable pour nos concitoyens. Fermer les écoles, c'était pour nous la dernière extrémité. Si nous le faisons, c'est que la situation l'exige. Mais convenez que le faire maintenant, à la veille des vacances scolaires, ce n'est pas la même chose qu'il y a quinze jours !
Il va falloir nous serrer les coudes - non pas politiquement, je ne suis pas naïf - pour faire face à cette nouvelle épreuve.
Je vous trouve particulièrement sévères sur la vaccination.
M. Antoine Lefèvre. - Eh oui !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Ne faisons pas croire à nos compatriotes que l'on peut trouver des doses n'importe où.
L'ambassadeur d'Allemagne a dit qu'on pourrait commander des doses unilatéralement... L'Allemagne l'a-t-elle fait ? Non, car l'Union européenne en a commandé beaucoup plus. (M. Vincent Segouin proteste.)
M. Bruno Retailleau. - Et les États-Unis ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - C'est la vérité ! Si l'État faisait des commandes de son côté, comme quelques-uns l'ont fait, la production n'augmenterait pas, mais les prix monteraient. (Protestations à droite)
M. Bruno Retailleau. - Les faits sont là !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Laisser accroire qu'il y aurait plus de doses qu'il n'y en a, ce n'est pas raisonnable.
Notre devoir, c'est de vacciner autant que possible quand les doses sont là. Le devoir de l'Europe, c'est de faire respecter les contrats conclus avec les laboratoires et nous nous y employons avec la dernière énergie.
Notre système de santé est très éprouvé. Ne faisons pas croire qu'on peut créer des lits de réanimation en un an. (Vives protestations à droite comme à gauche)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce sont pourtant les annonces du président de la République !
M. Jean Castex, Premier ministre. - On reconvertit des forces mais on ne forme pas un anesthésiste-réanimateur en un an, ni même une infirmière-anesthésiste, et vous le savez très bien, madame Assassi !
Tout cela vient de loin, monsieur Kanner. Les moyens de l'hôpital public, c'est l'Ondam hospitalier exécuté : en 2012, 2,6 % ; en 2013, 2,1 % ; en 2014, 1,7 % ; en 2016, 1,5 %. (Protestations sur les travées du groupe SER) Fin 2019, 8,9 % ; dans le PLFSS 2021, 10,2 % !
Les difficultés de l'hôpital ne datent pas d'aujourd'hui. Soyons raisonnables et humbles.
M. Alain Milon. - Et sous Sarkozy ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - L'Ondam était encore supérieur.
Sur des postes aussi techniques, on ne peut pas recruter et former en un an. Mais nous faisons tout pour redéployer, reconvertir, nous faisons appel à la réserve, pour faire face, comme ils le font admirablement depuis quatorze mois. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°100 :
Nombre de votants | 45 |
Nombre de suffrages exprimés | 41 |
Pour l'adoption | 39 |
Contre | 2 |
Le Sénat a adopté.
(Rires moqueurs ; applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance est suspendue à 17 h 25.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 17 h 40.
Améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.
Discussion générale
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie . - Nous examinons en nouvelle lecture ce texte majeur qui concrétise les engagements du Ségur de la Santé. Nous le devons aux soignants qui sont particulièrement mobilisés. Leur engagement n'a jamais faibli. Le Ségur, ce sont des sommes sans précédent, des revalorisations ambitieuses, un plan d'investissement sans pareil pour l'ensemble du système de santé - sanitaire, médico-social, et numérique - qui s'est ouvert le 9 mars dernier.
Les revalorisations ont été signées à Matignon le 13 juillet et étendues au médico-social le 16 février dernier. Les négociations se poursuivent pour rendre ces métiers plus attractifs. Il n'y aura pas d'oubliés du Ségur !
Le Ségur a aussi été l'occasion de partager un diagnostic. Nous n'avons éludé aucun sujet.
Certains apports de la Haute Assemblée ont été conservés par l'Assemblée nationale, mais celle-ci a rétabli un équilibre avec l'ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoire (GHT), présentée en conseil des ministres le 17 mars dernier. Les commissions médicales d'établissement et de groupement sont ainsi revues selon les préconisations du rapport Claris. De même, le rôle et la place du service dans les hôpitaux sont revalorisés.
Cette proposition de loi répond à une revendication ancienne : une plus grande liberté d'organisation interne des établissements à la main des acteurs locaux. La crise a montré que les collectifs de soins savent s'organiser sans attendre un feu vert venu d'en haut. Si les communautés sont d'accord pour adapter l'organisation, pourquoi les en empêcher ?
Ce texte fait progresser la démocratie hospitalière en faisant siéger au directoire des représentants des personnels non-médicaux, des étudiants en santé et des usagers. C'est une liberté donnée aux acteurs et un gage de confiance.
Le Gouvernement s'est engagé fortement dans la lutte contre le mercenariat de l'intérim médical qui désorganise les hôpitaux et met à mal leurs finances. Le texte permet une bonne fois pour toutes au comptable public de rejeter tout paiement qui dépasserait le plafond réglementaire.
Le Ségur a aussi avancé sur l'extension du champ de compétences des sages-femmes, des masseurs-kinésithérapeutes, des orthophonistes et des ergothérapeutes. C'est un choix de confiance et d'efficacité.
Notre système de santé ne relèvera les défis auxquels il fait face qu'en rompant avec les querelles de chapelle et les pré-carrés. Nous ouvrons ainsi aux infirmiers spécialisés l'accès aux pratiques avancées, afin de reconnaître leurs compétences.
Je me réjouis de voir revenir ici le Ségur de la Santé et je salue tous ceux qui lui donneront la force d'une promesse tenue.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Le rapporteur Alain Milon était tenu de partir, je vous lis ce qu'il voulait vous dire.
Cette proposition de loi, dont nous avions regretté le manque d'ambition et le caractère décousu, laisse un goût d'inachevé. Elle peine à répondre aux attentes du Ségur - faire confiance et simplifier.
La CMP réunie le 2 mars n'est pas parvenue à un accord. La navette a toutefois confirmé certains de nos apports. Nous avons convergé pour rejeter le bénévolat individuel ou pour autoriser les professionnels hospitaliers des établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic) à maintenir des dépassements d'honoraires.
Sur la gouvernante hospitalière, les députés ont retenu la distinction que nous avions opérée entre les fonctions de chef de service et de chef de pôle, ainsi que l'association des commissions de soins infirmiers au projet d'établissement.
Mais trop de divergences nous opposent. C'est surtout à la publication, il y a quinze jours, des deux ordonnances sur les GHT et sur l'attractivité des carrières que nous devons les rejets systématiques par les députés de nos propositions. Curieuse façon de légiférer.
Nos articles sur l'élaboration d'un projet territorial de santé visant à structurer l'offre ont ainsi été écartés. De même, malgré l'ambition revendiquée de traduire dans la loi les recommandations du Ségur, il n'y aura pas de participation accrue des personnels paramédicaux à la direction de l'établissement ou de plus grande représentativité de la commission des soins infirmiers.
Nous avons en revanche été surpris par la résurrection de l'article 8 bis, que nous avions supprimé. Les députés chargent la commission des affaires sociales du Sénat de désigner le sénateur appelé à siéger au conseil de surveillance de l'hôpital de sa circonscription. C'est inapplicable sur le fond - et, sur la forme, pour le moins discourtois.
Comme vous, nous souhaitons lutter contre l'intérim médical, mais l'idée d'un contrôle de légalité par le comptable public après l'engagement de la dépense est bancale : les intérimaires contesteraient ce défaut de paiement devant les tribunaux administratifs, et gagneraient. Mieux vaut faire figurer ces dépenses au compte financier de l'établissement afin que l'ARS empêche une dépense irrégulière dès le stade de l'engagement. L'avenir dira si nos craintes étaient justifiées.
Je veux enfin relayer les craintes des étudiants de première année, confrontés, à l'approche des épreuves de sélection pour l'entrée en deuxième année, aux redoublants de la Paces de l'année dernière, pour un nombre de places inchangé.
Les chiffres progressivement arrêtés par les universités confirment que l'engagement de ne pas pénaliser les étudiants primants n'a pas été tenu. Et les réponses de Mme Vidal sont plus qu'évasives... Ce n'est pas faute de vous avoir alerté.
Pour l'heure, la commission appellera à voter la motion opposant la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Jomier applaudit également.)
Mme Laurence Cohen . - Le Président de la République a annoncé hier de nouvelles mesures contre la pandémie et le Sénat examine une proposition de loi visant à améliorer la situation du système de santé. Or celui-ci souffre plus que jamais du manque de lits et de personnels.
Les soignants sont épuisés ; les médecins alertent sur le risque de tri des patients en réanimation mais aussi sur les déprogrammations qui entraînent des pertes de chance.
Notre groupe ne cesse de dénoncer les coupes budgétaires qui sont responsables de la situation.
Cette proposition de loi, déconnectée de la réalité des hôpitaux, n'est pas à la hauteur. Pire, en renforçant l'autonomie des hôpitaux et des GHT, elle contribue à affaiblir notre système de santé. La création à Saint-Ouen d'un hôpital-cathédrale pour remplacer les hôpitaux Bichat et Beaujon détruira 400 lits et 1 200 emplois ! Il aurait fallu moderniser les hôpitaux existants et en construire un nouveau !
L'élargissement des missions des psychologues de l'Éducation nationale est inopportun : il faut recruter et revaloriser.
Les orthophonistes demandent de longue date l'accès direct aux soins orthophoniques afin de fluidifier les parcours de soins. Nous regrettons que le Gouvernement ait reculé face à la pression de certaines corporations, alors que la mesure avait été largement approuvée par le Sénat.
Enfin, il est urgent de promouvoir la lutte contre les comportements sexistes, racistes et homophobes à l'hôpital. D'après une étude du 18 mars 2021, un tiers des étudiants en médecine ont été victimes de harcèlement sexuel - dans neuf cas sur dix, de la part de leur supérieur !
Autant de raisons pour nous opposer à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)
Mme Élisabeth Doineau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Madame la ministre, j'aurais aimé partager votre satisfaction, mais lors de la CMP, j'étais mal à l'aise. Il y a bien des oubliés du Ségur ! Pas une semaine ne passe sans qu'en Mayenne, nous ne soyons interpellés par ceux qui n'ont pas bénéficié des mêmes revalorisations que leurs confrères.
En première lecture, le texte a été profondément remanié. Quelques heures encore avant la CMP, nous étions sollicités par de nombreux insatisfaits.
Mon groupe a approuvé le Ségur de la santé mais dénoncé ses oublis. Cette proposition de loi, qui en est la traduction non budgétaire, n'atteint que partiellement son objectif.
Je salue les avancées sur les sages-femmes, mais nous ne pouvons pas étendre leur champ de compétences sans améliorer leur statut qui est hybride, mi-médical, mi-paramédical. Il y a eu quatre journées de mobilisation en 2021, les 26 janvier, 10 et 24 février, 8 mars. Les sages-femmes sont à bout. Elles attendent des mesures concrètes sur les effectifs, le statut et la rémunération. Des négociations conventionnelles doivent s'ouvrir. Je souhaite que le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) permette des avancées lors du PLFSS.
Je regrette que les deux chambres n'aient pu s'entendre. L'Assemblée a rétabli son texte de première lecture alors que le Sénat avait adopté des mesures constructives.
Je redis mon malaise et ma perplexité. Je partage l'analyse de notre rapporteur Alain Milon sur le résultat de la CMP. Dans ces conditions, poursuivre le débat n'aurait pas de sens. Le groupe UC votera la motion tendant à opposer la question préalable.
Nous serons attentifs aux efforts budgétaires en direction du personnel et aimerions connaître les conclusions du rapport Laforcade.
Nous n'acceptons pas qu'il y ait des oubliés et des frustrés du Ségur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Longeot. - La messe est dite !
M. Bernard Jomier . - Le contexte est marqué par la crise sanitaire. Il y a un an, les Français applaudissaient spontanément le personnel soignant. Après une année difficile et un grand dévouement, celui-ci imaginait une reconnaissance, mais le Président de la République lui a demandé de nouveaux efforts hier soir.
Cette proposition de loi est insuffisante et opère même des rétropédalages. Elle ne répond qu'à une infime partie des besoins et pas toujours de la bonne façon. Cela explique l'opposition d'une écrasante majorité des organisations syndicales et professionnelles.
Nous avons légiféré dans la précipitation. Malgré l'importante contribution du Sénat, l'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, rétabli son texte. Réaffirmer le rôle du chef de service dans la gouvernance hospitalière est certes pertinent mais au final, ce texte ne propose pas de changement de cap.
Les enseignements de la crise n'ont pas été tirés et l'on ne tient toujours pas compte des attentes des soignants.
Le 17 mars, le Président de la République a signé deux ordonnances déclinant la loi du 24 juillet 2019, l'une sur les GHT, l'autre sur l'attractivité des carrières médicales hospitalières. En juillet 2019, le Parlement avait donné sa confiance pour légiférer après concertation - or les organisations syndicales dénoncent des ordonnances écrites à marche forcée... Les professionnels rejettent massivement le résultat des négociations.
Quelle crédibilité accordez-vous au Parlement ? Le groupe SER avait déposé une motion de renvoi en commission en première lecture. Il attendait une loi à la hauteur.
Poursuivre le débat n'est pas utile, aussi, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Colette Mélot . - Cette proposition de loi réunit un ensemble de mesures non budgétaires issues du Ségur de la santé. Je regrette l'échec de la CMP, lié notamment aux divergences sur l'intérim médical, la gouvernance hospitalière et la création d'une profession médicale intermédiaire.
Plusieurs apports du Sénat ont été supprimés. C'est dommage. La navette a toutefois enrichi le texte sur les compétences des sages-femmes ou des masseurs-kinésithérapeutes. Les orthophonistes et ergothérapeutes pourront adapter des prescriptions médicales.
Je partage l'avis d'Alain Milon sur l'article premier relatif à la nouvelle profession médicale intermédiaire.
La création de la plateforme numérique d'accès aux droits pour les personnes en situation de handicap est une avancée importante, qui pourrait être étendue aux personnes âgées dépendantes. Je regrette que l'amendement de M. Chasseing en ce sens n'ait pas été adopté.
Notre groupe ne votera pas la motion, souhaitant poursuivre les discussions.
Mme Raymonde Poncet Monge . - En première lecture, nous avons pointé les inquiétudes et déceptions des professionnels de santé, malgré un début de rattrapage des écarts de rémunération.
Le Gouvernement, incapable de tirer les leçons de la crise sanitaire, continue à fermer des lits hospitaliers. L'hôpital militaire Desgenette de Lyon ferme ses urgences alors que son service de médecine aurait pu accueillir des malades de la covid-19 ne nécessitant plus de réanimation, à quelques encablures de l'hôpital public Édouard-Herriot, saturé. La casse continue !
Le Sénat avait supprimé des articles unanimement contestés, que l'Assemblée nationale a rétabli. Les acteurs locaux craignent une intégration hospitalière au service d'économies budgétaires et non d'un maillage territorial efficient.
L'Assemblée nationale valide la suppression de la concertation interne préalable à la nomination du chef de service demandée par la majorité sénatoriale mais n'a pas l'audace d'expérimenter l'élection de ce même chef de service par ses pairs.
Les dispositions sur l'intérim médical ne s'attaquent pas à ses causes, liées au décrochage salarial, ni aux abus constatés. C'est une défausse du Gouvernement.
Le comble est atteint quand on constate que l'accord des deux chambres sur l'orthophonie a été mis à bas par un amendement de dernière minute du Gouvernement, qui veut supprimer l'accès direct. Quelle impéritie ! Nous condamnons le fond et la forme.
Le GEST ne voit pas l'intérêt de poursuivre l'examen du texte et votera la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Nicole Duranton . - « Les plus grands artistes sont ceux qui possèdent le don de simplification à l'usage des autres », écrit Claude Lelouch. Cela est vrai aussi en matière de politiques publiques.
La simplification est nécessaire pour que chaque soignant puisse effectuer sa mission au mieux. Nous l'avons vu pendant la crise, pour désengorger les services. J'ai écrit au ministre de la Santé pour l'appeler à pérenniser la télémédecine remboursée.
Ce texte, traduction des mesures non budgétaires du Ségur, a été enrichi par le Sénat en première lecture - je salue le travail d'Alain Milon et de la commission des affaires sociales.
Certains de nos apports ont été maintenus à l'Assemblée nationale, notamment l'article 7 bis B sur l'interopérabilité des systèmes d'information dans les GHT et l'article 14 bis A sur les référents handicaps.
L'Assemblée nationale est revenue sur des suppressions opérées par le Sénat, que notre groupe avait regrettées : rapport sur la création d'une profession intermédiaire, lutte contre les dérives de l'intérim, projet managérial. Une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée. Il serait toutefois regrettable d'arrêter là nos échanges.
Cette proposition de loi présente de nombreuses avancées, comme les 754 millions d'euros d'investissements supplémentaires pour les soignants d'ici 2022, l'extension des compétences des sages-femmes et des masseurs-kinésithérapeutes, la lutte contre l'intérim médical, ou encore la prise en compte des étudiants dans l'élaboration du projet social. Le RDPI y est favorable et votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Maryse Carrère . - À la suite de l'échec de la CMP le 2 mars, l'Assemblée nationale a rétabli son texte et l'a complété à la marge.
Concernant le statut des sages-femmes, l'Assemblée nationale a décidé de déroger au respect du parcours de soins centré sur le médecin traitant, qui devait, pour nous, demeurer le principe.
Le Sénat avait exclu la présence d'étudiants au conseil d'administration de l'hôpital. L'Assemblée nationale l'a rétablie et nous nous en réjouissons.
L'Assemblée nationale a aussi rétabli son dispositif de lutte contre l'intérim médical, qui place les directeurs hors de toute gestion. Ils sont ainsi protégés.
Je salue le maintien de plusieurs de nos propositions, notamment sur l'extension des compétences de certaines professions - ergothérapeutes, orthophonistes, kinésithérapeutes - ou sur le rôle des pharmacies et des laboratoires, notamment dans la vaccination.
Nous avions proposé d'autoriser les dépassements d'honoraires pour les praticiens des Espic. Cela n'a été retenu que pour ceux qui pratiquaient déjà au 24 juillet 2019, date de promulgation de la loi relative à la transformation du système de santé. On crée de nouvelles inégalités, cette fois au sein des Espic.
Ce texte répond insuffisamment aux ambitions du Ségur. Toutefois il contribue à la remédicalisation de la direction de l'hôpital. Nous pourrions l'améliorer.
Aussi, la grande majorité du groupe RDSE s'abstiendra sur la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après une CMP rapide en raison de profondes divergences entre les deux chambres, nous ressentons de la déception. Mais elle n'est rien à côté de celle des soignants, qui s'engagent sans faille.
Cette proposition de loi partait d'une bonne intention. Quoi de plus consensuel que la santé ? Vous avez pourtant réussi à fédérer tous les acteurs contre vous.
Le calendrier, trop serré, a empêché l'élaboration d'un texte complet. Je dénonce la méthode employée par le Gouvernement et sa majorité lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, qui a supprimé nos apports et rétabli des articles que nous avions supprimés.
Quelques petits points de convergence demeurent. L'amendement autorisant les biologistes à vacciner, voté au Sénat, a été rétabli.
Le Gouvernement est revenu en séance publique sur l'accès direct aux orthophonistes, pourtant adopté par les deux chambres en CMP. Je regrette cette méthode irrespectueuse des commissions.
Les difficultés structurelles de notre système de santé ne sont en rien résolues. Les sujets sont reportés à l'examen de textes hypothétiques, créant du désespoir.
Le bien vieillir ? Un projet de loi sur le grand âge et l'autonomie dont l'attente sera bientôt plus longue que l'âge des personnes concernées.
La différenciation territoriale en matière d'accès aux soins ? Un projet de loi 4D dont le titre futuriste cache votre capacité à résorber les difficultés du quotidien.
Ni la méthode, ni le texte ne nous satisfont. Cette proposition de loi n'est pas à la hauteur. C'est un rendez-vous manqué. Le groupe Les Républicains votera la motion opposant la question préalable. (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°18, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales tendant à opposer la question préalable
Considérant, d'une part, que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs articles de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, des points de désaccord importants subsistent sur des aspects aussi décisifs que le refus par l'Assemblée nationale d'une territorialisation de l'offre de soins hospitaliers plus attentive à l'expression des besoins directs des acteurs locaux de santé ou encore sa réticence à reconnaître à la commission des soins infirmiers la qualité d'organe représentatif des personnels paramédicaux de l'hôpital ;
Considérant, d'autre part, les problèmes réels que soulève l'article 8 bis introduit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, qui charge la commission des affaires sociales du Sénat d'une mission difficilement réalisable de recensement exhaustif de l'ensemble des établissements publics de santé et de désignation, sur des critères non définis, du sénateur qui pourra siéger au conseil de surveillance de leur établissement principal, cette dernière notion ne renvoyant par ailleurs à aucune réalité juridique déterminée ;
Considérant également qu'aucune disposition du droit en vigueur ne s'opposant à ce qu'un parlementaire sollicite du président du conseil de surveillance de n'importe quel établissement public de santé sis dans sa circonscription le droit de siéger ponctuellement ou non audit conseil de surveillance, le Sénat s'engage à proposer la suppression du présent article 8 bis à la faveur d'un prochain véhicule législatif ;
Considérant enfin les doutes que continuent d'inspirer au Sénat, malgré son intention louable, l'article 10 sur la lutte contre le recours abusif à l'intérim médical et les risques élevés de contentieux que suppose un transfert au comptable public d'un contrôle de légalité d'une dépense d'intérim déjà engagée par l'établissement ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission . - La commission des affaires sociales a déposé une motion pour manifester l'opposition du Sénat à ces dispositions.
Nous ne rejetons pas toutes les mesures de cette proposition de loi mais prenons acte de l'incompatibilité des positions des deux assemblées.
Le grand espoir du Ségur de la santé a été cruellement déçu. La nette aggravation de la situation sanitaire nous invite à adapter nos discussions à la gravité des enjeux. C'est pourquoi nous vous invitons à voter cette question préalable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je regrette cette motion qui nous empêche de poursuivre nos riches débats, notamment sur l'ouverture des compétences des professionnels.
Nous voulons faire confiance aux professionnels et leur laisser le temps pour mettre en place les organisations votées. Les hôpitaux de proximité sont une réponse à vos demandes.
L'article 10 prévoit le contrôle des dérives de l'intérim médical, qui sont un fléau. Nous ne pouvons laisser peser cette responsabilité importante sur le directeur d'établissement, qui ne peut que répondre à la demande du professionnel. Désormais, le plafond s'appliquera à tous et aucune dérogation ne sera possible. C'est une disposition puissante, un engagement fort.
Les sages-femmes ont obtenu la prescription d'arrêts de travail sans limite de durée, un élargissement de la liste des médicaments prescriptibles et peuvent adresser leurs patientes à un médecin spécialiste.
Je pense aussi aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
Ces réformes sont largement attendues par les professionnels de santé. J'émets donc un avis défavorable à la motion.
Mme Laurence Cohen. - Lors de la première lecture, le CRCE avait déposé une motion opposant la question préalable, que vous n'avez pas votée. Le destin du texte nous donne raison...
Dans cette motion, il y a des considérants avec lesquels nous ne sommes pas en désaccord.
Cette proposition de loi affaiblit le système de santé. Cela vient aussi des budgets successifs de la sécurité sociale, des restrictions qui mettent à genoux les hôpitaux - et que nous refusons de voter chaque année. La situation actuelle en est la conséquence. Ayons de la suite dans les idées au lieu de se plaindre ! C'était vrai pour Mme Bachelot, Mme Touraine, Mme Buzyn, et M. Véran.
Les politiques d'austérité menées depuis vingt ans nuisent gravement à la santé publique. Nous voterons cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. René-Paul Savary. - Nous voulions discuter de cette proposition de loi, mais quand on voit la façon dont notre travail a été traité, on s'interroge. Nous avons été considérablement déçus. La loi portait un titre prometteur, qui nous a piégés : confiance et simplification. En écoutant les organisations, nous avons vu que la confiance n'était pas au rendez-vous. Ni la simplification.
Le groupe Les Républicains votera cette question préalable.
La motion n°18 opposant la question préalable est adoptée et la proposition de loi est rejetée.
La séance est suspendue pour quelques instants.
Respect des principes de la république (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 6 (Suite)
M. le président. - Amendement n°492, présenté par M. Ravier.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. - Lorsque l'objet que poursuit une association ou une fondation sollicitant l'octroi d'une subvention, au sens de l'article 9-1 auprès d'une autorité administrative ou d'un organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial, ou que son activité est illicite, l'autorité ou l'organisme sollicité refuse la subvention demandée.
« S'il est établi qu'une association ou une fondation, bénéficiaire d'une subvention, poursuit un objet ou exerce une activité illicite, ou de nature à troubler l'ordre et la paix publics en provoquant des tensions et divisions au sein de la communauté nationale, en incitant des personnes ou des groupes à s'en séparer ou à s'affranchir des règles communes édictées par la loi, l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention procède au retrait de cette subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, et enjoint au bénéficiaire de lui restituer, dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter de la décision de retrait, les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
« Lorsque l'association ou la fondation bénéficiaire d'une subvention est enjointe de restituer les sommes versées au titre d'une subvention, l'autorité judiciaire compétente peut y assortir une amende pouvant aller jusqu'à 75 000 euros.
« L'autorité ou l'organisme, mentionné au premier alinéa du présent article, qui procède au retrait d'une subvention dans les conditions définies au deuxième alinéa, communique sa décision au représentant de l'État dans le département du siège de l'association ou de la fondation. Celui-ci en informe, le cas échéant, les autres autorités ou organismes concourant, à sa connaissance, à son financement. »
M. Stéphane Ravier. - Cet amendement réécrit l'article 6 et supprime le contrat d'engagement républicain pour les associations et fondations : le terme de « contrat », mal employé, laisse entendre qu'une association pourrait exister sans respecter nos principes et lois communes. Cette charte n'empêchera nullement un élu local d'islamo-clientélisme, elle pourra même le couvrir, ni ne contraindra une association séparatiste pratiquant une stratégie de taqîya, c'est-à-dire de dissimulation.
Beaucoup trop de chartes ne sont pas appliquées. Notre peuple n'a pas vaincu nos ennemis en leur faisant signer des chartes, mais par un plan de guerre !
Cet amendement renforce également la législation pour retirer les subventions aux associations et fondations qui favorisent le communautarisme islamiste ou sont inspirées par ces mêmes idéologies qui troublent l'ordre public.
Autorisons l'autorité judiciaire à prononcer une amende allant jusqu'à 75 000 euros pour les associations qui se seraient vues retirer leur subvention. Cette mesure financière punitive est bien plus dissuasive que le contrat d'engagement républicain souhaité par cet article.
Cessons de dilapider l'argent public en nourrissant nos ennemis.
Moins de chartes, plus de charters ! (Exclamations scandalisées sur les travées du GEST)
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois. - Avis défavorable. M. Ravier réécrit l'article 6 que la commission souhaite conserver et enlève toute référence aux principes républicains.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté. - Avis défavorable.
L'amendement n°492 n'est pas adopté.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. - Notre rythme d'examen étant moins lent, je propose que nous siégions demain, le matin et l'après-midi jusqu'à 19 heures, en maintenant un rythme soutenu pour terminer si possible jeudi 8 dans la nuit, gardant la possibilité de siéger le vendredi si nécessaire.
M. Jean-Pierre Sueur. - Excellente idée !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le Gouvernement donne un avis favorable à cette proposition.
M. le président. - Il ne reste que 500 amendements...
M. le président. - Amendement n°443 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 2 à 11
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 10-1. - Les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial peuvent conditionner l'octroi de subventions à des associations à la signature de la charte d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités locales du 14 février 2014.
« Lorsque l'objet que poursuit l'association dont émane la demande est manifestement illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne sont manifestement pas compatibles avec la charte précitée, l'autorité ou l'organisme sollicité refuse la subvention demandée.
« S'il est manifeste que l'association bénéficiaire d'une subvention poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la charte mentionnée à l'alinéa premier du présent article, l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention procède, par une décision motivée et après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
« Le texte de la charte précitée est annexé à la présente loi.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous ne sommes pas favorables au contrat d'engagement républicain. En 2001, une charte d'engagements réciproques a été votée après une grande concertation et une rédaction minutieuse. Elle a été réactualisée en 2014. Appuyons-nous sur cette charte qui ne comporte aucun élément stigmatisant.
Pour nous qui soutenons la liberté d'association et celle des collectivités territoriales, cette charte est une réponse intelligente à nos questions.
M. le président. - Amendement n°442 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 2 à 9
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 10-1. - Toute personne morale qui sollicite l'octroi d'une subvention, d'un prêt ou d'une garantie de prêt auprès d'une autorité administrative ou d'un organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial s'engage à respecter les principes de liberté, d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de non discrimination, de fraternité et de respect de la dignité de la personne humaine.
« Lorsque l'objet que poursuit la personne morale dont émane la demande est illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne sont pas compatibles avec les principes de la République, l'autorité ou l'organisme sollicité refuse la demande.
« S'il est manifeste que la personne morale bénéficiaire d'un avantage défini au premier alinéa poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec les principes républicains, l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention procède, par une décision motivée et après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations, au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
Mme Angèle Préville. - Cet amendement de repli élargit le champ de l'article 6. Il n'y a aucune raison de limiter l'engagement à respecter les principes de la République aux seules associations. Étendons-le à l'ensemble des personnes morales sollicitant une subvention, un prêt ou une garantie de prêt auprès d'une autorité publique, y compris les entreprises. Ce serait équitable.
Les associations sont déjà tenues à des obligations fiscales très lourdes. N'accentuons pas la différence de régime.
M. le président. - Amendement n°440 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
ou fondation
2° Remplacer les mots :
s'engage, par la souscription d'un contrat d'engagement républicain :
par les mots :
prend l'engagement de respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de respect de la dignité humaine.
3° Alinéas 3 à 9
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est d'évidence : les principes républicains s'appliquent à tous les citoyens. Cela suffit ! Pas besoin de rappeler au 1,3 million d'associations qu'elles doivent appliquer ce qui est exigé à chacune et à chacun par la Constitution. Pas besoin de contrat d'engagement républicain.
Cet amendement s'inspire d'une proposition de la Fédération protestante de France.
Pourquoi enserrer les associations dans un contrat inutile ?
Madame la ministre, vous disiez hier soir qu'il permettrait de priver de subventions les associations qui ne respectent pas leurs engagements. Qu'elles aient signé ou non les papiers, vous le pouvez déjà si elles s'écartent des principes de la loi républicaine !
M. le président. - Amendement n°410 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing, Médevielle, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Verzelen et Capus.
Alinéa 2
Après la référence :
9-1
insérer les mots :
ou toute forme d'aide en nature
M. Pierre-Jean Verzelen. - Cet amendement de M. Menonville étend la notion de subvention à toutes les formes d'aide en nature comme le prêt de matériel ou de salle.
M. le président. - Amendement n°399 rectifié, présenté par M. C. Vial, Mmes Deroche, Boulay-Espéronnier et Borchio Fontimp, MM. Somon, Tabarot, Charon et Laménie, Mme Joseph, MM. Le Rudulier et Savary, Mmes Drexler, Belrhiti et Gruny, MM. Bascher et H. Leroy, Mme Lassarade, M. Chatillon, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Boré et Bonhomme et Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat.
I. - Alinéa 2
Après le mot :
public
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
s'engage, par un contrat d'engagement républicain, à respecter les prescriptions des articles 1er et 2 de la Constitution.
II. - Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
M. Marc Laménie. - Texte même.
L'alinéa 1 gagnerait en sobriété en renvoyant aux articles premier et 2 de la Constitution qui énoncent, mieux qu'on ne saurait le faire, les principes fondamentaux auxquels la France est attachée.
M. le président. - Amendement n°101 rectifié, présenté par M. Magner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
s'engage, par la souscription d'un contrat d'engagement républicain
par les mots :
signe avec la personne auprès de laquelle elle requiert la subvention, la charte des engagements réciproques qui engage les deux parties à respecter les principes de liberté, de fraternité, de laïcité et de respect de la dignité de la personne humaine et les symboles fondamentaux de la République
II. - Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
du contrat d'engagement républicain qu'elle a souscrit
par les mots :
de la charte des engagements réciproques qu'elle a signée
IV. - Alinéa 9
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention constate que l'association ou la fondation bénéficiaire poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la charte des engagements réciproques, elle informe celle-ci du manquement constaté et la met en demeure d'y remédier dans un délai de quinze jours. L'association ou la fondation peut présenter ses observations dans les conditions prévues. À l'issue de ce délai, si le manquement persiste, l'autorité ou l'organisme ayant attribué la subvention notifie à l'association ou à la fondation sa décision de procéder au retrait de la subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
« L'autorité administrative ou l'organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial qui a procédé au retrait de la subvention, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent peut demander au juge administratif de prononcer la restitution de tout ou partie des subventions attribuées.
V. - Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret fixe le montant minimal annuel de subvention en deçà duquel une association ou une fondation n'est pas tenue de signer la charte des engagements réciproques.
Mme Angèle Préville. - Depuis vingt ans, les associations demandant une subvention doivent signer la charte des engagements réciproques, annexée au formulaire Cerfa. L'association doit s'engager à promouvoir et à faire respecter toutes les valeurs de la République et garantir l'ouverture à tous des actions financées, sans distinction d'origine, de religion ou de sexe.
Une collectivité territoriale constatant une infraction à cette charte peut refuser une subvention. Mais le plus souvent, elle ne sait pas comment faire. Un contrat d'engagement républicain ne servira à rien de plus. Cette solution qui n'a rien de miraculeuse stigmatise certains administrés.
Octroyons plutôt une base légale à la charte des engagements réciproques et aidons les collectivités territoriales à appliquer le droit.
Enfin cet amendement crée un plancher de subvention pour adhérer à la charte, afin de ne pas entraver les petites associations avec trop de paperasse.
M. le président. - Amendement n°520, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas.
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
d'un contrat d'engagement républicain :
par les mots :
de la charte d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales.
II. - Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
du contrat d'engagement républicain qu'elle a souscrit
par les mots :
de la charte d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales qu'elle a souscrite
IV. - Alinéas 8 et 9
Remplacer les mots :
le contrat d'engagement républicain souscrit
par les mots :
la charte d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales souscrite
M. Jérémy Bacchi. - Hier, nous évoquions la question constitutionnelle. Mais il faut aussi s'interroger sur l'intérêt pour les collectivités de ce contrat unilatéral, qui n'est en rien plus protecteur que la charte d'engagements réciproques de 2014.
Les collectivités publiques ne peuvent subventionner que des associations dont l'objet est conforme à l'intérêt général.
Si ce contrat avait existé en 2006, la Cimade ou les Enfants de Don Quichotte auraient-ils pu le signer ? Quid du DAL ou d'Anticor ?
M. le président. - Amendement n°411 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing et Médevielle, Mme Mélot, MM. Wattebled, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Capus.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut à tout moment se déplacer sur les lieux des associations présentes sur le territoire de sa commune afin de contrôler le respect du contrat d'engagement républicain signé par ces dernières. Au cours de sa visite, il peut demander au président de l'association ou à son représentant légal de lui fournir toutes les informations et tous les documents qu'il juge utiles afin de procéder au contrôle. Il peut être accompagné d'un représentant de l'État dans le département ainsi qu'un de ses adjoints. Il peut autoriser l'un de ses adjoints à procéder en son nom au déplacement au sein de l'association. En cas de refus par le président ou le représentant légal de l'association de procéder à la visite des locaux ou de présenter les documents et les informations demandés par le maire, ce dernier avertit sans délai le représentant de l'État dans le département.
M. Pierre-Jean Verzelen. - Cet amendement autorise le maire ou l'un de ses adjoints à procéder à des visites inopinées au sein des associations présentes sur sa commune, afin de contrôler leur respect du contrat d'engagement républicain.
M. le président. - Amendement n°119 rectifié, présenté par Mme Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 3
1° Après les mots :
d'égalité,
insérer les mots :
notamment entre les hommes et les femmes,
2° Après le mot :
fraternité,
insérer les mots :
de laïcité
Mme Hélène Conway-Mouret. - Cet amendement de repli rétablit la rédaction initiale du Gouvernement qui mentionnait le principe d'égalité entre les hommes et les femmes. La rédaction s'en tient à présent à un engagement générique d'égalité.
Il convient en outre d'inclure le principe de laïcité parmi ceux que les associations subventionnées doivent respecter.
Comme l'a souligné l'Association des maires de France, « dans un texte principalement destiné à conforter la laïcité, il serait paradoxal que celle-ci ne soit pas explicitement incluse dans la charte ».
Cela ne devrait pas poser de problème aux associations ayant une orientation religieuse : toute association subventionnée doit respecter la liberté de conscience, quelle que soit la philosophie qui l'inspire.
L'amendement n°39 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°94 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy et Bascher, Mme Garnier, MM. Genet, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré, Bouchet, Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes de Cidrac et Dumont, M. Favreau, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie et Mandelli, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et M. Saury.
Aline?a 3
Apre?s le mot :
fraternite?
inse?rer les mots :
, de lai?cite? sauf lorsque ces associations ont exclusivement comme objet l'exercice d'un culte,
M. Stéphane Le Rudulier. - Il faut trouver des médicaments face à la maladie qui nous ronge. Ici le médicament est simple : c'est la laïcité. Cet amendement l'ajoute à la liste des principes cités à l'article 6, sauf si les associations ont comme objet l'exercice d'un culte.
M. le président. - Amendement n°306, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Esther Benbassa. - Cet amendement de repli supprime un des engagements prévu par le contrat : « s'abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l'ordre public ».
La puissance publique française s'est-elle si affaiblie qu'elle ait besoin des associations pour l'aider à assurer ses missions d'ordre public ? L'appréciation de la notion de l'ordre public et les restrictions qui découlent de cette notion ne peuvent en outre se faire que sous le strict contrôle du juge et du Conseil d'État.
Les associations lanceuses d'alerte, les associations militantes de défense de l'environnement et de la condition animale ainsi que les associations d'aide aux migrants seraient en péril avec un tel contrat. Elles seraient soumises à des appréciations fort subjectives !
N'oublions pas que les associations sont des tiers essentiels à la réhabilitation de notre démocratie.
M. le président. - Amendement identique n°444 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Jean-Pierre Sueur. - Défendu
M. le président. - Amendement n°634, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° À respecter l'ordre public.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le respect de l'ordre public est légitimement inclus dans les principes du contrat. Il n'est pas envisageable que des crédits publics financent une association qui porterait atteinte à la sécurité publique.
Toutefois, la formulation retenue par la commission des lois va au-delà : une « menace » peut être qualifiée préalablement à tout trouble effectif à l'ordre public. Les termes « de nature à », renforcent encore ce caractère hypothétique. Ce serait une atteinte excessive à la liberté associative. Remplaçons-la par la notion plus clairement délimitée de respect de l'ordre public.
M. le président. - Amendement n°659, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.
Alinéa 5
Remplacer les mots :
de nature à constituer une menace pour
par les mots :
portant atteinte à
Mme Dominique Vérien, rapporteur. - Nous proposons également de clarifier le texte.
M. le président. - Amendement n°307, présenté par M. Dossus, Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
«...° À oeuvrer pour la préservation et l'amélioration de l'environnement et à s'assurer du respect du principe de précaution, tels que définis par la Charte de l'environnement du 24 juin 2004.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous ne sommes pas très séduits par votre contrat...
Qui plus est, la conception de la laïcité ici défendue est très étriquée... Nous croyons pour notre part à une République écologique, qui respecte l'article premier de la Constitution et la Charte de l'environnement.
Pourquoi viser uniquement la laïcité, en oubliant les autres valeurs ? L'obsession est manifeste : le Sénat hier a débattu pendant six heures du voile.
Mais une association qui ne respecte pas la biodiversité ne doit pas non plus recevoir de subvention. Voici un principe de la République qui rassemble au lieu de diviser.
M. le président. - Amendement n°163 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge et Meurant, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat d'engagement républicain ne saurait étendre l'application du principe de laïcité au-delà de l'administration et des services publics. Les associations d'inspiration confessionnelle peuvent obtenir et utiliser des subventions pour leurs activités d'intérêt général dans le cadre d'un tel contrat.
Mme Valérie Boyer. - Nous voulons rassurer les associations à vocation confessionnelle qui portent des projets d'intérêt général : elles doivent conserver la liberté d'exprimer les fondements religieux de leurs actions. Je pense aux Petits Frères des pauvres, Emmaüs, le Casp ou le Secours catholique. Leurs statuts font référence à des valeurs spirituelles, alors que leur pratique est avant tout sociale ou culturelle. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractère propre de l'enseignement privé, il faut que les associations qui ont une inspiration religieuse et qui s'expriment publiquement à ce titre puissent continuer à le faire.
M. le président. - Amendement n°133 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Requier, Cabanel, Fialaire et Guiol.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dirigeants de l'association qui s'engage à respecter les principes contenus dans le contrat d'engagement républicain sont tenus de participer à une formation à la laïcité et au respect des principes républicains.
M. Jean-Claude Requier. - L'amendement de Mme Delattre institue une formation à la laïcité pour tous les dirigeants d'une association, afin de lutter contre l'entrisme.
Le Gouvernement considère cette contrainte trop forte ; en réalité, une formation gratuite en ligne telle qu'en propose le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) conviendrait parfaitement.
M. le président. - Amendement n°611, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 7
Supprimer les mots :
ou la fondation
M. Julien Bargeton. - Il s'agit de supprimer, dans la rédaction de la commission, l'obligation pour les fondations d'informer leurs membres de leur engagement résultant du contrat d'engagement républicain : les fondations étant un rassemblement de biens, elles n'ont pas de « membres », contrairement aux associations qui sont un rassemblement de personnes.
M. le président. - Amendement n°134 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Requier, Cabanel, Guiol et Fialaire.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle forme ses dirigeants aux principes mentionnés au présent article, à la laïcité et à la prévention de la radicalisation.
M. Jean-Claude Requier. - C'est la suite de l'amendement n°133 rectifié.
M. le président. - Amendement n°607 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéas 8 et 9
Après la première occurrence du mot :
association
insérer les mots :
ou la fondation
M. Julien Bargeton. - Coordination.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements nos443 rectifié, 101 rectifié et 520 remplacent le contrat par la charte d'engagements réciproques.
L'avantage du contrat, c'est qu'il peut caractériser le manquement ; la collectivité pourra réclamer à l'association de restituer la subvention. Avis défavorable.
Les amendements nos440 rectifié et 442 rectifié placent sur le même plan les subventions et les aides publiques. Avis défavorable.
Je comprends le souci d'égalité hommes-femmes que sous-tendent les amendements nos119 rectifié et 94 rectifié. Mais le principe d'égalité est plus large - et le Sénat n'est pas friand des « notamment ». En outre, l'exigence de neutralité s'impose à l'État, non aux particuliers.
Pour faire apparaître néanmoins la laïcité, nous avons prévu que les associations ne doivent pas remettre en cause la laïcité. Cela devait aussi satisfaire l'amendement n°163 rectifié de Mme Boyer. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°399 rectifié renvoie aux articles de la Constitution mais il ne comprend pas tous les principes républicains cités par le contrat. Retrait ou avis défavorable.
L'intention des auteurs des amendements nos133 rectifié et 134 rectifié est louable mais le 1,5 million d'associations sont-elles concernées ? Avis défavorable.
Avis défavorable également aux amendements nos306 et 444 rectifié : comment des subventions pourraient-elles aller à des associations dont l'objet est de troubler l'ordre public ?
Retrait de l'amendement n°634 au profit de l'amendement n°659 de la commission.
L'amendement n°307 n'est guère applicable au 1,5 million d'associations ; avis défavorable.
L'amendement n°410 rectifié bis est satisfait par le droit en vigueur car les subventions recouvrent des transferts financiers ou des apports en nature. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°411 rectifié bis est satisfait par l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit des contrôles, que le maire pourra demander, par exemple, à la chambre régionale des comptes.
Avis favorable aux amendements nos611 et 607 rectifié bis qui apportent des précisions utiles.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le Gouvernement retire l'amendement n°634 au profit de l'amendement n°659 de la commission.
Je m'étonne qu'un même groupe veuille à la fois élargir et supprimer le contrat d'engagement républicain. J'y vois une marque d'intérêt pour ce contrat...
Monsieur le sénateur Sueur, je ne crois pas que vous n'ayez pas entendu d'argument en faveur du contrat d'engagement républicain (CER). Ils ne vous ont peut-être pas convaincu : c'est différent.
Le CER est une demande des élus. Si la charte était suffisante, la présidente de la région Île-de-France n'aurait pas les difficultés évoquées hier soir, le maire de Montpellier ne serait devant les tribunaux et M. Éric Piolle, maire de Grenoble, aurait réussi à récupérer les sommes versées au CCIF.
Ce sont nos consultations qui ont conduit à exonérer de CER les associations agréées. Ni « trop de paperasse », ni « juste une case à cocher », ce sera un document simple à remplir au moment de la demande de subvention.
Les CER ne sont pas stigmatisants : si cela l'est de demander le respect des principes républicains, les mots n'ont plus de valeur !
Le Conseil d'État ne parle pas de violation de la liberté d'association. Il ne s'agit pas de dissoudre des associations, ni d'empêcher leur création, mais de lutter contre les faux-nez des islamistes, qui montent de fausses associations sportives ou d'aides aux devoirs et qui reçoivent des subventions.
Bien sûr que des associations d'aide aux migrants, ou des associations activistes, continueront à être financées !
L'amendement n°410 rectifié bis est satisfait.
Je suis favorable à la partie de l'amendement n°119 rectifié sur l'égalité entre les femmes et les hommes mais j'ai des réserves sur son autre partie, qui pourrait interdire de subventionner les Scouts ou le Secours catholique. Sagesse.
Avis défavorable à l'amendement n°94 rectifié, ainsi qu'aux amendements nos133 rectifié et 134 rectifié : il faut de la formation mais une association doit pouvoir choisir celles qui lui sont utiles.
Sur l'amendement n°307, nous sommes favorables aux principes définis mais cette mise en abyme en cascade semble délicate : sagesse.
L'amendement n°411 rectifié bis est satisfait : Avis défavorable.
Avis favorable à l'amendement n°611 et avis défavorable à l'amendement n°607 rectifié bis.
Pour les autres amendements, nos avis sont conformes à ceux de la rapporteure.
L'amendement n°634 est retiré.
Mme Esther Benbassa. - Hier, la ministre ne m'a pas répondu précisément : qu'y aura-t-il dans le contrat ? On ne le sait toujours pas... Qu'entendez-vous par l'égalité hommes-femmes dans les associations ? S'agit-il de la parité ?
M. Julien Bargeton. - M. Sueur nous dit que la Constitution serait suffisante. Mais si c'était le cas, nous n'aurions plus à voter de lois ! Par définition, elles complètent la Constitution. Je pense à nos grandes lois de libertés publiques ou de sécurité.
Ce CER me semble être une avancée attendue.
M. Patrick Kanner. - Je soutiens M. Sueur, M. Magner et Mme Conway-Mouret. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) Madame la ministre, votre Gouvernement essaye de cornaquer nos libertés ! Le monde associatif, c'est 1 ,5 million d'associations, 13 millions de bénévoles, 1,8 million de salariés qualifiés et non délocalisables : une force et une richesse pour notre pays. Or vous êtes dans une logique de défiance à leur égard. Le monde associatif s'appuie sur la loi de 1901, un texte exceptionnel, et sur la charte d'engagements réciproques de 2001, enrichie en 2004 : c'est une longue construction. Je l'ai portée, dans le gouvernement auquel j'appartenais. Elle faisait l'objet d'un consensus parfait des associations.
Mais vous, avez-vous le soutien du monde associatif ? La réponse est non. Que vous importe : vous voulez avoir raison contre tout le monde. Vous risquez de provoquer une montée au front du monde associatif et vous n'empêcherez pas ceux qui ont de mauvaises intentions de signer le contrat !
M. Philippe Bas. - Je m'en remets à la sagesse de notre rapporteure sur tous les amendements. Laissons passer cet article 6, soit, mais sans être dupes. Il est une illusion, un coup d'épée dans l'eau. Ce texte tout entier est un tigre de papier. Toutes les associations signeront le CER... Mais celles qui ne le signeront pas, car elles n'ont pas besoin de subventions, doivent aussi respecter les principes républicains.
Si seules les associations ayant signé un contrat étaient assujetties au respect de la laïcité et s'engageaient à ne pas porter atteinte à l'ordre public, toute notre République serait sens dessus dessous
Le Gouvernement compte-t-il arrêter la déferlante islamiste grâce à la vérification, par les employés de bureau des préfectures, du formulaire signé ? (Applaudissements et rires sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE)
M. Cédric Vial. - Je partage le propos de Philippe Bas et émets les mêmes inquiétudes sur cet article.
La Constitution est un cadre. Nous avons besoin de ses principes. L'article premier et 2 de la Constitution sont clairs, ce contrat l'est moins. Cela aurait eu plus de sens et de portée qu'il se réfère à ces articles de la Constitution.
L'amendement n°399 rectifié est retiré.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La ministre nous dit que le contrat serait un point d'accroche juridique pour demander la restitution d'une subvention : mais depuis 2000, il faut de toute façon une convention entre la collectivité et l'association subventionnée, au-delà de 23 000 euros. Nous pourrions envisager de modifier ce seuil prévu par décret.
La loi de 2000, le décret de 2001, la charte de 2001 existent : pourquoi inventer quelque chose de totalement nouveau ? Si la charte vous semble incomplète, renégociez-la, mais il ne faut pas reprendre à zéro le travail déjà mené avec les associations. Et s'il vous plaît, pas de caricature : nous ne sommes pas hostiles à la laïcité...
M. Marc Laménie. - Je fais confiance à notre rapporteure : la vie associative est une richesse pour notre pays, que les associations soient petites ou grandes.
Quand j'étais maire, nous signiions une charte de confiance pour l'organisation des fêtes patronales, avec le président de l'association et les services de l'État.
Je soutiendrai l'amendement n°659 sur l'ordre public.
L'amendement n°94 rectifié est retiré.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - La parité et l'égalité hommes-femmes sont deux choses différentes et nous n'allons pas imposer la parité, par exemple, à des associations de femmes enceintes, ce serait absurde. Nous visons le respect des mêmes droits pour les femmes et les hommes La mixité est encore un autre concept, mais n'ouvrons pas ce débat.
Je remercie chaleureusement M. Kanner d'avoir entrepris de m'expliquer ce qu'est une association mais j'en ai présidé une pendant dix ans, j'ai été élue locale, je suis chargée de la Citoyenneté...
M. Patrick Kanner. - J'ai été ministre !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - ...je vois donc à peu près ce qu'est une association. Mais je le remercie pour ce petit brief.
M. Patrick Kanner. - Soyez correcte !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je le suis.
M. Patrick Kanner. - Vous parlez avec ironie !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - J'ai le droit de manier l'ironie, comme vous.
Mais ce que vous dites est faux, les associations ne sont pas dressées contre ce contrat. Elles ne constituent pas un bloc monolithique, et si certaines sont sceptiques, la grande majorité soutient le CER. Ne laissez pas croire que les associations se ligueraient contre le Gouvernement. Nous poursuivons notre travail de concertation avec elles. L'AMF plébiscite ce CER : elle indique que les élus en ont besoin.
L'État verse 6,5 milliards d'euros par an aux associations et c'est bien normal, car elles accomplissent un travail difficile. Ce montant permet de subventionner 60 % d'entre elles.
La charte n'a pas de valeur contraignante.
Le contenu du CER n'est pas secret. Le projet de décret est actuellement concerté avec les élus et les associations. Vous voterez et déciderez : et c'est sur cette base que nous finaliserons le décret en Conseil d'État.
M. Jérémy Bacchi. - En pleine crise sanitaire, sociale, économique, ce signal est regrettable. Nous avons besoin des associations pour faire face à de nombreux défis, mais vous les stigmatisez et suscitez la suspicion à leur égard.
Je me réjouis, madame la ministre, que vous refusiez de subventionner des associations qui ne respecteraient pas l'égalité homme-femme. Pourquoi ne pas être aussi ferme avec les entreprises à qui vous versez des aides, en exigeant l'égalité salariale, et un égal accès aux postes à responsabilité ? (« Très bien ! » à gauche)
Les amendements nos410 rectifié bis et 411 rectifié bis sont retirés.
L'amendement n°443 rectifié n'est pas adopté non plus que les amendements nos442 rectifié et 440 rectifié.
L'amendement n°101 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos520 et 119 rectifié.
Les amendements identiques nos306 et 444 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement n°659 est adopté.
L'amendement n°307 n'est pas adopté.
Les amendements nos163 rectifié et 133 rectifié sont retirés.
L'amendement n°611 est adopté.
L'amendement n°134 rectifié est retiré.
L'amendement n°607 rectifié bis est adopté.
M. Gérard Longuet. - L'article 6, une fois voté, m'autorisera-t-il à subventionner des associations célébrant Jeanne d'Arc à Vaucouleurs - que certains pensent être sainte et qui n'était pas républicaine puisqu'elle voulait assurer le sacre du roi ? (Sourires et applaudissements)
L'article 6, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
M. François-Noël Buffet, président de la commission. - Je demande la réserve de l'examen du chapitre V du titre Ier et de l'article 19 ter jusqu'à mardi prochain, 14 h 30.
M. Stéphane Piednoir. - Très bien ! (Sourires)
M. François-Noël Buffet, président de la commission. - Ces sujets concernent en effet la commission de la culture et de l'éducation. Ils méritent un débat complet.
M. le président. - La réserve est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf avis contraire du Gouvernement.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis favorable.
La réserve est ordonnée.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 6
M. le président. - Amendement n°279 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Pantel et M. Requier.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le II de l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - En cas d'atteinte grave aux principes de liberté, d'égalité, de fraternité, de laïcité et de dignité de la personne humaine, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public. »
M. Stéphane Artano. - Un citoyen qui signalerait une atteinte grave aux principes de la République, dans un service public ou une association, doit pouvoir être protégé par le statut de lanceur d'alerte.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le statut de lanceur d'alerte concerne ceux qui signalent un crime, un délit, une violation d'un engagement international, une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général. L'extension proposée serait disproportionnée. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°279 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°164 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'est fait le constat qu'une association, bénéficiaire d'avantages ou de subventions versés par une commune, accomplit des actes portant atteintes aux valeurs fondamentales de la République, le maire doit cesser l'octroi desdits avantages et subventions et en exiger, par mise en demeure dans un délai raisonnable, la restitution à l'association bénéficiaire. Le défaut de restitution dans un délai de trois mois est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ainsi que d'une peine complémentaire de confiscation des avantages et ressources concernés. »
Mme Valérie Boyer. - Les subventions municipales à des associations loi 1901 ne respectant pas les valeurs républicaines n'ont pas lieu d'être. Les maires doivent pouvoir mettre fin à tous avantages ou subventions et en exiger la restitution, sous peine de lourdes sanctions.
La récente décision de la mairie de Strasbourg de financer, à hauteur de 2,5 millions d'euros, la mosquée Eyyub Sultan ne peut être cautionnée. La Communauté Islamique du Millî Görü? (CIMG) ne condamne ni l'islam politique, ni l'apostasie. Créée dans les années soixante en Allemagne sous l'impulsion de la diaspora turque, elle contrôle 70 lieux de culte en France. Le Comité de coordination des musulmans turcs de France en pilote 270 : 14 % des mosquées en France sont liées à la Turquie. Leur projet, comme celui des Frères musulmans, est bien l'islam politique. Il faut agir, et empêcher l'entrisme des pays étrangers ! (M. Sébastien Meurant applaudit.)
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La création d'une infraction spécifique pour les seules subventions communales n'est pas opportune. La peine prévue - un an de prison - est disproportionnée. Le droit en vigueur punit déjà l'abus de confiance. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Valérie Boyer. - La peine que je propose est sévère, mais elle est proportionnée aux dérives de certaines associations, dont les pratiques doivent être condamnées avec la plus grande fermeté.
Le cas de Strasbourg n'est pas isolé. Les maires sont les piliers de la République : il faut les aider à faire face à ces difficultés.
Mme Nathalie Goulet. - Le remboursement est une vraie question. Ce sera un casse-tête chinois, surtout en cas de subvention intercommunale. Je soutiens l'esprit de cet amendement sans toutefois le voter.
L'amendement n°164 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°494, présenté par M. Ravier.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 29° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° De mettre à disposition, à titre gracieux ou moyennant finance, des locaux de la commune. Le maire peut refuser en cas de soupçons de radicalisme de la part du ou des personnes morales ou physiques qui sollicitent ce local. »
M. Stéphane Ravier. - Il faut apporter un soutien clair aux maires en leur permettant de refuser la mise à disposition d'un local communal en cas de soupçon de radicalisme. Avec un faisceau d'indices suffisants, le refus doit être possible. Le maire est à portée des coups à prendre, mais aussi des coups à donner : la loi doit l'armer contre la propagation conquérante de l'idéologie islamiste. Je vous invite à voter cet amendement pragmatique.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. La notion de « soupçons de radicalisme » est floue. Le maire peut déjà fixer par un règlement intérieur les conditions d'usage des locaux communaux. Laissons les collectivités territoriales gérer !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°494 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°147 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Fialaire et Gold.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 1311-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les locaux communaux, à l'exception des édifices du culte, ne peuvent pas faire l'objet d'un tel bail afin qu'ils puissent servir de lieu de culte. » ;
2° Le premier alinéa de l'article L. 2144-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'usage de ces locaux ne peut pas avoir pour objet de servir de lieu de culte. »
Mme Maryse Carrère. - Il n'est pas admissible que la libre administration des collectivités territoriales soit exercée au bénéfice des lieux de cultes.
Cet amendement rend impossible la location ou le prêt à titre gracieux, le bail emphytéotique, d'une salle communale pour servir de lieu de culte. C'est une question de principe : les collectivités territoriales doivent être neutres.
M. le président. - Amendement n°165 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon et Longuet, Mme Lassarade, M. Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut refuser la location d'une salle municipale à un individu ou une association organisant un événement aux motifs religieux. »
Mme Valérie Boyer. - Mon amendement précédent aurait pu être sous-amendé pour être élargi aux collectivités territoriales. Il faudra bien traiter de la restitution des sommes indûment perçues.
Dans l'état actuel du droit, le refus d'un maire de louer ou de mettre à disposition une salle municipale à un individu ou à une association doit être motivé par des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public.
En 2011, le Conseil d'État a jugé qu'en refusant de mettre à la disposition d'une association communautaire une salle municipale, la maire de Saint-Gratien, Jacqueline Eustache-Brinio, a porté « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et de culte ».
Cet amendement crée un cadre juridique permettant aux maires de s'opposer à la location d'une salle municipale pour des motifs religieux. Un règlement d'occupation des salles n'est pas aussi protecteur.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n°147 rectifié bis entraînerait une restriction par rapport au droit actuel. Nous souhaitons que les cultes puissent se passer de financements étrangers : ce serait contre-productif. Avis défavorable.
Madame Boyer, le règlement communal suffit à déterminer les conditions de location des salles. L'ancienne maire de Saint-Gratien nous l'a confirmé en commission. Avis défavorable à l'amendement n°165 rectifié.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis défavorable à ces deux amendements. Le maire peut déjà décider des conditions de mise à disposition des salles communales en vertu de l'article 21-44-3 du code général des collectivités territoriales, sous réserve du principe de neutralité à l'égard des cultes. Selon la jurisprudence du Conseil d'État, une salle communale ne peut pas être utilisée comme un édifice cultuel. Le maire ne peut pas davantage interdire la location d'un tel local au seul motif que l'objet de l'événement serait religieux sans porter atteinte au principe d'égalité et à la liberté d'association, notamment s'agissant d'un événement ponctuel.
Mme Valérie Boyer. - L'arrêt du Conseil d'État est clair : le maire est obligé d'élaborer une charte ou un règlement intérieur.
Il faut donner aux maires un socle législatif pour qu'il puisse refuser la location d'une salle municipale pour un événement religieux sans risquer d'être attaqué.
L'amendement n°147 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°165 rectifié.
M. le président. - Amendement n°400 rectifié, présenté par M. Marseille, Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Louault, J.M. Arnaud, Henno, Cadic et Laugier, Mme Guidez, M. Le Nay, Mmes Férat et de La Provôté, MM. Moga, Lafon, Kern et S. Demilly, Mme Saint-Pé, MM. Levi et Chauvet, Mme Herzog, M. Détraigne, Mme Doineau, M. Longeot, Mme Perrot, M. Capo-Canellas, Mme Dindar, M. P. Martin, Mmes Billon et Jacquemet, MM. Hingray, Duffourg et Folliot et Mmes Morin-Desailly et Gatel.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du service national est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 120-30 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ils ont l'obligation de souscrire le contrat d'engagement républicain mentionné à l'article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Les organismes qui n'ont pas respecté ce contrat ne peuvent être agréés ou bénéficier des dispositions de l'article L. 120-32 pendant une durée de cinq ans à compter de la constatation du manquement. » ;
2° L'article L. 120-31 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « à l'accueil », sont insérés les mots « , la formation » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L'Agence du service civique enjoint, par une décision motivée et après que l'organisme a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, la restitution des aides versées aux organismes dont l'agrément a fait l'objet d'une décision de retrait pour un motif tiré du non-respect du contrat d'engagement républicain. »
M. Jean-François Longeot. - Depuis sa création en 2010, le service civique mobilise un nombre croissant de jeunes. En 2021, 245 000 d'entre eux pourront ainsi s'engager dans une mission d'intérêt général.
Le service civique a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et donne aux volontaires l'opportunité de servir les valeurs de la République.
Les organismes agréés au titre du service civique se doivent de respecter les valeurs de la République. Cet amendement soumet donc la délivrance de l'agrément de service civique à l'engagement des organismes demandeurs à respecter le contrat d'engagement républicain.
La plupart des jeunes qui s'engagent en mission de service civique sont accueillis par des organismes sans but lucratif, qui bénéficient d'aides publiques. Celles-ci doivent être restituées en cas de non-respect du contrat d'engagement républicain.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis favorable à cette extension du contrat d'engagement républicain aux organismes agréés par le service civique, qui remplissent une mission d'intérêt général.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis favorable.
L'amendement n°400 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°280 rectifié bis, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Requier.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 3 ter du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Du comportement sectaire
« Art. .... - Est un comportement sectaire le fait de poursuivre des activités dans le but de porter atteinte aux principes fondamentaux de la République de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, aux symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution, ainsi que de remettre en cause le caractère laïque de la République.
« Tout comportement sectaire est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
M. Jean-Claude Requier. - Depuis les années 1990, nous assistons à une montée en puissance des courants religieux extrémistes. Les gouvernements cherchent comment combattre ce phénomène.
Cet amendement crée une infraction en cas de comportement sectaire, qui permettrait de condamner les radicaux religieux menant des actions en lien avec une idéologie séparatiste.
On pourrait ainsi condamner les pratiques répréhensibles sans stigmatiser la pratique religieuse qui respecte les principes républicains.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires punit déjà sévèrement ces dérives. Retrait ou avis défavorable car satisfait.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je partage l'objectif de mieux sanctionner pénalement les comportements sectaires. Nous avons renforcé l'action de la Miviludes et installé un conseil d'orientation contre les dérives sectaires.
Mais la loi ne définit pas ce qu'est une secte, pas plus qu'une religion : la législation est respectueuse de toutes les croyances, c'est le principe de laïcité.
La répression des dérives sectaires est une priorité de notre action. L'article 223-15-2 du code pénal apporte des réponses à ces menaces, qui ont augmenté avec la pandémie. Avis défavorable.
L'amendement n°280 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°493, présenté par M. Ravier.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le paragraphe 5 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« Paragraphe ...
« Du clientélisme électoral auprès des ennemis de la République
« Art. .... - Est puni d'une peine de dix ans d'inéligibilité, d'un an de prison et de 75 000 euros d'amende, le fait, par une personne investie d'un mandat électif public, de soutenir sans droit, à tout moment, directement ou indirectement une association, une personne ou un groupe de personnes identifiées comme engagées dans une démarche de séparatisme contraire à la cohésion nationale et partageant une idéologie caractérisée par l'un au moins des traits suivants :
« 1° L'incompatibilité radicale avec les droits, libertés et principes reconnus ou consacrés par la Constitution et notamment la dignité de la personne humaine ou la liberté de conscience et d'expression ;
« 2° Le refus de respecter la laïcité de l'État, les procédures démocratiques, les institutions et de respecter la primauté de la loi commune ;
« 3° Les facteurs de scission majeurs qu'elle induit ou les menaces graves qu'elle porte pour l'unité de la Nation, le maintien de sa souveraineté et de son indépendance, comme pour l'intégrité de son territoire ;
« 4° Les liens qu'elle révèle avec des autorités, organisations ou puissances étrangères, dès lors que ces liens sont de nature à faire naître les doutes les plus sérieux sur la loyauté envers la France et la soumission à ses lois de ceux qui la professent ;
« 5° Le soutien, la minoration ou la banalisation qu'elle exprime à l'égard des crimes contre l'humanité, de l'asservissement, des assassinats, des actes de tortures ou de barbarie, des crimes de masse commis au nom d'une de ces idéologies, des viols ou des agressions sexuelles ou encore les crimes ou délits commis contre les intérêts de la France ou ses ressortissants, ou de leurs auteurs et complices, ou qu'elle exprime à l'égard de ceux qui appellent à la haine, à la violence et la discrimination envers la France et ses ressortissants, comme pour ceux qui font l'apologie de ces actes ou les diffusent dans un but de propagande ;
« 6° Toute manifestation tendant à contraindre physiquement ou psychologiquement une personne à adhérer ou à renoncer à une religion. »
M. Stéphane Ravier, rapporteur. - Imaginons un président de conseil régional, Renaud Muselier, se faire représenter à un congrès de l'UOIF. Imaginons Christian Estrosi, maire de Nice, utiliser un imam islamiste comme un relais social. Imaginons Samia Ghali, adjointe au maire de Marseille, se rendre aux événements d'une mosquée qui appelle au djihad. Imaginons la mairie de Strasbourg subventionner une mosquée islamiste affiliée au dictateur Erdo?an. Effrayant, non ? Pourtant, ce sont des histoires vraies. Et la liste n'est pas exhaustive. Par charité chrétienne (exclamations sur les travées du groupe CRCE), par charité républicaine, par rondeur sénatoriale, comme dirait l'ancien maire de Marseille, je m'arrête là...
Ces idiots utiles ne sont pas seulement moralement condamnables : ils sont des complices de l'islamisme et doivent comparaître devant la justice. Assez de complaisances ! On ne pactise pas avec le diable et on ne mange pas à sa table, même avec une longue cuillère. (Mme Éliane Assassi s'insurge.)
À Marseille, le clientélisme a fait couler beaucoup d'encre. Nous avons connu le système G : Gaston Defferre, Gaudin, Guérini. Nous avons aujourd'hui le système S : salle de prière, subvention, suffrage !
Mais dans toute la France, certains élus laissent pourrir la République. Il faut purger notre pays de l'islamo-clientélisme ! (Protestations à gauche où l'on souligne que l'orateur a dépassé son temps de parole.)
M. le président. - Il faut conclure.
M. Stéphane Ravier. - Chers collègues de droite, libérez-vous des consignes partisanes : votre seul devoir est d'abattre l'hydre islamiste !
Mme Éliane Assassi. - Et le temps de parole ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. Le nouveau délit proposé est flou, même s'il est vrai que ces problèmes existent dans certains endroits. C'est aux élus de prendre le sujet à bras-le-corps.
Mme Éliane Assassi. - On ne peut pas dire des choses pareilles !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - C'est pourtant une réalité.
Mme Éliane Assassi. - Vous lui donnez raison !
M. Stéphane Ravier. - Merci, madame la rapporteure.
Mme Éliane Assassi. - M. Ravier vous remercie !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
Mme Esther Benbassa. - Les termes qu'emploie M. Ravier sont indignes de la Haute Assemblée. En tant que sénatrice, j'ai honte.
M. Philippe Pemezec. - Gardez vos leçons !
Mme Esther Benbassa. - Ici, dans un espace démocratique, il faut savoir raison garder. On ne peut pas stigmatiser, attaquer de la sorte. Ce n'est pas à la hauteur des travaux de notre assemblée.
L'amendement n°493 n'est pas adopté.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°308, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Nous nous opposons à la signature d'un contrat d'engagement républicain comme condition de reconnaissance d'utilité publique d'une association ou d'une fondation. Des conditions existent déjà et des contrats sont déjà signés pour obtenir des subventions. Le contrat d'engagement républicain est inutile et redondant.
L'amendement n°344 est retiré.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. Une association ou fondation d'utilité publique doit, par définition, respecter le contrat d'engagement républicain.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°308 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°102 rectifié, présenté par M. Magner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
les principes du contrat d'engagement républicain mentionné à l'article 10-1 de la présente loi
par les mots :
la charte des engagements réciproques
II. - Alinéas 7 et 9
Remplacer les mots :
les principes du contrat d'engagement républicain mentionné à l'article 10-1 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
par les mots :
la charte des engagements réciproques
Mme Angèle Préville. - Cet amendement conditionne l'agrément de l'État au respect par l'association ou la fondation de la charte des engagements réciproques - et non du contrat d'engagement républicain.
M. le président. - Amendement n°521, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas.
Alinéas 4, 7 et 9
Remplacer les mots :
les principes du contrat d'engagement républicain mentionné
par les mots :
les engagements et les principes inscrits dans la charte d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales mentionnée
Mme Laurence Cohen. - Nous avons déjà souligné l'inutilité du contrat d'engagement républicain et le caractère ubuesque des situations que ce dispositif risque de créer.
L'objectif de ne donner aucun euro d'argent public aux associations antirépublicaines nous rassemble, mais ces associations iront se financer ailleurs, via des dons sans doute non déclarés, hors des radars de la puissance publique.
Au final, comme l'a dit le secrétaire général de l'Association pour la formation des cadres de l'animation et des loisirs (Afocal), le Gouvernement a pris un bazooka pour tirer sur une souris, et risque en plus de la manquer.
M. le président. - Amendement n°309, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur les trois amendements.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Mêmes avis.
L'amendement n°102 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos521 et 309.
M. le président. - Amendement n°635, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
IV. - L'association, fédération ou union d'associations qui a bénéficié de l'agrément prévu à l'article 8 de la loi n°2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel antérieurement à la date de publication de la présente loi dépose au plus tard à l'expiration d'un délai de trente-six mois à compter de cette date un nouveau dossier de demande d'agrément satisfaisant aux conditions prévues à l'article 25-1 de la loin°2000-321 précitée.
V. - À la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 8 de la loi n°2001-624 précitée, après le mot : « agrément », sont insérés les mots : « délivré pour une durée de cinq ans ».
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Cet amendement, préparé avec Sarah El Haïri, encadre le délai d'application de l'article 7 au vu de ses conséquences sur les agréments en cours.
Les associations jeunesse-éducation populaire doivent se mettre en conformité avec le tronc commun d'agrément au plus tard le 9 mai 2022.
En matière sportive, le délai a été repoussé compte tenu des Jeux olympiques de 2024.
En matière de jeunesse et d'éducation populaire, aucune condition de durée n'est prévue, ce qui complique la gestion des agréments des associations. Dans un souci de simplification, nous uniformisons les durées sur cinq ans entre l'agrément de jeunesse et d'éducation populaire et le tronc commun d'agrément.
M. le président. - Sous-amendement n°678 à l'amendement n°635 du Gouvernement, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.
Amendement n°635, alinéa 2
Remplacer les mots :
trente-six
par les mots :
vingt-quatre
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le Gouvernement laisse trois ans aux associations sportives et de jeunesse pour se mettre en conformité. Nous proposons deux ans, par cohérence avec le délai prévu pour toutes les associations, sachant que l'agrément est valable cinq ans.
Sous réserve de ce sous-amendement, avis favorable à l'amendement n°635.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis favorable au sous-amendement n°678.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - En commission des lois, nous avions accepté cette réduction du délai mais les explications de la ministre nous laissent perplexes. Si je comprends bien l'exposé des motifs, vous allez redéfinir par décret les nouvelles formalités à accomplir et vous avez besoin d'un délai. Les procédures d'élaboration de décret sont souvent longues, pour ne pas dire laborieuses. Les associations auront-elles le temps de se mettre en conformité ?
Le sous-amendement n°678 est adopté.
L'amendement n°635, sous-amendé, est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
ARTICLE 8
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Cet article, qui modifie le régime de dissolution des associations, porte une atteinte disproportionnée à la liberté associative. Son alinéa 15 est préoccupant : il fait porter la responsabilité des agissements d'un membre de l'association sur toute l'association.
C'est problématique au regard des principes cardinaux de notre droit pénal : proportionnalité, individualisation, jugement de faits clairs et non d'intentions.
Nous nous y opposons.
M. le président. - Amendement n°310, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Cet article élargit les motifs de dissolution des associations en permettant de leur imputer des agissements commis par un de leurs membres.
Cette disposition, vivement critiquée par le Haut Conseil à la vie associative, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Elle crée une présomption de responsabilité du fait d'autrui, contraire au code pénal.
Elle place les associations dans une situation d'insécurité juridique et les expose à des opérations de déstabilisation de la part d'individus mal intentionnés.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. Cet article 8 est important et ses dispositions sont proportionnées.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous voterons cet amendement. Il faut distinguer la responsabilité collective et la responsabilité individuelle, comme en matière de cultes.
Des propos contraires à la loi tenus par un membre de l'association doivent-ils engager la responsabilité de l'association dans son ensemble ? Non. C'est une confusion, un amalgame. Comme l'a souligné le Haut Conseil, cet article nous engage vers une présomption de responsabilité du fait d'autrui. La situation est différente si le collectif soutient l'acte ou le propos délictueux, mais il faut le prouver.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Nos associations ont déjà été fragilisées par le Gouvernement, avec la disparition des contrats aidés notamment. Elles sont pourtant en première ligne dans la crise. Au-delà de l'aspect juridique, cet article inquiète fortement le milieu associatif.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le Gouvernement a relancé les contrats aidés dans le cadre du dispositif « Un jeune, une solution ». (Exclamations indignées à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Mais vous avez supprimé le contrat précédent !
L'amendement n°310 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°345, présenté par M. Meurant.
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) A? la première phrase, après les mots : « par décret en conseil des ministres », sont insérés les mots : « ou par vote du Parlement, à la suite d'une saisine de celui-ci par un cinquième des membres du Parlement » ;
M. Sébastien Meurant. - La sécurité intérieure est l'affaire de tous.
Cet amendement permettra au Parlement de faire appliquer l'article L. 212-1 du code de la sécurité? intérieure concernant la suspension ou dissolution de certains groupements et associations.
J'ai saisi, il y a quelques mois, le ministre de l'Intérieur pour faire interdire une association qui a été dûment enregistrée dans mon département, alors que ses statuts comportent des articles ouvertement racistes. Elle distribue des « cartes d'identité de sang noir », expliquant notamment qu'une personne noire ne doit fréquenter que des commerces noirs et qu'un employeur noir ne doit recruter que des collaborateurs noirs...
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable car il s'agit d'une procédure de police administrative. Le Parlement fait la loi, pas la police.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Mais comme vous, je regrette la restriction des libertés en fonction de la couleur de peau. Si vous nous transmettez ce dossier, nous allons l'étudier.
M. Sébastien Meurant. - Je l'ai transmis il y a plusieurs mois. Il faut mettre fin à ce scandale : j'attends une action rapide de l'État. Nous sommes dans notre rôle de parlementaires lorsque nous contrôlons la célérité d'action du Gouvernement.
Cet individu a mis le feu à son appartement et à l'immeuble : peut-être fabriquait-il des explosifs... Or il a pu regagner son logement. Cette impuissance collective pose problème. (Protestations à gauche)
Mme Éliane Assassi. - Nous discutons d'un projet de loi !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Nous n'avons pas reçu ce dossier mais nous l'attendons.
M. Pascal Savoldelli. - Reste à savoir s'il existe vraiment...
L'amendement n°345 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°376 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Savary, Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. Menonville et Regnard, Mmes Micouleau, Goy-Chavent et Thomas, MM. Le Rudulier, Bonne, Bouchet et Klinger, Mmes Imbert et Herzog, MM. Longeot, Hingray, Wattebled et Saury, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Bonfanti-Dossat et Dumont, MM. Laménie, Tabarot, Panunzi, Burgoa et Levi, Mme Belrhiti et M. Rapin.
Alinéa 6
1° Supprimer les mots :
par la force
2° Compléter cet alinéa par les mots :
ou aux principes de la démocratie et de la souveraineté nationale
M. Stéphane Le Rudulier. - Nous dénonçons l'entrisme d'organisations qui voudraient substituer des lois religieuses aux lois de la République.
La Constitution exige que les partis politiques respectent les principes de la démocratie et de la souveraineté nationale et ce, qu'ils commettent ou non des actes de violence.
Pourraient donc être dissous les associations ou groupements ayant pour but, sans que cela se manifeste nécessairement par la force, « d'attenter à la forme républicaine du Gouvernement ou aux principes de la démocratie et de la souveraineté nationale ».
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Je comprends l'intention mais supprimer la mention « attenter par la force » risque de conduire à des dissolutions disproportionnées. Retrait sinon avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
M. Stéphane Le Rudulier. - Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 19 décembre 2004, considère que nul ne peut se prévaloir de ses croyances pour s'affranchir des règles communes régissant les rapports entre l'État et les particuliers...
L'amendement n°376 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°312, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, de leur identité de genre
Mme Esther Benbassa. - La commission des lois a supprimé la mention de l'identité de genre parmi les motifs de dissolution pour discrimination. Pourquoi donc ? La société évolue, les normes doivent suivre. On ne peut pas ostraciser certains Français et certaines Françaises.
Le présent amendement vise à rétablir l'alinéa 9 de cet article 8 dans sa rédaction initiale. La prise en compte de l'identité de genre est aussi importante que celle des autres motifs.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La prise en compte du sexe et de l'orientation sexuelle nous paraît suffisante pour viser toutes les actions discriminatoires. Avis défavorable. La notion d'identité de genre est liée à des études sociales.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis favorable. L'identité de genre est reconnue comme motif de discrimination par notre droit, à l'article 225-1 du code pénal. Nous pourrons ainsi dissoudre des associations transphobes.
M. Hussein Bourgi. - L'identité de genre n'est pas une construction sociale, c'est une notion juridique. Elle est reconnue comme motif de discrimination par la loi. Je voterai l'amendement. (« Très bien ! » sur les travées du groupe CRCE ; Mme Laurence Cohen applaudit.)
L'amendement n°312 n'est pas adopté.
L'amendement n°346 est retiré.
M. le président. - Amendement n°98 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin.
Après l'alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le 7°, il est inséré par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains. Aucune participation à une réunion ne peut être interdite à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » ;
M. Stéphane Le Rudulier. - L'UNEF a récemment fait parler d'elle en organisant des réunions non mixtes. Elle n'en est pas à son coup d'essai, et pense passer entre les mailles d'un filet législatif permissif.
Or ces pratiques aggravent les fractures de notre société. Il faut faciliter la dissolution d'associations se livrant à de telles dérives racialistes. (M. Philippe Bas applaudit.)
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La provocation à la discrimination ou à la haine est un motif de dissolution. L'amendement me semble donc satisfait. Le Gouvernement peut-il le confirmer ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Faut-il avoir un nouveau motif de dissolution ? Le Gouvernement est opposé à ce type de réunions, contraires aux principes républicains. Il n'est pas question de rester à la porte, ou de se taire dans une réunion, en raison de sa couleur de peau.
Mais d'un point de vue juridique, la dissolution ne peut reposer que sur de stricts motifs d'ordre public. Celui que vous proposez est trop large et vague. Il y a donc un risque constitutionnel majeur.
Les motifs prévus à l'article L.212-1 du code de la sécurité intérieure permettent déjà la dissolution d'une association en cas de troubles graves à l'ordre public, par exemple des propos incitant à la discrimination.
Mme Laurence Cohen. - Depuis plusieurs jours, certains collègues dénoncent l'UNEF. Condamner un syndicat ou une organisation politique pour des propos racistes, cela fait consensus.
Mais l'organisation de groupes de parole - féministes par exemple - relève de la vie même des associations. L'UNEF ne fait rien d'autre qu'organiser de tels groupes de parole. (On le conteste vivement à droite et au centre.)
Je n'ai pas 20 ans, je ne suis pas noire, je ne subis pas des contrôles au faciès ; je comprends que les jeunes qui en sont victimes éprouvent le besoin d'en parler entre eux. Libérer la parole, ce n'est pas exclure ! Songez au mouvement MeToo, aux groupes qui subissent des discriminations à raison de leur orientation sexuelle : leurs membres ont besoin de se retrouver...
Mme Françoise Gatel. - Ce n'est pas la même chose !
M. Julien Bargeton. - Rien à voir !
Mme Laurence Cohen. - À force d'amalgame, vous semez la confusion...
M. Julien Bargeton. - C'est vous qui la créez !
Mme Laurence Cohen. - ...au risque de susciter la haine.
M. Jérôme Bascher. - Ces réunions racialisées sont contraires à la Constitution, qui proscrit toute référence à la race. Il faut aider le Gouvernement à faire preuve de fermeté : je l'ai interrogé la semaine dernière sur ce qu'il comptait faire, ses réponses sont bien molles.
Il est très embarrassé par sa politique du « en même temps ». Il condamne et il protège, il voudrait dissoudre mais nomme un représentant au Conseil économique, social et environnemental. Nous allons l'amener à la cohérence...
M. Philippe Bas. - Certains dirigeants de l'UNEF ont des comportements inacceptables. Le racisme à rebours ne vaut pas mieux que le racisme tout court. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Si le droit en vigueur permettait de dissoudre l'UNEF pour ces dérives, j'imagine que le Gouvernement l'aurait fait. Le dispositif que nous proposons n'est ni vague ni général, il est au contraire clair, net et précis. C'est de la bonne écriture juridique que la CMP pourra au besoin améliorer.
M. Max Brisson. - Les liens historiques entre le PCF et l'UNEF semblent gêner Mme Cohen - que j'apprécie par ailleurs. Je ne demande pas la dissolution, mais des poursuites contre les dirigeants. Ces dérives sont extrêmement dangereuses.
Une rectification de l'amendement est peut-être possible pour le rendre acceptable aux yeux du Gouvernement...
Mme Sophie Taillé-Polian. - On assiste à une inversion de la culpabilité. On fait le procès des victimes ! (Protestations à droite) Mais pourquoi ces personnes éprouvent-elles le besoin de se réunir ? Posez-vous la question ! Elles partagent une expérience douloureuse.
Mme Françoise Gatel. - Elles font de la discrimination à l'envers !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Il existe un problème des discriminations, que même le Président de la République a reconnu. Faisons en sorte que ces groupes de parole...
M. Max Brisson. - Qui sont antirépublicains...
Mme Sophie Taillé-Polian. - ... n'aient plus besoin d'exister.
Ce serait cela, la vraie République.
M. Stéphane Ravier. - La République racialiste !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Arrêtons d'inventer des culpabilités !
M. Max Brisson. - C'est honteux ! (On renchérit à droite.)
Mme Sophie Taillé-Polian. - Soyons à la hauteur, songeons à ce que nous avons fait vivre à des milliers de personnes. (Exclamations indignées à droite et au centre)
Mme Esther Benbassa. - J'appuie l'intervention de Mme Cohen. Le MLF est né dans les années soixante-dix de groupes de parole féminins.
Faut-il dissoudre les loges féminines du Grand Orient de France ? Elles se sont créées, ne l'oublions pas, parce que les hommes interdisaient aux femmes l'accès à leurs loges maçonniques.
Qu'on veuille se réunir entre soi pour évoquer des discriminations ne porte nullement atteinte à la République. La République, c'est la diversité.
Mme Françoise Gatel. - Rien à voir...
M. Stéphane Le Rudulier. - Visiblement, tout le monde n'a pas été choqué par ces réunions... Qu'aurait-on dit en cas de réunions interdites aux noirs, aux juifs, aux musulmans ou aux Asiatiques ? Ne pas pouvoir répondre à ces dérives, c'est un symptôme d'apartheid politique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Toute séparation, toute discrimination, toute ségrégation liée à la couleur de la peau est inacceptable, en toutes circonstances. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je le répète : cet amendement comporte un risque constitutionnel. Le Gouvernement n'a pas été mou sur ces questions. Les féministes ont bon dos... Le MLF n'a jamais identifié les personnes en fonction de leur couleur de peau !
Un groupe de parole fondé sur l'expérience vécue, oui ; exclure des gens sur leur couleur de peau, non.
L'écrivain Nadir Dendoune raconte une réunion sur les discriminations dans les quartiers populaires. Il s'y était rendu avec un ami blanc, qui avait grandi comme lui dans la cité. Or ce dernier n'avait pas été autorisé à parler, parce que « toi, t'es blanc, t'es pas légitime ». « T'en fais pas. Ils ont fait de longues études, ils n'ont jamais connu de discriminations, te fie pas à la couleur de leur peau », avait précisé l'écrivain à son « frefo » qui, lui, était « un vrai prolo »... (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Je suggère que les auteurs rectifient leur amendement, en faisant de la deuxième phrase de l'alinéa proposé un nouvel alinéa.
M. François-Noël Buffet, président de la commission. - Une clarification s'impose en effet. La deuxième phrase de l'alinéa n'est pas claire, et il faudrait en faire un deuxième alinéa formulé ainsi : « Ou qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion de participer à une réunion. »
M. le président. - L'amendement n°98 rectifié bis devient 98 rectifié ter.
M. Patrick Kanner. - Nous demandons la réserve sur le vote de cet amendement afin de pouvoir nous prononcer avec le texte sous les yeux.
M. le président. - Le vote est réservé.
M. le président. - Amendement n°178 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot.
Après l'alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...) Après le 7°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Ou dont l'objet ou l'action porte atteinte, ou incite à porter atteinte, aux exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique, telles que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la protection de l'enfance et des personnes en situation de faiblesse, l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect de l'ordre public et le respect de la liberté de conscience ;
« ...° Ou qui exercent des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes ou les soumettent à des techniques propres à altérer leur jugement dans le but d'obtenir d'elles des actes ou des abstentions qui leur sont gravement préjudiciables. » ;
Mme Valérie Boyer. - La mesure de dissolution doit pouvoir s'appliquer aux associations ou groupements de fait dont l'objet ou l'action porte atteinte, ou incite à porter atteinte, aux exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique ; ou qui exercent des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes ou les soumettent à des techniques propres à altérer leur jugement dans le but d'obtenir d'elles des actes ou des abstentions qui leur sont gravement préjudiciables.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La liberté d'association est un droit constitutionnel. Des motifs trop flous de dissolution motiveraient une censure. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°178 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°613, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
M. Julien Bargeton. - La commission a introduit une disposition réprimant la reconstitution d'une association ou d'un groupement dissous en application de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Or cela semble déjà satisfait par la combinaison de l'article 431-15 du code pénal et de l'article 113-2 : la reconstitution d'une association dissoute peut être réputée commise sur le territoire français dès lors que le fait constitutif de la dissolution l'a été.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable : l'article 113-2 du code pénal régit les principes généraux de territorialité de la loi française, mais nous avons besoin d'une disposition ad hoc pour éviter une reconstitution d'associations dissoutes sur le fondement d'une loi étrangère. Ainsi le CCIF s'est reconstitué en Belgique le lendemain de la parution du décret de dissolution. Des poursuites ont-elles été engagées, madame la ministre ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis favorable.
L'amendement n°613 n'est pas adopté.
L'amendement n°349 est retiré.
M. le président. - Amendement n°495, présenté par M. Ravier.
Alinéas 14 à 17
Supprimer ces alinéas.
M. Stéphane Ravier. - Le principe de responsabilité collective est étranger à notre droit. Les alinéas 14 à 17 créent une responsabilité collective, voire une responsabilité pour le dirigeant d'une association, en cas d'infraction à la loi commise par un ou plusieurs de ses membres.
Imaginons qu'un membre de club de boules ait une altercation avec les autres membres et tue son voisin par la suite. Doit-on dissoudre l'association bouliste ?
Ainsi, faute d'exprimer l'intention claire de lutter contre l'islamisme, ce texte en vient à amputer des libertés, droits et principes garantis à tous les citoyens. On ne combat pas les ennemis de la liberté en entravant les libertés de tous. Il faut nommer et cibler l'ennemi pour l'éradiquer !
M. le président. - Amendement identique n°523, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas.
M. Jérémy Bacchi. - Cet article pose la question de la responsabilité collective. Il ouvre la faculté d'incriminer les agissements d'un membre pour dissoudre l'association. Depuis la version initiale, dont le Conseil d'État estimait qu'elle méconnaissait sérieusement la liberté d'association, le Gouvernement a mis de l'eau dans son vin.
Mais il reste deux écueils. D'abord la responsabilité collective a été mise en oeuvre pour dissoudre les Boulogne Boys et BarakaCity notamment, mais ce texte la généralise.
Ensuite, quand les militants ou adhérents agissent-ils en qualité de membre ? Un appel à la haine sur Twitter proféré par un individu se réclamant du Secours populaire ou de SOS Chrétiens d'Orient peut-il engager la responsabilité de l'association ? C'est d'autant plus difficile quand elle compte plusieurs milliers de membres.
M. le président. - Amendement n°311, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
Mme Esther Benbassa. - Cet article fait peser un risque sur les dirigeants bénévoles d'une association en les rendant responsables des agissements des membres, à condition qu'ils en aient été informés.
Comment peut-on prouver qu'on n'avait pas connaissance d'agissements déterminés ? Cette notion d'information, très floue, place en outre le dirigeant dans une posture de dénonciation potentielle.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par Mme N. Goulet.
Alinéa 15
1° Supprimer les mots :
ou à un groupement de fait
2° Remplacer les mots :
de leurs membres, soit agissant en cette qualité, soit lorsque leurs agissements sont directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants,
par les mots :
membres figurant dans les statuts de ladite association, dès lors que les autres membres y figurant,
Mme Nathalie Goulet. - La responsabilité collective met en danger tous les membres de l'association. Je propose donc une réécriture de l'alinéa 15 pour éviter cette responsabilité exorbitante de notre droit.
M. le président. - Amendement n°135 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier.
Alinéa 15
Après le mot :
par
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
l'association, le groupement ou les dirigeants au nom de l'association ou du groupement.
M. Jean-Claude Requier. - Cet amendement supprime l'imputation à une association des infractions commises par ses membres. C'est disproportionné : les moyens à disposition des dirigeants d'associations pour identifier les agissements répréhensibles de leurs membres sont souvent limités.
Cet amendement prévoit donc de n'imputer à l'association que les agissements de l'association elle-même ou de ses dirigeants au nom de l'association.
M. le président. - Amendement n°612 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Alinéa 15
1° Après le mot :
membres
supprimer les mots :
, soit
2° Remplacer les mots :
, soit lorsque leurs agissements sont
par le mot :
ou
M. Julien Bargeton. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°347, présenté par M. Meurant.
Alinéa 16
Après la re?fe?rence :
L. 212-1
inse?rer les mots :
dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les ide?ologies se?paratistes
M. Sébastien Meurant. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°636, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 16
Remplacer les mots :
qui ne peut excéder trois mois, sur arrêté motivé du
par les mots :
maximale de trois mois, renouvelable une fois, par le
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°348, présenté par M. Meurant.
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes
M. Sébastien Meurant. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Des garanties sont prévues en matière de proportionnalité : l'agissement doit être commis en qualité de membre de l'association ou directement lié à l'activité de celle-ci.
Monsieur Ravier, je ne crois pas que le fait de tuer son voisin soit directement lié à l'activité du club de boules... Avis défavorable aux amendements identiques nos495 et 523 et aux amendements nos311, 45 et 135 rectifié, ainsi qu'aux amendements nos347 et 348.
Avis défavorable à l'amendement n°612 rectifié car cette modification rédactionnelle ne nous semble pas utile.
Avec l'amendement n°636, le Gouvernement reprend la rédaction de l'Assemblée nationale, alors que le Sénat était revenu au texte initial. Il nous semble que le délai de trois mois non renouvelable est plus conforme au respect de la liberté d'association qu'un délai de trois mois renouvelable une fois : avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable à tous les amendements, sauf bien entendu à l'amendement n°636.
La mesure de suspension doit répondre à une urgence, elle peut être partielle et elle est toujours motivée : c'est pourquoi nous proposons de rétablir la possibilité de renouveler la mesure de suspension.
Les amendements identiques nos495 et 523 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos311, 45, 135 rectifié, 612 rectifié, 347, 636 et 348.
M. le président. - Amendement n°660, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.
Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
II. - L'article 431-15 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées » est remplacée par la référence : « l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure » ;
2° Au second alinéa, après la référence : « 431-14 », sont insérés les mots : « du présent code ».
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - C'est un amendement de coordination.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis favorable.
L'amendement n°660 est adopté.
M. le président. - Nous revenons à l'amendement n°98 rectifié ter.
Amendement n°98 rectifié ter, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin.
Après l'alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...) Après le 7°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains ;
« ...° Ou qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion. » ;
M. Stéphane Le Rudulier. - Je propose une nouvelle rectification de l'amendement n°98 rectifié ter, en supprimant le premier alinéa inséré : « ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains ». Le second alinéa suffit à servir l'objectif de l'amendement.
M. le président. - Ce sera l'amendement n°98 rectifié quater.
Amendement n°98 rectifié quater, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin.
Après l'alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Ou qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion. » ;
M. Patrick Kanner. - Nous parvenons à un très bon compromis grâce à l'entremise efficace du président Buffet.
Le groupe SER votera cet amendement, sans toutefois adhérer à son objet - mais on ne vote pas sur l'objet d'un amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Taillé-Polian. - Du débat jaillit la lumière... Mme la ministre a dit que des groupes de parole fondés sur une expérience vécue sont légitimes. La présidente de l'UNEF n'a pas dit autre chose... (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.)
Compte tenu de la rectification, nous voterons cet amendement, tout en nous désolidarisant totalement de son objet.
Mme Céline Brulin. - Cette rectification est un heureux « raccrochage aux branches », si vous excusez mon langage peu sénatorial.
Je suis prête à débattre de ce qui s'est passé à l'UNEF. Dans ma culture politique, le racisme doit être combattu ensemble ; le sexisme doit être combattu par les hommes et les femmes.
M. Philippe Bas. - Très bien !
M. Mathieu Darnaud. - Dans la nôtre aussi !
Mme Céline Brulin. - Mais les organisations, les partis aussi, se rabougrissent, se dévitalisent, se coupent des citoyens. Cela nous conduit à des attitudes de repli, et ce n'est pas ainsi que nous combattrons les séparatismes de tout poil ; c'est au contraire en assumant avec grandeur la République.
Aucune réunion ne doit s'organiser sur des bases racistes. Il faudrait même enlever le mot « race » du texte de l'amendement, que je voterai néanmoins.
Mme Nathalie Goulet. - Je le voterai aussi, tout en estimant que cet amendement ne doit pas viser seulement l'UNEF.
Monsieur le vice-président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les questeurs, messieurs les présidents des groupes, ce débat nous montre à quel point la séance publique est importante : nous devons avoir le temps de débattre, dans des conditions satisfaisantes. Toutes les réformes qui se fomentent en ce moment pour raccourcir les délais ou légiférer en commission vont à contresens du travail parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Julien Bargeton. - Cet amendement contribue-t-il, dans l'esprit du texte, au respect des principes de la République ? Je le crois. (M. Stéphane Le Rudulier approuve.) Je le voterai donc.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La République ne tolère aucune racialisation. Cette tentation est gravissime, contraire à nos principes communs.
Je voterai cet amendement, même si je ne partage pas son objet. Mais il y a les textes et les pratiques : la lutte contre les discriminations n'est pas assez offensive dans notre pays pour convaincre nos jeunes d'abandonner ces pratiques.
M. Max Brisson. - L'intervention de Jean-Pierre Sueur a ramené sa partie de l'hémicycle à une tradition républicaine qui nous est commune. Je m'en félicite et je remercie le président Kanner. M. Le Rudulier a bien fait de rectifier son amendement. La démocratie, c'est permettre aux citoyens de s'épanouir, et le deuxième alinéa le pose avec clarté.
M. Pascal Savoldelli. - Je tiens à l'universalisme républicain. Il n'y a pas de place dans notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale pour toute référence à la race. Pour cette raison, je ne peux pas voter l'amendement en l'état.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il faudrait d'abord retirer le mot de la Constitution !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je ne suis toujours pas convaincue de la constitutionnalité de l'amendement, dont je partage néanmoins l'objectif. Sagesse.
L'amendement n°98 rectifié quater est adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
L'article 8 bis A est adopté.
ARTICLE 9
M. Sébastien Meurant. - L'administration a des moyens suffisants pour contrôler les fonds de dotation. Cet amendement de suppression reprend l'avis du Haut Conseil à la vie associative.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Après avoir entendu les représentants des fonds de dotation, la commission a apporté à cet article les modifications qu'ils demandaient. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°350 est retiré.
L'article 9 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 9
M. le président. - Amendement n°552 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet d'appréhender l'opportunité des dépenses fiscales à destination des fonds de dotation au regard d'éventuelles dérives et d'une utilité sociale limitée de ces institutions.
M. Jérémy Bacchi. - En novembre 2018, la Cour des comptes a émis une alerte sur les 900 millions d'euros de dépense fiscale liée au mécénat. Les critères retenus pour la notion d'utilité sociale, trop lâches, ouvrent la porte aux abus. Je pense à la rémunération des dirigeants, dont 40 % perçoivent plus de 70 000 euros par an.
Il n'est pas nécessaire d'avoir reçu une habilitation ou un agrément préalable pour recevoir des dons défiscalisés, ce qui singularise la France. Le mécénat est une vraie niche fiscale, qui doit être évaluée comme telle.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable à cette demande de rapport.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°552 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°466 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et MM. Salmon et Gontard.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet de dresser un état des lieux des fonds de dotation en France et de leurs dérives, d'évaluer leur utilité publique au regard de la dépense fiscale et de l'opacité qu'ils engendrent et de préciser leur rôle dans les circuits d'optimisation et de fraude fiscales.
Mme Sophie Taillé-Polian. - L'article 9 ne prévoit pas de mesures significatives contre les dérives liées aux fonds de dotation. Il faudrait faire la lumière sur leur utilisation à des fins d'optimisation, d'évasion ou de fraude fiscale.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable à cette demande de rapport.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
Mme Nathalie Goulet. - Je ne voterai pas l'amendement car le rapport demandé existe déjà, sous la forme du jaune budgétaire « Effort financier de l'État en direction des associations ». Il est très détaillé.
Le montant global des avantages fiscaux était de 3,7 milliards d'euros en 2019 ; 2,7 milliards d'euros en 2020 ; et il sera de 2,713 milliards d'euros en 2021.
L'amendement n°466 rectifié est retiré.
ARTICLE 10
M. le président. - Amendement n°467, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Supprimer cet article.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Cet amendement supprime l'article 10 qui engage la création d'un nouveau contrôle fiscal sans moyens supplémentaires. La DGFiP vient de subir des milliers de suppressions de postes, et cet article concerne toutes les associations... Je m'interroge sur la crédibilité d'une telle mesure.
M. Darmanin s'est récemment félicité de ses relations formidables avec les syndicats de son ministère. Elles n'étaient pas aussi bonnes avec la DGFiP, car les moyens en personnel ont été drastiquement réduits.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. Cet article, qui prévoit un contrôle régulier de la délivrance des reçus fiscaux, est important au vu de la dépense fiscale en jeu.
De plus, le contrôle sera bien ciblé grâce à la déclaration annuelle obligatoire prévue à l'article 11.
La commission a enfin prévu de décaler l'entrée en vigueur au 1er janvier 2022 pour que les associations puissent demander un rescrit fiscal.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°467 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°62 rectifié, présenté par M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi :
« L'organisme vérifié dispose d'un délai de trente jours pour adresser ses observations au service vérificateur.
« À réception de la réponse aux observations de l'administration fiscale et si le désaccord persiste, l'organisme vérifié dispose d'un délai de trente jours pour présenter un recours auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur.
« Si le désaccord persiste, l'organisme vérifié peut saisir le collège mentionné au troisième alinéa de l'article L. 80 CB du présent livre. Ce dernier peut saisir le Haut Conseil de la vie associative qui rend alors dans un délai de trente jours un avis consultatif sur les éléments permettant de déterminer si l'activité de l'organisme contrôlé est d'intérêt général.
M. Rémi Féraud. - Nous ne remettons pas en cause la logique de cet article, qui améliorera le contrôle d'une dépense fiscale dont le montant dépasse 2 milliards d'euros. Mais la procédure de contrôle doit être contradictoire et le recours hiérarchique possible, dans un délai raisonnable. Les associations doivent pouvoir faire valoir leurs droits.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. Les garanties prévues sont suffisantes. Le contrôle n'aboutit pas à un rappel d'impôt : il consiste à vérifier l'éligibilité au régime du mécénat. De plus, les associations ont intérêt à obtenir des réponses rapides de l'administration pour connaître leur situation.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°62 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°63 rectifié, présenté par M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« .... - Lorsqu'à la suite du contrôle, l'administration remet en cause le bien-fondé de l'émission de reçus, attestations ou tout autre document par lequel un organisme bénéficiaire de dons qui ont donné lieu à des réductions d'impôts prévus aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts, elle procède à la publication de sa décision anonymisée dans un rapport annuel qui est rendu public. »
M. Rémi Féraud. - Cet amendement permet l'élaboration de pratiques concordantes, stables et connues par les acteurs associatifs, grâce à un rapport annuel de l'administration, qui serait rendu public. Nous avons besoin d'harmonisation et de transparence.
M. le président. - Amendement identique n°468, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Défendu.
Mme Dominique Vérien. - Le rapport demandé risque d'être source de confusion plus que de clarté. La Cour des comptes suggère plutôt d'actualiser les fichiers thématiques du bulletin officiel des Finances publiques (BOFiP). Nous invitons le Gouvernement à le faire. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable. J'ai pris note de la demande de la rapporteure.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Cet article et les suivants concernent l'ensemble du monde associatif, soit 1,5 million d'associations, et non plus les seules associations cultuelles. Le régime du mécénat est complexe car il faut remplir des critères cumulatifs.
Le rescrit permet de s'assurer à l'avance de l'éligibilité de l'organisme. Il y en a environ 5 000 par an. L'augmentation du nombre de rescrits risque de poser des problèmes. L'administration fiscale pourra-t-elle y répondre dans un temps limité ?
La doctrine fiscale doit être mise à jour, car il y a aujourd'hui beaucoup de lacunes. Le délai supplémentaire d'un an est indispensable pour s'assurer de cette clarification et de l'adaptation de l'administration fiscale.
Mme Nathalie Goulet. - M. de Montgolfier m'ôte les mots de la bouche. L'administration fiscale est déjà débordée ! La raquette est pleine de trous, avec des conséquences importantes sur le budget de l'État. Combien de contrôles sont-ils effectués ? À l'article 11, nous reviendrons sur cette question. Veillons à l'opérationnalité de ce que nous votons.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le rescrit est le meilleur facteur de transparence et de sécurité juridique pour les associations. Du reste, un tiers des rescrits annuels portent sur le mécénat. Certains ont une portée doctrinale et sont publiés au BOFiP.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - On entend les doutes du rapporteur de la commission des finances : ce système de contrôle aura du mal à se mettre en place, si tant est qu'il soit justifié.
La mise à jour des fiches thématiques est essentielle : le Gouvernement doit s'engager. On sent une impasse.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Nous allons engager la DGFiP dans ce travail. Elle s'organisera pour mettre en oeuvre ce qui aura été voté. Attendons que la loi, qui lui fournira de nouveaux outils, soit promulguée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est indépendant de la promulgation !
Les amendements identiques nos63 rectifié et 468 ne sont pas adoptés.
L'article 10 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 10
M. le président. - Amendement n°64 rectifié, présenté par M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur les contrôles sur place de la régularité de la délivrance des reçus par les organismes bénéficiaires de dons mentionnés à l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales.
Il indique le nombre d'organismes contrôlés, ainsi que le nombre d'organismes qui se sont vus retirer la capacité d'émettre des reçus fiscaux en raison de l'exercice d'une activité qui n'était pas considérée comme étant d'intérêt général.
M. Rémi Féraud. - La question des dons et réductions associées est importante dans un pays où les associations jouent un très grand rôle. Nous demandons un rapport - même si ce n'est pas l'usage - sur le nombre d'organismes contrôlés qui n'exercent pas une activité d'intérêt général. Ce sera le moyen de s'assurer que le dispositif n'est pas détourné pour affaiblir le monde associatif.
Cet article peut en outre très vite devenir un voeu pieux si l'administration fiscale n'a pas les moyens de le mettre en oeuvre. Depuis 2017, elle est l'une des administrations qui a vu ses effectifs baisser le plus.
M. le président. - Amendement identique n°469, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il y a déjà un rapport détaillé de la DGFiP. Il peut être étoffé au besoin. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Idem.
Mme Nathalie Goulet. - Je voterai ces amendements identiques. J'ai déposé le même à l'article 31. Les services de Bercy nous ont indiqué qu'ils n'avaient pas les moyens de contrôler. Pourtant, il va bien falloir qu'on nous fournisse un chiffre d'ici au projet de loi de finances.
Que ce soit dans le jaune ou dans l'orange budgétaire, il nous faut le nombre exact de contrôles effectués ces dernières années pour évaluer la charge de travail supplémentaire. Quand on déplume les services, on fait moins de contrôles !
Mme Sophie Taillé-Polian. - Comment rendre ces mesures opérationnelles ? Comment ne pas alourdir la vie des associations ? On vise très large pour lutter contre quelques associations aux agissements contraires à la République. Et on aura encore moins de contrôles ailleurs...
Si l'on veut être efficace, il faut des moyens pour ne pas déplumer des services qui sont déjà en difficulté.
M. Jérôme Bascher. - Le contrôle fiscal a beaucoup changé ; il n'est pas systématique et heureusement ! Notre pays manque-t-il de contrôleurs ?
Mme Sophie Taillé-Polian. - Pas à la Caisse d'allocations familiales !
M. Jérôme Bascher. - Notre pays souffre d'un excès de normes.
Il s'agit de contrôler efficacement les associations séparatistes. L'objet de ce texte n'est pas de révolutionner le contrôle fiscal en général.
Les amendements identiques nos64 rectifié et 469 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°470, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet d'évaluer les besoins de la direction générale des finances publiques et de préciser les moyens nécessaires à la réalisation des contrôles qu'elle effectue.
Mme Sophie Taillé-Polian. - Défendu.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable à cet amendement d'appel.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°470 n'est pas adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°351, présenté par M. Meurant.
Supprimer cet article.
M. Sébastien Meurant. - Cet article va pénaliser les plus petites associations.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable. L'article 11 prévoit la déclaration annuelle des organismes qui délivrent des reçus fiscaux : l'administration fiscale pourra ainsi mieux cibler ses contrôles. Nous avons, en outre, adopté un amendement de la commission des finances qui décale d'un an sa mise en oeuvre. Communiquer le nombre de reçus émis et le montant global de dons reçus, ce n'est pas insurmontable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°351 est retiré.
M. le président. - Amendement n°352, présenté par M. Meurant.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
A? l'exception de ceux mentionne?s au 3 de l'article 200,
M. Sébastien Meurant. - Afin de garantir le bon respect des principes de la République, les associations de financement électorales ou mandataire financiers doivent répondre aux mêmes conditions que les autres associations délivrant des reçus fiscaux. Ce serait un contrôle de toute volonté? de politique électorale séparatiste.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les mandataires financiers font déjà l'objet d'un contrôle financier distinct, prévu par la loi du 11 mars 1988, qui est bien plus approfondi que ce que cet article prévoit. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°352 est retiré.
M. le président. - Amendement n°99, présenté par Mme N. Goulet.
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le représentant de l'État dans le département peut interdire à une association soumise aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ou mentionnée au deuxième alinéa de l'article 4 de loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes de délivrer, pendant une durée maximale de deux ans, les documents mentionnés au premier alinéa de l'article 222 bis du code général des impôts, en cas de manquement à une ou plusieurs des obligations prévues au même alinéa ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et les premier et quatrième alinéas de l'article 21 de la même loi du 9 décembre 1905.
Cette interdiction peut être prononcée après une mise en demeure de se conformer à la ou aux obligations concernées restée sans effet à l'issue d'un délai d'un mois.
Cette interdiction peut également être prononcée lorsqu'une association mentionnée au premier alinéa n'a pas procédé à la présentation des documents prévue par le troisième alinéa de l'article 21 de la loi du 9 décembre 1905 précitée dans les trente jours suivant la demande qui lui en a été faite par le représentant de l'État dans le département.
Le représentant de l'État qui envisage de prononcer une interdiction en application du présent paragraphe invite au préalable l'association à lui présenter ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures.
Le fait, pour le dirigeant ou l'administrateur d'une association, de procéder ou faire procéder à la délivrance de documents mentionnés au premier alinéa de l'article 222 bis du code général des impôts malgré une interdiction prononcée en application du présent paragraphe est passible de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, les peines encourues sont portées à trois mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende.
Mme Nathalie Goulet. - Il n'y a aucun contrôle a priori des documents émis par les associations cultuelles. C'est un problème extrêmement grave. Je pense à une association du 93 qui indique que les dons réalisés lors d'un dîner caritatif seront déductibles d'impôt. Or les sommes récoltées servent à financer une école coranique en Mauritanie... Il n'est pas acceptable que des avantages fiscaux bénéficient à des causes contraires à l'ordre public français. Le ministère de l'Économie et des finances n'ayant pas les moyens d'instruire les dossiers, il estime que c'est au ministère de l'Intérieur et des cultes de s'en charger.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable pour des raisons techniques et parce que les peines sont disproportionnées.
En outre, quels moyens auront les préfets pour contrôler cela ? Je considère cet amendement comme étant d'appel.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Il n'appartient pas au préfet de prononcer des sanctions fiscales. Nous pourrons en reparler lors de la discussion du projet de loi de finances. Il est vrai qu'il faut donner des moyens à l'administration pour que la loi puisse être appliquée.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. - Cela va très au-delà des cultes. La commission des finances a proposé de décaler l'application de cet article 11 : les 1,5 million d'associations et l'administration fiscale ont besoin d'un temps d'adaptation.
L'administration va créer un portail internet mais je suis inquiet quand j'entends que sa mise en place se fera « progressivement ». Ce n'est pas une garantie de simplicité pour les associations.
L'amendement n°99 n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 11
M. le président. - Amendement n°550 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le e du 1 de l'article 200 du code général des impôts est abrogé.
M. Pascal Savoldelli. - Cet amendement met fin à la déduction d'impôts sur le revenu au profit d'associations cultuelles. L'article 2 de la loi de 1905 prévoit que l'État ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte. Il faut renouer avec la laïcité fiscale, c'est-à-dire la neutralité religieuse de l'État.
Or, pour 100 euros donnés à une association cultuelle, la collectivité assume 66 euros... Les causes d'intérêt général ne doivent pas être mises en concurrence avec des causes privées telles que la religion. Cette fiscalité est inégalitaire car les déductions d'impôt sur le revenu ne bénéficient qu'aux plus aisés et sont d'autant plus élevées que le contribuable est riche. Il faut faire cesser cette interposition de l'État entre les cultes et leurs fidèles.
M. le président. - Amendement n°215 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sauf accord préalable de l'administration fiscale, les dispositions de l'article 200 du code général des impôts ne s'appliquent pas si les oeuvres ou organismes bénéficiaires de versements prévus au premier alinéa du même article 200 ont pour objet l'exercice public d'un culte.
Mme Nathalie Goulet. - Mon amendement est moins radical. Je propose un accord préalable de l'administration fiscale.
Précédemment, M. Dussopt m'avait dit de le déposer à ce projet de loi, ce que je fais.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - M. Savoldelli revient sur un équilibre existant. Et l'on préfère que les associations cultuelles n'aillent pas chercher leur financement ailleurs... Cet amendement serait contreproductif. Avis défavorable à l'amendement n°550 rectifié bis.
Un contrôle a priori serait délicat à mettre en oeuvre et disproportionné. Avis défavorable à l'amendement n°215 rectifié bis même s'il est de bon sens.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
M. Pascal Savoldelli. - De quel équilibre parle Mme la rapporteure ? Est-il juste que les plus riches puissent être défiscalisés - jusqu'à 20 % de leur revenu - et pas les moins fortunés ?
L'amendement n°550 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°215 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°551 rectifié bis, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 10° de l'article 795 du code général des impôts est abrogé.
M. Jérémy Bacchi. - Selon une étude de la Fondation de France, en 2015, l'Église catholique aurait reçu 630 millions d'euros, dont environ 40 % font potentiellement l'objet de déductions fiscales, soit 252 millions d'euros dont l'État se serait privé pour cette seule année. L'Église catholique reçoit plus de dons et legs que toutes les personnes publiques réunies et quatre fois plus que l'Institut Curie, qui a soigné 12 000 patients du cancer en 2019.
Il est impératif de supprimer cet avantage fiscal, pour que l'État sorte de son ambiguïté coupable en matière de financement des cultes.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous voulons au contraire que ces associations se financent sans aller chercher des ressources que nous ne souhaitons pas. Nous voulons aussi les inciter à migrer du régime de la loi de 1901 vers celui la loi de 1905, dont l'un des intérêts est de permettre la défiscalisation des dons. La loi de 1905 prévoit par ailleurs un meilleur contrôle. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°551 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE 12
Mme Esther Benbassa . - Cet article concerne la suspension des avantages fiscaux d'une organisation à but non lucratif en cas de condamnation pénale. Je m'étonne que la commission des lois ait supprimé de la liste des motifs le délit d'entrave à l'IVG. Depuis 1993, la loi sanctionne les actions contre l'accès à l'information sur l'IVG, nécessité de santé publique, plus particulièrement pour les femmes les plus précaires. Cette information est d'autant plus essentielle en cette période de crise sanitaire, où de nombreuses femmes sont fragilisées. J'exhorte nos collègues de la droite sénatoriale - majoritairement masculins - à ne pas contribuer à mettre ces femmes en danger !
M. le président. - Amendement n°65 rectifié bis, présenté par M. Féraud et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 2
Après le mot :
pénal
insérer les mots :
ou de l'article L. 2223-2 du code de la santé publique
M. Rémi Féraud. - Amputer notre texte de la référence au délit d'entrave à l'IVG : quel symbole !
En commission, le rapporteur pour avis de la commission des finances a rappelé que la liste des infractions susceptibles d'entraîner la suspension des avantages fiscaux prévue par le texte initial de l'article 12 ne comprend que des manquements de nature économique ou faisant peser une menace grave sur la société. Il a considéré que le délit d'entrave à l'IVG ne pouvait être inscrit dans cette logique, notamment parce qu'il n'est jamais l'objet même d'un organisme sans but lucratif. Mais l'apologie du terrorisme n'est jamais non plus l'objet officiel de l'organisme. Cet argument n'est pas opérant.
Le délit d'entrave à l'IVG fait peser une menace grave sur la société. Il y a des obstacles à l'IVG dans notre pays ; certains voudraient le remettre en cause, alors qu'il concerne 50 % des Français : les Françaises. Ce sujet relève de l'égalité femmes-hommes, donc de la lutte contre le séparatisme. Ce n'est pas superfétatoire.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous ne cautionnons bien entendu pas l'entrave à l'IVG, qui est toujours pénalisée ! Il ne s'agit que de reçus fiscaux...
Nous avons retiré la référence à l'IVG, qui ne présentait pas de lien direct avec le texte. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - En droit, l'amendement est satisfait. Néanmoins, par cohérence avec l'avis exprimé à l'Assemblée nationale, avis favorable.
L'amendement n°65 rectifié bis n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
M. le président. - Nous avons examiné 73 amendements, il en reste 427 à examiner.
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 2 avril 2021, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit trente.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du vendredi 2 avril 2021
Séance publique
À 9 h 30, 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président Mme Laurence Rossignol, vice-présidente Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires de séance : M. Jean-Claude Tissot - Mme Corinne Imbert
. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission, n°455 rect., 2020-2021)