Questions orales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle trente questions orales.

Renouvellement des concessions hydroélectriques

Mme Frédérique Espagnac .  - La société hydro-électrique du Midi (SHEM), troisième opérateur hydroélectrique français, sera soumise au renouvellement de ses concessions sur trois vallées pyrénéennes : la vallée d'Ossau, la vallée du Louron et la vallée de la Têt.

Ces concessions, arrivées à échéance en 2012 et prorogées, représentent 40 % de la puissance installée de cette société.

La mise en concurrence sur ces concessions risque de condamner la SHEM et, à terme, l'ensemble de ses 320 salariés. L'atelier de maintenance des centrales hydrauliques du groupe est basé à Laruns et emploie 50 personnes, en plus du personnel opérant à la centrale hydraulique. Au total, 100 personnes sont employées dans ce village de montagne de 1 000 habitants.

La SHEM est impliquée aux côtés des acteurs locaux : elle gère 67 millions de mètres cubes de lâchers pour les besoins agricoles ou pour les activités sportives, des prélèvements pour l'eau potable, la montaison et la dévalaison des poissons.

Elle s'est engagée dans une démarche de responsabilité sociale (RSE), devenant la première entreprise industrielle labellisée Lucie et ISO 26000 et elle s'est investie dans la promotion d'un tourisme responsable ainsi que sur les thématiques de l'emploi ou de la précarité des personnes.

Que compte faire le Gouvernement pour pérenniser l'activité de la SHEM et préserver le tissu socio-économique existant dans ces territoires de montagne ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - La Commission européenne a engagé un contentieux avec la France sur l'absence de mise en concurrence des concessions. Cette situation nuit aux investissements dans le secteur et elle est source d'incertitude pour les entreprises, les salariés et les collectivités.

Le Gouvernement travaille à une solution ; aucune décision n'a été prise. Il sera attentif à ce que le parc hydroélectrique soit préservé : il s'agit d'une activité essentielle à la transition écologique et à l'aménagement du territoire. Le Gouvernement veille aussi aux enjeux humains ; il est en contact permanent avec la SHEM et son actionnaire Engie.

Mme Frédérique Espagnac.  - J'attendais une réponse plus précise sur l'atelier de la SHEM, qui emploie 50 personnes. Il y a urgence.

Extension du bail mobilité aux victimes de catastrophes naturelles

Mme Patricia Demas .  - La tempête Alex a détruit, le 2 octobre 2020, des équipements publics essentiels à la vie des vallées, mais aussi de nombreux logements.

Le cadre juridique des locations meublées à usage de résidence principale, qui impose une durée de bail d'un an avec tacite reconduction obligatoire au bénéfice du locataire, n'incite pas les bailleurs à louer à des personnes ayant subi de tels drames, leur solvabilité étant objectivement obérée.

En revanche, le bail mobilité pourrait être adapté à leur situation, dans la mesure où il est suffisamment souple dans sa durée - librement fixée jusqu'à dix mois. Or son champ d'application défini par la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs n'est pas ouvert aux victimes de catastrophes naturelles.

Une extension ne pourrait-elle pas être envisagée, pendant un certain délai et lorsque l'état de catastrophe naturelle est reconnu sur le territoire de la commune ? Cela permettrait aux bailleurs et aux locataires de bénéficier du dispositif de garantie des loyers Visale, expression de la solidarité nationale, ce qui serait opportun dans ces situations exceptionnelles.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - La loi ELAN a créé le bail mobilité, dérogatoire au droit commun, afin de satisfaire aux besoins temporaires de logement.

Il doit être strictement limité aux missions temporaires : formations professionnelles, études supérieures, contrats d'apprentissage, stages, services civiques, mutations professionnelles.

La Visale est, en revanche, accessible à l'ensemble des jeunes de moins de 30 ans, aux salariés en nouvelle embauche ou en mutation. Il est financé par Action logement.

Les victimes de catastrophes naturelles ne sont pas éligibles au bail mobilité pour ce seul motif et une modification législative serait nécessaire pour aller plus loin.

Une adaptation du périmètre du dispositif Visale ne nécessite pas le même formalisme, et pourrait peut-être mieux répondre aux besoins locaux. Nous allons donc envisager son extension aux victimes de catastrophes naturelles, lors des négociations qui sont en cours avec Action logement.

Mme Patricia Demas.  - Merci, monsieur le ministre. Le bail mobilité aurait pu offrir une alternative. S'il faut modifier la loi pour l'ouvrir aux victimes, nous tenterons de le faire. Je salue cependant votre ouverture s'agissant de Visale.

Remplacement obligatoire des chaudières fioul et charbon

M. Pascal Martin .  - À compter du 1er janvier 2022, l'installation de chaudières au fioul et à charbon dans les bâtiments neufs et le remplacement d'un matériel existant par ce type de matériel seront interdits.

Alors que le Premier ministre a défendu la nécessité d'une « écologie de proximité de quartier et de terrain », cette décision va fragiliser l'emploi des 15 000 salariés de la distribution des énergies hors réseaux, dans un contexte économique déjà difficile. Cela revient à s'attaquer à l'énergie de chauffage principale des territoires ruraux. Le fioul domestique est aujourd'hui la troisième énergie de chauffage en France.

Les consommateurs de fioul vivent majoritairement dans les territoires ruraux, dans des maisons individuelles qui, le plus souvent, ne sont pas accessibles au gaz de réseau.

La mesure ne prend pas en considération l'absence de solutions alternatives aux combustibles liquides. Le fioul, utilisé dans des zones où les températures hivernales sont basses, ne peut pas être remplacé par des pompes à chaleur géothermiques sans un coût financier élevé - de 18 000 à 20 000 euros.

Elle ne va pas laisser le temps aux distributeurs de fioul de s'adapter aux changements d'énergies et va fragiliser la sécurité d'approvisionnement des autres énergies.

Enfin, cette décision semble ignorer le virage écologique que la filière fioul a amorcé depuis deux ans. En effet, les distributeurs ont engagé un processus de transition rapide vers le bio fioul, un bio liquide de chauffage qui intègre une part d'ester méthylique d'acide gras (EMAG), via un colza cultivé et transformé en France. Cette énergie renouvelable, locale, répond aux enjeux de transition écologique, d'indépendance nationale et de justice sociale. Il faut donc autoriser les consommateurs chauffés au fioul domestique à passer progressivement au bio fioul de chauffage.

Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - La date retenue est mi-2021 pour les logements neufs et mi-2022 pour les bâtiments existants. Il s'agit d'inciter les Français à opter pour un chauffage plus économe et moins émetteur de gaz à effet de serre, comme l'a proposé la Convention citoyenne sur le climat.

Un décret est en cours de préparation avec les professionnels de la filière. La part du fioul domestique a baissé de 30 % entre 2011 et 2018.

Plusieurs solutions de remplacement existent pour les particuliers, comme les chaudières biomasse à granulés, les pompes à chaleur ou les cycles solaires combinés. De nombreuses aides ont été mises en place comme Coup de pouce chauffage ou MaPrimeRénov'. Ce sont ainsi près de 150 000 chaudières au fioul qui ont été retirées en 2019.

Le Gouvernement est conscient des efforts demandés aux professionnels. Une procédure pour un biofioul à 30 % est en cours d'étude. Il ne permettrait toutefois que de réduire de 15 % les émissions de gaz à effet de serre, soit beaucoup moins qu'une pompe à chaleur.

M. Pascal Martin. - Je souhaitais insister sur la période transitoire. En outre, les Français qui habitent dans les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés.

Aménagement de la RN 149

M. Bruno Belin . - La RN Nantes-Limoges traverse le département des Deux-Sèvres. Entre Partenay et Poitiers, sa structure date des années 1960 et des accidents sont régulièrement à déplorer. Des études doivent être lancées sur cette RN 149. Le Contrat de plan État-Région (CPER) pourrait y aider.

En complément, des études sur la « complétude » de la RD 347 vers la RN 147 pourraient être menées, ainsi que sur l'axe Poitiers-Limoges que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Les conseils départementaux de la Vienne et de la Haute-Vienne se sont prononcés et attendent de pouvoir participer aux opérations. Il y a urgence.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Une étude est commandée sur l'axe Bressuires-Poitiers, afin d'en améliorer l'aménagement. Cette étude d'itinéraire vise à traiter les enjeux de sécurité, de fiabilisation des temps de parcours pour les usagers et de réduction des nuisances pour les riverains ; elle proposera un scénario d'aménagement de la RN 149. Les premiers résultats paraîtront mi-2021.

Sur la section entre Poitiers et Limoges, nous travaillons avec les collectivités territoriales. Je compte sur leur volontarisme pour accompagner l'ambition du Gouvernement.

M. Bruno Belin. - Nous attendons les résultats de l'étude depuis juillet 2019. Le trafic n'a cessé d'augmenter : il y a urgence à agir. Il en va de la responsabilité de l'État tant en termes de sécurité qu'en termes d'aménagement du territoire. Je compte sur vous, monsieur le ministre !

Lignes ferroviaires du Cantal

M. Stéphane Sautarel . - La contractualisation que l'État a consentie avec les régions a permis d'engager des plans de sauvegarde des petites lignes. Les CPER devraient permettre de répondre aux enjeux essentiels de desserte de nos territoires ruraux et du Cantal en particulier, dans un cadre respectueux de l'environnement.

Les crédits du plan de relance ont permis de programmer 2,1 millions d'euros de travaux de sauvegarde pour la ligne Aurillac-Brive. Cela est loin, hélas, d'être suffisant pour régénérer cette ligne et assurer une circulation à une vitesse décente.

Les besoins sont estimés à plus de 50 millions d'euros pour éviter qu'Aurillac ne devienne un « cul-de-sac ferroviaire » ce qui constituerait un véritable risque pour l'avenir du réseau ferré cantalien.

Les temps de trajet vers Paris via Clermont ou via Brive sont dissuasifs : presque sept heures ! S'il convient d'améliorer ces temps d'accès, une nouvelle opportunité s'est ouverte avec l'expérimentation des trains de nuit engagée à la suite du Grenelle de l'environnement et de la Conférence citoyenne sur le climat. En effet, la suppression du train de nuit Aurillac-Paris a marqué un vrai recul du service public dans le Cantal.

De même, la ligne Neussargues-Béziers est gravement fragilisée alors qu'elle présente un intérêt tant pour le transport des voyageurs que pour le fret.

La réintroduction du train de nuit Aurillac-Paris permettrait aussi de connecter le Cévenol et l'Aubrac dans des conditions de confort et de sécurité modernes.

Quelles sont les réponses du Gouvernement sur ces sujets ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Après des décennies de sous-investissement sur le réseau ferroviaire, le Gouvernement a engagé un plan d'investissement de 3 milliards d'euros par an sur dix ans, soit le double de l'effort de régénération de 2010.

Nous avons également établi un plan de sauvetage des petites lignes, doté de 6,5 milliards d'euros, avec l'aide des régions. Ce plan répond à une attente forte des territoires. Le 20 février, nous avons signé avec Centre-Val de Loire et Grand Est. Depuis, les régions PACA, Pays-de-la-Loire, Bourgogne-Franche-Comté et Normandie ont délibéré favorablement.

La ligne Neussargues-Béziers est concernée par l'accord que le Premier ministre a signé avec le président d'Auvergne-Rhône-Alpes le 5 octobre. Elle sera donc préservée. Quelque 130 millions d'euros sont en cours de distribution.

Sur Aurillac-Brive, des travaux d'urgence ont commencé.

Nous souhaitons également rénover et développer les trains de nuit. Nice et Tarbes devraient ainsi être desservis, pour un budget de 100 millions d'euros.

Un rapport sur le sujet sera prochainement remis au Parlement qui étudie les possibilités de desserte sur de nombreux corridors. J'ai le plaisir de vous confirmer que Paris-Aurillac en fait partie.

M. Stéphane Sautarel. - J'ai bien noté l'expérimentation pour deux lignes de nuit en 2021. Cela me semble insuffisant. Il faut aussi investir dans le matériel roulant.

Avenir des petites lignes ferroviaires dans le Massif central

M. Bernard Delcros . - Je reviens sur les petites lignes ferroviaires du Cantal. Le département est desservi par plusieurs lignes qui relient la préfecture Aurillac à Brive, Clermont-Ferrand, Figeac, et aussi par la ligne Aubrac-Clermont-Beziers via Neussargues et Saint-Chély d'Apcher.

Le Massif central dispose d'un large maillage ferroviaire qui pourrait répondre aux attentes de nos concitoyens et des entreprises. Pourtant, plusieurs lignes du Cantal sont menacées de fermeture à court terme, faute d'entretien.

Aucun train ne circule plus sur la ligne Aubrac, entre Saint-Flour et Saint-Chély d'Apcher, pour des raisons de sécurité, ce qui prive l'Auvergne de toute connexion ferroviaire avec Millau, Béziers et la Méditerranée.

Alors que le 14 juillet dernier, le Président de la République a annoncé vouloir relancer les petites lignes, alors que le gouvernement a prévu d'engager un programme de 4,7 milliards d'euros en faveur de leur modernisation dans le cadre du plan de relance, m'assurez-vous que les lignes du Cantal seront maintenues sans exception ? Des crédits complémentaires aux 2,1 millions d'euros prévus pour la ligne Aurillac-Brive seront-ils prévus pour sauver toutes les lignes du Cantal, les besoins étant estimés à 50 millions d'euros ? Enfin, dans quel délai le tronçon Neussargues-Saint-Chély d'Apcher sera-t-il rouvert ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Votre question s'inscrit dans la continuité de celle de M. Sautarel et rappelle l'engagement des parlementaires pour le ferroviaire, qui est un mode apprécié par les Français parce qu'il est rapide, fiable, sûr et sobre pour la planète.

Le Gouvernement a lancé un plan d'investissement ambitieux dans le ferroviaire et un plan inédit visant à préserver les 9 000 kilomètres de « petites lignes » sur tout le territoire. D'ici 2022, 130 millions d'euros seront débloqués pour neuf lignes de la région Auvergne-Rhône-Alpes. C'est une première étape avant la signature d'un protocole sur dix ans.

Les lignes interrégionales que sont la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand et la ligne Béziers-Clermont-Ferrand feront l'objet d'un traitement spécifique avec les régions concernées, car les besoins de financement sont importants.

Enfin, l'État a massivement investi pour la ligne Paris-Clermont : 350 millions d'euros pour le matériel roulant, 760 millions d'euros pour les infrastructures et 87 millions d'euros pour connecter Clermont à Paris en 3 h 15.

Les attentes sont grandes et nous serons au rendez-vous.

M. Bernard Delcros. - Il y a unanimité sur l'importance du ferroviaire dans le Cantal. Merci pour vos engagements : nous veillerons à leur application effective.

Charles de Gaulle Express

M. Pierre Laurent . - Le CDG Express est une liaison de 32 kilomètres et de 2 milliards d'euros qui doit relier en vingt minutes la gare de l'Est à l'aéroport de Roissy, moyennant un billet à 24 euros.

Ce projet n'a aucun intérêt pour les transports du quotidien et sa mise en oeuvre se ferait au détriment de la nécessaire amélioration de ces transports en grande souffrance car il utiliserait, pendant les travaux, le réseau ferré existant déjà saturé.

Il aurait aussi un impact environnemental discutable. Sur ce dernier point, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'autorisation environnementale concernant le chantier. Dans ses motivations, le tribunal a remis en question les deux raisons d'être du projet avancées par le Gouvernement : une meilleure desserte de l'aéroport de Roissy, et les prochains Jeux olympiques de Paris 2024 - alors que le chantier sera achevé au mieux fin 2025.

Malgré ce jugement, la filiale gestionnaire d'infrastructure chargée du CDG Express s'entête à vouloir continuer les chantiers non concernés par le jugement et veut faire appel du jugement.

Il est encore temps que le Gouvernement arrête de vouloir imposer ce projet inutile, nuisible, coûteux et contesté et s'occupe enfin des transports du quotidien.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Ce projet va mettre l'aéroport à vingt minutes de Paris pour les passagers mais aussi les nombreux travailleurs de la plateforme aéroportuaire.

Le CDG Express est complémentaire, et non concurrent, des transports du quotidien, notamment du RER B. L'annulation de ce projet aurait des conséquences délétères pour les transports du quotidien.

Avec plus de 500 millions d'euros en ressources propres, le projet permet de rénover les voies existantes ce qui limite l'impact sur l'environnement. Il économisera 330 000 tonnes de CO2 sur cinquante ans. L'annulation du CDG Express serait donc une catastrophe.

Au-delà du réseau du Grand Paris Express, qui représente plus de 40 milliards d'euros, le plan de relance prévoit 670 millions d'euros d'ici 2022 pour les transports collectifs franciliens, qui s'ajoutent aux 410 millions d'euros déjà prévus, portant l'effort global de l'État à plus d'un milliard d'euros.

M. Pierre Laurent. - Vous dites que les deux projets sont complémentaires. En vérité, les choses sont plus compliquées, vu l'état de souffrance des transports du quotidien en Île-de-France.

Le Syndicat des transports d'Ile-de-France estime à 1,5 milliard d'euros le déficit de recettes lié à la perte de ponctualité pour le seul RER B.

Liaison ferroviaire Beauvais-Paris

M. Édouard Courtial . - Le désenclavement est une condition de l'avenir d'un territoire. Je plaide depuis trois ans pour une liaison ferroviaire Beauvais-Paris en une heure. Je salue l'engagement de Caroline Cayeux et de Xavier Bertrand.

Beauvais, situé à seulement 80 kilomètres de Paris, dispose d'un aéroport international : elle devrait aussi bénéficier d'une liaison rapide vers Paris plusieurs fois par jour.

Cela permettrait d'attirer de nouveau habitants et de limiter la saturation des autoroutes franciliennes.

La SNCF n'y est pas opposée par principe mais estime que les conditions nécessaires ne sont pas réunies à ce stade. Une réunion est encore prévue cette semaine pour faire avancer le dossier. Les investissements de modernisation du réseau doivent se poursuivre. Peut-être l'ouverture de la ligne à la concurrence incitera-t-elle la SNCF à améliorer son offre.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - La mobilité quotidienne est au coeur des préoccupations de mon ministère. La desserte Beauvais-Paris est assurée par le TER ; elle dépend donc de la région, seule autorité compétente pour définir le schéma de la désserte. L'État n'intervient pas dans ce processus. Le trajet actuel dure 1 h 14.

La réduction du temps de trajet à moins d'une heure, étudiée par SNCF Voyageurs, n'est pas possible à itinéraire constant. Il faut des travaux : tunnel, noeud ferroviaire de Creil... L'État a aidé aux travaux dont la première phase s'est achevée fin 2019. Les études pour une deuxième phase démarreront début 2021.

Au-delà de la question complexe des temps de parcours, les voyageurs veulent un service fiable. Nous oeuvrons en ce sens, grâce à l'effort inédit de ce Gouvernement en faveur du ferroviaire avec, notamment, 35 milliards d'euros de reprise de dette de la SNCF.

M. Édouard Courtial. - Là où il y a une volonté, il y a un chemin ; que le Gouvernement le prenne au-delà des alibis techniques et juridiques !

Protection des abeilles

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Je regrette l'absence du ministre de l'Agriculture...Les apiculteurs mettent en évidence les difficultés des abeilles qui doivent se battre contre un parasite originaire d'Asie du Sud-Est, le Varroa destructor, qui décime les ruches.

En France, le miel dont la production est en hausse, est un produit essentiellement artisanal découlant d'un savoir-faire local comme dans la région Sud, première région productrice.

Face à ce parasite, les apiculteurs ont peu de moyens. Le Gouvernement entend-il appuyer un programme européen de recherche ambitieux sur le sujet ?

Certains traitements existent, mais les modalités d'application ne sont pas harmonisées. Le Gouvernement compte-t-il les adapter localement ? Ainsi, dans les Alpes-Maritimes, les hivers sont doux, et les abeilles, non plus que leur parasite, n'hibernent pas. Une stratégie à long terme pour est-elle prévue ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - Je lis la réponse du ministre de l'Agriculture, qui est en réunion à Bruxelles.

Ce parasite provoque en effet des pertes importantes en apiculture et il est l'une des causes de la chute des colonies d'abeilles. Un plan pollinisateur sera prochainement présenté par le ministre de l'Agriculture, en lien avec Mme Pompili, et en concertation avec les acteurs concernés.

Des mesures de lutte contre les agresseurs de la ruche seront prévues avec la mise en place de réseaux de surveillance, de nouveaux médicaments et la recherche de nouveaux moyens de lutte. Le frelon asiatique n'est pas oublié. Ce plan accompagnera toute la filière apicole. La France doit inverser la courbe descendante de sa production de miel.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Le Gouvernement doit s'impliquer auprès des apiculteurs, notamment pour que des évolutions aient lieu au niveau de l'Union européenne. La question de l'étiquetage du miel est également importante. Nous attendons un décret qui doit sortir prochainement, espérons dès le 1er janvier, sur l'étiquetage du miel, afin de le préserver de la concurrence étrangère. J'entends que le Gouvernement continue à suivre ces mesures.

Agrivoltaïsme

M. Philippe Bonnecarrère .  - Je souhaitais interroger Mme la ministre de la Transition écologique sur la contradiction entre le droit de l'environnement, le droit agricole et le droit de l'urbanisme.

Dans le cadre des politiques environnementales, l'agriculture est une réponse à la production d'énergies renouvelables, au travers de l'agrivoltaïsme avec le développement d'ombrières, permettant de maintenir les prairies plus longtemps, ou de panneaux verticaux, compatibles avec la culture des céréales et prenant moins de place au sol.

Comment faciliter l'installation de centrales photovoltaïques au regard du droit de l'urbanisme ?

Les terrains occupés par ces installations ne sont plus considérés comme agricoles, ce qui pose de multiples problèmes, notamment pour les aides de la PAC. Comment améliorer cette situation ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - L'agrivoltaïsme connaît en effet un véritable engouement. C'est un enjeu pour nos territoires mais son développement pose aussi la question de l'artificialisation des sols.

La jurisprudence montre que le code de l'urbanisme autorise ces installations au sol en terrain agricole, sous certaines conditions, car elles sont effectivement considérées comme une artificialisation des sols. Il est impératif que ces projets ne concurrencent pas l'activité agricole, qu'ils doivent au contraire soutenir. Il faudra en effet un cadre juridique clair.

L'installation des panneaux peut se faire en harmonie avec l'activité agricole. Le fonctionnement des panneaux pourrait même optimiser le développement de la plante, voire le confort des animaux et donc devenir un outil partenarial de l'économie agricole Des travaux sur ces questions doivent donc se poursuivre.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Je salue votre déclaration de principe en faveur de l'agrovoltaïsme et votre annonce d'un nouveau cadre juridique, mais quand ?

Alimentation

M. Frédéric Marchand .  - La crise sanitaire sans précédent que nous connaissons a mis en lumière l'importance de notre alimentation, qui n'est pas, funeste erreur, acquise ad vitam aeternam. Cette crise nous rappelle ainsi combien la sécurité alimentaire est vitale.

Cette question est posée dans l'ouvrage de Stéphane Linou, Résilience alimentaire et sécurité nationale, qui a servi de base à la proposition de résolution du Sénat sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale.

Cette résolution invitait le Gouvernement à engager une révision de la loi de programmation militaire pour réfléchir à l'intégration de la production et du foncier agricole nourricier comme secteur d'activité d'importance vitale (SAIV).

Ainsi serions-nous peut-être en capacité de doter par exemple notre pays de véritables indicateurs sur les flux d'approvisionnement alimentaire sur le territoire, permettant une approche plus précise et préventive de la réalité alimentaire nationale.

Le Gouvernement semble globalement favorable à cette proposition de résolution. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, sur cette question ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - La préservation de la santé de la population est une priorité absolue du Gouvernement. Hippocrate disait déjà que l'alimentation est le premier des médicaments. Pendant la crise, ce secteur a montré sa résilience.

L'article R. 1332-2 du code de la défense, auquel vous faites référence, définit les SAIV. Il contient certaines dispositions pour assurer l'approvisionnement alimentaire en cas de crise. L'alimentation figure depuis 2006 parmi les douze secteurs d'importance vitale et il a été élargi depuis 2016. En cas de crise, ces opérateurs sont suivis et protégés.

Le code rural organise la transmission foncière dans notre pays. Les dispositions sur le contrôle des investissements étrangers ont été renforcées. Le plan de relance consacre 1,2 milliard d'euros à l'agriculture et à l'alimentation. C'est un budget inédit pour reconquérir la souveraineté alimentaire française et offrir une alimentation de qualité à tous.

M. Frédéric Marchand.  - La question de la sécurité alimentaire est primordiale.

Mutations des gardiens de la paix

Mme Nadia Sollogoub .  - Les concours d'accès au métier de gardien de la paix imposent au minimum une dizaine d'années dans la première région d'affectation.

Pour ces jeunes gens, heureux de leur réussite au concours, l'échéance de ce contrat de huit ans doit sembler bien irréelle. Mais les années passent, et ils se retrouvent pris au piège.

Le rapport de la commission d'enquête du Sénat relative à l'état des forces de sécurité intérieure fait état d'un mal-être généralisé au travail et comporte de trop nombreux témoignages de gardiens de la paix qui cohabitent dans de minuscules logements parisiens, séparés de leurs conjoints, de leurs enfants.

Dans l'intérêt général, il serait souhaitable que les conditions d'évolution de carrière soient concordantes avec les projets de vie.

Est-il envisagé d'assouplir les conditions de mutation des gardiens de la paix ou de modifier les durées de leur contrat ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Les policiers assurent chaque jour, avec dévouement, professionnalisme et courage la protection des Françaises et des Français dans des conditions souvent extrêmement difficiles.

Les lauréats des concours sont nommés pour des durées minimales de cinq et huit ans pour leur première affectation, selon le concours qu'ils ont passé. Les candidats ont bien sûr connaissance de cette obligation. Cet engagement géographique est relatif puisque, durant cette période, les policiers peuvent solliciter une mobilité au sein de leurs zones de défense et de sécurité, lesquelles recouvrent plusieurs départements. En Île-de-France, les policiers du corps d'encadrement et d'application bénéficient de primes tout au long de leur durée d'affectation, ainsi que de différents dispositifs d'action sociale.

Les services opérationnels ont besoin d'un minimum de visibilité et de prévisibilité pour la gestion. En outre, ces règles permettent la mixité des équipes.

Au terme de ces délais, la mobilité est possible entre régions. Un barème de points prend en compte la vie professionnelle et personnelle.

Des réflexions sont engagées pour un meilleur équilibre des territoires en tension, entre primo-affectation et possibilités de mouvements. Le ministère de l'Intérieur est particulièrement attentif à cette question.

Mme Nadia Sollogoub.  - Une jeune gardienne de la paix m'a lancé un appel à l'aide, « une bouteille à la mer », selon ses propres termes. La dépression la guettait et elle se sentait à bout de forces en raison de son éloignement géographique, malgré son implication au service de l'État depuis longtemps. Il a fallu batailler pendant des années pour obtenir sa mutation. Il faut vraiment que cela change.

Signature authentique à distance pour les Français de l'étranger

Mme Jacky Deromedi .  - Nos compatriotes expatriés rencontrent des difficultés pour signer des actes notariés à distance.

Le décret du 20 novembre 2020 sur la procuration notariée à distance a pérennisé le régime de tels actes. Mais il faudrait aussi la signature authentique à distance, pour un mariage par exemple.

La situation sanitaire aggrave les complications liées à l'éloignement, lors du décès d'un proche, lorsqu'il faut régler la succession.

Le Sénat a voté deux fois cette possibilité grâce à la proposition de loi de M. Bruno Retailleau, dont j'étais rapporteure, sans opposition du Gouvernement. Les trois quarts des offices notariaux de France sont déjà équipés d'outils de visioconférence totalement sécurisés. Une expérimentation, au moins, ne pourrait-elle être mise en place ? Des conventions de coopération entre institutions notariales françaises et étrangères pourraient-elles aussi être envisagées ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - C'est un sujet important et le Gouvernement entend garantir le bon fonctionnement et la sécurité des échanges.

Jusqu'à récemment, la présence physique du signataire était requise mais le décret du 20 novembre 2020 adapte le notariat à l'ère numérique en autorisant la désignation d'un mandataire à distance, par exemple un clerc de l'étude. On peut donc signer à distance une procuration, sans avoir besoin de se déplacer.

La poursuite de l'activité notariale est ainsi assurée. Ce décret est important pour les Français à l'étranger. Si l'expérimentation est satisfaisante, son extension à d'autres actes sera envisagée.

Mme Jacky Deromedi.  - Une telle procuration ne permet pas de signer un contrat de mariage ou un testament. Le Conseil supérieur du notariat est pourtant prêt à l'expérimenter.

Déclarations de nationalité française à l'étranger

M. Jean-Yves Leconte .  - Ma question porte sur les déclarations de nationalité française (DNF) relevant du ministère de la justice et souscrites à l'étranger. Adressée à M. le garde des Sceaux, le 8 août dernier, en question écrite, elle n'a à ce jour pas obtenu de réponse.

L'article 29 du décret du 30 décembre 2019 différencie le traitement des catégories de DNF, selon que le déclarant réside en France ou est établi hors de France.

Avant ce décret, les résidents à l'étranger qui souscrivaient une DNF se voyaient délivrer par les postes consulaires un récépissé, tel que prévu par le code civil. Ceci assurait une parfaite égalité de traitement avec les souscriptions réalisées en France auprès du tribunal judiciaire. Si le récépissé est toujours remis le jour de la souscription, l'article 29 précité ne permet cependant plus sa remise par nos postes à l'étranger, l'autorité consulaire se contentant de transmettre le dossier au ministère de la Justice. Le ministère délivre le récépissé dès qu'il a reçu la totalité des pièces nécessaires à la preuve de la recevabilité de la déclaration ; il l'adresse au déclarant.

La nouvelle procédure pose plusieurs difficultés pour les déclarants résidant à l'étranger. La date de délivrance du récépissé constitue le point de départ du délai d'enregistrement des déclarations. Celui-ci sera donc significativement allongé. La remise de documents exigés en originaux ne sera plus établie le jour même par la délivrance du récépissé.

Une circulaire permettant de réduire ces différenciations est-elle envisagée ?

Des instructions imposant la remise par les autorités consulaires d'un bordereau des pièces effectivement déposées ou d'une attestation de dépôt ont-elles été données ?

Mme le président. - Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce récépissé sera-t-il daté du jour du dépôt des pièces au poste, ou bien du jour où le ministère recevra le dossier ? Ce récépissé sera-t-il bien envoyé par le ministère de la justice au poste avec obligation pour ce dernier de convoquer l'intéressé pour la remise du récépissé en main propre ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Le décret du 30 décembre 2019, prenant en considération une différence objective, a prévu un régime différent selon que la DNF est instruite en France ou à l'étranger.

À l'étranger, l'autorité consulaire n'a aucune compétence pour instruire ou décider des suites à donner. Cette compétence incombe exclusivement au ministère de la Justice.

Celui-ci sollicitait posteriori les pièces complémentaires indispensables au traitement de la déclaration souscrite. La charge de travail des postes consulaires, ajoutée au temps d'acheminement des envois diplomatiques, conduisait également à entamer le délai de six mois imparti pour instruire, décider et notifier la décision.

Les deux exemplaires de la déclaration, accompagnés des originaux des pièces produites, sont transmis au ministère de la Justice par la valise diplomatique. L'autorité diplomatique ou consulaire conserve une copie des pièces envoyées. Elle remet ensuite en main propre au déclarant le récépissé que lui fait parvenir le ministère de la Justice.

Guides-conférenciers

Mme Laurence Harribey .  - La situation des guides-conférenciers de France est difficile. La crise sanitaire révèle au grand jour leur précarité. Ils ont une activité très saisonnière et travaillent souvent à la mission.

J'ai déjà interpellé le Gouvernement - par une question écrite en mai 2020 - qui m'a répliqué que les conditions résultant des réformes successives étaient satisfaisantes. Les guides-conférenciers sont pourtant confrontés à une concurrence déloyale avec une forme d'ubérisation de la profession. On m'a aussi rétorqué qu'il y avait un risque juridique européen à règlementer la profession alors que la moitié des pays européens la règlementent strictement, comme l'Italie, par exemple.

Dans ce cadre, pourquoi ne pas revoir le statut des guides-conférenciers qui se sentent laissés pour compte, et dans l'urgence, pourquoi ne pas leur ouvrir la mesure de l'année blanche appliquée aux intermittents du spectacle ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Les quelque 7 000 guides-conférenciers de notre pays, dont la profession est réglementée par l'article L.221-1 du code du tourisme, jouent un rôle de premier plan pour la transmission du patrimoine historique et culturel.

Leurs difficultés sont réelles, à cause de la crise sanitaire. Ils ont été privés d'activité pendant le confinement et sont frappés par l'effondrement de la fréquentation des lieux où ils travaillent.

Leur situation a rapidement été prise en compte par le Gouvernement puisque ces professionnels sont éligibles aux aides telles que l'activité partielle et les PGE.

Cette profession connaît de grandes disparités. Il y a une part d'économie grise considérable. Un groupe de travail interministériel a été mis en place pour travailler sur la sécurisation des cartes professionnelles et la mise en place d'un registre numérique, notamment, afin d'éviter les fraudes.

Une étude monographique du secteur a été lancée - la dernière datait de dix ans. Les guides-conférenciers sont appelés à jouer un rôle majeur dans la reprise des activités culturelles et du tourisme dans les semaines et les mois à venir.

Soyez assurés que le Gouvernement est pleinement engagé à leurs côtés.

Mme Laurence Harribey.  - Je prends acte de la concertation en cours. Prenez en compte l'aspect illégal des plateformes de free tours et agissez comme la Grèce et l'Italie, où ces professions sont beaucoup plus protégées.

Rémunération équitable et aides à la création

Mme Sylvie Robert .  - Le secteur culturel est gravement fragilisé par la crise sanitaire. L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 8 septembre 2020 menace aussi la création.

La CJUE a posé le principe selon lequel les États membres ne peuvent « exclure les artistes interprètes ou exécutants qui sont ressortissants d'États tiers à l'espace économique européen (EEE) du droit à une rémunération équitable », en vertu de la directive de 2006. En d'autres termes, la diffusion de phonogrammes fixés hors EEE, singulièrement américains, doit entraîner le versement de ce droit voisin aux artistes-interprètes et producteurs concernés.

Or tel n'était pas nécessairement le cas jusqu'à présent. En France, les organismes de gestion collective (OGC) n'étaient pas tenus de reverser les sommes perçues au titre de la rémunération équitable, dès lors que les phonogrammes provenaient d'États n'ayant pas ratifié les traités internationaux protégeant ladite rémunération, en particulier la convention de Rome de 1961, à l'image des États-Unis.

Ces droits voisins, considérés comme irrépartissables, étaient destinés à l'action artistique et culturelle des OGC. Ils prenaient la forme d'aides à la création de 25 millions à 30 millions d'euros. Cet arrêt fragilise brusquement le modèle de financement de la création artistique en France et, plus globalement, en Europe.

Envisagez-vous, à court terme, de compenser et de soutenir les aides à la création artistique ? Entendez-vous mener les actions nécessaires au niveau européen, afin d'obtenir une application pleine et entière du principe de réciprocité avec les États tiers, tout particulièrement avec les États-Unis, quant au droit à une rémunération équitable ?

Protégeons mieux les artistes français et européens !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Ce sujet est extrêmement important. La CJUE a en effet décidé qu'il n'appartenait pas au législateur national de répartir les droits voisins.

Cela bouleverse la pratique française et remet en cause l'usage des sommes irrépartissables, aujourd'hui utiles aux festivals, qui sont en partie financés par ce moyen.

La rétroactivité de la décision est encore en cours d'examen. Dans le contexte économique de la pandémie, cette décision de la CJUE est partiellement inopportune.

Nous avons agi. En premier lieu, l'article 35 de la loi dite Ddadue, du 3 décembre 2020, sécurise pour le passé le système français d'aide à la création et à la production musicale, sous réserve des actions contentieuses introduites avant la publication de la loi. Cela répond à un motif d'intérêt général manifeste : la promotion de la diversité culturelle et artistique. En second lieu, j'ai très fortement sensibilisé nos partenaires européens et alerté le commissaire Thierry Breton ainsi que les eurodéputés français.

Je souhaite qu'un texte législatif soit très rapidement présenté pour conforter notre dispositif de rémunération équitable et appliquer le principe de réciprocité.

Mme Sylvie Robert.  - Dans la période actuelle, cette décision malencontreuse pénalisera encore plus le monde de la culture. Espérons que la présidence portugaise facilitera les choses.

Report de charges des entreprises

Mme Florence Lassarade .  - Certaines entreprises de tous secteurs bénéficient aujourd'hui d'un report de charges auprès de l'Urssaf ou de la mutualité sociale agricole (MSA) ; or ces dettes fiscales cumulées depuis le début de la crise sanitaire sont évidemment importantes.

Compte tenu des pertes subies, les entreprises ne pourront faire face à ces charges fiscales sans mettre en péril leur pérennité. Dans un contexte de crise inédit, quelles seront les dispositions en faveur des entreprises, pour accompagner la sortie du confinement ? L'effacement des dettes fiscales est-il envisagé ?

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le Gouvernement est particulièrement sensible aux difficultés des entreprises et travailleurs indépendants. Il a créé différents dispositifs de soutien aux entreprises en difficulté, comme vous le savez.

Les services de l'État sont mobilisés auprès des entreprises. Les services des impôts des entreprises sont les interlocuteurs privilégiés pour accorder des délais de paiement pour les impôts directs, au cas par cas.

Des plans de règlement spécifique sont prévus, concernant les impôts dus entre le 1er mars et le 31 mai sur 12, 24 ou 36 mois, en fonction du niveau d'endettement. La demande d'étalement de la dette fiscale est à déposer avant le 31 décembre 2020.

Mme Florence Lassarade.  - Une troisième phase de covid est possible.

Vous me répondez sur les impôts en général mais ma question était plus précise : les charges sociales et la fiscalité sont deux choses différentes. Un geste sur les contributions sociales des petites entreprises en particulier serait le bienvenu.

Inquiétudes des salariés des usines Madrange

Mme Isabelle Briquet .  - Le 16 juillet 2020, l'Autorité de la concurrence a condamné la société Cooperl à une amende de plus de 35 millions d'euros pour des faits d'entente. La société a fait appel de la décision et a également déposé une requête de sursis à l'exécution.

Je ne me prononce pas sur le fond de la décision, mais la sanction fait peser un risque sur l'activité du groupe et sur l'emploi, à commencer par les 500 salariés des sites de Feytiat et Limoges. Le communiqué publié par le ministre de l'Économie et des finances le 21 octobre montre que le Gouvernement est vigilant. Quelles mesures concrètes mettra-t-il en oeuvre pour éviter toute casse sociale dramatique ?

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La société Cooperl Arc Atlantique a en effet été sanctionnée à hauteur de 35 millions d'euros pour avoir formé un cartel avec six autres producteurs de jambon et de charcuterie en vue de faire monter les prix entre 2010 et 2012.

Agnès Pannier-Runacher et moi-même sommes tenus au respect de la décision de l'Autorité de la concurrence, qui est une autorité administrative indépendante.

Pour autant, nos services sont en contact avec Cooperl. Un sursis à l'exécution du paiement pourrait être envisagé, ou à défaut, un échelonnement du paiement de l'amende organisé par le service des créances spéciales du Trésor.

Un accord confidentiel a été signé entre Cooperl et la DGFiP sur les modalités d'exécution de l'amende, pour ne pas faire peser de risques sur l'activité du groupe. Cooperl a déclaré que les emplois n'étaient plus menacés.

Mme Isabelle Briquet.  - Merci de votre réponse. Beaucoup d'emplois sont en jeu. N'ajoutons pas de difficultés pour les entreprises dans ce contexte de crise.

Prises de participation étrangères dans le secteur de la santé

M. Stéphane Demilly .  - Nous assistons à une prise de participations d'investisseurs étrangers dans certains secteurs stratégiques pour notre pays, notamment celui de la santé, et en particulier des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En France, près de 7 400 Ehpad accueillent un peu plus de 650 000 personnes âgées dépendantes. Durant la crise du Covid-19, plus de 10 400 personnes y sont malheureusement décédées.

Alors que l'épidémie a mis en évidence le manque de moyens et de personnel dans certains Ehpad, les intérêts privés continuent à s'attaquer à ce véritable business de la santé.

Ainsi, un important groupe d'Ehpad en France, dont l'actionnaire majoritaire est un fonds britannique, bénéficierait d'une structure domiciliée à Jersey pour optimiser ses avantages financiers.

Pour le dire autrement, des profits conséquents réalisés en France par des établissements français s'envolent vers des pays à la fiscalité avantageuse. Les sociétés concernées mobilisent de l'ingénierie financière pour échapper aux règles comptables en vigueur en France. Cette opacité financière est particulièrement choquante.

Pourtant, l'article R153-2 du code monétaire et financier inclut la protection de la santé dans les domaines où les investissements étrangers doivent être soumis à autorisation préalable. La France doit réaffirmer sa souveraineté sanitaire. En outre, ces prises de participation se font au détriment d'investisseurs français. C'est un comble !

On ne peut pas applaudir nos personnels soignants tous les soirs à la fenêtre, regretter les manques de moyens humains et financiers de nos établissements, y injecter des milliards d'euros, tout en fermant les yeux sur cette course indécente au profit dans le secteur juteux de la santé business.

Que compte faire le Gouvernement pour protéger les entreprises françaises des prises de participation étrangères ?

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - La circulation des capitaux est libre, mais par exception, dans certains secteurs, l'article L151-3 du code monétaire et financier impose une autorisation préalable aux investissements étrangers, à travers la procédure dite IUF. Il y a trois conditions cumulatives : la provenance des financements, la nature de l'opération et la nature de la société cible. Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, l'autorisation préalable n'est pas requise.

Le ministre de l'Économie, des finances et de la relance a pris un arrêté incluant les biotechnologies dans la liste des technologies critiques, et les seuils de participation étrangers déclenchant l'autorisation préalable ont été abaissés de 25 à 10 % pour les sociétés cotées, dont l'actionnariat est souvent dispersé.

La France, avec l'Allemagne et l'Italie, a obtenu le règlement européen d'octobre 2020 sur le filtrage des investissements étrangers, qui facilite les échanges entre États membres sur les projets d'investissement. La France a anticipé cette évolution, comme en témoigne la refonte de l'IUF engagée dès 2018.

Transfert à la DGFiP de taxes fiscales perçues par les Douanes

M. Laurent Burgoa .  - Je m'interroge quant à l'opportunité du transfert, à l'horizon 2022-2024, des principales taxes fiscales perçues par la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) au profit de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

La perception des différentes taxes par l'administration des douanes rapportait au budget de l'État plus de 34 milliards d'euros en 2019. En 2019, un transfert de la taxe sur les boissons non alcooliques (BNA) avait déjà eu lieu au profit de la DGFiP, avec pour conséquence une perte notable des recettes : environ 20 % des 500 millions d'euros attendus, même si, je le sais, vous contesterez ces chiffres.

Je n'accable pas la DGFiP qui n'a pas bénéficié d'effectifs supplémentaires. Néanmoins, sa méthode de contrôle ne repose pas sur une intervention physique en entreprise ou un contrôle de la circulation comme pour les douanes, mais sur des contrôles documentaires posteriori.

De plus, à terme, la disparition des bureaux de proximité est en question ; en Occitanie, des petites structures de l'administration douanière ont déjà été fermées qui, pourtant, effectuaient des contrôles dans les sociétés.

Les Douanes ont prouvé leur efficacité, protégeant l'industrie française de distorsions de concurrence et assurant le respect des normes écologiques. S'il n'y a plus de femmes et d'hommes pour veiller sur le terrain à la bonne application des lois, cet hémicycle ne sera plus que le vestige de l'État de droit.

Espérez-vous réellement des économies d'échelle avec cette réforme ?

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Le transfert de collecte de la DGDDI vers la DGFiP s'inscrit dans une rationalisation de la perception des différentes taxes et droits.

La collecte est assurée par environ 250 acteurs, qui constituent autant de guichets. Il n'y aura plus que deux guichets : l'Acoss et la DGFiP.

Nous engageons en parallèle une refonte de l'offre numérique qui permettra aux contribuables de disposer d'une interface unique ; et aux administrations d'avoir une vision unifiée de la perception.

La date butoir de 2024 pour le transfert de la TICPE est suffisamment lointaine pour que chacun s'y adapte.

Les contrôles de la DGFiP sont robustes et en amélioration continue. Enfin, les recettes des BNA sont stables et non en baisse. On peut s'en féliciter, puisque les industriels modifient la composition de leurs boissons pour réduire leur taxation.

Révision des bases fiscales

M. Jean Bacci .  - Depuis plusieurs années, certaines communes sont confrontées à des problématiques budgétaires graves qui entravent leur fonctionnement et détériorent à la fois l'efficacité de leur action et la qualité de vie de leurs habitants. Les bases fiscales établies dans les années 1970 par les services de l'État, fondées sur la valeur locative du bâti de chaque commune, n'ont jamais été révisées depuis.

L'évaluation a été conduite sans cahier des charges ni harmonisation avec les communes avoisinantes. En cinquante ans, certaines communes se sont enrichies, d'autres se sont appauvries et leurs bases fiscales restent inchangées.

Première conséquence : les communes à base fiscale forte financent l'intercommunalité au profit des communes voisines. Seconde conséquence, indirecte, elles sont amenées à baisser leurs taux communaux, ce qui a pour effet une diminution de leur dotation globale de fonctionnement (DGF). In fine, elles n'ont plus de ressources pour investir.

Dans ces conditions, comment les communes pourront-elles investir et participer au plan de relance ? Allez-vous dynamiser les bases fiscales ?

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Depuis 2010, l'administration fiscale travaille à la modernisation des bases fiscales. Ainsi les locaux professionnels ont fait l'objet d'une révision inscrite en loi de finances rectificative pour 2010. En 2013, une première campagne a été menée sur une base déclarative : il était demandé aux contributeurs de décrire leur bien. La réforme est entrée en vigueur au 1er janvier 2017.

Afin de limiter l'impact de cette réforme, un mécanisme de neutralisation a été mis en place pour maintenir la proportion de ces locaux dans les bases d'imposition de chaque commune.

En revanche, la valeur locative des locaux d'habitation reste fixée à son niveau de 1970. L'article 146 de la loi de finances pour 2020 a fixé les modalités de la révision sur la base d'une expérimentation menée dans cinq départements, en partant d'une phase déclarative suivie d'une prise en compte des évolutions du marché. La réforme devrait être prête en 2025 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2026.

Notez également que les bases d'imposition sont revues chaque année lors d'une construction de logement, d'une évolution du bâti ou d'un changement d'affectation. La démolition et la construction sont donc bien prises en compte par l'administration fiscale.

Situation de la filière conchylicole normande

M. Patrice Joly, en remplacement de M. Didier Marie .  - Comme beaucoup de secteurs, la filière de la conchyliculture est mise en difficulté par la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle a déjà été particulièrement affectée par la fermeture de certaines zones de production entre décembre 2019 et février 2020 à cause du norovirus. Depuis la fermeture des brasseries-restaurants où sont traditionnellement commercialisés les coquillages, les possibilités de commercialisation sont restreintes, faute de ventes directes.

Le Gouvernement envisage-t-il des mesures spécifiques, notamment par un abondement supplémentaire de la mesure 55 du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), ou en dégrevant les redevances domaniales ? Il conviendrait également d'exonérer de charges sociales le secteur conchylicole, puisque même en l'absence de recettes, le travail de production et de maintien de cheptel d'animaux vivants se poursuit.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Nous avons pleinement conscience de ces difficultés. La filière conchylicole avait déjà été touchée par le norovirus ; comme celle de la pêche, elle fera l'objet d'un soutien.

La ministre de la Mer Brigitte Girardin a ainsi demandé un abondement des subventions prévues par l'article 55 du Feamp, avec une compensation de la baisse de chiffre d'affaires entre le 1er février et le 31 décembre. Elle a également augmenté le plafond des aides publiques de 250 000 à 300 000 euros, et demandé au ministre Dussopt d'examiner la possibilité d'exonérations de charges accordées par les directions départementales des finances publiques.

Enfin, le plan de relance consacrera 55 millions d'euros à la pêche et à l'aquaculture.

La ministre de la mer fera prochainement un point sur ces questions avec les professionnels. Elle demeure à l'écoute du secteur.

Situation en Palestine

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Alors que la pandémie occupe les esprits, la situation des Palestiniens empire de jour en jour : expropriations, démolitions... Ils sont privés de droits, sans compter la loi du 8 mars 2018 qui permet de bannir les Palestiniens de Jérusalem sous le motif de « défaut d'allégeance ».

Un village bédouin a récemment été détruit, privant de toit 74 personnes dont 41 enfants. Depuis le début de l'année 2020, Israël a détruit plus de 670 structures palestiniennes et privé de toit 869 Palestiniens.

La destruction de propriétés dans des territoires occupés constitue une violation du droit international humanitaire, et le déplacement forcé de populations est un crime de guerre. Nous ne protégeons pas notre compatriote Salah Hamouri et sa famille des persécutions israéliennes.

Enfin, la colonisation en Cisjordanie progresse : plus de 413 000 colons y résident, et cela continue. Une annexion de fait est en cours.

Que compte faire la France ? Va-t-elle se contenter, une nouvelle fois, de condamnations et de regrets ? Ou se décidera-t-elle à stopper la politique du fait accompli ?

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Il n'y a pas d'alternative à la solution à deux États. La France considère comme crucial le maintien de la présence palestinienne à Jérusalem-Est. La poursuite de la colonisation fragilise la confiance entre les parties.

Au-delà des prises de position, la France se coordonne avec ses partenaires européens pour réagir conjointement face à la construction de nouveaux logements - le projet de Givat Hamatos est particulièrement préoccupant, en ce qu'il compromet la solution à deux États.

Nous veillons également à l'inclusion de clauses dans tout accord bilatéral pour marquer la distinction juridique entre le territoire d'Israël et les territoires occupés.

Nous soutenons enfin l'étiquetage différencié entre les produits venant d'Israël et ceux qui viennent des colonies.

Le ministre des Affaires étrangères a souligné devant vous, au mois de juin, qu'une annexion ne saurait être sans conséquences. La normalisation des relations entre Israël et les pays arabes représente une opportunité pour la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens. C'est le sens des efforts entrepris lors de la rencontre entre la France, l'Allemagne, l'Égypte et la Jordanie à Amman en septembre, qui sera suivie d'une autre au Caire.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les réponses n'ont pas changé depuis le mois de juin. Vous nous dites : si cela continue, nous agirons. Or la situation empire de jour en jour, de nouvelles évictions sont planifiées. Mais la parole de la France n'est pas respectée !

Le temps des sanctions est venu. Une majorité de parlementaires vous demande d'agir.

Nouvelle réorganisation des services académiques

M. Patrice Joly .  - Avec la réorganisation des services académiques entrée en vigueur au 1er janvier 2020, les recteurs de région deviendront garants de la cohérence des politiques publiques et fixeront les orientations régionales ; ils auront le gros de l'enveloppe budgétaire, reléguant les recteurs d'académie au rôle d'exécutants chargés de la gestion des crédits courants.

Ainsi se créeront de nouvelles hiérarchies au détriment des territoires ruraux, puisque le pouvoir de décision ira aux grandes métropoles et à des super-recteurs.

La réforme relève d'une philosophie de massification et de concentration, alors que rien ne dit qu'elle répondra mieux aux besoins. Au contraire, la crise sanitaire a révélé combien cette organisation était un facteur de fragilisation.

Comment éviter que les territoires ruraux ne soient lésés ? Des moyens nouveaux seront-ils donnés aux recteurs d'académie ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Le ministère de l'Éducation nationale prend en compte chaque territoire avec ses particularités, ses forces et ses faiblesses.

Trois décrets ont été pris en 2019 pour réorganiser les services académiques, confiant des compétences budgétaires exclusives au recteur de région, qui gère notamment le schéma prévisionnel des formations, la formation professionnelle, l'apprentissage, l'orientation, la lutte contre le décrochage scolaire. Il se voit également attribuer la gestion des fonds européens, les contrats de plan État-région (CPER), la politique d'achats immobiliers, les relations internationales et la coopération.

Mais ces nouvelles compétences s'exercent sous réserve de celles des préfets de région et n'enlèvent rien à celles des recteurs. La gestion des ressources humaines, des établissements privés, de la vie scolaire notamment seront maintenues au niveau académique.

Des travaux sont en cours au sein du ministère pour casser le plafond de verre qui frappe trop souvent les élèves des territoires ruraux.

Prestation de compensation du handicap parentalité

M. Philippe Mouiller .  - Lors de la dernière conférence nationale du handicap, le Président de la République a fait une annonce très attendue par les milliers de parents d'enfants en situation de handicap et leurs associations représentatives, avec la prestation de compensation du handicap (PCH) parentalité.

Mais la mise en oeuvre de cette PCH parentalité suscite beaucoup d'inquiétudes. En effet, les dispositions réglementaires prévoient une aide humaine forfaitaire en fonction de l'âge de l'enfant et non de ses besoins.

À l'argument que les forfaits permettraient aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de répondre plus vite aux sollicitations car elles ne connaissent pas les besoins en parentalité, les parents en situation de handicap répondent qu'elles appliquent déjà la PCH dans son principe, avec une approche individualisée. Elles connaissent déjà les familles, car la mesure est ouverte aux personnes éligibles à la PCH. Au contraire, la mesure forfaitaire nie leur rôle d'instruction, d'évaluation et attribution des droits. De plus, les arguments avancés pour la forfaitisation de la PCH parentalité, annoncée comme limitée à 2021, sont potentiellement reconductibles en 2022.

Enfin, l'enveloppe budgétaire annoncée par le Président de la République ne sera disponible qu'en 2022. Pour 2021, elle sera attribuée sur les budgets départementaux. Quelle réponse apportez-vous aux parents inquiets ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement .  - Cette mesure répond à une attente historique ; elle a fait l'objet d'un avis favorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) le 20 novembre. L'objectif est de déployer les droits des 17 000 familles concernées dès le 1er janvier 2021. L'aide humaine est attribuée sur la base d'un coût de 30 euros par heure.

Nous avons choisi une forfaitisation pour plus de simplicité. Les parents toucheront 900 euros par mois pendant les trois premières années de l'enfant. Ce sera ensuite 450 euros par mois jusqu'à sept ans. Un forfait de 1 200 euros au titre de l'aide technique sera attribué à la naissance, à trois ans et à six ans.

Les délais d'instruction ont été réduits. Il est important d'en assurer la fluidité, alors que les MDPH ont été très affectées par la crise sanitaire.

La CNCPH remettra un rapport d'évaluation en janvier 2022 ; nous serons ainsi en mesure d'affiner les aides, notamment pour les enfants souffrant de plusieurs handicaps.

M. Philippe Mouiller.  - Je vous remercie pour votre réponse précise et technique. Étant moi-même membre du CNCPH, je la connaissais ; mais vous n'avez pas répondu à mes deux inquiétudes, sur la forfaitisation et le mode de financement. Qui va payer ?

Avenir du service de neurochirurgie de la clinique des Franciscaines de Nîmes

Mme Vivette Lopez .  - Depuis 1988, l'établissement des Franciscaines, dans le Gard, est un pôle d'excellence, régulièrement cité dans les classements de la presse nationale. Il fédère un ensemble de services dont la neurochirurgie intracrânienne qui traite 2 000 malades par an et pratique 250 chirurgies crâniennes quand le seuil annuel requis n'est que de 100 par an.

Or une décision de l'ARS menace son agrément : l'offre de soins pourrait disparaître à cause d'une disposition administrative qui impose une réunion de l'activité de neurochirurgie au sein du CHU de Nîmes.

Cette orientation nie l'équilibre inhérent au fondement de la carte sanitaire du territoire et priverait les Gardois d'une prise en charge de qualité. Un seul plateau technique ne sera pas suffisant pour répondre au volume des demandes et à l'évolution des techniques médicales. En outre, elle met à mal une coopération public-privé qui fonctionne parfaitement depuis douze ans.

Alors que la communauté médicale de neurochirurgie et le conseil de l'ordre soutiennent le maintien de deux sites, la clinique des Franciscaines semble faire les frais d'un certain dogmatisme administratif dont la crise du Covid a pourtant révélé les failles.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour sauvegarder cette activité ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Un groupement de coopération sanitaire (GCS) a été constitué dans le Gard ; il réunit l'hôpital des Franciscaines et le CHU de Nîmes. Le dossier d'autorisation d'exercice prévoyait le regroupement, au 1er juillet, de l'ensemble de la neurochirurgie sur un site unique au CHU - pour cela, un bâtiment a été construit pour un coût de 18 millions d'euros, et livré en 2018.

La mutualisation de l'activité garantit une offre optimale. Or début 2020, l'ARS a été informée que le regroupement n'avait pas eu lieu.

Un délai supplémentaire a alors été concédé par l'ARS. Le 2 septembre, le GCS formulait une nouvelle demande, cette fois motivée par une remise en cause de l'opportunité du regroupement dans le bâtiment pourtant spécialement construit pour cela. Au 1er octobre, l'ARS constatait l'absence de mise en conformité et diligentait une inspection.

Cependant, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de l'apaisement, l'ARS a prolongé la dérogation jusqu'à la fin de la procédure. Le ministre des Solidarités et de la santé veut s'assurer que l'activité commencera dans le nouveau bâtiment dans des conditions sereines.

Mme Vivette Lopez. - Merci pour votre réponse. Nous souhaiterions votre soutien pour préserver cette clinique au top de la technologie, qui attire des chirurgiens de toute la France, et même d'Allemagne. Elle correspond au désir de proximité des Français.

Prestation d'accueil et de restauration scolaire en Guyane

Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Ma question porte sur l'expérimentation de la prestation d'accueil et de restauration scolaire (PARS) lancée en Guyane et pilotée par la caisse d'allocations familiales (CAF) de ce département.

La pauvreté touche une personne sur deux en Guyane, mais en 2019, seuls 19 % des enfants ont bénéficié de la PARS du fait de la faible offre de cantine, et du peu de moyens des familles. Certains élèves parcourent de longs trajets, souvent en pirogue, et restent sans déjeuner, ce qui nuit à leur réussite.

Une expérimentation menée avec la CAF, la préfecture, le rectorat et la collectivité territoriale de Guyane sur deux collèges de Saint-Laurent-du-Maroni, avec des paniers repas pour 2 000 élèves, sans contribution des parents, devait être lancée. La pandémie l'a stoppée. Les résultats étaient pourtant positifs, tant sur la scolarité que sur l'apaisement des tensions au sein des collèges.

Envisagez-vous de la prolonger avec des fonds PARS, pour trois ou six mois, afin de permettre un cofinancement par les fonds européens, puis de la généraliser à tous les établissements sans cantine ?

L'égalité des chances est l'honneur de la République.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - La CAF de Guyane a pris en charge à 100 %, sur son budget d'action sociale, les paniers repas distribués aux collégiens de Saint-Laurent-du-Maroni. Cela a permis de ne pas retarder le lancement de l'expérimentation, malgré la crise sanitaire.

La décision interministérielle prévoyait un financement partenarial associant la PARS, le programme de l'Union européenne Lait et fruits à l'école, et la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, avec une participation financière des collectivités territoriales.

Pérennisation, extension ou généralisation ne peuvent s'envisager sans cofinancement. La branche famille n'a pas vocation à se substituer à la collectivité territoriale, responsable de la restauration scolaire. Le cofinancement conditionne aussi le versement de la PARS, qui ne peut financer la totalité du coût des repas et collations.

Dès lors, soit la CAF de Guyane poursuit son soutien, soit d'autres fonds sont mobilisés dans le cadre du programme Lait et fruits à l'école pour assurer le cofinancement de l'initiative.

Infirmières libérales en zone rurale

Mme Anne-Catherine Loisier . - Les cabinets infirmiers demeurent parmi les rares professionnels de santé encore présents dans certaines zones rurales.

Malgré des conditions d'exercices difficiles, ils tentent de pallier le déficit croissant de médecins. Ils font parfois plus de 300 kilomètres par jour, travaillent sept jours sur sept afin de se rendre au chevet de malades âgés et isolés.

Ils sont souvent les derniers professionnels de santé à se déplacer et éprouvent des difficultés à trouver des remplaçants.

Cette situation s'aggrave du fait du vieillissement de la population et de la politique de maintien à domicile. Dans le Morvan, la commune de Saulieu est classée en partie en zone « montagne ». Or les professionnels voient leurs kilomètres facturés au tarif « plaine », dès lors que le cabinet n'est pas situé dans la partie classée « montagne ». Cette aberration administrative accroît encore les difficultés de ces zones déjà défavorisées.

Une adaptation du règlement qui ne s'appuierait pas sur la localisation du cabinet mais prendrait en compte les zones effectives d'intervention s'impose. Il faudrait aussi faire évoluer l'avenant 6 concernant la facturation au-delà de 300 kilomètres journaliers pour les professionnels exerçant en zone « montagne ».

De telles dispositions sont vitales pour rendre plus attractif l'exercice en zone rurale très isolée, et pallier de nouveaux départs.

Comment allez-vous soutenir les infirmières en milieu rural ? Allez-vous réactiver l'avenant 6 ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - Je salue comme vous l'engagement de ces professionnels.

L'article 17-4 de l'avenant 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux concerne la prise en charge des indemnités kilométriques : un abattement de tarif au regard de la distance journalière, défini par cumul des kilomètres facturables après déduction... C'est assez technique. Les nouvelles dispositions limitent les indus et permettent à de nombreux infirmiers libéraux de facturer « en étoile ». Elles résultent des négociations conventionnelles avec les organisations syndicales.

L'avenant 6 a été conclu le 29 mars 2020 avec deux syndicats représentatifs, la Fédération nationale des infirmiers et le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux. Il vise à améliorer l'accès aux soins, notamment par la coordination pluri-professionnelle, l'investissement, la prévention. Pour favoriser l'exercice dans les zones sous-denses, nous apportons une aide forfaitaire à l'installation de 27 500 euros et une aide au maintien de 3 000 euros par an.

Hôpital de Saint-Jean-de-Maurienne

Mme Martine Berthet . - L'hôpital de Saint-Jean-de-Maurienne apporte une offre de soins de proximité à 40 000 habitants, dans une vallée de 100 kilomètres bordée de nombreux villages. Il prend en charge les vacanciers victimes d'accidents, particulièrement dans la pratique des sports d'hiver. Quatre Ehpad lui sont rattachés.

Depuis trois ans, la direction de l'établissement et les élus de la vallée demandent que ce centre hospitalier soit classé, selon les critères de l'arrêté du 4 mars 2015, comme activité de soins isolée réalisée par un établissement situé dans une zone de faible densité. Cependant, parce qu'il est situé à 44 minutes de l'hôpital d'Albertville, il ne peut bénéficier de ce classement, le seuil étant fixé à 45 minutes ! Pourtant, en zone de montagne, le temps de trajet varie en fonction des conditions climatiques et de la fréquentation touristique.

L'hôpital a besoin de nouveaux investissements. Ce classement, auquel est favorable l'ARS, lui permettrait de bénéficier d'un financement complémentaire pour les activités de soins. Cela répondrait aux besoins sociétaux.

Territoires d'industrie, tunnel Lyon-Turin : l'État s'investit beaucoup dans cette vallée, qui compte plusieurs sites Seveso. Laisser l'hôpital à ses difficultés irait à l'encontre de cet effort.

Envisagez-vous d'adapter les critères permettant de bénéficier du statut d'hôpital isolé, notamment en zone de montagne ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - Le forfait Activités isolées a été créé en 2015, pour remédier aux limites du financement au cas par cas des établissements concernés. Il s'agit d'objectiver la notion d'isolement géographique pour assurer un traitement homogène.

Le centre hospitalier de Saint-Jean-de-Maurienne ne remplit pas les conditions d'éligibilité, étant proche du centre hospitalier d'Albertville et du médipôle de Savoie.

Le Gouvernement a pris des engagements forts pour sortir du tout T2A. Les besoins de la population, en matière d'urgences notamment, seront davantage pris en compte par les nouveaux modèles de facturation.

Par ailleurs, le forfait Activités isolées est un correctif trop systématique qui ne répond pas aux problèmes d'attractivité de ces établissements.

Une réflexion est en cours sur une évolution du financement de l'activité obstétrique afin d'intégrer les maternités à faible niveau d'activité. Les patientes dont le domicile est situé à plus de 45 minutes pourront bénéficier des prestations d'hébergement et de transport dans le cadre de la mesure Engagement maternité.

Soyez assurée que le Gouvernement ne laissera pas les habitants, à l'année ou de passage, sans solution.

Prise en charge de l'endométriose

Mme Véronique Guillotin . - Je souhaite interroger le Gouvernement sur le plan d'action pour renforcer la prise en charge de l'endométriose, annoncé le 8 mars 2019. Cette maladie qui touche 10 à 20 % des femmes en âge de procréer reste méconnue et la banalisation de la souffrance pendant les règles provoque un retard de diagnostic moyen de sept ans.

Malgré ses lourdes conséquences sur la vie quotidienne, l'endométriose ne figure pas sur la liste des affections de longue durée (ALD) ouvrant l'exonération du ticket modérateur. J'ai signé, avec Élisabeth Doineau, une lettre appelant à une reconnaissance institutionnelle de la maladie.

La recherche ne permet pas encore de déterminer les origines de la maladie, ce qui limite les traitements. En outre, 30 à 40 % des femmes touchées par l'endométriose rencontrent des problèmes de fertilité, or la conservation des ovocytes reste une pratique marginale. Je souhaite savoir où en sont les recherches et si une information spéciale a été réalisée auprès du personnel médical.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - Le Gouvernement est conscient de l'importance du sujet, d'où le plan lancé par Agnès Buzyn en mars 2019 visant une détection précoce, une meilleure prise en charge et une information sur cette pathologie longtemps tabou.

La détection précoce pourrait être effectuée lors des consultations obligatoires des adolescentes ; il convient en outre de mieux former les professionnels et de mieux accompagner les femmes, notamment sur la question sensible de la fertilité.

En 2019, la CNAM et la Haute Autorité de santé ont lancé un chantier sur la qualité et la pertinence des soins. Sur la base de leurs conclusions, une ALD pourra être envisagée pour les cas sévères.

Le sujet de la préservation de la fertilité sera pris en compte. Enfin, une formation spécifique est prévue depuis la rentrée 2020 en deuxième cycle de médecine et en formation continue, et nous envisageons une formation opérationnelle en troisième cycle. Nous renforçons également la formation des sages-femmes et infirmiers.

L'Inserm a réalisé une cartographie de la recherche française sur le sujet, des publications sont prévues et des colloques organisés.

Nous sommes sur tous les fronts pour améliorer la prise en charge des femmes touchées par cette maladie.

Mme Véronique Guillotin. - Je vous remercie pour votre réponse très complète.

Prochaine séance demain, mercredi 16 décembre 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication