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Table des matières



Conseil économique, social et environnemental (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois

 : [M. Guy Benarroche

 : [M. Thani Mohamed Soilihi

 : [Mme Nathalie Delattre

 : [Mme Marie-Noëlle Lienemann

 : [M. Arnaud de Belenet

 : [M. Jean-Yves Leconte

 : [M. Dany Wattebled

 : [Mme Jacky Deromedi

Question préalable

 : [Mme Muriel Jourda, rapporteur

Code de la sécurité intérieure (Nouvelle lecture)

Discussion générale

 : [Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

 : [M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois

 : [M. Alain Richard

 : [Mme Nathalie Delattre

 : [Mme Éliane Assassi

 : [M. Philippe Bonnecarrère

 : [M. Jean-Yves Leconte

 : [M. Dany Wattebled

 : [Mme Esther Benbassa

 : [Mme Céline Boulay-Espéronnier

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 3

Conseillers de l'Assemblée de Guyane (Procédure Accélérée)

Discussion générale

 : [M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

 : [Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois

 : [Mme Nathalie Delattre

 : [Mme Éliane Assassi

 : [M. Philippe Bonnecarrère

 : [M. Jean-Pierre Sueur

 : [M. Dany Wattebled

 : [M. Guy Benarroche

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

Discussion de l'article unique

Mme Muriel Jourda

Annexes

Ordre du jour du mardi 15 décembre 2020




SÉANCE

du lundi 14 décembre 2020

45e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Conseil économique, social et environnemental (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au Conseil économique, social et environnemental.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous voici à nouveau réunis pour discuter de ce projet de loi organique, relatif au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Sur les quinze articles du texte, sept ont été définitivement adoptés. Plusieurs apports importants du Sénat ont été entérinés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale avec le soutien du Gouvernement, notamment sur la déontologie.

Nous nous accordons tous à considérer que la réforme du CESE est nécessaire. Celle que propose le projet de loi organique est ambitieuse. Ainsi, de jeunes citoyens en devenir pourront, dès l'âge de 16 ans, prendre part à la réflexion et au débat public avec l'abaissement de l'âge ouvrant le droit de pétition.

Je reviendrai sur les points de désaccord avec le Sénat, qui ont conduit la commission des lois à déposer une question préalable.

D'abord, le tirage au sort ne menace en rien la démocratie représentative. Il n'y a ni confusion ni concurrence entre l'avis de citoyens tirés au sort et la souveraineté nationale incarnée par les élus du suffrage universel, qui seuls ont la légitimité démocratique. Au contraire, plus nos concitoyens seront associés au débat public, plus la légitimité des élus sera renforcée. Le CESE a au demeurant déjà eu recours au tirage au sort ces dernières années sans que soit remis en cause l'exercice du droit de vote.

Ensuite, l'effet substitutif de l'avis du CESE, prévu à l'article 6, n'affaiblira pas les études d'impact. Nous sommes tous d'accord pour dire que le CESE n'est pas assez consulté, à cause de la multitude d'organes consultatifs. Nous allons lui rendre son attractivité, garantie par le fait qu'il regroupe des compétences et des profils extrêmement variés qui donnent une grande richesse à ses avis. Nous affirmons le périmètre de l'effet substitutif tout en préservant la consultation d'instances éminentes telles que le Comité des finances locales.

De plus, le CESE pourra toujours consulter, pour ses avis, les instances consultatives compétentes. La nouvelle rédaction de l'article 6 répond à nos craintes et respecte l'intérêt de chacun.

Autre point de désaccord, la composition du Conseil. En diminuant le nombre de membres du CESE, on ne l'affaiblit pas. Depuis 1958, leur nombre a augmenté ; s'est-il pour autant renforcé ? Je ne le crois pas : ce sont deux questions distinctes. Le Gouvernement tient à fixer le nombre des membres du Conseil à 175, soit une baisse de 25 %, et à réorganiser sa composition en quatre catégories dont le détail sera fixé par voie réglementaire après avis d'un comité consultatif.

La représentation de nos outre-mer suscite une attention particulière et légitime de votre assemblée. Des garanties sont apportées. Le Gouvernement a ainsi déposé un amendement à l'Assemblée nationale pour mentionner expressément les outre-mer dans la composition de la troisième catégorie relative à la cohésion territoriale et fixer le nombre de leurs représentants à huit.

Je regrette l'absence d'accord sur la réforme d'une instance constitutionnelle, mais je vous remercie pour la richesse de nos débats. Ils ont permis de parfaire le texte dont nous discutons une dernière fois ensemble.

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois .  - Nous partageons les raisons du dépôt de ce projet de loi organique : redonner une place prépondérante au CESE, assemblée constitutionnelle qui ne remplit pas son rôle puisqu'elle s'autosaisit à 80 %.

Hélas, les mesures proposées n'atteignent pas leur but. Une partie d'entre elles consiste à pérenniser des pratiques déjà établies : en quoi leur inscription dans un projet de loi organique redonnera-t-il sa place au CESE ?

Les autres constituent des nouveautés, et sur ce point nous sommes en désaccord. En quoi la baisse de 25 % du nombre de membres du CESE le rendrait-elle plus efficace ? D'autant qu'on remplacerait une partie de ses membres, qui représentent la société civile organisée, par des personnes tirées au sort. En quoi le tirage au sort palliera-t-il un défaut d'expertise ?

Enfin, un article prévoit que le CESE pourrait se substituer aux organes obligatoirement consultés par le Gouvernement. Mais le Gouvernement est déjà libre de consulter le CESE comme il l'entend, et il ne le fait pas.

Nous n'avons donc pas trouvé d'accord sur ce texte. Je suis satisfaite de certaines avancées votées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Vous indiquez que cela concerne des éléments venus du Sénat mais, en réalité, il s'agit surtout de points de procédure et de déontologie, et nous restons opposés sur le reste.

Pourquoi réduire de 25 % le nombre de membres du CESE ? On nous répond que c'est la volonté du Président de la République. Quant aux motivations, nous n'en saurons pas plus. Nous avions proposé un critère clair, avec la suppression des personnalités qualifiées dont la nomination suscitait souvent le débat ; nous n'avons pas été suivis.

Le tirage au sort, la grande affaire de ce texte, n'est pas la démocratie. En démocratie, le peuple s'exprime directement ou élit des représentants qui répondent de leurs décisions. Le pouvoir ne saurait être dissocié de la responsabilité. De plus, le tirage au sort est « redressé » pour rendre les citoyens représentatifs, selon la méthode du sondage, et les tirés au sort doivent être volontaires.

En réalité, les élus locaux que nous avons été savent qu'il est difficile d'expliquer à des citoyens désignés par cette voie qu'ils n'ont de pouvoir que consultatif. Il suffit d'observer l'actualité pour constater que les personnes tirées au sort veulent du pouvoir, sans la responsabilité : le Président de la République doit ainsi se justifier de ne pas suivre tous les avis de la Convention citoyenne pour le climat.

Nous, sénateurs, ne nous sentons aucunement menacés par le tirage au sort ; seuls les élus détiennent un pouvoir dont ils répondent devant leurs électeurs.

Il n'est nullement mis fin au millefeuille administratif puisque le CESE pourra à son tour consulter d'autres organes consultatifs spécialisés pour établir ses avis sur les études d'impact. C'est la logique Shadok : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué...

À cela s'ajoutent les désaccords sur la composition du CESE. Le Sénat avait modifié la composition de l'un des collèges pour inclure onze représentants des outre-mer. Cela n'a pas été conservé, et la cote mal taillée proposée par l'Assemblée nationale ne nous convient pas.

Je déposerai en conséquence une motion de question préalable car il ne sert plus à rien de débattre de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Guy Benarroche . - Notre démocratie vit une crise de confiance majeure. Ce texte est plus que bienvenu pour mieux reconnaître les corps intermédiaires et accroître la participation de la société civile à la vie démocratique.

Le péché originel de cette réforme est d'être à droit constitutionnel constant. Nous aurions voulu inscrire dans le marbre de la Constitution la participation renforcée des citoyens, car la Convention citoyenne sur le climat a montré l'engouement des Français pour la démocratie participative.

Certains des amendements déposés par le GEST ont été satisfaits en nouvelle lecture. Il convient de prendre en compte le long terme qui permet de donner aux enjeux environnementaux la place qu'ils méritent dans le fonctionnement du CESE.

Le GEST maintient son opposition à l'article 6 qui supprime les consultations obligatoires d'organismes ainsi qu'à la procédure simplifiée, qui reste très peu utilisée.

Le tirage au sort est en revanche une innovation bienvenue, un moyen utile de revitaliser le débat démocratique. Ce n'est aucunement une démocratie de la courte paille comme nous l'avons entendu, mais un enrichissement du processus de concertation susceptible de créer une confiance renouvelée de nos concitoyens.

La Convention citoyenne sur le climat a, à cet égard, été une réussite qui attendait une traduction législative annoncée « sans filtre » - mais ce ne sera hélas pas le cas. Le GEST salue également la saisine du CESE par voie de pétition dès l'âge de 16 ans.

Alors que les effets du changement climatique - approvisionnement en eau, difficultés de l'agriculture, catastrophes naturelles, pertes de biodiversité - se font de plus en plus ressentir, renforcer la place des acteurs de la protection de la nature au sein du CESE relève du bon sens. Nous ne voterons pas la motion de question préalable, car nous souhaitons poursuivre le débat pour continuer à améliorer le texte.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Le groupe RDPI ne regrette pas que nous débattions du texte issu de l'Assemblée nationale, car il intègre des apports bienvenus faisant du CESE un carrefour de la consultation publique.

Sur la forme, le déficit de visibilité du CESE ne rend pas justice à ses travaux, avec un taux d'auto-saisine qui atteint 80 %. L'Assemblée nationale comme le Sénat souhaitent augmenter le nombre de saisines du CESE. Ils se sont accordés sur ce point en adoptant l'article 5 relatif à la procédure simplifiée et l'article relatif à la déontologie de ses membres. Les deux chambres ont aussi consenti au dépôt des pétitions par voie électronique et à la possibilité de les signer dès l'âge de 16 ans. Je sais, monsieur le Garde des Sceaux, combien vous tenez à cette dernière mesure.

En revanche, les articles 4, 6, 7 et 9 ont fait l'objet de désaccords de fond. L'Assemblée nationale a su en partie écouter le Sénat en apportant aux outre-mer une garantie de représentation au titre de la cohésion sociale et territoriale. Nous pourrions discuter du chiffre, ramené de onze à huit pour refléter la baisse de 25 % du nombre total de membres, mais il ne préjuge pas de la désignation de membres issus des outre-mer au sein d'autres catégories.

Les fondements de notre démocratie seraient-ils fragilisés par le tirage au sort ? Il n'est aucunement question de remplacer les membres de la société civile par des citoyens tirés au sort : seule l'élection assoit la décision souveraine.

Enfin, le groupe RDPI se félicite de l'introduction par l'Assemblée nationale de garants de la consultation publique. Aussi le groupe RDPI s'opposera-t-il à la motion portant question préalable.

Mme Nathalie Delattre . - Annoncée dès juillet 2017 comme un chantier institutionnel majeur du Président de la République, la réforme du CESE devait conduire à la chambre du futur, reléguant la révision de 2008 au rang d'un simple dépoussiérage.

J'ai du mal à cacher ma déception face à une telle occasion manquée. Ayant commencé ma carrière professionnelle dans un conseil économique social et environnemental régional (Ceser), je connais la qualité du travail de cette institution.

Face aux critiques récurrentes, il était néanmoins compréhensible de vouloir la réformer pour renforcer la participation des citoyens. Pour autant, pensez-vous construire une chambre « par » et « pour » la société civile en multipliant les pétitions et en systématisant le tirage au sort ? C'est le débat public que réussit à imposer une pétition qui fait de celle-ci un garant de la décision démocratique. Des critères de représentativité géographique et temporelle auraient permis de s'en assurer.

Je rejoins également le rapporteur sur la participation de citoyens tirés au sort : le droit de tirage risque de faire tomber le CESE au rang d'un institut de sondage. Il convient d'encourager l'action responsable et non de demander leur avis à des citoyens non désignés par leurs pairs.

La subrogation de la consultation des avis exprimés dans le cadre de l'élaboration d'une loi est en revanche une bonne chose : le CESE se distingue par sa capacité à recueillir des avis et à en faire la synthèse. La suppression de l'article 2 est elle aussi bienvenue car le contrôle de l'application des lois doit demeurer l'apanage du Parlement.

Le RDSE soutient également le remplacement des personnalités qualifiées du quatrième collège par des personnalités extérieures pouvant être mobilisées au coup par coup sur un sujet particulier.

Au nom de Stéphane Artano, je vous fais part de nos inquiétudes sur la représentation de l'outre-mer au sein du CESE.

Je regrette enfin qu'aucune synergie n'ait été recherchée avec les Ceser, dont le fonctionnement reste inchangé. Décidément, les gouvernements successifs auront eu bien du mal à penser les liens avec les territoires.

Le RDSE est, sur le fond, en total accord avec la commission des lois mais, opposé par principe au recours à la question préalable, votera contre.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - La majorité des propositions du groupe CRCE et du Sénat sur ce texte n'a pas été acceptée par l'Assemblée nationale.

Un CESE fort repose sur la représentation des corps intermédiaires en son sein. Réduire le nombre de ses membres irait à l'encontre de cet objectif. Jamais une assemblée, surtout consultative, n'est paralysée par le nombre de ses votants... Le CESE va ainsi perdre en représentativité, au détriment des petits groupes. Déjà, le logement social était peu représenté.

De plus, faire du CESE un guichet unique de la consultation sur un texte législatif aura pour effet de « shunter » une série de structures consultatives qui ne seront plus entendues.

En revanche, à la différence de la majorité sénatoriale, le CRCE n'a rien contre l'intrusion citoyenne, via les conventions citoyennes tirées au sort ou des pétitions - à condition que le cadre soit clair. Il ne faut pas, comme le fait le Président de la République, promettre à la Convention citoyenne sur le climat de reprendre toutes ses propositions et finalement, par je ne sais quel tour de passe-passe, en abandonner la majorité... On a organisé un face-à-face entre « le peuple » tiré au sort et Dieu le père, c'est-à-dire le Président. Notre groupe défend une conception de la Ve République hostile au présidentialisme. Il aurait été nécessaire de consacrer l'obligation d'une réponse de l'exécutif à la Convention citoyenne : si l'on associe les citoyens, qu'on leur donne au moins des réponses motivées.

Du fait de ce désaccord sur ce dernier sujet, le groupe CRCE s'abstiendra sur la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Arnaud de Belenet . - Nous partageons le constat d'une réforme nécessaire du CESE dont le président, Patrick Bernasconi, plaidait pour une institution incarnant une démocratie « plus participative, plus moderne, plus mature et plus efficace ».

La commission des lois a adopté 21 amendements en première lecture. À l'article premier, il a semblé au Sénat qu'en cas de saisine par le CESE des conseils consultatifs créés auprès de collectivités territoriales ou de groupements, un accord de ces derniers était nécessaire. L'Assemblée nationale n'a retenu qu'une obligation d'information. Je crains que, dans l'exécution du texte, cela ne nourrisse une forme de défiance vis-à-vis de la vie locale.

La suppression du critère géographique et du délai d'un an introduits par le Sénat dans le cadre des saisines par pétition pose elle aussi question.

Le groupe UC votera par conséquent la motion.

Second point de vigilance, l'Assemblée nationale a rétabli la disposition permettant au Gouvernement de s'exonérer des consultations préalables autres que celle du CESE. Cela réclame des précautions particulières : des dispositions co-construites pourraient être remises en cause.

Concernant la Convention citoyenne sur le climat et le Grand débat, il convient de souligner que l'on ne peut se contenter de contester la démocratie représentative : il faut quelque chose de plus réticulaire. Face à la remise en cause du système pyramidal qui prévalait jusqu'à présent, le tirage au sort est-il la panacée ? Probablement pas, mais l'expérimentation sera intéressante pour donner une nouvelle vigueur à nos institutions.

M. Jean-Yves Leconte . - Dans un pays qui débat souvent selon un processus conflictuel, l'organisation de la société civile par le CESE permet des échanges tranquilles sur les divergences d'intérêts qui traversent cette société.

Il est donc regrettable que la réforme de la troisième assemblée constitutionnelle n'ait pu aboutir à un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

La méthode et le contenu du projet de loi organique ne conduiront pas à un changement très radical. Nous aurions pourtant eu besoin d'un CESE capable de réfléchir à la conditionnalité environnementale des aides du plan de relance, à la dette, à la fiscalité qui pèse sur les revenus les plus faibles, à la place de la jeunesse dans notre société, à l'accélération de la révolution numérique, au financement des cultes ou à la liberté d'association.

À la différence de la majorité sénatoriale, le groupe SER estime que la démocratie représentative à la papa, c'est fini ! Il faut expérimenter de nouvelles manières de faire participer les citoyens, alors que la révolution numérique a balayé les partis politiques. À en croire la majorité du Sénat, il n'y a pas de crise démocratique... C'est pourquoi l'article 4 nous convient : il faut tout faire pour que les Français se réapproprient le débat.

Nous rejoignons en revanche nos collègues sur le refus de la réduction du nombre de membres du CESE. En supprimant les précisions de l'ordonnance de 1958 sur la représentation de la vie associative, de la cohésion sociale et des territoires, de la jeunesse et des outre-mer, le Gouvernement se donne de larges marges de manoeuvre sans apporter aucune garantie.

L'Assemblée nationale a balayé les propositions de compromis du Sénat sur l'article 6 comme sur l'article 9. Par conséquent, le groupe SER votera la question préalable tout en soutenant l'idée de faire participer les citoyens à certains débats.

Au CESE de faire vivre cette réforme. Le groupe SER se tiendra à ses côtés, car le CESE est indispensable à la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Dany Wattebled . - Ce projet de loi organique a été adopté sur la base d'un constat commun : la nécessaire réforme d'un CESE qui ne remplit plus convenablement sa mission de trait d'union entre les pouvoirs publics et la société civile organisée, au point que certains plaident pour sa suppression. Concurrencé par d'autres plateformes dont l'expertise est plus spécifique, le CESE s'autosaisit de la plupart de ses dossiers, ce qui interroge.

La CMP du 30 octobre n'a pas abouti en raison de divergences sur des points essentiels : réduction des effectifs du CESE à 175 membres sans critères objectifs, tirage au sort, représentation insuffisante des outre-mer avec huit sièges, alors que les onze voulus par le Sénat auraient garanti la représentation de chaque territoire.

Les membres du CESE ne peuvent continuer à être exemptés des règles déontologiques relatives aux conflits d'intérêts. Aussi, je me réjouis que le Sénat ait été écouté sur ce sujet.

L'institution ancienne qu'est le CESE est, paradoxalement, relativement méconnue et peine à exister. Loin d'en faire une chambre du futur, ce texte propose une réforme en deçà des attentes.

C'est pourquoi le groupe INDEP s'abstiendra.

Mme Jacky Deromedi . - Le groupe Les Républicains ne rejette nullement l'idée d'une rénovation du CESE, qui a un rôle à jouer dans le dialogue avec les forces vives de la Nation et l'appui au législateur.

Le rapporteur, Mme Jourda, a noté que son potentiel était sous-utilisé, tout en rappelant qu'il n'avait pas vocation à être une troisième chambre. Le choix du Gouvernement de procéder à cette réforme à droit constitutionnel constant, empêche tout changement radical.

La vision du Sénat n'est manifestement pas partagée par le Gouvernement, mais il faut saluer la conservation par l'Assemblée nationale des apports sénatoriaux sur l'organisation interne du CESE et sur le dispositif déontologique.

Des points de divergences majeures demeurent toutefois : l'introduction du tirage au sort dans des institutions constitutionnelles, même consultatives, nous semble ainsi incompatible avec la démocratie représentative. De plus, obtenir un échantillon représentatif par tirage au sort, avec les récusations possibles, est très difficile, comme l'a rappelé Philippe Bas lors de la CMP.

Le dispositif de subrogation prévu à l'article 6 permet au Gouvernement de se dispenser de la consultation d'autres organismes si le CESE a été consulté. Or le CESE n'a pas les moyens techniques et administratifs de répondre à la demande, et cela risque d'abîmer à la fois la légitimité du CESE et celle des organismes subrogés.

Enfin, nous regrettons l'absence d'accord sur la consultation des Ceser par le CESE et la réduction du nombre de membres du CESE au détriment des représentants ultramarins.

Pour ne pas prolonger inutilement le débat, le groupe Les Républicains votera la question préalable.

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme M. Jourda, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 129, 2020-2021).

Mme Muriel Jourda, rapporteur . - J'ai défendu cette motion lors de mon intervention en discussion générale.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - J'y suis évidemment défavorable, mais je ne crois pas avoir l'ombre d'une chance de vous convaincre. Comme je n'ai pas le goût de l'effort inutile, je me rassois immédiatement. (Sourires)

M. le président. - Remarquable concision !

La motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°51 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 265
Contre 50

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi organique n'est pas adopté

La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 15.

Code de la sécurité intérieure (Nouvelle lecture)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

Discussion générale

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - J'ai vu, lors de la présentation de la mission « Sécurité » du projet de loi de finances, combien le Parlement est attentif aux dispositions tendant à mieux protéger nos concitoyens.

Il y a trois ans, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) a mis en place un équilibre entre l'efficacité de la lutte contre le terrorisme et la préservation des libertés.

Le niveau extrêmement élevé de la menace requiert toujours les outils nouveaux créés par la loi SILT. Les attaques terroristes devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice nous montrent que nos efforts ne doivent pas se relâcher et que nous devons continuer à agir avec la plus grande détermination contre le terrorisme islamiste.

Depuis 2007, 132 attentats ont été déjoués - dont un en janvier 2020 - grâce aux services de renseignement, que je tiens à saluer ici.

Au 11 décembre 2020, 605 périmètres de protection ont été mis en place ; huit lieux de culte ont été fermés ; 370 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ont été notifiées, dont 63 sont encore actives ; 397 visites domiciliaires effectuées, toujours de manière ciblée et sous le contrôle du juge.

Conformément à l'article 5 de la loi SILT, le Parlement a été informé sans délai de la mise en oeuvre de chacune de ces mesures. Il a également été rendu destinataire, chaque année, d'un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la loi.

Le Gouvernement a fait un usage raisonné de la technique dite de l'algorithme : trois traitements automatisés ont été mis en place après consultation de la Commission nationale du contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)

Ces dispositifs ont montré toute leur pertinence ; mais au regard de l'équilibre fondamental entre les libertés et la lutte anti-terroriste, il importe d'améliorer encore ces textes.

Pérenniser dès à présent, c'est laisser passer l'occasion d'adapter ces dispositions pour qu'elles répondent au mieux aux besoins des services tout en respectant l'équilibre qui a présidé à leur adoption.

Le Gouvernement avait pensé vous soumettre un projet de loi spécifique avant la crise. Les services de renseignement y étaient prêts, mais la mobilisation rendue nécessaire par la crise sanitaire n'a pas permis au débat de se tenir de façon sereine, à quoi il faut ajouter la décision du 6 octobre dernier de la Cour de justice de l'Union européenne.

Il a donc paru opportun au Gouvernement de proroger les dispositifs actuels en attendant un temps plus propice à un débat de fond serein.

Le Gouvernement a doublé les moyens de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis 2015 et recruté mille équivalents temps plein (ETP) dans les services spécialisés dans la lutte antiterroriste, notamment les services de renseignement. Les budgets d'investissement et de fonctionnement des services, que vous avez votés dans la mission « Sécurités », ont également fait l'objet d'un effort sans précédent. Ceux de la DGSI ont pratiquement doublé depuis 2015.

La lutte contre le terrorisme exige de nous une mobilisation totale. Nous ne renoncerons jamais à combattre les ennemis de la République, qui s'attaquent à notre mode de vie et à nos valeurs, parmi lesquelles la laïcité, la liberté d'expression, la liberté de conscience et la liberté de culte.

M. Alain Richard. - Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois . - En matière de lutte contre le terrorisme, la convergence entre l'Assemblée nationale et Sénat est habituellement de mise. Il est rare que députés et sénateurs ne soient pas parvenus à un accord pour doter les services de sécurité des moyens nécessaires.

C'est pourquoi je regrette beaucoup l'échec de la CMP, d'autant que nous n'avons pas de divergence de fond - nous nous accordons sur la loi SILT et sur la technique de l'algorithme - mais de méthode : le Gouvernement et l'Assemblée nationale se contentent d'une prorogation « sèche », sans modification.

Le Sénat valide cette prorogation pour l'algorithme mais pas pour la loi SILT, car elle est inappropriée au niveau de la menace.

Nous avions ainsi étendu la fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte et articulé davantage les Micas avec les mesures judiciaires. Nous avions aussi élargi les possibilités de saisies informatiques dans le cadre d'une visite domiciliaire, lorsque l'occupant des lieux fait obstacle à l'accès aux données présentes sur un support ou un terminal informatiques.

Les récents attentats montrent que nous ne pouvons pas baisser la garde. Les députés ont catégoriquement refusé. À quoi sert-il d'expérimenter si on n'améliore pas après ?

C'est une bonne chose en revanche que l'Assemblée nationale se soit ralliée à la date choisie par le Sénat pour la prorogation de l'algorithme.

La rédaction de l'Assemblée nationale ne proroge la loi SILT que jusqu'au 31 juillet, date à laquelle il faudra avoir débattu de son amélioration...

Nous avons pourtant conduit des auditions, j'ai rédigé deux rapports : le Sénat a travaillé. Pourquoi remettre à plus tard ? Sur le fond, nous sommes en phase !

Madame la ministre, vous dites ne pas vouloir affaiblir l'État dans sa lutte contre le terrorisme, mais vous privez les services de renseignement des améliorations nécessaires pour renforcer leur efficacité.

Vous ne pouvez pas « en même temps » déclarer vouloir livrer une guerre sans merci aux djihadistes et refuser notre proposition d'étendre la mesure de fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte, dans lesquels agissent les prêcheurs de haine, alors même que le ministre de l'Intérieur défend une ligne ferme contre les discours « séparatistes » et lance une offensive médiatique contre les mosquées où sévissent des discours haineux. Il y a là un manque profond de cohérence de la part du Gouvernement.

Nous rétablissons donc le texte pour laisser une chance à l'Assemblée nationale et au Gouvernement de le reprendre à leur compte, conformément à l'esprit de responsabilité dont le Sénat a toujours fait preuve face au défi terroriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Alain Richard . - Nous sommes rassurés sur le fond de ce texte. Les mesures créées par la loi SILT ont été efficaces en matière de lutte contre le terrorisme et leur contrôle par le juge administratif ou le juge judiciaire a été satisfaisant.

Il existe seulement un différend sur la méthode : le Gouvernement et l'Assemblée nationale veulent une simple prorogation de ces mesures quand la majorité sénatoriale souhaite les pérenniser dans la loi. Cela est certes dommageable, mais la ministre l'a dit, il y aura sûrement un texte cet été pour renforcer le cadre légal d'action de nos services de renseignement, notamment sur le sujet des algorithmes.

Il faudra aussi tenir compte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne pris en octobre, qui s'oppose à ce que les États imposent la conservation généralisée et indifférenciée des données par les opérateurs numériques.

De toute manière, s'il doit y avoir des améliorations, par exemple sur la fermeture de sites religieux, et il n'y aura pas longtemps à attendre, d'ici l'été.

C'est pourquoi le groupe RDPI votera le texte du Sénat, en considérant qu'il n'est pas profondément contradictoire avec la position du Gouvernement et que, à l'issue de la lecture définitive, nous aurons une situation opérationnelle et satisfaisante sur le plan juridique.

Mme Nathalie Delattre . - Le 31 décembre 2020, un certain nombre de dispositions du code de la sécurité intérieure prendront fin si le législateur n'intervient pas.

Un débat et une réflexion approfondie sont nécessaires sur un sujet aussi sensible, qui interdit toute forme de légèreté.

La seule poursuite d'une expérimentation sur la technique de l'algorithme peut faire consensus, mais nous devons être attentifs. Le Parlement écrit la loi et la nature de celle-ci n'est pas d'être temporaire. À l'heure du bilan, les circonstances nous imposent d'attendre encore.

Nous entendons qu'il faut un débat que la crise sanitaire empêche, mais on ne peut le repousser inlassablement, d'autant que les travaux d'évaluation existent, tant au Sénat avec la mission pluraliste de la commission des lois en 2017, qu'au Conseil constitutionnel qui s'est exprimé à l'occasion de deux QPC, et a jugé conformes à la Constitution les quatre mesures temporaires de la loi SILT.

Nous ne pouvons renoncer à la stabilité de la loi. Nous voterons majoritairement ce texte.

Mme Éliane Assassi . - Les quatre mesures phares de la loi SILT sont des mesures d'état d'urgence prises après les attentats de 2015. Le Gouvernement propose une prorogation de six mois ; le Sénat veut les entériner immédiatement. Ni l'une ni l'autre position ne nous conviennent.

On nous demande de proroger en procédure accélérée des restrictions de liberté prises sur simple décision administrative. Ce sont les mêmes mesures liberticides de l'état d'urgence contournant le juge judiciaire. Elles sont inefficaces et dangereuses.

Nous venons, hélas, de subir des attentats contre Samuel Paty, symbole du rejet de nos valeurs, ou la basilique de Nice. Ils ont eu lieu sous le régime des mesures de la loi SILT. La plateforme Pharos avait repéré et signalé l'assassin de Samuel Paty plusieurs mois avant son crime abject.

Ces trente dernières années, 16 lois de lutte contre le terrorisme et 32 lois de lutte contre la délinquance ont été adoptées, qui réduisent surtout nos libertés, sans avoir d'effet sur leur objet, qui perdure.

Mieux vaudrait nous attaquer à ce qui nourrit, au fond, le terrorisme : les relations commerciales et diplomatiques avec les pays complaisants doivent être revues ; les moyens des services de renseignements renforcés. La police doit aller sur le terrain pour mettre en oeuvre des actions de prévention.

Un débat digne de ce nom doit se tenir. Comme en première lecture, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

M. Philippe Bonnecarrère . - Nous devons nous interroger collectivement sur les raisons qui ont conduit à cette CMP non conclusive sur un sujet qui, a priori, ne pose pas de problème.

Nous sommes presque tous d'accord sur le caractère positif des quatre mesures phares de la loi SILT. Elles se sont avérées efficaces et l'équilibre entre action anti-terroriste et libertés a été respecté, sous le contrôle du juge administratif.

L'Assemblée nationale a choisi de proroger pour sept mois les mesures de la loi SILT. L'ordre du jour parlementaire du premier semestre 2021 étant très chargé, on comprend mal cette décision. Pourquoi le Gouvernement prépare-t-il un nouveau texte ? Y aura-t-il des surprises ?

L'extension des fermetures administratives aux lieux connexes des lieux de culte était intéressante. Ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement ne l'ont voulu. C'est dommage. Le Sénat va rétablir son texte, mais nous en connaissons l'issue. Sommes-nous dans une forme de querelle de préséance ? Ce serait regrettable s'agissant de la lutte anti-terrorisme et je ne vois pas l'intérêt pour le Gouvernement de se retrouver sous pression sur ce sujet au premier semestre 2021.

Manquent les analyses de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 6 octobre 2020 sur les algorithmes, dont on ne mesure pas totalement les conséquences. A priori, cette décision ne laisse pas de marge sur le chalutage des données. Mais ce n'est pas si clair, car la lutte contre le terrorisme, en particulier l'espionnage, peut être incluse dans la sauvegarde des intérêts nationaux cités par la Cour de justice.

Il serait intéressant de travailler sur ce sujet pour évaluer précisément, d'ici l'été 2021, les marges de manoeuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Yves Leconte . - En première lecture, nous étions invités à nous prononcer sur deux prorogations : celles des quatre mesures phares de la loi SILT et celle de l'expérimentation de la technique de l'algorithme.

Il est déplorable que nous n'ayons pas conclu positivement en CMP, mais la situation est peut-être un peu plus compliquée que ce qu'ont voulu en dire un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale : il ne s'agit pas de savoir si ces mesures sont bonnes ou mauvaises, mais si, au jour le jour, elles sont correctement appliquées.

Il est paradoxal que le Sénat ait lui-même mis en place, en 2017, ce dispositif qui s'autodétruit à la fin 2020.

De fait, ces mesures peuvent être liberticides et nécessitent un contrôle du Parlement. Nous ne pourrons donc pas voter leur pérennisation.

La loi sur le renseignement prévoyait un décret en Conseil d'État sur les conditions des échanges des données de connexion entre les différents services de l'État. Or ce décret n'a jamais été publié. Au mépris de la LOLF, le projet de loi de finances 2021 a créé un dispositif de contrôle des données de connexion, via la CNCTR, qui doit centraliser les demandes et donner des avis au Premier ministre.

En parallèle, un contrôle plus rapide est créé par l'administration fiscale... Et l'on ne connaît pas les conditions des échanges entre administrations !

L'arrêt de la Cour de justice d'octobre 2020 a été pris sur la base des compétences de l'Union Européenne. Or aux termes de l'article 4-2 du traité, les questions de sécurité nationales ne sont pas de la compétence de l'Union ! C'est un paradoxe. Pour régler cette position, il faut réfléchir à une évolution du droit européen.

Nous soutiendrons les dispositions prorogeant les mesures actuelles mais nous refuserons l'absence de contrôle du Parlement. D'où nos amendements qui visent à le renforcer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

M. Dany Wattebled . - La France fait face depuis de nombreuses années à la menace terroriste. Ce risque n'est jamais totalement éliminé. Nous saluons la mémoire des victimes de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice.

Nous devons nous attaquer aux racines de la menace. Le projet de loi confortant les principes de la République nous en fournira l'occasion.

Le présent texte participe à la lutte contre le terrorisme. Nous regrettons que la CMP n'ait pas été conclusive alors que les positions des deux assemblées sont proches et qu'un consensus se dessine sur l'efficacité des mesures de la loi SILT. Toute la question qui demeure est celle-ci : faut-il les proroger ou les entériner sans attendre ?

La crise sanitaire bouleverse le calendrier parlementaire mais ne freine pas le terrorisme. L'urgence de la menace nous commande de suivre le rapporteur et d'intégrer les ajustements proposés par la commission.

Nous attendons avec impatience de pouvoir examiner, dans les meilleurs délais, un texte plus complet sur les mesures de lutte contre le terrorisme.

Mme Esther Benbassa . - Dans la continuité de la loi SILT de 2017, ce texte intègre dans le droit commun des mesures attentatoires aux libertés individuelles et au respect de la vie privée qui arrivent à échéance au 31 décembre 2020.

Le Gouvernement pouvait les pérenniser ou les abroger. Il a choisi de les proroger, considérant que la crise sanitaire risquait de biaiser le débat parlementaire. Mais la procédure accélérée prive le législateur d'un débat approfondi.

Les mesures prorogées à l'article premier sont pourtant majeures : fermetures administratives des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, visites domiciliaires.

L'article 2 proroge l'utilisation des algorithmes, votée en 2015 et déjà prorogée en 2017.

Dès la première lecture, le Sénat a choisi de pérenniser ces mesures, mais la CMP n'a pas été conclusive.

Pour le GEST, ni la prorogation ni la pérennisation ne sont de bonnes solutions. Comment accepter que la loi française fasse ainsi la part belle au soupçon, à l'arbitraire, aux dérives, à la stigmatisation, sans contrôle du juge judiciaire ?

Comment accepter des dispositifs algorithmiques qui n'ont permis d'identifier que dix personnes à risque - et encore, aucune présentant un risque sérieux ?

Il est préférable de doter massivement le renseignement de moyens humains et financiers.

Faute de débat démocratique et de bilan sérieux de ces mesures, le GEST votera contre ce texte comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE ; M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)

Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La mission de suivi de la loi SILT a révélé la pertinence des mesures de la loi. Hélas, et malgré les récents attentats, les députés ont préféré se limiter à une prorogation sèche. Écoles, lieux de culte : aucun sanctuaire n'est à l'abri de la menace islamiste.

Selon les dernières données du ministère de l'Intérieur, 294 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance avaient été prises jusqu'au mois de juin 2020, dont 63 sont toujours en vigueur, et 167 visites ont été réalisées depuis le 1er novembre 2017, preuve que la menace demeure élevée.

Parmi les Français partis faire le djihad entre 1986 et 2011 en Afghanistan, en Bosnie ou en Irak, 60 % ont récidivé à leur retour, selon le Centre d'analyse du terrorisme.

Le Gouvernement perd une occasion d'aller plus loin et plus fort dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Face à un phénomène inconnu, il faut utiliser des armes qui ont démontré leur pertinence.

S'agissant des algorithmes, le report est justifié par les récentes décisions de la Cour de justice relatives au régime de conservation des données par les opérateurs, dont les conséquences n'ont pas encore été tirées. Ce report ne doit pas retarder notre action en la matière. Nous le devons à nos services de renseignement et aux Français.

Je salue l'excellent travail de notre rapporteur. Notre groupe votera ce texte tel qu'amendé par la commission des lois.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa. - L'article premier pérennise les dispositions de la loi SILT qui arrivent à échéance le 31 décembre 2020, à savoir les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les visites domiciliaires et les saisies.

Nous étions déjà opposés en 2017 à l'introduction dans le droit commun de ces mesures issues de l'état d'urgence.

Nous ne souhaitons les voir ni prorogées ni pérennisées, en l'absence d'évaluation de leur pertinence et de leur proportionnalité. Ces dispositions attentatoires aux libertés confèrent un pouvoir exorbitant à l'administration, contournant de fait le contrôle du juge judiciaire.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Cet amendement est contraire à la position de la commission. Après deux ans de pratique, tous les acteurs jugent ces mesures efficaces. Le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution : elles ne portent pas d'atteinte disproportionnée aux droits et aux libertés. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Les mesures que vous proposez de supprimer sont essentielles à la lutte contre le terrorisme. Un équilibre a été ménagé entre préservation de la sécurité publique et libertés fondamentales. Le Parlement y a scrupuleusement veillé, le Conseil constitutionnel l'a confirmé, l'utilisation qu'en fait le Gouvernement l'a démontré. Les forces de sécurité intérieure en font un usage adapté et proportionné à la menace. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Au II de l'article 5 de la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, l'année : « 2020 » est remplacée par l'année : « 2021 ».

M. Jean-Yves Leconte. - Compte tenu du calendrier législatif pour l'année 2021, il serait raisonnable de s'en tenir à une prorogation de ces mesures expérimentales au 31 décembre 2021, avec un contrôle parlementaire de mesures qui, quoi qu'on en dise, sont attentatoires aux libertés.

M. le président. - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

À la fin du II de l'article 5 de la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la date : « 31 décembre 2020 » est remplacée par la date : « 31 juillet 2021 ».

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Nous revenons au texte voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale qui prolonge l'application des mesures de la loi SILT jusqu'au 31 juillet 2021.

Ce délai, certes court, doit nous permettre d'engager un vrai débat sur la pérennisation de dispositions indispensables compte tenu de l'intensité de la menace terroriste. Nous aurons en conséquence l'occasion de débattre du fond au cours du premier semestre 2021. Un report de sept mois paraît suffisant pour permettre un débat éclairé.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable. Compte tenu du calendrier parlementaire qui prévoit un embouteillage de textes au premier semestre, cela nous semble difficile.

Ces mesures doivent être pérennisées : inutile d'attendre, alors que tous les acteurs sont d'accord. Monsieur Leconte, nous ne travaillons pas dans la précipitation, nous avons commis deux rapports. Bien sûr, le Parlement doit contrôler la mise en oeuvre de la loi et il le fera.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable à l'amendement n°2.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Leconte. - Je suis étonné de l'incohérence du Gouvernement : notre amendement ne faisait que reprendre son texte initial ! C'est un comportement d'opportunité et je doute que nous puissions faire un travail sérieux au premier semestre.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

I. - L'article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-1. - Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l'application des mesures prises ou mises en oeuvre par les autorités administratives en application des chapitres VI à IX du présent titre. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. »

M. Jean-Yves Leconte. - C'est une ultime tentative... Ces mesures sont au mieux un mal nécessaire. Tout est dans l'exécution donc dans le contrôle. Nous proposons de renforcer le contrôle parlementaire, afin de s'assurer de la bonne information des groupes minoritaires et d'opposition.

Voter cet amendement enverrait un signe intéressant à l'Assemblée nationale, en montrant que nous sommes réunis pour la sécurité et la défense des libertés.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées. Si ces dispositions sont pérennisées, le contrôle parlementaire se poursuivra, à l'initiative du rapporteur ; comme il est d'usage dans notre commission des lois, tous les groupes y seront associés.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable car il ne nous apparaît pas opportun de procéder à des modifications ponctuelles. Le Parlement aura un débat approfondi sur la pérennisation de ces mesures, qu'il pourra modifier ou compléter si nécessaire ; nous nous y sommes engagés.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission.

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer les mots :

prises sur le fondement du cinquième alinéa

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Amendement de coordination.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.

L'amendement n°7 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Les dispositions de la présente loi sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

M. Jean-Yves Leconte. - Coordination.

M. le président. - Amendement identique n°5, présenté par le Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Coordination.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Par coordination, avis défavorable. (Sourires)

Les amendements identiques nos4 et 5 ne sont pas adoptés.

L'article 3 est adopté.

M. Jean-Yves Leconte. - Comme je l'ai indiqué en discussion générale, nous voterons contre ce texte qui ne permet pas un contrôle renforcé du Parlement sur des mesures attentatoires aux libertés.

Nous doutons en outre que le calendrier annoncé par le Gouvernement permette un débat serein sur des dispositions dont l'essentiel réside dans l'application qu'en fait l'administration.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

La séance, suspendue à 17 h 25, reprend à 17 h 30.

Conseillers de l'Assemblée de Guyane (Procédure Accélérée)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la répartition des sièges de conseiller à l'assemblée de Guyane entre les sections électorales

Discussion générale

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer . - Cette proposition de loi adapte la répartition des conseillers de la collectivité territoriale de Guyane entre les huit sections.

Nous avons souhaité une co-construction entre l'Assemblée nationale et le Sénat car nous ne sommes pas en avance sur le calendrier électoral. L'absence d'amendements permettra un vote conforme. L'ensemble des forces politiques locales et des élus ont été associés - je salue à cet égard Mme la sénatrice Phinera-Horth, qui était encore récemment maire de Cayenne.

Ce texte répond à l'enjeu démocratique. La Guyane est le seul territoire de la République qui n'a pu tenir le calendrier des municipales avant l'automne, et où les élections sénatoriales se sont donc tenues avec un corps électoral partiellement renouvelé. Elle s'est adaptée, avec beaucoup de résilience, à la crise sanitaire.

Enfin, ce texte répond à l'enjeu démographique, qui tient, entre autres, à la natalité élevée en Guyane. Derrière cette adaptation du droit électoral se pose aussi la question de l'accompagnement de cette dynamique en termes d'infrastructures, de réseaux, de carénage des services publics. Questions auxquelles nous avons déjà apporté des réponses dans le projet de loi de finances pour 2021.

Je prie la Haute Assemblée de bien vouloir adopter ce texte.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois . - Cette proposition de loi est un texte d'ajustement : elle adapte le mode de scrutin de l'Assemblée de Guyane à la réalité démographique.

La Guyane est, après Mayotte, le territoire français qui connaît la croissance démographique la plus vive, passant de 259 965 habitants en 2015 à 290 691 habitants au 1er janvier 2020. La répartition de la population évolue, avec une concentration sur l'Ouest guyanais et Saint Laurent-du-Maroni et, dans une moindre mesure, l'agglomération de Cayenne.

Alors que le seuil de 250 000 habitants a été franchi et que celui de 300 000 devrait l'être très prochainement, la proposition de loi prévoit une solution pérenne et souple pour la répartition des sièges de conseiller à l'Assemblée de Guyane.

En l'état actuel du droit, le mode de scrutin prévoit une attribution minimale de trois sièges par section ainsi qu'une prime majoritaire de onze sièges à la liste arrivée en tête, elle-même répartie entre les sections, à raison d'un siège au moins par section.

La proposition de loi inscrit dans la loi non le nombre de sièges, mais les règles de répartition, en renvoyant à un arrêté du préfet de Guyane leur mise en oeuvre avant chaque scrutin.

Cette répartition s'effectuerait proportionnellement à la population de chaque section selon la règle de la plus forte moyenne. La prime majoritaire serait fixée à 20 % du total des sièges - soit, en l'espèce, onze sièges. C'est un choix de continuité, une formalisation et une pérennisation de la répartition actuelle.

La proposition de loi ne présente aucune difficulté de fond.

J'ai consulté autant que faire se peut les élus concernés : Rodolphe Alexandre, Lenaïck Adam, auteur de la proposition de loi, Georges Patient et Marie-Laure Phinera-Horth. J'ai acquis la certitude que le travail de concertation sur ce texte avait fait émerger un consensus sur sa rédaction.

Si la question de la prime majoritaire a pu être évoquée en commission, aucun des élus de terrain auditionnés n'a émis de critique, bien au contraire.

Je me suis aussi assurée de la solidité juridique du texte, proposant à mon homologue Lenaïck Adam des amendements qui, adoptés à l'Assemblée nationale, ont utilement clarifié la rédaction.

Conformément au rapport de Jean-Louis Debré relatif à l'organisation des élections départementales et régionales, les élections en Guyane pourraient être maintenues au mois de mars 2021, si les conditions sanitaires le permettent. Cela impliquerait un vote du Parlement avant le 31 décembre 2020, et donc une adoption conforme au Sénat.

Tel qu'issu de l'Assemblée nationale, ce texte apparaît équilibré politiquement et solide juridiquement. Je vous invite à l'adopter sans modifications. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Nathalie Delattre . - En mars prochain, les Guyanais se rendront aux urnes pour renouveler leur assemblée. Au préalable, il nous faut réviser le droit électoral pour tenir compte du dynamisme démographique de ce territoire.

Je me félicite du consensus trouvé. Les ajustements de conditions de scrutin sont parfois regardés avec suspicion, mais en l'occurrence, ce texte est salué comme une avancée par tous les acteurs locaux.

Le nombre d'habitants de la Guyane a dépassé les 280 000, avec une croissance de 30 % en dix ans. Le dispositif proposé consiste en une répartition des sièges entre les sections, proportionnellement à leur population : il permet d'éviter d'avoir à légiférer à nouveau à chaque fois que la population dépasse un seuil.

Il conserve la prime majoritaire existante, nécessaire pour constituer des majorités stables, en simplifiant le droit. Il y a lieu de s'en féliciter.

Plus largement, les changements démographiques en Guyane vont avoir des conséquences puissantes dans les années à venir. À quelques jours de la loi anniversaire du 9 décembre 1905 et de la présentation de la loi confortant les principes républicains, la Guyane est confrontée à une montée en puissance de dérives religieuses et communautaristes. Il faudra veiller à l'usage qui est fait des dérogations dont elle jouit en matière de laïcité... À cet égard, j'encourage les collègues du CRCE à inscrire à l'ordre du jour leur proposition de loi sur le sujet.

Le RDSE votera unanimement ce texte.

Mme Éliane Assassi . - Ce texte fait consensus ; il relève d'un impératif démocratique urgent puisqu'il a vocation à s'appliquer dès les prochaines élections, prévues en mars 2021.

Plutôt que d'adapter le nombre de conseillers, il inscrit dans la loi les règles de calculs afin de ne pas avoir à légiférer à nouveau alors que le seuil de 299 999 habitants pourrait être rapidement dépassé. Le représentant de l'État fixera la répartition avant chaque échéance électorale, pour le nombre de conseillers de chacune des huit sections comme pour la prime majoritaire.

Avec un taux de natalité de 26,4 %, la population guyanaise a en effet crû deux fois plus vite que dans les autres départements. Cela a un impact en termes d'infrastructures, de services publics, de qualité de vie. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous regrettons l'insuffisance des crédits consacrés à l'outre-mer, sans parler de leur sous-consommation.

L'épidémie a révélé les défaillances structurelles du système de santé guyanais, aggravées par la pauvreté et la précarité. Les mouvements de protestation en 2017 avaient pourtant alerté sur la situation... Une étude révèle que deux ménages sur cinq ont une alimentation insuffisante ; la moitié dispose de 30 euros ou moins par semaine pour se nourrir !

Ces jeunes, qui représentent 40 % de la population, sont les premiers touchés. Une personne sur cinq est illettrée et les écoles sont saturées dès la maternelle. Seuls 58 % des 25-29 ans sont en activité, contre 86 % en métropole.

Des investissements considérables sont attendus, notamment dans le secteur public.

Nous voterons ce texte de bon sens mais les institutions démocratiques ont peu de consistance sans une égalité de droits et sans justice sociale.

M. Philippe Bonnecarrère . - La présidente Assassi vient de nous rappeler les spécificités de ce territoire. Cela dit, l'exercice qui nous est proposé ce soir est modeste.

Je découvre, grâce à Mme la rapporteure, la notion de texte « d'ajustement ». Sans être exclusivement rédactionnel, il n'a pas de vocation réformatrice mais se contente d'un ajustement marginal pour tirer les conséquences électorales de la croissance démographique actuelle et à venir, en supprimant la référence à des seuils et en prévoyant des modalités de répartition des sièges selon les différentes sections.

Le groupe UC n'aura pas le mauvais goût d'émettre de réserve, sachant que la proposition de loi doit être adoptée définitivement avant le 31 décembre.

Il semble que la prime majoritaire à 20 % ait été jugée excessive par certains collègues en commission, qui ont nuancé l'approbation des différentes forces politiques du territoire. Pourtant aux municipales, elle est plus importante ; aux régionales à la proportionnelle, scrutin qui s'apparente le plus à celui qui nous intéresse ici, elle est de 25 %. Le niveau retenu me paraît donc raisonnable.

L'Union Centriste votera le texte.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le 24 janvier 2010, à plus de 57 %, les Guyanais ont approuvé la fusion du département et de la région en une collectivité unique.

Le code électoral fixe un nombre de conseillers et dispose que si la population dépasse les 249 999 habitants, leur nombre est porté à 55. Lors des prochaines élections territoriales, le nombre de conseillers territoriaux de Guyane passera donc de 51 à 55.

En dix ans, la population de Guyane a augmenté de 10 % avec un taux de natalité de 26,4 % contre 11,1 % en moyenne dans les autres départements ; une personne sur deux a moins de 25 ans. Cela fait de la Guyane un territoire plein d'avenir et de jeunesse, mais implique aussi beaucoup de charges, et donc de moyens.

Une nouvelle modification législative serait nécessaire dans peu de temps vu le dynamisme démographique. Ce texte l'évite en fixant des règles de calcul pérennes.

Mais pourquoi un arrêté du préfet de Guyane et non du ministre de l'Intérieur ou de l'outre-mer pour la mise en oeuvre de ces règles ? Selon la rapporteure, il n'y a pas de risque constitutionnel.

La proposition de loi place le pouvoir réglementaire en situation de compétence liée. L'intervention ministérielle n'est donc pas nécessaire. Les choses sont claires.

Nous avons été saisis par certains Guyanais du sujet de la prime majoritaire. Avec 54,5 % des voix, la liste Guyane Rassemblement a remporté 35 sièges aux dernières élections territoriales, tandis que son opposante, avec 45,5 %, a remporté 16 sièges.

Après réflexion, je rejoins les propos de M. Bonnecarrère sur la prime majoritaire. Personne ne la remet en cause ailleurs. Elle est de 25 % pour les régionales en métropole, en Guadeloupe et à La Réunion et de 20 % en Martinique. Il est sage de ne pas toucher à la cohérence d'ensemble.

C'est pourquoi le groupe SER votera cette proposition de loi.

M. Dany Wattebled . - Cette proposition de loi se caractérise par son aspect technique, son urgence et le consensus qu'elle recueille.

La Guyane est une collectivité territoriale unique dont les conseillers sont élus pour six ans. La liste majoritaire reçoit une prime de onze sièges.

Le nombre de conseillers doit passer de 51 à 55 sièges si la population dépasse les 249 999 habitants et à 61 sièges si elle dépasse 299 999 habitants. Le premier de ces seuils sera dépassé en Guyane prochainement.

La répartition du nombre de conseillers entre les huit sections électorales doit être révisée, mais au lieu d'inscrire le nombre de sièges dans la loi, c'est la règle de calcul qui l'est.

Chaque section disposera d'au moins trois sièges. La prime majoritaire sera de 20 % des sièges et correspond à onze sièges. Elle passera automatiquement à treize sièges lorsque le nombre de conseillers atteindra 61.

Nous n'aurons donc plus besoin de légiférer à chaque franchissement de seuil.

Je me réjouis du consensus sur le mécanisme proposé.

Le groupe INDEP votera à l'unanimité en faveur de ce texte.

M. Guy Benarroche . - La Guyane est un territoire en évolution constante, pas seulement démographique.

Elle fait face à de forts enjeux environnementaux, et les Guyanais attendent avec angoisse les décisions du Gouvernement sur leur avenir minier.

Je fais cet aparté car beaucoup a été dit sur l'organisation de l'assemblée territoriale de Guyane et sur le dispositif de la proposition de loi. La Guyane connaît des enjeux de développement économique immenses. Certaines zones très éloignées craignent un déclassement au profit des trois territoires les plus peuplés, qui représentent plus de la majorité absolue de la nouvelle assemblée territoriale.

Cette inquiétude est atténuée par l'assurance que chaque section comptera au moins trois sièges. Toutefois, le Bureau des élections du ministère de l'Intérieur envisagerait de revenir sur ce seuil minimal en cas de changements importants dans la répartition démographique. Ce ne serait pas admissible, alors que certains territoires excentrés sont confrontés à des enjeux de biodiversité, économiques, sociaux ou médicaux.

Cette proposition de loi doit être adoptée rapidement car l'agenda électoral est contraint : le rapport Debré n'exclut pas le maintien de l'élection de l'Assemblée de Guyane en mars prochain.

Vigilant sur les déséquilibres démographiques, le GEST votera néanmoins ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Cette proposition de loi, déposée par Lénaïck Adam, député de Guyane, n'entraîne aucune modification du mode de scrutin mais permettra une meilleure représentation des populations à l'assemblée territoriale.

Je remercie la rapporteure pour la qualité de son travail. Elle a su saisir le consensus de la classe politique guyanaise sur les objectifs de ce texte et la nécessité de l'adopter avant le 31 décembre 2020 pour permettre la tenue des élections en mars 2021. L'arrêté préfectoral répartissant par sections les sièges de la nouvelle assemblée devra être pris avant le 15 janvier.

Je profite de ce texte pour évoquer un sujet important. La démographie est galopante en Guyane avec une très forte natalité, la plus élevée en France après Mayotte, une mortalité très faible et une pression migratoire élevée et en augmentation.

Dans ces conditions, nous nous interrogeons sur les chiffres du recensement. Comment expliquer aux Guyanais qui voient proliférer les bidonvilles et les squats que nous n'avons toujours pas franchi le seuil des 300 000 habitants, sur un territoire aussi grand que le Portugal ? Qu'avec 290 000 habitants, nous produirions autant de déchets que 300 000 Nantais, avec un système de collecte des ordures pourtant défaillant, voire inexistant ?

Le rapport Patient-Cazeneuve, dans sa recommandation n°5, fait état des difficultés de recensement. Il faudrait que l'Insee et les communes réalisent des collectes plus précises, notamment dans l'habitat informel, en bordure des fleuves et dans les zones d'orpaillage illégal car nous sommes loin du compte.

Ancienne maire de Cayenne, je tiens à souligner que la sous-estimation de la population a de nombreuses conséquences, notamment sur la dotation générale de fonctionnement (DGF), principale contribution au budget des communes guyanaises. Les écoles de Guyane ne peuvent pas scolariser l'ensemble des enfants et nombre de jeunes sont en déshérence. Nous manquons aussi de logements.

Monsieur le ministre, faites en sorte que l'État et ses services déconcentrés mettent en oeuvre un recensement plus efficace et précis. Le groupe RDPI votera ce texte essentiel à la démocratie guyanaise. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

Mme Muriel Jourda .  - Le groupe Les Républicains votera ce texte qui introduit une souplesse bienvenue dans le calcul de la répartition des sièges à l'assemblée de Guyane.

Nous saluons aussi le travail de la rapporteure Belrhiti qui a innové en procédant, avec l'Assemblée nationale, à une sorte de CMP préventive afin que le texte puisse être adopté conforme.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mardi 15 décembre 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 25.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 15 décembre 2020

Séance publique

À 14 h 30 et de 18 h 15 à 21 heures

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président,

Secrétaires : MM. Loïc Hervé et Jacques Grosperrin

1. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n°196, 2020-2021)

2. Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020

3. Trente questions orales