Code de la sécurité intérieure (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.
Discussion générale
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - J'ai vu, lors de la présentation de la mission « Sécurité » du projet de loi de finances, combien le Parlement est attentif aux dispositions tendant à mieux protéger nos concitoyens.
Il y a trois ans, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) a mis en place un équilibre entre l'efficacité de la lutte contre le terrorisme et la préservation des libertés.
Le niveau extrêmement élevé de la menace requiert toujours les outils nouveaux créés par la loi SILT. Les attaques terroristes devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice nous montrent que nos efforts ne doivent pas se relâcher et que nous devons continuer à agir avec la plus grande détermination contre le terrorisme islamiste.
Depuis 2007, 132 attentats ont été déjoués - dont un en janvier 2020 - grâce aux services de renseignement, que je tiens à saluer ici.
Au 11 décembre 2020, 605 périmètres de protection ont été mis en place ; huit lieux de culte ont été fermés ; 370 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ont été notifiées, dont 63 sont encore actives ; 397 visites domiciliaires effectuées, toujours de manière ciblée et sous le contrôle du juge.
Conformément à l'article 5 de la loi SILT, le Parlement a été informé sans délai de la mise en oeuvre de chacune de ces mesures. Il a également été rendu destinataire, chaque année, d'un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la loi.
Le Gouvernement a fait un usage raisonné de la technique dite de l'algorithme : trois traitements automatisés ont été mis en place après consultation de la Commission nationale du contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)
Ces dispositifs ont montré toute leur pertinence ; mais au regard de l'équilibre fondamental entre les libertés et la lutte anti-terroriste, il importe d'améliorer encore ces textes.
Pérenniser dès à présent, c'est laisser passer l'occasion d'adapter ces dispositions pour qu'elles répondent au mieux aux besoins des services tout en respectant l'équilibre qui a présidé à leur adoption.
Le Gouvernement avait pensé vous soumettre un projet de loi spécifique avant la crise. Les services de renseignement y étaient prêts, mais la mobilisation rendue nécessaire par la crise sanitaire n'a pas permis au débat de se tenir de façon sereine, à quoi il faut ajouter la décision du 6 octobre dernier de la Cour de justice de l'Union européenne.
Il a donc paru opportun au Gouvernement de proroger les dispositifs actuels en attendant un temps plus propice à un débat de fond serein.
Le Gouvernement a doublé les moyens de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis 2015 et recruté mille équivalents temps plein (ETP) dans les services spécialisés dans la lutte antiterroriste, notamment les services de renseignement. Les budgets d'investissement et de fonctionnement des services, que vous avez votés dans la mission « Sécurités », ont également fait l'objet d'un effort sans précédent. Ceux de la DGSI ont pratiquement doublé depuis 2015.
La lutte contre le terrorisme exige de nous une mobilisation totale. Nous ne renoncerons jamais à combattre les ennemis de la République, qui s'attaquent à notre mode de vie et à nos valeurs, parmi lesquelles la laïcité, la liberté d'expression, la liberté de conscience et la liberté de culte.
M. Alain Richard. - Très bien !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois . - En matière de lutte contre le terrorisme, la convergence entre l'Assemblée nationale et Sénat est habituellement de mise. Il est rare que députés et sénateurs ne soient pas parvenus à un accord pour doter les services de sécurité des moyens nécessaires.
C'est pourquoi je regrette beaucoup l'échec de la CMP, d'autant que nous n'avons pas de divergence de fond - nous nous accordons sur la loi SILT et sur la technique de l'algorithme - mais de méthode : le Gouvernement et l'Assemblée nationale se contentent d'une prorogation « sèche », sans modification.
Le Sénat valide cette prorogation pour l'algorithme mais pas pour la loi SILT, car elle est inappropriée au niveau de la menace.
Nous avions ainsi étendu la fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte et articulé davantage les Micas avec les mesures judiciaires. Nous avions aussi élargi les possibilités de saisies informatiques dans le cadre d'une visite domiciliaire, lorsque l'occupant des lieux fait obstacle à l'accès aux données présentes sur un support ou un terminal informatiques.
Les récents attentats montrent que nous ne pouvons pas baisser la garde. Les députés ont catégoriquement refusé. À quoi sert-il d'expérimenter si on n'améliore pas après ?
C'est une bonne chose en revanche que l'Assemblée nationale se soit ralliée à la date choisie par le Sénat pour la prorogation de l'algorithme.
La rédaction de l'Assemblée nationale ne proroge la loi SILT que jusqu'au 31 juillet, date à laquelle il faudra avoir débattu de son amélioration...
Nous avons pourtant conduit des auditions, j'ai rédigé deux rapports : le Sénat a travaillé. Pourquoi remettre à plus tard ? Sur le fond, nous sommes en phase !
Madame la ministre, vous dites ne pas vouloir affaiblir l'État dans sa lutte contre le terrorisme, mais vous privez les services de renseignement des améliorations nécessaires pour renforcer leur efficacité.
Vous ne pouvez pas « en même temps » déclarer vouloir livrer une guerre sans merci aux djihadistes et refuser notre proposition d'étendre la mesure de fermeture administrative aux lieux connexes aux lieux de culte, dans lesquels agissent les prêcheurs de haine, alors même que le ministre de l'Intérieur défend une ligne ferme contre les discours « séparatistes » et lance une offensive médiatique contre les mosquées où sévissent des discours haineux. Il y a là un manque profond de cohérence de la part du Gouvernement.
Nous rétablissons donc le texte pour laisser une chance à l'Assemblée nationale et au Gouvernement de le reprendre à leur compte, conformément à l'esprit de responsabilité dont le Sénat a toujours fait preuve face au défi terroriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Alain Richard . - Nous sommes rassurés sur le fond de ce texte. Les mesures créées par la loi SILT ont été efficaces en matière de lutte contre le terrorisme et leur contrôle par le juge administratif ou le juge judiciaire a été satisfaisant.
Il existe seulement un différend sur la méthode : le Gouvernement et l'Assemblée nationale veulent une simple prorogation de ces mesures quand la majorité sénatoriale souhaite les pérenniser dans la loi. Cela est certes dommageable, mais la ministre l'a dit, il y aura sûrement un texte cet été pour renforcer le cadre légal d'action de nos services de renseignement, notamment sur le sujet des algorithmes.
Il faudra aussi tenir compte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne pris en octobre, qui s'oppose à ce que les États imposent la conservation généralisée et indifférenciée des données par les opérateurs numériques.
De toute manière, s'il doit y avoir des améliorations, par exemple sur la fermeture de sites religieux, et il n'y aura pas longtemps à attendre, d'ici l'été.
C'est pourquoi le groupe RDPI votera le texte du Sénat, en considérant qu'il n'est pas profondément contradictoire avec la position du Gouvernement et que, à l'issue de la lecture définitive, nous aurons une situation opérationnelle et satisfaisante sur le plan juridique.
Mme Nathalie Delattre . - Le 31 décembre 2020, un certain nombre de dispositions du code de la sécurité intérieure prendront fin si le législateur n'intervient pas.
Un débat et une réflexion approfondie sont nécessaires sur un sujet aussi sensible, qui interdit toute forme de légèreté.
La seule poursuite d'une expérimentation sur la technique de l'algorithme peut faire consensus, mais nous devons être attentifs. Le Parlement écrit la loi et la nature de celle-ci n'est pas d'être temporaire. À l'heure du bilan, les circonstances nous imposent d'attendre encore.
Nous entendons qu'il faut un débat que la crise sanitaire empêche, mais on ne peut le repousser inlassablement, d'autant que les travaux d'évaluation existent, tant au Sénat avec la mission pluraliste de la commission des lois en 2017, qu'au Conseil constitutionnel qui s'est exprimé à l'occasion de deux QPC, et a jugé conformes à la Constitution les quatre mesures temporaires de la loi SILT.
Nous ne pouvons renoncer à la stabilité de la loi. Nous voterons majoritairement ce texte.
Mme Éliane Assassi . - Les quatre mesures phares de la loi SILT sont des mesures d'état d'urgence prises après les attentats de 2015. Le Gouvernement propose une prorogation de six mois ; le Sénat veut les entériner immédiatement. Ni l'une ni l'autre position ne nous conviennent.
On nous demande de proroger en procédure accélérée des restrictions de liberté prises sur simple décision administrative. Ce sont les mêmes mesures liberticides de l'état d'urgence contournant le juge judiciaire. Elles sont inefficaces et dangereuses.
Nous venons, hélas, de subir des attentats contre Samuel Paty, symbole du rejet de nos valeurs, ou la basilique de Nice. Ils ont eu lieu sous le régime des mesures de la loi SILT. La plateforme Pharos avait repéré et signalé l'assassin de Samuel Paty plusieurs mois avant son crime abject.
Ces trente dernières années, 16 lois de lutte contre le terrorisme et 32 lois de lutte contre la délinquance ont été adoptées, qui réduisent surtout nos libertés, sans avoir d'effet sur leur objet, qui perdure.
Mieux vaudrait nous attaquer à ce qui nourrit, au fond, le terrorisme : les relations commerciales et diplomatiques avec les pays complaisants doivent être revues ; les moyens des services de renseignements renforcés. La police doit aller sur le terrain pour mettre en oeuvre des actions de prévention.
Un débat digne de ce nom doit se tenir. Comme en première lecture, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)
M. Philippe Bonnecarrère . - Nous devons nous interroger collectivement sur les raisons qui ont conduit à cette CMP non conclusive sur un sujet qui, a priori, ne pose pas de problème.
Nous sommes presque tous d'accord sur le caractère positif des quatre mesures phares de la loi SILT. Elles se sont avérées efficaces et l'équilibre entre action anti-terroriste et libertés a été respecté, sous le contrôle du juge administratif.
L'Assemblée nationale a choisi de proroger pour sept mois les mesures de la loi SILT. L'ordre du jour parlementaire du premier semestre 2021 étant très chargé, on comprend mal cette décision. Pourquoi le Gouvernement prépare-t-il un nouveau texte ? Y aura-t-il des surprises ?
L'extension des fermetures administratives aux lieux connexes des lieux de culte était intéressante. Ni l'Assemblée nationale ni le Gouvernement ne l'ont voulu. C'est dommage. Le Sénat va rétablir son texte, mais nous en connaissons l'issue. Sommes-nous dans une forme de querelle de préséance ? Ce serait regrettable s'agissant de la lutte anti-terrorisme et je ne vois pas l'intérêt pour le Gouvernement de se retrouver sous pression sur ce sujet au premier semestre 2021.
Manquent les analyses de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 6 octobre 2020 sur les algorithmes, dont on ne mesure pas totalement les conséquences. A priori, cette décision ne laisse pas de marge sur le chalutage des données. Mais ce n'est pas si clair, car la lutte contre le terrorisme, en particulier l'espionnage, peut être incluse dans la sauvegarde des intérêts nationaux cités par la Cour de justice.
Il serait intéressant de travailler sur ce sujet pour évaluer précisément, d'ici l'été 2021, les marges de manoeuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Yves Leconte . - En première lecture, nous étions invités à nous prononcer sur deux prorogations : celles des quatre mesures phares de la loi SILT et celle de l'expérimentation de la technique de l'algorithme.
Il est déplorable que nous n'ayons pas conclu positivement en CMP, mais la situation est peut-être un peu plus compliquée que ce qu'ont voulu en dire un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale : il ne s'agit pas de savoir si ces mesures sont bonnes ou mauvaises, mais si, au jour le jour, elles sont correctement appliquées.
Il est paradoxal que le Sénat ait lui-même mis en place, en 2017, ce dispositif qui s'autodétruit à la fin 2020.
De fait, ces mesures peuvent être liberticides et nécessitent un contrôle du Parlement. Nous ne pourrons donc pas voter leur pérennisation.
La loi sur le renseignement prévoyait un décret en Conseil d'État sur les conditions des échanges des données de connexion entre les différents services de l'État. Or ce décret n'a jamais été publié. Au mépris de la LOLF, le projet de loi de finances 2021 a créé un dispositif de contrôle des données de connexion, via la CNCTR, qui doit centraliser les demandes et donner des avis au Premier ministre.
En parallèle, un contrôle plus rapide est créé par l'administration fiscale... Et l'on ne connaît pas les conditions des échanges entre administrations !
L'arrêt de la Cour de justice d'octobre 2020 a été pris sur la base des compétences de l'Union Européenne. Or aux termes de l'article 4-2 du traité, les questions de sécurité nationales ne sont pas de la compétence de l'Union ! C'est un paradoxe. Pour régler cette position, il faut réfléchir à une évolution du droit européen.
Nous soutiendrons les dispositions prorogeant les mesures actuelles mais nous refuserons l'absence de contrôle du Parlement. D'où nos amendements qui visent à le renforcer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)
M. Dany Wattebled . - La France fait face depuis de nombreuses années à la menace terroriste. Ce risque n'est jamais totalement éliminé. Nous saluons la mémoire des victimes de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice.
Nous devons nous attaquer aux racines de la menace. Le projet de loi confortant les principes de la République nous en fournira l'occasion.
Le présent texte participe à la lutte contre le terrorisme. Nous regrettons que la CMP n'ait pas été conclusive alors que les positions des deux assemblées sont proches et qu'un consensus se dessine sur l'efficacité des mesures de la loi SILT. Toute la question qui demeure est celle-ci : faut-il les proroger ou les entériner sans attendre ?
La crise sanitaire bouleverse le calendrier parlementaire mais ne freine pas le terrorisme. L'urgence de la menace nous commande de suivre le rapporteur et d'intégrer les ajustements proposés par la commission.
Nous attendons avec impatience de pouvoir examiner, dans les meilleurs délais, un texte plus complet sur les mesures de lutte contre le terrorisme.
Mme Esther Benbassa . - Dans la continuité de la loi SILT de 2017, ce texte intègre dans le droit commun des mesures attentatoires aux libertés individuelles et au respect de la vie privée qui arrivent à échéance au 31 décembre 2020.
Le Gouvernement pouvait les pérenniser ou les abroger. Il a choisi de les proroger, considérant que la crise sanitaire risquait de biaiser le débat parlementaire. Mais la procédure accélérée prive le législateur d'un débat approfondi.
Les mesures prorogées à l'article premier sont pourtant majeures : fermetures administratives des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, visites domiciliaires.
L'article 2 proroge l'utilisation des algorithmes, votée en 2015 et déjà prorogée en 2017.
Dès la première lecture, le Sénat a choisi de pérenniser ces mesures, mais la CMP n'a pas été conclusive.
Pour le GEST, ni la prorogation ni la pérennisation ne sont de bonnes solutions. Comment accepter que la loi française fasse ainsi la part belle au soupçon, à l'arbitraire, aux dérives, à la stigmatisation, sans contrôle du juge judiciaire ?
Comment accepter des dispositifs algorithmiques qui n'ont permis d'identifier que dix personnes à risque - et encore, aucune présentant un risque sérieux ?
Il est préférable de doter massivement le renseignement de moyens humains et financiers.
Faute de débat démocratique et de bilan sérieux de ces mesures, le GEST votera contre ce texte comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE ; M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La mission de suivi de la loi SILT a révélé la pertinence des mesures de la loi. Hélas, et malgré les récents attentats, les députés ont préféré se limiter à une prorogation sèche. Écoles, lieux de culte : aucun sanctuaire n'est à l'abri de la menace islamiste.
Selon les dernières données du ministère de l'Intérieur, 294 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance avaient été prises jusqu'au mois de juin 2020, dont 63 sont toujours en vigueur, et 167 visites ont été réalisées depuis le 1er novembre 2017, preuve que la menace demeure élevée.
Parmi les Français partis faire le djihad entre 1986 et 2011 en Afghanistan, en Bosnie ou en Irak, 60 % ont récidivé à leur retour, selon le Centre d'analyse du terrorisme.
Le Gouvernement perd une occasion d'aller plus loin et plus fort dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Face à un phénomène inconnu, il faut utiliser des armes qui ont démontré leur pertinence.
S'agissant des algorithmes, le report est justifié par les récentes décisions de la Cour de justice relatives au régime de conservation des données par les opérateurs, dont les conséquences n'ont pas encore été tirées. Ce report ne doit pas retarder notre action en la matière. Nous le devons à nos services de renseignement et aux Français.
Je salue l'excellent travail de notre rapporteur. Notre groupe votera ce texte tel qu'amendé par la commission des lois.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - L'article premier pérennise les dispositions de la loi SILT qui arrivent à échéance le 31 décembre 2020, à savoir les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les visites domiciliaires et les saisies.
Nous étions déjà opposés en 2017 à l'introduction dans le droit commun de ces mesures issues de l'état d'urgence.
Nous ne souhaitons les voir ni prorogées ni pérennisées, en l'absence d'évaluation de leur pertinence et de leur proportionnalité. Ces dispositions attentatoires aux libertés confèrent un pouvoir exorbitant à l'administration, contournant de fait le contrôle du juge judiciaire.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Cet amendement est contraire à la position de la commission. Après deux ans de pratique, tous les acteurs jugent ces mesures efficaces. Le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution : elles ne portent pas d'atteinte disproportionnée aux droits et aux libertés. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Les mesures que vous proposez de supprimer sont essentielles à la lutte contre le terrorisme. Un équilibre a été ménagé entre préservation de la sécurité publique et libertés fondamentales. Le Parlement y a scrupuleusement veillé, le Conseil constitutionnel l'a confirmé, l'utilisation qu'en fait le Gouvernement l'a démontré. Les forces de sécurité intérieure en font un usage adapté et proportionné à la menace. Avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
Au II de l'article 5 de la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, l'année : « 2020 » est remplacée par l'année : « 2021 ».
M. Jean-Yves Leconte. - Compte tenu du calendrier législatif pour l'année 2021, il serait raisonnable de s'en tenir à une prorogation de ces mesures expérimentales au 31 décembre 2021, avec un contrôle parlementaire de mesures qui, quoi qu'on en dise, sont attentatoires aux libertés.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
À la fin du II de l'article 5 de la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la date : « 31 décembre 2020 » est remplacée par la date : « 31 juillet 2021 ».
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Nous revenons au texte voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale qui prolonge l'application des mesures de la loi SILT jusqu'au 31 juillet 2021.
Ce délai, certes court, doit nous permettre d'engager un vrai débat sur la pérennisation de dispositions indispensables compte tenu de l'intensité de la menace terroriste. Nous aurons en conséquence l'occasion de débattre du fond au cours du premier semestre 2021. Un report de sept mois paraît suffisant pour permettre un débat éclairé.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable. Compte tenu du calendrier parlementaire qui prévoit un embouteillage de textes au premier semestre, cela nous semble difficile.
Ces mesures doivent être pérennisées : inutile d'attendre, alors que tous les acteurs sont d'accord. Monsieur Leconte, nous ne travaillons pas dans la précipitation, nous avons commis deux rapports. Bien sûr, le Parlement doit contrôler la mise en oeuvre de la loi et il le fera.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable à l'amendement n°2.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. Jean-Yves Leconte. - Je suis étonné de l'incohérence du Gouvernement : notre amendement ne faisait que reprendre son texte initial ! C'est un comportement d'opportunité et je doute que nous puissions faire un travail sérieux au premier semestre.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. - L'article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 22-10-1. - Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l'application des mesures prises ou mises en oeuvre par les autorités administratives en application des chapitres VI à IX du présent titre. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. »
M. Jean-Yves Leconte. - C'est une ultime tentative... Ces mesures sont au mieux un mal nécessaire. Tout est dans l'exécution donc dans le contrôle. Nous proposons de renforcer le contrôle parlementaire, afin de s'assurer de la bonne information des groupes minoritaires et d'opposition.
Voter cet amendement enverrait un signe intéressant à l'Assemblée nationale, en montrant que nous sommes réunis pour la sécurité et la défense des libertés.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées. Si ces dispositions sont pérennisées, le contrôle parlementaire se poursuivra, à l'initiative du rapporteur ; comme il est d'usage dans notre commission des lois, tous les groupes y seront associés.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable car il ne nous apparaît pas opportun de procéder à des modifications ponctuelles. Le Parlement aura un débat approfondi sur la pérennisation de ces mesures, qu'il pourra modifier ou compléter si nécessaire ; nous nous y sommes engagés.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission.
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer les mots :
prises sur le fondement du cinquième alinéa
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Amendement de coordination.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable.
L'amendement n°7 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Rédiger ainsi cet article :
Les dispositions de la présente loi sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
M. Jean-Yves Leconte. - Coordination.
M. le président. - Amendement identique n°5, présenté par le Gouvernement.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Coordination.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Par coordination, avis défavorable. (Sourires)
Les amendements identiques nos4 et 5 ne sont pas adoptés.
L'article 3 est adopté.
M. Jean-Yves Leconte. - Comme je l'ai indiqué en discussion générale, nous voterons contre ce texte qui ne permet pas un contrôle renforcé du Parlement sur des mesures attentatoires aux libertés.
Nous doutons en outre que le calendrier annoncé par le Gouvernement permette un débat serein sur des dispositions dont l'essentiel réside dans l'application qu'en fait l'administration.
Le projet de loi, modifié, est adopté.
La séance, suspendue à 17 h 25, reprend à 17 h 30.