Projet de loi de finances pour 2021 (Seconde partie - Suite)
OUTRE-MER
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale. Je salue Stéphane Artano, élu président de la délégation à l'outre-mer du Sénat ce matin. (Applaudissements)
M. Georges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances . - La mission « Outre-mer » a vocation à favoriser le rattrapage par les territoires ultramarins de leur retard économique et social. Ainsi plus de 90 % des crédits demandés pour 2021 sont des dépenses d'intervention.
La situation économique des outre-mer apparaît en effet bien plus défavorable qu'en métropole : le PIB par habitant est près d'une fois et demie supérieur dans l'Hexagone qu'en Guyane, et près de trois fois plus élevé qu'à Mayotte.
Les territoires d'outre-mer ont été fortement touchés par la covid-19. L'effet de la pandémie sur le PIB pendant le confinement s'élève à plus de 25 % à La Réunion et en Guyane. La crise économique ralentit encore la convergence des économies ultramarines avec celle de l'Hexagone.
Dans ce contexte, l'augmentation des crédits, de 6,39 % en autorisations d'engagement et 2,64 % en crédits de paiement, est une bonne nouvelle.
Le principal point de vigilance est la sous-exécution importante, et récurrente, de cette mission. Les outre-mer sont parfois considérés comme responsables de leur situation, faute d'ingénierie locale. En conséquence, les crédits de paiement au programme 123 baissent de 5 %. Or cette sous-consommation s'explique par les difficultés financières des collectivités territoriales.
Pour le logement, les opérateurs immobiliers ont d'excellents services d'ingénierie, mais il faut prévoir des crédits supplémentaires pour le foncier qui peut être rare et cher ou qu'il faut aménager.
La sous-consommation des crédits est d'autant plus préoccupante qu'en 2019, le Gouvernement a supprimé 170 millions d'euros de dépenses fiscales en outre-mer : suppression de la TVA non perçue récupérable et recentrage de la réduction de l'impôt sur le revenu. Il s'était engagé à utiliser les gains budgétaires dégagés pour l'abondement du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) et le développement économique des territoires. Or les dépenses budgétaires, contrairement aux dépenses fiscales, n'offrent aucune garantie dans la durée, et peuvent faire l'objet de sous-consommation.
Ces promesses sont tenues en apparence : le FEI a vu ses crédits largement augmenter. Il fait toutefois l'objet d'une forte sous-consommation, de près de 30 % en 2019, c'est une perte nette pour les territoires ultramarins.
Le programme 138 « Emploi outre-mer » rassemble les crédits visant à rembourser les organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales. En 2019, le dispositif d'allègements et d'exonérations de charges patronales a été modifié à la suite de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), d'où une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations. Ces derniers augmentent de 6,4 % cette année.
Nous restons vigilants. La baisse de l'activité résultant de l'épidémie ainsi que le recours important au chômage partiel sont susceptibles d'entraîner une sous-exécution importante. Il est donc important que les crédits restants soient affectés à d'autres dépenses.
Les effets de la suppression du CICE n'ont pas été pleinement compensés, ce qui a augmenté le coût du travail en Guyane, territoire qui subit une forte concurrence extérieure et reste particulièrement vulnérable à l'économie informelle.
Il faudrait envisager un élargissement du barème de compétitivité renforcée à de nouveaux secteurs.
Le PLF ne comprend aucune évolution fiscale concernant les outre-mer, alors que ce levier aurait été pertinent pour mobiliser l'épargne constituée pendant la crise.
Je salue l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement augmentant les crédits de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 10 millions d'euros en crédits de paiement afin de financer l'expérimentation d'un contrat d'accompagnement pour les collectivités d'outre-mer en difficulté qui manifestent des efforts de redressement. J'avais proposé ce type de contrat, dans une logique de coresponsabilité, dans mon rapport remis au Gouvernement avec Jean-René Cazeneuve. Cette expérimentation me semble bienvenue.
La mission ne concerne qu'une faible part de l'effort de l'État en faveur des outre-mer. Les territoires ultramarins devraient bénéficier d'au moins 1,5 milliard d'euros dans le cadre du plan de relance national. IL faudra veiller à sa déclinaison territoriale, ainsi qu'à la bonne exécution des crédits. En outre, une partie importante des dépenses dépendant d'appels à projets, on ne sait à ce stade, de quel montant total les outre-mer bénéficieront réellement.
Malgré ces réserves, je vous invite à voter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ; Mmes Nassimah Dindar et Micheline Jaccques applaudissent également.)
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial de la commission des finances . - Les chiffres sont têtus. L'effort de l'État pour l'outre-mer est en hausse.
La mission regroupe 12 % des crédits de l'outre-mer sur un total de 19,2 milliards d'euros hors fiscalité, soit 4 % du budget de l'État, pour 4 % pour la population française.
Avec 2,68 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement, les outre-mer ne sont ni des enfants gâtés ni les oubliés de la République. Il faut jouer le jeu de l'efficience des crédits de l'État et relever le défi de l'efficacité, sans perte d'énergie.
Comme dans l'Hexagone, le Covid nous a fragilisés, et les collectivités territoriales ont dû improviser. Le rebond économique est impératif et urgent, avec l'espoir d'un vaccin. Les secteurs du transport et du tourisme ont été très impactés. Certaines collectivités territoriales ont perdu jusqu'à 90 % de leurs revenus. L'urgence est à la reconsolidation de l'économie, à la formation, à la stabilité des dotations publiques.
Sur l'emploi et la formation, je salue les efforts du programme 138, un relais des mesures d'indemnisation et du chômage partiel. Ce programme porte aussi les crédits du service militaire adapté (SMA), qui augmentent de 4 %. Le SMA est formidable opportunité d'insertion pour nos jeunes ; l'ambitieux projet « SMA 2025 » et la création d'une nouvelle compagnie à Bourail en Nouvelle-Calédonie sont à saluer.
Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est en hausse de 7 % en autorisations de paiement mais en baisse de 5 % en crédits de paiement. L'enjeu n'est pas de décrocher des crédits supplémentaires mais plutôt de consommer réellement nos crédits. Cette mission doit quitter le podium de la sous-exécution ou de la sous-consommation...
La logique des crédits de paiement est implacable : nous devons contractualiser plus rapidement, pour de nouvelles concrétisations, réelles, effectives, de portée contra-cyclique.
Il nous manque de l'ingénierie, mais il faut aussi simplifier les normes et territorialiser les budgets. Cette agilité est notre défi.
L'État est au rendez-vous de l'investissement. La politique contractuelle de l'État en outre-mer, dont les crédits sont supportés par l'action n°2 « Aménagement du territoire », est en augmentation de 3 % en autorisations d'engagement. Le FEI reste au niveau de 110 millions d'euros.
En 2021, l'effort sera maintenu pour les contrats de convergence et de transformation, le futur contrat de développement et de transformation de Polynésie française, en cours de finalisation, et le contrat de développement de la Nouvelle Calédonie. Il en est de même pour la convention triennale santé-solidarité polynésienne, qui nous est confirmée pour le printemps par le Premier ministre.
Certes, il y a eu précédemment des impayés, des niveaux d'autorisations d'engagement constatés en deçà des montants contractualisés, ou des retards de paiement. L'État doit honorer ses engagements ; les relations avec l'État doivent reposer sur un socle de confiance inébranlable. Le montant cumulé des charges à payer s'élevait en 2019 à 3,6 millions d'euros, un plus bas historique montrant la volonté de l'État d'honorer ses engagements.
Programmons ce que nous pouvons payer, et engageons ce que nous pouvons réaliser.
L'aide à la reconversion de l'économie polynésienne est consolidée une année de plus. La dotation globale d'autonomie est maintenue, tout comme les dotations d'investissement outre-mer, qui sont maintenues voire augmentées malgré la crise. Il faut savoir dire merci et arrêter de se plaindre, comme le dit le président Édouard Fritch.
Les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) finançant le logement outre-mer sont en hausse de 8,7 % en autorisations d'engagement, pour 224,6 millions d'euros, mais sont aussi marqués par la sous-exécution. Les crédits de paiement, de 176,9 millions d'euros, en baisse de 2,7 %, sont largement inférieurs aux besoins, estimés à 15 000 constructions par an.
Il faut différencier en associant les énergies locales, pour une meilleure appropriation des outils et consommation de nos crédits. Les débats de la loi 4 D devront s'attaquer à ces défis. Je remercie notre ministre pour son engagement.
Notre défi, au-delà de la course aux crédits, est de remporter la bataille de l'efficacité. Malgré ces réserves, ce budget est en hausse, les outre-mer bénéficieront du plan de relance et nous espérons un partenariat constructif.
J'invite le Sénat à adopter ces crédits et l'État à les exécuter aux côtés de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - La commission des affaires économiques a approuvé ces crédits.
Les crédits de la mission « Outre-mer » sont en hausse, surtout en autorisations d'engagement, mais l'enveloppe reste stable si l'on supprime les changements comptables induits par la transformation du CICE en allègements de charges. Monsieur le ministre, vous engagez-vous à recycler en crédits budgétaires les 170 millions d'euros de dépenses fiscales supprimées ?
Le plan de relance flèche 1,5 milliard d'euros, soit 1 % du total, sur l'outre-mer. Pouvez-vous vous engager à ce que les crédits restent ouverts au-delà ? Le Sénat a adopté un amendement à 2,5 milliards d'euros, apportant un démenti au préjugé des outre-mer budgétivores, d'autant que les crédits sont trop souvent non consommés.
Il faut flécher les crédits territoire par territoire. La solution « premier arrivé, premier servi » peut être dangereuse. Les PME ont besoin de temps pour répondre aux appels à projets. Un tiers des TPE ignoraient les dispositifs d'aide mis en place lors du premier confinement. Il faut soutenir la gestion et la numérisation.
Mobilisons les fonds pour le logement ultramarin, au-delà des crédits budgétaires. Les plans volontaires d'Action logement et de CDC habitat s'approchent des sommes investies par l'État pendant quinze ans.
Le véritable défi est d'activer ces fonds en redynamisant ce secteur qui a un fort effet d'entraînement. Il faut développer sur place des filières intégrées avec des opérateurs qui adoptent le modèle de l'entreprise formatrice. Intégrons la jeunesse ultramarine à ces projets.
La construction a besoin d'être mieux encadrée. La Cour des comptes et le Haut-Commissariat au Plan ont souligné que les normes étaient parfois inadaptées aux réalités locales. Le moment est venu de sortir de ce carcan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Les crédits de cette mission ne représentent qu'un dixième de l'effort budgétaire de l'État pour les territoires d'outre-mer. La commission des affaires sociales est à la fois satisfaite de leur maintien au-dessus du seuil symbolique de 2,5 milliards d'euros et réservée sur leur lisibilité et leur exécution.
Le programme 138 « Emploi outre-mer », qui représente 50 % des crédits de la mission, retrace surtout la compensation budgétaire des exonérations de cotisations sociales. Plutôt qu'une stratégie d'ensemble, il s'agit de secours en urgence portés a posteriori à différents secteurs. Ainsi de l'intégration de la production audiovisuelle dans le régime de compétitivité renforcée - que vous avez refusé au secteur du BTP, pourtant éminemment stratégique et dangereusement exposé.
Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » finance la politique du logement et d'autres politiques de transfert aux collectivités. La commission des affaires sociales appelle à des réformes urgentes. La Cour des comptes préconise une intervention budgétaire sur le logement social et critique les actions en ordre dispersé des dix-neuf organismes de logement social (OLS) ultramarins : c'est en creux un appel discret à vous saisir pleinement de vos prérogatives, monsieur le ministre !
J'alerte sur le risque de prime au mauvais gestionnaire car seuls ceux qui n'ont pas réussi leur gestion budgétaire bénéficient de crédits supplémentaires !
Néanmoins, la commission des affaires sociales est favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI)
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je tiens à rendre un hommage appuyé au président Valéry Giscard d'Estaing : c'est sous son quinquennat que mon territoire est resté au sein de la République française, grâce au référendum du 22 décembre 1974, île par île.
La principale difficulté de cette mission réside dans la sous-consommation des crédits. Le ministre fait cette année un effort de pilotage : les crédits de paiement pour 2021 sont ajustés, et 70 % des crédits de la mission devraient être disponibles dès janvier.
Ce budget est aussi marqué par le plan de relance, axé sur trois priorités : construction et rénovation, soutien à l'emploi et à la formation et accompagnement des collectivités territoriales. Le budget de la mission augmente nettement, de 6,39 % en autorisations d'engagement et 2,64 % en crédits de paiement.
L'année 2021 marque la deuxième année de mise en oeuvre du plan Logement outre-mer 2019-2022. Le budget soutient notamment la construction scolaire à Mayotte et la construction plus globalement à la Guadeloupe et à la Martinique.
Les aides à l'emploi sont maintenues : 84 % des crédits du programme 138 compensent les exonérations de charges patronales. Le dispositif est étendu depuis 2019 à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Des chantiers de développement local favorisent l'insertion en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Le SMA a montré toute sa pertinence pendant la crise. Une nouvelle compagnie est créée à Bourail, en Nouvelle-Calédonie, et des opérations de rénovation structurantes auront lieu à La Réunion et en Polynésie française.
Les contrats de convergence et de transformation, le FEI et des dispositifs spécifiques permettent l'accompagnement des collectivités territoriales, avec un effort particulier sur l'ingénierie.
Les crédits de la mission ne représentent que 10 % de l'effort budgétaire total en faveur des outre-mer, qui s'établissent à 24,47 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 24,13 milliards d'euros en crédits de paiement.
La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Maurice Antiste . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette mission est particulière, comme l'année 2020. Nos territoires n'ont pas été épargnés, bien au contraire.
Je salue l'augmentation de 6 % des crédits mais il faut une politique encore plus ambitieuse.
Pour rattraper notre retard structurel, il faut un « réflexe outre-mer » dans tous les ministères, et une collaboration efficace entre tous les ministères. Prenons comme exemple le comité interministériel des outre-mer (CIOM) : malgré la promesse présidentielle, ce dossier a été bloqué pendant un an, faute de coordination entre les ministres.
L'accent mis sur le logement social est une bonne chose : beaucoup de nos concitoyens vivent dans des conditions précaires. Attention à ce que la sous-consommation de la LBU ne devienne pas structurelle.
Les exonérations de charges sociales atteignent leur régime de croisière, même si 2020 sera une année particulière. Nous regrettons cependant un écart entre engagement et exécution. Le FEI avait été annoncé il y a deux ans comme un outil exceptionnel ; les espoirs ont été déçus, il y a eu peu de projets d'envergure.
Je suis satisfait de la hausse du budget mais ce sentiment est édulcoré par un peu de frustration et de doute. Nous avons besoin d'une refonte globale des plans d'investissement, notamment dans la santé, la culture et l'agriculture.
Nous avons cependant de bonnes raisons de vous faire confiance. (M. Stéphane Artano, Mmes Nassimah Dindard et Jocelyne Guidez applaudissent.)
M. Jean-Louis Lagourgue . - Le contexte est particulier. Les inquiétudes de nos concitoyens ultra-marins sont importantes : balance commerciale déficitaire, taux de chômage deux à trois fois supérieur à celui de la métropole, vie chère. Dans cette pandémie, la légère augmentation de ces crédits doit être saluée : 6,39 % en autorisations d'engagement et 2,64 % en crédits de paiement.
Cette mission ne représente qu'une petite partie de l'effort de l'État pour l'outre-mer. Quelque 94 programmes du budget général de l'État y contribuent pour plus de 19 milliards d'euros en 2021, soit une très légère baisse par rapport à 2020.
Mais je regrette que cette politique manque d'ambition. Le logement est une préoccupation pour les outre-mer. Je me félicite de l'augmentation de 8,7 % des crédits de la LBU, qui la porte à 224 millions d'euros en autorisations d'engagement : c'est un signal positif, qui permettra de poursuivre la mise en oeuvre du plan logement outre-mer, et notamment, aidera les établissements publics fonciers (EPF) de Guyane et de Mayotte.
Le tourisme représentera plus de 18 % du PIB outre-mer. Or la reprise de ce secteur semble compromise à court terme, notamment pour la Guyane et Mayotte dont la haute saison est l'hiver. Il faut des crédits pour ces territoires.
Il est nécessaire d'améliorer l'emploi et la compétitivité des entreprises ultramarines, qui sont à 95% des TPE et des PME, notamment grâce à l'allégement de cotisations patronales. Les moyens budgétaires prévus pour ce dispositif sont en hausse de 6,6 % par rapport à 2020, et représentent 1,5 milliard d'euros. À la Réunion, 4 300 emplois ont été détruits depuis le début de la crise.
Malgré des ambitions en baisse, nous saluons la légère augmentation des crédits. Le groupe INDEP votera les crédits de la mission.
M. Guillaume Gontard . - Cette mission s'articule autour de plusieurs axes : soutien à l'emploi, insertion socioprofessionnelle des jeunes, mobilité, éducation et formation, logement social, équipement des territoires, accompagnement des collectivités territoriales. Mais les crédits utiles proviennent pour beaucoup d'autres missions : cette architecture budgétaire morcelée est dommageable.
Alors que les territoires ultramarins accusent des retards économiques et sociaux sur l'Hexagone, les effets de la crise et l'effondrement du tourisme aggravent une situation déjà précaire.
Les crédits de la mission sont en légère hausse. L'action Soutien aux entreprises, qui finance les exonérations de charges patronales spécifiques aux outre-mer, est dotée de 1,565 milliard d'euros, en hausse de 6,4 %. Or cette hausse me semble surévaluée, avec le recours massif au chômage partiel : ces crédits, qui auraient été utiles ailleurs, risquent d'éponger les déficits de la sécurité sociale.
La sous-exécution est un problème récurrent. Le taux d'exécution de la LBU est de de 90 % en autorisations d'engagement et 78 % en crédits de paiement, alors que 60 000 ménages attendent un logement social outre-mer : il y a 80 % d'ayant droit pour 15 % de bénéficiaires. Or les autorisations d'engagements baissent de 2,7 %, ce qui va aggraver le décalage.
Logement, pouvoir d'achat, précarité, faiblesse de la politique de l'eau, de la politique de mobilité, absence de politique de retour sur le territoire : autant de rendez-vous manqués.
Le SMA a montré toute sa pertinence pour l'insertion des jeunes ; pourquoi ne pas y allouer davantage de crédits ?
L'outre-mer concentre 90 % des espèces présentes sur le territoire. Selon l'OFB, 500 000 à un million d'espèces sont menacées, or je ne trouve nulle part dans ce PLF de fonds fléchés pour la biodiversité outre-mer. Un programme dédié serait plus transparent.
Jeudi dernier, le Sénat a adopté un amendement de Victorin Lurel, à 2,5 milliards d'euros, pour l'égalité réelle outre-mer. Tous les groupes ont pris la mesure de l'urgence. Utilisez ce levier, monsieur le ministre : levez le gage et doublez ainsi les crédits de votre ministère !
Le GEST s'abstiendra sur cette mission. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Victoire Jasmin et M. Victorin Lurel applaudissent également.)
M. Stéphane Artano . - (Applaudissements) Si nous voulons relancer une dynamique outre-mer, il faut s'appuyer sur les élus locaux. La crise sanitaire n'aura laissé personne indemne, encore moins nos territoires ultramarins déjà fragilisés par de nombreux déséquilibres structurels. Je ne suis pas certain que l'augmentation des crédits réponde aux enjeux de développement.
Les collectivités territoriales outre-mer, déjà en moins bonne santé financière que les celles de l'Hexagone, subissent de plein fouet une double crise sanitaire et économique. J'ai une pensée particulière pour Mayotte et la Guyane, qui ont été très durement frappées. Je vous renvoie au rapport de la délégation intitulé « Urgence économique outre-mer à la suite de la crise du Covid-19 », qui appelle à un meilleur accompagnement des collectivités pour favoriser une relance territorialisée et construire un modèle plus résilient.
Les conséquences psychologiques de la crise, invisibles mais indélébiles, s'apparentent à un syndrome post-traumatique et appellent une prise en charge. Il y va du capital humain.
Nous veillerons à la déclinaison territoriale du plan de relance. L'ingénierie et le pilotage seront déterminants. Il faudra une réelle adaptation à nos territoires, au titre de la différenciation.
Il faut une confiance réciproque entre l'État et les élus. À Saint-Pierre-et-Miquelon, cette confiance a volé en éclats. L'hégémonie de l'État, en perpétuelle campagne électorale, entraîne un blocage institutionnel anormal. On ne nourrit pas la confiance en sabordant à dessein un projet majeur de développement portuaire. Atermoiements sur le site d'implantation du quai des ferries, recherche de munitions sous l'eau en 2019, étude d'impact sur les phoques en novembre 2020, sondages pour fouilles archéologiques en 2021 : on ne cesse de mettre des bâtons dans les roues. Comment faire preuve de tant de légèreté dans le pilotage d'un projet à 40 millions d'euros ? Comme l'écrit Jérôme Leroy : « En politique, avoir raison n'est rien, convaincre est tout ».
Néanmoins, les sénateurs RDSE voteront ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et du GEST ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président
Mme Éliane Assassi . - Je salue les collègues de la délégation à l'outre-mer et son nouveau président, Stéphane Artano, que je félicite à nouveau.
La semaine dernière, nous nous sommes retrouvés derrière un amendement de Victorin Lurel créant un programme « Plan pour l'égalité réelle outre-mer », doté de 2,5 milliards d'euros - soit le montant de cette mission. L'égalité républicaine doit être partagée sur tout le territoire, de Paris à Papeete, de Cayenne à Pointe-à-Pitre.
L'enveloppe globale augmente certes, mais les crédits de paiement dédiés à l'insertion, aux conditions de vie outre-mer, au logement ou à l'aménagement du territoire diminuent.
Comme chaque année, nous vous alertons sur la sous-consommation des crédits. Ce n'est en rien une justification pour réduire les moyens.
Vous demandez au Parlement de voter des crédits qui ne sont pas utilisés, alors que les besoins sont là. Il faudra veiller à la déclinaison dans les collectivités, qui manquent d'ingénierie de projet.
La sous-exécution chronique concerne notamment le logement. La crise du logement est nourrie par la pression démographique, la rareté du foncier, l'urbanisation rapide, la pauvreté et l'insalubrité. Or le niveau des crédits est historiquement bas.
La crise aggrave les inégalités. La part des jeunes en difficulté de lecture varie entre 30 % à 75 % dans les DOM, contre 10 % dans l'Hexagone ; le taux de chômage y est à deux à trois fois plus élevé. La formation des jeunes doit être améliorée, et les moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité renforcés.
La crise impacte fortement le pouvoir d'achat. Les denrées alimentaires coûtent 12 % plus cher outre-mer, et jusqu'à 28 % à La Réunion, où un quart des habitants vit avec moins de 867 euros par mois. Le taux de pauvreté atteint 77 % à Mayotte.
Comment respecter les gestes barrières quand on n'a pas d'eau au robinet ? Il faut une réelle politique de l'eau outre-mer, où la vétusté des réseaux entraîne coupures et contaminations.
Ces crédits ne soulèvent pas l'enthousiasme. C'est un sujet transversal : votre rôle, monsieur le ministre, est essentiel pour faire entendre la voix de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Victoire Jasmin et M. Victorin Lurel applaudissent également.)
Mme Nassimah Dindar . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les territoires ultramarins accusent des retards structurels et les défis à relever sont majeurs.
Chaque année, le Sénat salue l'effort financier de l'État en faveur de l'outre-mer.
La crise sanitaire a largement impacté l'économie de nos îles, le BTP, le tourisme, les commerces. Elle a aussi touché les plus fragiles, personnes âgées et handicapées, et pesé sur les salariés du secteur médical et médico-social.
Le moral des jeunes est mis à mal - vous les avez rencontrés lors de votre déplacement à La Réunion, monsieur le ministre.
Je salue l'augmentation des moyens du SMA mais le chômage des jeunes exige un véritable Grenelle de l'emploi avec des mesures incitatives. Le taux de chômage des jeunes est de 23,4 % à La Réunion, de 35 % à la Mayotte. Nous ne pouvons nous en contenter.
Le programme a renforcé les exonérations patronales, mais en remplacement du CICE. C'est un simple transfert comptable.
Les exonérations de cotisations patronales viennent compenser la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ; nous demandons la même exonération pour l'embauche des moins de 30 ans.
La prime spécifique d'installation des fonctionnaires affectés en métropole est refusée aux ressortissants de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. Monsieur le ministre, rétablissez l'égalité !
La politique du logement social outre-mer doit avancer sur ses deux jambes : aides directes et aides à la personne. Les crédits de la LBU augmentent, mais les aides au logement diminuent de 50 millions d'euros. Attention à ne pas fragiliser la solvabilité des ménages et, par ricochet, les opérateurs et entreprises ultramarines. Les critères d'octroi des aides doivent être maintenus.
Il n'est pas normal que les crédits soient sous-consommés quand les populations sont dans un tel besoin. Il faut simplifier les procédures, pour rendre les crédits du plan de relance accessibles aux TPE et PME qui manquent d'ingénierie.
Je sais votre implication, monsieur le ministre. Le groupe Union Centriste votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Viviane Malet . - L'examen de ces crédits est un moment fort pour nous, élus ultramarins. Le dernier rapport de l'Observatoire des inégalités le rappelle avec force : 33 % des habitants de la Martinique sont confrontés à la pauvreté, 34 % en Guadeloupe, 42 % à La Réunion et 77 % à Mayotte.
Nos territoires ont été frappés de plein fouet par la crise. BTP, restauration, tourisme, évènementiel, aucun secteur n'a été épargné. À La Réunion, 4 300 emplois ont été détruits depuis le début de la crise.
Le plan de relance consacré à l'outre-mer est donc bienvenu. Il conviendra néanmoins d'être vigilant quant à la consommation des crédits dont une partie dépend d'appels à projet.
Le budget de la mission s'élève à 2,68 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,44 milliards en crédits de paiement. Le programme 123 sur les conditions de vie augmente de 55 millions d'euros en autorisations d'engagement mais baisse de 31 millions d'euros en crédits de paiement.
Je salue certaines avancées, comme l'augmentation de 3 millions d'euros des dispositifs de continuité territoriale, notamment sur la continuité funéraire, la hausse de la LBU de 8,7 %, la mise en place de nouveaux contrats avec les collectivités territoriales en difficulté, le passage de l'audiovisuel en secteur de compétitivité renforcée.
Toutefois, la hausse des crédits de la mission fait suite à une baisse en 2020.
Mon amendement prévoyant une aide au retour des corps d'étudiants décédés à l'étranger a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Le décès d'une étudiante réunionnaise, emportée par la covid-19 en Grande-Bretagne, rappelle la douleur des familles. J'espère que vous porterez cette réforme, monsieur le ministre.
Je ne doute pas de votre volonté d'action.
La filière réunionnaise du BTP a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017 ; son chiffre d'affaires a chuté de 40 % et atteint son niveau le plus bas. Je regrette qu'elle ne puisse bénéficier du régime de compétitivité renforcée de manière temporaire, jusqu'à la relance de l'activité.
Il faut anticiper le vieillissement de la population et flécher une partie des crédits dédiés à la construction et la rénovation vers la construction de résidences pour personnes âgées adaptées à nos modes de vie.
Enfin, la gestion des déchets est un sujet majeur : faute de solution de valorisation énergétique, nos territoires subissent de plein fouet la trajectoire de la TGAP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Stéphane Artano applaudit également.)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) C'est avec grande émotion que j'interviens pour la première fois à cette tribune. C'est aussi votre premier budget en tant que ministre des outre-mer, cher Sébastien Lecornu ; je connais votre sensibilité ultramarine.
La Guyane souffre de nombreux handicaps structurels. Sa population est jeune, frappée par un chômage élevé, insuffisamment formée et qualifiée. Le SMA est une grande réussite, et j'apprécie les avancées en la matière.
Je me félicite de l'effort porté sur l'éducation. Le plan d'urgence Guyane est important. Pour l'an prochain, souhaitons tout de même de nouvelles constructions scolaires.
Nous attendons beaucoup de l'opération d'intérêt national en Guyane, car le logement est une question cruciale.
Le soutien de l'État à l'établissement public foncier et d'aménagement se traduit par une augmentation de l'enveloppe du fonds régional d'aménagement foncier et urbain (Frafu) : merci.
La croissance démographique dans l'ouest guyanais impose des évolutions, notamment en matière de santé. Nous espérons la création d'un service de réanimation au centre hospitalier de l'ouest guyanais.
Le soutien au microcrédit en Guyane est précieux car nous avons de nombreuses TPE. L'aide au fret pourrait être améliorée.
Les sénateurs du RDPI voteront ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Les années se suivent et se ressemblent, hélas ! Un hémicycle quasiment désert, un budget convenu, et des élus ultramarins qui sont tous là, bravant l'éloignement pour s'acharner à dénoncer l'urgence. J'aurais pu consacrer mon temps de parole à déplorer des indicateurs alarmants, des crédits qui baissent...
Serais-je gagnée par la résignation ? Peut-être... Je pourrais devenir fataliste, tant les années se suivent et se ressemblent.
Pourtant, la réalité de nos pays nous gifle chaque jour. Un seul chiffre : 30 % de la population martiniquaise vit sous le seuil de pauvreté. C'est pour eux que je viens. Je ne demande pas plus d'argent, monsieur le ministre, mais plus d'ambition, une nouvelle approche de l'outre-mer !
L'approche de l'examen du budget est toujours anxiogène. Que nous aura-t-on réservé cette année ? Quelle nouvelle injustice ? J'ai vécu la suppression de la TVA non perçue récupérable, la réduction de l'abattement sur l'impôt sur le revenu, les coups portés à la défiscalisation, la taxe sur le rhum pour punir les vilains alcooliques que nous serions... (Mme Victoire Jasmin et M. Victorin Lurel rient.)
Cette instabilité nous épuise. Elle ajoute de la difficulté à la difficulté.
On ne peut plus se contenter de ces arbitrages budgétaires en dents de scie. Nous avons besoin, pour chaque pays, d'une boîte à outils pérenne, pour quinze ans au moins. Je salue le baroud de mon collègue Lurel la semaine dernière. C'est un SOS pour vous dire d'oser, monsieur le ministre ! Il faut de la visibilité pour les entreprises, pour les collectivités, car chaque décision a des effets domino.
Ouvrez le champ des possibles ! Nous avons les idées, nous savons ce qu'il faut faire. Nous savons hélas ce qui attend nos amendements : « défavorable », « rejeté » !
Nos pays sont marqués du sceau de l'inactivité, qui coûte plus cher que la mise en activité. Il faut renverser la table, changer de paradigme. Osons parler port franc, zone franche globale, défiscalisation ambitieuse !
Il y a urgence pour l'hôpital de la Martinique. L'hôpital de Trinité est une ruine insalubre. Un plan santé est plus que nécessaire, l'équité doit prévaloir. Le pouvoir central doit aider l'administration sur place. Prenez en main ce dossier emblématique, Monsieur le ministre.
Prenez votre nouvelle mission avec hardiesse et oeil neuf ! C'est parce que j'ai confiance en vous que je voterai ces crédits. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)
Mme Micheline Jacques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La collectivité de Saint-Barthélemy ne bénéficie pas de dotation de l'État, auquel elle verse en revanche 2,6 millions d'euros par an au titre de la dotation globale de compensation (DGC) - qui a fait l'objet d'un effacement pour l'année 2018, après le passage d'Irma.
Les entreprises de l'île bénéficient quant à elles des exonérations de cotisations patronales. Les mesures d'urgence pour les entreprises, pour 18 millions d'euros, ont été salutaires. Permettez-moi de vous alerter sur la situation du Journal de Saint-Barth, seule publication hebdomadaire et gratuite, qui est exclu du bénéfice de ces mesures : il risque de disparaître.
Monsieur le ministre, je veux m'adresser à vous pour relayer nos préoccupations sur l'aménagement de la décentralisation et la gestion différenciée. Depuis 2017, les missions de la sécurité sociale ont été confiées à la mutualité sociale agricole (MSA) via la caisse de prévoyance sociale (CPS) de Saint-Barthélemy. Il n'y a pas de conseil d'administration ni de personnalité juridique. Il faudrait redéfinir son organisation pour y associer plus formellement et étroitement la collectivité au regard de ses compétences et de son implication financière. Bruno Magras avait donné l'alarme sur la situation déficitaire de l'hôpital et de l'Ehpad, en dépit du concours de la collectivité. La crise sanitaire a mis en lumière cet engagement.
L'étroitesse du territoire, sa dépendance à l'extérieur commandent des choix.
À terme, la collectivité souhaiterait se rapprocher du régime d'autonomie le plus abouti. Il faut donc une réforme constitutionnelle. J'espère que nous aboutirons, avec les autres collectivités ultramarines, à une position commune que vous pourrez défendre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Dominique Théophile . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Nous constatons avec satisfaction la hausse des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission, dans un contexte de crise sans précédent.
Au titre de la rénovation des réseaux d'eau et d'assainissement, 55 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus sur deux ans, dont 15 millions d'euros en 2021.
Ma première prise de parole ici - vous étiez alors secrétaire d'État auprès de M. Hulot - était pour dénoncer le scandale de l'eau en Guadeloupe. Vous l'avez constaté sur place. Je me réjouis de cette prise de conscience, mais il faut 800 millions d'euros pour rattraper le retard : l'enveloppe pour 2021 est donc tout à fait insuffisante. Nous comptons sur l'État.
Je salue les mesures pour la compétitivité des entreprises : la baisse des impôts de production, le renforcement du capital des TPE et PME et le soutien à la filière tourisme.
Autre avancée, la création des contrats d'accompagnement pour les communes en difficulté, votée à l'Assemblée nationale, à la suite du rapport de Georges Patient et Jean-René Cazeneuve. Expérimentés dès 2021, ils devraient permettre un retour à l'équilibre pour de nombreuses collectivités, notamment Pointe-à-Pitre.
Je me réjouis de l'extension de la continuité territoriale funéraire aux frères et soeurs. C'est un sujet sensible pour la communauté ultramarine dans l'Hexagone.
Le groupe RDPI votera ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette mission voit ses crédits croître en 2021 de 13,6 %, pour s'établir à 2,68 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,34 milliards d'euros en crédits de paiement.
L'activité a chuté de 30 % avec le premier confinement : l'ampleur de la crise outre-mer dépendra de la rapidité de la reprise.
Je salue le milliard et demi d'euros prévu par le plan de relance pour les outre-mer, plus sensibles aux chocs conjoncturels. Les difficultés antérieures, dans le BTP notamment, ont été amplifiées.
Les aides à la mobilité luttent contre l'enclavement territorial et l'assignation à résidence. Les outre-mer dépendent des échanges extérieurs, or les liaisons aériennes ont été durement affectées par la crise. Le numérique a montré son importance dans la résilience des territoires, et le plan France Très Haut Débit ne doit pas oublier l'outre-mer. Mais il faut de la continuité territoriale.
Les collectivités territoriales ont besoin d'un soutien en ingénierie pour pouvoir répondre aux appels à projet du plan de relance.
L'enjeu de la gestion de l'eau est crucial. La question de l'autonomie sanitaire et alimentaire aussi. Le récent accord sur la PAC devrait permettre une solidarité européenne.
Le groupe UC votera les crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec émotion que je m'exprime pour la première fois à cette tribune où ont toujours été défendues nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité. Je sais que nous luttons tous, ici, pour les transmettre aux générations futures.
Je me réjouis de la progression substantielle des crédits outre-mer pour accompagner nos territoires. La crise a été dévastatrice, tout particulièrement pour Saint-Martin dont l'économie dépend très fortement du tourisme. Trois ans après Irma, notre collectivité est toujours en reconstruction et reste l'un des territoires les plus pauvres de la République en termes de PIB par habitant.
La reprise économique sera plus longue à se concrétiser que dans l'Hexagone. Il faut soutenir le fragile tissu entrepreneurial en prolongeant les aides exceptionnelles jusqu'en 2021, car notre saison touristique est l'hiver. Je salue l'autorisation d'accueillir des touristes en provenance de zones à risque, tels que les États-Unis, sous conditions.
Les attentes en matière de rénovation sont considérables. Nous avons besoin à la fois de la solidarité nationale et d'incitations fortes vis-à-vis des investisseurs. J'espère que l'amendement adopté en première partie survivra à la CMP.
Nous approuvons la déclinaison du plan de relance territoire par territoire, en concertation avec les acteurs locaux. La nouvelle plateforme « un jeune, une solution » suscite des espoirs : il faudra un suivi attentif.
Le rapport de Philippe Gustin de 2017 avait préconisé le renforcement de l'ingénierie locale. Nous avons besoin de votre soutien sur ce dossier, monsieur le ministre, comme sur celui de l'hôtellerie.
Enfin, il faut des protocoles sanitaires communs avec nos voisins de Sint-Maarten, et une mutualisation des moyens. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Stéphane Artano applaudit également.)
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer . - Je suis heureux d'être ici pour la première fois en tant que ministre des outre-mer pour défendre devant vous ce budget qui croît significativement.
Je félicite M. Artano pour son élection à la présidence de votre délégation à l'outre-mer, à la suite de Michel Magras dont je salue l'action. (Applaudissements) Je connais la rigueur de vos travaux et demeure à votre disposition.
La crise sanitaire touche notre pays et singulièrement les territoires ultra-marins. L'insularité, le climat, la capacité hospitalière, la démographie ont influé sur l'évolution de l'épidémie. Une nouvelle phase s'engage aujourd'hui. En Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le virus ne circule plus ; à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, l'évolution est favorable ; idem à La Réunion et à Mayotte ; en Guyane, nous observons un plateau. Nous restons attentifs à la situation en Polynésie française, où le virus se disperse : la réserve sanitaire nationale est mobilisée, et je rends hommage au président Fritch.
En Martinique, l'amélioration de la situation a permis l'ouverture des commerces dès la semaine dernière, dans un esprit de différenciation. Le passage sous le seuil d'alerte et d'incidence rend possible la levée des restrictions de déplacement dès le 8 décembre, moyennant un couvre-feu la nuit. Les restaurants pourront rouvrir le 15 décembre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Nous adaptons notre stratégie à chaque territoire, en associant les professionnels de santé, les élus et les forces vives, aux côtés des ARS et des préfets. Nous privilégions la lisibilité et la pédagogie, sans sacrifier les impératifs sanitaires. La République sera aux côtés des outre-mer pour affronter cette crise.
La mission « Outre-mer » ne rassemble qu'une petite partie des crédits de l'État dévolus à l'outre-mer, qui s'élèvent à 19,6 milliards en autorisations d'engagement et 19,2 milliards en crédits de paiement, répartis sur 31 missions et 94 programmes. L'État consacre ainsi 4,7 milliards d'euros pour le traitement des agents de l'Éducation nationale et 1 milliard pour les forces de sécurité intérieures.
La mission « Relation avec les collectivités territoriales » poursuit le rattrapage de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom), conformément à l'engagement du président de la République. Ce mouvement s'accélérera l'an prochain et nous vous proposerons de légiférer pour quatre ans.
La mission « Éducation nationale », qui augmente, permet aussi un rattrapage avec la construction d'écoles en Guyane et à Mayotte.
La refonte du FIP a été votée à l'Assemblée nationale. La neutralisation des impôts sur les sociétés a aussi été adoptée. Ces deux mesures étaient très attendues. Au Sénat, un amendement limitant l'augmentation de la TGAP à Mayotte et en Guyane a été voté. La co-construction fonctionne bien et se poursuivra avec l'examen de cette mission.
Concrètement, le Gouvernement présente un PLF intégrant la majeure partie des 100 milliards d'euros de plan de relance. Au sein de ces crédits, un socle - et non un plafond - de 1,5 milliard d'euros permettra, en plus des crédits de la mission « Outre-mer », de procéder à des engagements importants pour les territoires. Ce sont 50 millions d'euros pour l'eau et l'assainissement, même si cela relève principalement des compétences des collectivités territoriales ; 50 millions d'euros pour le plan antisismique Antilles ; 80 millions d'euros pour l'agriculture et les abattoirs.
Je salue la victoire française qui a fait valoir ses vues au sein de l'Union Européenne sur le POSEI.
De plus, 500 millions d'euros seront consacrés à l'emploi et à la formation. Des moyens importants sont aussi dégagés pour la biodiversité et les infrastructures routières.
Le nombre de logements sociaux pour les étudiants augmentera grâce à un amendement sur un article non rattaché.
Plus d'un milliard d'euros sera versé par l'Union Européenne dans le cadre de REACT-UE pour une consommation d'ici 2023. L'action diplomatique du président de la République au niveau européen n'est pas pour rien dans le plan de relance européen.
Il faudra parvenir à connecter les collectivités d'outre-mer au plan de relance pour celles qui exercent des compétences transférées par l'État. Notre rôle est bien de les accompagner sans nous y substituer, via nos opérateurs - AFD et CDC -, par le soutien financier à la trésorerie des gouvernements locaux et par des investissements dans le champ des compétences régaliennes, tel que palais de justice, commissariats et casernes de gendarmeries.
Plus de 7 milliards d'euros supplémentaires seront à la disposition des outre-mer entre 2020 et 2023.
La mission « Outre-mer » connaît une augmentation de 7,5 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement. C'est de l'argent frais qui changera la vie de nos concitoyens. L'État a certainement une part de responsabilité dans la sous-consommation, mais les porteurs de projets aussi. Ne nous montrons pas du doigt les uns les autres.
Pour le programme 138 « Emploi outre-mer », les autorisations d'engagement augmentent de 107 millions d'euros et les crédits de paiement de 93 millions d'euros. Ce programme est important en raison de la situation sanitaire, économique et sociale. Nous soutenons les entreprises grâce à l'augmentation de la compensation des exonérations de charges patronales Un amendement au PLFSS élargit le domaine de compétitivité renforcée à l'audiovisuel.
Je me réjouis de l'ouverture d'une nouvelle compagnie du régiment du service militaire adapté à Bourail, en Nouvelle-Calédonie.
Les besoins en logements outre-mer sont énormes, particulièrement à La Réunion. Les crédits de la ligne budgétaire unique augmentent de 8,7 %, dont 18 millions en autorisations d'engagement dédiés spécifiquement aux établissements publics fonciers de Guyane et de Mayotte.
La cible programmée de la LBU sera atteinte malgré la crise sanitaire, grâce à la mobilisation de tous les acteurs et à une stratégie plus claire. L'éducation est une autre priorité avec 13,4 millions pour le premier degré à Mayotte et 17 millions pour le lycée d'État de Wallis-et-Futuna.
Le soutien aux collectivités territoriales me tient particulièrement à coeur. Le FEI est stabilisé à 110 millions d'euros ; le plan de relance prévoit un milliard d'euros de DSIL exceptionnelle ; la DETR est maintenue à un milliard d'euros, dont 35 millions pour l'outre-mer - 22 millions d'euros pour les DROM et 13 millions d'euros pour les COM - ; les contrats de convergence et de transformation se déploient progressivement.
Un nouvel outil de contractualisation financière va rapidement se mettre en place, grâce à MM. Patient et Cazeneuve. La décentralisation, la différenciation territoriale et la défense des libertés locales ne peuvent s'envisager sans s'assurer que la puissance publique locale fonctionne. Les collectivités ont besoin d'un accompagnement particulier en ingénierie et en matière financière. Les contrats d'accompagnement proposés dans ce rapport sont une réponse pertinente. Les recettes et dépenses des collectivités territoriales doivent être équilibrées.
Le dispositif prévoit un engagement de la collectivité à mettre en place des mesures de retour à l'équilibre et d'amélioration de la gestion. En contrepartie, l'État lui propose un accompagnement et un soutien financier exceptionnel dont la reconduction est conditionnée aux résultats.
Quelque 30 millions en autorisations d'engagement et 10 millions en crédits de paiement pour commencer la contractualisation ont été votés à l'initiative du député Cazeneuve à l'Assemblée nationale.
Enfin, le Gouvernement vous présentera un amendement pour compléter la réforme engagée de la continuité territoriale. Ce sujet est très important pour les parlementaires ultramarins. C'est d'ailleurs à la suite d'un rapport parlementaire qu'une réflexion a été lancée en janvier. Le ministère a lancé un groupe de travail et diverses dispositions ont déjà été adoptées : la fusion aide simple-aide majorée de l'Aide à la continuité territoriale ; l'augmentation du montant du bon ACT dans les collectivités d'outre-mer ; l'ouverture du passeport pour la mobilité des étudiants à des formations non-diplômantes. La majorité des propositions n'est pas législative, sauf celle sur l'élargissement du bénéfice de l'aide à la continuité obsèques. La disposition votée à l'Assemblée nationale est perfectible et deux élargissements supplémentaires vous seront proposés. Quelque 3 millions d'euros sont déjà prévus à cet effet dans ce projet de budget pour 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
Examen des crédits
Article 33
M. le président. - Amendement n°II-959 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère et Canevet, Mme Guidez et M. Longeot.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-959 rectifié bis transfère 75 421 101 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Conditions de vie outre-mer ».]
Mme Nassimah Dindar. - Les mesures de quarantaine, qui maintiennent tout nouvel arrivant sur le sol calédonien pendant une durée de quinze jours dans des hôtels réquisitionnés à cette fin, permettent à ce territoire d'être aujourd'hui covid-free, protégeant ainsi une population particulièrement vulnérable.
Cet amendement transfère 75,4 millions d'euros afin de financer par la solidarité nationale les mesures de quarantaine imposées en Nouvelle Calédonie, actuellement supportées par le Gouvernement calédonien seul.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avis défavorable. Un prêt garanti par l'État de 230 millions d'euros a été accordé à la Nouvelle-Calédonie, qui est aussi éligible au plan de relance. Qu'en pense le ministre ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - La situation sanitaire de la Nouvelle-Calédonie est particulière puisqu'une quatorzaine sanitaire a été instaurée - j'y ai été personnellement soumis. Les frais de réquisition des hôtels sont assumés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Cela permet le maintien du territoire en covid-free.
J'ai demandé à la direction régionale des finances publiques (DRFiP) une documentation précise de ces dépenses. Personne ne sait combien de temps cette mesure va durer.
Je me suis engagé à étudier ces questions. L'État fera un geste, soit en projet de loi de finances rectificative soit en gestion. Retrait ?
L'amendement n°II-959 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-958 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère, Canevet et Delahaye, Mmes Gatel et Guidez et M. Longeot.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-958 rectifié bis transfère 40 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Conditions de vie outre-mer ».]
Mme Nassimah Dindar. - La survie des compagnies aériennes des collectivités du Pacifique, qui assurent presque seules la desserte et le désenclavement de ces archipels, est menacée par la crise sanitaire.
La compagnie Aircalin qui représente 80 % du trafic international vers la Nouvelle-Calédonie joue un rôle primordial de continuité territoriale.
La compagnie a présenté un plan de sauvegarde et de relance comprenant notamment une réduction de 20 % de sa masse salariale et a obtenu un prêt garanti par l'État de 40 millions d'euros. Pour autant, ces mesures sont insuffisantes et seul un soutien financier spécifique de l'État, comme celui dont ont bénéficié Air France et certaines compagnies locales, permettra de sauver cette compagnie.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avis défavorable même si la situation des compagnies aériennes est préoccupante. La mission « Outre-mer » n'est pas le véhicule adapté. Le Gouvernement travaille sur cette question.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - La situation d'Aircalin est préoccupante, comme celle de bon nombre de compagnies ultramarines. Un premier prêt garanti de 40 millions d'euros lui a été consenti.
Je propose un tour de table spécifique, comme nous l'avons fait pour Corsair. Retrait de cet amendement d'appel, car secourir une compagnie aérienne ne relève pas du ministère de l'outre-mer.
Mme Lana Tetuanui. - Je prends acte de vos propos, monsieur le ministre. Je veux lancer un cri du coeur pour la Polynésie française. Nous avons été élus démocratiquement pour dénoncer ce que nous voyons.
Le groupe Union Centriste votera les crédits de l'outre-mer mais j'espère que la table ronde spécifique sera tenue rapidement.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je comprends ces propos. J'accepte les remontrances quand je ne suis pas au rendez-vous, mais je veux aussi qu'on reconnaisse quand les choses sont faites. Beaucoup de fonds sont débloqués au nom de la solidarité nationale mais il faudra bien les rembourser un jour.
Les territoires d'outre-mer ont obtenu plus de compétences, ils ont donc la main sur la fiscalité. L'État n'abandonnera personne, je l'ai dit au président Fritch. L'effort ne dépend pas seulement de l'État mais de toute la Nation et de tous les contribuables.
M. Victorin Lurel. - L'amendement relève du plan de relance, dites-vous. Mais je rappelle que l'aide demandée ici est conjoncturelle, et non structurelle.
La notion d'autonomie doit être respectée, bien sûr, mais la solidarité nationale joue pour tous.
Si vous dîtes aux outre-mer que l'autonomie, c'est l'absence d'argent, vous provoquez la peur qui jouera au moment des consultations référendaires. Il faut trouver comment aider Aircalin.
L'amendement n°II-958 rectifié bis est retiré.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
M. le président. - Amendement n°II-1018, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste.
I. - Créer le programme :
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d'eau en Guadeloupe
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1018 transfère 40 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le nouveau programme « Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d'eau en Guadeloupe ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1018.html
M. Victorin Lurel. - Cet amendement crée un fonds exceptionnel pour l'eau. Il faut a minima 700 millions à 800 millions d'euros pour réparer les réseaux d'eau en Guadeloupe. Cela prendra dix à quinze ans.
L'État était concessionnaire avec Suez : les responsabilités sont partagées. Il faudrait dissoudre toutes les structures actuelles, créer une structure unique, mais le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (Siaeag) est criblé de dettes.
Les gens ne paient plus l'eau : nous sommes dans l'impasse. D'où la création de ce fonds doté de 40 millions d'euros par an pour cinq ans.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avis défavorable. Certes, nous souscrivons à vos préoccupations sur la situation de l'eau en Guadeloupe. C'est une compétence décentralisée, mais il existe déjà un soutien de l'État, qui sera renforcé par le plan de relance.
Créer un programme ad hoc dans la mission ne semble pas pertinent, d'autant que les crédits sont pris sur le comité interministériel des outre-mer (CIOM).
M. Sébastien Lecornu, ministre. - L'eau est effectivement un sujet prioritaire que je connais bien, pour l'avoir suivi depuis le début de mes fonctions ministérielles ; M. Théophile aussi y est vigilant. Je mets un point d'honneur à obtenir des résultats tangibles.
L'eau est traditionnellement une compétence décentralisée depuis l'après-guerre. Le président de l'AMF, François Baroin, est attaché, comme nous tous, au principe selon lequel l'eau paie l'eau, ce qui n'empêche pas la solidarité entre territoires, ni la solidarité nationale en cas de besoin.
Il existe déjà un plan Eau DOM. En outre, le plan de relance consacrera 50 millions d'euros aux réseaux d'eau claire et d'eau grise, voire noire. Il y a là un enjeu sanitaire et écologique. Cela permettra de couvrir largement des travaux en 2021.
Je m'engage à ce que, si nécessaire, l'État renforce son soutien en 2022, 2023 et les années suivantes pour réaliser convenablement les travaux en Guadeloupe, mais aussi à Mayotte. Il faut également travailler sur la gouvernance et l'organisation, dans un territoire archipélagique, entre syndicats et communautés d'agglomération. Je souhaite une structure unique en septembre 2021. La proposition de loi Benin-Théophile est à cet égard une initiative intéressante, mais nous pourrions aussi passer par d'autres voies que la loi : nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre. Retrait.
M. le président. - Nous avons quatre missions à examiner d'ici ce soir. Je demande donc à chacun un effort de concision.
M. Victorin Lurel. - Je remercie le ministre de ces engagements, mais sur 1,5 milliard d'euros, ce sont 133,9 millions d'euros pour l'outre-mer, et sur les 50 millions d'euros que vous avez cités, 10 millions d'euros pour la Guadeloupe. C'est insuffisant. En plein covid, les gens n'ont pas d'eau pour se laver ou appliquer les gestes barrière.
J'apprends ici que M. Théophile porterait une solution. Très bien ! On peut s'interroger sur le dessaisissement des parlementaires et des collectivités au profit de l'État. Mais qui paiera les dettes ? Qui paiera les salaires ? L'État doit proposer des solutions financières fortes, au-delà de l'aspect législatif.
L'amendement n°II-1018 est retiré.
M. le président. - Si chaque amendement retiré prend autant de temps...
Amendement n°II-1104 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda.
I. - Créer le programme :
Fonds d'urgence pour l'amélioration des conditions de vie dans les Outre-mer
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits de paiement :
[L'amendement n°II-1104 rectifié transfère 16 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Condition de vie outre-mer » vers le nouveau programme « Fonds d'urgence pour l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1104.html
M. Maurice Antiste. - Les crédits alloués au programme 123 sont en diminution de plus de 5 %. Ainsi, les crédits alloués a? l'action Aménagement du territoire diminuent de 9,82 % et ceux de à l'action Logement de 2,74 %.
Cet amendement crée un nouveau programme « Fonds d'urgence pour l'amélioration des conditions de vie dans les outre-mer » doté de 16 millions d'euros.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avis défavorable : le programme 123 poursuit les mêmes objectifs.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Retrait ou avis défavorable car nous sommes sur la sincérisation des crédits entre autorisations d'engagement et crédits de paiement. En cas de besoin, cela pourra être traité en gestion.
L'amendement n°II-1104 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1103 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda.
I. - Créer le programme :
Fonds d'urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1103 rectifié transfère 15 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conditions de vie outre-mer » vers le nouveau programme « Fonds d'urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1103.html
M. Maurice Antiste. - D'après l'étude de l'Insee « Niveau de vie et pauvreté dans les DOM » publiée en juillet dernier, les habitants des départements d'outre-mer avaient globalement, en 2017, un niveau de vie plus faible qu'en métropole et les inégalités y étaient plus marquées, en particulier en Guyane et à Mayotte.
Le taux de pauvreté monétaire des DOM était deux à cinq fois plus élevé qu'en France métropolitaine.
La pauvreté touche un tiers de la population guadeloupéenne, quand la moitié des Guyanais et 29 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté.
L'État reconnaît ce problème puisqu'il octroie une « prime de vie chère » a? ses fonctionnaires. Une grande partie de la population, malheureusement, ne bénéficie pas d'aide spécifique pour pallier cette différence de niveau de vie avec l'Hexagone.
En juin 2018, le Gouvernement a saisi l'Autorité de la concurrence sur le fonctionnement de la concurrence en matière d'importations et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM. Le niveau général des prix à la consommation est de 7 % à 12,5 % plus élevé dans les DOM qu'en France métropolitaine.
C'est pourquoi cet amendement crée un nouveau programme « Fonds d'urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer » doté de 15 millions d'euros.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avis défavorable : cela ne me semble pas adapté pour lutter contre le phénomène de vie chère, qui est structurel.
D'autres dispositions, comme l'aide au fret, existent déjà dans la mission.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis défavorable à cet amendement d'appel, sur un sujet très important.
Les gouvernements successifs ont pris le problème à bras-le-corps. Les causes sont structurelles, notamment fiscales.
Il faut continuer à évaluer les dispositions existantes. Je crains que le fonds envisagé ne crée de l'inflation. Une solution pourrait être envisagée dans le cadre du plan de relance.
M. Maurice Antiste. - C'est un amendement d'appel. Monsieur le ministre, je sens votre volonté d'aller plus loin. Je ne vous lâcherai pas.
M. le président. - Vous ne lâchez pas le ministre, mais vous retirez l'amendement ? (Sourires)
L'amendement n°II-1103 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1055, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1055 transfère 11 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Programme d'options spécifiques à éloignement et à l'insularité ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1055.html
M. Victorin Lurel. - Cet amendement est d'appel ; je le reconnais.
Nous avons avancé sur le Posei, qui est l'équivalent de la PAC pour l'outre-mer, mais seulement pour 2021 et 2022. Ensuite, il est prévu de piocher dans les crédits du ministère de l'Agriculture pour abonder le Posei.
Le Président de la République a pris en 2019, à La Réunion, l'engagement d'augmenter le CIOM. Nous demandons 2 millions d'euros supplémentaires.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - C'est un amendement d'appel. Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Retrait de l'amendement sur le Posei. Nous évoquerons le CIOM ultérieurement. Clément Beaune et Julien Denormandie n'ont pas ménagé leurs efforts, non plus que le Président de la République, qui a appelé directement la présidente von der Leyen et la chancelière Merkel, et mais nous payons aussi le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Réjouissons-nous de cette victoire, car l'affaire reviendra dans quelque temps.
L'amendement n°II-1055 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1051, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Dispositif de soutien à la formation en mobilité
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1051 transfère 5 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conditions de vie outre-mer » vers le nouveau programme « Dispositif de soutien à la formation en mobilité ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1051.html
Mme Catherine Conconne. - La population outre-mer, en particulier en Guadeloupe et en Martinique, pâtit d'un dépérissement chronique ; des peuples s'éteignent à petit feu. Il faut activer l'aide au retour.
Cet amendement s'inspire du « cadres à Mayotte » d'aide au retour des jeunes étudiants pour leur retour au pays, avec leur savoir, leur soutien, leur solidarité. Il sera financé à hauteur de 5 millions d'euros par une ponction sur des crédits où j'ai constaté qu'il existait une marge de manoeuvre.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Avis défavorable. Ce dispositif nécessiterait une évolution législative. Il n'existe actuellement qu'à Mayotte.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Ce dispositif, récent, semble effectivement fonctionner. Néanmoins, il est compliqué de transposer le cas de Mayotte car il s'agit de petites cohortes, ce qui ne serait pas le cas en Martinique et en Guadeloupe.
Votre amendement, toutefois, pose un vrai sujet sur lequel il faut avancer. L'enjeu est noble, sur les parcours de vie, le vieillissement de la population. Imaginons un dispositif adapté en nous appuyant sur le tissu associatif. Je m'engage à financer au besoin des pilotes en 2021.
Cette question mériterait aussi un parlementaire en mission.
Mme Catherine Conconne. - Mon appel a été entendu : le ministre s'est montré rassurant. Nous nous battrons pour ne pas disparaître.
L'amendement n°II-1051 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1050, présenté par M. Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Développement endogène des filières agricoles de diversification
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1050 transfère 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Conditions de vie outre-mer » vers le nouveau programme « Développement endogène des filières agricoles de diversification ».]
https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1050.html
M. Maurice Antiste. - Les producteurs agricoles ultramarins ont démontré le rôle essentiel de la production locale pour approvisionner la population en viandes, fruits et légumes frais lors de la crise sanitaire.
Hélas, le Gouvernement peine à répondre à la demande de revalorisation des fonds du CIOM portée par les filières.
Il est regrettable que l'intégralité de ces fonds ne provienne pas exclusivement de la mission « Agriculture ». Celle-ci ne prévoit que 43 millions d'euros pour le fonds CIOM en 2021. Cet amendement augmente les crédits de 5 millions d'euros.
M. le président. - Amendement n°II-1056, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Développement endogène des filières agricoles de diversification
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1056 transfère 2 millions d'euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Emploi outre-mer » vers le nouveau programme « Développement endogène des filières agricoles de diversification ».]
https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1056.html
M. Victorin Lurel. - Parce que le Posei est insuffisant, la France a prévu 40 millions d'euros dans une nouvelle enveloppe. Ce montant n'a pas bougé depuis 2009. Il n'y a pas assez d'argent. Didier Guillaume m'avait promis 45 millions d'euros et M. Denormandie s'engage désormais à 2 millions d'euros. Nous ne réclamons pas une revalorisation, mais un simple maintien.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - C'est légitime mais cela relève de la mission « Agriculture, alimentation et forêt ».
Les conditions du CIOM sont passées de 41 millions à 45 millions d'euros. Avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Le CIOM et le Posei sont de grands outils à la main de la puissance publique pour accompagner l'agriculture.
Le Président de la République s'est engagé à 45 millions sur le CIOM. Cet engagement sera tenu, en 2020, largement : en gestion, nous atteindrons sans doute 46 millions d'euros, car nous avons eu plus de demandes. Pour 2021, nous serons bien à 45 millions d'euros.
Cette année, le ministère des outre-mer a contribué à hauteur de 5 millions d'euros dans le dialogue de gestion avec le ministère de l'agriculture, dont c'est la responsabilité initiale. Ce sera aussi le cas en 2021. Se pose aussi la question du gage.
Retrait ou avis défavorable.
M. Joël Labbé. - Le ministre de l'outre-mer doit être le défenseur des intérêts des outre-mer. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de contacts entre votre ministère et celui de l'agriculture, sans doute pas. Je vois que vous prenez vos fonctions à bras-le-corps : cela doit inclure l'agriculture et l'alimentation, où vous pouvez accomplir une révolution pacifique.
La souveraineté alimentaire est essentielle, or il y a 80 % d'importation outre-mer, où les surfaces agricoles utiles ne représentent que 33 %, contre 52 % en Métropole. Et 34 % de ces surfaces sont consacrées aux cultures d'exportation qui sont très subventionnées. Il faut de la polyculture.
Je soutiens avec force ces amendements. Je veux bien accompagner le président Artano à une rencontre entre ministre des outre-mer et ministre de l'agriculture sur le sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER)
M. Victorin Lurel. - L'excellent rapporteur dit qu'on ne va pas créer un autre programme. Le ministre de l'Agriculture dit qu'il fait sa part avec 3 millions d'euros. Mais je ne veux pas de gestion. Je veux de nouveaux crédits ! Je demande aux collègues de voter ces amendements.
L'amendement n°II-1050 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-1056.
M. le président. - Amendement n°II-1039 rectifié bis, présenté par MM. Théophile, Patient et Mohamed Soilihi et Mme Phinera-Horth.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1039 rectifié bis transfère 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement du programme « Conditions de vie outre-mer » vers le programme « Emploi outre-mer ».]
https://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1039.html
M. Dominique Théophile. - Le fonds serait doté de 5 millions d'euros.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Nous avions émis un avis favorable avant de changer d'avis car des dotations pour des appels à projet et à manifestation d'intérêt sont déjà prévues.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Monsieur Labbé, je suis prêt à y travailler.
Monsieur Lurel, l'engagement sur les 45 millions d'euros sera tenu.
Monsieur Théophile, 247 millions d'euros ont été votés dans le plan de relance pour être déployés avec Business France. Je vais regarder ce qui est disponible pour les outre-mer afin de ne pas prendre, avec le gage, sur les crédits des collectivités territoriales.
M. Dominique Théophile. - Je me fais violence pour le retirer car il y a une nouvelle génération d'entrepreneurs qui doivent être accompagnés pour faire connaître leurs savoir-faire.
L'amendement n° II-1039 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1057, présenté par M. Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Fonds de lutte contre les violences conjugales
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1057 transfère 5 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le nouveau programme «Fonds de lutte contre les violences conjugales ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1057.html
M. Maurice Antiste. - Ce budget fait l'impasse sur un problème majeur pour les outre-mer : les féminicides et les violences contre les femmes.
Cet amendement crée un fonds spécifique aux territoires ultramarins, doté de 5 millions d'euros, pour accompagner les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants à charge, en les aidant dans la poursuite de leurs activités scolaires et professionnelles, en leur assurant un logement et en appuyant leurs démarches administratives et judiciaires.
Mme Catherine Conconne. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°II-1058, présenté par M. Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1058 transfère 500 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Conditions de vie outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1058.html
M. Maurice Antiste. - Amendement de repli.
M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Nous souscrivons pleinement à cette préoccupation mais l'avis est défavorable car l'action n°4 du programme 123 prévoit déjà des subventions à des projets dans ce sens. L'enquête Virage (violence et rapports de genres) a été élargie aux outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Toutes thématiques confondues, l'enveloppe annuelle de soutien aux associations consentie par le ministère s'élève à trois millions d'euros et nous avons consacré depuis 2017 un million d'euros à la lutte contre les violences faites aux femmes. Jamais autant de moyens n'avaient été mis sur ce sujet.
La lutte contre l'homophobie, tout aussi préoccupante, doit également être traitée. Plutôt que d'agir au coup par coup, je vous propose une trajectoire pluriannuelle, coordonnée avec les CCAS et les conseils départementaux ou les territoires quand ils ont la compétence sociale.
Et puis, il y a des choses qui ne coûtent pas cher, mais peuvent changer les choses, comme la mise en place de téléphones grand danger en créole. Il faudra aussi y travailler de façon coordonnée, en y associant la lutte contre l'homophobie sur laquelle le député Raphaël Gérard a beaucoup travaillé.
Au-delà de la prévention, il y a le volet répressif, qui doit associer le garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur. Soyez certain, monsieur Antiste, de mon envie d'avancer, en lien avec les acteurs concernés. Retrait ?
M. Maurice Antiste. - J'aimerais que les parlementaires soient sollicités. Votre idée n'est pas mauvaise, elle doit vraiment voir le jour, pour que les femmes battues et les foyers démembrés puissent y croire.
L'amendement n°II-1057 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1102, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1102 transfère 2 500 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme «Conditions de vie outre-mer ».]
M. Maurice Antiste. - Dans les territoires ultra-marins, les établissements de santé? doivent faire face a? des déficits d'équipement ou a? l'inexistence de spécialités. Le recours aux évacuations est nécessaire. À titre d'exemple, la Martinique ne dispose pas d'un cyclotron pour le diagnostic et le suivi des cancers. Pour Mayotte, ceux-ci sont effectués a? La Réunion. À Wallis et Futuna, les malades sont régulièrement évacués vers la Nouvelle-Calédonie pour être pris en charge.
Dans le cadre de la continuité territoriale, une possibilité de prise en charge totale a été instituée. Cependant, pour les patients et leurs proches, l'éloignement lors des prises en charge a de lourdes conséquences, qui appellent une prise en charge adaptée.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - L'extension de l'aide à la continuité nécessiterait une modification du code des transports. Retrait.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - La situation a été clarifiée pour la continuité territoriale funéraire.
La sécurité sociale prend en charge un accompagnement et LADOM prend en charge un deuxième accompagnateur. Les frais sur place, relèvent, me semble-t-il, des collectivités, ou du CCAS, sous la responsabilité de la collectivité chef de file.
M. Maurice Antiste. - Cela reste la croix et la bannière pour de nombreuses familles.
Mme Nassimah Dindar. - Les départements se mobilisent. À La Réunion, la caisse générale de sécurité sociale prend en charge le malade et le médecin accompagnateur, ou, s'il n'y a pas besoin du médecin, un parent. Le problème se pose pour le deuxième parent. Des conventions existent. La difficulté, ce n'est pas le billet d'avion, mais l'accompagnement sur le territoire national.
Les violences faites aux femmes et le démantèlement des familles nécessitent la mise en place de vrais moyens. Heureusement que l'on a été inclus dans Virage, qui est l'enquête nationale. En revanche, on a été oubliés des dispositifs de téléphones grands dangers et des bracelets électroniques.
M. Joël Labbé. - La prise en charge des accompagnants nécessite un geste de soutien.
J'en profiterai pour évoquer un sujet de santé : plus de 80 % de nos ressources en plantes médicinales se trouvent dans les outre-mer et sont un gisement de développement économique. Elles présentent aussi un fort intérêt sanitaire, tant pour les Ultramarins que pour tous les Français. Nous allons relancer un groupe de travail informel sur le sujet et j'invite tous les sénateurs ultramarins à le rejoindre.
Mme Lana Tetuanui. - Je souscris à ce que disent mes collègues de l'outre-mer. Une précision à l'intention de monsieur le ministre : la sécurité sociale prend en charge les évacuations sanitaires pour les fonctionnaires d'État. Mais en Polynésie, c'est la caisse de prévoyance sociale qui les prend en charge quand il s'agit de fonctionnaires territoriaux.
L'amendement n°II-1102 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1060, présenté par Mme Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Fonds d'urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1060 transfère 2 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le nouveau programme « Fonds d'urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1060.html
Mme Victoire Jasmin. - Cet amendement d'appel attire votre attention sur la nécessité de développer un tourisme raisonné qui fasse travailler les très nombreuses TPE en outre-mer.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Avis défavorable : la mission « Outre-mer » comporte déjà de nombreux dispositifs. L'ADOM conventionne avec Atout France ; Un cluster Tourisme dans les outre-mer contribue à des actions de promotion à l'étranger des destinations outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Merci pour cet amendement d'appel à deux millions d'euros. Nous partageons l'objectif de développement du tourisme ; la mission prend déjà en charge certains dispositifs, notamment en lien avec Atout France, pour la communication grand public ou l'ingénierie. Le cluster Tourisme des outre-mer, promeut notamment les destinations ultramarines. Le plan de relance comporte 50 millions d'euros sur le tourisme durable ; les négociations sur la quote-part des outre-mer n'ont pas encore abouti, mais l'atterrissage devrait se faire à plus de deux millions d'euros, en concertation avec les élus concernés. Retrait ?
Mme Victoire Jasmin. - Il y a deux mois, dans le Journal du dimanche, Barbara Pompili déconseillait aux Français de l'Hexagone de venir en Guadeloupe ou en Martinique. Était-ce une fake news ? Un peu de cohérence entre vos annonces et la vraie vie...
M. Sébastien Lecornu, ministre, rapporteur spécial. - Je me suis engagé devant vous. J'invite les sénateurs à aller outre-mer pour les fêtes de Noël. Les territoires d'outre-mer sont des opportunités de déplacement, au vu de la bonne situation sanitaire. J'invite les Français à déserter massivement l'Hexagone pour se rendre sur les plages de Guadeloupe, de Martinique et d'ailleurs en outre-mer pour les prochaines vacances !
L'amendement n°II-1060 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1059, présenté par M. Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Créer le programme :
Observatoire des finances locales dans les outre-mer
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1059 transfère 1 million d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Conditions de vie outre-mer » vers le nouveau programme « Observatoire des finances locales dans les outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1059.html
M. Maurice Antiste. - Avec cet amendement d'appel, nous interpellons le Gouvernement sur la situation budgétaire particulièrement préoccupante des communes ultramarines, ainsi que l'ont illustré notre collègue Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve. Il faut sortir de la logique de « gestion de crise » pour favoriser un suivi plus régulier et mieux intégrer les intérêts des outre-mer dans la construction des réformes nationales relatives aux finances locales.
D'où l'idée d'un Observatoire des finances locales outre-mer, qui aurait pour mission la collecte, l'exploitation et la diffusion des informations statistiques et comptables en matière de finances des collectivités ultramarines, rattaché au Comité des finances locales (CFL), comme le propose le rapport, sur le modèle de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locale.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Avis défavorable. S'il est important qu'un tel observatoire soit créé, il pourrait être adossé au CFL, qui ne dépend pas de cette mission. C'est plus une question de volonté politique que de crédits.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Oui, il faut être transparent sur les informations budgétaires des collectivités territoriales ultramarines, en plus des travaux réalisés par les chambres régionales des comptes. Créer un observatoire détaché du CFL n'est pas la bonne solution. Mettre les finances locales ultramarines dans un coin, c'est prendre le risque qu'elles y restent ; or pour la péréquation, elles sont liées à l'ensemble des finances locales. Le Sénat, champion des libertés territoriales, peut faire pression pour mettre une vraie focale sur ces questions. Retrait ?
L'amendement n°II-1059 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1101, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1101 transfère 1 million d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le nouveau programme « Conditions de vie outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1101.html
M. Maurice Antiste. - J'espère que vos collaborateurs prennent bonne note de toutes vos promesses. Moi, en tout cas, je les note.
Cet amendement d'appel attire l'attention du Gouvernement sur l'aide à la continuité territoriale funéraire, qui ne fonctionne pas bien en raison des conditions d'éligibilité très restrictives : sur trente demandes, deux ont été satisfaites.
Il faudrait porter le plafond de 6 000 à 12 000 euros et réformer les conditions de résidence, car pour le moment, des Ultramarins résidant dans l'Hexagone depuis plusieurs années ne bénéficient pas du dispositif.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Cet amendement n'est pas opérant : les conditions de l'aide funéraire sont fixées par le code des transports.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Rassurez-vous, mon cabinet note et je me souviens de tout. Quoi qu'il en soit, vous pourrez me rappeler à mes promesses, vous n'aurez pas à venir me chercher bien loin...
Votre amendement relève du réglementaire ; or je vais signer un arrêté avec Bercy pour doubler le plafond. Cet amendement sera donc satisfait. Je vous communiquerai le contenu de l'arrêté.
En revanche, il n'est pas prévu de toucher aux conditions de domiciliation. Retrait ?
M. Maurice Antiste. - Attention, le problème se pose aussi entre les départements d'outre-mer.
L'amendement n°II-1101 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-997, présenté par Mme Jasmin et MM. Lurel et Antiste.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-997 transfère 1 million d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Conditions de vie outre-mer ».]
Mme Victoire Jasmin. - Les crédits de la LBU ne sont pas assez consommés. S'ils l'étaient, cela serait aussi positif pour l'emploi ; quand le bâtiment va, tout va. C'est aussi une question de conformité pour les risques naturels majeurs. Travaillons différemment dans le cadre du schéma régional avec les intercommunalités.
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Avis défavorable. Les crédits de la LBU augmentent de 8,7 % en autorisations d'engagement ; la baisse de 2,7 % des crédits de paiement s'explique par la sous-consommation, mais il reste 176,9 millions d'euros.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Avis défavorable. Il y a déjà 15 millions d'euros dans le plan de relance.
L'amendement n°II-997 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-1054, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1054 transfère 380 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer» vers le programme « Conditions de vie outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1054.html
M. Victorin Lurel. - En 2018, la sous-consommation a atteint 180 millions d'euros, c'était 191 millions d'euros l'année dernière, soit 7 % de la mission !
Pour le justifier, le Gouvernement rejette la faute sur les collectivités territoriales, qui seraient incapables de monter correctement des dossiers. Le député Max Mathiasin, lui, parle dans son rapport d'une concentration excessive des dépenses en fin d'exercice et cite un rapport du contrôleur budgétaire et comptable du ministère. Ce n'est pas la faute des collectivités ! Nous demandons donc de maintenir les crédits de l'an dernier.
La situation du logement est grave : on devrait construire 150 000 logements sur dix ans, soit 10 000 par an. On n'en fait que 5 500 !
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - La ligne choisie ne convient pas. La sous-consommation pourrait faire l'objet d'une mission au Sénat ou d'une demande de rapport à la Cour des comptes.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - La bonne nouvelle, c'est que les choses bougent en 2020. Dans le budget, il y a 7 millions ou 8 millions d'euros en ingénierie pour les collectivités d'outre-mer pour le logement. C'est tout à fait inédit. Le plan de logement pour l'outre-mer (PLOM) commence à produire ses effets.
Le plan de relance y consacre 30 millions d'euros via l'AFD pour accompagner l'ingénierie des collectivités territoriales, notamment pour le logement. Retrait ?
M. Victorin Lurel. - Nous sommes passés de 263 millions à 224 millions d'euros en autorisations d'engagement, en six ou sept ans, pour le logement outre-mer. En général, moins de 200 millions d'euros sont engagés.
La Guadeloupe est passée de 63 millions d'euros en autorisations d'engagement à 31 millions d'euros, même si certaines collectivités progressent, comme la Guyane et Mayotte, et c'est légitime. Ce problème reste posé, il faudrait des études.
L'amendement n°II-1054 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1019, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1019 transfère 170 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Emploi outre-mer » vers le programme « Conditions de vie outre-mer ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1019.html
M. Victorin Lurel. - La filière logement connaît un problème de représentativité entre l'union sociale de l'habitat (USH) et l'union sociale pour l'habitat outre-mer (Ushom). Nous tous recevons des appels à ce que seule la première soit considérée comme représentante. Je crois qu'il faut que l'Ushom soit reconnue et financée, car elle fait un travail extraordinaire. Certaines choses ne sont pas réalisées par l'USH.
Le ministre a répondu qu'il s'agissait d'une querelle privée. Non.
Mme Emmanuelle Cosse, la présidente de l'USH, a écrit un courrier contenant des termes inacceptables à son homologue de l'Ushom. C'est une querelle institutionnelle. On supprime la circonscription outre-mer pour l'élection européenne, on supprime France Ô, on ne crée pas la cité des outre-mer, on n'applique pas la loi pour l'égalité réelle... il faut s'arrêter !
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Avis défavorable à l'amendement n°II-1019 ; l'Ushom est un acteur central qui bénéficie déjà de financement public. Cet amendement ne pérenniserait pas sa dotation.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je n'ai jamais prétendu que c'était une querelle de personnes, mais un différend entre personnes morales, qui plus est judiciarisé. Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de voir disparaître l'Ushom, dont nous avons besoin. Je suis à vos côtés pour la défendre. Emmanuelle Wargon va traiter autant avec l'USH qu'avec l'Ushom, et vous réunira pour en débattre.
M. Victorin Lurel. - J'entends l'engagement. Il y a déjà un premier résultat de cette judiciarisation : l'USH a été condamnée pour avoir expulsé l'Ushom manu militari de ses locaux.
Je ne demande pas de pérenniser, mais les dotations ont été supprimées, au prétexte que l'Ushom devrait accepter la tutelle de l'USH et payer leur cotisation. Nous demandons à l'exécutif de financer un organisme dans lequel tous les opérateurs ont confiance.
Mme Catherine Conconne. - Je soutiendrai cette interpellation. Il y a des choses inadmissibles et injustes qui se passent.
Nous signerons tous le courrier de notre collègue député. Nous condamnons cette chasse à l'homme, que dis-je, à la femme, contre la déléguée générale de l'Ushom, expulsée manu militari de son local !
Mme Victoire Jasmin. - Je m'associe à mes collègues. La conséquence de cela, monsieur le ministre, c'est un risque assurantiel pour les logements concernés. Quand le logement n'est pas rénové, on s'expose aux dégâts liés aux catastrophes naturelles. Les assureurs refusent de dédommager ou augmentent leurs primes.
L'amendement n°II-1019 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Outre-mer », modifiés, sont adoptés.
Article 55 sexies
M. le président. - Amendement n°II-1161, présenté par M. Rohfritsch et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Rédiger ainsi cet article :
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 1803-4 est supprimé ;
2° L'article L. 1803-4-1 devient l'article L. 1803-4-2 ;
3° Après l'article L. 1803-4, il est inséré un article L. 1803-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1803-4-1. - Lorsque le déplacement est justifié par la présence aux obsèques d'un parent au premier degré, au sens de l'article 743 du code civil, d'un frère ou d'une soeur, du conjoint ou de la personne liée au défunt par un pacte civil de solidarité, ou lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent dont le décès survient avant le terme du délai, fixé par voie réglementaire, de dépôt de la demande, l'aide à la continuité territoriale définie à l'article L. 1803-4 du présent code intervient, sous conditions de ressources, en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l'article L. 1803-2 du même code et régulièrement établies sur le territoire.
« Le déplacement peut avoir lieu entre deux points du territoire national, l'un situé dans l'une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 et l'autre situé sur le territoire métropolitain. Le déplacement peut aussi avoir lieu entre deux collectivités mentionnées au même article L. 1803-2. »
M. Thani Mohamed Soilihi. - La cohésion du territoire est le ferment de notre engagement. La loi relative à l'égalité réelle outre-mer a posé un premier jalon Cet amendement démocratise l'accès à la continuité territoriale funéraire, dont la mise en oeuvre reste lacunaire. Il clarifie la possibilité de se rendre au chevet d'un proche en fin de vie en métropole, l'étend aux frères et soeurs, ainsi qu'aux déplacements entre collectivités d'outre-mer.
Cela concernerait 300 déplacements par an, soit 300 000 euros sur un budget total de 6 millions d'euros.
M. le président. - Amendement identique n°II-1164, présenté par le Gouvernement.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Défendu.
Les amendements identiques nosII-1161 et II-1164 sont adoptés.
L'article 55 sexies, modifié, est adopté.
Articles additionnels après l'article 55 sexies
M. le président. - Amendement n°II-796 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, M. H. Leroy, Mme Berthet, MM. Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mmes L. Darcos et Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet.
Après l'article 55 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er septembre 2021, sur le coût pour les finances publiques des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière à Mayotte.
Mme Valérie Boyer. - Plus de 400 000 à 500 000 étrangers sont en situation irrégulière à Mayotte, pour seulement 23 000 mesures d'éloignement; 95 % restent sur le territoire français ! Mayotte est la première destination des migrants comoriens, mais désormais, certains viennent de bien plus loin. Sur les 256 000 habitants de Mayotte, la moitié seulement y est née.
Comme le dit le député Mansour Kamardine, 40 % de la population est clandestine. Cela a des conséquences économiques, démographiques et sociales. Le déficit migratoire des natifs de Mayotte a presque doublé entre 2012 et 2017, en raison des jeunes qui partent vers La Réunion ou vers la métropole. Outre les Comores, un nouveau flux s'est créé en provenance de la région des Grands lacs. Conséquence : plus de 1 000 demandes d'asile en 2020 pour des arrivants issus de cette région contre moins de 100 en 2014. Mayotte est en train de devenir une nouvelle voie d'accès vers l'Europe.
Il faut un rapport pour ouvrir le débat, d'autant que le Gouvernement n'a jamais répondu à mes questions, notamment sur le coût des soins aux étrangers irréguliers, même si l'aide médicale d'État (AME) ne s'applique pas à Mayotte. Que l'on me réponde avant le 1er septembre 2021. Est-il normal que la Représentation nationale n'ait pas d'éléments d'information ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Avis défavorable, par principe : c'est une demande de rapport.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je suis plus que disposé à répondre à la Représentation nationale. Il y a eu 27 000 reconductions et alignements en 2019. L'opération Shikandra commence à produire ses effets. L'année 2020, bien sûr, sera un peu différente en raison du coronavirus.
Je propose une audition à la délégation sénatoriale aux outre-mer pour répondre plus amplement sur ce point. Je suis très mobilisé sur le sujet, comme mon collègue Gérard Darmanin, avec lequel je me rendrai à Mayotte avant Noël. Nous ne sommes pas là pour stigmatiser Mayotte. Retrait.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Merci à ma collègue de son intérêt pour ce département. Mais les choses y sont trop complexes pour un seul angle d'attaque. Il faut une étude globale, et pas seulement sur l'immigration ou les dépenses de santé. Je l'ai déjà dit à Mme Assassi.
Les élus de Mayotte demandent depuis une année l'application de l'AME à Mayotte, que l'on nous refuse en prétendant que cela créerait un appel d'air. Nous avons besoin de solutions concrètes. Un nouveau rapport n'apporterait rien de nouveau. Je ne voterai pas cet amendement.
Mme Éliane Assassi. - Le sujet migratoire à Mayotte est sérieux - personne ne le nie. Il doit être prioritaire dans les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer, je l'ai dit ce matin.
Mais dans ce cas il faut tout mettre sur la table, y compris l'héritage historique. (Mme Catherine Conconne applaudit.)
Mais le véhicule d'un amendement sur une mission budgétaire est très mal choisi, surtout dans la situation actuelle. (Mme Lana Tetuanui applaudit.)
C'est un message désastreux donné à des millions de personnes sur cette planète. Déposer un tel amendement, c'est manquer un peu d'humanité. (Mme Valérie Boyer proteste)
Mme Valérie Boyer. - Il était naturel que je dépose un amendement sur cette mission, surtout quand je n'ai pas de réponse à mes questions.
Je n'ai pas de leçons d'humanité à recevoir. (Mme Éliane Assassi le conteste.) Il n'y a rien d'inhumain, monsieur le ministre, à étudier des comptes, réclamés à plusieurs reprises, alors que 40 % de la population de l'île est clandestine et que les élus appellent à l'aide. Il faut savoir pour agir !
Mme Éliane Assassi. - J'y suis allée !
Mme Valérie Boyer. - Ce qui est inhumain, c'est de ne pas avoir de solution. Notre devoir de parlementaires, c'est de demander des chiffres pour avoir une décision éclairée. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Catherine Conconne. - Il en va de la grandeur de la France. L'outre-mer mérite bien quelques heures de votre patience, monsieur le président. Oui, madame Assassi et monsieur Soilihi, il faudra convoquer l'histoire et pas seulement les chiffres et les statistiques, pour des terres que la colonisation a déchirées.
L'amendement n°II-796 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-1053, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 55 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la consommation et la ventilation des crédits consacrés aux « Études et autres interventions en ingénierie » inscrite à l'action 1 du programme 123 de la mission outre-mer.
M. Victorin Lurel. - Monsieur le président, j'apprécie votre longanimité. Cet amendement proposait un rapport sur les 6,62 millions d'euros pour les moyens d'ingénierie des directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). C'est une question d'exécution de budget, mais nous pourrions demander une enquête à la commission des finances et un rapport à la Cour des comptes.
L'amendement n°II-1053 est retiré.
présidence de M. Georges Patient, vice-président
DÉFENSE
M. le président. - Nous passons à l'examen de la mission « Défense ».
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances . - Madame la ministre, d'un strict point de vue budgétaire, la loi de programmation militaire (LPM) est respectée ; les crédits augmentent de 1,7 milliard d'euros. On pourrait s'en tenir à cela.
Je ferai cependant un rapide focus sur le plan Famille qui nous tient à coeur. La réforme de la rémunération semble porter ses fruits ; les recrutements se sont bien déroulés malgré le contexte difficile. Si les crédits pour l'amélioration de l'hébergement sont là, les résultats se font attendre. Il s'agit d'un personnel particulier qui mérite d'être bien traité. Mais les normes d'accessibilité ou de mobilité pourraient être justement appréciées de façon allégée pour agir plus rapidement...
Ce qui me préoccupe le plus, toutefois, c'est ce qu'il n'y a pas dans ce budget. Pour la fin de gestion 2020, le Sénat avait voté le principe d'une solidarité interministérielle pour les surcoûts des opérations extérieures (OPEX). Cela n'a pas été accepté l'année dernière, cela ne le sera pas cette année... Certes, 230 millions d'euros, c'est sans doute l'épaisseur du trait, mais je ne comprends pas que le Gouvernement s'affranchisse systématiquement de la loi.
Deuxième inquiétude, l'affaire des Rafale grecs. En sortant douze avions opérationnels pour en acheter douze neufs, nous répondons à un besoin financier et non opérationnel. La différence de coût, de 600 millions à un milliard d'euros, en outre, n'est pas assurée.
La LPM affichait l'objectif de 143 Rafale opérationnels à la fin 2023, or nous n'y sommes pas. L'objectif sera revu à la baisse, avec des conséquences en matière d'intervention et d'entrainement. Douze Rafale, c'est un prélèvement de 10 % sur les 102 de l'armée de l'air.
Certes, une meilleure disponibilité des appareils serait liée à la refonte du maintien en conditions opérationnelles. Je ne savais pas que cette réforme avait pour objectif de compenser une vente de matériel...
Troisième sujet d'interrogation, il y a urgence de choisir la propulsion du futur porte-avions, si nous voulons être prêts en 2038. La décision serait imminente, nous dit-on. Comment un enjeu aussi fondamental engageant le savoir-faire nucléaire et la dissuasion peut-il dépendre des enjeux de communication présidentiels ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Quatrième remarque : l'effort militaire et la menace ne s'évaluent pas en pourcentage de PIB. Avec la chute du PIB, le budget des armées risque d'atteindre effectivement les 2 % du PIB. Bercy fait déjà entendre une petite musique en ce sens...
Nous ne demandons qu'à vous faire confiance, mais la commission des finances conditionne son avis, que je souhaite favorable, à vos réponses à cinq questions : Y aura-t-il une actualisation de la LPM soumise au Parlement en 2021 et si oui, à quelle date ? L'intégralité de la vente des Rafale reviendra-t-elle au ministère ? Y aura-t-il une révision à la baisse du contrat opérationnel en raison de cette vente ? Quand sera annoncé le choix de la propulsion du futur porte-avions ? Enfin, le recul du PIB pourrait-il conduire à une diminution de l'effort budgétaire en valeur absolue ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Le programme 144 voit ses crédits augmenter de 8,9 %. Le fonds innovation défense, financé à partir de 2021, montera en puissance en cinq ans. Les 200 millions d'euros prévus sont-ils un montant minimal, qui pourra être abondé avec le concours d'acteurs publics et privés ? C'est bien mais cela ne règle pas les problèmes des financements de nos entreprises de défense, qui font face à des difficultés voire à des menaces de rachat de l'étranger.
Les banques sont de plus en plus réticentes à financer les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD), pour de multiples raisons. On songe aux sanctions extraterritoriales américaines, avec l'amende de 9 milliards d'euros ayant frappé BNP Paribas en 2014, ou à l'action des ONG hostiles au principe même des ventes d'armes voire de leur production.
Il faut agir dans trois dimensions : Il faudra un dialogue nourri entre l'État, les banques et la BITD, faire le lien entre BITD et souveraineté nationale, et défendre notre souveraineté économique.
Nous avons été choqués de découvrir une réduction de voilure dans le réseau des missions militaires d'Alger, Tunis, Amman, Tbilissi - qui couvre l'Arménie et l'Azerbaïdjan - Londres et Moscou. C'est un contresens total dans le contexte actuel ! On cherche à économiser quelques centaines de milliers d'euros alors que le budget de la mission augmente d'1,6 milliard d'euros. Ne convient-il pas de revoir ce dossier ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Le programme 144 porte une partie des crédits du renseignement pour un peu plus de 400 millions d'euros. Il concerne la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD).
La DGSE voit ses moyens augmenter, conformément à la priorité de la LPM. Les crédits du programme 144 s'élèvent à 388 millions d'euros, en hausse de 11,4 %, soit un effort d'investissement important de remise à niveau du parc immobilier, compte tenu de la croissance des effectifs et des nécessaires travaux de rénovation des bâtiments.
La DGSE emploie 7 100 personnes, avec un objectif de 7 800 en 2025. En 2021, ses effectifs seront stables. Ses crédits sont de 880 millions d'euros, en hausse de 7,7 %. L'effort financier de la France dans le renseignement extérieur demeure toutefois inférieur à celui de l'Allemagne et surtout du Royaume-Uni.
La DRSD s'oriente de plus en plus vers le renseignement. Ses 1 500 agents ont mené 311 000 enquêtes administratives l'an dernier, ce qui suppose une modernisation et un recours à l'intelligence artificielle. Ses crédits progressent de 12,2 %, à 143,2 millions d'euros.
Notre commission vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 144. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Ce budget donne la priorité à l'entretien programmé du matériel (EPM), qui bénéficie de 39 % des crédits du programme 178, pour 4,12 milliards d'euros.
L'activité opérationnelle et la disponibilité technique opérationnelle (DTO) ne sont pas satisfaisantes. Nos soldats ne sont pas assez entraînés par rapport aux standards internationaux et nous n'atteindrons pas les normes d'activité de l'OTAN avant 2025. Ce n'est pas compatible avec la multiplication et le durcissement des conflits.
Les capacités industrielles des acteurs en charge de la maintenance et de leurs sous-traitants doivent faire l'objet d'une grande vigilance.
Il faudrait 4,4 milliards d'euros pour l'EPM. Nous n'y sommes pas : il manque déjà 900 millions d'euros sur trois ans. Certains facteurs sont conjoncturels : réparation de la Perle, livraison des douze Rafale à la Grèce. D'autres sont structurels : contrats verticalisés entraînant des surcoûts, projection sur de multiples théâtres d'OPEX, sur-exécution des contrats opérationnels notamment.
Il faudra 2 milliards d'euros supplémentaires lors de l'actualisation de la LPM - qui ne saurait passer que par une loi. Notre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 178. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Le modèle de soutien des forces armées a souffert du double effet de la révision générale des politiques publiques et de la précédente LPM 2014-2019. Notre commission a souligné le décalage entre moyens et besoins. Le commissariat des armées a perdu 30 % de ses effectifs ces six dernières années, victime de la dernière LPM. Le niveau des personnels affectés doit mieux correspondre au profil des postes.
Le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs durant la précédente programmation. La LPM 2019-2025 ne prévoit une légère remontée qu'après 2023.
La pandémie a rebattu les cartes. Les élus locaux devront être associés à la nouvelle stratégie 2030 du SSA, car les huit hôpitaux d'instruction des armées participent à l'offre de soins à l'échelle d'un territoire.
Faute d'effectifs, le taux de projection en OPEX des équipes médicales dépasse 100 %, et atteint 200 % pour les équipes chirurgicales. Cette sur-sollicitation nuit à la fidélisation des personnels. Les conclusions du Ségur de la santé vont peser sur l'attractivité du SSA et devront être compensées dans le cadre de l'actualisation de la LPM.
Enfin, quid de la vaccination contre la covid ? Les militaires embarqués ou déployés en OPEX doivent être protégés de la pandémie. Madame la ministre, je souhaiterais vous entendre sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - L'attractivité de la condition militaire repose largement sur le régime des pensions qui vient de faire l'objet d'un rapport. Le système maintient la jeunesse des troupes tout en les fidélisant. La retraite peut être prise après 17 ans de carrière, 27 ans pour les officiers. Cela encourage les reconversions en milieu de carrière.
Or avec les réformes paramétriques successives, l'âge moyen des militaires s'est accru de trois ans jusqu'en 2016. La croissance des effectifs a stoppé ce vieillissement, mais la prudence reste de mise.
Le système à points envisagé par le Gouvernement prendrait en compte les primes, mais la pension serait calculée sur l'ensemble de la carrière. Difficile de présumer de l'équilibre final. Les militaires sont inquiets, et notre commission sera particulièrement vigilante.
La politique de recrutement de l'armée s'est beaucoup modernisée et s'appuie désormais sur le big data et l'intelligence artificielle pour cibler les profils pertinents. Le nouveau logiciel de recrutement interarmées facilitera le suivi et devrait raccourcir la procédure. Nous préconisons au demeurant de pérenniser la simplification du contrôle médical, avec une visite au lieu de deux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Nous sommes dans une phase de recrutement soutenue, mais la pandémie a perturbé cette politique.
Au creux de la vague, il y avait un déficit de 2 700 ETP, mais les armées ont su trouver des solutions, notamment en assouplissant les procédures de recrutement et en ciblant mieux les publics par des campagnes plus modernes. Le chômage a aussi augmenté le nombre de candidatures et favorisé la sélection.
L'attractivité dépend beaucoup de la condition militaire. En 2017, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer la qualité de vie des militaires, dans le cadre du plan Famille. À mi-parcours, quelle application concrète sur le terrain ? Les remontées sont très différentes.
À cet égard, nous avons été alertés sur les conditions d'hébergement déplorables des familles et la vétusté des logements. Que va devenir le Val-de-Grâce ?
Dans le contexte de crise sanitaire, l'armée a su s'adapter à l'urgence, puisque pour l'ensemble du ministère, le schéma d'emploi perdrait 112 emplois en 2020 sur les 300 prévus par la LPM. Nous nous inquiétons toutefois de la baisse de qualité des recrutements depuis 2014. Il ne suffit pas d'augmenter le nombre de recrues : il faut des profils adaptés à ce métier prestigieux mais difficile. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - L'avis favorable de notre commission est assorti de réserves. Je regrette l'annulation, en loi de finances rectificative, de 124 millions d'euros de crédits. La solidarité interministérielle pour le financement du surcoût des OPEX et missions intérieures n'est pas au rendez-vous. Qu'en est-il du dégel attendu des réserves de précaution ?
L'actualisation de la LPM en 2021 devra consolider la programmation : les effets se feront sentir sur la durée. Après des années de sous-financement, la modernisation est en cours mais les marches les plus hautes restent à franchir : programme Scorpion de l'armée de terre, dont les deux tiers restent à contractualiser, nouveau porte-avions que nous souhaitons à propulsion nucléaire. Hélas, les parlementaires sont tenus à l'écart de la réflexion. Le Gouvernement a-t-il bien retenu la voie législative ?
Le contrat avec la Grèce va nous priver de douze Rafale et décaler de plusieurs mois les livraisons à l'armée de l'air d'appareils neufs. Cela nous inquiète, même si l'exportation du Rafale est une bonne nouvelle. Le produit de cette cession doit revenir au ministère des armées. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Quoi qu'il en soit, les 600 millions d'euros évoqués ne suffiront pas à financer l'achat des avions neufs. Comment ferez-vous ? Nos armées, nos industriels ont besoin de perspectives de long terme. (Applaudissements)
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - L'exportation du Rafale à la Grèce, dont nous nous réjouissons, risque de créer une lacune pendant cinq ans dans les moyens de l'armée de l'air. Même si de nouveaux avions étaient commandés aujourd'hui, ils ne seraient pas livrés avant 2025. Nous confirmez-vous la commande de douze appareils neufs, avec des contrats passés avant la fin de l'année ?
La France fait le pari de la coopération avec le Système de combat aérien du futur (SCAF) et le futur char de combat (MGCS - Main Ground Combat System). Pour le SCAF, le projet de démonstrateur doit être lancé en 2021. Nous préférons négocier un cadre global avec notre partenaire allemand. Les parlementaires ne pourraient-ils pas être utiles dans ce dialogue ? Quid de la place de l'Espagne dans ce programme ?
Enfin, le plan de relance ignore la BITD, alors que les Britanniques ont annoncé un investissement de 27 milliards d'euros dans la défense, soit 18 milliards d'euros de plus que prévu, contre 600 millions d'euros pour la France. Cela servira au programme Tempest qui aboutira cinq ans avant SCAF, qu'il concurrencera.
Le plan de relance n'aurait-il pas pu renforcer la LPM ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Stéphane Ravier . - Dans une situation économique compliquée, il faut renforcer nos fonctions régaliennes pour protéger notre autonomie stratégique et notre souveraineté.
Nous sommes inquiets. La situation préoccupante de notre activité opérationnelle par rapport aux armées de même standard est le signe de notre rétrogradation au rang des nations.
L'augmentation de 3,3 % des crédits ne prend pas en compte le surcoût de 30 millions d'euros des opérations intérieures. Celui des OPEX s'élève à 1,4 milliard d'euros : la solidarité interministérielle doit s'appliquer.
Un seul des quatorze indicateurs d'activité opérationnelle sera conforme aux normes OTAN en 2021, à l'heure où la Turquie attise les tensions aux portes de l'Europe. Le chef d'État-major de l'armée de terre appelle à être prêt à la haute-intensité, mais les moyens ne sont pas à la hauteur. Le sujet du porte-avions n'est toujours pas réglé. Pourquoi ne pas provisionner dès maintenant, voire en prévoir un deuxième ?
Il faut saluer l'effort en faveur de la DGSE et de la DRSD, mais nous ne faisons que rattraper le retard et restons loin de l'effort consenti par l'Allemagne ou le Royaume-Uni.
L'augmentation des crédits alloués à la BITD est inutile si l'État ne soutient pas les entreprises de défense françaises. Sans stratégie de souveraineté, ces pépites meurent ou sont rachetées par des acteurs étrangers.
Je voterai contre ce manque de vision et d'ambition financière pour notre défense nationale.
M. Guillaume Gontard . - Le budget de la défense augmente de 4,6 %, soit 21 % depuis 2017. Vous défendez bien votre portefeuille, madame la ministre.
En cette période de disette budgétaire, la priorité donnée au régalien interroge.
En France, le Parlement n'a guère son mot à dire sur la stratégie de défense et sur les opérations extérieures : il se contente de signer le chèque.
Nous pourrions saluer votre budget s'il était davantage orienté vers l'amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes qui servent la France. Vous n'y consacrez qu'un tiers de l'enveloppe, moins d'un milliard d'euros ; on est loin du budget « à hauteur d'homme » que vous aviez annoncé.
Les militaires ont besoin d'être accompagnés ; leurs missions sont pesantes et l'omerta souvent la règle ; cela peut conduire à des drames comme à Castres. Il faut démocratiser des outils comme la cellule Themis.
L'effort est encore loin des besoins : 237 millions d'euros pour le plan hébergement, 160 millions pour le plan famille.
La rusticité est peut-être une valeur de nos armés, mais la rénovation des hébergements doit aller au-delà de l'installation du wifi et mettre fin aux passoires thermiques. Vous visez l'éradication des chaufferies au fioul et au charbon d'ici 2031 : c'est bien loin. Montrez donc l'exemple en consacrant davantage de moyens à l'amélioration des performances énergétiques de nos armées.
Le recrutement d'un militaire coûte 42 000 euros : il est important de savoir les fidéliser. Dans ce cadre, l'amélioration des conditions de vie représente un enjeu.
L'Europe de la défense est plus nécessaire que jamais, compte tenu de la crise que connaît l'OTAN avec le retrait américain et les provocations turques. La dissuasion nucléaire double n'est pas dimensionnée pour le seul besoin national. La France doit être leader d'un processus de désarmement nucléaire mondial, faciliter le dialogue entre États nucléaires et a minima respecter le traité de non-prolifération.
Le GEST s'abstiendra.
M. Ludovic Haye . - C'est un honneur pour moi d'intervenir pour la première fois à cette tribune.
Le budget de la mission « Défense », en hausse de 4,5 %, s'élève à 39,2 milliards en crédits de paiement. Les engagements de la LPM sont tenus pour la troisième année consécutive. Il faudra aller jusqu'au terme.
Cet effort exceptionnel répond au besoin d'adaptation de nos armées à un monde toujours plus instable et conflictuel. Il est nécessaire pour protéger nos compatriotes et assurer notre souveraineté.
Ce budget est celui d'une politique de défense humaine, ambitieuse et innovante. Il répond au besoin d'une armée « à hauteur d'homme », il poursuit la remontée en puissance capacitaire de nos armées, avec 13,6 milliards d'euros en crédits de paiement pour le programme 146, qui capte l'essentiel de la hausse des crédits. De nombreux aéronefs seront livrés, ainsi que 157 Griffon et 20 Jaguar dans le cadre du programme Scorpion, une nouvelle frégate multi-missions de défense aérienne, ainsi que des satellites.
Une armée qui innove est une armée qui construit son autonomie stratégique, qu'il s'agisse de la lutte contre la covid-19, du développement d'armes hypersoniques et de technologies quantiques ou de partenariat avec des pépites françaises leader dans des domaines de pointe. Elle anticipe, en travaillant dès à présent aux conflits du futur 2030-2060 avec le projet Red Team ou le projet SCAF.
Je salue l'infatigable abnégation de nos armées, engagées en OPEX et sur le territoire national. Elles pourront aussi compter sur nous.
La pandémie et les catastrophes naturelles et industrielles ont souligné la capacité de réaction et de résilience de nos armées. Je rends hommage au personnel du SSA pour leur engagement sans faille.
Ce budget irrigue l'économie bien au-delà du périmètre militaire et participe à la relance. PME et PMI constituent l'essentiel de la BITD, qui compte 4000 entreprises employant 200 000 personnes.
Le groupe RDPI votera avec fierté en faveur de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. André Guiol . - Dans un contexte de conflictualité élevé, nous devons avoir la plus grande vigilance vis-à-vis du budget de la défense.
Les visées de la Chine, de la Turquie et de la Russie remettent en cause l'ordre multilatéral, alors que nous défendons une régulation des relations internationales fondée sur le droit.
La lutte contre le terrorisme islamiste impose l'adaptation de nos forces armées et de nos services de renseignement à une menace protéiforme. Je salue les succès obtenus dans la bande sahélo-saharienne, qui font mentir les critiques sur le potentiel enlisement de Barkhane. Winston Churchill le disait : « le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal, c'est le courage de continuer qui compte ». Sans être va-t-en-guerre, je rappelle combien le basculement du continent africain dans le giron terroriste serait coûteux pour les démocraties occidentales comme pour les populations locales. Peu de guerres se gagnent à travers le prisme du temps court.
L'effort budgétaire devrait être plus conséquent à partir de 2023 mais il est d'ores et déjà de 1,7 milliard d'euros en crédits de paiement.
Le plan de relance n'intéresse pas directement la défense, mais je m'inquiète de l'écosystème industriel qui lui est lié. L'industrie aéronautique est en souffrance, or elle représente des milliers d'emplois.
Je me réjouis de la commande de 500 missiles hors-sol produits en France pour les hélicoptères d'attaque, avec 600 emplois directs à la clé.
En commission, nous nous inquiétions de l'impact de la pandémie sur la réalisation des objectifs de la LPM. Les livraisons seront-elles tenues ? La cible des 128 Griffon ne sera pas atteinte cette année.
Sénateur du Var, je m'intéresse aussi à notre marine. Le Suffren a lancé avec succès son premier missile de croisière. Il faut éviter la multiplication des ruptures temporaires de capacité dans un contexte de tensions croissantes en haute mer. Je me réjouis de la poursuite du plan Famille, juste retour de l'abnégation des marins.
Enfin, je salue le travail des ingénieurs, techniciens et ouvriers de nos arsenaux, qu'ils soient de Brest, de Toulon ou de Cherbourg. Les Amis Sorbiers, que je salue, se reconnaîtront. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Christian Cambon . - Je remercie chacun pour le travail exceptionnel et utile mené sur ce budget.
En cette période de crises, la Nation demande toujours plus à ses soldats. Ils sont au rendez-vous : Sentinelle, Résilience, opération Amitié pour le Liban se sont mises en place alors que nos opérations dans la bande sahélo-saharienne et au Levant se poursuivaient.
J'ai une pensée pour les 35 000 hommes et femmes déployés. Je rends hommage à ceux qui ont payé de leur vie leur engagement. L'abnégation et le courage de nos militaires en première ligne forcent l'admiration.
Car les tendances identifiées par la revue stratégique de 2017 s'aggravent. Malgré les défaites de Daech, le terrorisme djihadiste continue de répandre son idéologie mortifère.
La Méditerranée est le théâtre des tensions avec la Turquie qui n'hésite plus à recourir à la force. La Russie se place en position centrale tandis que l'Europe est hésitante, s'en tenant aux condamnations verbales. L'escalade récente dans le Haut-Karabagh nous montre dans quelles impasses nous conduit cette impuissance.
L'élection de Joe Biden ne changera pas la donne ; nous devons avancer dans le renforcement de l'autonomie stratégique européenne.
Dans ce contexte, ce budget est conforme à la trajectoire prévue. La LPM est-elle un plan de relance suffisant pour répondre à la crise ? L'effort d'amélioration des conditions de vie du personnel se poursuit - merci madame la ministre, je sais que nous vous le devons.
Les nouveaux matériels arrivent. La livraison du Suffren, qui a effectué son premier tir de missile de croisière, offre une nouvelle capacité stratégique à nos armées. La détérioration de la disponibilité des équipements devrait être enrayée.
Mais la marche reste haute. Le plus gros de l'effort a été repoussé aux dernières années de la programmation. Comme chaque année, le surcoût des OPEX et missions intérieures dépasse les montants provisionnés - sans que la solidarité interministérielle ne s'applique. Quid du dégel des 504 millions d'euros de réserve de précaution ?
Le ministère des armées bénéficiera du produit de la cession de se douze Rafale à la Grèce - mais il faudra des crédits supplémentaires pour l'achat d'appareils neufs.
La crise économique est une bombe à retardement pour notre industrie de défense. Les entreprises duales ont été immédiatement impactées par le choc subi par le secteur aéronautique. Celui-ci a fait l'objet d'un plan de soutien, mais les industries terrestres et navales sont inquiètes. Le BITD représente 200 000 emplois non délocalisables et des milliers de PME qui irriguent nos territoires. Ce secteur peut rapidement transformer la commande publique en croissance et en emplois.
Madame le ministre, confirmez-vous que l'actualisation de la LPM se fera par la loi ? Que nous ne serons pas mis devant le fait accompli ? Ce doit être un rendez-vous démocratique. Nous vous soutiendrons, comme nous l'avions fait pour la LPM.
Au-delà des programmes phares, c'est bien notre modèle d'armée complet, gage de notre souveraineté, qui est en jeu.
L'effort de défense représentait 1,82 % du PIB en 2019 ; nous passons à 2 %, car le PIB s'effondre. C'est sur les risques stratégiques, qui eux ne décroissent pas, que doit être indexé l'effort de défense.
Nous comptons sur vous, madame la ministre, et sur le futur projet de loi d'actualisation, pour que l'effort demeure à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP)
M. Jean-Louis Lagourgue . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) « Les nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée ; pas d'armée sans une solde ; pas de solde sans impôts » écrivait Tacite.
Avec le Brexit, l'armée française reste la seule armée d'envergure de l'Union européenne. Elle participe activement à la protection du continent. Il faut anticiper les menaces, y compris hors de nos frontières, et nos soldats sont déployés dans la bande sahélo-saharienne et au Levant.
S'ajoutent des missions intérieures dans le cadre du plan Vigipirate et dans la lutte contre la pandémie.
Nos soldats doivent disposer des moyens pour mener à bien leurs missions. Dans un contexte instable, Français et Européens doivent assurer eux-mêmes leur sécurité.
La France a tout intérêt à entretenir et renforcer ses capacités militaires. Nous devons disposer en permanence des moyens d'affronter les menaces qui pèsent sur nous, alors que les tensions s'accroissent.
« L'armée, c'est la Nation » disait Napoléon. L'une et l'autre doivent donc se soutenir. Nous regrettons que la défense soit absente du plan de relance, alors que nous avons une industrie de défense de pointe que le monde nous envie. Nous pourrions créer de vraies synergies, favoriser l'innovation tout en soutenant l'économie et l'emploi.
Nous restons attentifs aux conditions de vie des militaires, et notamment au sort réservé au Val-de-Grâce. Le logement des militaires en Île-de-France doit être amélioré.
Pour notre tranquillité et celle de nos alliés, continuons à investir suffisamment pour nos armées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
M. Pierre Laurent . - La semaine dernière, Mme Gréaume soulignait le déséquilibre entre les moyens affectés à la diplomatie et ceux consacrés à la défense.
La LPM fait de nos armées notre vitrine diplomatique. Est-ce le sens que nous voulons donner à l'action extérieure de la France ? Le budget de la défense atteint 39,2 milliards d'euros, en augmentation de 4,5 %. Griffons, Jaguar, fusils d'assaut, avions MRTT, hélicoptères, frégates... Il y a, c'est vrai, une part de remise à niveau nécessaire et d'amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles. En revanche, le SSA, auquel nous sommes particulièrement attachés, souffre.
Mais ces augmentations ne suffisent pas à dire, dans ce monde bouleversé et mouvant, si nous sommes sur la bonne trajectoire. Vous revendiquez une armée tournée vers des engagements de haute intensité. En fait, il s'agit surtout d'une armée tournée vers les opérations extérieures : 13 000 militaires sont déployés sur le territoire national, 5 100 au Sahel, 3 750 dans nos bases militaires en Afrique et aux Émirats Arabes Unis, 600 dans l'opération Chammal en Irak et en Syrie, 4 500 sur les mers et 400 auprès de l'OTAN.
À quoi sert notre base aux Émirats Arabes Unis, qui compte 650 soldats ?
Nos engagements financiers augmentent au titre de l'Europe de Défense, mais au service de quel projet stratégique ? L'autonomie stratégique européenne, répète le Président de la République, mais pour la ministre allemande de la défense, c'est une illusion et l'OTAN, la seule boussole.
Quel avenir pour nos industries de défense, dont vous faites un instrument de relance ? Une relance guidée par l'exportation, hélas, vecteur de surarmement.
Nous serions favorables à l'abondement du fonds d'investissement qui sécurise les industries sensibles et à la reconstitution d'une industrie d'armes de petits calibres.
Enfin, nous investissons cette année 5 milliards d'euros pour l'avenir de notre dissuasion nucléaire, plus que le coût des études sur un nouveau porte-avions : un débat approfondi et sans tabou serait nécessaire.
Nous aurions besoin d'une revue stratégique plus que d'une litanie de chiffres. Il faut réviser les objectifs de la LPM. Nous voterons contre les crédits de cette mission en l'état. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
M. Alain Cazabonne . - Le 25 mars, le Président de la République lançait l'opération Résilience, contribution des armées à la lutte contre le virus, à l'aide à la population et à l'appui aux services publics. Elle a apporté un soutien déterminant dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection. Elle a permis le transfert de 146 patients de l'Est de la France et une meilleure répartition des soignants. Nous les en remercions vivement.
Après des décennies de déflation, la LPM permet une remontée en puissance de nos armées et une adaptation aux défis et aux conflits du XXIe siècle. Souvenons-nous, après les accords de Munich, de l'accueil chaleureux réservé à Daladier et Chamberlain, et du mot cinglant de Churchill : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre ».
Le niveau d'engagement de nos armées, particulièrement soutenu, ne devrait pas être amené à fléchir. Quelque 600 soldats supplémentaires vont être envoyés dans la zone dite des trois frontières, dans le cadre de l'opération Barkhane.
Le budget pour 2021 respecte les engagements de la LPM. Alors que le risque de conflit s'accroît et que la France est frappée par la crise, il ne fallait pas faire du budget des armées, comme autrefois, une variable d'ajustement.
Sur le plan capacitaire, nous saluons la livraison des nombreux matériels et les commandes pour 2021, notamment les avions de transport A330-MRTT Phénix.
L'actualisation de la LPM doit avoir lieu en 2021. Sous quelle forme et selon quel calendrier ? Un nouveau porte-avions doit remplacer le Charles-de-Gaulle en 2038. Quand les arbitrages seront-ils rendus ?
Le surcoût des OPEX s'élève à 1,461 milliard d'euros, après 1,398 milliard d'euros en 2019. Les crédits de personnel augmentent de 179 millions d'euros, soit 1,5 %. 2021 sera l'année de mise en oeuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.
Le plan Famille est essentiel à la fidélisation du personnel. Il faudra poursuivre la construction de logements et de crèches, améliorer la vie en garnison et accompagner les conjoints. Certaines de ces mesures satisfont les militaires, mais des voix dénoncent l'état du logement dans les enceintes militaires.
La question des pensions militaires fera l'objet d'un suivi scrupuleux de notre commission.
La défense est la grande oubliée du plan de relance qui aurait pu provoquer un effet de levier. Celui-ci est particulièrement dynamique dans l'industrie de la défense. Pourquoi ne pas avoir été plus loin ?
Le groupe UC votera les crédits tout en restant attentif aux points que j'ai soulevés (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Gilbert Roger . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Avec plus de 39 milliards d'euros, le budget 2021 est une priorité nationale qui respecte la LPM - je ne peux que m'en féliciter.
C'est l'arrêt des usines d'armement pendant le confinement qui a permis d'économiser 1,1 milliard d'euros, ces économies ayant permis de couvrir un surcoût des OPEX, soit 1,6 milliard fin 2020, 500 millions de plus que prévu, en raison du renforcement de Barkhane et de l'opération secours au Liban.
L'article 4 de la LPM prévoit que les surcoûts OPEX et Intérieur sont financés par la solidarité interministérielle mais il n'a jamais été appliqué...
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. - Ce n'est pas bien !
M. Gilbert Roger. - La livraison de 18 Rafale à la Grèce, 6 neufs et 12 d'occasion, devrait entraîner un surcoût d'un milliard sur le budget de l'armée, mais la recette, évaluée à 400 millions, reviendra au budget général, même si une possibilité de rétrocession via un compte d'affectation spécial est évoquée ; vous devrez insister pour les récupérer, madame la ministre ! En outre, avez-vous signé le bon de commande pour remplacer ces Rafale ?
Un troisième point de préoccupation est le coût des réparations, suite à l'incendie du sous-marin nucléaire la Perle. En termes de coûts, l'industriel était assuré à hauteur de 50 millions d'euros. La facture pour l'État s'élève à 60 millions d'euros et inclut la réparation de la Perle et la prolongation du Rubis. Rapporté au budget de la Défense, ce coût est un choc financier majeur.
Les décisions sur le futur porte-avions de nouvelle génération sont inconnues. Quel est le calendrier de sa construction ? Est-il envisageable de prolonger le Charles de Gaulle en Méditerranée après 2038 ?
La situation de l'industrie de la défense est préoccupante, entre diminution de l'export et tentatives de rachats, comme par Photonis qui a échappé in extremis à la tentative de rachat par l'Américain Teledyne.
L'autonomie stratégique européenne nécessite le partage d'une vision commune des menaces, mais aussi d'assurer l'autonomie de l'industrie européenne. Or le fonds européen de défense est reconduit avec un montant inférieur de moitié !
La culture commune en matière de défense est à construire. Il est nécessaire que toutes les initiatives nationales fonctionnent de façon complémentaire, en poursuivant un objectif unique. Or il n'existe pas encore. La coopération européenne doit se traduire dans les faits. En février, la France et l'Allemagne ont lancé la première phase du programme SCAF, mais son financement n'est pas encore assuré.
Le groupe SER votera les crédits de la mission (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je veux aussi rendre hommage aux militaires et à leurs familles - qui est l'ancrage indispensable à la réussite de leur mission.
Ce budget est conforme aux engagements de la LPM, avec 39,2 milliards en crédits de paiement soit une augmentation de 1,6 milliard qui va en majeure partie au programme 146. Nous observons avec satisfaction des crédits fléchés vers le renouvellement des matériels, au vu de l'obsolescence grandissante de nos équipements utilisés lors des OPEX. Une politique de MCO plus réactive serait souhaitable. La covid n'a pas épargné l'industrie de défense : nous devrons y être attentifs.
Les efforts de la DGA vers les PME sont bienvenus mais insuffisants. Nous regrettons que le plan de relance se borne à 600 millions pour des commandes d'aéronefs, d'autant que les banques restent bien trop frileuses pour accompagner les industries de la défense. C'est ubuesque !
À titre de comparaison, les Britanniques ont annoncé qu'ils consacreraient près de 27 milliards à leur défense lors des quatre prochaines années, ce qui créera plus de 10 000 emplois.
Le prélèvement de 18 Rafale sera-t-il compensé ? C'est typique du « en même temps » : comment être sûr que le produit de la vente aille bien à la Défense ? La création d'un CAS dédié aurait été un retour en arrière.
En outre, notre soutien matériel à la Grèce est lié à une incapacité politique et stratégique de l'OTAN et de l'Union européenne vis-à-vis de la Turquie. En tant que vice-présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, je suis très attachée aux valeurs de l'Alliance, je ne peux que regretter la faiblesse des réactions de l'OTAN, de l'UE et de leurs États membres face à des agressions caractérisées vers un autre État membre, Chypre et vers des pays partageant les valeurs de l'OTAN, comme l'Arménie. Pour la France, c'est une double peine diplomatique et militaire.
Une véritable politique dédié au quotidien des familles est indispensable. Nous saluons les crédits consacrés au logement. Où en sont, madame la ministre, les discussions avec la maire de Paris ?
Le Val-De-Grâce sera cédé en 2024 - je m'y étais opposée - mais pourquoi, à qui et dans quelles conditions ? Pourquoi ne pas l'avoir gardé pour créer des logements ?
Je tiens enfin à vous remercier de l'ouverture d'une JDC en ligne. Qui sera accessible à nos Français de l'étranger. (M. Christian Cambon applaudit.)
Mme Florence Parly, ministre des armées . - Permettez-moi de saluer la mémoire du président Giscard d'Estaing, qui porta toute sa vie le projet européen, et l'amitié franco-allemande qui en est le socle.
Je n'oublie pas, également, que le président Giscard d'Estaing s'était engagé à 18 ans pour la libération de Paris, puis dans la première armée, et il avait été cité et décoré de la Croix de guerre 1939-1945 (Applaudissements). Une fois à l'Élysée, il modernisa les armées, via notamment une LPM, et il équipa les armées du Famas, que nous remplaçons progressivement par le HK416. J'y vois là la continuité d'une LPM à l'autre.
Les premières études sur le programme sous-marin nucléaire d'attaque ont eu lieu pendant son septennat.
Alors que nous venons de recevoir le premier sous-marin nucléaire de la classe Suffren, qui prend la succession des Rubis, j'y vois une continuité importante.
C'est une fierté de vous présenter le budget de la mission « Défense » qui, pour la troisième année consécutive, respecte les engagements de la LPM. Ce budget traduit l'engagement du Président de la République de porter l'effort national de défense à 2 % du PIB d'ici 2025. Il pourrait être atteint dès cette année, mais pour des raisons purement arithmétiques, à cause de la crise. L'effort est donc à poursuivre, et nous le poursuivons.
L'actualisation de la LPM devra avoir lieu en 2021. (M. Christian Cambon s'en félicite.) Le processus est en cours à partir de l'évolution des menaces et des risques.
Conformément à la LPM, les crédits du ministère des armées s'élèvent à 39,2 milliards, soit 18 milliards de ressources supplémentaires sur la période 2018-2021.
Ces crédits bénéficient aussi à nos entreprises, à nos industries et à nos territoires.
Entre 2019 et 2023, 110 milliards d'euros seront ainsi injectés dans l'économie pour les équipements, les infrastructures et le maintien en conditions opérationnelles. C'est donc l'équivalent, en cinq ans, d'un plan de relance pour la défense.
Dès juin, pour venir en aide au secteur aéronautique durement touché par la crise sanitaire, nous avons accéléré certaines commandes prévues dans la LPM pour un montant de 600 millions d'euros. Cette anticipation a permis de sauver plus de 1 200 emplois pendant deux ans.
L'intention de la Grèce d'acheter 18 avions Rafale a été une excellente nouvelle pour notre industrie. Nous pourrions aboutir à la fin de l'année. Si ce contrat est effectivement conclu, le produit de la vente de douze Rafale d'occasion reviendra bien au ministère des armées - j'en ai reçu l'assurance du ministre de l'économie. Nous nous organisons naturellement pour que cette vente n'obère en rien nos capacités opérationnelles. Les missions confiées à l'armée de l'air seront réalisées, les pilotes continueront à s'entraîner.
Le matériel vendu sera compensé par des avions neufs. L'objectif de 129 Rafale en 2025 sera tenu.
M. Christian Cambon, président de la commission. - Très bien !
Mme Florence Parly, ministre. - Enfin, ce contrat serait une triple bonne nouvelle. Politique d'abord, puisqu'il marquerait le développement des exportations intra-européennes, économique ensuite parce que la commande de six Rafale neufs par la Grèce et de douze Rafale neufs par la France, pour compenser la vente à la Grèce, bénéficient à 7 000 salariés et à 500 PME pendant dix-huit mois. Enfin, la vente contribuera à l'interopérabilité des nos forces.
Avec 27 000 recrutements, 300 de plus que l'an dernier, la Défense est le premier recruteur de l'État. Nous recrutons des jeunes de tous les territoires et de tous les niveaux de formation. Nous poursuivrons l'effort dans le renseignement, le cyber et le numérique.
Nous poursuivons l'amélioration des conditions de travail et de vie des personnels, avec 237 millions d'euros pour l'amélioration de l'hébergement. C'est un point crucial. Nous ne rattrapons pas, ce faisant, des décennies de sous-investissements mais des décennies de non-investissements (On le confirme sur diverses travées.)
Je souligne aussi l'achat de matériel : 12 000 HK416 et 126 000 treillis ignifugés. En 2020, 100 % de nos militaires déployés en OPEX en sont équipés.
Troisième élément, la modernisation de la solde : 38 millions y seront consacrés.
Enfin, les crédits du SSA augmentent : 160 millions de plus d'ici la fin de la LPM. En 2017, nous avons mis fin à la déflation des effectifs et engagé 31 millions d'euros de revalorisation salariale pour les professionnels de santé.
Vous m'avez interrogée sur les mesures de protection de nos militaires en opération et en mission. Avant leur départ, ils sont isolés puis testés pour la covid 72 heures avant le départ. Même chose au retour. Ainsi nous préservons la santé de nos militaires, de leur famille et des populations.
Les livraisons et commandes, deuxième chapitre de la LPM, se poursuivent pour moderniser le matériel et les équipements lourds. Sur 1,7 milliard d'euros d'augmentation, les deux-tiers seront consacrés au programme d'armements majeurs : pour l'armée de terre, 150 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion, 21 hélicoptères interarmées légers, et 120 blindés légers. Pour la marine, trois avions de patrouille Atlantique-2 rénovés, une nouvelle frégate mutimissions. Nous engagerons la commande d'une nouvelle frégate blindée d'intervention et de huit hélicoptères légers.
Concernant le porte-avions, nous serons prêts en 2038 quand le Charles-de-Gaulle sera retiré du service.
Pour 2021, 330 millions d'euros en autorisations d'engagement et 113 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus au titre de la poursuite des travaux sur le nouveau porte-avions.
Pour l'armée de l'air, trois MRTT Phénix, quatorze avions de chasse Mirage M2000D rénovés et un avion de transport A400M seront livrés.
Le troisième chapitre de la LPM concerne la consolidation de notre autonomie stratégique. Quelque 5 milliards d'euros seront affectés au renouvellement des deux composantes de la dissuasion française.
L'espace est une priorité. Nous y consacrons 4,5 milliards d'euros pour la période 2019-2025. La stratégie spatiale sera dotée de 624 millions d'euros. En 2021, un satellite MUSIS/CSO sera livré. Je remercie le Sénat d'avoir voté en loi de programmation de la recherche une disposition garantissant notre souveraineté dans le domaine spatial.
J'en viens au dernier axe, qui est la préparation du futur : 2021 sera l'année de la commande du démonstrateur du système de combat aérien du futur que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols et qui devrait prendre son envol en 2026, pour être opérationnel en 2040. Merci au Parlement pour son soutien et ses contacts avec les parlementaires allemands. L'Espagne a rejoint le programme pour l'enrichir.
La préparation du futur passe aussi par l'innovation : en 2021, nous dépenserons près de 900 millions d'euros pour concevoir les technologies de demain, et nous atteindrons le milliard en 2022. Le nouveau fonds innovation défense sera doté de 200 millions d'euros pour développer les technologies duales et transversales par le financement en fonds propres d'entreprises innovantes. Les PME seront aussi soutenues.
J'entends les inquiétudes sur le financement bancaire, et j'ai demandé au délégué général à l'armement de s'enquérir du sujet.
Enfin, je me félicite que le fonds européen de défense, doté de 7 milliards d'euros pour 2021-2027, voit le jour. C'est la première fois que des crédits européens serviront à la R & D dans le secteur de la défense. Notre devoir est de mettre en oeuvre la LPM, de veiller à son exécution dans chaque unité, en métropole et en outre-mer. C'est ce que je fais au quotidien.
La loi de finances pour 2020 sera intégralement exécutée ; les coûts des OPEX - 1,461 milliard d'euros - sont couverts par la provision en LFI, par des contributions internationales, par des redéploiements internes et des ouvertures de crédits en LFR. Je n'ai pas demandé la solidarité interministérielle en cette période de crise. Le montant des annulations n'a jamais été si faible.
Il s'agit d'un budget de confiance, de constance et de relance, de protection des Français, de soutien à nos entreprises, à nos emplois et à nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Examen des crédits de la mission
Article 33
M. le président. - Amendement n°II-1090, présenté par Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1090 transfère 320 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Équipement des forces » vers le programme « Préparation et emploi des forces » à hauteur de 290 millions d'euros d'une part et vers le programme « Soutien de la politique de la défense » à hauteur de 30 millions d'euros d'autre part.]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1090.html
Mme Michelle Gréaume. - Depuis le début de la crise sanitaire, le SSA a été pleinement mobilisé. À Mulhouse, 40 patients Covid ont été accueillis et les places en réanimation ont été triplées dans les hôpitaux des armées. Mais le SSA manque de ressources. Comment concilier protection des civils et des militaires ? On l'a vu avec l'affaire des contaminations sur le Charles-de-Gaulle : la distanciation sociale n'est pas compatible avec la poursuite de la vie en garnison.
Il manque cent médecins au SSA, dont les effectifs ont diminué de 10 % entre 2013 et 2019. Le taux de projection des équipes médicales atteint 106 %, et 200 % pour les équipes chirurgicales. Et encore, 15 % du contrat opérationnel est assuré par des réservistes. En cas de forte propagation du virus en Afrique, il faudra choisir entre civils en France et militaires en opération.
Madame la ministre, merci pour vos efforts réalisés sur les tests pour les militaires embarqués et déployés. Il faut maintenant faire de même pour les vaccinations.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Nous partageons votre préoccupation, mais n'affaiblissons pas notre dissuasion nucléaire. Avis défavorable.
Mme Florence Parly, ministre. - Même avis. Le PLF pour 2021 répond à vos préoccupations : amélioration des moyens du SSA dont l'engagement sans faille mérite hommage, effort sur les petits équipements.
À l'école de santé de Bron, j'ai annoncé une progression de 56 % des moyens du SSA pour les infrastructures de santé et de 18 % pour la fonction santé.
Concernant les praticiens, il est vrai que nous n'arrivons pas à pourvoir tous les postes, mais le phénomène est général.
Nous allons fidéliser les praticiens du SSA grâce aux 8 millions d'euros de la prime Covid et au plan triennal de rénovation du régime de rémunération.
Le SSA intervient en soutien du service public de santé en cas de crise, mais il ne représente que 1 % du système de santé publique français.
Concernant les petits équipements, nous remédions à des années d'oubli. C'est un effort sur l'habillement, l'armement de petit calibre, les équipements de vie en campagne, les rations de combat, etc. Au total, nous engageons 95 millions d'euros de plus en 2021 sur le programme 178.
L'amendement n°II-1090 est retiré.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - La commission des finances vous a posé cinq questions, madame la ministre.
Concernant les 2 % du PIB, je me réjouis de votre réponse. Sur la vente du Rafale, je prends acte des assurances de Bercy. Nous savons certes ce que vaut la parole de Bercy, mais nous allons la prendre... (Sourires) Sur les Rafales, vous ne nous avez pas dit comment le différentiel entre les Rafales neufs et d'occasion serait financé.
Sur le mode de propulsion du successeur du Charles-de-Gaulle, vous n'avez pas répondu. Cela pourrait être examiné lors de la réactualisation de la LPM, mais vous ne vous êtes pas engagée à passer devant le Parlement. Cela ne serait pas acceptable : le Parlement est un lieu de débat et de décision. Nous ne comprendrions pas de ne pas être associés à la révision de la LPM. Dans ces conditions, je m'abstiendrai sur le vote des crédits.
Les crédits de la mission sont adoptés.
SÉCURITÉS
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances . - Il convient de rappeler que nos forces de l'ordre sont sous une tension permanente depuis quelques années : crise terroriste, crise migratoire, drame des suicides, crise sanitaire. Il appartient au Sénat de leur renouveler son soutien.
Les crédits de la mission sont structurellement faibles. Ils laissent peu de marge à l'investissement et au fonctionnement car les dépenses de personnel du titre 2 dérapent, année après année.
C'est pourquoi le Sénat a rejeté les crédits de cette mission à quatre reprises. En dix ans, les dépenses du titre 2 ont augmenté de 23 %, tandis que l'investissement et le fonctionnement diminuaient de 0,4 %.
Le plan de relance affecte 1,5 milliard d'euros sur deux ans à l'équipement des forces de l'ordre. Des gilets, des armes, des caméras-piétons seront acquis dans ce cadre. Le plan de relance va répondre à deux préoccupations qui ont focalisé l'attention du Sénat ces deux dernières années.
Le parc automobile bénéficiera ainsi de 133 millions d'euros pour la police, plus 33 millions rajoutés au dernier PLFR pour la gendarmerie, soit quelque 4 500 véhicules. Le Gouvernement annonce le remplacement d'un quart des véhicules. C'est très bien, mais il faut relativiser : en deux ans, cela correspond au remplacement d'un véhicule sur huit. On sait dans quel état sont ces véhicules de gendarmerie au bout de huit ans !
L'immobilier sera aussi soutenu : 740 millions d'euros pour la police nationale et 440 millions pour la gendarmerie, soit près de 1,2 milliard.
La méthode nous laisse perplexe : il nous semble étonnant que les armes soient financées par le plan de relance, pas par la mission. L'achat d'un taser relève-t-il d'un tel plan ? Nous serons en tout cas vigilants sur sa mise en oeuvre effective.
Les crédits de paiement croissent de 1,6 % tandis que les autorisations d'engagement diminuent de 0,4 %. Le titre 2 continue à déraper.
Mais, il est vrai, cette mission a été écrite par vos prédécesseurs. Vous avez réussi à convaincre l'actuel locataire de Bercy, contrairement à votre prédécesseur à Beauvau...
La politique de sécurité routière est une véritable réussite, avec 3 500 tués seulement en 2019. Quel que soit l'effet de loupe dû à la pandémie, c'est tout de même une division par deux en une décennie. Les équipements ont été modernisés, avec des radars tourelle et des voitures radar à conduite externalisée. Les amendes atteignent 2 milliards d'euros.
Le compte d'affectation spéciale est cependant de plus en plus opaque : il faut le réformer rapidement.
L'effort en faveur de la sécurité doit être pérennisé. C'est la condition que nous posons à l'adoption de ces crédits.
M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Jean-Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances . - J'interviens à présent au nom de Jean-Pierre Vogel sur la sécurité civile.
Je rends hommage en son nom aux professionnels de la sécurité civile qui s'engagent sans compter dans la lutte contre les crises : sapeurs-pompiers, pilotes, associations agrées.
Les crédits restent stables, en apparence, mais beaucoup sont transférés, dont 37,5 millions d'euros, dans le plan de relance. Ce procédé, également appliqué pour la police et la gendarmerie, qui concerne surtout des dépenses ordinaires, laisse songeur.
Des investissements seront toutefois réalisés comme le service « 112 inversé » qui succède au volet mobile du système d'alerte et d'information des populations (SAIP) et dont Jean-Pierre Vogel salue le choix technologique.
Le plan de relance nuit cependant à la lisibilité de l'effort financier de l'État en faveur de la sécurité civile, qui concerne déjà dix programmes et six ministères pour 1,8 milliard d'euros.
Le programme 161 ne concerne qu'une infime partie des 5 milliards d'euros de budget des SDIS. Il convient de saluer l'action du Gouvernement en faveur de la prime de feu. Il est satisfaisant qu'il ait tenu ses engagements, avec la suppression de la sur-cotisation patronale versée à la CNRACL. Le surcoût atteindra cependant 30 millions à 40 millions d'euros pour les SDIS. Le projet dit NexSIS est une avancée pour l'interopérabilité entre le Samu et les pompiers. Le numéro unique 112 doit être privilégié pour faciliter la gestion des appels.
Jean-Pierre Vogel a plusieurs fois souligné la pertinence du choix des avions Canadair. Deux seront acquis en 2021. Et la commande de nouveaux Dash sera poursuivie. Il faudra aussi obtenir des crédits européens. La commission des finances vous propose d'adopter ces crédits.
Ces financements extra-budgétaires ne doivent pas nous exonérer de maintenir un niveau suffisant de crédits pour la modernisation et le renouvellement de notre flotte. L'ensemble allant dans le bon sens, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI)
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Père Noël est passé plusieurs fois pour les gendarmes en 2020 : LFR, PLF, plan de relance ont permis d'acquérir près de six mille véhicules, dont dix hélicoptères H160.
L'immobilier est sans doute plus important encore pour les gendarmes. Quelque 440 millions d'euros de crédits sont inscrits dans le plan de relance. Les crédits d'innovation augmentent aussi mais nous ne savons pas combien de projets seront livrés ni pour quel montant. Environ 550 projets ont été déposés par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Il n'y a pas de visibilité à moyen et long terme. Il faudrait environ 300 millions d'euros par an. Hélas, le plan de relance pour la sécurité intérieure qui pourrait prévoir une telle programmation n'interviendra qu'en 2022. La réserve est fortement utilisée avec la crise, mais les crédits stagnent. Il faut améliorer la visibilité en sanctuarisant son financement au sein de la future loi de programmation.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains) Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - L'augmentation des effectifs et des investissements de la gendarmerie est un motif de satisfaction, mais nous restons inquiets pour les années à venir. Madame la ministre, le 16 novembre, vous avez évoqué le maillage territorial et déclaré qu'il était nécessaire de revoir la répartition géographique entre la police et la gendarmerie. Il faut être prudent sur ce genre de réforme. L'implantation de la gendarmerie a déjà évolué ces dernières années, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) avec la fermeture de nombreuses casernes, ce qui a nui à la lutte contre la délinquance, par exemple en zone périurbaine, où il y avait une adaptation fine aux réalités de la délinquance.
La consultation des élus devra être organisée au préalable. Les à-coups budgétaires sont trop fréquents dans la gendarmerie. Je pense notamment aux crédits de la réserve opérationnelle. Les sur-gels sont également problématiques : ils perturbent gravement l'exécution budgétaire, puisque les deux tiers des dépenses de la gendarmerie sont obligatoires.
M. Darmanin devait interroger M. Dussopt sur le sujet. Avez-vous pu obtenir une réponse favorable ?
Mme Françoise Dumont, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Ce PLF rompt avec les années précédentes et apporte une réponse à la hauteur des besoins, non grâce à la mission qui reste décevante, mais grâce au plan de relance dont l'abondement est conséquent. Nous regrettons toutefois le manque de lisibilité.
Les crédits de la police et de la gendarmerie augmentent respectivement de 11 % et de 12 % grâce au plan de relance : c'est un effort sans précédent, qui bénéficiera notamment aux véhicules et à l'innovation. Trop massive, cette politique de recrutement a conduit à une baisse du niveau. Il existe d'autres voies, comme la mobilisation de la réserve.
Le PLF pour 2021 est un bon budget pour les forces de sécurité. La commission des lois émet un avis favorable à l'adoption des crédits mais nous serons attentifs à ce que cet effort budgétaire s'inscrive dans la durée. Les forces de sécurité ont en effet besoin d'une modernisation de leurs équipements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Les crédits pour la sécurité civile augmentent : la commission des lois a émis un avis favorable à leur adoption.
Mon premier exercice budgétaire est assez étourdissant : le programme « Sécurité civile » ne représente que 40 % des crédits de cette politique. Il faut donc le lire à la lueur des huit autres programmes qui alimentent la politique transversale « sécurité civile », mais aussi de la mission « Plan de relance », et des crédits essaimés dans les diverses LFR. Cela fait beaucoup de lueurs pour peu de clarté !
En 2019, les SDIS bénéficiaient de plus de 5 milliards d'euros, presque exclusivement à la charge des départements, dont la santé financière va nécessairement pâtir de la crise sanitaire.
Il est donc primordial de rationaliser les dépenses de soins, notamment par des efforts de neutralisation.
La Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) doit être vigilante quant à la rédaction des référentiels techniques pour limiter les coûts de réacquisition.
Les collectivités territoriales pourraient être tentées de réduire les moyens de la sécurité civile : il faut avoir conscience des économies qu'elle permet. Ce sont des investissements et non des pertes sèches. Une prise de conscience de ce « gain avéré » est nécessaire pour que tous les acteurs de la sécurité civile bénéficient effectivement des moyens adéquats pour assurer ses missions d'intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains)
M. Jean-Louis Lagourgue . - La France a-t-elle un problème avec la police ? Les violences politiques font trop souvent l'actualité. Les récentes images nous font honte, comme l'a dit le Président de la République. L'article 24 du projet de loi sur al sécurité globale, qui nous sera bientôt soumis, cristallise la colère.
D'aucuns en profitent pour jeter l'opprobre sur une profession. Disons-le tout net : oui, il y a parmi les forces de l'ordre des fonctionnaires qui commettent des actes répréhensibles et que la justice doit sanctionner. Mais ne portons-nous pas tous une part de responsabilité de ces « images de la honte » ?
De nombreux agents sont blessés et tués chaque année. Ils sont usés par l'arrestation de délinquants aussi vite relâchés. En première ligne dans le combat contre le terrorisme, ils continuent d'assurer leurs missions de maintien de l'ordre public et de lutte contre le crime. Ils s'usent à des arrestations de délinquants aussitôt relâchés qui ne se privent pas de les narguer. L'immense majorité d'entre eux accomplissent leur fonction avec exemplarité, risquant leur vie/ et parfois celle de leurs familles Mais leurs conditions de travail sont telles qu'environ 40 policiers et 30 gendarmes se suicident chaque année.
La quantité d'heures supplémentaires non payées est massive : 22 millions d'heures en stock ! Ce chiffre est colossal ! La création de 1 500 postes pour 2021 est donc bienvenue. L'augmentation des effectifs devra soulager les unités les plus exposées.
L'effort budgétaire est significatif, pour l'équipement comme l'immobilier. Le vieillissement de la flotte automobile est préoccupant.
Le groupe Les Indépendants soutient depuis longtemps un équipement accru en caméras mobiles. La proposition de loi Decool a été promulguée il y a déjà deux ans. Le port de ces caméras fait chuter significativement les violences et les plaintes contre les policiers.
Le parc immobilier se trouve dans un état préoccupant. Le PLF2021 n'apporte pas de solution durable.
Pour des conditions optimales pour tous, les forces de sécurité ont besoin de moyens. Le manque de moyens finit par se payer tôt ou tard.
Mme Esther Benbassa . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La mission « Sécurité » n'est pas exempte de défaut. Le budget est en hausse de 1,5 %. C'est une bonne nouvelle. Police et gendarmerie verront leurs effectifs croître respectivement de 1 145 et 317 postes.
Nous nous réjouissons aussi de la revalorisation de 150 euros de la rémunération des 22 000 policiers qui travaillent et de l'inscription de 25,6 millions d'euros pour le paiement de leurs heures supplémentaires.
Les dépenses croissantes d'équipement sont aussi positives.
Nous saluons l'achat de 21 000 caméras piétons qui peuvent favoriser l'exemplarité des forces de l'ordre, à condition qu'elles fonctionnent bien sûr.
Les améliorations salariales ne sont que justice, mais il est à craindre qu'elles ne dissipent pas le mécontentement.
La multiplication des décisions hasardeuses depuis le mandat de Nicolas Sarkozy a abîmé le lien entre forces de l'ordre et population. La confiance doit être retrouvée. (M. Sébastien Meurant s'exclame.) Pour ce faire, une meilleure formation est nécessaire.
Le ministre Darmanin a lui-même proposé des formations continues pour les forces de l'ordre.
Quelque 90 % des crédits de la sécurité civile pèsent sur le budget des collectivités territoriales alors que le changement climatique engendre de nouveaux périls.
La hausse du budget de la mission est une bonne nouvelle mais il faut plus de formation. Le GEST s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Nicole Duranton . - Je rends hommage aux forces de l'ordre. Sans sécurité, pas de liberté, face à toutes les insécurités. Nous devons prévoir autant de sécurités. C'est la raison du pluriel dans le titre de la mission.
Madame la ministre, le Gouvernement veut voir évoluer la répartition entre gendarmerie et police, tout en voulant maintenir la différence entre ces deux forces complémentaires.
Des synergies doivent être opérées dans le maintien de l'ordre comme les domaines spécialisés. Je pense à la police scientifique t au cyber. Les forces de l'ordre doivent être bien formées et bien équipées.
Pour cela, il faut un bon budget.
Quelque 317 embauches auront lieu dans la gendarmerie et 1 145 dans la police. Les 10 000 créations de postes seront atteintes sous le quinquennat.
Les crédits s'élèvent à 621 millions d'euros en fonctionnement et 450 millions d'euros en investissement. Je salue l'indemnité supplémentaire pour heures de nuit de la police.
Les luttes contre les stupéfiants, le séparatisme et les violences conjugales sont les priorités stratégiques.
La police et la gendarmerie sont traitées équitablement. L'emploi des forces mobiles doit être optimisé.
La menace terroriste représente un danger majeur, qui concerne l'ensemble de nos concitoyens, et qui est bien pris en compte dans les crédits.
Il ne faut pas négliger certains dangers. Le programme 207 « Sécurités et éducation routière » est appuyé par 41, 2 millions d'euros.
La sécurité civile voit son budget augmenter de 2,3 millions d'euros pour atteindre 520 millions d'euros. Certaines mesures de sécurité privée sont déclinées dans la proposition de loi Sécurité globale dont notre chambre haute sera prochainement saisie. Elle prendra toute sa part dans ce travail législatif.
Le groupe RDPI suivra les rapporteurs pour voter les crédits. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Les questions de sécurité trouvent de plus en plus d'écho dans notre pays avec tant de polémique, au lieu du débat, ce qui est le rôle du Parlement.
Ce budget devrait avoir pour objectif de conforter le lien de confiance entre forces de l'ordre et population. Depuis des mois, sous le prisme déformant des réseaux sociaux, des évènements nous montrent combien le lien est fragile, qu'il s'agisse de l'attaque d'un commissariat à Champigny-sur-Marne, de l'indignation suscitée par les images de l'évacuation de la place de la République ou du véritable passage à tabac de Michel Zecler, la semaine dernière. Ces violences, miroirs de celles qui s'abattent sur les policiers, sont un symptôme préoccupant pour notre État de droit, à l'heure où le complotisme a pignon sur rue et n'a rien à envier aux superstitions d'antan.
L'heure n'est pas à prendre parti : il faut trouver la voie de l'apaisement, dans le respect de la loi et de l'ordre public, sans faire le lit des chaines d'information boulimiques de polémiques, alimentant les populismes qui n'attendent que de prospérer sur cette crise de confiance. Les gendarmes ou pompiers gardent une bonne image mais tout cela est fragile.
Ce budget apporte des réponses : les effectifs suivent la trajectoire de la loi de programmation avec 1 145 créations de postes dans la police nationale et 355 dans la gendarmerie.
Après les recrutements, il faut des formations et des matériels efficaces. Cependant, la formation est essentielle, surtout avec les évolutions de notre doctrine du maintien de l'ordre et des techniques d'interpellation, sujet sur lequel nous travaillons avec Catherine Di Folco.
Nous nous réjouissons des investissements pour le parc automobile ou immobilier.
La stagnation des crédits de la sécurité civile est inquiétante, quand elle repose autant sur les collectivités territoriales, face au changement climatique.
Le groupe RDSE votera en faveur des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Éliane Assassi . - L'augmentation conséquente des crédits est liée au plan de relance : les données budgétaires ne sont pas consolidées, ce qui nuit à la crédibilité et à la lisibilité. Les crédits passent de 19,9 à 20,2 millions d'euros.
La revalorisation de 150 euros pour les nuiteux est à saluer, comme la gratuité des transports ou le paiement des heures supplémentaire.
Mais l'effort est ponctuel et imputable à la crise sanitaire alors que les besoins sont pérennes.
Nos principales critiques ont toujours porté sur la politique menée : manque de formation, manque de proximité, distanciation du lien, rupture de confiance, perte de sens, qui contribue à un mal-être qui conduit certains professionnels jusqu'à commettre l'irréparable.
Mal-être policier et violences policières, ces deux tabous doivent être abordés avec la même rigueur et sans détour.
Le glissement dangereux de notre sécurité publique vers la privatisation est au coeur de la loi qui a provoqué la crise politique en cours. Le Livre blanc l'appelle de ses voeux.
La sécurité publique est régalienne. La privatisation n'améliorera en rien les conditions des forces de l'ordre.
Le remplacement de la police républicaine par une sécurité mercantile et servile n'apportera rien de bon.
Nous voterons contre ces crédits qui sont loin d'être à la hauteur en matière de sécurité civile. (Applaudissements)
Mme Nathalie Goulet . - Permettez-moi de marquer mon soutien à l'ensemble des forces de sécurité.
Jamais le climat social n'a été aussi tendu et la demande d'ordre aussi forte. Elle est polymorphe, urgente et impérative si nous ne voulons pas que les extrêmes encaissent cash le produit de cette situation.
L'an dernier, le débat se déroulait en pleine crise des gilets jaunes. Cette semaine, des violences inadmissibles ont été perpétrées contre des policiers mais aussi des manifestants.
Une petite minorité vient salir le travail exemplaire d'une immense majorité. L'IGPN se retrouve au coeur du débat. L'an dernier, 1 460 enquêtes judiciaires ont été menées, une augmentation liée à la multiplication des mouvements sociaux.
Face aux critiques, l'IGPN pourrait-elle être réformée ? Le Parlement doit y être associé, à la fois dans le principe et pour la définition du périmètre. Actuellement, l'IGPN compte 285 agents dont 72 % de policiers, 18 % de personnel administratif, 1 % de personnel technique et 9 % d'autres catégories - magistrats, adjoints de sécurité...
Dans d'autres pays européens, une partie des membres de l'organe de contrôle des forces de l'ordre est extérieure au ministère de l'Intérieur. C'est le cas au Royaume-Uni ou en Belgique. Dans le Comité permanent des services de police de ce pays, un magistrat est désigné par le Parlement et accompagné par un bureau de direction où figurent des représentants de la société civile. Il faudrait s'en inspirer. Au Danemark, c'est l'Autorité indépendante des plaintes qui contrôle l'action de la police, et qui est sous la tutelle du ministère de la justice. L'IGPN pourrait comprendre un comité citoyen ou d'autres membres de la société civile ainsi que des magistrats et des élus.
M. Christian Cambon. - Un comité citoyen ?
Mme Nathalie Goulet. - Je ne veux pas remplacer l'IGPN par un énième comité Théodule ; je veux que le Parlement soit tout à fait présent. Faudra-t-il revoir les critères d'évaluation, comme modifier la charge de la preuve ou accroître la transparence ? Les députés Jean-Michel Fauvergue et Christophe Naegelen ont rendu un rapport sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité. Avec le livre blanc, ce sont d'excellents outils pour le débat.
Je terminerai par plusieurs messages personnels. À Deauville, les deux tiers des logements des gendarmes sont inhabitables, alors que les loyers ont été versés par l'État - 460 000 euros, soit une demi-part de yearling. C'est inacceptable. Déclenchez une mission d'inspection, car les collectivités doivent assurer l'hébergement dans des conditions satisfaisantes, dès lors qu'elles ont été payées !
La gendarmerie de Tourouvre-au-Perche, dans l'Orne, qui a 3 127 habitants, doit être conservée. C'est un enjeu de sécurité et d'attractivité. Les subventions sont insuffisantes pour la petite communauté de communes : 16 % seulement pour 2 millions d'euros estimés. Pourrez-vous utiliser les crédits du plan de relance à cette fin ?
La prime d'installation dans le Pacifique, enfin. La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont des foyers importants de recrutement pour nos forces de sécurité. Mais les jeunes de ces territoires sont exclus de la prime que touchent leurs collègues d'autres territoires ultramarins. Il faut y remédier. Gérard Poadja a déjà saisi la ministre des Armées.
Le groupe UC votera les crédits (Applaudissements sur les travées du groupe UC).
M. Stéphane Ravier . - Les milices d'extrême gauche, relayées par les médias et certains parlementaires, croient bon d'évoquer un problème systémique. S'il y a quelque chose de systémique, c'est la haine du flic et la violence anarchiste. Moi, je soutiens les policiers de toutes mes forces, comme je soutiens les hommes de la BAC, que j'ai suivis une nuit dans les quartiers nord et centre de Marseille, qui font leur travail malgré les consignes non-écrites de ne pas faire de vagues, les effectifs réduits, l'équipement usé, les provocations.
Les forces de l'ordre sont prêtes à donner leur vie pour sauver la nôtre : ceux qui ont abattu les terroristes de Nice et de Conflans-Sainte-Honorine, ceux sont entrés dans le Bataclan sous les balles, ceux qui sont morts sous les balles des frères Kouachi, ceux qui ont neutralisé l'assassin de Laure et Maurane à Marseille. On voudrait nous faire croire que les Français ne soutiennent pas leur police, mais connaissez-vous un seul Français qui déménage parce qu'un commissariat ouvre près de chez lui ? C'est le résultat de décennies d'inaction, sauf que la situation empire. Sollicitées en permanence, les forces de l'ordre n'en peuvent plus. Elles sont la dernière ligne de défense avant le chaos.
Les forces de police sont de moins en moins sur le terrain, accaparées par des tâches administratives toujours plus lourdes. Sur les 230 millions d'euros nécessaires pour payer les 24 millions d'heures supplémentaires, vous voulez faire un effort d'un quart - 63 millions !
Ce que demande la police, c'est d'être respectée par ceux qui la dirigent. Quand l'ancien ministre de l'Intérieur envisage d'organiser une cérémonie où des policiers mettraient un genou à terre, c'est une humiliation. Quand un Président de la République se met en scène au chevet d'une victime supposée de violence policière avant toute enquête, c'est une humiliation. Quand un ministre de la justice estime que la police doit présenter ses excuses au jeune Théo, c'est une humiliation.
La police ne croit plus en ses chefs ni en son ministre, dont l'offensive sécuritaire s'est dégonflée, sous le poids de la rue saccagée par 10 000 manifestants d'extrême-gauche ; ils ne l'oublieront pas. Il a demandé la révocation de policiers déjà emprisonnés, alors que la racaille multirécidiviste sort libre des commissariats, faute de place en prison. Le ministre de l'intérieur a lâché ses hommes. Moi, je les soutiens, comme le pays réel, et les remercie. Tenez bon ! Bientôt, nous remettrons la France en ordre. (Mme Éliane Assassi se gausse.)
Mme Nadine Bellurot . - Madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers volontaires (SPV) représentent 80 % des sapeurs-pompiers de France. Dans mon département de l'Indre, ils réalisent la majorité des interventions. Sans eux, de nombreuses campagnes n'auraient plus de secours.
Or leurs missions sont de plus en plus nombreuses, complexes et dangereuses, car ils sont de plus en plus agressés. Ils se substituent aux transporteurs sanitaires privés. Cela démobilise les sapeurs-pompiers et gèle les recrutements : les employeurs n'aiment pas voir leurs salariés partir pour une mission non urgente.
L'IGAS a publié dix recommandations dans son rapport en juin. Il faudrait rationaliser le recours aux services de secours, revoir le mode de calcul de l'indemnité, actuellement à 124 euros, très inférieur au coût pour les SDIS, entre 450 et 500 euros. Pour le Département de l'Indre, cela représente 250 000 euros. L'Assemblée des départements de France a proposé 251 euros. À vous d'en décider avec le ministre de la santé.
La revalorisation de la prime de feu, décidée unilatéralement par le Gouvernement, coûte 300 000 euros aux collectivités de l'Indre. C'est une charge difficilement supportable, en l'absence de compensation.
La suppression de la part employeur de la CNRACL adoptée par le Parlement permet d'économiser 40 millions d'euros, soit la moitié du surcoût. C'est une avancée considérable mais insuffisante. Nous regrettons l'opposition du Gouvernement à l'exonération de la part salariale de la surcotisation.
Quant à la directive sur le temps de travail et le volontariat, la Commission européenne n'est pas rassurante pour les sapeurs-pompiers volontaires, en rappelant qu'elle se prononce au cas par cas, même si elle précise ne pas remettre en cause le modèle français... C'est sur le caractère accessoire des revenus de cette activité que l'accent doit être mis pour obtenir une exonération du volontariat du statut de travailleurs. Il faudra une volonté politique forte.
Maire de Reuilly, j'ai conditionné l'aide au permis de conduire à une formation des candidats au secourisme. Peut-être cela peut-il donner le goût du volontariat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Patrick Kanner applaudit également.)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il serait mesquin de nier les efforts du Gouvernement mais la lisibilité pourrait être meilleure. Les crédits peuvent se révéler moins ambitieux qu'annoncés, entre crédits budgétaires, plan de relance, loi de programmation budgétaire... On a du mal à distinguer crédits sonnants et trébuchants et effets d'annonces : mon collègue Éric Jeansannetas a parlé de « tour de passe-passe budgétaire » : les policiers et gendarmes semblent satisfaits, cependant.
Difficile d'aborder le débat sous le seul angle budgétaire. Nous réservons notre vote en attendant de connaître le sort de nos amendements.
Nous proposerons ainsi un budget pour acheter des caméras piétons de meilleure qualité. La récupération des images par les stations d'accueil semble poser problème, mais quelles sont les conséquences d'une transmission par cloud, que l'on espère souverain ? Pour les caméras fixes, l'accès des citoyens aux images enregistrées doit être direct. L'agression récente d'un jeune homme, près du bois de Boulogne, a montré que c'était un droit virtuel... L'accès des images des caméras piétons peut-il être direct ? Il passe pour le moment par le filtre des magistrats de la CNIL...
M. Darmanin a déclaré regretter de ne pas avoir donné un avis favorable aux amendements socialistes sur la loi Sécurité globale, afin d'améliorer la formation initiale et continue des policiers et pour contribuer à la réconciliation entre la police et la population. Voici de quoi sortir de cet inconfort.
Nous vous proposerons aussi de préparer dans ce budget l'indépendance de l'IGPN.
Le budget de la sécurité civile n'est pas tout à fait satisfaisant. Il est financé à 90 % par les collectivités territoriales. De plus, le financement de l'État est de moins en moins lisible, éclaté entre dix programmes gérés par six ministères. En 2021, le programme 161 ne représentera plus que 43 % de l'effort financier de l'État pour la sécurité civile, contre 50 % ces dernières années.
La situation financière des associations agréées est préoccupante à cause de la crise sanitaire, alors qu'elles poursuivent une action reconnue auprès des sapeurs-pompiers. Entre mars et mai, elles ont effectué plus de 122 000 interventions d'urgence, notamment pour assister des personnes ayant des symptômes de la covid-19 et les transporter vers un hôpital. Concernant les carences ambulancières, il faudrait une meilleure collaboration entre les SDIS et les services d'aide médicale d'urgence. Au-delà d'être les soldats du feu, les pompiers jouent de plus en plus un rôle en matière d'urgence sanitaire.
La reconnaissance professionnelle des sapeurs-pompiers est importante. Une bataille dans ce sens a été remportée au Sénat, avec l'exonération de la surcotisation sur la prime de feu, alors que l'Assemblée nationale voulait la supprimer. Je me félicite du vote de l'amendement d'Hervé Maurey.
Il est nécessaire de réconcilier policiers, gendarmes, pompiers et citoyens. L'immense majorité des Françaises et des Français a choisi le métier de policier pour de bonnes raisons. Mais maintenant que le Gouvernement a reconnu qu'il y avait un problème systémique, il ne faudrait pas que les agissements d'une minorité viennent ternir la vertu des autres. Il faut agir vite. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Christian Cambon . - Les défis en matière de sécurité sont innombrables. L'effort d'investissement important grâce au plan de relance est une bonne nouvelle.
Toutefois, il est nécessaire d'anticiper les défis. Le nouveau livre blanc permet de préfigurer la matrice d'une future loi de programmation de la sécurité intérieure. Ce modèle fonctionne bien dans le domaine des armées. Ainsi, il ne devra pas se réduire à une nouvelle loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) ne contenant que des mesures juridiques, mais devra comporter des éléments budgétaires.
Je regrette cependant que le statut des gendarmes soit si peu évoqué. Le rattachement des gendarmes au ministère de l'intérieur en 2009 n'a pas mis en cause leur réactivité, leur polyvalence et leur disponibilité. Le statut militaire des gendarmes doit être conservé, car il permet résilience et disponibilité. Cela implique de reconnaître les sujétions de l'état militaire. Les gendarmes ne peuvent pas se syndiquer même si les associations professionnelles sont désormais autorisées depuis 2015.
Ces mutualisations avec la police nationale ne doivent pas y porter atteinte. Nous nous étions émus des projets de fusion dans le domaine du numérique.
La doctrine du maintien de l'ordre doit être révisée en permanence. Les caméras piétons et la numérisation des procédures suscitent interrogations et résistances.
J'ai confiance dans la capacité des gendarmes à relever ces défis. Le statut militaire est un atout dans l'exercice délicat de conciliation entre éthique républicaine et sécurité. Comme la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure l'a montré, la police nationale connaît une crise multifactorielle, et la gendarmerie n'est pas à l'abri de telles vicissitudes. Les conditions de travail méritent d'être améliorées. Améliorons ce modèle pour qu'il continue à offrir un service de sécurité de proximité unanimement apprécié.
M. Marc Laménie . - Cette mission regroupe de nombreux sujets, comme le montre le nombre de rapporteurs spéciaux et de rapporteurs pour avis, ainsi que le volume des crédits : 9 milliards d'euros pour la gendarmerie nationale et 11,13 milliards d'euros pour la police nationale.
C'est aussi une mission importante en termes de richesses humaines : 252 350 policiers et gendarmes assurent la sécurité des personnes et de biens, avec les sapeurs-pompiers, les douaniers et les militaires de Sentinelle.
Ils méritent beaucoup de respect et de reconnaissance. Les journées nationales de la gendarmerie, de la police et des sapeurs-pompiers nous permettent de rendre hommage aux cinq à dix décédés par corps chaque année en moyenne.
Les forces de l'ordre sont de plus en plus sollicitées : gilets jaunes, manifestations de plus en plus violentes...Elles se sont beaucoup mobilisées à l'occasion de la crise sanitaire, en particulier pour assurer la sécurité des femmes victimes de violence.
Je partage le propos de Mme Bellurot sur les sapeurs-pompiers, qui sont très sollicités, en particulier à l'occasion des catastrophes naturelles, et qui connaissent des problèmes de recrutement. Il est important de soutenir les jeunes sapeurs-pompiers et d'améliorer le lien avec l'Éducation nationale, pour garder ce maillage territorial et cette proximité. Le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté . - C'est un honneur de présenter le budget du ministère de l'Intérieur et ses trois missions. Veuillez excuser le ministre Gérald Darmanin, retenu par d'autres obligations.
Je me félicite que ce budget connaisse une augmentation de 1,14 milliard d'euros - 400 millions d'euros au titre du budget ordinaire, 740 millions d'euros hors appels à projets au titre du plan de relance. C'est au total une augmentation de 2,7 milliards d'euros pour ce ministère depuis le début du quinquennat.
Voici les priorités qui justifient des moyens supplémentaires. Nous voulons imposer les valeurs de la République sur l'ensemble du territoire national face aux attaques de groupes organisés, notamment de l'islamisme radical ; ensuite, lutter contre la délinquance liée aux stupéfiants ; enfin, lutter contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles, grande cause du quinquennat. Le ministre de l'Intérieur est le premier contributeur à cette lutte. Les crédits de la mission « Sécurités » sont mobilisés au service de ces priorités, avec un accent sur l'amélioration du quotidien.
En comptant France relance, les crédits augmentent de 645 millions d'euros, soit une augmentation de 1,7 milliard d'euros depuis le début du quinquennat. Je remercie la commission des finances de son avis favorable.
L'engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires sera maintenu - soit 2 000 en 2021, 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie. Il y aura 190 millions d'euros supplémentaires pour le CAS Pensions ; la progression est maîtrisée.
Il faut récompenser le mérite et assurer plus efficacement les missions.
Un geste inédit sera fait en faveur des « nuiteux ». Nous avons donné la priorité à l'investigation et allons réformer le statut de la police technique et scientifique. Les heures supplémentaires seront revalorisées de plus de 6 %. Priorité au quotidien et aux conditions d'exercice de ceux qui nous protègent, comme le préconise le livre blanc. Vous l'avez dit, l'attente est forte. Nous y répondons par une augmentation de 455 millions d'euros hors dépenses de personnel.
Nous augmentons les dépenses d'équipement de 21 millions d'euros et débloquons 213 millions d'euros pour remplacer un véhicule sur quatre dans le quinquennat. Nous allons aussi financer la généralisation des caméras-piétons.
Pour l'immobilier, 31 millions d'euros supplémentaires sont prévus. D'ici à la fin de l'année, 5 000 opérations immobilières seront lancées pour 26 millions d'euros dans les casernes de gendarmerie et les commissariats, pour un budget total de 31 millions d'euros. Concernant la sécurité civile, le seul programme 161 reste stable avec des crédits de paiement à 520 millions d'euros - mais dans le plan de relance, 37,5 millions d'euros seront dirigés vers le secteur aérien pour l'achat d'hélicoptères et 2,2 millions d'euros vers le système d'alerte aux populations.
Au total, c'est un renfort budgétaire de 40 millions d'euros en 2021, en hausse de 8 %, pour les missions de la sécurité civile.
Enfin, en matière d'accidentalité, les résultats de 2020 sont très bons mais liés au contexte exceptionnel. Nous essaierons de maintenir ces chiffres en 2021 et poursuivrons la pédagogie. Nous étendrons l'externalisation de la conduite des voitures radars dans quatre nouvelles régions : Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle Aquitaine, Bourgogne-France-Comté.
Monsieur Ravier, le ministre de l'intérieur a toujours soutenu les forces de l'ordre et les valeurs de la République, y compris en dénonçant les comportements violents minoritaires - et soutien n'a jamais manqué à la police nationale ni à la gendarmerie nationale, dans les mots comme dans le budget. Cette augmentation du budget est inédite.
Nous n'allons pas révolutionner la répartition entre police nationale et gendarmerie nationale, mais mieux tenir compte de l'évolution du tissu urbain, en lien avec les élus.
Madame Goulet, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Ces engagements ne seront que du sable s'ils ne sont pas votés et ne se traduisent pas sur le terrain. Alors que le 25 novembre se tenait la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, je salue le travail exceptionnel des policiers et des gendarmes, qui rentrent chaque jour dans des maisons, pour sauver des femmes et des enfants des violences intrafamiliales. Le ministère de l'Intérieur, ce sont 290 000 femmes et hommes engagés pour protéger les plus fragiles, parfois au péril de leur propre vie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également)
La séance est suspendue à 20 h 10.
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 21 h 40.
Examen des crédits
Article 33 (Crédits de la mission)
Mme le président. - Amendement n°II-1111, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1111 transfère 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Gendarmerie nationale » vers le programme « Police nationale ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1111.html
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Au 31 décembre 2019, 24 millions d'heures supplémentaires non indemnisées étaient en stock dans la police nationale.
Un effort a été fait l'année dernière pour régler 3,5 millions d'heures, pour 37,2 millions d'euros. En 2021, l'enveloppe sera de 26,5 millions d'euros. Cela permet seulement de gérer le flux, d'environ deux millions d'heures par an, mais pas le stock.
Nous abondons donc cette ligne de 100 millions d'euros.
Actuellement, les policiers utilisent ces heures en récupération en fin de carrière, partant ainsi plus tôt à la retraite : ces départs anticipés engendrent un trou qui ne peut être compensé en créant des postes..
Demander aux forces de l'ordre d'être taillables et corvéables à merci sans les payer, c'est anormal et même scandaleux.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Ce sujet a été abordé l'an dernier par le Gouvernement, mais seul le flux a été traité, et non le stock.
Ce qui me gêne dans votre amendement, c'est le gage, pris sur la gendarmerie nationale...
Vu l'importance du stock à résorber, il ne pourra l'être sur un seul exercice. Je suppose que cela fait l'objet de négociations avec les syndicats. Avis défavorable.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le Gouvernement s'est engagé à apurer le stock sur une période pluriannuelle, avec des campagnes d'indemnisation sur une base volontaire, et obligatoire pour les agents qui cumulent plus de 500 heures supplémentaires.
En 2019, nous avons indemnisé 6 millions d'heures pour 75 millions d'euros ; en 2020, 2,17 millions d'heures, pour 27,1 millions d'euros. L'effort total en 2020 a été de 48 millions d'euros pour 3,7 millions d'heures. Nous continuerons l'année prochaine à traiter ce problème grâce aux crédits engagés. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vos explications ne sont pas à la hauteur. Les crédits prévus ne correspondent qu'au flux. Si nous n'abondons pas sérieusement la ligne, le scandale demeurera. (Mme la ministre déléguée fait signe à la présidence qu'elle demande la parole.)
Tout notre soutien aux forces de l'ordre ne sera que paroles verbales !
M. Marc Laménie. - Je comprends cet amendement, nos policiers méritent le respect. Mais mon département, plutôt rural, est essentiellement en zone gendarmerie : seules deux villes sont couvertes par la police nationale. Je ne puis imaginer retirer 100 millions d'euros à la gendarmerie, qui a elle aussi des moyens insuffisants, et des demandes légitimes. Il y a d'autres solutions budgétaires à trouver. La sécurité routière aussi est une priorité. Je suivrai l'avis du rapporteur.
M. Jérôme Durain. - J'ai suivi le débat public ces derniers jours... Si tout est priorité, il n'y a plus de priorité ! Il faut faire des choix, ici c'est le gage, sur la sécurité routière. Si nous considérons que les conditions de travail de nos forces de l'ordre ne conviennent, il faut agir. Madame la ministre, vous pouvez faire un geste. Nous sommes solidaires de nos forces de l'ordre et voulons leur apporter les moyens financiers et matériels pour améliorer leur sort.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Vous disiez que les crédits étaient insuffisants, mais ils sont supérieurs au flux.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ils baissent par rapport à l'an dernier !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Nous reviendrons à ce qu'était le stock en 2016. L'effort budgétaire est réel. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie le conteste.) Nous préservons en outre la possibilité de traduire ces heures supplémentaires en récupération.
L'amendement n°II-1111 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°II-748 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Guiol, Requier et Roux et Mmes Guillotin et M. Carrère.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-748 rectifié transfère 40 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Sécurité et éducation routières » vers le programme « Sécurité civile ».]
Mme Guylène Pantel. - Depuis cet été, la Lozère n'a plus de Dragon pour les transports sanitaires héliportés. Nous avons lancé une pétition pour demander une meilleure répartition des moyens de secours héliportés entre territoires. C'est la seule façon de garantir aux habitants des territoires ruraux et hyperruraux un accès aux soins urgents en moins de trente minutes.
Les appareils proposés par le Gouvernement sont plus faibles et moins fiables, qu'il s'agisse de treuil ou de capacité... Il y a là une faille dans la promesse républicaine. Nous ne demandons pas l'égalité avec les métropoles mais l'équité républicaine, car les ruraux ne sont pas des sous-citoyens.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Nombre de départements ne sont pas équipés, puisqu'on compte 34 hélicoptères de sécurité civile sur le territoire. Le vieillissement de ces appareils peut exiger des immobilisations longues, mais leur taux de disponibilité est malgré tout de 95 %. La répartition n'est pas satisfaisante, mais votre amendement ne résout pas le problème. À côté des hélicoptères rouges de la sécurité civile, il y a les hélicoptères bleus de la gendarmerie et les blancs de l'HéliSMUR, loué de façon autonome par le Samu à des prestataires privés, sans vision d'ensemble.
Il faudrait que le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Santé s'entendent pour arriver à une flotte bleu-blanc-rouge, maillant tout le territoire.
J'ajoute que le ministère de l'Intérieur a engagé, en 2020, 32 millions d'euros la commande de deux hélicoptères qui seront livrés fin 2021, plus deux autres en option. Il s'agit de modèles plus performants, multirôles.
Demande de retrait, mais je souhaite entendre Mme la ministre.
M. Vogel entend mener un contrôle budgétaire sur ce sujet, peut-être avec l'appui de la Cour des comptes.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - La coordination se fait aux niveaux central et zonal entre le préfet et le directeur de l'ARS. La loi de finances rectificative a effectivement consacré 32 millions d'euros en autorisations d'engagement et 28,5 millions d'euros en crédits de paiement à l'achat de deux appareils qui seront livrés fin 2021. Les acquisitions futures feront l'objet d'une programmation pluriannuelle.
Avis défavorable.
Mme Guylène Pantel. - J'entends bien. Mais certains départements hyperruraux comme le mien n'ont ni hélicoptère rouge, ni blanc, ni bleu.
Mme Cécile Cukierman. - Ce sont les hélicoptères qui réalisent l'engagement de la République que chaque Français, partout sur le territoire, soit à trente minutes d'un service d'urgence.
Cet été, en Auvergne-Rhône-Alpes, c'est le président de région qui a dû faire venir un hélicoptère de sécurité civile de Savoie jusque dans le Puy-de-Dôme !
Monsieur le rapporteur, on ne peut se contenter d'une étude l'année prochaine. C'est une question d'urgence à laquelle il faut répondre. Cela a un coût, celui de l'égalité républicaine.
M. Bernard Bonne. - Je ne voterai pas cet amendement. Il faut plus de moyens héliportés, certes, mais pour le transport sanitaire suppose la présence d'un médecin et d'un infirmier urgentistes dans l'appareil.
Doter les SDIS ou la gendarmerie n'est pas adapté. Il serait préférable de doter tous les CHU d'hélicoptères.
M. Vincent Segouin. - Je ne comprends pas bien comment la coordination va se faire : comment un hélicoptère bleu pourra-t-il assurer des secours ? Dans mon département, on est plus souvent à une heure et demie de CHU qu'à trente minutes. Et lorsque le département achète un hélicoptère, la Cour des comptes critique ce type de dépenses !
L'amendement n°II-748 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°II-1109, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-1109 transfère 21 728 067 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Gendarmerie nationale » vers le programme « Police nationale ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1109.html
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Depuis les évènements récents dans le XVIIè arrondissement, émerge la question de la formation des policiers. Le ministre de l'Intérieur a parlé devant l'Assemblée nationale de « péché capital » : l'erreur fondamentale a été de raccourcir la formation initiale.
Créer plus de mille postes dans la police, c'est bien, mais encore faut-il que la formation suive. Or elle est passée de douze à huit mois, et nombre de policiers ne peuvent pas faire leur entraînement de tir annuel.
Il faut donc mettre le paquet, ce que fait cet amendement en doublant les crédits dédiés à la formation. Notre responsabilité politique est d'apporter une réponse.
Mme le président. - Amendement n°II-979, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-979 transfère 20 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Sécurité et éducation routières » vers le programme « Police nationale ».]
Mme Esther Benbassa. - En 2021, 1 145 nouveaux fonctionnaires renforceront les effectifs de la police nationale. Le Gouvernement poursuit ainsi son objectif d'un recrutement quinquennal de 7 500 policiers d'ici 2022. Nous saluons cette décision, qui fait suite aux milliers de suppressions de postes sous Nicolas Sarkozy. Cela améliorera les chiffres de la délinquance et facilitera le quotidien de policiers surmenés.
Cependant, ces recrutements ne sont pas accompagnés d'une hausse des moyens alloués à leur formation. Or nous constatons une multiplication des violences perpétrées par certains éléments des forces de l'ordre. Le devoir d'exemplarité est de mise. Une police mieux formée est une police qui protège mieux car elle est à l'écoute des besoins de la population. Il est grand temps que notre police républicaine reçoive la formation qu'elle mérite : il en va de notre sûreté et de sa sûreté.
Mme le président. - Amendement n°II-980, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-980 transfère 20 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Sécurité et éducation routières » vers le programme « Sécurité civile ».]
Mme Esther Benbassa. - Chaque année, plus de 6 milliards d'euros sont dépensés pour la sécurité civile, dont 5,1 milliards par les collectivités territoriales. L'État ne participe qu'à hauteur de 950 millions d'euros, dont 520 millions au titre du programme 161.
Entre mars et juin, les acteurs de la sécurité civile n'ont pas ménagé leurs efforts : les SDIS ont réalisé 122 000 interventions ; la Croix-Rouge et le Secours catholique, 18 000, soit trois millions d'heures de bénévolat. Ils méritent notre gratitude.
Alors que les catastrophes environnementales sont appelées à se multiplier avec le changement climatique, l'effort budgétaire doit être mieux réparti entre les échelons local et national.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Il y a en effet un problème de formation des policiers. Je précise à Mme Benbassa que sous Nicolas Sarkozy, la durée de la formation était de douze mois. Au cours des deux derniers quinquennats, on est passé à dix, puis à huit mois.
Les crédits ne peuvent pas tout : il serait superflu d'augmenter les crédits de la formation sans formateurs, et tant que la durée de formation n'est pas allongée.
Enfin, dans les deux cas, le gage ne me convient pas. Avis défavorable aux amendements nosII-1109 et II-979.
En matière de sécurité civile, l'effort de l'État est faible en effet, mais ce budget le relève. De plus, l'État commence à flécher des crédits vers les collectivités territoriales. Avis défavorable à l'amendement n°II-980 également.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le ministre de l'Intérieur a rappelé l'importance de la formation initiale et continue des forces de l'ordre. Les dépenses pédagogiques sont longtemps restées à 18 millions d'euros ; nous passons pour 2021 à 21,73 millions d'euros, soit une hausse de 16 %, sans compter l'augmentation de la subvention à l'École nationale de la police, qui passe de 25,7 à 27,73 millions d'euros, et la création prochaine de l'Académie de police, dont le préfigurateur sera nommé d'ici quelques jours. Le ministre a pris position et fait des annonces : le budget suivra.
Une formation de gardien de la paix dure en réalité 24 mois : huit en école, seize de stage.
Nous y avons ajouté 120 heures de formation sur les violences sexistes et sexuelles. Avis défavorable aux amendements nosII-1109 et II-979.
L'amendement n°II-980 est satisfait par les crédits engagés dans le PLFR4 : retrait ou avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est le double discours total ! Le rapporteur de la commission des finances ne veut pas toucher au budget, mais l'exercice nous impose de gager nos amendements. Nous prenons nos responsabilités.
On ne peut pas, à longueur d'interviews, de déclarations à la presse, et au Sénat, dire que la formation est cruciale et refuser de concrétiser les choses ! (Mme la ministre le conteste et fait signe à la présidence qu'elle demande la parole.) Je constate que vous continuez à prendre la parole après moi alors que je suis privée de droit de réponse...
La moindre des choses est de prévoir les crédits qui suivent les annonces - sinon, justement, elles restent des annonces. Je regrette ce double discours et vous engage à un peu de cohérence.
Mme Nathalie Goulet. - On pourrait imaginer un contrôle du rapporteur spécial de la commission des finances sur ce sujet de la formation, faute de document transversal.
Mme Esther Benbassa. - Avec quels deniers paierez-vous la formation continue des forces de l'ordre annoncée par M. Darmanin dans les médias ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Madame de la Gontrie, je ne fais pas le règlement du Sénat ; quand je suis invectivée ou qu'on me demande des précisions, mon rôle est de répondre.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je vous ai interpellée, pas invectivée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je ne peux vous laisser dire qu'il ne s'agit que d'annonces, quand le budget de la formation augmente de 16 % par rapport à 2020 - sans compter les investissements immobiliers pour les écoles de police. Le préfigurateur de l'Académie de police sera bientôt nommé ; il vous apportera toutes les informations nécessaires. C'est bien entendu la prérogative du Parlement que de contrôler la bonne utilisation de ces crédits.
M. François Bonhomme. - L'histoire du maintien de l'ordre en France est l'histoire de sa professionnalisation, et nous souhaitons tous la meilleure formation possible pour nos policiers.
Madame Benbassa, il est piquant de vous entendre parler de double discours. J'attendais des marques de soutien à nos forces de l'ordre, vous qui êtes de toutes les manifestations contre la police, qui n'avez de cesse de dénoncer les violences systémiques ! Le double discours s'entend dans toutes les travées. (Mme Esther Benbassa s'insurge.)
L'amendement n°II-1109 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosII-979 et II-980.
Mme le président. - Amendement n°II-978, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
I. - Créer le programme :
Généralisation des caméras-piétons et instauration d'un récépissé dans le cadre d'un contrôle d'identité
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-978 transfère 10 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Police nationale » vers le nouveau programme « Généralisation des caméras-piétons et instauration d'un récépissé dans le cadre d'un contrôle d'identité ».]
Mme Esther Benbassa. - Depuis des années, les conflits sociaux s'enchaînent : bonnets rouges, gilets jaunes, manifestations contre la loi Travail ou la réforme des retraites.
Les heurts se multiplient, la défiance envers les institutions atteint son paroxysme. La police nationale est mise en cause en raison des violences disproportionnées de certains CRS contre les manifestants. (Vives exclamations à droite) Le ministre de l'Intérieur l'a reconnu !
Les contrôles au faciès, dénoncés par le Défenseur des droits, se multiplient. Après les exactions du 23 novembre lors de l'évacuation d'un camp de migrants place de la République, il devient impératif d'instaurer des garde-fous. (M. Stéphane Ravier s'exclame.) Il est vital de renouer un dialogue serein entre la police et la société. Cet amendement finance à hauteur de 10 millions d'euros la généralisation des caméras-piétons - encore faut-il qu'elles fonctionnent. (Apostrophes à droite) Allez-vous me laisser finir ?
L'amendement finance également une expérimentation sur le récépissé lors des contrôles d'identité, sujet sur lequel les écologistes avaient déposé une proposition de loi.
Ces dispositifs sont le gage de pratiques plus vertueuses et d'une confiance retrouvée. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme le président. - Amendement n°II-1112, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1112 transfère 4 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Sécurité et éducation routières » vers le programme « Police nationale » à hauteur de 2 millions d'euros d'une part, et vers le programme « Gendarmerie nationale » à hauteur de 2 millions d'euros d'autre part.]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1112.html
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Selon David Le Bars, secrétaire national du Syndicat national des commissaires de police, les caméras-piétons fournies par le ministère sont inefficaces : la caméra est tellement bas de gamme qu'il faudrait partir avec quatre batteries pour tenir une vacation entière, dit-il... Il imaginait même que chaque policier achète lui-même sa caméra-piéton pour se la faire rembourser ensuite. C'est dire le degré de carence !
Actuellement, il faut que le policier actionne sa caméra quand il pense que l'intervention risque d'être problématique... Autant dire que les conditions d'usage ne sont pas compatibles avec l'urgence.
Le plan de relance prévoit des fonds, mais pour une généralisation au 1er juillet, comme l'a annoncé le président de la République, il faut augmenter les crédits.
Mme le président. - Amendement n°II-1169 rectifié ter, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme Lepage, M. Vaugrenard, Mme Van Heghe, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet et Cardon, Mmes Meunier et Jasmin, MM. Jomier, Pla, Temal et Féraud, Mmes Rossignol, Monier et Préville et M. Tissot.
I. - Créer le programme :
Récépissé de contrôle d'identité
II. - En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1169 rectifié ter transfère 500 000 euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement, du programme « Police nationale », ainsi que 500 000 euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement, du programme « Gendarmerie nationale » vers le nouveau programme « Récépissé de contrôle d'identité ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1169.html
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Les hommes noirs et d'apparence arabe sont cinq à huit fois plus contrôlés que les hommes blancs. Le récépissé de contrôle d'identité éviterait les contrôles répétés et infondés. Nous constatons tous la défiance d'une partie de la population vis-à-vis de la police ; et le Défenseur des droits avait montré qu'il y avait une base statistique à cette impression de discrimination. Des grandes villes se sont déclarées prêtes à l'expérimentation. Cet amendement peu coûteux permet de lancer le débat.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Effectivement, il faut monter en gamme pour les caméras piétons, notamment pour obtenir plus d'autonomie. Peut-être pourrait-on contourner le marché public qui a été lancé, qui pose des problèmes de délai. Que peut nous dire le Gouvernement sur ce point ? Je ne suis pas satisfait que les 10 millions d'euros de crédits qui y sont consacrés soient inscrits dans le plan de relance - ce n'est pas justifié.
Cependant, les crédits sont là. Avis défavorable aux amendements nosII-978 et II-1112.
La commission des finances n'est pas favorable à la création de nouveaux programmes thématiques sur de tels sujets.
Avis défavorable à l'amendement n°II-1169 rectifié ter.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je partage ce qui a été dit sur la qualité insuffisante des caméras-piétons. Le Président de la République s'est engagé à ce que l'usage de caméras-piétons de bonne qualité soit généralisé au 1er juillet 2021.
Il nous est nécessaire de préparer un nouveau marché public avec des critères techniques adéquats en matière d'autonomie, de résolution, de captation... Il est surtout important de le faire tester par les forces de l'ordre. En attendant, 9,6 millions d'euros sont inscrits dans les crédits « Compétitivité » du plan de relance pour acheter 23 000 caméras en 2021 puis 30 000 en 2022 pour les policiers et les gendarmes. De plus, 4,2 millions d'euros sont déjà prévus dans ce budget pour doter les policiers de 15 000 caméras. Quant aux 11 000 caméras existantes, elles doivent être en partie renouvelées et en partie améliorées techniquement.
Le Président de la République a fait savoir il y a quelques jours qu'il avait demandé au Gouvernement de lui faire des propositions sur la lutte contre les discriminations. Attendons la fin de ce travail.
Enfin, je tiens à rappeler que la majorité socialiste à l'Assemblée nationale avait repoussé en 2016 le récépissé des contrôles d'identité. La délivrance d'un tel récépissé est susceptible d'en allonger substantiellement la durée, d'où une perte d'efficacité.
La plateforme Stop-discri permet à chacun de faire valoir ses droits s'il s'estime victime de discrimination de la part des forces de l'ordre.
Mme Éliane Assassi. - Je souhaite réagir aux invectives qu'a subies Mme Benbassa. Ceux qui s'y livrent n'ont sans doute manifesté ni pour les policiers, ni pour ceux qui subissent des violences.
Qu'ils sachent que défendre les droits et libertés, manifester, n'est pas incompatible avec la défense et le soutien des forces de police et de sécurité.
Certains, amnésiques, oublient qui a réduit les effectifs de policiers, il y a quelques années... C'est peut-être la cause de ce que nous vivons en ce moment. (M. Vincent Segouin proteste.)
Enfin, je suis mal à l'aise avec ce débat sur les missions qui nous force à déshabiller Pierre pour habiller Paul. C'est très insatisfaisant. (Applaudissements à gauche)
Mme Nathalie Goulet. - Je partage les réserves du rapporteur spécial sur la lisibilité d'un budget qui est dispersé entre le plan de relance et les missions. Il faudrait compléter les documents transversaux par un document sur les sécurités.
Je rejoins Mme Assassi sur un point : il faut réformer une LOLF qui date d'il y a vingt ans, aujourd'hui complètement périmée, qui nous empêche de travailler dans des conditions satisfaisantes.
M. François Bonhomme. - Je suis heureux de constater un accord unanime sur le problème d'équipement de la police. J'espère qu'il n'en sera pas des caméras-piétons comme des bracelets anti-rapprochement, dont le déploiement prend beaucoup de retard.
Mme Benbassa présente des arguments étonnants, où je décèle un peu d'hypocrisie : comment arguer que la défiance renforce la confiance ?
Madame de la Gontrie, il faut faire confiance au discernement des forces de l'ordre, dont la mission est déjà assez difficile, au lieu de leur ajouter de la lourdeur administrative avec le récépissé, qui pèsera sur leur efficacité.
François Hollande l'avait promis dans son programme et l'a complètement abandonné ensuite, ce qui fut annoncé en grande pompe par son Premier ministre.
M. Jérôme Durain. - Monsieur Bonhomme, François Hollande avait fort à faire à réparer les dégâts causés par les réductions d'effectifs de Nicolas Sarkozy. (Protestations à droite) On ne peut pas être sur tous les fronts !
Ne souscrivons pas aux propos du préfet Lallement : nous sommes bien dans le même camp !
Sur le marché des caméras-piétons, il y a deux opérateurs : Axon, un fabricant américain, et le suédois Axis, filiale de Canon. Les coûts des caméras-piétons sont importants. On parle de 506 euros pour avoir autonomie et déclenchement automatique. S'il faut en plus une transmission directe, c'est encore plus cher. Et il faut tenir compte de la formation nécessaire.
M. Jean-Yves Leconte. - La République doit traiter également tous ses enfants. Or ce n'est pas le cas. Certains jeunes peuvent passer toute leur jeunesse sans être contrôlés, d'autres, être contrôlés très fréquemment. Il faut agir.
Des promesses ont pu être faites, et non être respectées, mais vous ne pouvez pas abandonner les récépissés de la sorte.
L'amendement n°II-978 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosII-1112 et II-1169 rectifié ter.
Mme le président. - Deux autres missions sont inscrites à l'ordre du jour de ce soir. Si le temps nous manque, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » devra être reportée à samedi matin. Je vous invite par conséquent à la concision.
Mme le président. - Amendement n°II-1168 rectifié ter, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline et Bourgi, Mme Lepage, M. Vaugrenard, Mme Van Heghe, MM. Jeansannetas, Lurel, Fichet et Cardon, Mmes Meunier et Jasmin, M. Kerrouche, Mme Harribey, MM. Jomier, Pla et Temal, Mme Rossignol, M. Féraud, Mmes Monier et Préville et M. Tissot.
I. ? Créer le programme :
Autorité indépendante de contrôle des actions de la police
II. ? En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1168 rectifié ter transfère 10 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Police nationale » vers le nouveau programme « Autorité indépendante de contrôle des actions de la police ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1168.html
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Dans le contexte, et même avec l'absence incompréhensible du ministre de l'Intérieur, vous comprenez, Madame la présidente, qu'il faut prendre le temps du débat.
L'inspection générale de la police nationale (IGPN) a des missions administratives, d'audit interne, etc. pour lesquelles son rattachement au ministère de l'Intérieur, auprès du directeur général de la police nationale, est tout à fait justifié ; mais aussi des missions d'enquête, pour lesquelles elle est soupçonnée de manquer d'impartialité. On peut le comprendre, car elle a un problème d'endogamie.
J'ai entendu hier le Premier ministre se dire ouvert à une réforme, et notamment à l'idée de confier sa direction à un non-policier.
En 1986, j'avais l'honneur de travailler avec Pierre Joxe quand il a créé le code de déontologie ; ensuite la commission nationale de déontologie de la sécurité a été mise sur pied ; mais depuis, la France est devenue frileuse.
Ayons le même courage que le Royaume-Uni et la Belgique, qui ont confié les enquêtes à des instances que l'on ne peut soupçonner de partialité.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Ces considérations n'ont pas leur place dans un débat budgétaire, mais plutôt dans l'examen d'une loi sur la sécurité globale, par exemple. Je suis déçu, toutefois, que ce type de réformes structurelles n'apparaisse pas dans le livre blanc. Cela fait quatre ans que nous refusons les crédits, qui semblent insuffisants.
On ne fait pas de politique en regardant dans le rétroviseur. Cela fait quatre ans que nous dénonçons les insuffisances de ce budget, en votant contre. (S'adressant à la gauche de l'hémicycle) Vous votiez pour, il y a quatre ans ! Nous sommes sur la même ligne, celle d'une police de qualité, à rebours d'une course aux effectifs qui paupérise les services parce qu'elle délaisse les budgets de fonctionnement. Vous voulez à présent réparer les erreurs du passé, fort bien, mais reconnaissez-les : ces réformes auraient pu avoir lieu quand vos amis étaient au pouvoir.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Il me semble difficile de réformer l'IGPN en dix minutes, à 23 heures, pendant le vote des crédits des « Sécurités », sans consultation ni travail préalable avec les élus, les experts, et l'IGPN elle-même. Ne serait-ce que pour cette raison formelle, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Mais sur le fond, l'IGPN est une institution républicaine ancienne, elle a montré sa probité. Il faut savoir que 85 % des enquêtes sont menées dans un cadre judiciaire, c'est-à-dire sous le contrôle du magistrat qui, par définition, est indépendant ; elle est également sous le contrôle du Parlement. Le citoyen peut la saisir directement, en quelques clics par internet.
Enfin, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur se sont tous deux déclarés favorables à une évolution de l'IGPN. Le cadre budgétaire est inadapté à une telle réflexion. Avis défavorable.
L'amendement n°II-1168 rectifié ter n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°II-1110, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
[L'amendement n°II-1110 transfère 3 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Gendarmerie nationale » vers le programme « Police nationale ».]
http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-1110.html
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet amendement augmente les crédits pour financer l'habillement des agents. Lors des débats sur les violences ou les contrôles d'identité, la question de leur identification a émergé.
C'est pourquoi on a créé le référentiel des identités et de l'organisation, RIO, et non ROI comme le ministre l'a appelé lors de son audition par l'Assemblée nationale ; c'est un numéro d'identification. Mais l'habillement des policiers ne prévoit pas d'emplacement pour l'afficher. En Allemagne et en Espagne, au contraire, les forces de l'ordre sont équipées d'un blouson au dos duquel le numéro d'identification est bien visible.
Cet amendement prévoit les crédits pour l'achat de cet équipement.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Avis défavorable à cet amendement d'appel.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°II-1110 n'est pas adopté.
L'amendement n°II-960 n'est pas défendu.
Mme le président. - Amendement n°II-206 rectifié bis, présenté par MM. Sol et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat, M. Burgoa, Mmes Berthet et Gruny, MM. Perrin et Rietmann, Mme Eustache-Brinio, MM. Laménie, Savary, Chatillon et Houpert, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Vogel, Pellevat et Bascher, Mmes Joseph, Lassarade et V. Boyer, M. Brisson, Mme Malet, M. Piednoir, Mme de Cidrac, M. Genet, Mme M. Mercier, MM. Lefèvre, B. Fournier, Bonne, Bonhomme, Mandelli et Calvet, Mme Di Folco et MM. Rapin, Belin, Karoutchi, Charon et Gremillet.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-206 rectifié bis transfère 500 000 euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Sécurité et éducation routières » vers le programme « Police nationale ».]
M. François Bonhomme. - Cet amendement augmente de 500 000 euros le budget de Pharos, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupements et d'orientation des signalements.
Comme on l'a vu notamment lors de l'attentat de Conflans-Sainte- Honorine, son budget est notoirement insuffisant pour lutter contre les appels à la haine ou au meurtre.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Qu'en dit le Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Le Gouvernement est à la disposition du Parlement pour lui donner plus d'informations budgétaires sur Pharos.
Récemment, des ETP supplémentaires lui ont été réassignés, pour permettre une ouverture 7 jours sur 7, et 24 heures sur 24. Mais le problème semble être désormais la fluidité des liens avec les principaux réseaux sociaux, davantage que les moyens.
C'est pourquoi j'ai réactivé le groupe permanent de contact avec les principaux réseaux sociaux et les directeurs des services du ministère de l'Intérieur.
J'ai installé hier un officier de liaison gendarme dans l'association « point de contact ». Les crédits suffisent à la montée en puissance de Pharos. Avis défavorable, dès lors.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Sagesse.
M. François Bonhomme. - Vous me répondez en citant le groupe permanent de contact avec les réseaux sociaux ; mais le sujet est différent. Les signalements sur Pharos se multiplient ces derniers temps.
L'amendement n°II-206 rectifié bis est adopté.
Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.
Article 66
Mme le président. - Amendement n°II-16 rectifié, présenté par M. Vogel, au nom de la commission des finances.
I. - Alinéa 4
1° Après le mot :
mis
insérer le mot :
soit
2° Remplacer les mots :
de la sécurité civile ou
par les mots :
ou des moyens nationaux de la sécurité civile, soit à la disposition
II. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.... - Au 1° de l'article L. 2122-20 du code général de la propriété des personnes publiques, la référence : « L. 1311-4-1 » est remplacée par la référence : « L. 1311-4 ».
.... - Au 3° de l'article 1048 ter du code général des impôts, les mots : « de l'article L. 1311-4-1 ou » sont supprimés.
L'amendement rédactionnel n°II-16 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 66, modifié, est adopté. L'article 67 est adopté.
Article 35 (Crédits du compte spécial)
Mme le président. - Amendement n°II-510 rectifié quater, présenté par MM. Mizzon, Bonnecarrère, Canevet, Henno, Louault et Détraigne, Mmes Gatel et Sollogoub, M. Kern, Mmes de La Provôté et C. Fournier, MM. Moga, Todeschini et Masson, Mmes Herzog, Bonfanti-Dossat et Thomas et M. Gremillet.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-510 rectifié quater transfère 500 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Désendettement de l'État » vers le programme « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières ».]
M. Jean-Marie Mizzon. - La LFR4 a institué des avances remboursables en faveur des autorités organisatrices de mobilité (AOM) à hauteur de 750 millions d'euros, afin de soutenir les AOM confrontées à une contraction des recettes du versement mobilité et de leurs recettes tarifaires.
Mais cela pénalise les AOM organisées en EPCI. D'où cet amendement de 500 millions d'euros pour réparer cette inéquité.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Ce n'est pas l'objet du programme 754. Retrait ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
M. Jean-Marie Mizzon. - Je regrette que pour un problème d'imputation, on refuse de considérer cette réalité. En EPCI ou en syndicat mixte, les AOM offrent les mêmes services.
L'amendement n°II-510 rectifié quater n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°II-794 rectifié quinquies, présenté par Mme V. Boyer, MM. Courtial et Bonneau, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Houpert et Chatillon, Mme Puissat, MM. Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy, Somon, Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Charon, Mme Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet.
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(en euros)
[L'amendement n°II-794 rectifié quinquies transfère 57,55 millions d'euros en autorisations d'engagement, et autant en crédits de paiement, du programme « Structures et dispositifs de sécurité routière » vers le programme « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières ».]
Mme Valérie Boyer. - La stratégie "tout radars" de ce projet de loi de finances a pour objectif « d'augmenter le nombre de zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars "leurres", mais également en augmentant le nombre de radars autonomes déplaçables et en augmentant l'utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés en confiant leur conduite à des prestataires ».
Notre réseau routier exceptionnel est un atout formidable pour la mobilité dans nos territoires, à condition d'être bien entretenu.
En 2011, la qualité des routes françaises figurait en pole position du classement mondial établi par le World economic forum ; en 2015, elle était à la septième place ; en 2017, elle tombait à la 12ème place pour dégringoler à la 18ème place en 2019 !
La relance passe par la capacité des conducteurs à circuler sur des routes en bon état.
Cet amendement réduit les crédits affectés à la modernisation et au développement de nouveaux radars de 57,55 millions d'euros au profit de l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. - Le produit des amendes alimente le programme 754 à hauteur de 650 millions d'euros et l'Afitf à hauteur de 278 millions d'euros. Si votre amendement était voté, il serait impossible de remplacer les radars existants. Retrait ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°II-794 rectifié quinquies est retiré.
L'article 35 est adopté.
Les crédits du compte spécial sont adoptés.
Immigration, asile et intégration
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial de la commission des finances . - Richelieu affirmait que « la politique est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire ». Peut-on débattre de l'immigration sans dogmatisme, en se basant sur les faits, hors de l'agitation politique organisée par des associations qui instrumentalisent la misère humaine ?
Ce malaise sur la question migratoire, l'asile et l'intégration prend racine dans l'impuissance de l'État à prendre à bras-le-corps « sans tabou, ni angle mort » ces sujets qui relèvent au premier chef de la souveraineté nationale.
Les crédits de la mission sont de 1,76 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,87 milliard d'euros en crédits de paiement. Mais en réalité, l'État ne sait pas combien d'irréguliers se trouvent sur le territoire national.
Selon les députés Kokuendo et Cornut-Gentille, il y aurait entre 150 000 et 200 000 voire jusqu'à 400 000 clandestins en Seine-Saint-Denis. L'indice de revenu fiscal moyen par habitant a baissé de 10 % en 25 ans dans le 93. Cela pose une question de cohésion de la société. Patrick Stéfanini estime à plus de 900 000 leur nombre sur le sol français.
Comment faire des budgets crédibles et ensuite loger, soigner, éduquer et intégrer ? Pourquoi après s'étonner que le 93 et d'autres départements dont le mien, le Val-d'Oise, plongent dans la pauvreté et la délinquance ?
Mme Éliane Assassi. - Halte à la caricature !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. - Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), insiste sur la nécessité de changer de modèle dans son opuscule Le grand dérangement. Il déclare : « l'hospitalité pour tous, c'est l'hospitalité pour personne ».
Nous n'avons pas de résultats en matière d'intégration. En matière de regroupement familial, nous sommes loin des critères allemands, hollandais ou autres. En matière de soins, nous sommes le seul pays avec la Belgique à délivrer un titre de séjour pour sept ans.
Les soins des sans-papiers sont pris en charge chez nous au-delà de l'urgence vitale, qui est la norme en Europe. Nos centres d'accueil sont beaucoup moins sommaires que ceux de la plupart des pays d'Europe ; les déboutés du droit d'asile trouvent ici de meilleures conditions qu'ailleurs. C'est pourquoi les « Dublinés » traversent les Alpes, les Pyrénées et le Rhin.
M. Jérôme Bascher. - Eh oui !
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. - Depuis 1980, une trentaine de réformes de la législation relative aux étrangers a entraîné une complexité extrême, d'un droit qui n'a pas été conçu globalement mais par sédimentation. Il forme un véritable carcan juridictionnel conventionnel et constitutionnel. Le syndicat de la juridiction administrative (SJA) souligne que la politique d'accueil est illisible, 90 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) n'étant pas exécutées, les magistrats s'interrogent sur le sens de leur action. (Marques d'impatience à gauche, où l'on observe que le temps de parole dévolu au rapporteur spécial est dépassé)
M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. - Il est temps que cela change. Madame la ministre, le voulez-vous réellement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations sur les travées du groupe SER)
Mme Éliane Assassi. - Aucun rapport budgétaire !
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois . - Le rapporteur spécial vous ayant exposé ce budget (On le conteste vigoureusement à gauche), je dois à la vérité de dire que le budget de cette mission a régulièrement été réabondé par le Gouvernement, avec un accent mis sur l'asile et l'hébergement.
Pour quels résultats ? L'on constate que 25 % de ceux qui reçoivent une formation linguistique n'arrivent pas au niveau de français qui puisse leur permettre de s'intégrer ; et que 12,2 % des décisions d'éloignement seulement sont exécutées.
Bref ce budget est un tonneau des Danaïdes, parce que l'immigration irrégulière est en hausse de 6 %, les demandes de droit d'asile sont dévoyées, à plus de 60 % et en hausse de 7,5 % et l'aide médicale d'État (AME), qui est la seule façon de mesurer réellement l'immigration irrégulière, croît de 5 % En 2018, le regroupement familial a été facilité.
Nous ne cesserons de subir cette pression migratoire si nous ne la contrôlons pas ; alors seulement ce budget prendra sens. Nous ne maîtrisons pas le droit d'asile ! La commission des lois a donné un avis défavorable aux crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission des lois . - En 2019, il y a eu 132 000 demandes d'asile ; c'est un record, après une hausse continue de dix ans. La pandémie a fait baisser ce nombre en 2020 ; cependant, après le confinement les demandes d'asile ont repris fortement. On peut donc s'attendre à une demande toujours soutenue en 2021.
Le premier sujet est la baisse des délais de traitement. Il y a de la bonne volonté, mais pas de résultats. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a obtenu 200 postes ; mais, avec le confinement, l'objectif de réduction des délais n'a pu être tenu. Les 60 jours ne seront pas atteints avant 2023. Même chose pour la cour nationale du droit d'asile (CNDA) : augmentation des moyens mais allongement des délais.
Sur le second sujet, les conditions matérielles d'accueil, 6 000 places d'hébergement ont été créées mais cela ne suffit pas à faire face à la demande, puisque la moitié des demandeurs, seulement, sont hébergés.
Nous attendons les réponses du Gouvernement dans le débat qui sera organisé au Sénat le 17 décembre sur l'asile et l'immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Louis Lagourgue . - La lutte contre le virus a rendu crucial le contrôle des flux transitant entre les pays et en leur sein. L'immigration reste un sujet sensible : près de 80 % de nos concitoyens veulent passer d'une immigration subie à une immigration choisie. En d'autres termes, il faut maîtriser les flux.
Car le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) n'a pas dépassé les 25 % en dix ans. Cela nuit à l'autorité de l'État, à la force de la loi et à l'intégration des immigrés réguliers.
Madame la ministre, nous avons suivi vos efforts pour la délivrance de laissez-passer consulaires par les pays du Maghreb.
Autre enjeu capital, réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Comment passer de 112 jours à 60 jours en 2023 si les crédits de l'Ofpra n'augmentent pas ? Il faut investir davantage dans notre politique d'immigration. La prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) isolés coûte deux milliards d'euros aux départements ; il faut que l'État compense ces dépenses.
Notre pays doit assurer pleinement un contrôle strict sur les flux migratoires et se donner les moyens d'y parvenir.
Mme Esther Benbassa . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; « Ah ! » à droite) La Covid-19 a engendré de graves dysfonctionnements dans l'administration française, en particulier dans les centres de rétention administrative (CRA) devenus de véritables clusters. Dans celui de Plaisir, dans les Yvelines, où j'étais encore ce lundi, il n'y a que des malades. C'est devenu le CRA-Covid !
Le budget de la lutte contre l'immigration irrégulière a augmenté de 68 % depuis 2017 ; nous plaidons pour un virage humaniste. La création de plans d'hébergement est encourageante mais timorée. On ne peut approcher l'immigration et l'accueil sous le seul prisme budgétaire. Il faut une vision globale.
Nous n'arrivons pas à réformer le règlement de Dublin qui met les personnes migrantes dans des situations de précarité et de détresse indignes des valeurs portées par l'Union Européenne.
De plus, l'Ofpra n'est pas mise en situation de faire face aux migrations de long terme, notamment celles liées au dérèglement climatique. Selon certains experts, d'ici à 2050, ce sont 1,5 milliard de réfugiés environnementaux qui pourraient tenter de rejoindre l'Europe.
Une fois encore, ce budget fait la part belle à la lutte contre l'immigration irrégulière. Les violences policières du 23 novembre mettent en évidence l'approche répressive du Gouvernement.
Le GEST votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Thani Mohamed Soilihi . - Pour la quatrième année consécutive, ce budget augmente, cette année de 2 %.
Le Gouvernement a deux objectifs : mieux accueillir les étrangers en situation régulière et lutter contre l'immigration clandestine. Les campements indignes de migrants montrent la nécessité d'améliorer nos dispositifs d'accueil.
Je suis, madame la ministre, choqué par les violences survenues le 23 novembre, place de la République, lors de l'évacuation d'un campement de migrants. Je ne doute pas que le ministre de l'Intérieur saura prendre les décisions qui s'imposent.
Je tiens à saluer que le Gouvernement ait tenu compte des chiffres de 2019 pour évaluer les besoins de 2021, et que le budget de l'ADA augmente. Cela permettra de maîtriser les délais de traitement des demandes d'asile.
Les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration clandestine sont fléchés en particulier vers l'immobilier des CRA et l'éloignement de ceux qui se maintiendront illégalement sur le territoire.
À Mayotte, où un drame a récemment coûté la vie à dix migrants comoriens, dont un enfant, la pression migratoire est si forte qu'elle empêche tout développement, paralyse les services publics et crée des conflits entre communautés. Le nombre de mineurs étrangers isolés dépasse les chiffres les plus alarmants. Comment se déclinent les nouvelles places de CRA dans les territoires ultramarins ? Le 26 août, j'ai écrit au Premier ministre sur ce sujet, proposant des mesures concrètes. Madame la ministre, certaines d'entre elles, voire la totalité, ont-elles été prises en considération ?
Le Gouvernement maintient ses efforts pour une politique migratoire juste ; aussi le RDPI votera les crédits.
Mme Maryse Carrère . - Nos discours sur l'immigration sont créatifs lexicalement. On parle d'étrangers, de réfugiés, de migrants, d'exilés, de demandeurs d'asile, de clandestins, de sans-papiers. Mais nous parlons toujours d'hommes, de femmes, d'enfants qui méritent une politique d'intégration claire, digne et humaniste. Ce budget est une chance pour le débat démocratique.
L'Union européenne entend donner un nouveau cadre à la politique migratoire. La hausse globale des crédits et la stabilité de ceux pour le logement ou l'emploi, dans un contexte dégradé, est un bon signal.
Le nombre de demandeurs augmentant, l'OFII et l'Ofpra doivent pouvoir travailler efficacement. Si nous nous réjouissons de la hausse ud budget de l'Ofpra, nous nous inquiétons de la baisse de la subvention de l'OFII.
Je ne suis pas la première à attirer votre attention sur la situation préoccupante des CRA, qui nous a valu des condamnations de l'État et des injonctions du juge administratif. La covid-19 nous oblige à traiter la question de la promiscuité, comme l'a dit le Défenseur des droits.
Déjà, lors de l'examen de la loi du 10 décembre 2018, nous le disions : les crédits d'intégration doivent être suffisants pour que les personnes qui arrivent connaissent la langue et la société française et en respectent les règles, afin d'avoir une République unie et apaisée. Or ils sont insuffisants pour cette mission à laquelle notre groupe est très attaché.
Tous nos efforts seront vains s'ils ne trouvent pas d'écho au niveau européen. La présidente de la Commission européenne a lancé une réforme profonde de ces sujets et la France doit s'engager pour un juste partage des efforts en matière de prise en charge des migrations, toujours dans la dignité.
Le RDSE ne s'opposera pas à l'adoption de ces crédits.
Mme Éliane Assassi . - Alors que la majorité sénatoriale s'inquiète « de la multiplication des demandes d'asile obéissant à des motifs socio-économique plutôt qu'à des motifs politiques et du faible nombre d'éloignements auxquelles il est procédé », nous nous inquiétons, nous, de la faiblesse de l'accueil, notamment vis-à-vis des enfants. Si nous nous opposons aussi aux crédits, ce sera pour des raisons diamétralement opposées.
La hausse des crédits de cette mission s'inscrit pleinement dans la poursuite des objectifs dressés par la loi sur l'immigration et le droit d'asile du 10 septembre 2018, qui accentue la mise sous contrôle des demandeurs d'asile et empêche les étranges d'exercer leurs droits, dans la droite ligne des lois précédentes.
Après 66 évacuations de campements à Paris, celle de la place de la République a révélé la réalité : la moitié des demandeurs ne sont pas hébergés. Le dispositif est sous-dimensionné : nous avons une capacité d'accueil de 81 119 places, mais plus de 66 000 demandes sont privées de prise en charge ! La crise sanitaire en cours fausse les chiffres et rend plus insalubres encore les campements, les CRA et les zones d'attente.
La contrôleuse des lieux de privation des libertés et des lieux de détention a demandé la libération des retenus, en vain. Médecins du monde, Amnesty international dénoncent la banalisation de la privation de liberté dans les CRA, qui aboutissent à des émeutes, des automutilations, voire des tentatives de suicide.
Le Gouvernement s'obstine, en budgétisant 480 places en plus dans les CRA, dans lesquels il y aura encore des enfants, en dépit des condamnations de la CEDH.
Ce drame humain n'est pas à la hauteur de nos principes républicains. Le groupe CRCE votera contre les crédits.
M. Jean-Yves Leconte . - Rappelons quelques chiffres d'Eurostat : la France est au 23e rang en Europe sur le critère du nombre de primo titres de séjour délivrés, en proportion du nombre d'habitants. En brut, ce sont 274 000 titres, derrière la Pologne, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. Un tiers des titres sont délivrés à des étudiants, un sixième à des familles de Français.
Lorsque l'Union européenne faisait face à la hausse des demandes d'asile en 2015, la France voyait les chiffres se stabiliser autour de 60 000 demandes. Contrairement à l'Allemagne, la croissance de ces demandes est régulière et atteignait 120 000 primo demandes en 2019.
La France a subi deux condamnations de la CEDH : en juin, pour des expulsions d'enfants isolés à Mayotte ; en juillet, pour le traitement dégradant des demandeurs d'asile.
Tirant prétexte de la crise sanitaire, le Gouvernement a tenté par ordonnance d'élargir la possibilité du juge unique à la CNDA. Heureusement, le Conseil d'État veillait. Pendant ce temps, les CRA n'étaient pas été correctement adaptées à la crise sanitaire, comme le signalait la nouvelle contrôleure générale des lieux de privation de liberté. J'ai vu moi-même des CRA où les personnes retenues devaient boire à l'unique robinet d'eau potable disponible, et où les policiers de la police aux frontières avaient honte de ce qui tenait lieu de nourriture.
Ces humiliations durent parfois plus de deux mois, pour 40 % d'éloignement. C'est indigne !
Autrefois, il y avait des queues devant les préfectures ; c'était insupportable mais il suffisait d'attendre ; maintenant, il faut saisir la justice pour y accéder. Préfecture de nouvelle génération rime avec préfecture virtuelle, dans laquelle la prise de rendez-vous est défectueuse. Comment construire l'image de la République avec ces défaillances ?
Ne serait-il pas temps de réaliser que l'instruction d'un dossier prend du temps, et qu'il faudrait le mettre à profit pour préparer l'intégration ?
Comment s'étonner que 60 % des places en CADA soient occupées par des réfugiés, car ils ne peuvent aller ailleurs ? Pour les demandeurs d'asile, la norme est la rue...
Il est essentiel que l'Ofpra soit présent à la CNDA lorsque sa décision initiale de refus de protection s'appuie sur une alerte sécuritaire. Cela doit être pris en compte systématiquement dans le respect du contradictoire. Et plutôt que de renvoyer vers l'Italie des étrangers en application du règlement de Dublin, nous devons faire preuve de solidarité avec ce pays.
Une expulsion coûte 15 000 euros, une année nette de Smic. Pourquoi ne pas préférer les retours volontaires, plus efficaces et moins coûteux ? Attention aux partenaires qui vous donneront autant de laissez-passer consulaires, mais qui ne feront rien contre les passeurs.
J'aimerais entendre ici le « Wir schaffen das » de Mme Merkel. L'Europe ne peut pas être la seule responsable des échecs. Un policier à qui je demandais pourquoi des contrôles systématiques avaient lieu à Roissy, me répondit : « Schengen n'existe plus. » Ce n'est pas acceptable !
M. Stéphane Ravier . - 3,6 milliards d'euros, ce n'est pas rien, pour régler l'asile et lutter contre l'immigration clandestine. Mais qu'en faites-vous ? Les deux tiers du budget de la mission, 1,6 milliard d'euros, sont consacrés aux demandeurs d'asile, alors que 38 % seulement des demandes sont acceptées. Il y a donc 1 milliard d'euros gaspillé pour des gens qui n'obtiennent pas l'asile, qui aurait pu servir à expulser 700 000 clandestins. Sachant que sur les 900 000 présents sur notre territoire, 334 000 se sont manifestés pour bénéficier de l'AME, qui coûte 1 milliard d'euros.
Votre réponse ? Créer 6 000 nouvelles places en centre d'hébergement pour les demandeurs d'asile. Les 100 000 Marseillais logés dans un habitat indigne apprécieront, tout comme les 10 millions de Français sous le seuil de pauvreté, alors que seulement 10 % des mesures d'éloignement sont effectuées.
Madame la ministre, vous battez un record : en cinq ans, 1,7 million de titres de séjour ont été accordés, 275 000 en 2019. Si ce n'est pas de la submersion migratoire, cela y ressemble. Épargnez-moi les réponses lacrymales : 13 % des demandeurs d'asile ont un motif humanitaire, 15 % un motif de travail. Les demandes pour motifs universitaires et familiaux représentent 62 % du total. Valéry Giscard d'Estaing confessait regretter le regroupement familial, qui n'en finit jamais.
Le budget doit être inversé : 90 % d'expulsions et 10 % d'accueil. Avec cet argent, nous pourrions expulser tous les clandestins en deux ans. Quant aux pays qui refusent leurs ressortissants, comme le Congo, la Bosnie, le Nigeria ou le Mali, il faut leur donner le choix : notre argent ou rien. (Mme Cécile Cukierman proteste.)
La politique, c'est simple, quand on en a la volonté. Vous voulez empêcher les Français de sortir pour aller skier chez nos voisins, mais ces mêmes frontières restent totalement ouvertes face à « l'invasion », selon les mots du président défunt.
Mme Cécile Cukierman. - Arrêtez de faire parler les morts !
M. Stéphane Ravier. - Comme le dit Fernand Naudin, de Montauban, « L'équipe d'Emmanuel Macron, elle ose tout, c'est même à cela qu'on la reconnaît ! »
M. Arnaud de Belenet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il n'y a pas que l'équipe du Président de la République qui ose tout ! On peut dire sans agressivité qu'avec près de 2 milliards d'euros, la France remplit presque toutes ses obligations juridiques, certes sans régler ce problème complexe.
Le budget augmente, conformément à la loi de décembre 2018, mais sans atteindre les objectifs fixés : la lutte contre l'immigration irrégulière voit ses crédits augmenter de 15 %, les actions d'intégration des primo arrivants de 9 %.
Le plan de relance complète les crédits de 37 millions d'euros, 18 millions d'euros en crédits de paiement, et prévoit 2 000 places d'hébergement supplémentaires. Les rapporteurs pour la commission des lois l'ont rappelé : le contexte de pression migratoire est toujours aussi intense. Si les demandes d'asile ont augmenté en 2019, l'Ofpra indique que cette hausse est moindre que lors des deux dernières années.
Les changements climatiques, d'après l'ONU, affecteront les systèmes alimentaires du monde entier, aboutissant à des famines. La pandémie pourrait faire régresser de 20 ans dans la lutte contre les autres maladies comme le VIH, la tuberculose ou le paludisme.
L'ONU constate également que les flux migratoires s'intensifient. L'action Garantie de l'exercice du droit d'asile est le principal programme. La dotation de l'Ofpra a fortement augmenté. Malheureusement, la crise sanitaire n'a pas permis d'atteindre l'objectif de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile.
Le Gouvernement a bien renforcé sa politique d'intégration, avec une forte progression des crédits qui atteignent 421 millions d'euros pour le programme 104, mais les résultats tardent à se faire voir. Les chiffres de 2020 sont biaisés par le contexte sanitaire. Le contrat d'intégration républicain n'a pas encore porté ses fruits.
Constatant les efforts faits, le groupe UC s'interroge sur l'adéquation du budget par rapport à l'ampleur des besoins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Valérie Boyer . - Oui, il y a urgence : il est temps de mettre en oeuvre une politique migratoire qui n'a jamais vraiment existé, parce que de plus en plus de nos compatriotes souffrent de cette situation et subissent les conséquences des échecs de ces politiques de reconduite à la frontière. Ils sont atterrés par cette situation insupportable.
En tant que Marseillaise, laissez-moi citer Maurane et Laura, lâchement assassinées à la Gare Saint-Charles par un Tunisien qui avait sept alias et qui avait usé et abusé de toutes les procédures d'accueil.
Oui, nous battons des records en matière migratoire : 267 576 titres de séjour délivrés en 2019, soit une augmentation de 7 % en un an, de 20 % en trois ans, plus 49 % par rapport à la moyenne du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Plus de 400 000 étrangers sont ainsi rentrés légalement dans notre pays en 2019. Nous aurions pu attendre un budget ambitieux, or pour la première fois depuis cinq ans, les autorisations de paiement diminuent de 8,82 %.
Vous faites plusieurs victimes : les migrants, victimes de trafics d'êtres humains, instrumentalisés par des associations ; et les Français, qui subissent l'abandon de l'État. Marseille souffre déjà assez, et je regrette que la municipalité veuille en faire le premier port d'accueil des migrants.
Pourtant, il y a des mesures simples : simplification du contentieux de l'éloignement, durcissement des conditions de regroupement familial, restriction de la délivrance de visa envers des pays non coopératifs pour les laissez-passer consulaires.
Si le social n'a pas de prix, il a un coût. Nous devons traiter la dimension sociale de l'immigration. Le ministre de la Justice évalue à 20 000 le nombre de mineurs non accompagnés alors qu'ils sont 40 000 en réalité. Dans les Bouches-du-Rhône, 1 000 d'entre eux sont arrivés en deux ans.
Contrôlez plus strictement leur minorité et cessez de laisser les départements seuls. Dans la région PACA, des soi-disant mineurs arrivent en masse de Tunisie.
La protection universelle maladie (PUMA) est accordée aux demandeurs d'asile pendant toute l'instruction de leur demande. Combien de personnes déboutées bénéficient ensuite de l'AME ? Je n'ai pas eu de réponse.
En 2021, les montants versés au titre de l'AME passeront le milliard d'euros, bénéficiant à 40 % d'étrangers en situation irrégulière de plus qu'en 2012. Il faut réformer ce dispositif qui rend notre pays plus attractif.
Je ne voterai pas ce budget insuffisant au regard des enjeux et des souffrances, celles des personnes en situation illégale et des Français.
M. Édouard Courtial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je rends hommage à Valéry Giscard d'Estaing, qui a toujours plaidé pour l'unité des Français, aujourd'hui menacée.
Or la France est en guerre contre l'islamisme radical. Le Président de la République l'a reconnu, mais nous continuons à débattre sur des évolutions budgétaires minimes.
25 septembre : attaque au couteau rue Appert par un Pakistanais demandeur d'asile ; 16 octobre : décapitation à Conflans par un fils de réfugié politique tchétchène ; 29 octobre : meurtre au couteau à Nice par un Tunisien qui venait de débarquer à Lampedusa.
Certains crient à l'acte isolé ou à la stigmatisation. On préfère fermer les yeux, se boucher les oreilles ou se taire en pratiquant la politique de l'excuse, alors qu'il y a urgence à regarder la réalité en face.
« Mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde », disait Camus. Nous créons un appel d'air qui met en péril notre modèle d'intégration républicaine.
Nous approchons le point de non-retour : le fléau séparatiste veut imposer sa loi et gangrène notre modèle d'intégration républicain, en péril. Nous avons atteint un point de non-retour.
Face au séparatisme, il faut d'abord protéger efficacement les frontières de l'Europe ; à défaut, fermons celles de la France. Bienvenue en Absurdie ! On empêche les Français d'aller skier à l'étranger mais on ne pourrait pas fermer les frontières à l'immigration illégale ?
Deuxième proposition : fermer le robinet de l'immigration illégale pour favoriser une immigration choisie, assumée, qui n'est pas contradictoire avec le respect du droit d'asile, auquel nous sommes tous attachés.
Troisième suggestion : refondre les règles d'acquisition de la nationalité française. Devenir français est une chance et un honneur, et non un droit automatique. Nous devons nous réarmer juridiquement et moralement ; nous n'avons pas à nous excuser de ce que nous sommes, une grande Nation généreuse et tournée vers l'universel.
Mais nous ne pouvons nous laisser faire sans mot dire. Il faut que les gouvernements agissent, sinon demain, ils se retrouveront face à la rue.