Débat sur l'alimentation durable et locale
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur l'alimentation durable et locale à la demande du groupe RDPI.
M. Frédéric Marchand, pour le RDPI . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI). Cette crise sans précédent a mis en lumière l'alimentation, ce bien commun ; sans conteste celui des mois et des années à venir sur lequel il est urgent de ne pas transiger, en prenant des engagements forts et le plan de relance comporte des mesures significatives à cet égard, monsieur le ministre.
La sécurité alimentaire est essentielle, comme le rappelle Stéphane Linou dans son ouvrage Résilience alimentaire et sécurité nationale, qui a inspiré une proposition de résolution de notre collègue Françoise Laborde que je salue. Je rappelle aussi le rapport élaboré pour la délégation sénatoriale à la prospective par Jean-Luc Fichet et notre ancienne collègue Françoise Cartron, que j'ai également plaisir à saluer ici.
Il est temps de faire de l'alimentation un secteur d'importance vitale, conformément à l'article R. 1332-2 du code de la défense, sans se cantonner à la seule dimension sanitaire.
La solidarité avec nos agriculteurs, producteurs, maraîchers, très impactés par le premier confinement, est essentielle : ils ont su se réorganiser et ont toujours été au rendez-vous, comme ils le sont depuis le début du deuxième confinement.
La réorganisation des filières autour de circuits courts se développe.
La qualité se renforce, la saisonnalité est davantage respectée. Donnons le top départ d'une résilience alimentaire partagée par tous ! Nous ne pouvons plus déléguer notre souveraineté alimentaire, comme l'indiquait le Président de la république le 12 mars dernier.
Nous nous sommes longtemps inspirés du modèle américain mondialisé, avec beaucoup d'intrants, d'énergie, d'azote du Brésil pour nourrir des animaux que nous exportons ensuite vers le Moyen-Orient, à un coût considérable pour la PAC. Or nous ne produisons que 50 % de ce que nous mangeons en légumes et 40 % de nos besoins en fruits.
Nous importons de nombreuses viandes bon marché pour la restauration collective. Il faut des contrats alimentaires territoriaux pour réussir une transition agricole, alimentaire, écologique et territoriale, partagée par le plus grand nombre.
Ces contrats existent déjà, mais ils sont facultatifs et le peu de moyens qui y sont consacrés atténuent leur portée, même s'ils ont de belles réussites à leur actif. Dans la Communauté d'agglomération du Douaisis, le programme alimentaire territorial (PAT) a été un succès, comme vous avez pu le constater sur place, monsieur le ministre, au mois de septembre.
Portons l'ambition de contrats alimentaires territoriaux (CAT) conclus à l'échelle intercommunale à une échéance raisonnable, pour assurer le primat d'une alimentation durable. Ils doivent être obligatoires et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), véritables bassins de vie, sont le bon échelon.
Ils doivent aussi être intégrés dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et compatibles avec les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et autres plans locaux d'urbanismes (PLU).
La mise en place d'indicateurs de résilience - pourcentage d'autonomie alimentaire territoriale, développement de circuits alimentaires de proximité... - est nécessaire. Des moyens financiers nouveaux et redéployés devront être mobilisés.
L'accès à une alimentation durable et de qualité est une priorité. C'est une question de moyens et de volonté et je sais que vous n'en manquez pas, monsieur le ministre. Les EPCI devraient être les autorités organisatrices de l'alimentation saine, durable et locale. N'attendons pas pour repenser notre alimentation !
Le CAT peut en être l'outil pour cultiver ensemble notre jardin. J'ai travaillé ce sujet avec notre ancienne collègue Nelly Tocqueville. Je suis frappé, par l'inventivité et l'envie de tous les acteurs concernés, mais aussi par le manque de volonté, les incompréhensions ou méfiances que l'on rencontre parfois, comme si l'envie collective faisait défaut. Monsieur le ministre, soyez le grand assemblier de ces énergies qui foisonnent et feront de notre pays celui d'une alimentation durable et locale pour tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je remercie le groupe RDPI d'avoir choisi cette question cruciale pour nos concitoyens. Ce sujet a été travaillé par nombre d'entre vous. Mais il a été remis en avant par la crise car le premier médicament c'est l'alimentation, comme le disait Hippocrate. Je suis le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation : il s'agit donc d'assurer la santé nutritionnelle de nos concitoyens.
Pour cela nous avons besoin d'une agriculture forte et d'une sécurité agroalimentaire. Je crois en l'agriculture française qui est l'une des meilleures et des plus durables : nous pouvons être fiers d'elle ! Elle a remarquablement tenu pendant le confinement. Elle continuera pendant ce nouveau confinement...
MM. Frédéric Marchand et Ludovic Haye. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre. - Je crois profondément dans les agriculteurs et les éleveurs français, ces entrepreneurs du vivant qui nourrissent le peuple français, comme je les ai qualifiés ici même il y a quelques jours : quel noble métier que celui de la grande famille agricole française, qui est d'assurer la santé nutritionnelle de nos concitoyens !
L'agriculture française fait face à d'immenses défis et peu de secteurs ont autant évolué, pour répondre aux demandes sociétales. Les agriculteurs sont les acteurs de cette mission nourricière et protectrice qui nous permet de faire société.
Mais pour cela ils doivent être rémunérés à la juste valeur de leur travail.
Il faut débloquer l'accès aux produits frais et locaux. C'est meilleur pour la santé ; c'est nécessaire d'un point de vue environnemental mais aussi économique et c'est, contrairement à certaines idées reçues, plus doux pour le portefeuille aussi ! Il ne faut pas opposer les types d'agriculture, entre agriculture exportatrice et agriculture de proximité. C'est le sens d'un accord signé récemment.
Comme l'appelle de ses voeux Frédéric Marchand, nous devons partir des territoires et des filières pour améliorer les circuits de distribution. C'est précisément l'objet des PAT et ça marche !
Quelque 190 PAT existent, mais comment les démultiplier ? Vous envisagez des CAT ; je propose, dans le plan de relance, 80 millions d'euros pour le financement des PAT dans les deux prochaines années, alors qu'ils n'avaient reçu que 6 millions d'euros ces quatre dernières années. C'est 25 fois plus !
Enfin, nous devons avec humilité et honnêteté appréhender la question de l'inégalité alimentaire qui perdure dans notre pays. Pendant le premier confinement, en tant que ministre du Logement, j'ai dû éditer des bons alimentaires... pour la première fois depuis la guerre !
Les cantines sont le premier lieu de lutte contre les inégalités alimentaires, mais cela nécessite que l'État accompagne les collectivités territoriales. Pourquoi y voyons-nous des yaourts locaux, mais pas de carotte ni d'oignon ? Parce qu'il faut passer des heures à les éplucher ! À problème concret, réponse concrète : au titre du plan de relance, nous mettrons donc 50 millions d'euros dans les cantines, pour financer des actions très concrètes, comme des légumeries, qui existent et marchent bien dans de nombreux territoires.
Je crois dans notre agriculture et dans notre alimentation et suis ravi d'en débattre avec vous. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et UC)
Débat interactif
Mme Martine Berthet . - La restauration collective sert chaque année plus de trois milliards de repas. Elle permet d'accéder aux bons produits pour tous, meilleurs pour l'environnement comme pour la santé, grâce aux produits locaux.
Pour cela, l'attribution des terrains agricoles libérés est cruciale. Or la Safer répartit les terrains aux seules exploitations existantes. Il faudrait que d'autres terrains libérés puissent être attribués selon des préemptions partielles à des cultures de plein champ.
Monsieur le ministre, quelles mesures pensez-vous mettre en oeuvre pour que les conseils départementaux puissent jouer leur rôle de pilote, reconnu et légitime, de l'organisation d'une production alimentaire locale pour les cuisines centrales ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Votre question montre votre grande connaissance du terrain.
Les plans et les contrats territoriaux ont été nombreux, mais les PAT font consensus : ça marche, car cela permet de structurer la filière de l'aval à l'amont. Je crois en ces PAT et je me suis battu pour que le plan de relance les finance massivement.
Quel rôle pour les départements ? Je souhaite consolider les 190 PAT existant, sans en modifier la gouvernance. Cela peut passer par les EPCI, par des communes regroupées, ou par les départements.
De nombreux PAT sont consolidés au niveau des contrats de plans État-Région (CPER). Ce peut être une bonne porte d'entrée. Nous nous appuierons sur les territoires.
M. Jean-Pierre Decool . - Dans mon territoire, dans la commune de Nordpeene, en Flandres, un boulanger engagé montre la voie du circuit « ultra-court » : il a acheté un moulin pour moudre le blé de l'agriculteur voisin. Sa farine préserve les oligoéléments et le gluten grâce à un procédé plus lent que dans le circuit industriel et une température ne dépassant jamais les 40°C.
Pour les produits pâtissiers, il achète le lait à un laitier de la commune et les fruits à un maraîcher qui respecte la saisonnalité. La saveur de ses produits attirent les clients locaux et à plusieurs kilomètres, voire dizaines de kilomètres à la ronde.
Ces circuits ultra-courts, pragmatiques, recréent du lien social dans nos territoires qui en ont tant besoin et permettent de diminuer l'empreinte carbone des ménages, dont un quart provient de l'alimentation. Les Français sont soucieux de ce sujet. La convention citoyenne sur le climat a proposé un score carbone sur les produits de consommation et de service.
Votre ministère a lancé un appel à candidature pour l'affichage du poids carbone dans le cadre de la lutte contre le gaspillage. Quelles sont vos pistes de réflexion en la matière, pour encourager les pionniers tels que mon boulanger des Flandres ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Je salue votre boulanger des Flandres et je soutiens son action. Il ne faut pas opposer les systèmes agricoles français : l'agriculture de proximité a un bénéfice nutritionnel, économique et environnemental.
Mais comment en informer le consommateur ? Plusieurs expérimentations sont en cours et nous travaillons aux niveaux national et européen sur ces questions d'étiquetage.
Mais attention à l'excès d'étiquetage, qui doit rester simple. Dans les rayons des produits laitiers, c'est excessif : une bannière « Plus près de chez vous, plus près de vos goûts » sera apposée à compter du début de l'an prochain. Faisons confiance à l'intelligence des consommateurs qui en déduiront que les émissions carbone de ces produits sont évidemment moindres ! Cette bannière sera en place au début de l'an prochain. Continuons aussi à travailler sur l'étiquetage, mais en ayant à l'esprit que nos concitoyens ont besoin de messages clairs : consommez des produits frais locaux, c'est meilleur pour votre santé, l'environnement et souvent aussi pour votre portefeuille !
M. Joël Labbé . - Je crois à l'intelligence du consommateur lorsqu'il est informé. Une récente enquête réalisée avec le laboratoire de toxicologie de l'hôpital Lariboisière fait apparaître la présence de cadmium dans les engrais phosphatés, les pommes de terre et dans les urines humaines.
L'Agence nationale de sécurité sanitairede l'alimentation, de l'environnementet du travail (Anses) nous avait déjà alertés sur les dangers du cadmium, métal lourd, classé comme cancérigène certain !
Or de nombreux engrais importés dépassent les recommandations de l'Anses. Les trois cinquièmes d'entre eux affichent des seuils supérieurs à ce qui sera autorisé dans un an et 21 % des analyses d'urine montrent des taux critiques, avec des risques de toxicité osseuse, voire rénale.
Les agriculteurs sont aussi impactés via la concentration de cadmium dans leurs sols. Que comptez-vous faire pour préserver l'alimentation des Français de cette pollution?
M. Julien Denormandie, ministre. - C'est un sujet important pour la santé et pour l'environnement. Le cadmium est un élément présent à l'état naturel dans les sols, mais aussi les engrais minéraux, via les impuretés présentes dans les roches phosphatées qui les constituent.
Les risques que vous évoquez sont réels, il faut donc trouver des solutions. C'est une problématique importante en termes de santé : nous avons tous intérêt à limiter notre exposition au cadmium, consommateurs, citoyens mais aussi agriculteurs.
Un projet de décret limitant les apports de cadmium, tous usages confondus, est en cours de concertation et ce décret pourrait être publié à l'été 2021 : tel est l'objectif fixé après les phases de consultation du public et de notification européenne.
M. Joël Labbé. - Je vous remercie de votre réponse.
Les industriels pourraient dépolluer leurs engrais pour un surcoût limité à 3 %. Et il existe aussi des alternatives à l'usage des engrais phosphatés. Le modèle agricole biologique peut s'en passer. Nous importons 30 % de produits bio, faute de production française suffisante. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Nadège Havet . - Le 20 mai, la Commission européenne a présenté sa stratégie « de la ferme à la fourchette », dans le cadre du pacte vert européen, avec de nombreuses mesures pour bâtir une chaîne alimentaire bénéfique aux producteurs, aux consommateurs, à l'environnement et au climat. Elle prévoit 25 % de production bio à échéance 2030.
En France, à la suite de la Convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement a lancé un plan de relance ambitieux.
C'est ce qu'ont souligné plus de 140 acteurs de la transition agro-écologique dans une tribune parue le 9 octobre dernier : « Accélérer la transformation de notre modèle agricole... Pour une agriculture du vivant » !
La question de notre indépendance protéique se pose cruellement. Le plan de relance prévoit 1,2 milliard d'euros pour financer des actions. Quelle sera l'articulation entre cette politique nationale et les collectivités territoriales, via les PAT ? Les sous-préfets à la Relance interviendront-ils également sur ces sujets ?
Les élus auront besoin de pouvoir identifier précisément les aides auxquelles ils peuvent prétendre dans la mise en oeuvre de leurs propres feuilles de route.
M. Julien Denormandie, ministre. - Cette question est essentielle. Nous aurons besoin dans l'avenir d'une France plus forte, et nous ne l'aurons pas sans une agriculture forte. J'ai obtenu qu'un montant significatif aille à l'agriculture dans le plan de relance. Ce plan doit ensuite irriguer nos territoires, afin que chaque agriculteur y ait accès : 135 millions d'euros pour l'agroéquipement, 250 millions d'euros pour l'accompagnement des élevages et des abattoirs, 150 millions d'euros pour le reboisement - du jamais vu depuis l'après-guerre.
Et les collectivités locales, demandez-vous ? Il faut utiliser tous les canaux : il existe déjà des PAT définis par des contrats de plans État-régions (CPER) mais portés par les collectivités territoriales, comme les abattoirs. Les élevages sont cofinancés avec les régions au titre du Feader. Des outils existent : utilisons-les.
Et soyons innovants ! Remplacer les appels à projets par des catalogues pourrait simplifier les démarches. Mon rôle, c'est de simplifier, en bonne intelligence avec les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Henri Cabanel . - Durant le second confinement comme au printemps, les agriculteurs nourrissent les Français. Les états généraux de l'alimentation (EGA) ont abouti à la loi de 2018 qui oblige la restauration collective à proposer 50 % de produits sous signe de qualité, dont 20 % de produits bios d'ici 2022.
Il faut pour cela une volonté politique dans les territoires. Or les PAT peinent à décoller. Comment les rendre plus efficients et inciter les élus à s'engager ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Les PAT fonctionnent sur de nombreux territoires. Le PAT du Douaisis ou les deux PAT que j'ai visités tout récemment dans le Jura se portent très bien ! Ces exemples diffusent autour d'eux le modèle, qui pâtit néanmoins de ce sigle atroce et de l'accumulation des plans et des contrats au niveau local.
Il faut regarder où sont les failles. Ne nous leurrons pas, il y a besoin de plus de moyens : 6 millions en quatre ans, cela ne suffisait pas. Nous passons donc à 80 millions d'euros en deux ans.
Je salue la grande famille agricole, famille de passionnés très bien organisés, avec laquelle nous travaillons à la mise en oeuvre du plan de relance. Les chambres d'agriculture jouent un rôle fondamental. J'ai d'ailleurs préservé leur budget dans le PLF.
M. Henri Cabanel. - Vous aviez un objectif de 500 PAT en 2020 ; vous espérez désormais un PAT par département... (M. le ministre fait un geste de dénégation.)
Le bouche-à-oreille fonctionne, c'est bien, mais cela ne remplace pas les moyens engagés, au-delà d'un PAT par département.
M. Fabien Gay . - Nous remercions le groupe RDPI pour ce débat.
Notre groupe CRCE défend depuis longtemps une agriculture paysanne, biologique, respectueuse de l'homme et de la planète, hélas menacée par le libre-échange qui aggrave aussi le réchauffement climatique.
Le meilleur exemple en est le CETA, signé entre l'Union européenne et le Canada, négocié durant dix ans, provisoirement mis en place en 2017, qui devait encore être ratifié. L'approbation a été votée en catimini par l'Assemblée nationale au coeur de l'été. Or ce traité prévoit la fin des barrières douanières mais aussi non tarifaires, comme les normes sociales, environnementales ; il s'en prend aussi aux services publics. Des tribunaux arbitraux privés feront primer la loi des entreprises sur celle de l'État.
Quand comptez-vous inscrire la loi de ratification à l'ordre du jour du Sénat, pour que le Parlement puisse enfin avoir un débat démocratique sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Julien Denormandie, ministre. - J'ai le souci de toujours faire des réponses précises...
M. Fabien Gay. - Mais cette fois ce ne sera pas le cas !
M. Julien Denormandie, ministre. - C'est que je ne suis pas maître de l'ordre du jour des assemblées et que celui-ci a été cette année quelque peu chamboulé.
Votre question est fondamentale pour les agriculteurs qui se battent pour une production de qualité et voient au supermarché des concombres ou des poulets beaucoup moins chers. L'Europe a fait preuve de naïveté pendant trop longtemps.
Je me bats, comme un certain nombre de mes homologues européens : et pour la première fois, la PAC a fixé dans le premier pilier un socle environnemental de normes à respecter. Il reste à faire confirmer cette avancée par le trilogue, mais dès lors qu'elle est acquise, elle doit être transcrite dans la politique commerciale européenne. Le Mercosur, par exemple, ne respecte pas nos normes. Alors le Mercosur, c'est non !
M. Fabien Gay. - On ne peut pas entendre cela : combien de temps allons-nous accepter l'application de la CETA sans que le Sénat ne l'ait rectifié ? Cela fait trois ans !
Vous n'avez pas la majorité du peuple français pour vous soutenir, et vous n'avez pas la majorité du Sénat. L'ensemble des groupes devrait interpeller le Gouvernement pour obtenir un débat démocratique ! (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue votre engagement auprès de nos agriculteurs, monsieur le ministre. The Economist a jugé par trois fois le modèle français comme le plus durable. Soyons-en fiers !
Envisagez-vous des périmètres de PAT concentriques, afin qu'un grand nombre de produits soient disponibles sur le territoire ? Une coopération entre des PAT complémentaires, afin de parvenir à fournir en denrées diverses la restauration collective ?
Comment assumer une alimentation locale et durable dans les cantines à un prix raisonnable ? Les impayés s'y multiplient.
Enfin, les démarches Haute Valeur Environnementale (HVE) se développent sur nos territoires. Seront-elles suffisantes pour atteindre les objectifs fixés dans la loi EGAlim ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Mon objectif est le développement des PAT. Le Sénat pourrait en faire la promotion auprès des élus locaux, je suis à votre disposition pour participer à des présentations !
La question du coût est importante, mais plus encore celle de la faisabilité. De la ferme ou du supermarché, les yaourts arrivent selon le même conditionnement. Mais les carottes du producteur ne sont pas épluchées et coupées comme celles livrées par la grande distribution ! La création de légumerie et des conserveries y pourvoira, afin que la logistique des cantines ne devienne pas un casse-tête en cas d'approvisionnement local. L'État investira massivement. Ainsi le coût des repas ne se sera pas renchéri.
Je crois beaucoup à la HVE : un crédit d'impôt HVE sera créé par le PLF 2021.
M. Hervé Gillé . - Merci au groupe RDPI pour ce débat. Nous avons 43 jours d'autonomie alimentaire en Europe contre 9 mois en Chine. Qu'en est-il de la France ? Avec la mondialisation et la crise, comment envisagez-vous l'évolution du plan national pour l'alimentation durable ? Quid des plans protéines à l'échelle européenne ?
Vous avez déjà abandonné l'idée d'une loi sur le foncier agricole... Une nouvelle dynamique est nécessaire pour les PAT : quelle articulation avec les SCOT et les Sraddet prévoyez-vous ? Les PAT pourraient-ils être inclus dedans ?
M. Julien Denormandie, ministre. - L'agriculture française doit regagner en autonomie. C'est crucial. Les accords conclus depuis cinquante ans ont placé l'Europe et la France dans une dépendance protéinique face à l'Amérique du nord puis du sud. J'annoncerai dans les prochains jours le déploiement du plan protéines sur lequel je travaille avec l'interprofession.
Déjà, 190 PAT existent. Il faut accélérer, mais c'est aux territoires de décider. Une connexion avec les SCOT et les Sraddet, j'en vois l'intérêt. Mais si je vous proposais une intégration, vous y seriez hostiles !
Je veux d'abord et surtout financer les PAT, au-delà d'un par département, je le précise. Si une coordination s'avère nécessaire, pourquoi pas. Pour l'instant, je veux mettre du diesel dans le tanker, pour booster l'agriculture. (Sourires)
M. Hervé Gillé. - Il ne s'agit pas de contraindre à cette intégration, mais d'y inciter, car la maitrise foncière est essentielle. Cela créerait aussi un effet de levier, par la contractualisation avec les collectivités territoriales.
M. Stéphane Ravier . - Mangeons local, mangeons français ! Retrouvons les saveurs de notre terroir !
Cela fait cinquante ans que nos agriculteurs se battent contre la concurrence déloyale et les fonctionnaires de Bruxelles. Ils s'épuisent et sombrent dans le désespoir : un suicide tous les deux jours. Nous en sommes réduits à consommer du poulet aux antibiotiques américain ou du soja transgénique asiatique, alors que nous étions un grand pays agricole.
Il faut manger local dans nos cantines et imposer 70 % de repas locaux. Prenons exemple sur la commune de Châteauneuf-le-Rouge dans les Bouches-du-Rhône. Qu'avons-nous à faire d'accords internationaux rédigés par des bureaucrates et signés par des énarques ?
Votre Gouvernement ne comprendra jamais les paysans, qui ne sont ni en marche, ni hors-sol, mais enracinés ! Ils travaillent pour faire pousser le blé et non pour faire du blé. Ils protègent nos terres fragiles et précieuses. Ces paysans, nous les entendons dans nos campagnes. La France est le plus beau pays du monde.
Comme le dit Maupassant, « j'aime ce pays, et j'aime y vivre car j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines qui attachent un homme à la terre où sont nés ses aïeux ».
Ce n'est pas une question que je vous pose mais une déclaration d'amour au monde paysan que je vous invite à faire, dans vos actes.
M. Julien Denormandie, ministre. - Je ne suis pas énarque mais ingénieur agronome, et pourtant je suis macroniste. Quant à vous, vous attaquez les fonctionnaires mais vous aviez fait dans votre jeunesse le choix de la fonction publique, il me semble ? Nous avons du reste bien besoin de la fonction publique et ce bashing est malvenu dans la période actuelle.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre. - L'amour des paysans ne se décrète pas, il se prouve. Ces femmes et de ces hommes ardents au travail n'attendent pas des discours d'estrade mais du travail et des résultats.
Vous avez une vision tronquée de l'agriculture. Pour avoir une agriculture forte, il faut exporter. Nous sommes loin de votre vision simpliste des circuits courts ! Nous vivons dans un monde de compétition. Nous avons besoin d'une agriculture qui exporte et d'une agriculture de proximité : c'est peut-être le « en même temps » macronien, et c'est très bien ainsi ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Loïc Hervé. - Bravo !
M. Laurent Duplomb . - Un bon Gouvernement doit assurer à son peuple une alimentation durable et locale. Certes, mais les définitions peuvent varier. Pour moi, la durabilité c'est l'autosuffisance alimentaire - chez moi, on dit « pour être sûr d'en avoir assez, il faut en avoir trop ». (Rires) Et le local, c'est le français. Nos territoires ont des productions différentes : la Haute-Loire produit 430 millions de litres de lait pour 230 000 habitants, heureusement que nous en livrons à Marseille ou ailleurs...
S'il y a assez, c'est-à-dire s'il y a trop (Sourires), on peut exporter, et gagner de l'argent. Si en 2010 l'excédent commercial français atteignait encore 12 milliards d'euros, il est tombé à 3,9 milliards d'euros et ce n'est pas terminé. Nous avons perdu sur les céréales, le vin, les fruits et légumes. On ne peut pas continuer ainsi.
Il faut une politique offensive.
Mme la présidente. - Votre temps est dépassé !
M. Laurent Duplomb. - Demain, nous serons 10 milliards sur la terre et les populations viendront chez...
Mme la présidente. - Merci !
M. Julien Denormandie, ministre. - Je crois comme vous que notre agriculture doit exporter. Ce fut jadis mon métier que d'aider à cet objectif.
Un plan de relance des exportations a été travaillé avec Business France dont 40 % de l'action concerne l'agroalimentaire. Mais il est parfois difficile de gagner de nouveaux marchés. Ce que je supporte le plus mal, c'est que l'Allemagne nous ait dépassés dans les exportations agricoles, malgré l'excellence de nos productions.
L'approche démographique est essentielle. Hervé Le Bras, dans ses Métamorphoses du monde rural, écrit que le monde agricole est passé d'une agriculture de propriétaires ruraux à des « entrepreneurs du vivant ».
L'eau importée, incluse dans la production végétale, est un sujet massif, géopolitique. L'Europe a un rôle à jouer. De même pour la PAC, l'essentiel est de définir où nous voulons amener notre agriculture dans sept ans.
Mme Évelyne Perrot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La crise sanitaire éclaire d'un jour nouveau l'alimentation durable et locale. Nous sommes à un moment crucial. La transition est commencée. La stratégie européenne « de la ferme à la fourchette » comprend une réduction de 50 % l'usage des pesticides chimiques et une transformation de 25 % des surfaces en bio, d'ici 2030.
Hubert Védrine considère que le concept de « compétitivité écologique » va bientôt s'imposer. Quelle vision la France va-t-elle défendre dans les grands rendez-vous européens autour de la PAC, du budget unique et de cette stratégie « de la ferme à la fourchette » ?
La Commission européenne prévoit un calendrier jusqu'en 2024. Est-ce adapté ? La France souhaite-t-elle avancer les échéances ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Où voulons-nous amener l'agriculture européenne dans sept ans ? Une agriculture plus souveraine, plus autonome en protéines, plus engagée dans la transition écologique, qui doit être financée. Mais d'abord, il faut arrêter les injonctions contradictoires stériles...
Le diable est dans les détails. Le plan Stratégie nationale est décliné par chaque État membre. Je me bats - et je profiterai de la présidence française de l'Union européenne le 1er janvier 2022 - pour que ces documents stratégiques soient examinés par les ministres, et non réalisés en bilatéral, avec des niveaux d'ambition inégaux. C'est la condition d'une convergence entre les pays européens. Vous pouvez compter sur mon engagement politique fort.
Mme Évelyne Perrot. - Dans mon secteur de grandes cultures, le cycle est infernal. Certains se sont regroupés pour une agriculture bio, pour faire prévaloir cette intelligence collective que vous prônez.
M. Jean-Jacques Michau . - La crise sanitaire nous conduit à interroger la qualité de notre alimentation, nouvel enjeu de développement durable pour les territoires. Les collectivités territoriales s'engagent dans des PAT pour construire de nouveaux projets territorialisés.
En Ariège, le PAT du pays des Pyrénées cathares a été mis en place dès mai 2018. Nous mobilisons du foncier pour installer de nouveaux agriculteurs. Malgré le confortement du droit de préemption des Safer, les achats de terres par certaines entreprises étrangères suscitent des inquiétudes.
Des milliers d'hectares sont achetés pour des exportations, et prouvent l'inefficacité de nos outils de régulation.
En 2017, vous annonciez une grande loi financière. Quand sera-t-elle débattue au Parlement, et comment empêcher le contournement du droit de préemption des Safer ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Oui, il faut se pencher sur la question foncière, ce qui va de pair avec la nécessité d'améliorer le statut de l'agriculteur, du fermage, de la régulation, sujets sur lesquels nous avons tous, collectivement, beaucoup travaillé.
Vous connaissez ma franchise : vu le temps parlementaire contraint, en partie du fait de la crise sanitaire, je ne crois pas que nous aurons la fenêtre de tir pour faire une grande loi foncière dans ce quinquennat - mais peut-être dans le suivant si vous le désirez ? (Sourires)
Rien ne nous empêche de travailler dès à présent sur le foncier, d'autant que les sujets réglementaires sont nombreux.
L'amélioration de la gouvernance des Safer - vous me comprenez - ne passe pas par la loi. Le portage foncier ne nécessite pas de modifications législatives non plus. Comment se fait-il que nous ne tirions aucun avantage compétitif du faible coût de notre foncier ? Probablement en raison du poids des emprunts de nos jeunes agriculteurs : il faut travailler cette question, donc celle de la retraite et de la transmission.
Souvent, la retraite des agriculteurs est financée par la vente du foncier. Pour éviter l'endettement des jeunes agriculteurs, il faut régler la question de la retraite des agriculteurs.
Mme Kristina Pluchet . - Nous alimenter de façon saine et durable est une préoccupation essentielle de nos concitoyens. Autant d'enjeux sanitaires, économiques et écologiques.
L'article 24 de la loi EGAlim prévoit que 50 % des produits servis en restauration collective publique seront durables, de qualité, dont 20 % en bio. Mais nous n'avons pas assez de producteurs. Pourtant le respect du green deal européen décidé le 20 mai dernier exige l'installation de nouveaux producteurs.
Quelque 190 PAT ont vu le jour, contre 500 prévus initialement. Quelle est votre stratégie pour accélérer leur développement ? Quelles positions défendra la France pour la future PAC, dans l'objectif de concilier transition écologique et difficultés économiques de nos agriculteurs ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Pour accélérer, il faut des moyens. Le plan de relance prévoit 80 millions d'euros. Les chambres d'agriculture peuvent jouer un rôle pour accompagner les agriculteurs. Actuellement, 8,5 % de la surface agricole utile (SAU) est consacrée au bio ; ce n'est pas suffisant, il faut développer les produits sous signes d'identification de la qualité ou de l'origine (SIQO). Je lance à cette fin le crédit d'impôt HVE.
Qu'est-ce qu'un produit local ? Peut-il voyager jusqu'à 60, 80 kilomètres ? Difficile à définir ! C'est pourquoi la loi ne le précise pas ! Je partage pour ma part la définition du sénateur Duplomb. Le PAT est à peu près à la même échelle. Chacun voit, au fond, ce qu'est un produit local.
La transition agro-écologique a un coût. Pour faire, il faut aussi rémunérer les agriculteurs sont les premiers acteurs de ce mouvement.
Soyons pragmatiques, pour espérer convaincre les agriculteurs, entrepreneurs du vivant, à attirer des jeunes.
M. Serge Mérillou . - Le travail de nos éleveurs fait notre fierté collective. Malheureusement, des filières sont en danger, notamment les abattoirs de proximité.
Celui de Ribérac en Dordogne, qui emploie 21 personnes, est en train de plonger : 1 200 bêtes abattues contre 4 000 il y a quelques années. Le retrait de la société Arcadie lui a porté un coup fatal. Il a 700 000 euros de dettes dont 200 000 euros de redevances dues à la commune.
Or ces abattoirs sont essentiels pour favoriser les circuits courts et pour maintenir les emplois dans des territoires en difficulté. S'ils disparaissaient, le label « veau sous la mère » - qui fait notre fierté en Dordogne - sera menacé.
Le plan de relance a prévu 250 millions d'euros pour l'élevage, dont 130 millions d'euros sont dédiés à la modernisation des abattoirs et outils de première transformation.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Comment inviter les acteurs privés à investir dans ce secteur ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Je connais bien la situation. L'abattoir a été repris par Carnivor, après une procédure douloureuse.
Si l'abattoir n'existe plus, l'indication géographique protégée (IGP) tombe. C'est pourquoi j'ai consacré une enveloppe dans le plan de relance pour accompagner les abattoirs de proximité, soutenus par les collectivités territoriales mais peu rentables.
Faites remonter les projets avec les préfectures pour que nous puissions les financer. Il faut favoriser à la fois le développement économique et le bien-être animal.
M. Édouard Courtial . - Je dédie cette question à Laurent Darras, agriculteur décédé dans un accident sur son exploitation à Villers-Saint-Frambourg-Ognon dans l'Oise.
Sur-enchevêtrement du coût du travail, violences, complexité administrative, surtransposition, problème de succession, la liste des problèmes est longue.
Pour y faire face, l'État n'est pas à la hauteur. La loi EGAlim a suscité bien des espoirs, douchés par la signature des traités commerciaux.
C'est la même chose avec l'interdiction des néonicotinoïdes : le Parlement a de justesse arraché une dérogation dont nous vous savons gré, car il n'y avait pas d'alternatives.
Or l'agriculture est le ferment du développement local. Nos agriculteurs sont les premiers écologistes, eux qui aiment leur territoire. Notre agriculture est sans doute l'une des plus durables au monde. À quand une campagne de sensibilisation pour défendre et valoriser nos agriculteurs ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Merci beaucoup pour votre question. Monsieur le sénateur, vous avez ô combien raison de valoriser ce beau métier d'agriculteur et d'éleveur. J'en appelle à la jeunesse de France : ces métiers recrutent.
Ce sont des métiers de passion, du vivant et de la terre, mais aussi d'innovation, contrairement aux idées reçues, avec le machinisme, la gestion raisonnée des intrants, les outils de transformation. La France en est l'un des leaders mondiaux.
Ce sont, enfin, des métiers qui ont l'une des plus grandes finalités qui soit : celle de nourrir l'ensemble de nos concitoyens et de contribuer à la confiance dans la santé nutritionnelle.
Aujourd'hui, ces métiers font face à un défi majeur : un agriculteur sur deux va partir à la retraite dans les dix prochaines années. Pour y répondre, nous avons un actif considérable : nos lycées agricoles qui forment à ces métiers de passion, d'innovation et de noblesse. Il faut y attirer les jeunes : c'est mon ambition et je ne lâcherai pas.
Dans le plan de relance, nous consacrons 10 millions d'euros à la campagne de communication qui sera lancée très prochainement. Pas d'agriculture sans agriculteurs : c'est une question de souveraineté nationale.
Mme Laurence Muller-Bronn . - Le développement des circuits courts se confirme, à l'occasion de la crise sanitaire. Une politique de soutien économique et fiscal doit confirmer cette évolution. Au-delà des mesures d'urgence, nous devons conforter l'avenir de ces filières. La loi EGAlim n'a pas porté ses fruits : l'offre n'a pas été structurée et les revenus des agriculteurs restent insuffisants.
La signature d'accords avec la grande distribution ne me semble pas être la solution : nos agriculteurs doivent rester indépendants, tout en étant capable de répondre aux attentes des consommateurs. Ils participent à la revitalisation de notre France rurale. Quelles mesures structurelles envisagez-vous pour soutenir les filières locales ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Ces accords avec la grande distribution ne sont exclusifs d'aucune autre action. Il faut effectivement pérenniser la tendance, encouragée par le premier confinement, à l'achat de produits frais et locaux dans les supermarchés.
Nous soutenons les filières via le plan de relance, avec 60 millions d'euros pour la structuration de filières, 80 millions d'euros pour les plans d'alimentation territoriaux et 50 millions d'euros pour la restauration collective. Nous travaillons aussi avec les commerçants, qui depuis longtemps valorisent les produits locaux. Il faut jouer sur tous les terrains.
L'export et les circuits courts doivent être développés dans toutes leurs facettes, je m'y emploierai avec force.
Mme Vivette Lopez . - Beaucoup a déjà été dit... Notre débat est opportun. Cette thématique a pris un relief particulier à la faveur de la pandémie.
Chaque Français a pu constater à quel point la souveraineté alimentaire et les circuits courts étaient importants. La mise en place de maisons des producteurs locaux est intéressante, avec 37 départements partenaires et plus de 2 500 marchés, qui sont aussi des outils d'animation et de développement des territoires. Il s'agit, dans un bassin de vie, de mettre des locaux ou du foncier à disposition des producteurs ayant signé une charte de bonnes pratiques. Mais ces maisons se heurtent à des problèmes de financement, avec des budgets contraints et trop peu de lisibilité. Elles reposent sur des partenariats entre les producteurs, la chambre d'agriculture et les collectivités territoriales, qui, tous, ont des budgets contraints. L'aide de l'État est nécessaire.
Toutes les initiatives sont intéressantes mais les professionnels et les consommateurs s'y perdent... Mutualisons les forces. Les Français ont toujours manifesté un attachement historique et culturel à leur alimentation. Quelle aide de l'État à ces maisons de producteurs ?
M. Julien Denormandie, ministre. - Je crois beaucoup à ces maisons de producteurs et à tous les marchés de gros sur notre territoire, au-delà de celui de Rungis. Je suis donc prêt à soutenir ces maisons. Les plans d'alimentation territoriaux pourront les financer sans problème.
Quand l'État mettait 40 000 à 50 000 euros par plan, ce n'était pas suffisant et il n'était pas certain que les collectivités territoriales utilisent cette somme pour ces projets mais désormais, nous mettons 25 fois plus : 6 millions d'euros sur quatre ans versus 80 millions d'euros sur deux ans. Nous aurons les moyens d'une ambition plus forte.
Je vous remercie, madame la présidente, pour votre présidence, et je remercie tout le monde.
Mme la présidente. - Ce débat m'est cher.
M. Frédéric Marchand . - Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Nous pouvons tous dire, unanimes, que l'accès à une alimentation durable est une priorité.
C'est une question à la fois sociale et de santé, dans laquelle les territoires ont un rôle essentiel. Création de circuits courts, lutte contre le gaspillage, ils ont un rôle clé d'assemblier pour aller vers la transition écologique, vers des modèles plus résilients. La demande en produits locaux ne fait que confirmer ce besoin.
Monsieur le ministre, le grand dessein que vous incarnez ne réussira qu'en s'appuyant sur la dynamique locale de tous les acteurs, dont les agriculteurs au premier chef.
Il faut aussi relocaliser la production, développer les circuits courts et définir de nouvelles relations, grâce à l'économie sociale et solidaire, pour des liaisons heureuses. Ce doit être une priorité, pour développer l'emploi local et réduire l'empreinte environnementale de l'alimentation. Il s'agit d'amplifier la dynamique de retour à la terre, en milieu rural comme urbain, qui se manifeste depuis la crise.
Dans le Nord, beaucoup de communes et intercommunalités ont fait de l'alimentation durable et locale un objet politique. Je ne compte plus le nombre d'élus en charge du dossier...
L'accès de nos concitoyens les plus modestes à cette alimentation saine, locale, durable et de qualité doit être une priorité.
Je citerai Brillat-Savarin et son traité de physiologie du goût, sûrement votre mantra quotidien : « La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent ».
M. Julien Denormandie, ministre. - Je remercie le sénateur Marchand d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour. Il ne peut se penser, dissocié des autres.
L'alimentation, c'est la santé, qui ne peut être réduite à la santé humaine. Une approche holistique du monde vivant est extrêmement pertinente, mais la complexité de la nature rend nos chemins encore plus difficiles. (M. Frédéric Marchand applaudit.)
La séance est suspendue à 17 h 50.
présidence de M. Georges Patient, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.