SÉANCE
du mardi 17 novembre 2020
24e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Financement de la sécurité sociale pour 2021 (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes puis un scrutin public ordinaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Explications de vote
M. Stéphane Ravier . - Avec un solde négatif de 49 milliards d'euros en 2020 et un déficit annoncé de 27 milliards d'euros en 2021, les dépenses de la branche maladie explosent. Si vous aviez pris des mesures structurelles pour préparer l'avenir, nous pourrions le tolérer, mais ce n'est pas le cas.
Les recettes se sont effondrées en raison d'un ralentissement économique majeur engendré par un confinement économiquement suicidaire. Notre pays impose à ses entreprises des mesures de plus en plus drastiques et incohérentes. Par exemple, les fleuristes pourront vendre des sapins en extérieur, mais les foires à santons, aussi en extérieur, sont interdites. Vous menacez 400 emplois !
Pour redresser les comptes sociaux, il va falloir retrouver la raison et la liberté de travailler, sinon d'autres conséquences seront à déplorer. Santé Publique France a publié un rapport alarmant sur la santé mentale des Français qui s'est sensiblement dégradée entre septembre et novembre. Nous sommes dirigés, non par un président mais par le premier soviet entouré de son politburo. (Exclamations sur toutes les travées) Vladimir Emmanuelovitch Macron décide de tout ! (Même mouvement) L'heure de sortie et de retour à notre domicile, où nous pouvons nous déplacer, qui a économiquement le droit de vivre ou de mourir, jusqu'à l'endroit où nous pouvons prier...
Le tout sans rendre compte au Parlement ! Votre Gouvernement contrôle le peuple plutôt que l'épidémie. La République soviétique française est en marche !
J'ai déposé une proposition de loi afin de reverser le montant des amendes pour non-respect du confinement aux hôpitaux, soit 165 millions d'euros, et en ai cosigné une autre imposant d'indiquer le lieu de fabrication des médicaments. Réorientons les dépenses de santé vers des médicaments français, il y va de notre souveraineté et de notre sécurité sanitaire !
La Macronie a créé un million de pauvres et 100 000 sans domicile fixe supplémentaires en trois ans. Voilà le nouveau monde antisocial d'Emmanuel Macron ! Tout ne peut pas être mis sur le dos du pangolin.
Il est temps de mener une véritable politique s'appuyant sur la priorité nationale à l'embauche et de lutter contre la fraude sociale et fiscale.
Je refuse de cautionner cette gestion court-termiste. (Protestations)
M. le président. - Il faut conclure !
M. Stéphane Ravier. - Mon vote sera défavorable.
Mme Catherine Deroche . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires sociales a entrepris l'examen du PLFSS en responsabilité. Le Sénat a approuvé certains choix du Gouvernement, s'est opposé à d'autres et a alerté sur ceux de demain. En responsabilité, il a accepté des déficits historiques et un endettement record, afin de tout faire pour éviter l'effondrement économique, et mené une opération vérité sur les dépenses qui relèvent de l'État et celles qui relèvent de la sécurité sociale. À l'État, la reprise de la dette hospitalière, les dépenses de Santé Publique France et les mesures de compétitivité et de pouvoir d'achat.
Ce débat n'est pas théorique : il faut qu'une future hausse des cotisations soit commandée par l'équilibre des comptes de la sécurité sociale et non un transfert des dépenses de l'État.
Le réveil sera douloureux. Après-demain, nous devrons redresser la barre. Nous avons besoin d'une réponse massive pour faire face à la crise mais les vannes ne doivent pas être totalement ouvertes.
C'est en responsabilité également que nous avons accepté l'accès précoce aux médicaments et le développement des maisons de naissance mais nous avons fait part de nos interrogations sur le congé paternité ou la cinquième branche. Prenez garde aux promesses non tenues !
La fraude aux prestations comme aux cotisations sape les fondements de notre contrat social. Le Sénat a substantiellement enrichi ce volet.
La nécessité d'une réforme des retraites demeure d'actualité : elle devra être menée un jour car la crise n'a fait qu'amplifier le problème.
Je rappelle que le texte transmis au Sénat sur le système universel de retraite n'a pas été retiré.
La crise a montré les forces et l'excellence du système de santé, mais aussi ses rigidités et ses cloisonnements. Nous restons très attachés au modèle social à la française qui a fait ses preuves durant la crise.
Le groupe Les Républicains votera le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Valérie Létard et M. Olivier Henno applaudissent également.)
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ces débats ont été l'occasion de dresser un premier état des lieux de notre système de santé à l'occasion de la crise de la covid.
Nul ne pouvait la prévoir mais nous avons la responsabilité partagée de réparer ses dommages. Nous le devons à toutes les victimes, malades, soignants mais aussi tous ceux qui subissent les effets de la crise. Ses répercussions économiques et sociales appellent un financement exceptionnel.
L'Ondam 2020 est revalorisé de 10 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 2,4 milliards d'euros votés à l'Assemblée nationale et 800 millions d'euros au Sénat.
Une contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) sera mise en place avec un taux différencié selon le caractère lucratif ou non de l'organisme, à l'initiative du Sénat. Ces contributions sont justifiées, les OCAM ayant réalisé 2 milliards d'euros d'économie du fait de la crise sanitaire.
La prolongation des indemnités d'activité partielle et l'exonération des charges pour les secteurs fermés administrativement, très attendues, ont été adoptées. Des conclusions du Ségur de la santé ont également été intégrées, sur la revalorisation des salaires du personnel soignant ou l'enveloppe de 200 millions d'euros pour la prime versée au personnel de l'aide à domicile.
Nous saluons également la dotation du Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé de 6 milliards d'euros dont le champ des bénéficiaires a été étendu aux cabinets libéraux.
Nous sommes en revanche sceptiques sur la création d'un forfait payant de 18 euros, destiné à désengorger les urgences et à remplacer le forfait de réorientation, jamais appliqué. Il pourrait conduire à des renoncements de soins et à l'aggravation de l'état de santé des plus précaires. Nous saluons l'exonération pour les personnes atteintes d'affections de longue durée, mais aussi l'adoption par le Sénat, à l'initiative de notre groupe, d'une expérimentation sur le développement des téléconsultations préalables au passage aux urgences.
Alors qu'en 2019, les violences faites aux femmes ont augmenté de 16 %, nous saluons la création d'une dotation finançant une mission d'intérêt général dédiée à la prise en charge des femmes victimes de violences.
Saluons également d'autres mesures adoptées par le Sénat, telles que celles qui favorisent l'installation des médecins dans les territoires ou la poursuite d'activité au-delà de l'âge légal de départ à la retraite dans les déserts médicaux, le doublement du congé de paternité, l'avancement du versement de la prime de naissance et la généralisation des maisons de naissance.
Nous saluons aussi les avancées sur l'autonomie, mais attendons la loi sur le grand âge et les propositions sur son financement. Quelque 6 milliards d'euros sont attendus pour faire face aux besoins.
Nous regrettons que le Sénat ait supprimé la reprise de la dette hospitalière par la Cades, pour 13 milliards d'euros. Nous sommes enfin dubitatifs sur l'adoption des mesures sur la retraite. Si nous sommes favorables à un recul à 63 ans, le contexte ne rendait pas ce vote opportun.
Une large majorité de notre groupe s'abstiendra, d'autres voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Le PLFSS 2021 repart du Sénat sans réponse aux défis sanitaires et sociaux mais lesté d'amendements régressifs. Je salue le vote de l'allongement du congé paternité, malgré des tentatives pour en restreindre l'accès. Ce PLFSS a moins que jamais préparé l'avenir.
Comme d'habitude, le Gouvernement détermine l'enveloppe fermée des ressources et refuse d'en desserrer l'étau par une taxation plus juste des revenus et du patrimoine.
La politique d'exonération des cotisations sociales connaît une explosion inédite. Le soutien de l'État à l'économie, nécessaire, devrait être modulé. Nous regrettons que la crise sociale n'ait pas été au coeur de nos débats alors que nombre de nos concitoyens basculent dans la précarité. Nos amendements sont déclarés irrecevables quand ils engendrent des dépenses mais les nouvelles ressources que nous proposons sont rejetées pour des raisons dogmatiques. Les travailleurs de première ligne du social et du médico-social resteront des invisibles, oubliés du Ségur.
Rien n'est fait pour lutter contre la marchandisation de notre système social et médico-social.
Au titre des avancées, nous saluons la différenciation des taxes selon le statut des organismes complémentaires, la lutte contre le non-recours aux aides sociales, la suppression du transfert vers la sécurité sociale du financement de l'allocation supplémentaire d'invalidité, ou encore celle de la surcotisation salariale des sapeurs-pompiers.
Cette crise inédite rend encore plus inacceptable le refus de lutter contre l'évasion fiscale, notamment Amazon pour qui le confinement est une incroyable aubaine de réaliser des profits faramineux.
Pour la majorité du Sénat, on comblera le trou de la sécurité sociale en rognant sur les droits sociaux. Or, les partenaires sociaux et une majorité de Français refusent la réouverture inopportune voire indécente du dossier de la réforme des retraites, tout comme du recul de l'âge de départ, véritable obsession idéologique de la majorité du Sénat ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Face à cette contre-réforme, les écologistes défendent un système par répartition et par annuité, soutiennent la réduction du temps de travail, s'opposent à l'allongement de l'âge légal du nombre des trimestres et souhaitent que la différence d'espérance de vie en bonne santé entre ouvriers et cadres - de presque dix ans - soit prise en compte dans le calcul de la pénibilité. Sans peur du tabou, nous soutenons une réforme qui s'appuie sur la contribution des revenus du capital. (Protestations à droite et applaudissements à gauche)
C'est l'une des clés essentielles de l'équilibre des branches de la sécurité sociale.
M. le président. - Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI) J'ai d'abord une pensée pour nos concitoyens touchés par le virus, pour leur famille, pour les salariés des secteurs exposés et pour les deux millions de professionnels de santé mobilisés pendant cette deuxième vague.
Une crise sans précédent a bouleversé notre société. Ce PLFSS est exceptionnel à bien des égards : 1,8 milliard de professionnels de santé bénéficieront d'une réévaluation salariale inédite et tant attendue. Le Ségur de la santé a aussi alloué 19 milliards d'euros de crédits d'investissement qui rendront le système de soins plus efficient et moderne. L'ambition des mesures sociétales de ce PLFSS est exceptionnelle, avec notamment le doublement de la durée du congé paternité de 14 à 28 jours. Cela répond à une demande de la société. Malgré des débats vifs, nous mettons en place un outil efficace de promotion de l'égalité homme-femme. Le passage de 10 à 16 semaines du congé des familles adoptantes ainsi que la pérennisation des maisons de naissance sont d'autres belles avancées de ce texte.
L'amendement porté par notre groupe RDPI sur la privation de pension de réversion pour le conjoint violent est une avancée : nous nous réjouissons de son adoption.
Nous saluons aussi le remboursement des capteurs de glycémie pour les enfants insulinodépendants.
Promesse de longue date maintes fois repoussée, la nouvelle cinquième branche sur l'autonomie est enfin créée - première branche créée depuis 1945 - et dotée de financements gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour répondre à des espoirs et des attentes légitimes. Le dispositif de soutien, par des exonérations supplémentaires, aux entreprises du secteur dit « S1 » est également essentiel.
Par ses avancées multiples, le texte répond à la gravité de la situation. Il reste toutefois des désaccords. Plusieurs mesures sont regrettables, comme la suppression de l'expérimentation de la pratique de l'IVG instrumentale par les sages-femmes, recul non négligeable, ou l'encadrement de la reprise partielle de la dette des établissements de santé assurant le service public hospitalier.
La majorité sénatoriale a clivé, sur un sujet controversé, le report de l'âge de la retraite à 63 ans, auquel nous sommes opposés. Elle profite de la crise pour défendre sa réforme, qui nécessiterait une large concertation. Nous nous interrogeons sur la temporalité de ce vote, en pleine crise. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux. Le moment est particulièrement inopportun. La période actuelle appelle plutôt un devoir de responsabilité vis-à-vis de nos entreprises, de nos soignants et de nos jeunes.
Pour ces raisons, le groupe RDPI s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP) C'est un PLFSS bien différent des précédents que nous achevons d'examiner, en raison de la crise sanitaire et économique.
Le groupe RDSE salue la sincérité des comptes de la sécurité sociale. Il prend acte des comptes douloureux et inédits présentés par le Gouvernement - 49 milliards de déficit, chiffre vertigineux -, en raison d'une chute spectaculaire des recettes et d'une augmentation tout aussi spectaculaire - mais nécessaire - des dépenses, après l'embellie de ces dernières années.
C'est donc un PLFSS de responsabilité, de crise, qui, pour autant, ne renonce pas à tout. Quelque 8,8 milliards d'euros seront consacrés à la revalorisation des rémunérations dans les établissements de santé et médico-sociaux, avec notamment une augmentation de 15 % pour les aides à domicile et de 183 euros par mois pour les personnels hospitaliers et des Ehpad. Cette mesure était attendue, comme l'allongement du congé de paternité, dont nous pouvons être fiers. La vision patriarcale a vécu. Outre les bienfaits pour le développement de l'enfant, cette mesure va dans le sens de l'égalité femme-homme.
Nous saluons aussi le développement des maisons de naissance et le renforcement du soutien aux entreprises, y compris agricoles et viticoles, touchées par la crise, avec les aides pour les travailleurs occasionnels, les jeunes agriculteurs et l'allégement de cotisations sociales pour les salariés viticoles.
Nous avons été nombreux à soutenir un amendement, adopté, qui réduit d'un an le report de la convention médicale actuelle entre l'assurance maladie et les médecins libéraux. Les appels à replacer les généralistes au coeur du système se multiplient, à juste titre. Les liens ville-hôpital sont les garants du bon fonctionnement de notre système de soins. Repousser les négociations n'enverrait pas un bon signal.
Je salue l'instauration d'un stock minimal de quatre mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. La responsabilité de l'État et des laboratoires ne doit pas être occultée. Les pénuries de vaccins et de médicaments sont inquiétantes et je me réjouis que le Sénat tienne bon sur ces sujets.
À titre personnel, je m'abstiendrai mais la majorité du groupe RDSE votera contre le texte en raison de la création d'un forfait « urgences », qui ne fera qu'accroître le reste à charge pour les patients, et, surtout, de l'introduction d'une réforme des retraites par la majorité sénatoriale. Certes, il y a un problème structurel mais nous défendons tous les bienfaits de la concertation. Le moment est mal choisi.
Nous nous félicitons de la création de la cinquième branche mais nous nous interrogeons sur son financement.
En outre, l'État persiste à ne pas compenser ses exonérations de charges, contrairement à la loi Veil de 1994, et ne propose guère de mesures structurelles pour notre système de santé : l'Ondam augmente, certes, mais c'est conjoncturel.
Dans prochains mois, nous espérons une nouvelle réforme du système de santé qui réponde aux attentes des Français, des professionnels et des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
Mme Laurence Cohen . - Après cinq jours de débats, notre groupe est déçu et en colère. Ce PLFSS, discuté en l'absence, jusqu'au bout, du ministre de la Santé, n'est pas à la hauteur des besoins et des attentes. Il ne règle aucun problème.
Les 8 milliards d'euros du Ségur et les 4 milliards de la covid-19 ne sont que conjoncturelles : lorsque la crise sera terminée, vous serrerez à nouveau les boulons.
Les grands groupes du CAC40 peuvent dormir sur leurs deux oreilles, elles ne sont pas davantage mises à contribution. Sanofi peut allègrement distribuer des dividendes indignes tout en fermant des sites et en licenciant à tour de bras.
Vous refusez d'organiser une politique publique du médicament et préférez créer un forfait « urgences » de 18 euros au lieu d'ouvrir les lits nécessaires en amont et en aval. Ce forfait est une absurdité économique qui pose un problème de santé.
Il n'est pas non plus question de recruter davantage de soignants, seul moyen d'améliorer leurs conditions de travail.
Rien pour la psychiatrie ou la pédopsychiatrie, sinistrées, pour la stratégie tester/tracer/isoler ou la prise en charge des masques dès l'âge de 6 ans. C'est la T2A, toujours la T2A...
Hormis l'allongement du congé paternité, ce PLFSS est un rendez-vous manqué.
Le Gouvernement reste sur les orientations politiques qui ont conduit le système de santé là où il est aujourd'hui. Vous refusez d'investir pour la santé sous prétexte de ne pas alourdir la dette pour les générations futures, mais vous faites tout pour que le jour d'après soit pire. Le système de santé va dans le mur.
La majorité sénatoriale a suivi cette voie mortifère en introduisant dans le texte le sujet des retraites. C'est totalement indécent quand les plans de licenciements explosent et que les jeunes se préparent à s'inscrire à Pôle Emploi.
Le groupe CRCE dit non aux mesures proposées par ce texte !
Non à un budget insuffisant, décalé ; non au manque de reconnaissance des professionnels de santé ; non à l'absence de formation et de recrutement. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Une autre sécurité sociale est possible pour l'avenir : nous avons des propositions pour préparer la santé de demain à une pandémie prochaine sans obliger un nouveau confinement.
En annulant les allègements de cotisations pour le CICE ou les bas salaires, nous pourrions récupérer 50 milliards d'euros pour prendre en charge à 100 % les soins, recruter 100 000 soignants et revaloriser de 300 euros les salaires. C'est ainsi qu'on prépare la société de demain.
Alors que nous fêtons les 75 ans de la sécurité sociale, je conclurai par les propos d'Ambroise Croizat : « La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens. Faire appel au budget des contribuables pour le financer serait subordonner l'efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; quelques applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Catherine Deroche applaudit également.) L'examen du PLFSS s'achève, nous laissant un peu sonnés. Est-ce le manque de sommeil, la valse des milliards, l'intensité des échanges ?
« Mieux vaut une amère vérité qu'un doux mensonge », dit un proverbe russe. L'épidémie aurait nécessité un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.
Le fait marquant de ce PLFSS est sans doute cet abyssal déficit de 49 milliards d'euros.
Une contribution des organismes complémentaires en santé a engendré, dès les débuts des débats, un manque à gagner de 400 millions d'euros.
Ce PLFSS prend également en considération les nécessaires revalorisations salariales adoptées dans le cadre du Ségur. Avec Élisabeth Doineau, nous vous avons alerté sur ceux que les accords ont oubliés. Les applaudissements des Français valaient pour chacun des acteurs de la chaîne humaine. Le « quoiqu'il en coûte » doit être notre planche de salut.
Nous soutenons les exonérations de charges pour les entreprises viticoles et le dispositif TO-DE.
Des questions demeurent sur la création et le financement de la cinquième branche, que le rapport Libault envisageait à l'extinction de la dette sociale désormais lointaine. Nous nous interrogeons aussi sur le transfert de l'AEEH à la nouvelle branche.
Des mesures intéressantes ont également été adoptées s'agissant des hôtels hospitaliers, des maisons de naissance et du congé paternité. Sur ce dernier point, j'ai exprimé ma crainte de voir le fossé entre les salariés et les autres s'accroître.
Sur de nombreux autres sujets, le Sénat a fait des propositions utiles.
En revanche, nous déplorons le peu d'ambition s'agissant de la lutte contre la fraude sur laquelle notre collègue Nathalie Goulet est très investie. L'atonie des débats sur ce point révèle-t-elle la banalisation de la fraude ? Il faut une volonté. Madame la ministre, les Français vous attendent sur le sujet.
Derrière nos demandes de rapports, ce sont des sujets qui ne sont pas entendus. Ainsi de la prise en charge de la mélatonine pour aider les enfants autistes à dormir et leurs parents à se reposer. Mais comment se faire entendre quand le ministre de la santé ne siège pas ?
Le groupe UC votera ce texte.
Je terminerai par les mots du Nivernais Romain Rolland : « L'équilibre est la règle souveraine des plus grands comme des plus petits ». (Applaudissements sur les travées des groupe UC et Les Républicains)
M. Bernard Jomier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Écrire une LFSS conforme à la réalité serait une gageure quand nul ne sait ce que le coronavirus, qui a fait 45 000 morts en France, réserve pour 2021. Ce PLFSS écrira sûrement un record d'imprécision.
Il n'en reste pas moins un rendez-vous manqué, notamment pour la gouvernance de l'hôpital ; un rendez-vous inachevé, partiel, conjoncturel. Les urgences sont toujours abordées sous l'aspect financier. Les aides à domicile devront se contenter de bien peu. La démocratie sanitaire est oubliée, marginalisée.
Si l'ajout de 100 millions d'euros aux ARS doit être salué, rien ne dit qu'ils seront dépensés en associant mieux les acteurs du territoire.
Congé paternité, maisons de naissance, lutte contre le non-recours, dispositif TO-DE, stock de quatre mois pour les médicaments majeurs, renforcement de la protection en psychiatrie, retour de l'Agence nationale de santé publique dans le budget de l'État : des mesures intéressantes existent dans ce texte - et nous y avons contribué - mais cela ne suffit pas. Vous avez chargé la barque de la sécurité sociale, l'endettement s'accroît. Les conditions d'examen de ce texte sont éloquentes : introduction tardive, absence d'étude d'impact, temps d'examen trop court, modifications substantielles par le Gouvernement en cours d'examen... Tout ceci aurait pu être évité par un PLFSSR cet été.
L'État fait du paritarisme un façadisme comme les modalités de gouvernance de la cinquième branche le montrent.
Le temps des crises doit être celui des changements ; cette crise n'est pas un accident de l'histoire. Demain, il ne s'agira pas de reprendre la trajectoire de maitrise des comptes sociaux, comme certains discours le laissent entendre. La crise nous appelle à réaliser une réforme structurelle de notre politique de santé et à repenser notre protection sociale.
Or les silos que nous connaissons continueront leur vie. L'État central actuel a présenté des failles inquiétantes, ainsi que la gouvernance de notre santé publique. La décentralisation est absente de ce texte.
Le ministre de la Santé ne nous a pas fait l'honneur de sa présence.
L'amendement n°201 porte un privilège rare : il disqualifie le texte à lui seul, et envoie un message dramatique, demandant à nos concitoyens, en particulier les plus pauvres, de travailler plus longtemps, pour des retraites plus faibles, alors que la majorité sénatoriale refuse avec constance une contribution des plus riches à la situation exceptionnelle que nous vivons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido protestent.)
C'est votre choix devant la Nation mais pour le groupe SER, c'est non à ce budget social qui est un budget d'injustice sociale. Nous voterons contre ce texte.
(Applaudissements sur les travées des groupes SER et sur quelques travées des groupes CRCE et GEST)
L'ensemble du PLFSS est mis aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°26 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Pour l'adoption | 190 |
Contre | 106 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - Je remercie la ministre, la présidente de la commission Catherine Deroche, le rapporteur général Jean-Marie Vanlerenberghe et les rapporteurs pour avis, ainsi que tous les participants à ces débats, ainsi que vous-même, madame la ministre déléguée, même si nous regrettons l'absence de M. Véran, autant que ce soit dit. (Applaudissements sur la plupart des travées, à l'exception de celles du groupe RDPI)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - Merci de ces échanges. J'ai un profond respect pour le travail parlementaire, auquel j'ai participé pendant des années, même si j'ai reçu ici mon baptême de la Haute Assemblée... (Sourires)
Nos débats ont été francs et intéressants. Votre vote est souverain, et le travail se poursuivra en commission mixte paritaire avec les députés.
Je salue quelques avancées majeures, introduites ou entérinées au Sénat, comme le relèvement de 800 millions d'euros de l'Ondam, après 2,4 milliards supplémentaires obtenus à l'Assemblée nationale, pour financer la stratégie de tests et les surcoûts d'équipements de protection pour les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux.
Je salue votre soutien à l'allongement des congés de paternité, ouvrant une démarche essentielle, vers une nécessaire égalité de carrière des femmes et des hommes.
Je pense aussi à la revalorisation des salaires dans les Ehpad, à la suite du Ségur de la santé, et à la prime pour les services d'aide à domicile, mobilisés auprès de nos concitoyens en perte d'autonomie.
Nous voulons accompagner les départements dans ce virage domiciliaire que nous appelons de nos voeux. La branche cofinancera une revalorisation des aides à domicile, même si je regrette un arrêt à mi-chemin, alors qu'il s'agit de la compétence des départements.
Je suis sûre que le dialogue avec l'ensemble des Parlementaires des deux chambres aboutira à un équilibre. Je suis très attachée à ce dialogue : poursuivons-le ensemble en bonne intelligence ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC)
La séance est suspendue à 15 h 40.
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
La séance reprend à 15 h 50.