Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.
Discussion générale
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles . - Il y a en effet des divergences sur ce texte entre le Sénat et le Gouvernement ; mais il y a une convergence, « l'exigence du contrôle parlementaire », pour reprendre les mots de votre rapporteur dans la presse. C'est pourquoi je suis devant vous ce soir, et que le Gouvernement défendra des amendements rétablissant son texte. C'est le débat démocratique.
Oui, il y a des divergences ; mais aucun membre du Gouvernement n'a tenu les propos que vous évoquez. Les divergences portent sur la date de fin de l'état d'urgence sanitaire, l'instauration d'un régime transitoire, certaines habilitations de légiférer par ordonnance et l'ouverture des commerces.
La situation fait craindre le pire et ce deuxième confinement a été adapté. Le Gouvernement mesure les sacrifices qu'il demande, mais ils sont indispensables pour sauver des vies.
Concernant la date de fin de l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement estime qu'il a besoin de visibilité. Si la situation sanitaire s'améliore, le Gouvernement pourra mettre un terme anticipé à l'état d'urgence sanitaire, comme il l'a fait en septembre à Mayotte et en Guyane.
Le régime transitoire, indispensable à nos yeux, n'est pas un blanc-seing. La sortie de l'état d'urgence ne se fera pas du jour au lendemain, sauf à le maintenir jusqu'à la dernière personne atteinte. L'été a confirmé l'utilité d'un régime moins contraignant, permettant de protéger la population lors du recul de l'épidémie.
Le terme du 1er avril 2021 était cohérent avec la caducité, voulue par le Parlement, de l'état d'urgence sanitaire.
Les habilitations présentes à l'article 4 permettront, en tant que de besoin, de rétablir les mesures d'accompagnement conçues en mars dernier et les règles de police sanitaire. Le Sénat a choisi en première lecture soit de les supprimer, soit de graver ces mesures dans le marbre de la loi.
Compte tenu de l'évolution de la situation, nous avons pourtant besoin d'habilitations pour parer aux éventualités. La deuxième vague, en outre, est différente de la première et réclame des adaptations.
Enfin, l'ouverture de certains commerces fait l'objet d'un vif débat, au Parlement et parmi la population.
Contrairement à ce qui prévalait cet été, la fermeture et la restriction des activités demeurent la règle et l'ouverture l'exception. Le ministre de la Santé a montré tout à l'heure l'impact sur le système hospitalier d'un confinement peu respecté. La territorialisation ne se justifie que si elle fait sens sur le plan sanitaire ; or personne ne comprendrait qu'à quelques kilomètres près, tel type de commerce puisse ouvrir et non tel autre ; des différences territoriales entraîneraient des brassages de population, certains se rendant dans les territoires où davantage de commerces seraient ouverts. Il est donc de la responsabilité du Gouvernement de prendre les mesures de police sanitaire appropriées. Il est par ailleurs soucieux d'accompagner les entreprises.
Les apports du Sénat à l'article 3 - sur la Polynésie, les réunions des collectivités territoriales, les infractions pénales, la durée de l'affectation à la réserve, la lutte contre les violences conjugales - ont été maintenus. C'est la preuve éclatante, s'il en était besoin, de son utilité ! J'ai lu les propos de M. le rapporteur dans la presse
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Le combat pour la liberté n'est jamais vain, c'est vrai, mais le combat pour la démocratie non plus. En commission, vous avez appelé à poursuivre le débat. Le Gouvernement a donc déposé des amendements pour revenir au texte de l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement s'est montré à la hauteur du défi historique, et s'est tenu à la disposition du Parlement. Nous nous préparons à un nouveau choc très important dans les jours qui viennent. Renoncer à des libertés pour sauver des vies est un sacrifice ; mais c'est aussi l'honneur d'une nation qui fait de la fraternité autre chose qu'un principe abstrait.
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Nous voici au terme d'un processus législatif à rebondissements, qui a commencé par la sortie de l'état d'urgence sanitaire, interrompue par le couvre-feu, vite remplacé par le retour de l'état d'urgence. Il serait regrettable qu'il se conclue par un retour au texte de l'Assemblée nationale.
Le débat - y compris les désaccords - est fécond, s'il est conduit dans un esprit de dialogue. C'est le malentendu qui est toxique ; il survient lorsqu'au désaccord s'ajoute le procès d'intention. Je remercie le président de la commission des lois de sa mise au point, qui me semblait indispensable.
Le Sénat n'a jamais marchandé son soutien au Gouvernement pour faire face à une crise exceptionnelle. Il l'a toujours fait en limitant au strict nécessaire les restrictions aux libertés.
Le Gouvernement avait été jusqu'à maintenant d'accord avec le Parlement pour que ses pouvoirs d'exception fassent l'objet de reconductions successives par le Parlement. Nous avons voté quatre fois en sept mois ! La question de l'efficacité de l'action gouvernementale n'est pas en cause ce soir : le moment de l'évaluation de la lutte contre l'épidémie viendra - il a commencé à la commission d'enquête - mais pour le moment la question posée est : faut-il restreindre les libertés pour casser la circulation du virus ?
La responsabilité ne va pas sans vigilance, ni la vigilance sans contrôle. Pourquoi le contrôle que nous avons exercé pendant sept mois deviendrait-il soudain une entrave insupportable ? Il faut circonscrire les désaccords à la réalité.
Nous ne nous sommes jamais opposés à la prorogation du confinement au-delà du 8 décembre. Nous avons dit que si le confinement devait se prolonger au-delà du 8 décembre, il faudrait que le Parlement l'autorise. Idem pour la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà du 31 janvier.
Dire que nous aurions voulu imposer des dates butoir est une imposture dans le débat public, lequel a besoin de bonnes bases pour se tenir.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous sommes responsables : nous souhaitons que le Gouvernement ne s'isole pas au moment où il est difficile de faire accepter les contraintes aux Français. Pour cela, il a besoin que le Parlement se prononce, et il l'a toujours fait.
Autre mise au point : le Gouvernement pourrait, à la fin du confinement, avoir besoin d'interdire les manifestations de rues ou les réunions. Il n'a pas besoin pour cela d'un régime différent de l'état d'urgence : qui peut le plus peut le moins ! Cette invention du régime de sortie de l'état d'urgence ne répond qu'à une exigence psychologique, nullement juridique.
Oui, il faudra une transition ; vous pouvez alors recourir, en mode mineur, aux mesures prévues par l'état d'urgence sanitaire.
Vous voyez, monsieur le ministre, je viens vers vous. Faites le même effort !
Où avez-vous vu que nous voulions vous imposer des mesures différenciées, prenant même le risque de « brassages de population » ? Nous souhaitons au contraire vous donner les moyens d'apprécier les situations, avec le discernement dont les préfets sont capables, afin de savoir si l'on peut permettre l'ouverture de certains commerces, si cela ne porte pas préjudice à la lutte contre l'épidémie.
Ce n'est pas seulement moi qui ne comprends pas cette fermeture uniforme ; ce sont les Français qui ne comprennent pas pourquoi, chaque jour, 20 millions de personnes se rendent à leur travail, 12 millions d'enfants vont à l'école, sans compter un million de professeurs, tandis que l'ouverture du magasin de chaussures de Villedieu-les-Poêles serait un danger. (Sourires)
Monsieur le ministre, du bon sens, et le respect du Parlement ; seuls vous serez plus faibles qu'avec le Parlement ; c'est ensemble que nous serons efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et SER)
M. Jérôme Bascher. - Bravo !
Mme Éliane Assassi . - Nous examinons à nouveau un texte que nous avons amendé en vain, puisque la consigne avait été donnée aux députés de la majorité de le rétablir dans sa version initiale. Pitoyable tableau pour nos concitoyens !
Monsieur le ministre, votre Gouvernement n'a aucun scrupule à bafouer la voix du Sénat. Il doit pourtant souffrir que celui-ci ne lui soit pas acquis ! Le débat démocratique devrait être placé au plus haut par l'exécutif. Or les décisions se prennent dans un petit cercle autour du Président de la République, plus étroit même que le Conseil des ministres, dans un Conseil de défense dénaturé...
Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), Jean-Marie Burguburu, craint une accoutumance aux restrictions des libertés, en l'absence de contrôle. Nous partageons cet avis. Dans ce contexte, il ne devrait pas être question de s'invectiver ! (M. Philippe Bas, rapporteur, le confirme.) Pourtant, vous passez votre temps à culpabiliser les jeunes, les députés d'opposition, le Sénat, qui devrait s'aligner sur ce texte d'un gouvernement qui n'inspire pas vraiment confiance.
Cette deuxième vague était plus que prévisible. Pour sauver la face, vous feignez la surprise. Vous traitez les plateformes numériques en ennemis de l'État : faux-semblant ! Elles sont imbriquées dans le système libéral et capitaliste que vous prônez. Vous prononcez de grands plaidoyers pour les soignants alors qu'ils n'ont pas attendu le Covid-19 pour tirer la sonnette d'alarme sur leurs conditions de travail. Nous étions à leurs côtés, alors, comme nous le sommes aujourd'hui.
Comme en première lecture, nous vous proposerons à nouveau de placer la fin de l'état d'urgence au 14 décembre : le Sénat n'est pas une chambre d'enregistrement. Le pouvoir législatif n'est pas le bras armé d'un conseil de défense qui ferait la pluie et le beau temps dans le quotidien des Français. Nous vous demanderons à nouveau de mettre en place un comité de suivi national pluraliste.
Comme en première lecture, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s'opposera à la philosophie générale de ce texte que le Sénat n'a pas remis en cause. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous voici donc rassemblés pour une nouvelle lecture, précédée par une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale mouvementée, venant après une première lecture au Sénat bien plus calme. Pourtant, derrière le calme, nous annoncions déjà la tempête, faute de concertation. Certains de vos collègues, monsieur le ministre, devraient prendre exemple sur notre capacité d'écoute, au lieu de pratiquer le simulacre de concertation consistant à réunir les groupes politiques pour ne rien leur dire. Comme je le disais à Mme Bourguignon, pour être unies, il faut que les deux parties le veuillent.
Les commerçants sont les seuls Français à être interdits de travail. Tout le monde peut aller à l'école, au travail, dans le métro, mais pas chez le coiffeur.
Nous vous avions annoncé la tempête, puisque vous ne mesuriez pas l'impact de vos mesures.
Oui, il faut être prudent et respecter les gestes barrières, mais sans imposer deux poids deux mesures. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.) Combien d'intérimaires n'ont plus rien ; combien de petits commerçants accumulent les prêts, sans savoir quand ils retrouveront du chiffre d'affaires ? Le dépôt de bilan risque d'être la seule issue.
Nous n'avons pas assez de place en réanimation. Certes, on ne forme pas une infirmière en deux mois. Mais si vous aviez trouvé l'argent magique plus tôt pour l'investir dans le système de santé, nous n'en serions pas là.
Récemment, le délégué régional de l'Agence régionale de santé de Bourgogne voulait fermer le Centre 15 d'Auxerre pour renforcer un échelon régional lointain, en se permettant de donner des leçons de responsabilité aux maires.
J'ai entendu la grosse colère du ministre de la Santé, qui racontait sa visite d'un hôpital pour susciter l'émotion. Il a raison. Toute vie mérite d'être vécue. Mais on ne dirige pas avec des émotions. Où est l'émotion face à la dépression des Français, à la faillite d'entreprises, à la détresse des enfants ? Je sais que ce sujet vous touche, monsieur le ministre.
Les sénateurs n'auraient pas conscience de la gravité de la situation ? Non, le Sénat ne fait pas de manoeuvre politicienne, comme l'ont prétendu des députés de la majorité. Voyez la qualité du travail de notre rapporteur, notamment sur les habilitations, loin de la facilité avec laquelle la majorité de l'Assemblée nationale abandonne son rôle de législateur. (Mme Sophie Primas et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent.)
Vous avez à résoudre la quadrature du cercle ; ce n'est pas simple, surtout quand vous vous entêtez à faire seul. Nous vous demandons de rouvrir les librairies, vous nous répondez en fermant les rayons livres des supermarchés. Nous vous demandons de laisser une marge d'appréciation au préfet, vous répondez qu'on ne revient pas sur la parole du Président de la république. Nous vous demandons de laisser le Parlement contrôler, vous répondez par des ordonnances...
Nous finirons sur un désaccord. Mais quand le Parlement gronde, derrière, c'est la France qui gronde. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je m'associe, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, à la mise au point du président de la commission des lois. Les propos tenus à l'égard du Sénat sont inacceptables et relèvent de la faute.
Considérer que manifester un désaccord revient à faire preuve d'irresponsabilité, c'est une accusation indigne. Nous avons tous, autour de nous, des parents, amis, qui sont malades, voire qui sont morts.
Le Parlement est dans sa mission de contrôle du Gouvernement. Votre conception de la démocratie est inquiétante. Faire des propositions, exprimer des nuances, des désaccords, ce serait priver le Gouvernement de toute capacité d'initiative ?
Comme l'a rappelé M. le rapporteur, jamais le Parlement n'a hésité à donner au Gouvernement les moyens de lutter contre l'épidémie. C'est la première fois depuis 2015 que le Parlement n'est pas d'accord sur la prorogation d'un état d'urgence.
Ce n'est pas une injure de dire que le Gouvernement est en grande difficulté, que sa politique n'est pas comprise, pas acceptée et insuffisamment appliquée. Or ici, vous avez les représentants des collectivités territoriales qui peuvent vous aider à appliquer ces mesures. Le Parlement a proposé de donner au préfet - quelle audace ! - de décider de rouvrir quelques commerces... Vous refusez.
Nous pensions que le nouveau Premier ministre prendrait davantage en compte les élus locaux : il vantait le couple préfet-maire. Or ce couple ne s'est jamais formé, sinon sans le Gouvernement - il y a eu un premier épisode à Marseille, un deuxième, un troisième... C'est devenu une théorie.
Nous n'avons pas refusé le principe de l'état d'urgence sanitaire, une prorogation et sa sortie, mais nous vous refusons six mois de pouvoirs exceptionnels sans contrôle du Parlement. (M. Philippe Bas, rapporteur, renchérit.)
Le groupe socialiste, écologiste et républicain s'est abstenu la semaine dernière, il s'abstiendra aujourd'hui.
Le texte a été amélioré, mais nous vous l'avons dit à plusieurs reprises, il manque la prise en compte des questions sociales, notamment sur le RSA jeunes, les difficultés des salariés d'entreprises fermées, la trêve hivernale... La crise sociale va exploser.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est en désaccord avec votre méthode. Le Parlement est là pour contrôler le Gouvernement, le Sénat doit nécessairement y participer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis de nombreux mois, nous sommes confrontés à un ennemi redoutable. Des dizaines de milliers de citoyens ont été ou sont touchés par la covid, 38 000 sont décédés.
La dégradation de la situation a conduit le Gouvernement à élargir, le 24 octobre, le couvre-feu de quelques métropoles à la moitié du pays, avant d'imposer un nouveau confinement le 28, devant l'aggravation de la situation. Tout doit être mis en oeuvre pour limiter le nombre de décès et sortir du confinement.
Mais la réponse ne doit pas reposer sur l'affaiblissement du Parlement. Il est important que le Gouvernement évalue régulièrement la situation, en fonction de laquelle le Parlement décide ou non la prorogation des pouvoirs exceptionnels. Nous ne sommes pas pour une sortie prématurée de l'état d'urgence sanitaire, mais il faut un contrôle régulier, qui garantira son acceptabilité. Contourner ce contrôle ne fera qu'accroître la méfiance des Français.
Or le succès ne viendra que de l'adhésion de tous. Je me réjouis que le Sénat ait adopté à l'unanimité un amendement pour autoriser les préfets, en liaison avec les élus locaux, à rouvrir certains commerces.
Vous devez vous appuyer sur la représentation nationale et sur une concertation avec les corps intermédiaires. Nos institutions ne doivent pas fonctionner en mode dégradé ; vous rassurerez ainsi les Français.
Le groupe INDEP veut concilier la lutte contre l'épidémie et le respect des pouvoirs du Parlement. Il soutiendra le texte amendé par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
Mme Esther Benbassa . - ll y a deux jours, le ministre de la Santé a évoqué le quotidien des soignants dans un service de réanimation, comme si nous, parlementaires irresponsables, n'avions pour but que de lui chercher des noises.
Nous nous inclinons toutes et tous devant le travail des soignants ; ici, des parlementaires, des collaborateurs, des fonctionnaires, des membres de leur famille ont été touchés, et certains sont passés à deux doigts du pire. Cela nous autorise à ne pas tout accepter d'un Gouvernement qui travaille dans le cadre d'une verticalité effrayante.
Vous demandez au Parlement de garder le silence jusqu'en février 2021 ? C'est inacceptable. L'union nationale ne se décrète pas. Nos institutions démocratiques sont déjà éprouvées par la multiplication des états d'urgence, et le risque d'accoutumance en a été dénoncé par la nouvelle Défenseure des droits et par le président de la CNCDH.
Vous excluez les librairies et les petits commerces, livrés à la concurrence déloyale des plateformes. Pourquoi ne pas les ouvrir comme en Belgique, dans le strict respect des règles sanitaires et sous le contrôle du préfet et du maire ? Vous avez provoqué la colère d'élus de tous bords, dont certains ont pris des arrêtés illégaux en guise de protestation.
Pensez aussi à nos jeunes. Pourquoi ne pas élargir le RSA aux 18-25 ans sans ressources ? Au vu de l'urgence, cette proposition devrait déjà être à l'étude.
Depuis le début de l'épidémie, députés et sénateurs vous demandent une gestion collégiale. Puisque vous restez sourd à ces demandes, le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires votera contre ce projet.
Mme Nadège Havet . - Comme en première lecture, je pourrais décliner le triste état de la situation sanitaire. Les chiffres donnés par le Gouvernement ce soir parlent d'eux-mêmes. Ils sont préoccupants car ils risquent d'engager des enjeux éthiques, si les soignants doivent choisir qui soigner...
Nous avons tous conscience de la situation. Il ne s'agit pas d'opposer la responsabilité des uns et l'irresponsabilité des autres. Aucune décision n'est prise de gaieté de coeur. (M. Philippe Bas, rapporteur, approuve.) Je salue la position du rapporteur d'accorder la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. La seule divergence entre les deux chambres réside dans une différence de deux semaines.
Seul le Parlement pourra proroger l'état d'urgence sanitaire ; un régime transitoire serait possible, avec un contrôle du juge et une autorisation du Parlement.
Sur les systèmes d'information, la proposition du Gouvernement n'est pas incompatible avec nos positions de mai dernier, qui ont consisté à mettre un terme à leur utilisation six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire.
Nous voulons tous prolonger ou réactiver des mesures d'urgence économique et sociale, comme le dispositif d'activité partielle ou le fonds de solidarité. La divergence porte sur les méthodes. La mobilisation du Gouvernement est totale, à preuve les mesures déjà prises pour protéger les plus fragiles.
Il en est de même pour les commerces non alimentaires de proximité : depuis la première lecture, des mesures ont été prises pour ceux-ci. Nous ne voulons en aucun cas opposer la protection de la vie et l'économie, mais tenir ces deux impératifs ensemble.
Le groupe RDPI s'abstiendra sur ce texte modifié.
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP ; Mme Françoise Gatel applaudit également.) Malgré la mise en oeuvre de mesures contraignantes, la situation s'est aggravée. La représentation nationale doit tenir son rôle et être responsable.
Le RDSE ne s'interroge pas sur la nécessité de prolonger l'état d'urgence sanitaire. Mais nous regrettons que les députés n'aient pas retenu les initiatives modérées du Sénat. Nous avons aussi des comptes à rendre à nos concitoyens. Il n'est donc pas illégitime de demander au Gouvernement de revenir devant le Parlement. (Mme Françoise Gatel le confirme.)
Nous avons conscience de la lourdeur de la tâche. Mais, depuis le printemps, quelles leçons ont-elles été tirées ? Une fois la règle posée, chacun cherche l'exception. Mieux vaut simplifier et clarifier pour légitimer la décision.
Le Sénat avait unanimement voté pour l'adaptation locale des mesures nationales par les préfets. Nous avons entendu l'appel des maires, inquiets pour leurs territoires. L'Assemblée nationale ne les a pas entendus.
Les enjeux sont les mêmes pour les élections à venir : nous espérons que le report permanent ne sera pas la seule réponse. Il faudra imaginer des outils d'adaptation.
Partout, la misère sociale augmente, mettant nos concitoyens dans une précarité financière et humaine. Elle touche les plus vulnérables, ceux qui étaient déjà en marge. Il est urgent que le Gouvernement apporte des solutions concrètes pour que personne ne reste au bord du chemin.
Le RDSE est satisfait que le Sénat ait modifié ce texte en apportant des garanties essentielles sur le rôle du Parlement, et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Muriel Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains votera ce texte issu de la commission des lois. (Applaudissements au centre et à droite) J'entends à la fois un enthousiasme et une absence de surprise ! (Sourires)
Le Gouvernement nous demande de l'autoriser à faire usage de l'état d'urgence pour plus d'un mois. Nous sommes d'accord sur le principe, mais pas sur les modalités. Comme l'a justement rappelé notre rapporteur, jamais le Sénat n'a fait défaut sur ce chapitre : jamais il n'a manqué au pays, lorsqu'il s'est agi de donner au pays les moyens de gouverner.
Mais nous ne saurions nous dessaisir de notre pouvoir législatif, en autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances dans des domaines qui sont les nôtres, lorsque la situation ne le justifie pas et que le Parlement peut agir. De plus, le Gouvernement nous demande aussi de renoncer pendant plusieurs mois à réexaminer la situation, quitte à lui donner, éventuellement, de nouveaux pouvoirs. Que le Gouvernement ne vienne pas rendre des comptes, mais également se relégitimer devant nous n'est pas acceptable.
Le Gouvernement nous demande, monsieur le ministre, de lui donner les moyens de mener la mission qui lui est confiée par les institutions, souffrez que la Représentation nationale exerce la sienne. (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . - Je ne voudrais pas que subsiste un malentendu entre le Gouvernement et le Sénat. Le Gouvernement n'a jamais dit que le Sénat prenait ce texte en otage en voulant mettre fin au confinement le 8 décembre. Au contraire, j'ai salué cette exigence démocratique, et déclaré, à cette tribune, que le Parlement se montrait à la hauteur de ce défi historique que nous affrontons collectivement. Nulle invective, nulle culpabilisation, madame Assassi.
Le Sénat n'est pas une chambre d'enregistrement. Le Parlement dispose toujours de moyens de contrôle, à travers les questions au Gouvernement, les auditions, les missions, les commissions d'enquête. Puis il y a l'article 3131-13 que vous avez modifié lors du vote de la loi de mars 2020, qui prévoit une information sans délai des chambres sur les mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence et nous le faisons chaque semaine, à l'égard des présidents des deux chambres.
Monsieur le rapporteur, vous dressiez un parallèle entre les cordonniers et l'école. Vous qui étiez mon illustre prédécesseur, en charge de la protection de l'enfance, vous savez mieux que moi combien il importe que les écoles restent ouvertes pendant ce confinement, pour éviter le décrochage scolaire et limiter les risques de violences familiales.
La discussion générale est close.
La séance, suspendue à 20 h 5, reprend à 20 h 20.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Cet article sera rétabli dans sa version initiale par l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Il ne s'agit pas d'un débat sur le délai mais d'une question de fond.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est opposé au régime de l'état d'urgence sanitaire, parce que tous les outils juridiques étaient déjà à la disposition du Gouvernement. Le régime d'exception finira par entrer dans le droit commun à force de prolongations, comme l'indique l'exposé des motifs. Cela relève d'un fonctionnement vertical qui n'a que trop duré.
Réintroduisons un équilibre entre les pouvoirs, indispensable à la démocratie.
L'amendement n°1, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
L'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n°2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire est prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Cet amendement rétablit l'article premier dans sa version transmise au Sénat, afin de permettre une prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 inclus. Compte tenu de l'évolution récente de la situation sanitaire et des spécificités de la période hivernale pour la circulation du virus, cette échéance est mieux adaptée aux circonstances.
En outre, l'introduction d'une autorisation spécifique du législateur pour la mise en oeuvre de mesures de confinement au-delà du 8 décembre n'est pas opportune, dès lors que la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois exige déjà une autorisation du Parlement, et que les mesures d'interdiction de sortie du domicile comptent parmi les facultés prévues par le régime de l'état d'urgence sanitaire.
Une évolution réglementaire récente prévient toute différence de traitement entre les grandes surfaces et les petits commerces, concernant les activités pour lesquels ces derniers ne sont pas autorisés à ouvrir. (Mme Sophie Primas s'exclame.) Le Gouvernement est opposé à l'introduction dans la loi d'une disposition imposant au pouvoir réglementaire de permettre des ouvertures dérogatoires de commerces au niveau local. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Enfin, les enseignements pourront être examinés à l'occasion de l'examen du projet de loi visant à créer un régime pérenne de gestion de l'urgence sanitaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Vous avez de la mémoire, monsieur le ministre : vous savez qu'en période de crise, le Gouvernement sait agir vite. Fin 2018, face aux mouvements de rue émaillés d'actes de vandalisme terribles, d'agressions contre les biens dans le quartier de l'Étoile, alors que le Gouvernement était dans un certain embarras, et que nous étions, comme nos compatriotes, saisis d'émotion, le Gouvernement a présenté un projet de loi. Vous souvenez-vous en combien de temps il fut adopté ? En trois jours !
Pendant les sept derniers mois, vous n'avez pas jugé impossible de saisir le Parlement à cinq reprises, dont une fois pour retirer un texte de l'ordre du jour, dont nous avions débattu longuement. L'idée que revenir devant nous serait du temps perdu est donc en contradiction avec votre propre pratique et avec l'essence même de la démocratie.
En larguant les amarres pour vous éloigner de la discussion parlementaire, le Gouvernement prend - à tort - le grand risque de la solitude, de l'isolement, de l'unilatéralisme, d'une verticalité excessive où plus rien ne sépare le Président et le peuple, qui nie la Représentation nationale que nous incarnons avec l'Assemblée nationale, et s'agissant de pouvoirs exceptionnels restreignant les libertés publiques et individuelles, peut verser dans l'autoritarisme.
Avis défavorable à cet amendement que vous n'auriez même pas dû déposer. (« Très bien » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Marc Laménie. - Je soutiens l'avis du rapporteur...
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci.
M. Marc Laménie. - ...même si je comprends l'amendement du Gouvernement.
Faire confiance au Sénat qui représente l'ensemble des territoires est important. De nombreuses personnes sont obligées de se déplacer, mais la fermeture de commerces « non essentiels » pose problème. Beaucoup de commerçants ont investi, et se trouvent désemparés par la fermeture. J'ai reçu beaucoup de témoignages de leur part, notamment de coiffeurs.
Ils ont investi durant le premier confinement, alors qu'il n'y avait ni masques ni gel, ont fourni un effort de respect strict des règles sanitaires, et se tournent vers le Parlement, les élus, les maires dont certains ont pris des arrêtés. Il faut faire preuve de bon sens. Nous sommes conscients de la nécessité de privilégier la santé, mais pas n'importe comment. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Franck Menonville. - Très bien !
Mme Françoise Gatel. - Avec tout le respect républicain que je dois au ministre, je remercie le président Buffet de sa position, qui confère au Sénat une attitude très responsable, citoyenne, républicaine, ainsi que M. Bas pour ses compliments.
Je ne suis pas du tout en accord avec cet amendement. Notre pays vit des moments extrêmement difficiles. Nous traversons une crise économique et sociale violente. Monsieur le ministre, notre pays ne pourra guérir que si le peuple a confiance en vous et dans ses leaders.
Ne sous-estimez pas nos alertes : lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, Jean-François Husson vous alertait déjà sur la faible acceptabilité de certaines mesures par les gens qui habitant loin des villes, étaient contraints d'utiliser leur voiture. Prenez au sérieux notre alerte de ce soir, que je formule avec gravité et sérieux.
Il n'y aura pas de victoire sans confiance et responsabilité. Pourquoi pourrait-on aller dans une boulangerie et non dans une librairie ? Personne ne le comprend ! L'heure est grave. Le Sénat est très courageux de prendre les positions qu'il défend, ne l'insultez pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je suis très frappée de lire dans votre exposé des motifs que « Compte tenu de la situation sanitaire, et du partage entre la loi et le règlement, le Gouvernement est opposé à l'introduction dans la loi d'une disposition imposant au pouvoir réglementaire de permettre des ouvertures dérogatoires de commerces au niveau local. »
Nous souhaitons que le préfet puisse autoriser et non imposer l'ouverture des commerces. Ne laissez pas croire que nous donnons injonction au Gouvernement d'ouvrir les commerces de détail, ce n'est absolument pas dans le texte adopté par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Le troisième alinéa de l'article premier prévoit qu'un décret « détermine les conditions dans lesquels le préfet... » C'est donc bien une injonction ! (Marques de protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains)
Monsieur le rapporteur, dans votre récent entretien au Figaro, vous dites que le Gouvernement est légitime à amender. Je vous en remercie...et je ferai usage de ce droit, garanti par la Constitution.
M. Jean-François Husson. - Vous vous trompez d'assemblée, vous n'êtes pas à l'Assemblée nationale !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Selon vous, je n'aurais pas dû déposer cet amendement, mais je l'ai fait...C'est au nom du respect du débat, du Sénat, afin que ce débat ait lieu. Si je ne l'avais pas déposé, vous m'auriez reproché d'avoir attendu la dernière lecture par l'Assemblée nationale pour le faire...
Mmes Anne Chain-Larché et Catherine Dumas et M. Jean-François Husson. - Mais non !
M. Vincent Éblé. - Retirez votre amendement ! (Sourires)
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je fais pleine confiance, au-delà de ce vote, au Sénat pour exercer tous les moyens de contrôle dont il dispose...
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
M. Jean-François Husson. - Pas de chance ! (Sourires)
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier 2021
par la date :
14 décembre 2020
Mme Éliane Assassi. - Ce débat est aimable... Un contrôle attentif du Parlement est nécessaire. La prorogation de l'état d'urgence sanitaire doit être relativement limitée. Au vu de l'évolution rapide de la situation sanitaire, le Parlement doit se réunir dans un délai d'un mois après la prolongation de l'état d'urgence sanitaire.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
1er janvier
Mme Esther Benbassa. - Défendu.
L'amendement n°2, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté non plus que l'amendement n°12.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 12
Supprimer les mots :
à titre dérogatoire et
Mme Esther Benbassa. - Nous saluons l'initiative de la commission des lois de créer un dispositif pour aider les petits commerçants. Les maires doivent pouvoir alerter les préfets sur les besoins de la population et la détresse de certains commerçants.
Prolongeons un dispositif qui a bien fonctionné pendant le premier confinement, d'autant que les mesures sanitaires sont plus faciles à mettre en oeuvre dans les petits commerces que dans les grandes surfaces.
L'amendement allège légèrement le texte de la commission en supprimant la mention « à titre dérogatoire ».
L'amendement n°11, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - A compter de la promulgation du présent texte, est instauré un Comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité de scientifiques, d'un représentant par formation politique représentée au Parlement, des présidents de groupe parlementaire et d'un représentant par association nationale d'élus locaux.
Mme Éliane Assassi. - Cet amendement instaure un comité de santé pluraliste à la place de l'aréopage qu'est le conseil de défense. L'article 15 de la Constitution en fait un conseil uniquement militaire, une sorte de PC jupitérien rappelant les officines de la Maison blanche, il est antidémocratique. Et le secret-défense invoqué, en l'absence de publicité des délibérations, n'a pour but que de protéger l'exécutif de procédures qui ne manqueront pas d'avoir lieu, avec une gestion aussi erratique de la crise sanitaire.
L'heure est venue d'affirmer la prééminence des institutions démocratiques.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je partage votre souhait de mettre en place des contrepoids pour la prise de décision publique et son évaluation.
Mais pour faire contrepoids, ce comité ne doit pas être composé du Premier ministre, des ministres, du directeur général de la santé... Il serait alors aux mains du pouvoir !
Le Sénat est libre, indépendant et non aligné, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? Si vous voulez un comité qui ne soit pas Théodule, comme eût dit le général de Gaulle, et qui exerce un contre-pouvoir, en plus de celui du Sénat, inventez-en un autre. Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable. En effet, le Sénat est libre, indépendant et non aligné et exerce son pouvoir de contrôle, je suis tout à fait d'accord.
Les ministres et le directeur général de la santé prennent régulièrement la parole pour informer les concitoyens ; ils informent aussi le Parlement et les élus locaux. Nous en reparlerons lors du débat sur le projet de loi visant à créer un régime pérenne d'urgence sanitaire. Avis défavorable.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Le I de l'article 1er de la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 1er avril 2021 » ;
b) Les mots : « hors des territoires mentionnés à l'article 2, » sont supprimés ;
2° Le 4° est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « aérien » et le mot : « biologique » sont supprimés ;
b) Au second alinéa, le mot : « aérien » est supprimé.
II. - L'article 2 de la loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 2. ? L'article 1er de la présente loi est applicable dans les territoires où l'état d'urgence sanitaire n'est pas en cours d'application. »
III. - Les I et II du présent article s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Au risque de m'attirer à nouveau les foudres du rapporteur, (Celui-ci s'en défend ; exclamations à droite.) je défends cet amendement qui rétablit l'article 2, supprimé en commission, prorogeant jusqu'au 1er avril 2021 l'application du régime de transition définie par l'article premier de la loi du 9 juillet 2020.
Il est indispensable de disposer d'un régime intermédiaire afin de maintenir des mesures sanitaires proportionnées à l'évolution de la situation.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Pour que ce débat soit utile, monsieur le ministre, le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire est le même que celui de l'état d'urgence sanitaire à deux exceptions près : le confinement et le couvre-feu. Mais si vous prolongez l'état d'urgence sanitaire, vous pouvez conserver tous ces pouvoirs...
Le Gouvernement n'a pas décidé de le faire pour éviter un vote du Parlement. Nous l'avons bien compris, vous n'en voulez à aucun prix, bien que le Sénat vous ait toujours accordé ces prolongations. Avis défavorable.
M. Jean-François Husson. - Très bien !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous voulez ce régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire qui est cosmétique. Monsieur le ministre, nous avons voté la loi du 23 mars instaurant l'état d'urgence sanitaire sans régime de sortie. Nous avons à nouveau voté une loi le 11 mai, toujours sans régime de sortie.
Il a fallu attendre juillet pour que ce régime de sortie « indispensable » apparaisse. Avouez-le : vous voulez un état d'urgence sanitaire jusqu'en avril, au lieu de l'échéance de février que vous annoncez !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Très bien !
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
L'article 2 demeure supprimé.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 3
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
1er janvier
Mme Esther Benbassa. - L'article 3 permettait la poursuite jusqu'au 1er avril 2021 de l'utilisation de tous les dispositifs informatiques mis en place afin de lutter contre l'épidémie, et de retracer les chaînes de contaminations. Le Sénat a fixé cette date au 31 janvier en cohérence avec la date butoir de l'état d'urgence proposée par la Haute Assemblée.
Nous avions déjà souligné le risque de ces types de fichiers, qui portent atteinte aux données personnelles et au secret médical et posent les jalons d'une société de contrôle et de la marchandisation des données de santé, sans démontrer leur efficacité pour retracer les chaînes de contaminations.
Nous voulons donc limiter la portée du dispositif prévu à cet article au 1er janvier, en cohérence avec la date de fin de l'état d'urgence proposée dans notre amendement à l'article premier.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
1er avril
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Cet amendement était de cohérence avec l'article premier dans votre rédaction. Je le retire donc.
Mme Sophie Primas et M. Jérôme Bascher. - Ah !
M. Jean-François Husson. - La sagesse gagne ! (Sourires)
L'amendement n°15 est retiré.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°9 rectifié.
L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'article 3 bis A demeure supprimé.
Les articles 3 bis, 3 ter, 3 quater, 3 quinquies, 3 sexies, 3 septies, 3 octies, 3 decies, 3 undecies, 3 duodecies, 3 terdecies et 3 quaterdecies sont successivement adoptés.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Supprimer cet article.
Mme Esther Benbassa. - Le GEST est opposé à la méthode consistant à recourir à l'article 38 de la Constitution pour déposséder le Parlement de ses prérogatives législatives.
L'exécutif s'est livré à un exercice solitaire du pouvoir. Il est grand temps que le législateur retrouve sa pleine part dans le processus d'élaboration de la loi.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Même avis. Le Gouvernement a besoin d'une habilitation à rétablir et prolonger certaines mesures d'accompagnement prises au printemps pour répondre au plus vite à l'évolution de la crise sanitaire et de ses multiples conséquences.
Avis défavorable, ainsi qu'à la logique de la commission.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 3
Après les mots :
c à
insérer les mots :
d et du f au
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Au e du 1° du I de l'article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'année : « 2020 » est remplacée par l'année : « 2021 ».
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La loi du 23 mars 2020 prévoyait une habilitation permettant au Gouvernement de prolonger la trêve hivernale pour les expulsions locatives de 2020-2021, d'où cet amendement adaptant l'habilitation pour 2021.
Pourquoi le faire dès maintenant, alors que la trêve hivernale se termine en mars 2021 ? Parce que le Gouvernement ne veut pas revenir devant le Parlement avant mars prochain...Nous n'aurons donc pas l'occasion de nous prononcer d'ici là sur la possibilité de prolonger éventuellement la trêve hivernale au-delà de cette date. D'où notre amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Merci pour cet amendement. Le Gouvernement partage votre préoccupation : avis favorable.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces projets de loi de ratification font l'objet d'une inscription à l'ordre du jour du Parlement et d'un vote avant le 31 janvier 2021, pour une ratification expresse.
M. Pascal Savoldelli. - Nous demandons une ratification expresse des ordonnances. Travail du dimanche, congés payés, temps de travail : les limitations apportées aux droits des salariés ont-elles l'assentiment des organisations syndicales ?
Le Gouvernement dépose en catimini, à la dernière minute, un amendement n°52 qui prolonge les ordonnances prises au printemps dernier dans le cadre de l'état d'urgence. Cela manque de sérieux et de rigueur. Auriez-vous un problème de majorité à l'Assemblée nationale ? (Sourires) Le Sénat, lui, est prêt à débattre, dans un esprit de responsabilité.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. Pascal Savoldelli. - Et la démocratie ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement est redondant, puisque depuis la réforme constitutionnelle de 2008, il n'y a plus de ratification explicite. Cela dit, vu le nombre inédit de demandes d'habilitations, il n'est pas anormal de solliciter cette ratification. Nous avions proposé que cela fût fait via la procédure de législation en commission.
Votre Gouvernement entend-il présenter des projets de loi de ratification des ordonnances ? Votre réponse sera déterminante.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - J'aurais pu reprendre les arguments que vient de développer le sénateur Sueur sur la réforme constitutionnelle de 2008.
La ministre du Travail rencontre très régulièrement les organisations syndicales pour déterminer avec elles comment accompagner aux mieux salariés et employeurs.
M. Pascal Savoldelli. - Par des ordonnances ? Voyons !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - La loi impose au Gouvernement de déposer des projets de loi de ratification ; il s'y soumet évidemment.
Mme Éliane Assassi. - Quand ?
M. Pascal Savoldelli. - Après l'état d'urgence sanitaire !
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission des lois partage en grande partie les préoccupations des auteurs de l'amendement. Nous considérons qu'il ne convient pas d'imposer aux salariés des réductions de temps de travail pour répondre à la baisse d'activité de leur entreprise, comme cela avait été fait au printemps.
Hélas, l'article 48 de la Constitution ne nous rend pas maîtres de notre ordre du jour. Il faudrait une révision constitutionnelle pour que le Parlement puisse exiger du Gouvernement le dépôt d'un projet de loi de ratification. Je le déplore, mais cet amendement est contraire aux principes fondamentaux de l'organisation de la Ve République.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement quelles étaient ses intentions !
M. Jean-Yves Leconte. - Nous avons une maîtrise partielle de notre ordre du jour : rien n'empêche le groupe majoritaire de mettre à l'ordre du jour, de sa propre initiative, les projets de loi de ratification que la Constitution impose au Gouvernement de déposer, s'il estime qu'un sujet mérite un débat approfondi.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
...- Les dispositions prises sur le fondement des habilitations autorisées dans le cadre du présent article ne peuvent être prorogées par décret au-delà de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement s'inscrit dans la ligne de la position de la commission. Le Gouvernement s'est réservé la possibilité d'allonger la période de validité des mesures prévues par les ordonnances au-delà de la période de l'état d'urgence sanitaire, et ce par décret. Il pourra donc décider de prolonger, par décret, des mesures de nature législatives !
Nous demandons au Gouvernement de revenir devant le Parlement à chaque fois qu'il souhaitera prolonger au-delà de l'état d'urgence sanitaire un dispositif pris par ordonnance.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté, de même que les articles 4 bis, 4 ter, 6, 7 bis, 8, 9 et 10.
ARTICLE 10 BIS
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Supprimer cet article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet article corrige un contresens déjà fait par la commission en première lecture. La dérogation à la suspension de la propagande électorale pendant les six mois précédant une élection fait bénéficier les sortants d'un avantage injustifié et entame l'équité entre les candidats.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les collectivités territoriales doivent pouvoir communiquer sur leurs dispositifs d'aide aux entreprises pour s'assurer que ces dernières en bénéficient effectivement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela n'a rien à voir !
M. Philippe Bas, rapporteur. - La frontière entre dépenses électorales et nécessaires dépenses de communication est floue. En 2011, les dépenses d'un candidat à la présidence de la région Île-de-France pour faire connaître les mesures prises par la région en faveur des transports et de l'emploi ont été requalifiées en dépenses électorales. Il est bon de clarifier les règles.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous ne les clarifiez pas, vous les suspendez !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. - Je rejoins l'analyse de Mme de la Gontrie. Les règles sont claires, elles sont mises en oeuvre sous le contrôle du juge de l'élection. L'article L. 52-1 du code électoral n'empêche pas les collectivités de communiquer sur les dispositifs ouverts, dès lors que cela ne relève pas de l'autopromotion. Avis favorable.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'article 10 bis est adopté, de même que les articles 11, 12 et 13.
Explication de vote
M. Philippe Bonnecarrère . - Personne n'a le monopole de vouloir sauver des vies, personne n'a le monopole de la responsabilité.
La régression démocratique ne relève pas du débat politique classique. Le Gouvernement demande à se passer de l'accord du Parlement jusqu'au 1er avril 2021, pour légiférer par ordonnance et exercer les pouvoirs considérables liés à l'état d'urgence.
Il ne faut pas réduire la visibilité et la capacité d'action du Gouvernement, dit le ministre. Le vote du Parlement entraverait donc la capacité du Gouvernement à agir contre l'épidémie ? Comment le Gouvernement en est-il arrivé à l'idée que le Parlement serait le problème et non la solution ? Notre soutien vous a pourtant été acquis à chaque crise depuis 2018. Comment l'exécutif peut-il abaisser ainsi le Parlement et, plus grave, habituer les Français à un tel déséquilibre des pouvoirs ? Entendez les préoccupations du Sénat, projetez-vous dans quelques années, dans un contexte politique différent, et prenez la mesure de ce que vous nous demandez... (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, lundi 9 novembre 2020, à 16 heures.
La séance est levée à 21 h 20.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication