Accord France- Inde Trafic illicite de stupéfiants
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes.
Discussion générale
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes . - La crise sanitaire et sécuritaire que nous traversons a démontré l'importance de répondre au problème mondial de la drogue. La pandémie a mis en lumière la résilience des trafiquants mais aussi la vulnérabilité des usagers.
La fin de la crise sanitaire ne résoudra pas nos difficultés car les stocks de drogue surnuméraires seront écoulés à des publics toujours plus fragilisés.
Le phénomène est mondial et exige une action coordonnée à l'échelle internationale. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres pour agir en amont et en aval.
Face à ce défi, l'Inde est un partenaire incontournable. C'est une alliée majeure, liée à la France par un partenariat stratégique depuis 1998.
Le présent accord, signé par le Président de la République le 10 mars 2018 à New Delhi, vise à associer l'Inde à notre approche équilibrée, entre lutte contre les trafics et nécessaires politiques de prévention, dans le respect des droits de l'Homme.
L'Inde est aussi un acteur stratégique du fait de sa situation géographique. Située à l'interface de plusieurs zones majeures de production d'opiacés, l'Inde est un pays de transit vers le monde entier. Le trafic de stupéfiants est la principale source de financement des réseaux terroristes islamistes, notamment en Afghanistan.
L'Inde est aussi devenue un lieu de production de stupéfiants et de précurseurs chimiques, parfois détournés de leur usage légal et exportés vers des marchés étrangers, entraînant des difficultés sanitaires majeures.
Enfin, la consommation croissante de drogues en Inde a un impact sur la santé publique comme sur le développement des réseaux criminels.
Cet accord, premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l'Inde en matière de coopération policière, respecte notre approche équilibrée. Il renforcera notre action conjointe pour lutter contre la consommation et le trafic et permettra une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires et sociaux dans nos échanges.
Le but est de réduire la production de stupéfiants, notamment de précurseurs chimiques, ainsi que leur trafic, mais aussi d'agir sur la demande en promouvant la prévention, via des actions d'éducation et de sensibilisation.
La coopération opérationnelle et technique sera renforcée, avec des échanges d'informations, de bonnes pratiques et d'expériences.
Les articles 6 et 7 de l'accord prévoient toutes les garanties nécessaires à la protection des données personnelles. Les échanges ne seront possibles que dans le strict respect de la législation nationale de chaque pays.
Nous sommes aussi vigilants sur les procédures pouvant aboutir à la peine de mort, à laquelle la France est opposée en tous lieux et toutes circonstances, conformément à nos engagements internationaux.
Les restrictions imposées par la Cour suprême indienne rendent le recours à la peine capitale exceptionnelle pour les affaires liées aux trafics de drogue, mais elle reste théoriquement possible.
La France a insisté, aux articles 2 paragraphe 3 et 5 paragraphe 3 de l'accord, sur une référence explicite à nos engagements internationaux qui permettra aux services opérationnels français de ne pas répondre à une demande de coopération susceptible de mener à la peine de mort.
L'Inde a déjà ratifié l'accord. Je veux insister sur la nécessité de renforcer la coopération internationale pour lutter contre des menaces qui ne connaissent pas de frontières, qu'il s'agisse de la covid-19 ou du terrorisme. Nous devons faire de même contre le trafic de drogues.
Je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur le banc de la commission)
M. Gilbert Bouchet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - La France a avec l'Inde une relation bilatérale ancienne qui s'est enrichie par la multiplication de rencontres de haut niveau. Un partenariat stratégique global a été conclu en 1998 ; il s'est notamment traduit en 2016 par un contrat d'acquisition de 36 avions Rafale et une coopération intense dans les domaines de la sécurité, du nucléaire civil et de l'énergie. Un dialogue stratégique se tient au plus haut niveau deux fois par an.
L'Inde participe activement aux travaux de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ainsi qu'à l'Initiative du Pacte de Paris créée en 2003 pour lutter contre le trafic d'opiacés en provenance d'Afghanistan.
L'Inde est un acteur régional majeur dans la lutte contre les trafics, étant un pays de consommation, de transit et de production. Géographiquement, elle est proche à la fois du Triangle d'or et du Croissant d'or. Elle est aussi sur la route Sud, par laquelle circulent 10 % des opiacés à destination de l'Europe.
Enfin, l'Inde, deuxième producteur mondial de médicaments génériques, connaît de nombreux détournements de médicaments, comme l'éphédrine ou le tramadol, consommés comme drogue - sans parler des contrefaçons.
Cet accord sectoriel sera mis en oeuvre en parfaite cohérence avec les conventions bilatérales d'entraide judiciaire pénale du 25 janvier 1988 et d'extradition du 24 janvier 2003. Cette dernière permet déjà expressément à la France de refuser une extradition faute de garantie que la peine de mort - en vigueur en Inde mais proscrite par notre Constitution - ne sera pas prononcée. Même en l'absence de clause expresse, l'ordre public et les engagements internationaux de la France s'y opposent.
La protection des données personnelles est garantie, leur communication se faisant dans le strict respect du droit national. En tout état de cause, il ne s'agira pas d'échanger des informations liées à une enquête ou un dossier spécifique.
Cet accord nous semble être un instrument utile dans la lutte contre le trafic de drogue. Sa ratification est attendue. C'est pourquoi votre commission a adopté ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Joël Guerriau . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La seule consommation de drogues a causé la mort de 585 000 personnes en 2017 selon un rapport des Nations unies de 2019.
Le trafic de drogue est néfaste pour l'ensemble de la société car il finance d'autres activités criminelles, à commencer par le terrorisme. Parce qu'il ne connaît pas de frontières et qu'il finance des actions de déstabilisation des États, ces derniers ont intérêt à unir leurs moyens.
L'Inde, par sa situation géographique, au carrefour de nombreux trafics, est un acteur incontournable de la lutte antidrogue.
Je suis de ceux qui ont alerté sur le risque lié à la question de la peine de mort. L'article 66-1 de la Constitution dispose que nul ne peut être condamné à la peine de mort. Faut-il coopérer avec des pays qui pratiquent encore la peine capitale ? Si nous nous y refusions, nous fermerions la porte à 55 pays qui nous aident à lutter contre le terrorisme et à nous prémunir d'attentats.
Il ne nous appartient pas de dire à l'Inde, État souverain, ce qu'elle doit faire.
Les engagements de notre pays nous obligent à renoncer aux coopérations pouvant conduire à la peine de mort - c'est ce qui est prévu dans l'accord, qui ne vise que la coopération policière mais ni la coopération judiciaire ni l'extradition. Il n'est donc pas question que la France participe directement à la condamnation à mort d'un individu.
Compte tenu des réponses qui ont été apportées pour lever notre inquiétude, le groupe des Indépendants votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI)
M. Guillaume Gontard . - Ce projet d'accord vise à lutter contre la consommation et le trafic de stupéfiants en favorisant l'échange d'informations entre la France et l'Inde. L'objectif peut se comprendre, même si des accords multilatéraux existent en la matière.
Mon groupe a toutefois demandé le retour à la procédure normale car l'absence de référence à la peine de mort dans un accord avec un pays qui applique encore la peine capitale en matière de trafic de stupéfiants nous inquiète. J'entends l'argument du rapporteur, mais l'arrêt FIDAN du Conseil d'État du 27 février 1987 n'affirme pas que la mention n'est exigée que dans le cas d'une convention d'extradition.
Politiquement, la France doit pouvoir exiger de l'Inde, comme elle l'a fait des États-Unis dans le cadre de la Convention du 23 avril 1996, la garantie que la remise de renseignement ne conduira pas à une condamnation à mort.
Il est curieux que l'étude d'impact ne fasse pas référence aux engagements internationaux de la France, comme la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Un examen au cas par cas, pour chacune des informations transmises, visant à s'assurer que la peine de mort ne sera pas prononcée, est illusoire. Cela revient à se voiler la face.
L'argumentaire du rapporteur invoquant le faible nombre de condamnations à mort pour trafic de stupéfiant en Inde n'est pas recevable. L'abolition est un principe qui ne souffre aucune exception. Il faut inscrire noir sur blanc que la peine de mort ne peut être décidée sur la base d'informations transmises par la France. Faute de quoi mon groupe ne pourra voter ce projet de loi.
M. Richard Yung . - Le groupe RDPI votera ce texte des deux mains car il s'agit de lutter contre le trafic de drogues. L'Inde est un carrefour du trafic de drogues dures - opium, cocaïne, héroïne. On ne parle pas ici d'un petit joint !
En outre, l'industrie pharmaceutique indienne est championne des contrefaçons, exportées vers l'Europe et les États-Unis.
Le renforcement de la coopération technique est donc nécessaire, via les échanges d'informations, d'expertises et la formation d'agents spécialisés.
On sait aussi que ces trafics - par exemple celui du Tramadol - financent le terrorisme, en Afrique et ailleurs.
Ce texte permettra aussi de lutter contre la contrefaçon des médicaments : il faudrait, à cet égard, encourager l'Inde à ratifier la convention Médicrime, premier instrument international juridiquement contraignant en la matière.
La loi indienne prévoit la peine de mort pour trafic de stupéfiants. Espérons que le moratoire de 2012 continuera à s'appliquer jusqu'à l'abolition définitive de la peine de mort en Inde.
L'articulation de l'accord avec, d'une part, les engagements internationaux de la France et, d'autre part, les conventions d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale interdira toute coopération susceptible d'aboutir à une exécution capitale. Les garde-fous sont là, notre groupe votera donc ce texte.
M. Jean-Claude Requier . - Cet accord est le fruit d'une négociation débutée en 2013. Il participe à la coopération entre l'Inde et la France. Je salue le travail de notre ancien collègue Yvon Collin, qui présida le groupe d'amitié France-Inde jusqu'en septembre dernier.
La consommation de drogue augmente partout ; cela suppose de lutter contre les réseaux internationaux du trafic de drogue. Or l'Inde constitue, de par sa situation géographique, un point de passage entre le Croissant d'or et le Triangle d'or, et joue un rôle actif dans la lutte internationale contre les drogues. Son action doit viser les stupéfiants traditionnels comme les médicaments détournés, d'autant que le trafic est souvent associé à d'autres formes de criminalité, à commencer par le financement du terrorisme.
Le 17 septembre 2019, à Marseille, le Gouvernement présentait un plan national de lutte contre les stupéfiants avec notamment pour objectif de développer les coopérations internationales.
Cet accord permettra de mieux comprendre les réseaux de trafiquants. Nous devons favoriser les échanges juridiques, d'informations, d'expertises, faciliter les formations. Il faudra aussi agir avec la mise à disposition d'équipements et de ressources humaines.
La protection des données personnelles est assurée, c'était un point essentiel. Le groupe RDSE votera bien sûr ce texte.
M. Pierre Laurent . - Ne perdons pas de vue les conditions concrètes de la coopération proposée avec un régime hindouiste raciste et extrémiste, qui foule au pied les droits fondamentaux des citoyens musulmans et chrétiens.
La France intensifie ses relations avec l'Inde en passant sous silence la nature détestable de ce régime.
Le trafic de stupéfiants est un fléau mondial. L'Inde en est une plaque tournante, par laquelle transitent 10 % des opiacés en direction de l'Europe. Elle est aussi le premier producteur mondial des médicaments génériques dont un sur dix est falsifié - la moitié lorsqu'ils sont achetés sur internet - et au coeur du trafic d'éphédrine et de tramadol.
Les liens entre ces trafics et les réseaux criminels de toute nature, y compris terroristes, sont documentés. Les Européens dépensent 24 milliards d'euros par an en drogues et stupéfiants, selon le rapport 2019 de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.
Si la coordination internationale est indispensable, la coopération avec l'Inde interroge, au moment où le régime de Modi foule au pied l'État de droit, où les milices hindouistes perpètrent des massacres. Dans ces conditions, peut-on fermer les yeux sur le possible recours par ce régime à la peine de mort ?
Notre vote contre en commission alertait sur ces enjeux. Le Gouvernement s'est voulu rassurant, indiquant que si l'accord ne contient pas de clause de non-application de la peine de mort, il instaure néanmoins des garde-fous. Mais ces garanties nous semblent très fragiles. Mon groupe optera pour une abstention vigilante. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Olivier Cadic . - Cet accord s'inscrit dans notre relation bilatérale avec l'Inde qui est devenue un axe stratégique. La France soutient ainsi la candidature de l'Inde comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, et y a exporté 36 Rafale et six EPR.
L'Inde est un pays allié et ami, comme l'a montré le chaleureux communiqué de son ambassade à l'occasion de l'assassinat de Samuel Paty - qui contraste avec le silence pesant de l'ambassade de Chine.
L'Inde est un acteur régional majeur de la lutte contre le trafic de stupéfiants et de faux médicaments, en raison de son positionnement géographique à proximité du Triangle d'or et du Croissant d'or et sur la route Sud du trafic d'héroïne.
L'Inde est le second producteur mondial de médicaments génériques, dont la contrefaçon ou le détournement par des organisations criminelles cause des centaines de milliers de morts, notamment en Afrique.
Cet accord est nécessaire pour combattre les fléaux de la drogue et du terrorisme.
Le GEST reproche le manque de garde-fous sur l'éventualité de l'application de la peine de mort. Certes, il n'y a pas de clause expresse, mais celle-ci figure dans notre accord d'extradition ; le ministre et le rapporteur l'ont rappelé.
Là où la Chine exécute un million de personnes chaque année, la Cour suprême de l'Inde a décidé que la peine capitale ne pouvait être qu'exceptionnelle. Il n'y a eu que 26 exécutions capitales depuis 1991, et aucune en lien avec le trafic de drogue. En outre, un moratoire a été décidé ente 2015 et 2020.
Le groupe UC votera ce texte, susceptible de sauver des vies.
M. Rachid Temal . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre relation avec l'Inde est l'un des piliers majeurs de notre stratégie dans la zone indopacifique. L'Inde est demandeuse d'un partenariat durable.
Dans le cadre de notre rapport d'information, nous avions souligné que l'Inde était un lieu de passage stratégique. La France souhaite rester une puissance d'équilibre dans la zone indopacifique. Un partenariat a été engagé sous le précédent quinquennat en matière de défense et d'environnement, et l'Inde est signataire de l'accord de Paris.
L'accord prévoit des actions de prévention et de sensibilisation, et la mise en place d'actions sanitaires sociales en direction des usagers.
Nous attachons une importance particulière à la protection des données dans le cadre du RGPD, l'Inde n'ayant pas, à ce jour, de législation en la matière.
La législation indienne prévoit encore, du moins théoriquement, la peine de mort. La partie française peut refuser d'accéder à une demande d'information au nom de ses engagements internationaux, mais rien n'oblige la partie indienne à ne pas recourir à la peine de mort. Nous attendions que les choses soient explicites et comptons sur la France pour réaffirmer l'engagement abolitionniste qui est le sien depuis François Mitterrand.
Le groupe socialiste, écologiste et républicain s'abstiendra. Non par fébrilité quand il s'agit de lutter contre les trafics et le financement du terrorisme, mais pour réaffirmer, politiquement, notre opposition formelle à la peine de mort, tout en vous permettant de voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Vivette Lopez . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le partenariat stratégique entre la France et l'Inde touche plusieurs domaines. Cet accord est cohérent avec le pacte de Paris de 2003 lancé par la France et la Russie pour lutter contre le trafic d'opiacés en provenance d'Afghanistan.
On sait que le trafic de stupéfiants finance les groupes terroristes islamistes. L'Inde comme la France fait face aux attentats. Elle combat le séparatisme au Nord-Est et la rébellion naxalite au centre. Les attentats de 2016 au Bangladesh, de 2019 au Sri Lanka, la situation aux Maldives témoignent de la radicalisation croissante dans la région.
La porosité entre trafic de drogues, criminalité internationale et terrorisme doit être prise en compte. Signalons que la France et l'Inde ont signé la convention de Palerme de 2003.
Proche du Triangle d'or et du Croissant d'or, le sous-continent indien est une des principales routes de l'héroïne.
En Inde, l'usage du cannabis récréatif est interdit depuis 1985, mais certaines régions, comme le Madhya Pradesh, produisent massivement du chanvre dont le taux de THC est très élevé...
L'Inde est le deuxième producteur mondial de médicaments génériques. Lutter contre le trafic et la contrefaçon dont ils font l'objet est un enjeu majeur. Ce trafic serait vingt fois plus lucratif que celui de l'héroïne. En 2013, en Chine, il représentait 73 milliards de dollars. Pour 10 000 dollars investis, la contrefaçon de médicament en rapporte 200 à 450 000, blanchis puis réinjectés dans l'économie. Les trafiquants réussissent à pénétrer les circuits légaux via le reconditionnement du médicament.
Alors que les États sont très en retard pour leur législation, l'accord va dans le bon sens pour endiguer ces pratiques, lourdes de conséquences. En 2013, plus de 122 000 enfants africains sont morts de contrefaçons médicamenteuses.
Les nouveaux produits de synthèse (NPS) font des ravages chez les jeunes, en France comme dans le monde entier. Des vies sont brisées à la suite de la prise de MDMA et de méthamphétamines, dont le potentiel addictif est exponentiel.
Soyons rigoureux sur la législation indienne de 1985 sur les stupéfiants. L'article 31 prévoit la possibilité de condamner à mort en cas de récidive. Mais depuis 2014, la législation a évolué et cette peine n'est plus automatique. Les sollicitations de la Ligue des droits de l'homme sont légitimes. J'espère que ce débat permettra d'y répondre, monsieur le ministre. Il a fallu cinq ans pour rédiger cet accord ; cela montre que la France n'a pas bradé ses exigences en la matière.
La convention bilatérale de 2003 sur l'extradition est suffisamment stricte sur la peine de mort. L'article 8 précise que si le risque de peine de mort existe, l'extradition ne peut être accordée qu'en cas d'assurance suffisante que la peine ne sera pas exécutée.
Cet accord est une bonne nouvelle. Le groupe Les Républicains votera en faveur de cet accord et restera mobilisé sur la lutte contre les stupéfiants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Clément Beaune, secrétaire d'État . - Monsieur le président Gontard, c'est une bonne chose qu'il y ait un débat sur ce point, et je comprends vos inquiétudes. Cet accord ne facilite en aucun cas l'application de la peine de mort en Inde.
Le protocole n°6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) - dont nous fêtons le quarantième anniversaire cette année - est respecté. Fallait-il mentionner explicitement ces engagements ? On peut en débattre, mais il n'y a pas de doute sur le fond. Cela vaut aussi pour le respect du RGPD. Fallait-il que l'étude d'impact le mentionne spécifiquement ? (M. Clément Beaune la brandit.) Effectivement, elle ne mentionne que le cadre bilatéral des relations diplomatiques entre la France et l'Inde ; la prochaine fois, nous intégrerons la question de la peine de mort.
C'est un accord de coopération policière, technique. Il ne permet pas des enquêtes ni des coopérations judiciaires. Dans ce dernier domaine, c'est la convention d'entraide judiciaire qui s'applique, laquelle mentionne le respect de nos engagements internationaux sur la non-application de la peine de mort.
Il n'y a aucune ambigüité. Cet accord améliore sensiblement la coopération contre les stupéfiants ; il est utile et ne fragilise en rien les combats de la France pour la défense des libertés fondamentales.
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères . - La plupart des accords internationaux sont adoptés par la procédure simplifiée en commission, mais il était important que ce débat eût lieu.
C'est une application originale de l'article 47 de notre Règlement, qui permet un débat en séance publique sur un accord international important. Or cet accord renforce la lutte contre les trafics de stupéfiants ; il nous lie avec un grand pays directement concerné et menacé ; l'utilisation de la peine de mort de ce pays méritait des clarifications utiles. Je me réjouis de sa ratification.
M. Guillaume Gontard . - Il est heureux que ce débat ait lieu.
À l'initiative de Jacques Chirac, l'opposition à la peine de mort a été inscrite dans notre loi fondamentale.
La France a adopté le deuxième protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civils et politiques sur la peine de mort, qui donne compétence au Comité des droits de l'homme de l'ONU pour examiner un accord comme celui-ci. Il y va donc de la crédibilité de la France.
Problème encore plus grave dans le droit indien : l'application d'une présomption de culpabilité en matière de stupéfiants. Or la présomption d'innocence est à l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 6 alinéa 2 de la CEDH, qui interdit que l'on conclue des accords contraires à ses principes.
Considérant le faible intérêt strict de cet accord et l'atteinte aux droits fondamentaux, considérant aussi vos réponses embarrassées, monsieur le ministre, le GEST votera contre ce texte.
Le projet de loi est définitivement adopté.