Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Hommage aux victimes de l'attentat de Nice
Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 6
Hommage aux victimes de l'attentat de Nice
M. Gérard Larcher, président du Sénat
Déclaration du Gouvernement relative à l'évolution de la situation sanitaire
M. Jean Castex, Premier ministre
M. Jean Castex, Premier ministre
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Procédure accélérée)
Nominations à une éventuelle CMP
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier
Ordre du jour du vendredi 30 octobre 2020
Nomination des membres d'une éventuelle CMP
SÉANCE
du jeudi 29 octobre 2020
13e séance de la session ordinaire 2020-2021
présidence de M. Georges Patient, vice-président
Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Hommage aux victimes de l'attentat de Nice
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs et Mme la ministre se lèvent.) Nous avons appris avec une très grande émotion qu'une attaque avait eu lieu à Nice ce matin, dans le périmètre de l'église Notre-Dame. Il y aurait eu plusieurs morts et blessés. Dans ces circonstances tragiques, nos pensées vont aux victimes et à leurs familles. Un hommage leur sera rendu en début de séance cet après-midi.
Dans cette attente, je vous propose d'observer un bref moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre observent un moment de silence.)
Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 6
M. le président. - Amendement n°86 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Babary, Bascher, E. Blanc, Bouchet, Bouloux et Calvet, Mme Canayer, MM. Darnaud, Daubresse et de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Di Folco et Dumas, MM. Duplomb et B. Fournier, Mmes F. Gerbaud, Gruny et Imbert, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Meurant, Mouiller, Paccaud, Piednoir et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, M. Regnard, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin et Sol, Mmes Thomas et Ventalon et M. C. Vial.
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 431-4 du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Après les mots : « présent code », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « un salarié peut être recruté pour contribuer à un projet ou une opération de recherche par un contrat dont l'échéance est la réalisation du projet ou de l'opération. » ;
2° Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée.
« La rupture du contrat de projet ou d'opération qui intervient à la fin du projet ou une fois l'opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse. Cette rupture est soumise aux dispositions des articles L. 1232-2 à L. 1232-6 ainsi que du chapitre IV, de la section 1 du chapitre V et du chapitre VIII du titre III du livre II de la première partie du code du travail.
« Sauf au cours de la période d'essai ou en cas d'insuffisance professionnelle, d'inaptitude physique ou de faute disciplinaire du salarié, l'employeur ne peut rompre le contrat pendant la première année pour quelque motif que ce soit.
« Le contrat peut également être rompu lorsque le projet ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment la nature des projets ou des opérations de recherche pouvant bénéficier d'un tel contrat, ainsi que la proportion maximale des salariés sous contrat de projet ou d'opération par rapport à l'effectif global de l'établissement ou de la fondation. Ce décret prévoit également les modalités de recrutement et de rupture du contrat, telles que les contreparties en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement accordées au salarié et les modalités d'accompagnement des salariés dont le contrat s'est achevé ainsi que celles de mise en oeuvre d'une indemnité de rupture lorsque le projet ou l'opération ne peut pas se réaliser. »
M. Max Brisson. - Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et les fondations d'utilité publique ayant une activité de recherche ont des difficultés à offrir des CDI de chantier à leurs salariés, car ce dispositif, contraignant, est conditionné à un accord d'entreprise. Dès lors, ces organismes se trouvent sans solution pour recruter dans le cadre d'un projet de recherche.
Le projet de loi n'ouvre pas les mêmes possibilités contractuelles pour les EPIC et fondations que pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Cet amendement y remédie en facilitant le recours aux contrats de chantier.
Un décret en Conseil d'État fixera la nature des opérations de recherche concernées, les modalités de recrutement, les contreparties, et le quota maximal de ce type de contrat au sein de la masse salariale, qui pourrait être fixé à 10 %.
Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Cet amendement donne un cadre juridique homogène à tous les organismes de recherche, quel que soit leur statut. Avis très favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. - Ce qui s'est produit à Nice ce matin me bouleverse. Je souhaiterais adresser aux Niçois et à leur maire toute ma sympathie.
Cet amendement va dans le sens des dispositions de la loi dite Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) s'agissant des EPIC. Ce texte est récent, laissons-lui une chance. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°86 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 6 BIS
M. le président. - Amendement n°87 rectifié, présenté par MM. Decool, Malhuret, Capus, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc, Menonville et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Levi et B. Fournier, Mme Joseph, MM. Daubresse, Canevet, Vogel et Moga, Mme de Marco, M. Dossus, Mmes Raimond-Pavero, Jacquemet et Dindar, M. Détraigne, Mme F. Gerbaud, M. Laménie, Mmes C Fournier, Puissat et Thomas, MM. Sol, Courtial et Chatillon, Mmes Billon et Drexler, M. Henno, Mmes Férat et Noël, M. Joyandet, Mme Sollogoub, M. Mizzon, Mme Saint-Pé, MM. M. Vallet, Lefèvre et P. Martin, Mme M. Mercier, MM. Pellevat, Longuet, Bonhomme, Cuypers et Lafon, Mme Herzog, MM. Bouloux et Regnard et Mme N. Delattre.
Alinéa 3
Remplacer la date :
1er janvier 2023
par la date :
1er septembre 2021
M. Jean-Pierre Decool. - Cet amendement revalorise les métiers de la recherche en luttant contre la précarité des doctorants et des jeunes chercheurs qui assurent souvent des heures d'enseignement sous la forme de vacations. Il avance l'entrée en vigueur du dispositif prévu par le texte pour améliorer leur rémunération à septembre 2021 au lieu de janvier 2023.
M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 3
Remplacer l'année :
2023
par l'année :
2022
M. Christian Redon-Sarrazy. - Un amendement avançant à septembre 2021 l'application de cet article, introduit à l'Assemblée nationale pour mettre fin aux retards de paiement des vacataires, a été repoussé en commission. Notre amendement propose donc une entrée en vigueur en janvier 2022, pour laisser le temps au Gouvernement de mettre en oeuvre les dispositions budgétaires nécessaires. Ce matin, nous constatons cependant que notre rapporteure se rallie à l'amendement de M. Decool. Je regrette néanmoins que le dispositif ne concerne pas les agents temporaires.
L'amendement n°43 rectifié est retiré.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Je m'associe aux propos de Mme la ministre et assure les proches des victimes de l'attentat épouvantable de Nice de toute ma sympathie. Poursuivons nos débats pour ne pas leur donner raison.
Merci pour le retrait de l'amendement n°43 rectifié. La précarité des vacataires victimes de retards de paiement récurrents mérite un traitement urgent. Le Gouvernement évoque des difficultés techniques pour justifier la date de 2023, mais nous avons besoin d'explications. Symboliquement, nous donnerons un avis favorable à l'amendement n°87 rectifié.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Si le problème du paiement des vacataires n'a pas encore été réglé, c'est qu'il faut coordonner des logiciels de paie et modifier les règles comptables qui empêchent de liquider la paie avant service fait, c'est-à-dire à la fin de l'année universitaire. C'est effectivement inacceptable. Nous mettons tout en oeuvre pour modifier le dispositif avant 2023, mais la date de septembre 2021 me semble trop rapprochée. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. Pierre Ouzoulias. - Il faut comprendre la situation des contractuels, mais aussi celle des universités. Le déport de paiement des vacations leur permet d'assurer leur trésorerie. (Mme Frédérique Vidal, ministre, le conteste.) C'est ce que les présidents d'université m'ont dit. Ils souhaitent une contractualisation pour éviter les vacations. Quand une université paie six à sept mois son vacataire après le service fait, ce n'est pas par malignité, mais pour des raisons budgétaires !
Je soutiens cet amendement qui condamne l'injustice flagrante faite aux vacataires, mais ce sujet mériterait une réflexion plus globale.
L'amendement n°87 rectifié est adopté.
L'article 6 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 7
M. le président. - Amendement n°55 rectifié, présenté par Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 5
Remplacer le mot :
étudiants
par le mot :
doctorants
II. - Aline?a 10, seconde phrase
Remplacer les mots :
l'étudiant
par les mots :
le doctorant
Mme Sylvie Robert. - Cet amendement de Mme Préville désigne les doctorants comme tels et non comme des étudiants, afin de tenir compte de leur spécificité.
M. le président. - Amendement n°187, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 5
Remplacer le mot :
étudiants
par le mot :
doctorants
Mme Monique de Marco. - Je le retire au profit du précédent.
L'amendement n°187 est retiré.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cette précision rédactionnelle est inopportune : les doctorants sont bel et bien des étudiants.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis.
L'amendement n°55 rectifié est retiré.
L'article 7 est adopté, ainsi que l'article 8.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°228, présenté par le Gouvernement.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « reste fixée à soixante-dix » sont remplacés par les mots : « est fixée à soixante-treize » ;
II. - Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
.... - L'article L. 952-11 du code de l'éducation est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« L'éméritat est le titre qui permet à un professeur des universités admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l'article L. 123-3.
« L'exercice de ce concours intervient à titre accessoire et gracieux. Les professeurs émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections de l'établissement, et ne peuvent ni être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d'aucune autorité, ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l'établissement.
« Les conditions de la présence du professeur émérite au sein de l'établissement sont fixées par une convention de collaborateur bénévole.
« Les professeurs émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du même code pour les logiciels et inventions à la création ou à la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat. » ;
b) À la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « alinéa » est remplacé par le mot : « article ».
.... - L'article L. 422-2 du code de la recherche est ainsi rédigé :
« Art. L. 422-2. - L'éméritat est le titre qui permet à un directeur de recherche admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l'article L. 411-1.
« L'exercice de ce concours est à titre accessoire et gracieux. Les directeurs de recherche émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections des conseils et instances des établissements, ils ne peuvent ni être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d'aucune autorité, ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l'établissement.
« Les conditions de la présence du directeur de recherche émérite au sein de l'établissement sont fixées dans une convention de collaborateur bénévole.
« Les directeurs de recherche émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle pour les logiciels et inventions à la création ou la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat.
« La durée de l'éméritat et les droits attachés au titre sont fixés par décret en Conseil d'État. »
.... - Au dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 75-1280 du 30 décembre 1975 relative à la limite d'âge des fonctionnaires de l'État, les mots : « reste fixée à soixante-dix » sont remplacés par les mots : « est fixée à soixante-treize ».
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Cet amendement repousse l'âge de départ à la retraite des professeurs du Collège de France à 73 ans. Leurs missions sont spécifiques.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cet amendement concerne un nombre très limité de professeurs les plus éminents qui, depuis 1530, assurent une diffusion de la connaissance notamment par des podcasts très populaires. Avis favorable.
M. Pierre Ouzoulias. - Je suis très favorable à ce dispositif, comme à celui du sénateur, à vie. Les élections reviennent trop souvent. Il faut des professeurs à vie, cela va dans le sens de la démocratie... (On s'amuse.) Soyons sérieux !
C'est très difficile de légiférer pour permettre la continuation de la carrière de quelques collègues du Collège de France, même si je les adore ! La meilleure chose pour eux, c'est de préparer leur succession.
Les transitions non préparées et les retraites indéfiniment repoussées finissent toujours mal.
L'amendement n°228 est adopté.
M. le président. - Amendement n°229, présenté par le Gouvernement.
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Après les mots : « d'âge », sont insérés les mots : « ou à l'issue des reculs de limite d'âge fixés par la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté » ;
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
de trois ans
par les mots :
d'un an
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le surnombre prévu par le texte de la commission permet aux professeurs de l'enseignement supérieur d'être maintenus en activité après la limite d'âge et de continuer ainsi à acquérir des droits à pension.
Cet amendement rétablit une durée homogène d'un an pour tous les professeurs de l'enseignement supérieur.
M. le président. - Amendement n°46 rectifié, présenté par Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
I. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
de trois ans
par les mots :
d'un an
II. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
de cinq ans
par les mots :
d'un an
Mme Marie-Pierre Monier. - Les professeurs de l'enseignement supérieur peuvent partir en retraite à 67 ans, 68 ans pour les lauréats de projets. Cet article recule cet âge à 70 ans comme les professeurs au Collège de France.
La transmission ne nécessite pas cinq ans : cet amendement revient donc sur le report. Un an est largement suffisant.
M. le président. - Amendement n°95, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
peuvent être maintenus en activité au-delà? de cette date jusqu'a? l'achèvement du projet de recherche et de développement technologique pour lequel ils ont été? lauréats et pour une durée de cinq ans au plus
par les mots :
doivent désigner un collaborateur pour leur succéder dans la direction du projet. Ils ou elles sont éligibles de droit pour l'obtention de l'éméritat jusqu'a? l'échéance du projet finance?
M. Pierre Ouzoulias. - Défendu.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement du Gouvernement. La durée de cinq ans est parfois nécessaire pour les projets internationaux. Le I de l'amendement n°46 rectifié est satisfait. Avis défavorable au II car il ne faut remettre en cause le bon déroulement des projets lauréats. Enfin, avis défavorable à l'amendement n°95 pour la même raison.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis défavorable aux deux amendements. Un European Research Council (ERC) est personnel et « portable » : un chercheur qui part pour un autre pays européen le conserve.
L'amendement n°229 est adopté.
L'amendement n°46 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n°95 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°72 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et M. Lagourgue.
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur
par les mots :
après avis de la commission de la recherche mentionnée à l'article L. 712-5 réunie en formation restreinte
M. Jean-Pierre Decool. - Cet amendement précise la procédure d'autorisation à rester en fonction au-delà de la limite d'âge pour continuer d'exercer la responsabilité d'un projet lauréat à l'instar de la procédure d'attribution de l'éméritat.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cette procédure étant exceptionnelle, elle doit rester du niveau ministériel. Avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis.
L'amendement n°72 rectifié n'est pas adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
L'article 10 A est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°231, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la recherche est ainsi modifié :
1° L'article L. 111-6 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche sont arrêtées par le ministre chargé de la recherche, après avoir consulté les ministres chargés des politiques publiques et des stratégies et plans nationaux impliquant des enjeux de recherche et d'innovation, et après une consultation de la communauté scientifique et universitaire, des partenaires sociaux et économiques et des représentants des associations et fondations reconnues d'utilité publique, et des collectivités territoriales, en particulier les régions. Certaines de ces orientations prioritaires font l'objet de programmes prioritaires de recherche mis en oeuvre dans le cadre des programmes d'investissement d'avenir, sur proposition conjointe du ministre chargé de la recherche et des ministres concernés. Le ministre chargé de la recherche veille à la cohérence de ces orientations et programmes prioritaires avec la stratégie de recherche et d'innovation élaborée dans le cadre de l'Union européenne.
« Le ministre chargé de la recherche organise tous les cinq ans une consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche. » ;
b) La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :
- les mots : « La stratégie nationale de recherche » sont remplacés par les mots : « Les orientations et les programmes prioritaires » ;
- le mot : « sa » est remplacé par le mot : « leur » ;
c) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
- après les mots : « publics de la recherche », sont insérés les mots : « notamment les programmes d'investissement d'avenir » ;
- les mots : « de la stratégie » sont remplacés par les mots : « des orientations prioritaires de la politique » ;
d) Le cinquième alinéa est supprimé ;
2° L'article L. 120-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Premier ministre » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de la recherche » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi rédigés :
« Le Conseil stratégique de la recherche peut être consulté par le ministre chargé de la recherche sur toute question concernant les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche. En particulier, il conseille le ministre pour l'organisation et la mise en oeuvre de la consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche prévue à l'article L. 111-6 du présent code. Il propose des actions visant à renforcer la place de la science dans la société.
« Le Conseil stratégique de la recherche est présidé par le ministre chargé de la recherche. »
Mme Frédérique Vidal, ministre. - L'élaboration de la Stratégie nationale de recherche (SNR) en 2014 a permis une consultation large et une expression claire des grands enjeux, mais sans programmation opérationnelle.
Cet amendement remplace la SNR par des orientations prioritaires de la politique nationale de recherche, qui seront mises en oeuvre via la contractualisation des établissements, la mise en place de programmes prioritaires de recherche (PPR) et la programmation de l'Agence nationale de la recherche (ANR), tout en conservant l'organisation une fois tous les cinq ans d'une consultation de la société civile.
Le Conseil stratégique de la recherche (CSR) ne s'est plus réuni depuis quatre ans. Pendant les quelques années où il a fonctionné, il a eu du mal à faire émerger des priorités thématiques claires et différenciées à cause du nombre élevé de ses membres, soit 26, qui ont largement considéré qu'ils étaient principalement des « défenseurs de leur domaine ». Cet amendement place le CSR auprès du ministre chargé de la recherche qui pourra le consulter directement.
Le CSR comptera dix membres, le ministre chargé de la recherche, six scientifiques, un député, un sénateur, un représentant de Régions de France.
M. le président. - Amendement n°108 rectifié, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° Les mots : « en concertation avec la société civile » sont remplacés par les mots : « et sur proposition du conseil stratégique de la recherche ».
M. Pierre Ouzoulias. - Cette question montre les limites de votre stratégie : la SNR n'a certes pas produit de réelles priorités nationales. Comment le pourrait-elle, quand la majorité des financements passe par une agence de moyens, l'ANR ?
Le recours accru aux Appels à projets (AAP) fait que l'État perd de vue tout l'intérêt d'une programmation scientifique.
Il faut choisir : soit l'État définit des programmes scientifiques et il y affecte des moyens, soit il privilégie une agence de moyens mais il perd toute possibilité de programmation. L'entre-deux est difficile.
Je regrette que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) - dont je suis membre - n'ait jamais été consulté sur cette loi de programmation ni sur la SNR.
Vous faites disparaître toute collégialité : le Premier ministre choisit quasi seul ses interlocuteurs.
Je ne sais pas ce que c'est que la société civile ; je connais la société, la société ecclésiastique... Il serait préférable de consulter les chercheurs et la Représentation nationale.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - L'amendement structurant du Gouvernement donne plus de pouvoir au Premier ministre, appuyé par un CSR restreint. Avis favorable à l'amendement n°231. Cet amendement est malheureusement arrivé tardivement. Retrait de l'amendement n°108 rectifié, même si j'en comprends l'esprit.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis. Nous avons voulu refondre le système et je partage ce que vous dites, mais depuis trois ans nous lançons des programmes prioritaires de recherche. Ce serait utile de le faire avec un CSR renouvelé.
La consultation de l'Opecst me semblait difficile au regard de la séparation des pouvoirs, mais j'avais informé son président personnellement, pensant qu'il le ferait savoir à ses collègues.
M. Pierre Ouzoulias. - À aucun moment vous n'avez utilisé le CSR pour définir une stratégie de recherche coordonnée face à la crise pandémique actuelle. À aucun moment vous n'avez saisi le CSR. Si vous estimez qu'il est inutile, c'est parce que le Président de la République a décidé, face à la pandémie, de réunir deux organes de consultation qu'il a créé, dont l'un ne servait à rien de l'aveu même des chercheurs qui en sont membres. Arrêtez de bricoler en dernière minute des solutions extralégales avec des commissions ad hoc, sans consulter le Parlement. Cela pose un réel problème démocratique. Respectez les cadres légaux. (Applaudissements nourris sur toutes les travées)
Mme Sylvie Robert. - Nous ne voterons pas une telle réforme de l'organisation de la recherche au détour d'un amendement. Un large débat est nécessaire.
M. Max Brisson. - Voilà un résumé de tout ce qui irrite le Sénat : un amendement structurant qui arrive tardivement, mais on est dans « l'air du temps » avec la société civile. Tous, nous représentons la société civile, nous avons d'autres engagements en dehors de notre mandat. Opposer la société civile au Parlement est détestable et révélateur des mauvaises manières du Gouvernement et du chef de l'État. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Éric Kerrouche. - Une orientation aussi forte ne peut pas arriver au détour d'un amendement, malgré toutes les bonnes intentions.
Rejetons cet amendement : la loi se fait dans la discussion et non avec la seule volonté du Gouvernement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La méthode est inacceptable, car les consultations préalables ont été insuffisantes. Les membres du CSR étaient trop nombreux, trop partiaux, dites-vous ? Mais comment une réduction du nombre de leurs membres changerait quoi que ce soit à cette prétendue partialité ?
Vous contournez les corps organisés de la société pour bâtir une démocratie d'opinion - on l'a vu lors des débats sur le Conseil économique, social et environnemental (CESE).
La recherche est bien le domaine dans lequel il faut se méfier de la démocratie d'opinion. Les choix relèvent du politique. Cet amendement est inacceptable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le CSR n'a pu être consulté durant la crise car nous devions nous concentrer sur un domaine très spécifique. N'opposons pas le temps long à la gestion de crise.
Pourquoi parler de la société civile ? Parce que l'ensemble des acteurs s'intéresse à la recherche. Lors de la consultation sur la SNR, il y avait des chercheurs, des scientifiques mais aussi des associations intéressées par ce sujet.
Mme Sophie Primas. - J'ai été très sensible aux arguments de mes collègues. À titre personnel, je ne voterai pas l'amendement du Gouvernement ni celui de M. Ouzoulias. Les raccourcis du Gouvernement sont parfois insupportables.
M. Julien Bargeton. - Ce débat me rappelle celui que nous avons sur les ordonnances. Quand on est dans l'opposition, on s'indigne des amendements de dernière minute et des ordonnances, et puis les choses changent quand on arrive au Gouvernement... (Protestations sur diverses travées) Soyez un peu humbles ! (Exclamations sur les mêmes travées) Quelle que soit leur couleur politique, des gouvernements ont recours à de tels procédés. Adoptons cet amendement intéressant et travaillons ensuite sur la stratégie, le cas échéant en CMP.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - C'est aussi une question de forme. Cet amendement a été déposé lundi après-midi, nous avons eu à peine le temps de l'examiner. Il est vrai que jusqu'à présent, le texte ne disait mot sur la définition de la stratégie, hormis dans le rapport annexé. C'était tout de même problématique.
Vous introduisez là des éléments fondamentaux, certains étant pour et d'autres contre. Si nous pouvions réserver notre avis et en discuter en CMP, ce serait plus sage.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Je retire mon amendement.
L'amendement n°231 est retiré.
L'amendement n°108 rectifié n'est pas adopté.
ARTICLE 10
Mme Sylvie Robert . - La pandémie est un paradoxe pour le débat scientifique, le plaçant sous les feux de l'actualité, avec des réflexions à chaud. Cela lui sied mal car le débat scientifique se nourrit du temps long. La pression des résultats a parfois transformé des hypothèses en affirmations de fait.
La logique même de la science a parfois été perdue de vue.
Il ne faut pas restreindre ni la liberté d'expression ni les libertés académiques des chercheurs. La science est le lieu de la controverse, mais la contrepartie de ces libertés réside précisément dans l'intégrité scientifique.
Ne basculons pas de la recherche de la vérité vers la clameur du fait erroné. La science est un repère et un espoir, mais doit conserver sa rigueur, au risque sinon de perdre sa crédibilité.
M. Pierre Ouzoulias . - Merci de porter le débat sur ce sujet crucial.
L'Opecst, saisie par la commission de la culture, a lancé une mission sur l'intégrité scientifique, dont le député Pierre Henriet et votre serviteur sont les rapporteurs ; le rapport devrait être remis dans une quinzaine de jours.
La France est victime de la course au nombre de publications, dans une véritable fuite en avant ; cela au détriment de la qualité.
En un an, 2,5 millions d'articles sont publiés, dont un tiers ne sont sans doute jamais lus. Mais tout cela entre dans la bibliométrie, socle de l'évaluation des individus et des équipes. Cette pratique dangereuse aboutit inévitablement à la triche.
Passons à une production qualitative, et donc à son évaluation, pour éviter des pertes de temps et d'argent.
Le Premier ministre estimait qu'il fallait que les chercheurs publient. Il faut certes publier moins, mais mieux. Sortons de ce cycle infernal.
M. le président. - Amendement n°207 rectifié, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 9
Remplacer les mots :
des missions mentionnées
par les mots :
des objectifs et des missions mentionnés
III. - Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Un décret en Conseil d'État détermine les règles de confidentialité et de publicité des évaluations, dans le respect des dispositions de l'article L. 114-1-1. » ;
IV. - Alinéa 16
Remplacer les mots :
des analyses, des synthèses et des indicateurs qui lui permettent de contribuer
par les mots :
des rapports qui contribuent
V. - Alinéas 18 à 21
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
ac) Au deuxième alinéa, le mot : « opinions » est remplacé par les mots : « expertises et avis » ;
VI. - Alinéa 24, première phrase
Après chaque occurrence du mot :
structures
insérer les mots :
et unités
VII. - Alinéa 26
Remplacer les mots :
le mot : « structure »
par les mots :
les mots : « structure ou une unité »
VIII. - Alinéa 27
Après le mot :
structure
insérer les mots :
ou l'unité
IX. - Alinéas 28 et 29
Supprimer ces alinéas.
X. - Après l'alinéa 31
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Le même second alinéa dudit 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'évaluation des formations et des diplômes tient compte de l'insertion professionnelle des diplômés. » ;
XI. - Alinéa 33
Supprimer les mots :
les programmes d'investissement
XII. - Alinéa 34
1° Après le mot :
structures
insérer les mots :
et unités
2° Remplacer le mot :
évaluées
par le mot :
évalués
XIII. - Alinéa 42
Rédiger ainsi cet alinéa :
d) Le dernier alinéa est supprimé ;
XIV. - Alinéa 45
Rétablir le aa dans la rédaction suivante :
aa) Au deuxième alinéa, après le mot : « président », sont insérés les mots : « du Haut Conseil » ;
XV. - Après l'alinéa 49
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les deux occurrences du mot : « trois » sont remplacées par le mot : « deux » ;
XVI. - Alinéa 50
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
a bis) Le 2° est ainsi modifié :
- au début, le mot : « Huit » est remplacé par le mot : « Six » ;
- les deux occurrences du mot : « trois » sont remplacés par le mot : « deux » ;
XVII. - Alinéa 51
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
a ter) Le 4° est ainsi modifié :
- au début, le mot : « Neuf » est remplacé par le mot « Sept » ;
- les deux occurrences du mot : « trois » sont remplacés par le mot : « deux » ;
XVIII. - Alinéas 57 et 71
Supprimer les mots :
, le cas échéant,
XIX. - Alinéa 58
Remplacer les mots :
le mot : « unités » est remplacé »
par les mots :
les mots : « unités de recherche » sont remplacés
XX. - Alinéa 66
Remplacer les mots :
des articles L. 114-1 à L. 114-3
par les mots :
du chapitre IV du titre Ier du livre Ier
XXI. - Alinéa 70, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
XXII. - Alinéa 85
1° Première phrase
a) Au début,
insérer la référence :
C. -
b) Remplacer la référence :
b
par la référence :
c
2° Deuxième phrase
Remplacer le mot :
lesquelles
par le mot :
lesquels
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Le texte de l'article 10 a été très nettement élargi au cours des débats à l'Assemblée nationale et des ajustements rédactionnels sont nécessaires. J'approuve totalement ce qui vient d'être dit sur l'intégrité scientifique.
Nous devons sortir de l'évaluation quantitative. C'est pour cela que le Gouvernement soutient la science ouverte ; quelle meilleure évaluation pour une recherche que la possibilité pour les pairs de s'en saisir.
M. le président. - Amendement n°100, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 19, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, notamment celles énoncées dans la déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche
M. Pierre Ouzoulias. - La déclaration internationale de San Francisco (DORA) sur l'évaluation de la recherche consiste en un ensemble de recommandations visant à améliorer les méthodes d'évaluation des résultats de la recherche scientifique.
C'est important pour l'intégrité scientifique. Il faudrait que le Gouvernement instaure par la loi un système équivalent.
M. le président. - Amendement n°101, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 19, deuxième phrase
Après les mots :
de transparence
insérer les mots :
, de débat contradictoire
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement impose, dans le cadre du travail mené par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), de réaliser un débat contradictoire entre l'Hcéres et l'institution pour que l'évaluation serve aux deux organismes.
M. le président. - Amendement n°189, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 19, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, dans le respect de la pleine indépendance et de l'entière liberté d'expression des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs consacrées à l'article L. 952-2 du code de l'éducation
M. Thomas Dossus. - Dans cet article précisant le cadre général d'action du Hcéres, il est essentiel de rappeler l'importance des libertés académiques. Actuellement, ces libertés ne sont évoquées nulle part dans les textes encadrant le Hcéres, alors qu'elles devraient faire partie des principes directeurs de son action.
L'amendement n°65 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°128 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Le Gleut, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Panunzi, Savin, Bouloux et de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Grosperrin, Gremillet, Chevrollier et Husson.
I. - Alinéa 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 29
Après les mots :
formation des établissements d'enseignement supérieur
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, à l'exception des offres de formation dont l'accréditation est soumise à l'avis préalable d'une autre instance. » ;
III. - Alinéa 41
Remplacer les mots :
une coordination et une mise en cohérence
par les mots :
une animation
M. Stéphane Piednoir. - Si le Hcéres doit évaluer la qualité des formations dispensées par les universités, il n'a pas vocation à évaluer la qualité des formations des écoles d'ingénieur et de commerce, évaluées respectivement par la Commission des titres d'ingénieur (CTI) et la Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG) pour les écoles de commerce. Ces commissions sont composées à parité de représentants du monde académique et du monde socioéconomique : elles développent ainsi des procédures et modalités d'évaluation adaptées à la spécificité de ces écoles.
La qualité de leur travail s'observe à l'international : certains établissements de pays francophones comme la Suisse, la Belgique, l'Afrique du Nord sont ainsi évalués et accrédités, à leur demande, par la CTI.
Or un amendement adopté à l'Assemblée nationale risque de porter atteinte à l'indépendance et à l'autonomie de la CTI et de la CEFDG et ainsi de nuire à la qualité et à la spécificité des formations des écoles de commerce et d'ingénieurs.
Cet amendement revient sur l'esprit initial du texte du Gouvernement et apporte une précision utile à l'actuelle rédaction de l'article L. 114-3-1 du code de la recherche.
M. le président. - Amendement n°129 rectifié, présenté par MM. Piednoir et Le Gleut, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Panunzi, Savin et Bouloux, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet.
I. - Alinéas 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 41
Remplacer les mots :
une coordination et une mise en cohérence
par les mots :
une animation
M. Stéphane Piednoir. - Je retire cet amendement au profit du précédent.
L'amendement n°129 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°209, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéas 45 et 46
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
aa) La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « Le président du Haut Conseil est nommé par décret du Président de la République, après appel public à candidatures et examen de ces candidatures par une commission dont les membres sont désignés par le Premier ministre sur proposition des ministres chargés de la recherche et de l'enseignement supérieur. » ;
ab) Au début du troisième alinéa, les mots : « Le collège est composé de trente membres » sont remplacés par les mots : « Outre son président, le collège est composé de vingt-trois membres » ;
ac) Au début du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Outre son président, » ;
II. - Alinéa 48
Remplacer le mot :
Sept
par le mot :
Six
III. - Alinéa 80
Après le mot :
supérieur
insérer les mots :
ou de sa présidence
Mme Frédérique Vidal, ministre. - L'amendement introduit dans la loi la procédure de désignation du président du Hcéres, avec un appel public à candidatures et l'examen des candidatures par une commission dont les membres sont désignés par le Premier ministre, pour répondre à une obligation de transparence. Même si les textes en vigueur ne l'imposent pas, une telle procédure a été suivie en 2020.
M. le président. - Amendement n°191, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Après l'alinéa 46
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) La première phrase du deuxième alinéa du II est ainsi rédigée : « Le président est élu par les membres du collège, parmi ses membres ayant la qualité de chercheur, d'ingénieur ou d'enseignant-chercheur. » ;
M. Thomas Dossus. - Cet amendement est proposé dans un contexte particulier : la nomination de Thierry Coulhon à la tête du Hcéres, à laquelle la commission de la culture du Sénat s'est opposée à la quasi-unanimité, après une levée de bouclier importante de la part des acteurs de la recherche. Le président est censé être nommé parmi les membres du collège, mais ce dernier était vacant. En outre, Thierry Coulhon était en situation de conflit d'intérêts puisqu'il était conseiller de l'Élysée.
Pour éviter qu'un tel scandale ne se reproduise, nous proposons la désignation du président de l'Hcéres par les membres du collège.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Pour l'amendement n°207 rectifié, nous avons eu une nouvelle rédaction ce matin même qui rédige à nouveau l'article 10, ce qui nous empêcherait d'examiner les autres amendements. Avis défavorable.
Monsieur Ouzoulias, j'aime beaucoup San Francisco, mais la référence à une simple déclaration ne relève pas de la loi. Avis défavorable à l'amendement n°100. Avis favorable à l'amendement n°101, en revanche.
La précision prévue par l'amendement n°189 n'est pas nécessaire : la liberté académique est déjà citée au début du texte. Retrait ou avis défavorable.
Les écoles d'ingénieurs et de commerce redoutent une perte d'indépendance de leurs commissions. Avis favorable à l'amendement n°128 rectifié bis.
Merci d'avoir retiré l'amendement n°129 rectifié.
Ni la commission ni le statut ne prévoient la procédure de nomination du président du Hcéres. L'amendement n°209 y remédie - hélas un peu tardivement. Avis favorable à l'amendement n°209.
Avis défavorable à l'amendement n°191 puisque l'amendement n°209 règle la question.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - La déclaration de San Francisco est déjà mentionnée dans le plan national sur la science ouverte et la CRS s'inspire des meilleures pratiques internationales. Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°100. Même chose pour l'amendement n°101 qui est également satisfait ; il y a déjà un débat contradictoire.
La liberté d'expression figure déjà dans la loi. Avis défavorable à l'amendement n°189.
L'Hcéres évalue déjà les écoles d'ingénieurs et de gestion. Il faut éviter que les écoles aient à subir deux évaluations. C'est pourquoi le Hcéres coordonne ses opérations avec la CTI depuis des années : elle fait un contrôle lorsque les écoles attribuent des grades universitaires. Avis défavorable sur l'amendement n° 128 rectifié bis.
Enfin, Il est prévu que le président du Hcéres soit nommé par le Président de la République. La procédure que je vous propose avec l'amendement n° 209 donne toutes les garanties nécessaires : avis défavorable donc à l'amendement n°191.
L'amendement n°207 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°100.
M. Pierre Ouzoulias. - Un échange d'observations n'est pas un débat contradictoire, madame la ministre. Merci à la commission pour son avis favorable.
L'amendement n°101 est adopté.
L'amendement n°189 n'est pas adopté.
L'amendement n°128 rectifié bis est adopté.
M. Pierre Ouzoulias. - L'amendement n°209 change l'esprit du Hcéres, ainsi que M. Coulhon nous l'a confirmé. M. Coulhon s'était engagé à respecter l'esprit de la collégialité. Les libertés académiques, ce n'est pas qu'un mot qu'on place dans la loi pour se faire plaisir. C'est une pratique fondée sur l'évaluation par les pairs. Si vous nommez directement son président, cet organisme devient une agence de notation.
L'amendement n°209 est adopté.
L'amendement n°191 n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°208, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° bis L'article L. 114-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « recherche », sont insérés par les mots : « et d'enseignement supérieur » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
II. - Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
4° L'article L. 114-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa
- après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « et de l'enseignement supérieur, » ;
- la seconde occurrence du mot : « appréciation » est remplacée par le mot : « évaluation » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « respectent », sont insérés les mots : « le principe de l'évaluation par les pairs de la qualité scientifique de la recherche et de l'enseignement, » ;
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Cet amendement simplifie et précise les principes généraux concernant l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.
L'amendement n°208, accepté par la commission, est adopté.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il favorise l'usage de la langue française comme langue scientifique. » ;
M. Pierre Ouzoulias. - Derrière l'usage systématique de l'anglais, il y a une réalité économique. Les revues anglo-saxonnes ont un véritable monopole sur la publication scientifique. Leur taux de rentabilité est supérieur à celui des grandes marques de luxe. Leur emprise dépasse la publication scientifique pour aller vers l'évaluation et le signalement.
Nous tentons avec cet amendement de sortir de ce carcan, de réintroduire un peu de diversité, de permettre à la France de regagner sa souveraineté scientifique, perdue au profit de grands conglomérats internationaux qui font payer très cher leurs services.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis très favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis défavorable. Vous souhaitez favoriser l'usage du français comme langue scientifique. C'est un objectif louable, mais la mission du Hcéres est d'évaluer les établissements dans toutes leurs dimensions. Dans certaines disciplines, le partage d'information et la diffusion se fait en anglais. La communauté scientifique française doit continuer à s'adresser à la communauté scientifique internationale.
M. Max Brisson. - Merci, monsieur Ouzoulias, pour cette pétition de principe. Il faut réaffirmer ces choses haut et fort. La start-up nation n'aime pas le français. (M. Julien Bargeton proteste.) L'amendement ne dit pas que publier en anglais n'est pas nécessaire, mais ne nous laissons pas gagner par la paresse intellectuelle : il est aussi bon de publier en français. Je regrette que le Gouvernement ne s'associe pas à cette volonté de la Représentation nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. Marc Laménie. - C'est avec plaisir que je voterai cet amendement très important. Mme Darcos a raison : si la pratique des langues étrangères est fondamentale, la prépondérance de l'anglais est problématique. Il faut défendre le français.
M. Olivier Paccaud. - Je le voterai aussi. J'ajouterai également le mot francophonie. Notre pays, de par son histoire, a un rayonnement international. Ne baissons pas pavillon. Notre langue n'est peut-être plus, comme au XVIIIe siècle, celle de la diplomatie et des savants, mais elle a une richesse, une finesse que n'a pas la langue anglaise, qui lui permet d'exprimer avec encore plus d'acuité certains faits scientifiques.
M. Éric Kerrouche. - Je le voterai également, mais sans opposer de façon manichéenne français et anglais. Il ne faut pas avoir peur de s'adresser au monde, et publier en anglais permet de diffuser les idées françaises, même s'il est plus difficile de publier dans une langue étrangère que dans sa langue natale. Hélas, le marché scientifique français est limité en volume, nous avons laissé s'installer des monopoles. Il faut en tenir compte mais réaffirmer que le français doit être défendu.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il nous faut construire dans l'espace francophone des lieux de publication scientifique en français, internationalement reconnus. Cela suppose des moyens et de la volonté. Une publication scientifique de valeur trouvera toujours à être traduite.
Il faut aussi défendre la place du français dans les institutions européennes. Aujourd'hui, 98 % des rapports, des appels d'offres et des publications ne sont plus rédigés dans les langues officielles de l'Union. Le renoncement conduit à l'uniformisation culturelle. Députée européenne en 1984, je refusais de siéger en commission si je n'avais pas de texte en français. Il faut promouvoir le français, notamment au sein de la DG Recherche.
Mme Claudine Lepage. - Ne baissons pas les bras. Publier en français n'interdit pas de maîtriser d'autres langues, et cela fait travailler des traducteurs.
M. Jérôme Bascher. - L'article 2 de la Constitution est clair : « La langue de la République est le français ».
Mme Catherine Belrhiti. - Très bien !
L'amendement n°98 est adopté.
M. le président. - Amendement n°99, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il évalue les efforts consacrés par les équipes pour transmettre leurs résultats scientifiques, apporter leurs compétences aux pouvoirs publics et participer à l'expertise de la représentation nationale. » ;
M. Pierre Ouzoulias. - J'ai voulu savoir combien de chercheurs ou universitaires étaient auditionnés devant nos commissions sénatoriales. Ce nombre est très important : 80 en 2018, un peu moins en 2019. Or les évaluations des établissements publics ne mentionnent nulle part le rôle des chercheurs pour apporter, bénévolement, leurs compétences aux pouvoirs publics.
Indépendamment des relations entre les chercheurs et le monde de l'industrie, un fonctionnaire doit aussi avoir des relations privilégiées avec les pouvoirs publics et la Représentation nationale, comme il s'engage à une certaine neutralité.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - La crise sanitaire a révélé l'importance, et la difficulté, de l'expertise scientifique. Il est important de valoriser la participation des chercheurs à la sphère publique : avis très favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - L'alinéa 9 de l'article 10 prévoit que l'évaluation porte sur l'ensemble des missions et objectifs fixés par les codes de la recherche et de l'éducation. L'apport d'expertise aux pouvoirs publics en fait partie. Sagesse car l'amendement est satisfait.
M. Franck Montaugé. - Je ne suis pas sûr que la réponse de la ministre soit très adaptée...
L'Opecst fait un travail remarquable. Ses travaux mériteraient d'être mieux diffusés. La question de la vérité scientifique est un enjeu dans notre société, notamment pour lutte contre les « fausses nouvelles ».
Je voterai cet amendement.
L'amendement n°99 est adopté.
M. le président. - Amendement n°102, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 33
Compléter cet alinéa par les mots :
, dont le crédit d'impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles, tel que défini par l'article 244 quater B du code général des impôts
M. Pierre Ouzoulias. - Pas sûr que l'avis soit favorable sur cet amendement-ci...
Madame la ministre, vous avez cité hier, à ma demande, une publication qui était le résultat de travaux menés dans le cadre du CIR. J'imagine qu'il y en a d'autres. Pouvez-vous nous en communiquer la liste complète, pour que nous puissions mesurer l'effet sur les publications scientifiques des sommes considérables affectées au CIR ? Il serait important qu'elles participent à la structuration d'une offre française de publication.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Il n'est pas du ressort du Hcéres d'évaluer une dépense fiscale. Retrait ou avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - La Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (Cnepi) a publié en 2019 un premier jeu de résultats de quatre évaluations indépendantes réalisées par des équipes académiques. Deux autres suivront fin 2020. Avis défavorable.
L'amendement n°102 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°168 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Après l'alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° D'évaluer les comités territoriaux de la recherche en santé dans leur mission de coordination d'une politique de valorisation de la recherche publique responsable mise en place par le comité sur son territoire.
Mme Guylène Pantel. - Le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 a renforcé le périmètre des missions du Hcéres au sein de l'article 10.
Cet amendement ajoute une mission d'évaluation concernant la mise en oeuvre de la politique de recherche publique responsable, pour plus de traçabilité des fonds publics.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cette mission ne relève pas du Hcéres. De plus, la commission a demandé la suppression de l'article 24. Retrait ou avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis.
L'amendement n°168 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°190, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Après l'alinéa 43
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° Le I de l'article L. 114-3-3 est ainsi rédigé :
« Le Haut Conseil est administré de manière collégiale. Le collège, qui assure une représentation propre et authentique des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, est garant de la qualité de ses travaux.
« Sauf disposition contraire, les attributions confiées au Haut Conseil sont exercées par le collège. » ;
M. Thomas Dossus. - Le Hcéres a souffert de difficultés d'encadrement juridique, et il y a une présidentialisation de ce conseil. Cet amendement renforce sa collégialité.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cette collégialité est déjà prévue, et la rédaction est à parfaire. Avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis.
L'amendement n°190 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°103, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 55, seconde phrase
Après les mots :
avec les établissements publics d'enseignement supérieur
insérer les mots :
, dans le respect de leur autonomie pédagogique et scientifique,
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement rappelle le caractère fondamental des libertés académiques. L'État passe des conventions avec les établissements publics de recherche et leur fournit plus de 80 % de leur budget ; la relation est donc inégale. Je ne souhaite pas que l'État impose des choix pédagogiques scientifiques contraires aux choix de leurs instances.
Les négociations doivent respecter l'autonomie pédagogique et scientifique des universités ; laquelle ne doit pas être que financière. La spécificité de ces établissements tient à la possibilité de mener une politique scientifique et pédagogique propre.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cet ajout est superfétatoire. Retrait ou avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons. Le contrat pluriannuel des opérateurs avec l'État doit pouvoir définir des objectifs. Avis défavorable.
L'amendement n°103 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°162, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 61 à 63
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
11° Après l'article L. 211-1, il est inséré un article L. 211-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2. - Les travaux de recherche, notamment l'ensemble des activités de la recherche publique contribuant à ses objectifs mentionnés à l'article L. 112-1 du présent code, respectent les exigences de l'intégrité scientifique visant à garantir leur caractère honnête et scientifiquement rigoureux et à consolider le lien de confiance avec la société.
« L'intégrité scientifique contribue à garantir l'impartialité des recherches et l'objectivité de leurs résultats.
« Les établissements publics contribuant au service public de la recherche et les fondations reconnues d'utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l'article L. 112-1 du présent code offrent les conditions du respect des exigences de l'intégrité scientifique pour les activités et travaux menés en leur sein. Ils mettent en place les dispositifs nécessaires pour promouvoir les valeurs de l'intégrité scientifique et favoriser le respect de ses exigences. Sans préjudice des dispositions du code du patrimoine sur les archives publiques, ils conservent les résultats bruts des travaux scientifiques réalisés en leur sein afin de permettre leur vérification.
« Les établissements et fondations mentionnés au troisième alinéa du présent article transmettent tous les deux ans au ministre chargé de la recherche et au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur un rapport sur les actions entreprises dans le cadre des dispositions du présent article.
« Un décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche fixe les conditions d'application de ces dispositions. »
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement est issu de celui du député Pierre Henriet, revu avec la commission, et les services du ministère. Ce serait, de notre avis collectif, une avancée fondamentale pour défendre l'intégrité scientifique. L'amendement la définit et affirme que les établissements publics offrent les conditions du respect des exigences de l'intégrité scientifique : ils protègent les libertés académiques des chercheurs, en faisant en sorte qu'ils ne soient pas soumis à des pratiques mettant en danger leur intégrité scientifique.
Nous aurions souhaité aussi intégrer à la loi une plus grande indépendance de l'Office français de l'intégrité scientifique (OFIS) au sein du Hcéres. M. Coulhon nous a dit s'y engager. Madame la ministre, prenez-vous le même engagement ? L'évaluation peut influer sur l'intégrité. Le Hcéres pourrait être en situation de conflit d'intérêts par rapport à l'OFIS, en étant juge et partie.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Je rends hommage aux travaux de l'Opecst que vous avez menés avec M. Henriet. Je rends aussi hommage à Pierre Corvol, le premier à vouloir définir l'intégrité scientifique. Je garde de son audition un souvenir ému.
Ce nouveau cadre outillera davantage les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Intégrité scientifique et liberté académique sont des notions distinctes mais très liées. Avis très favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis favorable. L'intégrité est à consolider pour renforcer le lien entre la science et la société. Oui, l'OFIS doit y contribuer. Votre amendement est tout à fait bienvenu.
L'amendement n°162 est adopté.
M. le président. - Belle unanimité !
Amendement n°56 rectifié bis, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 77
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il comprend, pour l'enseignement supérieur et la recherche, une étude d'impact visant à mesurer les effets de l'activité du site universitaire, ses perspectives d'évolution et les risques identifiés devant être surmontés pour sa pérennisation et son développement.
M. Franck Montaugé. - Cet amendement associe les collectivités territoriales aux contrats entre les sites universitaires et l'État.
Le « volet territorial » de ces contrats de site est élaboré, au regard des objectifs et des moyens envisagés, à partir d'une étude d'impact qui lui est annexée, portant sur les effets locaux et régionaux de développement durable et culturel du site universitaire et de recherche.
Cet amendement est conforme à l'esprit de la loi du 22 juillet 2013 et aux schémas régionaux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation qui le traduisent.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - L'association des collectivités territoriales aux contrats de site était prévue par la loi mais n'a pas été appliquée. Je suis donc réservée sur le fait d'imposer une étude d'impact avant d'avoir commencé à le faire. Retrait, sinon sagesse.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Des formations émergent au sein des campus, auxquelles sont associées les collectivités territoriales.
De nombreuses unités ont engagé des partenariats avec leur territoire. Je suis favorable à cette étude d'impact.
M. Franck Montaugé. - Il y a une réalité territoriale ; nous avons toute la matière nécessaire à la réalisation de ces études d'impact.
L'amendement n°56 rectifié bis est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°235, présenté par Mme L. Darcos, au nom de la commission de la culture.
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le titre IV du livre III du code de la recherche est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« L'établissement public Campus Condorcet
« Art. L. 345-1. - L'établissement public Campus Condorcet est un établissement public national de coopération à caractère administratif rassemblant les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche, publics et privés, qui regroupent tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens sur le campus de sciences humaines et sociales dénommé Campus Condorcet.
« L'établissement public Campus Condorcet, placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche, a pour mission d'assurer la réalisation et le fonctionnement du Campus Condorcet.
« À cette fin, il coordonne la programmation et la réalisation du campus. Il réalise des acquisitions et opérations foncières et immobilières. Il assure pour le compte de l'État, dans le respect des règles de la commande publique, la conception et la réalisation de constructions et d'équipements nécessaires à l'exercice de ses missions. Il assure l'exploitation, la gestion, la promotion et la valorisation du Campus Condorcet.
« Les articles L. 719-14 et L. 762-2 du code de l'éducation sont applicables à l'établissement public Campus Condorcet.
« Art. L. 345-2. - L'établissement public Campus Condorcet a également pour missions de :
« 1° Collecter, enrichir, valoriser, mettre à disposition et conserver des ressources documentaires ;
« 2° Soutenir et faciliter les activités de recherche et de formation de ses membres, notamment à l'échelle européenne et internationale ; soutenir et faciliter d'autres activités de recherche et de formation ;
« 3° Soutenir et faciliter l'innovation, notamment numérique, et la valorisation de la recherche ;
« 4° Contribuer à la diffusion des savoirs et de la culture scientifique ;
« 5° Soutenir et faciliter la vie étudiante et développer la vie de campus ;
« 6° Coordonner, avec tout ou partie des établissements et organismes membres, l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes de recherche et d'innovation, notamment de programmes favorisant l'interdisciplinarité entre les sciences humaines et sociales et les autres domaines scientifiques ;
« 7° Assurer la mise en oeuvre d'activités et de projets qui lui sont confiés par tout ou partie de ses membres, notamment en matière scientifique.
« Art. L. 345-3. - L'établissement public Campus Condorcet est administré par un conseil d'administration, qui détermine sa politique, approuve son budget et en contrôle l'exécution.
« Le conseil d'administration comprend :
« 1° Un représentant de chacun des établissements et organismes membres de l'établissement ;
« 2° Un représentant du ministre chargé de l'enseignement supérieur et un représentant du ministre chargé de la recherche ;
« 3° Des représentants des collectivités territoriales sur le territoire desquelles est implanté l'établissement ;
« 4° Des représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs exerçant leurs fonctions dans l'établissement ou dans l'un des établissements ou organismes membres ;
« 5° Des représentants des autres personnels exerçant leurs fonctions dans l'établissement ou dans l'un des établissements ou organismes membres ;
« 6° Des représentants des étudiants qui suivent une formation dans l'un des établissements membres ;
« 7° Des personnalités qualifiées désignées par arrêté conjoint des ministres de tutelle de l'établissement.
« Les membres du conseil d'administration mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 6° et 7° représentent au moins les deux tiers de l'effectif du conseil.
« Le président de l'établissement, choisi parmi les membres du conseil d'administration sur proposition de celui-ci, est nommé par décret pris sur le rapport des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il préside le conseil d'administration et dirige l'établissement. Il est assisté par un bureau qu'il préside et qui est composé des représentants des établissements et des organismes membres de l'établissement siégeant au conseil d'administration.
« Art. L. 345-4. - Un conseil scientifique assiste le conseil d'administration et le président de l'établissement. Il est composé de représentants des établissements et organismes membres et de personnalités qualifiées françaises et étrangères.
« Art. L. 345-5. - Les ressources de l'établissement public Campus Condorcet comprennent les contributions des établissements et des organismes qui en sont membres et toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. L'État lui attribue, pour l'accomplissement de ses missions, des équipements, des personnels et des crédits.
« L'article L. 719-9 du code de l'éducation est applicable à l'établissement public Campus Condorcet.
« Art. L. 345-6. - L'établissement public Campus Condorcet conclut avec l'État un contrat pluriannuel qui définit, pour l'ensemble de ses activités, les objectifs de l'établissement et les engagements réciproques des parties. Le contrat prévoit les objectifs partagés avec les établissements et organismes membres, qui sont associés au contrat.
« Le contrat pluriannuel inclut un volet territorial associant la région Ile-de-France et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires compétents. Les autres collectivités territoriales concernées peuvent être associées à ce volet territorial du contrat. Le volet territorial décrit les objectifs et les engagements des parties concernant l'insertion du campus dans l'environnement économique, social et culturel régional et local.
« L'établissement rend compte de l'exécution de ses engagements et de l'atteinte des objectifs prévus dans le contrat au moins une fois tous les deux ans.
« L'exécution du contrat fait l'objet d'une évaluation par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'État tient compte des résultats de l'évaluation pour déterminer les engagements financiers qu'il prend envers l'établissement dans le cadre du contrat pluriannuel.
« Art. L. 345-7. - Un décret détermine la liste des membres de l'établissement public Campus Condorcet, les modalités permettant de prononcer l'accueil d'un nouveau membre et le retrait ou l'exclusion d'un membre, les modalités de représentation des membres dans les conseils, ainsi que les conditions d'organisation et de fonctionnement de l'établissement. Il précise les compétences que celui-ci peut exercer par délégation des établissements et des organismes membres. »
II. - L'article 44 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain est abrogé.
III. - Les I et du II entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2022.
Les mandats en cours des membres du conseil d'administration et du conseil scientifique courent jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de la présente loi.
Le président en fonction à la date de publication de la présente loi reste en fonction jusqu'à la nomination du prochain président dans les conditions prévues par la présente loi.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cet amendement donne toute sa place au « Campus Condorcet » mis en place en 2017, et rassemblant notamment l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et l'École nationale des chartes. C'est l'un des instruments de la politique nationale de recherche en faveur des sciences humaines et sociales. Il inscrit les modalités de gouvernance, d'organisation et de fonctionnement de l'établissement public « Campus Condorcet » dans le code de la recherche tout en clarifiant ses compétences en matière de coopération scientifique dans le domaine des sciences humaines et sociales. Il inscrit également ce campus dans son territoire en prévoyant un volet spécifique du contrat d'établissement associant les collectivités territoriales, notamment la région Île-de-France.
Il était important de marquer par un amendement spécifique notre intérêt pour les sciences humaines et sociales.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Tout cela va dans le bon sens pour réussir ce projet ambitieux. Avis favorable.
L'amendement n°235 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°163, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la troisième phrase du troisième alinéa de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « À l'issue de la soutenance de la thèse, le candidat doit prêter serment en s'engageant à respecter les principes et les exigences de l'intégrité scientifique, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la recherche. »
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement symbolique redonne de la valeur au doctorat, à la thèse et à la soutenance de thèse, acte scientifique fort couronnant un cursus honorum. Écrire une thèse, cela vous change un individu, il faut que la société le sache. En tant que docteur, vous êtes incorporé au sein d'une discipline, où vous pouvez intervenir sur les paradigmes, sur les modes de probation du discours scientifique ; cela vous distingue des ingénieurs, par exemple, qui sont plus dans un mode d'application de la science.
C'est ce que j'essaie - peut-être maladroitement - d'affirmer par ma proposition d'un serment, inspiré de celui d'Hippocrate, que les docteurs, prononceraient solennellement à la fin de la soutenance, après que le jury est revenu donner son avis. Cela donnerait des droits et quelques devoirs.
Notre République a besoin de rites. Ceux qui ont assisté à des soutenances le savent ; il manque quelque chose entre la proclamation des résultats par le jury et le pot de thèse... Et cela ferait pleurer tous les parents ! (Sourires)
Mme Sophie Primas. - Très bien !
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Cela n'a pas que valeur de symbole. Cette prestation de serment renforce aussi la place des docteurs et leur engagement au service de l'intégrité scientifique. Avis favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - C'est un symbole fort, solennel. Travaillons ensemble à la rédaction de ce serment.
L'amendement n°163 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - À l'unanimité ! (Bravos et applaudissements nourris)
ARTICLE 10 BIS
M. le président. - Amendement n°104, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 7
Supprimer les mots :
et d'innovation
M. Pierre Ouzoulias. - Merci de votre sympathie. Je vous fais grâce de ma glose lexicographique.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis défavorable. L'innovation n'est pas que technologique ou industrielle, elle peut être sociale, pédagogique. Il serait dommage de supprimer ce terme.
L'amendement n°104 est adopté.
L'article 10 bis, modifié, est adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°130 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson, Savin et Bonne, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet.
Alinéa 4
1° Après les mots :
unités de recherche
supprimer la fin de la première phrase.
2° Après la première phrase :
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces dernières peuvent, après accord des organes directeurs de l'établissement, administrer les dotations globales de fonctionnement et d'équipement qui leur sont allouées.
M. Stéphane Piednoir. - Cet amendement clarifie le cadre juridique des unités de recherche.
L'article 11 complique encore le paysage de la recherche publique française, en ouvrant la possibilité de la création directe d'unités de recherche à d'autres établissements, sans concertation avec les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Loin du « choc de simplification », la multiplication de structures complexifie le système et dilue les moyens.
La logique d'uniformisation est en totale contradiction avec le principe d'autonomie des universités. Des partenariats peuvent être noués avec des organismes ou associations contribuant à un projet de recherche.
L'amendement n°66 rectifié n'est pas défendu.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement n°130 rectifié.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis défavorable. Cette limitation poserait problème à certaines fondations d'utilité publique ou associations, acteurs importants de la recherche publique, comme l'Institut Pasteur ou l'Institut Curie. Pour le reste, votre amendement est satisfait. Je redis ma confiance aux directeurs d'unités de recherches.
L'amendement n°130 rectifié est adopté.
L'amendement n°105 est retiré.
L'article 11, modifié, est adopté.
ARTICLE 12
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.
Alinéa 5
Après le mot :
ciblés
insérer les mots :
et veille à l'équilibre territorial de leur répartition
M. Jean Hingray. - Cet amendement garantit que les crédits de l'ANR seront répartis selon un certain équilibre territorial, pour répondre à l'une des craintes du monde de la recherche.
Il est clair qu'un financement direct des laboratoires renforcerait les inégalités. Mais l'ANR ne saurait mécaniquement y remédier, les grosses structures étant les mieux outillées pour répondre aux appels d'offres.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - L'objectif est louable, mais incompatible avec le principe de sélection par des critères scientifiques. Retrait ou avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis. Il faut se sortir de l'esprit que les établissements situés en dehors des grandes métropoles n'ont pas de crédits de l'ANR. La qualité scientifique n'est pas concentrée à l'intérieur du périphérique.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°106, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'Agence nationale de la recherche favorise la publication en langue française.
M. Pierre Ouzoulias. - Cet amendement porte sur l'action de l'ANR sur les publications en langue française. En sciences humaines et sociales notamment, les éditeurs en langue française ont de plus en plus de mal à survivre.
L'évaluation scientifique actuelle a un problème avec le livre - qu'elle n'intègre pas, à la différence du nombre d'articles dans des revues. Or le livre est un objet fondamental en sciences humaines et sociales, confronté à des difficultés croissantes, pour des raisons économiques, écologiques et d'évaluation.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Il est symboliquement important de voter cet amendement. Ce qui me rassure, c'est que vous parlez de « favoriser ». Tout est en anglais car cette langue est, dans les faits, universelle. Le livre, c'est un autre sujet. Avis favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Je ne comprends pas ce que vous attendez de cet amendement. À l'ANR, ce sont les pairs qui évaluent les projets : dans des communautés où on publie des livres, en français, les projets qui le font seront favorisés. Avis défavorable.
M. Pierre Ouzoulias. - J'ai dû mal expliquer mon amendement, manquer de pédagogie.
Tous les établissements vous diront qu'ils ne font pas de bibliométrie, et qu'ils évaluent qualitativement. Mais, dans les faits, dans l'urgence, les chercheurs sont d'abord recrutés sur leur impact factor, qui dépend de la qualité de la revue dans laquelle un article est publié. Or le livre n'en a pas, par définition, car ce critère dépend de la cotation scientifique des revues dans lesquelles le chercheur publie.
Quant à l'ANR, elle est chargée d'une mission spécifique de communication scientifique, avec un budget dédié, qui pourrait être augmenté. Celui-ci pourrait ainsi servir, en partie, à favoriser les publications en français.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis favorable, grâce à vos explications.
M. Stéphane Piednoir. - Peut-être notre collègue a-t-il voulu parler de « facteur d'impact », plutôt que d'utiliser l'anglais ? (Sourires et applaudissements)
L'amendement n°106 est adopté.
M. le président. - Encore à l'unanimité !
Amendement n°210, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 10
Supprimer les mots :
par accord entre eux ou, à défaut,
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Cet amendement clarifie l'article 12, par lequel le Gouvernement souhaite augmenter le préciput, non pas la part versée directement au lauréat, mais celle qui soutient collectivement la science autour du lauréat.
Un travail a été mené avec les organismes de recherche et les universités pour établir cette répartition. Cet amendement établit que la part dévolue au gestionnaire sera augmentée, ainsi que la part spécifique du laboratoire de l'équipe lauréate et la part dévolue à la politique des sites.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Un accord a été trouvé au sein du groupe de travail, d'après l'objet de cet amendement.
Mais celui-ci renvoie à un décret, au lieu de préciser les parts. Cela fait pourtant quinze jours que nous vous demandons le protocole d'accord, madame la ministre. Nous sommes un peu « à sec » et je suis désolée de devoir donner un avis défavorable.
M. le président. - Amendement n°131 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Rapin, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson et Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Gremillet, Chevrollier et Husson.
Alinéa 10
Après le mot :
eux
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
pour financer la stratégie scientifique de ces établissements, ainsi que les coûts d'environnement et de gestion induits. À défaut, il est réparti par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche en respectant ces mêmes objectifs.
M. Stéphane Piednoir. - Cet amendement précise justement que cette répartition serait décidée par les universités, ne renvoyant au décret que par défaut.
Nous devons encourager la collaboration entre établissements de recherche, atout du système français.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis favorable à cet amendement qui constitue un pas dans la bonne direction.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Avis défavorable.
La concertation a abouti à quatre parts : celles du gestionnaire, de l'hébergeur, du laboratoire et de la politique de sites. Cela prend en compte tous les niveaux. Les directeurs d'unité nous disent qu'ils ont besoin de financements pour encourager les projets qu'ils voient émerger.
C'est ainsi que l'on repère des pépites.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Il est très louable d'être arrivé à un accord. Mais pourquoi ne pas afficher clairement dans la loi les quatre vecteurs, sans nécessairement détailler la répartition ? L'avis de la commission reste défavorable.
M. Pierre Ouzoulias. - Ce débat est très intéressant. Madame la ministre, vous tentez de régler une contradiction. L'essentiel des financements de cette loi de programmation passe par l'ANR. Mais nous avons tous conscience qu'il faut un équilibre entre financements sur projet et récurrents.
À trop demander à l'ANR, vous risquez d'en faire une vache à lait pour des politiques que vous pourriez mener autrement, par exemple par des crédits récurrents.
La répartition des crédits ANR sont très inégalitaires, territorialement. M. Hingray l'a bien dit, mais aussi selon les disciplines.
Les sciences sociales et humaines n'ont pas l'encadrement administratif suffisant pour rédiger des appels d'offres.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Non, l'essentiel du financement ne passe pas par l'ANR ! Celle-ci aura un milliard d'euros de plus sur les cinq milliards d'euros supplémentaires globalement. Au total, elle apportera 1,7 milliard sur 20 milliards d'euros. Quant à la difficulté des sciences humaines et sociales à obtenir des financements de l'ANR, c'est une idée un peu datée ; j'en veux pour preuve les nombreuses discussions que j'ai eues avec des présidents d'université de sciences humaines et sociales.
L'appel à projets Flash Covid-19 compte ainsi 33 % de financements de projets en sciences humaines et sociales, me disait Thierry Damerval, le président de l'ANR. Elles ont tout à gagner aux systèmes de financement prévus par le texte.
L'amendement n°210 n'est pas adopté.
L'amendement n°131 rectifié bis est adopté.
M. le président. - Amendement n°107, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'État veille à abonder de manière plus importante les financements de base des établissements appelés à bénéficier de financements autres que ceux de l'Agence nationale de la recherche.
M. Pierre Ouzoulias. - En effet, il y a eu un fort taux de réponse pour les sciences humaines et sociales dans Flash Covid.
Mais c'est parce que l'ANR a eu un taux de réponses positives de 50 %. Dans de telles conditions, tout va très bien ! Mais nous ne l'atteindrons jamais, avec notre loi de programmation de la recherche.
Cet amendement reconnaît de façon forte l'intérêt des liens entre les laboratoires et les collectivités territoriales.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Retrait ou avis défavorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Même avis.
L'amendement n°107 n'est pas adopté.
L'article 12, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le chapitre II du titre III du livre VII de la troisième partie du code de l'éducation est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase de l'article L. 732-2, après les mots : « de l'enseignement supérieur », sont insérés les mots : « et de la recherche » ;
2° La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 732-3 est complétée par les mots : « et entame, tous les trois ans, un dialogue financier avec les services du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche afin de valoriser la participation des établissements définis à l'article L. 732-1 aux missions de service public de l'enseignement supérieur et de la recherche définis à l'article L. 123-3 ».
II. - Le titre Ier du livre III du code de la recherche est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Les établissements privés associés à la mission de service public de la recherche
« Art. L. 311-.... - Les établissements privés en contrat avec l'État, tels que définis à l'article L. 732-1 du code de l'éducation, concourent à la mission de service public de recherche et aux objectifs de la recherche publique définis à l'article L. 112-1 du présent code. Ils sont évalués par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. »
M. Jean Hingray. - Cet amendement valorise et encadre la participation des établissements privés à but non lucratif en contrat avec l'État (Eespig) à l'effort national de recherche.
M. le président. - Amendement identique n°74 rectifié, présenté par M. Perrin, Mme Deroche, MM. Milon et B. Fournier, Mme Chauvin, MM. Rietmann et Brisson, Mme Deromedi, M. Savary, Mme M. Mercier, MM. D. Laurent, Bonne et Joyandet, Mmes Delmont-Koropoulis, Raimond-Pavero et Ventalon, M. Lefèvre, Mme F. Gerbaud, M. Bascher, Mme Imbert, MM. E. Blanc et Regnard, Mme Lherbier, MM. del Picchia, Bouchet, Sautarel et Pointereau, Mme Micouleau et MM. Belin et Grosperrin.
M. Max Brisson. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°132 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Calvet, Mme Joseph, M. Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et M. Gremillet.
M. Stéphane Piednoir. - Défendu.
Mme Laure Darcos, rapporteure. - Avis favorable.
Mme Frédérique Vidal, ministre. - Retrait ou avis défavorable. Ce que vous demandez existe déjà : la recherche fait partie des missions de ces établissements, inscrites dans le code de l'éducation.
La nature même de l'Eespig suppose nécessairement que l'enseignement s'appuie sur une activité de recherche. L'évaluation par le Hcéres serait redondante.
Les amendements identiques nos60, 74 rectifié et 132 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Le Sénat a examiné 44 amendements. Il en reste 81 à examiner.
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, Pierre Jourdan, qui fut sénateur de l'Ardèche, de 1971 à 1980.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières est parvenu à l'adoption d'un texte commun.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.
Hommage aux victimes de l'attentat de Nice
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent ; MM. les ministres se lèvent également.)
Attentats après attentats, la France des Lumières s'assombrit. Après l'abominable assassinat contre Samuel Paty, le terrorisme islamique a à nouveau frappé, ce matin, à Notre-Dame de l'Assomption à Nice, ville tellement meurtrie déjà ! Je tiens, au nom du Sénat, à exprimer ma compassion et mon soutien aux familles et aux proches des victimes.
J'ai aussi une pensée émue pour les catholiques de France, durement éprouvés à la veille de la Toussaint. Je pense aussi au Père Hamel lâchement assassiné en son église de Saint-Étienne-du-Rouvray en juillet 2016. Je pense aux Niçoises et Niçois encore une fois frappés.
L'islamisme radical a déclenché une offensive de grande ampleur contre notre pays, notre peuple, notre identité et, j'ose le dire, notre civilisation et nos valeurs. S'attaquer à une église, à un temple, à une synagogue, à une mosquée, c'est s'attaquer à la République tout entière.
Aristide Briand disait que la loi doit protéger la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi. Nous sommes à la croisée des chemins. Faiblir, c'est renoncer. Renoncer, c'est abdiquer sur les valeurs qui ont construit notre Nation et notre République. Aujourd'hui, notre combat est celui de l'esprit des Lumières contre l'obscurantisme.
L'esprit de la Résistance doit nous animer : c'est une Nation solidaire et unie face à ce qui est un ennemi, j'ose le mot, clairement désigné.
Le Sénat sera à la hauteur de ses responsabilités dans toutes les composantes de sa diversité.
Je vous invite à observer, non pas comme une répétition ou une forme de litanie, un moment de recueillement mais aussi d'engagement à la mémoire des victimes de cet attentat à qui nous devons d'être une République debout. (Mmes et MM. les sénateurs observent un moment de recueillement.)
Déclaration du Gouvernement relative à l'évolution de la situation sanitaire
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à l'évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.
M. Jean Castex, Premier ministre . - C'est dans un contexte particulièrement dramatique de l'attentat atroce de Nice que je m'adresse à vous. Le Président de la République s'est rendu sur place. Il est de mon devoir d'être ici, au Sénat, dans mes fonctions.
La vie démocratique que certains souhaitent abattre doit, plus que jamais, suivre son cours. La France subit une nouvelle fois une attaque sanglante. La République doit rester debout. Je prononcerai donc le discours prévu.
Le vendredi 16 octobre, avec le meurtre de Samuel Paty, la liberté d'expression et la liberté d'enseigner étaient prises pour cible. Aujourd'hui, c'est la liberté de culte et de conscience qui est attaquée.
Dans ce moment d'une gravité exceptionnelle, où l'émotion du pays est à son comble, j'adresse au nom du Gouvernement mes plus sincères condoléances aux familles et proches des victimes et un message de soutien aux catholiques de notre pays, frappés au coeur dans une église à la veille des fêtes de la Toussaint.
Le Président de la République a convoqué demain un Conseil de défense et de sécurité nationale et j'ai activé le plan Vigipirate urgence attentat sur l'ensemble du territoire national.
Vous avez raison, monsieur le Président, la République ne faiblira pas, elle n'abdiquera pas.
Il faut remonter à près d'un siècle dans l'histoire de la France et du monde pour trouver une crise sanitaire comparable à celle que nous vivons. Hier soir, le Président de la République s'est adressé aux Français pour leur faire part des décisions prises pour affronter l'épidémie. Aujourd'hui, il me revient de vous présenter les raisons et les modalités de ces nouvelles mesures. Nous en débattrons et vous vous prononcerez.
J'ai parfaitement conscience que nous demandons à nos concitoyens de nouveaux efforts et sacrifices, mais ils sont rendus nécessaires par cette nouvelle flambée de l'épidémie, qui ne concerne pas que la France mais tous les pays européens.
L'accélération brutale et soudaine, en large partie imprévue dans son intensité y compris par la communauté scientifique, nous oblige à agir plus fort.
Ce virus doit appeler chacune et chacun à la plus grande humilité. Le caractère inédit de la crise et des difficultés qu'elle provoque tient en partie à la nouveauté du virus ; il n'existait pas il y a encore un an et reste encore largement imprévisible.
La France, comme ses voisins, a déconfiné progressivement et de manière territorialisée à partir du 11 mai. Dès que les signes de reprise de l'épidémie se sont manifestés pendant l'été, nous avons mis en place une réponse progressive et territorialisée, là encore comme nos voisins.
Devant cette assemblée dont je connais l'attachement aux territoires, au dialogue et à la proximité, je tiens à saluer les élus locaux avec lesquels je suis en lien permanent depuis des semaines.
Je tiens à saluer leur grand sens des responsabilités. Le couple préfet-maire, dont je me suis toujours fait l'ardent promoteur, fonctionne très bien. Je remercie aussi les départements et les régions pour leur mobilisation.
Cette stratégie se heurte hélas à la flambée de l'épidémie et j'insiste sur ce mot. Aucun pays européen n'est épargné. Je discute régulièrement avec mes homologues de la situation dans leur pays et des mesures mises en place.
En France, l'épidémie sévit désormais sur tous les territoires. Si, comme lors de la première vague, la mortalité affecte principalement des personnes très âgées, la maladie frappe toutes les générations avec des formes graves et parfois des séquelles lourdes et durables.
Aujourd'hui, 60 % des lits de réanimation sont occupés par des patients Covid, soit deux fois plus qu'il y a quinze jours. Au mois de novembre, le pic d'hospitalisation sera vraisemblablement plus élevé qu'en avril dernier. Cette situation nous oblige à accélérer la mise en oeuvre de nouvelles mesures.
Le Président de la République a décidé d'instaurer un nouveau confinement sur l'ensemble du pays jusqu'au 1er décembre, avec des modalités adaptées pour l'outre-mer. Nos voisins sont ou seront contraints à des mesures similaires, car c'est la seule solution pour sauver des vies.
Certains soutiennent que multiplier les lits de réanimation suffirait à endiguer l'épidémie. Mais on ne peut pousser les murs des hôpitaux ni former un médecin-réanimateur ou une infirmière spécialisée en six mois. Quand bien même nous augmenterions sans limite nos capacités, ce raisonnement suppose que l'on accepte que le nombre d'intubations et de morts s'envole. C'est le contraire que nous devons faire : mieux vaut prévenir que guérir.
Seconde idée fausse : certains proposent de confiner les plus vulnérables de nos concitoyens, à commencer par les personnes âgées. Mais qui peut croire que l'on pourrait ériger un mur étanche entre elles et le reste de la population ? Tout aussi fausse est l'idée selon laquelle nous pourrions laisser galoper l'épidémie parmi la population sans qu'elle ne touche les plus âgés.
Nous savons que le confinement n'est pas exempt de graves conséquences économiques, psychologiques et sociales. Ce nouveau confinement sera différent de celui mis en oeuvre au printemps ; nous avons tiré les leçons de la première vague.
D'abord, les établissements scolaires resteront ouverts, car le risque de décrochage scolaire a été accru au printemps dernier, notamment pour les élèves les plus défavorisés. Les enseignants ont aussi souffert d'être séparés de leurs élèves. Je sais pouvoir compter sur leur dévouement et sur leur attachement à la République.
Nos grands services publics - La Poste, les guichets des administrations - doivent aussi continuer à fonctionner dans cette nouvelle phase.
Les crèches, les écoles, les collèges et les lycées resteront ouverts, ainsi que le secteur périscolaire. Dès lundi, le protocole sanitaire sera renforcé. Conformément à l'avis de la Société française de pédiatrie et du Haut Conseil de la santé publique, le port du masque sera étendu aux enfants du primaire dès l'âge de 6 ans.
La France a été l'un des pays les plus touchés par la récession lors du premier confinement. Aussi, tout doit être fait pour éviter une chute brutale de l'activité économique. Ne mettons pas notre économie sous cloche. La plus grande majorité d'entre nous doit continuer à travailler tout en limitant au maximum la circulation du virus : le recours au télétravail doit être utilisé de manière la plus massive possible. Ceux qui ne peuvent y recourir et dont l'activité est autorisée bénéficieront d'une attestation pour aller travailler.
Les activités du bâtiment et des travaux publics (BTP), les usines, les agriculteurs doivent continuer. Pour autant, malgré notre volonté d'adaptation, le confinement aura des conséquences économiques et sociales lourdes, notamment pour les secteurs déjà fragilisés qui seront fermés administrativement. C'est un défi considérable à relever.
Je comprends la détresse de ceux que l'on empêche ainsi de travailler. Les commerces - hors ceux de première nécessité -, les bars, les restaurants, les entreprises de l'événementiel, du sport, du cinéma, du spectacle vivant seront fermés. C'est douloureux car ils participent de l'esprit français, mais nous devons aux Français une ligne claire et des décisions lisibles.
Je pense aussi au tourisme, à l'hôtellerie, à l'aéronautique et à l'automobile. Nous ferons tout pour les accompagner, ainsi que les indépendants, pour éviter les risques de faillite.
L'État a déployé lors de la première vague des mesures exceptionnelles de soutien, parmi les plus ambitieuses d'Europe. Elles seront reconduites et amplifiées, car notre tissu économique est fragilisé depuis le printemps.
Mercredi, le Conseil des ministres adoptera un nouveau projet de loi de finances rectificative pour 2020 avec 20 milliards d'euros supplémentaires pour financer ces mesures exceptionnelles. Ces dépenses sont d'abord un investissement pour limiter le coût économique, financier, humain de la pandémie.
Certains ont souffert plus que d'autres depuis le début de cette crise et seront également affectés par le second confinement : les jeunes, les indépendants, les travailleurs de la deuxième ligne, les personnes fragiles et précaires. En concertation avec les partenaires sociaux que j'ai reçus en début de semaine et dont je salue le sens des responsabilités, les associations et les organisations professionnelles, nous allons renforcer les mesures qui leur sont destinées. La solidarité nationale continuera à se déployer pleinement.
Les mesures prises sont particulièrement difficiles à accepter après le confinement du printemps. Aussi, la situation sera réévaluée au bout de quinze jours pour d'éventuels ajustements. Nous sommes déjà à pied d'oeuvre pour préparer l'après-1er décembre, pour tester mieux et plus vite, pour alerter plus rapidement et pour mieux protéger, afin de vivre avec ce virus jusqu'à ce que la science nous permette d'en venir à bout.
Nos concitoyens sont inquiets et en souffrance. Tous sont menacés par la maladie et par la crise qui en découle.
Cette crise, c'est un rendez-vous avec nous-mêmes, car la vie avec le virus repose sur notre responsabilité individuelle et collective. Une part de la solution est entre les mains de chacune et chacun d'entre nous : adaptons nos comportements, adoptons les gestes barrières, protégeons-nous et protégeons les autres. Hissons-nous à la hauteur des événements exceptionnels que traverse la France.
Nous vivons un moment particulièrement difficile. Nous affrontons un ennemi sans stratégie ni volonté, mais qui tue.
Si la France est de nouveau endeuillée, la République tient debout. La double épreuve qui nous frappe est inédite. Nous devons faire corps, faire le choix de la vie et de la solidarité. C'est le seul qui s'impose. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
La séance, suspendue à 15 heures, reprend à 15 h 15.
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre pays vit des heures noires ; la concorde nationale n'est pas une vaine expression quand il s'agit de préserver notre pacte républicain et notre modèle de société.
Les Français ont besoin de se rassurer, de se projeter, d'être solidaires, et d'avoir confiance dans leurs dirigeants ; l'absence de perspectives est le terreau fertile du délitement de notre République.
Mes premiers mots sont pour les victimes de l'attaque ignoble de ce matin et pour nos forces de sécurité.
Je rends aussi hommage au dévouement de nos soignants, déjà si éprouvés et dont les prochaines semaines vont être un enfer, aux travailleurs qui ne pourront pas se confiner, à ceux qui ont été touchés par le virus, qui ont perdu des proches ; je salue enfin ceux qui sont dans la précarité et la solitude.
La France, depuis mars, a changé. La pandémie l'a percutée et détruite, pour certains de nos compatriotes. Cette nouvelle épreuve demande un effort plus important que durant la première vague.
Notre rôle de parlementaires est de participer au débat national. Le 10 septembre puis le 15 octobre, Valérie Rabault et moi-même demandions ce débat, bien en amont. Ce n'était pas un caprice, mais une nécessité. Monsieur le Premier ministre, vous avez décliné et je le regrette.
Nous regrettons aussi votre gestion trop pyramidale. L'exécutif n'a pas présenté les scenarii qu'il a travaillés ; d'où la réunion surréaliste de l'avenue de Ségur mardi.
Le Parlement n'est pas le supplétif de quelque conseil que ce soit, fût-il scientifique.
Le Président de la République a décidé, a-t-il dit, de confiner le pays. Les consultations préalables n'étaient que de forme.
Mme Sophie Primas. - Très bien !
M. Patrick Kanner. - Pour autant, nous voterons ces mesures indispensables ; (On s'en étonne sur les travées du groupe Les Républicains) c'est un vote pour protéger les Français, pas un quitus donné à votre gestion.
Mme Sophie Primas. - Mais si !
M. Patrick Kanner. - Nous ne pouvons vous accorder notre confiance. La situation était inattendue ; de nombreux spécialistes, dont le président du Conseil scientifique, jugeaient « fortement probables » un retour du virus dès la fin juillet et le risque d'une deuxième vague en novembre.
Or, le 14 juillet, le président de la République affirmait que nous étions prêts à affronter une deuxième vague. Vous-même, le 27 août, déclariez qu'il n'y avait pas de quoi s'affoler.
Hier soir, Emmanuel Macron se déclarait « surpris » par l'évolution du virus, en nous comparant aux autres États. Mais je vous demande d'être meilleur que les autres États ! Gouverner c'est prévoir.
Tous les rapports pointent des dysfonctionnements dans la gestion de la pandémie ; Bernard Jomier le rappelait hier. Le tryptique « Tester, tracer, isoler » n'a pas fonctionné.
L'hôpital public risque d'imploser alors que le Ségur peine à prendre forme. Le 6 mai, nous vous entendions en tant que chargé du déconfinement. Aujourd'hui, vous êtes le Premier ministre en charge du reconfinement. Pouvez-vous nous préciser les scenarii pour en éviter un troisième début 2021 ?
Contrairement à ce qu'ont dit votre porte-parole et votre ministre de la Santé, nous avons fait des propositions, nous avons alerté sur les dysfonctionnements.
Sur la question sociale, aucun quitus non plus pour votre Gouvernement. Il y a un million de Français de plus sous le seuil de pauvreté. Il fallait réagir plus vite à ce drame social. Votre saupoudrage ne prend pas en compte l'existant et encore moins ce qui nous attend : les jeunes, les pauvres, les précaires sont sortis de votre radar alors que la crise va être durable.
Vos mesures comme la flat tax et la suppression de l'ISF ont fait fortement augmenter les revenus de 0,1 % des plus riches (Marques d'agacement sur les travées du groupe les Républicains). Aurons-nous une vraie taxation du capital ?
M. Bruno Sido. - Et voilà, c'est reparti !
M. Patrick Kanner. - Quand reviendrez-vous sur la baisse des APL, celle de l'assurance chômage ? Quand élèverez-vous les minima sociaux et les élargirez-vous aux jeunes ? Quand distribuerez-vous les masques gratuits à l'école ?
La réalité est sous nos yeux, tragique. Allez-vous la prendre en compte ? Il faudra accompagner la restauration, le commerce de proximité, mais aussi la culture, le sport.
Notre vote est un vote pour les Français, à vous d'aller vers eux, en sortant de votre verticalité et en allant vers les élus locaux. Il faut des réponses territorialisées, concertées - voyez la Polynésie, touchée de plein fouet par la seconde vague.
Nous vous demandons plus de transparence citoyenne, base de la confiance de nos concitoyens. Nous voterons cette déclaration pas pour vous mais pour les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe SER tandis qu'on s'exclame sur divers bancs du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Ravier . - Dans quelques heures, par la volonté du Président en marche, la France sera à l'arrêt pour la deuxième fois. Il est plus facile pour Emmanuel Macron d'enfermer les Français que les islamistes !
Le Président de la République s'est livré hier à son exercice favori avec les Français : culpabiliser, interdire et mentir avec un aplomb qui forcerait presque le respect ! Le rapport du général Lizurey pulvérise ces mensonges : le Conseil de défense qui ne donne aucun conseil, préfets et directeurs d'ARS en rivalité qui se neutralisent, gestion défaillante.... Et aucune de ses 21 recommandations n'a été prise en compte !
Cela n'a pas empêché Emmanuel Macron d'affirmer le 14 juillet qu'en cas de deuxième vague nous étions prêts. Et le 12 octobre, le ministre du tourisme qui recommandait aux Français de partir pendant les vacances de la Toussaint... Et le ministre de la Santé qui suit la logique budgétaire de Bruxelles plutôt que les besoins sanitaires des Français !
Pour tenter de masquer sa responsabilité, le Président anxiogénise les Français en parlant du risque de 400 000 morts. Tout le monde risque d'être touché par le virus, mais on laisse les écoles et les Ehpad ouverts.
La grande distribution va faire des affaires juteuses, tandis que les cafés, les artisans, les commerçants et les restaurateurs sont condamnés à mort.
Le Président annonce le contrôle des frontières extérieures de l'Europe mais laisse les frontières intérieures ouvertes alors qu'il affirme dans le même temps que l'épidémie touche fortement nos voisins. Où est la cohérence ? On n'y comprend plus rien...
À la crise sanitaire, s'ajoute une crise économique et sociale inouïe infligée aux Français et vous demandez aux élus locaux d'assurer le service après-vente ! Vous n'avez d'autre solution, incapables de prévoir et d'anticiper, que d'incarcérer nos compatriotes chez eux. Ceux-ci ne croient plus à votre capacité à écouter le pays ni à juguler la pandémie.
Je le dis au nom des 35 785 victimes du Covid : ma confiance, vous ne l'aviez pas, et vous ne l'aurez définitivement plus !
M. Bruno Retailleau . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les Français traversent actuellement des heures difficiles et la situation est grave.
La France que nous aimons est frappée simultanément par plusieurs crises, auxquelles s'ajoute le totalitarisme islamique. Je salue la mémoire des victimes qui vous oblige, monsieur le Premier ministre. Je vous l'ai dit hier, nous sommes en train de perdre la guerre contre l'islamisme. Il faut sortir des demi-mesures, des solutions toutes faites. Sans action décisive, si l'on ne sort pas du cadre, vous continuerez à faire des déclarations et nous continuerons à faire des hommages tandis que les crimes se poursuivront en France et ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La situation nous oblige à la responsabilité et à la hauteur. C'est la ligne que nous nous fixons : le groupe Les Républicains a voté tous les textes que vous nous avez proposés pour protéger les Français.
Mais face à cette responsabilité, il y a une exigence, celle de la vérité chère à nos compatriotes. Nous nous devons de relayer leurs interrogations, leurs inquiétudes.
L'unité nationale, très bien ; mais cela ne peut être le prétexte pour imposer le silence dans les rangs, pour museler l'opposition nationale. Ce soir, nous allons voter un texte après l'avoir amendé, qui va vous donner les moyens d'agir. Mais vous auriez pu reporter le vote à l'issue de ce débat, qui est un vote de confiance - nous ne vous la donnerons pas - c'est- un vote pour rien et donc inutile. (M. le Premier ministre exprime son incompréhension.)
M. Gérard Longuet. - Très bien !
M. Bruno Retailleau. - Votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, est de rendre des comptes au Sénat et à tous les Français.
On a beaucoup parlé de guerre ces derniers mois. Au printemps, le Président de la République a utilisé cette métaphore, suivie d'une anaphore, la répétition à six reprises des termes : « Nous sommes en guerre ». Mais n'est pas Clemenceau qui veut... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sept mois après, la France est-elle sur le pied de guerre ? Non, elle est au pied du mur.
Monsieur le Premier ministre, je n'ai rien trouvé dans votre discours qui s'écarte de ce que nous attendions. Ce débat, ce vote, c'est un théâtre d'ombres ! (Applaudissements sur les mêmes travées)
Sept mois plus tard, que reste-t-il des déclarations du Président de la République ? C'est vrai, la seconde vague est la même pour tout le monde. Mais nous sommes au cinquième rang pour la mortalité. Peut-on s'en satisfaire ? Dans plusieurs domaines, nous faisons plus mal que les autres avec des dépenses de santé les plus élevées !
Que s'est-il passé ? Le ministre de la Santé, qui n'est pas là, déclarait le 28 mars : « L'anticipation a été absolue depuis le premier jour ! » (Une voix à droite : « Quelle honte ! ») Péremptoire, comme toujours... Alain Milon en sait quelque chose. Alors, que s'est-il passé ? D'abord l'imprévision : pas de masques, pas de gel, pas de blouses, pas non plus de cap ni de stratégie. Dès le mois de mars, nous disions que la mise sous cloche du confinement devait s'accompagner du « Tester, tracer, isoler ». Cela n'a pas été fait. Une fois la cloche retirée, le virus est reparti.
L'impréparation, ensuite : vous n'avez pas su profiter du répit que vous offrait le virus cet été. Pourtant, dès le mois de juillet, le président du Conseil scientifique vous avertissait d'une seconde vague possible. Le 9 septembre, il déclarait que le Gouvernement devrait prendre des décisions difficiles sous sept à dix jours. Quelques jours après, vous transformiez la quatorzaine en petite semaine.
La stratégie du « tester, tracer, isoler » a été battue en brèche : on a fait du chiffre. À quoi bon tester en masse si les résultats arrivent trop tard ? Pourquoi interdire aux entreprises et à la médecine du travail de participer au dépistage ? Et je ne parlerai pas de StopCovid... Les fameuses brigades ont été envoyées en vacances pendant l'été, sauf que les clusters se sont multipliés. Le traçage, l'isolement ont échoué. Dans mon département, l'isolement concerne un SDF et deux travailleurs étrangers...
Et les frontières ? Pourquoi en août, le Conseil scientifique nous enjoint d'isoler les passagers venant des zones rouges, et que rien n'a été fait ?
Ces accumulations d'échec et ces manquements à l'anticipation qui conduisent à reconfiner.
Nous allons en payer le prix fort en termes de liberté publique mais aussi de souffrances économiques et sociales. Le Gouvernement a plutôt bien accompagné l'économie, mais de grâce, ne massacrez pas le commerce de proximité. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
À quoi cela sert-il de fermer la librairie ou le marchand de chaussures du coin de la rue ? (Mêmes mouvements) Les Français vont dans les grandes surfaces. Le Président de la République disait hier : « Avons-nous tout bien fait ? » À l'évidence, non.
Nous avons tout voté. StopCovid serait-il passé sans mon engagement personnel ? J'ai emmené mon groupe pour ce vote ; c'était ma responsabilité. (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Nous continuerons à faire des propositions pour reprendre le contrôle de l'épidémie et que les Français retrouvent une vie normale.
Nous voulons un plan d'anticipation pour soigner tous les malades, y compris les plus âgés. Comme l'a révélé la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, ne mettons pas de côté les personnes âgées pour l'accès en réanimation. Créons des lits, relions hôpitaux publics et cliniques privées, comme vous l'a demandé Alain Milon, créons des structures modulaires. Une entreprise, de surcroît vendéenne, (Sourires) est capable de le faire.
Dans mon département, à La Bruffière, 63 cas sur 84 dans un Ehpad. Le maire et le directeur ont fait appel à la réserve sanitaire, mais il n'y en a pas. Ce sont les conseillers municipaux et les responsables du CCAS qui aident bénévolement.
Tracez, isolez vraiment dans les hôtels, accompagné par des SMS.
Depuis le départ, nous n'avons cessé de proposer.
Vous nous demandez une confiance. Nous ne pouvons pas vous signer un chèque en blanc. Ce vote est inutile et les Français ne vous font plus confiance (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains). Nous serons toujours là pour vous donner les moyens nécessaires. Réussissez, et je vous le souhaite, car il en va de l'avenir de la France, de la destinée commune du peuple de France. (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains dont les membres se lèvent pour accueillir l'orateur dans leurs rangs.)
M. Claude Malhuret . - Une de ses patientes disait à Freud qu'elle n'arrivait pas à éduquer son fils. « Ne vous inquiétez pas, quoi que vous fassiez, vous ferez mal. » lui répondit-il. J'ai pensé à cette anecdote mardi lorsque vous avez reçu les représentants des partis. François Bayrou a résumé la situation en disant : « Vous savez maintenant qu'être Premier ministre, cela consiste à se faire engueuler. » (M. le Premier ministre sourit sous son masque.)
Je ne me joindrai pas au choeur des plaignants. Il y a quelques jours j'ai demandé à Édouard Philippe ce qui lui avait paru le plus dur comme Premier ministre lorsqu'il devait gérer la crise et il m'a cité Churchill à qui la même question avait été posée lorsqu'il a dû gérer la Seconde Guerre mondiale : le plus dur, c'est de prendre des décisions lorsqu'un tiers des informations dont vous disposez sont incomplètes, un tiers sont contradictoires, un tiers sont fausses.
Ce qui frappe le plus dans cette épidémie, ce n'est pas que tout le monde ait été dans le brouillard au début. Un virus inconnu surgit et tout le monde patauge, c'est normal. Mais il y a quelques semaines, pendant l'accalmie, tout le monde, scientifiques, politiques, journalistes, disait : s'il y a une deuxième vague, maintenant nous sommes préparés pour y faire face. Mais rien ne se passe comme prévu, ici comme ailleurs. Je vous recommande la lecture du rapport de l'Opecst paru ce matin. La République tchèque qui n'avait presque aucun cas est aujourd'hui la plus touchée, la Grèce, épargnée lors de la première vague, instaure un couvre-feu, l'Allemagne qu'on donnait en exemple est en crise.
Cette situation est tragique : les citoyens ne font plus confiance aux gouvernants mais veulent des actes clairs et efficaces.
Les politiques tombent alors dans le piège d'affirmer des certitudes, contredites dès le lendemain. Les opposants leur reprochent alors de ne pas avoir assez anticipé, alors que c'est impossible.
Je ne participerai donc pas au concert des critiques.
Hier, le Président de la République a annoncé de nouvelles mesures de lutte. Il disposait de plus d'informations que moi.
Comment se débarrasser du virus sans mettre l'économie à terre ? Les dégâts du premier confinement montrent le risque d'un effondrement économique, social puis politique, d'une violence inouïe. Nous sommes sur un chemin de crête terriblement dangereux : prendre des mesures insuffisantes, c'est laisser mourir des gens, tuer l'économie, c'est en faire mourir d'autres.
Vous avez choisi un confinement allégé ; je ne sais pas si le curseur est au bon endroit. Personne ne le sait. Nous le saurons après coup. Je constate que tous les pays européens prennent des mesures semblables.
Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous conseiller et je souhaite que si d'autres s'y risquent, ils ne rompent pas une unité nationale déjà ébranlée. (M. le Premier ministre approuve.)
Chacune des mesures prises entrave les libertés publiques. Nos concitoyens l'acceptent si elles ne sont que temporaires.
La Ve République confère à l'exécutif des pouvoirs bien supérieurs à ceux du Parlement et tous ses gouvernements ont été tentés, à un moment ou un autre, de s'en servir, parfois d'en abuser. Je voudrais vous mettre en garde contre cette tentation.
Le Sénat, depuis le début de la crise, vous a permis de prendre de nombreuses mesures, mais vous demande de limiter les ordonnances dans le temps et de revenir plus souvent devant la Représentation nationale. Acceptez ces conditions.
Je m'associe à mon tour aux victimes de l'attentat de Nice, à la douleur des familles, des chrétiens et de tous les Français.
Le virus, l'écroulement économique, les difficultés sociales, les attentats ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences sur nos démocraties déjà affaiblies. Un peu partout en Europe, des manifestants refusent les décisions des gouvernements sur l'urgence sanitaire. Heureusement, pour l'instant, la France est épargnée. Il n'y a pas de meilleure énergie rhétorique pour les complotistes.
Souhaitons que la corde tendue à l'excès ne se rompe pas. Il faudra beaucoup de courage, c'est notre démocratie. Prenons-en soin ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI)
M. Guillaume Gontard . - Nos premières pensées vont aux victimes du barbare attentat de Nice. Dans ce lourd climat, vous venez consulter le Parlement sur des décisions déjà prises. La concertation n'est pas votre fort, en témoigne l'affligeante réunion de mardi avec les chefs de partis et présidents de groupe. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)
Ce qui était compréhensible au printemps dans l'urgence ne l'est plus. « Nous serons prêts en cas de deuxième vague », affirmait le président de la République le 14 juillet. Nous ne le sommes pas, vous ne l'êtes pas. Faute de plan de bataille, de réponse graduée, de concertation, de transparence, vous voici obligés de reconfiner.
Nous ne remettons pas en cause ce choix. Il faut protéger les Français, soulager nos soignants. Mais ce reconfinement marque l'échec de votre méthode. Je ne dis pas que nous aurions mieux fait si nous avions été aux responsabilités, mais à coup sûr, nous aurions fait différemment.
L'union nationale ne se décrète pas, elle se construit. Il fallait, pendant l'accalmie, associer toutes les forces politiques à l'élaboration de la stratégie d'endiguement du virus. Le risque est élevé que la crise sanitaire dure jusqu'à l'été. Après 18 mois de pandémie, rien ne sera totalement comme avant. Associez la Représentation nationale à la définition d'un cadre juridique pérenne adapté, finissez-en avec les ordonnances à répétition. Hélas, le projet de loi de prorogation de l'état d'urgence ne va pas dans ce sens.
Encore moins que d'habitude, le Gouvernement ne peut avoir raison tout seul. Si l'Allemagne a mieux résisté, c'est grâce à un système politique plus équilibré et un régime fédéral où les Länder participent à la prise de décisions.
Vous auriez dû associer plus étroitement les élus locaux. Le couple préfet-maire fonctionne plus ou moins bien selon les territoires, la coordination entre les différents échelons reste à construire. Heureusement, les associations d'élus comme France Urbaine ont permis le partage d'expériences.
La consultation des territoires devrait être un préalable. Définissons collectivement un cap pour élaborer ensemble des solutions. Les écologistes seront toujours présents pour construire du compromis, mais formulent certaines exigences.
Le confinement est la conséquence de la fragilité de l'hôpital public : 100 000 lits supprimés en vingt ans. Certes le Ségur de la Santé freine l'hémorragie, mais avec 4 000 lits, on est loin du compte. Vous annoncez 15 000 créations d'emploi là où il en faudrait 200 000 ! La logique comptable prévaut toujours. Le reconfinement vous oblige à revoir le PLFSS.
À quand un vrai plan d'urgence sociale ? La crise a déjà mis près d'un million de Français au chômage, des centaines de milliers ont basculé dans la pauvreté. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Il faut abandonner la réforme assurance chômage, augmenter les minima sociaux, élargir le RSA aux moins de 25 ans, renforcer l'aide alimentaire, rétablir les contrats aidés, tendre vers le revenu universel. Le secteur du réemploi solidaire est indispensable.
Il faudra accompagner les personnes fragiles, seules, les victimes de violences conjugales. Le volet social était quasi absent du plan relance, ce ne peut plus être le cas.
Les enseignants sont en première ligne. Il leur faut du matériel, des masques pour enfants, des outils pédagogiques. Il faut aussi accompagner financièrement les communes.
Pour financer cet effort, les hauts revenus doivent être mis à contribution. C'est indispensable, sur le plan comptable et moral. La dette de l'État et les comptes sociaux ne peuvent être la seule source de financement ! Il faut instaurer une contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus. Comment tolérer que des entreprises du CAC 40 distribuent des milliards d'euros de dividendes, alors qu'elles perçoivent des aides publiques ?
Il faut aussi une contribution exceptionnelle des grandes surfaces et des géants de la vente en ligne au bénéfice des petits commerçants...
Mme Sophie Primas. - N'importe quoi !
M. Guillaume Gontard. - Enfin, le Président de la République a omis de parler du défi écologique. Le projet écologiste est pourtant la meilleure réponse à la crise actuelle (M. Bruno Sido n'en est pas convaincu.) : relocaliser l'activité, développer les circuits courts, diminuer la pression démographique dans les métropoles, c'est diminuer les inégalités, respecter l'environnement et limiter la propagation du virus. (Marques de perplexité et d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe GEST choisit une abstention exigeante. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST)
M. François Patriat . - Mon intervention, je la veux sobre et confiante, car je ne suis pas convaincu que les critiques entendues ici soient à la hauteur de la situation. (Mouvements à droite) Pourquoi ne pas rappeler que la France est celle qui a le mieux traité les plus faibles pendant la crise ?(On en doute sur les travées du groupe Les Républicains.)
J'adresse mes pensées aux victimes de l'attentat terroriste de Nice, aux forces de l'ordre prises pour cible à Avignon, à nos représentations diplomatiques attaquées ce matin.
Nous vivons le temps de l'angoisse, des incertitudes. Notre sang-froid est mis à l'épreuve. Le Gouvernement nous invite à réagir : nous le ferons. La gravité de la situation exige retenue, responsabilité et engagement.
Le virus se propage à grande vitesse. Si rien n'est fait, nous aurons à déplorer 400 000 morts. L'Europe toute entière est victime d'une déferlante qui a surpris tout le monde, y compris la communauté scientifique. Même le pire des scénarios a été dépassé. Partout, les gouvernements prennent des mesures drastiques : Irlande, Italie, Pays de Galle, Espagne, Allemagne...
Le chef de l'État a décidé, avec lucidité, d'un nouveau confinement. Les Français n'auraient pas confiance ? J'ai pourtant lu que sept Français sur dix avaient approuvé les propos du Chef de l'État.
Quand le virus augmente massivement, le Gouvernement réagit massivement, avec pour objectifs la préservation de la santé des Français, l'aide aux plus vulnérables, le soutien à l'activité économique.
Prenons les décisions nécessaires, mais sachons être humbles et nous hisser à la hauteur des circonstances. La situation requiert la plus grande responsabilité, tant des élus que des citoyens. Ne cédons pas à la critique facile. (Protestations à droite)
Loin de bouder la Représentation nationale, monsieur le Premier ministre, vous l'écoutez et la considérez. Vous appliquez les trois « C » : concertation d'abord, à laquelle j'ai participé mardi (Exclamations à droite) J'y étais, pas vous ! (On proteste derechef sur les mêmes travées.) Cohérence ensuite, car votre discours n'a jamais varié ? Faut-il rappeler que cet été, face à un certain relâchement, le ministre de la Santé avait inlassablement averti du risque de rebond ? Cohésion enfin, car quelles que soient nos sensibilités, nous serons jugés sur notre capacité à entendre le message des Français : celui de l'unité nationale.
M. Jean-François Husson. - L'unité n'est pas l'union !
M. François Patriat. - Les réflexes politiciens ne feront qu'ajouter de la crise à la crise.
Loin des critiques caricaturales, vous avez préparé le pays à cette deuxième vague : vous avez reconstitué le stock de masques et de matériel médical, revalorisé les revenus des soignants, augmenté le nombre de lits de réanimation.
Nous ne préparons pas une élection mais la lutte contre la crise. Le groupe RDPI sait pouvoir compter sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Maryse Carrère . - Les membres du RDSE expriment leur solidarité aux familles des victimes de Nice, et leur soutien sans faille aux personnels des hôpitaux et des Ehpad qui méritent notre hommage. Ils sont en première ligne depuis plusieurs mois, dans des conditions éprouvantes, avec des moyens limités mais toujours avec humanité. Épuisés, ils sont dépités face à la situation catastrophique.
Le 11 mai dernier, votre prédécesseur expliquait que la France était sur un fil, dont la solidité dépendait tant de notre capacité à tester massivement que du sens civique de chacun.
Cinq mois plus tard, le déconfinement est un échec. Le taux d'incidence explose, les services de réanimation sont déjà presque saturés. Il faut donc agir, et vite, pour casser cette épidémie ; il sera toujours temps plus tard de pointer les manquements et les responsabilités.
En attendant, l'intérêt général exige de donner à l'État les moyens d'agir efficacement. Nous devons faire corps.
Cela ne signifie ni unanimité irréfléchie, ni blanc-seing. La gravité des mesures annoncées hier est aussi le fruit des décisions trop tardives. Pourquoi des ARS ont-elles attendu le dernier moment pour réarmer des lits de réanimation ? Pourquoi ne pas avoir davantage mobilisé la réserve sanitaire ?
Nous craignons que cette crise systémique se mue en une crise historique de confiance entre les citoyens et les institutions. Le flottement précédant les annonces du Président de la République y contribue. Quand cessera le feuilleton des rumeurs, le flot de propos anxiogènes et d'avis définitifs des experts auto-proclamés ?
La colère a dépassé la résignation. Voyez ce que cela donne en Italie. Alors que le fanatisme religieux nous attaque, nous avons besoin d'un État solide et sûr de ses valeurs.
Rebâtir cette confiance passe par une subsidiarité plus grande. Les élus locaux ont été à la hauteur de la situation. Cela passe aussi par la restauration d'un dialogue de qualité avec le Parlement.
Oui, la priorité est de vaincre le virus ; mais pas au prix du sacrifice de notre économie. Je pense aux petits commerces dits « non essentiels », aux professions indépendantes, aux salariés qui ne peuvent pas télétravailler et qui ont été en première ligne au printemps.
Comment laisser les grandes surfaces vendre des produits non essentiels alors que les petits commerces spécialisés doivent fermer ? C'est inéquitable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
Au nom de la clarté et de l'exigence démocratique, notre groupe vous apportera un soutien de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Éliane Assassi . - Je fais part de notre émotion à l'annonce des actes barbares survenus à Nice. Nous pensons aux Niçois, et sommes à leurs côtés.
La deuxième vague est là, elle est haute, très haute, et si rien n'est fait, elle pourrait nous submerger. Nous ne sommes pas surpris comme en mars dernier : les scientifiques nous avaient prévenus.
Chaque jour, des personnes souffrent du Covid, entrent en réanimation, décèdent. Cela nous angoisse.
Comme en mars, je dis aux citoyens : prudence, suivez les consignes, restez solidaires. Aux soignants qui feront face, par esprit de responsabilité, je dis : tenez bon, même si vous êtes amers, en colère, même si vos appels à la reconstruction de l'hôpital n'ont pas été écoutés.
Notre pays tiendra grâce à l'engagement de ces premiers de corvée, si peu reconnus par une société qu'ils tiennent à bout de bras.
Le président de la République a décidé seul, hier, d'une stratégie. Mardi, Monsieur le Premier ministre, vous nous avez réunis sans annoncer la moindre mesure ; nous échangions dans le vide.
Le 16 octobre, je vous demandais un débat sur l'état d'urgence sanitaire et le couvre-feu, en vain. Les annonces du président Macron ont été floues, et vous les détaillerez après nous avoir fait débattre et voter. Le Parlement est mis devant le fait accompli.
Vos erreurs ne vous ont pas servi de leçon. Vous nous invitez à l'humilité face à une épidémie qui frappe l'Europe entière, mais oubliez que notre pays est parmi les plus touchés dans le monde. Il faut être humble, oui, mais aussi écouter. La démocratie est essentielle, il n'y aura pas de sauveur suprême dans ce domaine. (Applaudissements)
Il faut en finir avec un régime à la verticalité folle. Nous demandons la mise en place d'un comité de suivi de la crise, pluraliste, afin de permettre un véritable contrôle démocratique.
La faiblesse de nos moyens hospitaliers ne serait pas en cause, a dit hier le Président. Pourtant, cela fait vingt ans que l'on saccage notre système de santé, que l'on détruit l'hôpital : 100 000 lits fermés en vingt ans, encore 4 800 en 2018 et 3 200 en 2019.
Les ravages du libéralisme ont touché toute la société. L'humanité est aujourd'hui en danger. Le Président de la République en mars avait semblé chanceler dans ses certitudes, employant des mots inhabituels : « rupture », « mettre à l'abri du marché », « quoi qu'il en coûte ».
Hier, quoi qu'il en dise, il a placé l'économie avant l'humain. C'est vrai, il faut trouver un équilibre pour éviter de jeter dans la pauvreté des millions de personnes.
Mais nous n'avons entendu un mot pour appeler les plus riches à participer à l'effort national. Nous regrettons qu'aucune mesure fiscale de solidarité ne soit prise pour faire contribuer ceux qui perçoivent des dividendes ou ceux qui s'enrichissent, comme Amazon, sur le malheur des hommes.
Nous serons responsables, comme notre peuple, mobilisé contre l'épidémie. Mais nous demandons à l'exécutif de l'être aussi, à M. Macron de cesser son exercice solitaire du pouvoir. La responsabilité, c'est accepter la démocratie, c'est mettre les richesses de notre pays au service du bien commun, c'est l'humain d'abord.
Le vote d'aujourd'hui n'est pas pour ou contre le confinement. C'est un vote de confiance. Nous optons pour un vote d'opposition, mûrement réfléchi, à vos choix politiques et à vos méthodes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Philippe Bonnecarrère . - Pour la première fois depuis 2017, un certain nombre de sénateurs centristes vont exprimer leur opposition à une déclaration du Gouvernement au titre de l'article 50 de la Constitution. (Quelques applaudissements à droite)
Nous vous devons la franchise, comme nous la devons aux Français. L'exécutif ne peut pas attraire à lui tous les pouvoirs, au mépris de l'article 3 de la Constitution. L'hyper-présidentialisation de nos institutions va trop loin. (Applaudissements au centre et à droite)
Toute décision s'analyse à l'aune d'un bilan avantages-inconvénients, qui n'a pas été fait, au regard des effets de long terme du reconfinement. Aucun pays ne sort indemne d'une paupérisation, le « quoi qu'il en coûte » illimité n'existe pas. (« Très bien ! » à droite)
Nulle leçon de notre part, nous partageons une humilité de bon aloi. Nous adressons notre gratitude au corps médical.
Nous savons que la situation est préoccupante mais aussi que le monde a déjà affronté des pandémies, que le taux de mortalité reste stable, que le virus est là pour longtemps, qu'il faut en toute chose raison garder. Et la raison nous dit qu'il aurait fallu débattre avant de décider. Que ce soit après les gilets jaunes, les attentats ou l'état d'urgence sanitaire, le Parlement a su prendre ses responsabilités vite.
Nous réunir a posteriori pour voter sur des décisions annoncées hier, c'est une mauvaise manière faite à la démocratie ; c'est aussi exposer l'exécutif, seul, à la défiance de citoyens réduits à l'état de sujets.
Plus la décision est lourde, plus il faudrait la partager. Vous faites l'inverse. Preuve de la concentration des pouvoirs, le conseil de défense en vient à remplacer le conseil des ministres !
Le reconfinement est une mesure très brutale. Notre pays aura-t-il la résilience pour y résister ? Nos concitoyens sont psychologiquement usés, les entrepreneurs sont dans la détresse, la précarité se diffuse, le terrorisme frappe, les bruits de bottes se font entendre dès la Méditerranée orientale. Le PIB a chuté de 7 % à 8%, dette et déficits explosent. Notre Nation a besoin de toutes ses forces.
Vous surestimez la résistance de notre pays et sous-estimez les défis du temps présent. Nous préférons un appel à se retrousser les manches, à faire bloc comme Nation, plutôt qu'à rester chez soi.
Où sont les études d'impact du reconfinement ? Pas dans le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Quel est le bilan coût-avantages des différents scénarios ? Êtes-vous certain que nous n'aurions pas réussi à freiner l'épidémie autrement ? Sommes-nous allés au bout des mesures ciblées - comme le fait aujourd'hui l'Allemagne ?
C'est une grande responsabilité de déterminer si l'on a tout fait pour protéger, mais aussi si l'on n'a pas imposé une charge trop lourde qui affaiblira le pays dans la durée.
Quel sera l'impact demain des opérations déprogrammées, des dépistages non réalisés ? Que pensent les cancérologues, les cardiologues, les psychiatres de votre décision ?
Comment mesurez-vous le chômage qui va résulter de cette nouvelle mise à l'arrêt de pans entiers de l'économie, l'angoisse des personnes précarisées ou isolées ? Combien d'entreprises perdront le fruit de leur travail ?
Combien d'entreprises ne se relèveront pas, seront dépassées par leurs concurrentes asiatiques ? Le Président nous dit que les entreprises continueront à travailler - mais avec quels clients ? Sans clients, pas d'activité.
Comment financerons-nous le « quoi qu'il en coûte » ? L'argent magique, même européen, n'existe pas.
Nous avons le sentiment que les décisions sont prises sans tenir compte de leurs effets à long terme.
Notre pays est assailli par le terrorisme, le Président de la République est menacé, vilipendé. L'unité nationale est cruciale.
Le Président de la République ne veut pas opposer santé et économie, mais votre politique le fait. Laissez leur chance à nos commerces et nos entreprises. Certains d'entre nous voteront pour, pour partager les responsabilités. Ceux qui voteront contre vous adressent une alerte solennelle. (Bravos et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean Castex, Premier ministre . - Votre vote n'est pas secondaire ; il ne l'est jamais. Il est surtout un vote de clarification et de prise de responsabilité, devant la Nation, comme celui qu'a émis l'Assemblée nationale ce matin. Je remercie ceux d'entre vous qui sauront prendre leurs responsabilités. (« Nous les prendrons ! » au centre et à droite.)
J'ai entendu quelques approximations, quelques touches de démagogie (« Oh ! » à droite) que les circonstances présentes n'autorisent pas. (Même mouvement)
J'aime beaucoup quand le conseil scientifique est invoqué...
Voix à droite. - C'est vous qui l'avez nommé !
M. Jean Castex, Premier ministre. - ... quand cela arrange, on nous reproche d'en être les jouets ; d'autres fois, on nous fait grief de ne pas le suivre.
Mais lorsqu'on l'invoque, encore faut-il le faire précisément ! Je suis parfaitement à l'aise par rapport aux mesures que nous avons prises. (Exclamations ironiques à droite)
M. le président Retailleau a constaté, que dans mon intervention du 11 septembre, j'ai réduit la quatorzaine à la septaine. C'est vrai !
M. Bruno Retailleau. - Ah !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Comme de nombreux autres pays ! Le 11 septembre, je déclarai - (Sourires) : « La période estivale a été marquée par une forme de relâchement que l'on peut expliquer par les longues semaines de confinement du printemps... »
M. Rachid Temal. - Ah !
M. Jean Castex, Premier ministre. - ... « La rentrée est là, nous devons impérativement respecter les règles de distanciation physique, nous laver régulièrement les mains, porter le masque - que par trois décrets pris dès le mois de juillet, j'avais rendu obligatoire dans l'espace public, dans les commerces et dans les entreprises... (M. Jean-Raymond Hugonet s'exclame.) Ce même jour, j'annonçai que, compte tenu de la dégradation particulièrement visible dans deux métropoles, Bordeaux et Marseille, les préfets, après concertation des élus locaux seraient invités à prendre des mesures et parmi celles-ci, le 14 septembre, pour la première fois, la fermeture des bars et restaurants... Que n'ai-je entendu à l'époque ! (Exclamations sur les travées du groupe SER) Que nous en faisions trop... ou que nous n'en faisions pas assez ! Les mêmes qui aujourd'hui me disent « Vous êtes en retard, monsieur le chef du Gouvernement », me disaient à l'époque : « Vous y allez trop fort, vous nous privez des libertés publiques » ! (MM. Pierre Charon et Philippe Dominati s'amusent.) Oui, c'est la vérité !
On nous reproche de ne pas avoir créé de lits. Mais des lits sans personnel qualifié, cela ne sert à rien ! (Protestations et interruptions sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et SER) Nous avons mobilisé de nouveaux moyens en six mois. À la seule Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux de vacance du personnel paramédical a baissé de moitié.
Cette situation résulte d'années de programmation insuffisante de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Mais nous avons fait le Ségur de la santé (Vives exclamations à droite, ainsi que sur les travées du groupe CRCE) : des mesures structurelles y ont été prises, pour rendre attractifs les métiers de l'hôpital, dont vous débattrez dans le PLFSS 2021.
Le plan de relance, dans le cadre du PLF 2021, prévoit des reprises de dette hospitalière et des investissements pour l'hôpital. Je ne doute pas que le Sénat votera ces mesures.
J'ai entendu que l'on me reproche de fermer les commerces, des bars, des restaurants. Oui. C'est très douloureux pour les commerces de proximité. (Fortes exclamations, notamment sur certaines travées du groupe Les Républicains, où l'on interpelle l'orateur.) Mais vous souhaitez tous que ce confinement soit efficace ! Nous l'avons amélioré par rapport à celui du printemps en ne fermant pas les établissements scolaires, en permettant à l'économie de moins pâtir.
Le Gouvernement sait que la crise économique et sociale où nous sommes plongés aura des effets ravageurs. Si nous autorisions les gens à sortir de chez eux pour travailler, amener à l'école leurs enfants, mais aussi pour faire des courses hors première nécessité...
Mme Catherine Belrhiti. - Et le petit commerce ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Alors, il n'y aurait plus de vrai confinement. (Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains)
Vous le savez, mais vos objectifs sont ailleurs ! (Même mouvement) Tous les pays qui nous entourent le font aussi et je leur ferai part de vos utiles recommandations. (M. Jean-Raymond Hugonet proteste vivement.)
Dans la chambre des sages, l'assemblée des territoires, auxquels je suis tant attaché, je retiens surtout, pour conclure, l'intervention du président Malhuret. (Quolibets et huées sur diverses travées, notamment celles des groupes Les Républicains et SER ; on applaudit sur les travées du groupe RDPI.)
La déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°10 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l'adoption | 130 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 55.
présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président
La séance reprend à 17 h 15.
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.
Nominations à une éventuelle CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses dispositions de gestion de la crise sanitaire ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Discussion générale
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie . - Je suis devant vous dans un contexte particulier. J'ai une pensée émue pour nos trois concitoyens examinés sur notre territoire, alors qu'ils exerçaient leur liberté de culte, dans une ville déjà meurtrie.
Un vigile qui assurait notre protection consulaire à Djeddah a lui aussi été attaqué.
Cet attentat ignoble aussi lâche que barbare, appelle une réponse ferme du Gouvernement. Le plan Vigipirate sera placé au niveau Alerte attentat. Un Conseil de sécurité sera réuni demain.
À cette menace sécuritaire, s'ajoute la menace sanitaire. Elle appelle une réponse de l'État et de chacun d'entre nous. Un confinement a été décidé. La Nation doit faire bloc pour protéger les plus vulnérables mais aussi les soignants.
Ce deuxième confinement se distingue du premier à bien des aspects : non-fermeture des établissements scolaires par exemple. Les efforts demandés sont importants et le Gouvernement en a conscience.
Il y a deux semaines, le Gouvernement vous présentait un texte de prorogation de l'état d'urgence sanitaire qui ne poursuivra pas son parcours devant votre assemblée.
L'Europe est confrontée à la recrudescence de la covid-19 qui a tué plus de 250 0000 personnes dont plus de 35 000 dans notre pays.
Aux termes de l'article L.3131-13 du code de la santé publique, la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois nécessite l'autorisation du législateur. Or il est indispensable de proroger l'état d'urgence sanitaire au-delà du 17 novembre.
Nous avons des désaccords dans ce projet de loi, notamment sur la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Nous proposions le 16 février, la commission des lois du Sénat a préféré le 31 janvier. Nous le regrettons.
De même, elle a supprimé l'article 2 prévoyant le maintien du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er avril 2021. Nous ne disposerons d'aucun moyen d'action si l'état d'urgence sanitaire expire dès demain, en l'absence d'accord.
La date du 16 février nous semble cohérente avec la clause de caducité que le Sénat avait lui-même introduite.
L'article 3 permettra la mise en oeuvre des systèmes d'information pour la durée de l'état d'urgence sanitaire. Je salue le travail du Sénat sur le précédent projet de loi, notamment sur le rôle des CCAS.
L'article 4 prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances. Cet article est issu de propositions parlementaires. Nous proposons donc de proroger des dispositifs que vous aviez autorisés. L'Assemblée nationale a réduit le délai pour prendre ces ordonnances, au 16 février.
En séance, un compromis a été trouvé sur les consultations obligatoires. Le Gouvernement a proposé, samedi dernier, des mesures transitoires.
Le Gouvernement prend acte du texte issu de votre commission des lois, comportant des modifications techniques et d'autres, plus politiques. Certaines d'entre elles nous conviennent, d'autres soulèvent de vraies difficultés.
Au total, le Gouvernement a déposé des amendements sur les seuls points que nous considérons comme des lignes de crête, pour garantir l'équilibre de ce projet. Le Sénat s'est montré à la hauteur, avec responsabilité. Tous les territoires sont menacés. Nos soignants sont sur le front et tout le pays doit être à leurs côtés. Ce texte est aussi l'occasion de le rappeler.
M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La gravité de la situation épidémique justifie que nous ayons ce débat sur les moyens qui doivent être mobilisés pour faire face au virus de la covid-19.
À l'évidence, nous avons du mal à suivre les événements. Il y a quinze jours, nous discutions d'un projet de loi de prorogation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire. L'examen de ce texte a été interrompu, car le Gouvernement, face à l'épidémie galopante, a rétabli l'état d'urgence sanitaire. Il a assorti sa décision de couvre-feux territorialisés qui n'ont cessé de s'étendre. Il a ensuite estimé qu'il était de nouveau dépassé par la dynamique des contaminations et a donc décidé le rétablissement d'un confinement différent de celui de mars dernier. Ainsi, les enseignants continueront à exercer leur mission et les élèves de suivre leurs cours.
De la prorogation avortée de la sortie de l'état d'urgence sanitaire à ce nouveau confinement, nous avons vu les pouvoirs publics condamnés à surenchérir dans les restrictions aux libertés. Rarement, on aura vu un assaillant faire reculer à ce point les limites de l'action publique.
Nous voici revenus à la situation du 15 mars 2020, mais, alors, le confinement était la sanction de l'impréparation de la France : il n'y avait pas d'autre moyen que la privation des libertés publiques et individuelles, faute de masques, de tests de dépistage, de gel hydroalcoolique, d'apprentissage des gestes barrières, d'organisation du travail, de télétravail, d'adaptation des transports publics, de système d'information national susceptible d'enclencher l'identification des personnes en contact avec les porteurs du virus.
Je n'accable pas les pouvoirs publics, mais dresse un constat de fait. Nous n'avons pas marchandé, alors, au Gouvernement, les moyens d'action qu'il réclamait.
Alors, de quoi le reconfinement est-il la sanction ? D'un échec certes collectif, mais au premier chef du Gouvernement et des autorités sanitaires.
Cette situation appelle une réaction dans un état d'esprit de la responsabilité. Cette responsabilité, ce n'est pas de faire votre procès - il y a des commissions d'enquête pour cela - mais de vous accorder les moyens de faire face à cette crise économique et sanitaire, sans considération des causes ni des effets. Il incombera au Gouvernement, avec ces moyens, d'agir plus efficacement qu'au printemps.
Mais nous ne pouvons pour autant lui accorder un blanc-seing, aujourd'hui moins encore qu'au mois de mars, après ce qu'ont vécu les Français depuis dix mois.
Le corollaire de notre esprit de responsabilité est la vigilance. D'abord, le Parlement doit resserrer son contrôle. Nous ne pouvons nous résoudre à vous laisser exercer des pouvoirs spéciaux jusqu'en avril, sans revenir devant le Parlement. Dès lors qu'il y a reconfinement, le contrôle du Parlement doit s'exercer. Plus les droits des Français sont mis en cause, plus le Parlement doit être présent !
Nous vous proposerons de ramener au 31 janvier l'échéance de l'état d'urgence sanitaire sous le contrôle du Parlement ; et nous modifions le régime d'état d'urgence sanitaire en contraignant le Gouvernement à revenir d'ici au 8 décembre devant la Représentation nationale s'il décidait de prolonger le confinement. Les Français ne sauraient passer confinés les fêtes de fin d'année sans que le Parlement ait à en connaître. C'est trop grave !
Nous ne pouvons pas davantage vous accorder un blanc-seing sur la multiplication des ordonnances, avec 70 habilitations d'un flou sans précédent ; nous en avons ramené le nombre à 30, choisissant soit de les écarter, soit d'inscrire directement dans la loi les règles que le Gouvernement souhaitait fixer tout seul.
Voilà ce que sont la responsabilité et la vigilance. Voilà les conditions dans lesquelles je vous propose d'aborder ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Stéphane Ravier . - Savez-vous pourquoi on évoque une deuxième vague ? Parce qu'il y a eu une première vague, pardi ! (Rires sur les travées de droite) Une première vague dont vous n'avez rien appris, malgré plus de 35 000 morts ! Vous préférez piétiner l'État de droit, le Parlement et les libertés collectives et individuelles des Français. Vous êtes dans la réaction et non dans l'anticipation.
Vous courez comme le hamster dans sa roue, mais ceux qui sont fatigués, ce sont les Français, que vous mettez de surcroît en cage.
Qu'avez-vous fait ? Les Français se retrouvent tout autant dépourvus qu'il y a neuf mois ! Pendant ce temps, les Italiens ont recruté 20 000 soignants dont 5 000 médecins et augmenter de 50 % le nombre de lits de soins intensifs - c'est donc possible ! Le général Lizurey a dressé, dans son rapport, un implacable réquisitoire.
Un certain Jean Castex, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins au ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale en 2005 et 2006, a été l'un des principaux artisans de la loi Hôpital-Patients-Santé-Territoire qui a introduit les notions d'objectifs et de rentabilité à l'hôpital. Directeur de cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la Santé, puis conseiller aux affaires sociales de Nicolas Sarkozy, ce fut bien l'un des architectes de la politique hospitalière - ou plutôt anti-hospitalière - de 2005 à 2012. N'en jetez plus, la coupe est pleine !
Vous attribuer tous les pouvoirs sans contrôle du Parlement jusqu'au 1er avril 2021 serait inacceptable ! Le Parlement, ou du moins le Sénat, n'a pas à être la chambre d'enregistrement des dérives autoritaires de l'exécutif.
Pendant ce temps, vous développez les alternatives à l'incarcération pour vider les prisons, tandis que le président de l'Assemblée nationale, tel un vulgaire préfet de police de Paris, rend responsable les parisiens de leur contamination ! Il n'est plus au perchoir mais perché au sommet de l'indécence !
Le domicile du ministre de la Santé a été perquisitionné dans le cadre d'une enquête sur sa gestion de la crise ; est-ce la raison de son absence au Sénat, preuve de son mépris pour notre assemblée ? Nous n'attendons pas de lui un état d'urgence sanitaire, mais sa démission !
M. Guy Benarroche . - La France et la vaste majorité du monde font face la crise sanitaire la plus importante de ce siècle.
L'état d'urgence a été déclaré en mars et le pays confiné, entraînant la détérioration des conditions sociales et économiques de nos concitoyens.
Après une brève accalmie, la deuxième vague est là. Nous sommes pleinement conscients de la gravité de la situation. Les scientifiques et les autorités sanitaires naviguent à vue ; la situation invite à l'humilité et à la responsabilité, mais aussi à plus de clarté et de démocratie. Il ne faut ni affaiblir le Parlement, ni infantiliser la population.
Il est certes nécessaire d'agir, mais l'état d'urgence sanitaire n'est pas satisfaisant. Il a conduit à une gestion de crise désordonnée et autoritaire : la multiplication des mesures liberticides n'a pas permis d'éviter la deuxième vague ; le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et Claire Hédon, nouvelle Défenseure des droits, ont exprimé leur inquiétude quant aux restrictions des libertés publiques.
Vous demandez au Parlement de se déposséder de ses prérogatives pendant plusieurs mois ; nous ne pouvons le tolérer ! Le seul recours aux ordonnances est inacceptable. Le Parlement est mobilisé, le laisser de côté affaiblit la démocratie et nie le principe de séparation des pouvoirs.
Des incertitudes demeurent. La culture, l'hôtellerie, les commerçants et les artisans devront fermer, pas les centres commerciaux. Le télétravail reste embryonnaire et doit être développé.
Enfin, le soutien aux plus précaires demeure lacunaire. Médecins sans frontières alerte qu'une personne en grande précarité sur deux a été touchée par la covid-19 en Île-de-France. L'attention aux plus démunis doit être au centre des priorités. Déjà, 1,5 million de Français ont plongé dans l'impécuniosité avec la crise sanitaire.
Hélas, nous n'avons obtenu ni la gratuité des masques ni le renforcement des aides au logement.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. - Il faut traiter la pandémie de façon plus transparente et plus républicaine.
Mme Nadège Havet . - J'ai une pensée émue pour les victimes de l'attentat de Nice. Face à la barbarie, l'unité est indispensable.
La situation sanitaire s'aggrave en Europe. Hier, le Président de la République a annoncé le renforcement des mesures de protection pour y faire face, que le Premier ministre vient de préciser. D'autres pays ont pris des décisions fortes, courageuses, parfois impopulaires, pour sauver des vies. L'État allemand et les Länder se sont eux mis d'accord sur un reconfinement partiel et l'Espagne a déclaré dimanche l'état d'alerte. L'Europe compte déjà 260 000 morts et les contaminations s'envolent. En France, l'état d'urgence sanitaire a été rétabli le 17 octobre.
C'est dans ce contexte que nous arrive ce projet de loi, par lequel le Gouvernement sollicite une prorogation de l'état d'urgence sanitaire pour trois mois, jusqu'au 16 février, date jugée pertinente par le conseil scientifique comme par le Conseil d'État au regard de la situation. La commission a préféré la date du 31 janvier.
La prorogation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'en avril était, elle aussi, bienvenue, comme l'a estimé le Conseil d'État, afin de permettre une évolution adaptée en fonction de la situation.
La vigilance apparaît toutefois nécessaire, via le contrôle du Parlement, que la commission des lois a renforcé, et du juge.
La position de la commission sur l'article 3 relative à la mise en oeuvre des systèmes d'information interroge également : ces systèmes sont indispensables à la stratégie « tester, tracer, isoler ».
Nous sommes également favorables aux dispositifs de soutien et de solidarité.
Il n'est jamais aisé de consentir aux habilitations.
Jean-Louis Debré mène une concertation sur la tenue des prochaines élections locales. Attendons ses conclusions avant d'aborder le sujet.
Le groupe RDPI votera en fonction du résultat des débats en séance publique.
Mme Maryse Carrère . - Il y a deux semaines, lors de l'examen avorté du projet de loi de prorogation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire, j'avais souligné le caractère ambigu de ce régime. Hier, le Président de la République a imposé un nouveau confinement. Dès lors, entre empêcher de vivre ou empêcher de mourir, le choix est clair. Il va falloir s'interroger sur notre stratégie d'éradication du virus...
Aujourd'hui, nos concitoyens ont le sentiment de n'avoir qu'un seul droit, celui de travailler.
Mon groupe partage l'avis de la commission des lois sur la levée de l'état d'urgence au 31 janvier 2021 et sur la suppression du régime transitoire, source d'incompréhension.
À l'article 3, le groupe RDSE est favorable à la prorogation des deux systèmes d'information et salue l'amélioration de la pseudonymisation, mais il convient de mieux évaluer leur efficacité sanitaire.
Je déplore la publication très tardive des avis du Conseil scientifique. La confiance se mérite.
Je salue le travail de la commission des lois qui a limité à 30 le nombre d'habilitation et réduit leur champ, trop large.
Le RDSE, attaché à la vitalité du débat démocratique, est favorable au maintien des prochains scrutins régionaux et départementaux. Les mesures proposées pour le vote par procuration semblent intéressantes, mais il faudra être vigilant sur les conditions de vote par correspondance.
Nous soutenons également les dispositions de l'article 6 en faveur des PME qui continuent de souffrir. La rétroactivité votée par la commission des lois va dans le bon sens.
Face à l'urgence sanitaire, le groupe RDSE votera ce texte amélioré par la commission. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
Mme Cécile Cukierman . - Je souligne l'incohérence de nos travaux, laquelle témoigne du mépris de l'exécutif pour le Parlement ; il y a quelques instants, nous nous prononcions sur les seules décisions du Président de la République, dans un cadre juridique que le Sénat n'a pas encore approuvé.
Bien sûr, il y a une urgence sanitaire, mais pas comme en mars. Nous aurions pu débattre en amont du rétablissement par décret de l'état d'urgence sanitaire. Il faut sortir de la verticalité de l'organisation jupitérienne du pouvoir pour faire prendre un tournant démocratique à la lutte contre la covid.
Une nouvelle fois, le Parlement est contraint. Le texte initial prolongeant l'état d'exception jusqu'au 16 février, le faisait suivre d'un autre état d'exception - le régime de la sortie de l'état d'urgence - jusqu'en avril. Cela n'est pas acceptable, et c'est même dangereux pour notre peuple.
Pour notre part, nous proposerons de revenir à une validation législative au bout de douze jours et à un état d'urgence prononcé pour un mois seulement.
Monsieur le rapporteur, vos propositions s'arrêtent au milieu du gué : vous ramenez à trois mois au lieu de six la durée de l'état d'urgence mais sans vous attaquer aux causes profondes du malaise démocratique. Il faut repousser toute tentation autoritaire.
Depuis le 23 mars, 66 ordonnances ont été prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, 22 dans d'autres domaines. Le projet de loi en prévoyait 70 nouvelles, nombre que la commission a ramené à 30. Aucune de celles déjà prises n'a été ratifiée. Pouvons-nous continuer ainsi ?
Peut-on accepter une telle violation de la Constitution ? Nous nous y opposons sur la forme comme sur le fond. Un certain nombre d'ordonnances n'ont pas leur place.
Le groupe CRCE votera contre ce blanc-seing qui ferme la porte au débat démocratique et, ce faisant, nous prive des moyens de lutter efficacement contre la pandémie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Dominique Vérien . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors de ma dernière intervention sur la sortie de l'état d'urgence, je déplorais déjà l'état d'exception.
Je ne parle pas du confinement ; il fallait bien protéger des vies. Je ne vous impute pas tout, madame la ministre, mais c'est vous qui voulez fermer le centre d'appel d'urgence - le 15 - à Auxerre... Je m'éloigne du sujet, quoique...
Ce que je ne comprends pas, c'est que l'état d'urgence empêche la confrontation avec le Parlement ; ce que je ne comprends pas, c'est que vous pensiez à repousser les élections sans prendre en considération la possibilité d'adapter les modalités de vote.
Nous vous faisons des propositions, comme venir chaque mois devant le Parlement ; nous vous proposons d'autres modes de vote. Comment imaginer qu'à cause d'un virus, on ne puisse pas renouveler les conseillers départementaux et régionaux ? Et demain, le président ?
En démocratie, la décision appartient au « peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Se passer de notre avis est autocratique.
La fermeture des commerces aurait pu être mieux acceptée si la liste avait été concertée. C'est aussi contre-productif.
Certaines habilitations sont tellement larges qu'elles donnent l'impression qu'on se moque de nous. Le Gouvernement a-t-il décidé définitivement de se passer de nous ?
Le groupe UC votera le projet de loi amélioré par notre rapporteur Philippe Bas. Nous ne demandons pas mieux que de discuter avec vous et d'être unis ; mais pour être unis, encore faut-il une volonté des deux parties. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Voilà le Sénat réuni pour un cinquième projet de loi sur l'état d'urgence sanitaire. Il a toujours répondu présent.
Le groupe SER, dès le 23 mars, a eu un regard exigeant et ouvert. Nous venons donc d'approuver les annonces du Premier ministre faisant suite aux décisions du Président de la République.
Mais il faut prendre aussi en compte le respect de la Constitution, de l'équilibre des pouvoirs et du Parlement, et les absences de ce texte. « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », écrivait Montesquieu. Il faut donc que le Parlement puisse encadrer le pouvoir exécutif.
Or votre choix est surprenant, voire inquiétant : dans un seul texte, vous prolongez l'état d'urgence sanitaire et rendez possible sa prorogation. Vous instaurez un régime valable jusqu'en avril sans nécessité de revenir devant le Parlement.
Ce n'est pas acceptable, d'autant plus que le Parlement a montré sa capacité à agir. Le 11 mai, le 9 juillet, le 14 octobre, nous avons voté les prorogations. Une large majorité s'est manifestée au sein de la commission des lois pour rendre votre texte plus conforme aux principes constitutionnels, ce que nous soutenons, même si nous proposerons des amendements allant plus loin.
Par les ordonnances, le Parlement remet tous ses pouvoirs entre les mains du Gouvernement ; cela se justifie en cas d'urgence. Après les 70 ordonnances en mars, vous recommencez sept mois après ! C'est de la désinvolture. Le Parlement n'aurait-il plus de raison d'être ?
Notre groupe voulait supprimer cet article. Le rapporteur l'a élagué ; c'est déjà un progrès.
Quelle curieuse chose de considérer que tout peut fonctionner, sauf les élections. Madame la ministre, vous qui êtes candidate à une élection dans quelques semaines, approuvez-vous le vote par correspondance et la double procuration que notre collègue Kerrouche propose depuis longtemps ?
Il y a peu de dispositions en matière sociale, même si votre présence au banc est un bon signe. Votre plan pauvreté a été accueilli fraîchement par les associations spécialisées. Nous ferons des propositions sur le RSA jeune notamment.
À ce stade, le groupe SER n'a pas encore décidé de son vote, malgré les progrès en commission. Quoi qu'il en soit, il serait bon qu'une majorité de parlementaires - et pas seulement de sénateurs - s'accorde demain en CMP sur un texte qui nous fasse honneur. Ce n'est pas encore le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Muriel Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains). - Les deux votes d'aujourd'hui ont des finalités différentes. Le groupe Les Républicains votera donc différemment.
Tout à l'heure, sur la confiance, notre vote a été très majoritairement négatif. Car nous nous posons beaucoup de questions, comme nos concitoyens. Pourquoi inciter les Français à partir en vacances, des zones rouges vers les zones vertes, prenant ainsi le risque de propager le virus ? Pourquoi s'enorgueillir du nombre de tests alors que nous ne disposons pas de l'infrastructure efficace pour réellement appliquer la stratégie « tester, tracer, isoler », qui a si bien fonctionné dans les pays asiatiques ? Pourquoi serait-il plus dangereux d'aller chez le cordonnier qui a adopté les gestes barrières plutôt que d'aller chercher son pain ?
Mais nous discutons désormais des moyens dont vous avez besoin pour gérer la crise.
Le Gouvernement nous demande de prolonger le régime d'état d'urgence à cause d'une aggravation non seulement des cas positifs au Covid, mais aussi des hospitalisations et du nombre de personnes en réanimation. Ce problème est réel. Le groupe Les Républicains va voter ce texte, mais pas à tout prix.
Sans vouloir paraphraser M. le Premier ministre, les institutions sont le soutien de la démocratie. Le Gouvernement prend des décisions, mais le Parlement doit les contrôler. M. le rapporteur l'a dit, plus nous confions des décisions au Gouvernement, plus nous devons le contrôler.
La commission des lois a adapté le dispositif. L'état d'urgence ne doit pas être instauré sur une durée trop longue. Nous devons d'autant mieux contrôler que la disposition est liberticide, comme l'est le confinement.
Ne permettons pas de rétablir la sortie d'état d'urgence sanitaire sans revenir devant le Parlement. Le débat doit avoir lieu régulièrement, sans que le Gouvernement se retrouve la bride sur le cou.
En mars, nous avions accepté que des ordonnances empiètent sur le domaine législatif. Nous nous étions accordés sur l'urgence. Mais aujourd'hui, le Gouvernement ne peut plus s'en prévaloir. Dans certains cas, le Gouvernement donne l'impression de ne pas savoir ce qu'il veut faire de l'habilitation.
Enfin, la démocratie. L'urgence sanitaire existe et rend plus difficile l'exercice de la démocratie - nous l'avons vu lors des élections municipales. Le virus ne peut pas confisquer la démocratie. Mais c'est le rôle du Parlement de trouver des mesures alternatives par le vote par procuration ou par correspondance, afin d'éviter de créer des clusters dans les bureaux de vote.
Le groupe Les Républicains approuvera ce texte ainsi modifié, en confiant des pouvoirs au Gouvernement mais aussi en le contrôlant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Mes premières pensées vont aux victimes de l'attaque de Nice.
La situation est préoccupante : plus d'un million de Français ont été contaminés. Pour juguler une progression rapide, le Président de la République a décidé un reconfinement national.
C'est dans ce contexte que nous examinons ce projet de loi. La durée initiale de la prolongation était fixée à trois mois. La commission des lois a limité son terme au 31 janvier.
À l'instar des précédents textes, il maintient les systèmes d'information déployés et autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances.
La commission des lois a précisé les conditions de prorogation de l'état d'urgence sanitaire, afin que le Parlement soit plus souvent consulté. Maintenons un haut niveau de coopération.
La transmission plus fréquente des avis du Conseil scientifique au Parlement participera à une meilleure information du Parlement, qui doit se prononcer sur les mesures prises.
La France traverse une année particulièrement difficile. Gouvernement et Parlement doivent travailler ensemble. L'État ne peut pas tout. Avec bienveillance, j'appelle nos concitoyens à un ressaisissement. La crise sanitaire est très dure, mais nous avons traversé d'autres périls : souvenons-nous de ceux qui se sont battus pour la survie de notre pays.
Grande Nation millénaire, nous devons garder confiance et courage. Cette résilience, nous la devons à tous ceux qui sont en première ligne : soignants, forces de l'ordre, pompiers, militaires...
Élue de l'Aube, je lutte contre toute tentation crépusculaire (sourires) et défaitiste.
Le Groupe INDEP votera ce projet de loi. (Mme Catherine Di Folco et M. Yves Bouloux applaudissent.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée . - J'ai pris acte de vos remarques, de vos désaccords. Je m'emploierai à expliquer les positions du Gouvernement lors de l'examen des amendements.
M. le président. - La commission a besoin de se réunir pour examiner les amendements de séance. Je vais donc suspendre la séance.
La discussion générale est close.
La séance, suspendue à 18 h 20, reprend à 19 h 20.
Discussion des articles
ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la capacité hospitalière du pays.
Mme Laurence Cohen. - Le Président de la République a fondé sa décision de reconfiner sur la propagation du virus et la saturation des capacités hospitalières, mais cette crise est structurelle. Les décisions qui s'imposent n'ont pas été prises. Les choses n'ont pas bougé depuis la première vague. Rien n'a été fait et nous nous trouvons démunis face à cette épidémie galopante. On n'a toujours que 5 000 lits de réanimation ! Nous avons fait des progrès dans le traitement des patients : certains n'ont besoin que d'être oxygénés et de recevoir des corticoïdes. Mais il faut alors des lits en aval des urgences, et les professionnels nous alertent sur les manques structurels de lits. Il faut un état des lieux. Le site d'information indépendant Basta ! affiche une carte très intéressante des suppressions de lits qui se poursuivent, même en ce moment.
Notre amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport pour connaître précisément notre réelle capacité hospitalière.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Ces amendements qui demandent un rapport présentent l'avantage d'interpeller le Gouvernement, mais l'inconvénient d'être dénués de toute portée. Le Gouvernement n'est pas tenu de faire des rapports et heureusement ! Il n'aurait plus le temps d'agir.
Cela étant dit, je ne suis pas contre une objectivation de la situation de l'hôpital public, mais comprenez que dans la suite de la discussion, je dirai simplement non à tous les amendements qui prévoient un rapport, pour les raisons que je viens d'exposer.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Même avis. Les données sur la capacité des hôpitaux sont déjà très éclairées par de nombreux documents publics de Santé publique France, du Conseil scientifique, du Haut Conseil de la santé publique.
Il faut tout faire pour que les gens n'aillent pas en réanimation. Le nombre de lits de réanimation est passé de 5 085 avant la crise, à 5 800, équipés et permanents.
Mme Laurence Cohen. - J'apprécie la réponse de notre rapporteur et je sais qu'elle exprime la philosophie du Sénat. Nous sommes contraints de demander des rapports par l'article 40.
Madame la ministre, vous ne m'avez pas écoutée : je vous parle de lits en aval des urgences, vous me répondez en évoquant les lits de réanimation. Prenez connaissance des demandes des soignants et de M. Kierzek, urgentiste, qui, dans Le Figaro, demandait ces lits. Le programme est grave.
L'amendement n°38 n'est pas adopté.
ARTICLE PREMIER
Mme Valérie Boyer . - Depuis le début de la crise, le groupe Les Républicains a pris ses responsabilités autour du président Bruno Retailleau. Prendre ses responsabilités, c'est aussi dire la vérité sur les masques - jugés inutiles puis rendus obligatoires, les cliniques privées - mises de côté pendant la première vague, les tests - encore difficiles à comprendre. Les réponses tardent à venir.
Pire, alors que des équipes y étaient les seules à dépister massivement et à préconiser un parcours de soins sans surmortalité, vous avez mené une bataille contre l'hydroxychloroquine, qui a tourné à la bataille contre Marseille. Vous avez abandonné des protocoles prometteurs, qui entraîneraient une très faible mortalité chez les patients pris en charge précocement.
J'attends de ce débat des réponses à plusieurs questions. Les cliniques privées sont-elles associées, sur les lits de réanimation ? Si oui, comment ? Quel est le profil des malades ? Quels sont les taux de mortalité et de comorbidité ? Ces données ne sont pas disponibles. Combien de lits de réanimation ouverts et fermés depuis janvier ? Quel est leur taux d'occupation année après année ?
Vous avez débloqué 470 milliards d'euros pour les entreprises. Mais combien pour soutenir nos hôpitaux et nos soignants ?
M. le président. - Amendement n°52, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Céline Brulin. - Nous sommes sceptiques sur l'efficacité et les conséquences démocratiques du cadre juridique choisi pour lutter contre l'épidémie.
Nous sommes malheureusement confortés dans cette position de jour en jour, au vu du manque de rigueur de l'exécutif, des incohérences, des décisions contre-productives.
À quelques heures du confinement, cela nous inquiète. On le voit dans nos débats mais aussi dans la presse, une vraie crise de confiance s'installe, alors que vous imposez un état d'urgence extrêmement strict, sans espace de discussion.
Nous sommes tous des parlementaires responsables, n'en déplaise au Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs travées au centre et à droite) On ne répond pas à une crise de confiance par un arsenal juridique mais en faisant travailler toutes les forces vives du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit aussi.)
M. le président. - Amendement identique n°53 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
M. Guy Benarroche. - Face à la gravité de la crise sanitaire et à son caractère anxiogène, le Gouvernement a opté pour une mesure radicale : réenclencher l'état d'urgence sanitaire. Celui-ci ne saurait toutefois devenir permanent. Souvenons-nous de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de 2017, qui a inscrit l'état d'urgence sécuritaire dans le droit commun...
L'hôpital public est en lambeaux. L'austérité budgétaire et les choix économiques ont mis à mal les conditions de travail des soignants et les conditions d'accueil des patients. Si la pandémie nous frappe si durement, c'est que nos structures hospitalières ne peuvent plus faire face. Plutôt qu'un état d'urgence sanitaire, il faut un vaste plan ambitieux pour l'hôpital, bien au-delà du modeste Ségur de la santé.
Les amendements identiques nos52 et 53 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°33, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
L'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 4 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire est prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Cet amendement rétablit la rédaction de l'article premier dans sa version transmise au Sénat : une prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 16 février 2021 et non au 31 janvier.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je m'étonne du dépôt de cet amendement. La durée proposée par le Gouvernement est excessive. Quel serait l'inconvénient de la réduire de façon à permettre au Parlement de se réunir à nouveau pour statuer ? Pourquoi revenir ainsi à la charge ? Notre position est très claire et respectueuse des droits du Parlement.
L'amendement n°33 n'est pas adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas de réponse du Gouvernement !
M. le président. - Il est libre de parler...
M. Jean-Pierre Sueur. - ... ou de rester muet !
M. le président. - Amendement n°40, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier 2021
par la date :
16 décembre 2020
Mme Céline Brulin. - Cet amendement vise à réduire la durée de l'état d'urgence sanitaire jusqu'à consultation du Parlement. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse d'entendre cette demande, qui émane de plusieurs bancs. Cela va à rebours de l'unité nationale à laquelle vous appelez.
M. le président. - Amendement n°54, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
1er janvier
M. Guy Benarroche. - Celui-ci avance la fin de l'état d'urgence au 1er janvier 2021. Le cas échéant, si la situation l'exige, le Gouvernement déposera un nouveau projet de loi prorogeant l'état d'urgence. Les atteintes aux libertés ne peuvent se prolonger sans que les parlementaires n'en évaluent l'impérieuse nécessité.
M. le président. - Amendement n°58, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
16 janvier
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - N'oublions pas que nous légiférons pour l'avenir ; la durée de l'état d'urgence sanitaire sera fixée dans le droit commun. Nous avons proposé la date du 16 janvier car la date proposée par le rapporteur semble bancale : deux mois et demi, c'est un peu étrange.
Chacun doit faire un bout de chemin, si l'on veut un accord entre les deux chambres. Or le Gouvernement refuse le débat et prétend rétablir le texte initial. Une telle absence de volonté d'échange est préoccupante.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le Gouvernement propose d'en finir une fois pour toutes avec le vote du Parlement sur la lutte contre l'épidémie après ce texte : il pourra continuer à utiliser des pouvoirs spéciaux, d'abord au titre de l'état d'urgence sanitaire puis de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, jusqu'au 1er avril prochain. C'est du jamais vu !
Nous voulons qu'à mi-chemin, le Parlement se prononce sur la poursuite du régime de pouvoirs spéciaux. Nous voulons également que le confinement ne puisse être prolongé au-delà du 8 décembre sans un vote du Parlement. Il faut alors garder la date du 31 janvier retenue par la commission.
Jusqu'à présent, nous avons voté l'état d'urgence sanitaire pour deux mois, puis sa reconduite pour deux mois. Puis nous avons revoté pour la sortie de l'état d'urgence sanitaire qui a duré trois mois et demi - c'est le maximum que nous ayons octroyé au Gouvernement pour exercer des pouvoirs exceptionnels. Nous n'allons pas relâcher le contrôle parlementaire alors que les contraintes imposées aux Français se renforcent ! C'est de l'intérêt de la démocratie que le Gouvernement accepte notre proposition. Sinon, il agira seul, dans le cadre de pouvoirs spéciaux et nous ne le voulons pas ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE) Avis défavorable aux trois amendements, au bénéfice de ce régime de contrôle resserré.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Comme l'a indiqué le Conseil scientifique, les mois d'hiver seront difficiles, et les services de réanimation risquent d'être très prochainement saturés. Les virus respiratoires circulent plus l'hiver, on le constate dans toute l'Europe. Le taux d'immunité collective de la population est trop faible pour prendre le risque de laisser le virus circuler librement.
Une prolongation jusqu'à la mi-décembre ou la mi-janvier seulement serait donc insuffisante. Le premier état d'urgence sanitaire, avec sa prolongation, a duré plus de trois mois et demi, et c'était le printemps.
Si la situation sanitaire s'améliore, le Gouvernement pourra mettre fin à l'état d'urgence sanitaire avant l'échéance du 16 février, comme il l'a fait pour la Guyane et Mayotte, par décret. Avis défavorable.
L'amendement n°40 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos54 et 58.
M. le président. - Amendement n°84, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
I. - Après l'alinéa 1er
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. - Pendant l'état d'urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, l'application des mesures prévues au 2° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu'elles ont pour conséquence d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, ne peut être autorisée au-delà du 8 décembre 2020 que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 du même code.
II. - Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
1° bis Après le I du même article L. 3131-15, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« I bis. - Le Premier ministre ne peut interdire, en application du 2° du I du présent article, aux personnes de sortir de leur domicile plus de douze heures par vingt-quatre heures qu'en vertu d'une disposition expresse dans le décret déclarant l'état d'urgence sanitaire en application de l'article L. 3131-13 ou dans la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire en application de l'article L. 3131-14. » ;
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet amendement met en place le mécanisme que je viens de détailler.
L'état d'urgence sanitaire inclut des pouvoirs spéciaux particulièrement attentatoires aux libertés, c'est pourquoi nous souhaitons que le confinement ne puisse être prolongé sans vote du Parlement au-delà du 8 décembre. C'est important : cela garantit à nos concitoyens que le Parlement se prononcera de nouveau si jamais la situation sanitaire devait exiger, aux yeux du Gouvernement, de prolonger le confinement pendant les fêtes de Noël.
Cet amendement inclut aussi une disposition permanente, qui distingue les différents pouvoirs accordés au Gouvernement, certains pouvoirs spéciaux, plus attentatoires aux libertés, réclamant un contrôle plus resserré.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste.
Après l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Pendant l'état d'urgence sanitaire prorogé par le I du présent article, le Premier ministre ne peut faire application des mesures prévues au 2° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, lorsqu'elles ont pour conséquence d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile pendant plus de douze heures sur vingt-quatre heures, pour une période supérieure à trente jours. L'application de ces mesures au-delà de cette période, définie à partir du jour de la prise de décision, ne peut être autorisée que par la loi.
M. Philippe Bonnecarrère. - Cet amendement a le même esprit que le précédent ; je le retire à son bénéfice.
L'amendement n°18 rectifié est retiré.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Avis défavorable. La durée d'un confinement ne peut être décidée à l'avance ; rigidifier le contrôle parlementaire, au-delà de l'équilibre prévu, peut porter préjudice à la nécessaire réactivité de l'action du Gouvernement.
Mme Laurence Cohen. - Là encore, nous ne parlons pas de la même chose... Il s'agit des droits démocratiques ! En vous passant de l'avis du Parlement, vous confisquez la démocratie ! C'est ce que chacun exprime ici, avec sa sensibilité propre.
Mme Dominique Vérien. - Dans ce confinement, toutes les entreprises ont le droit de travailler... sauf le Parlement !
M. Jérôme Bascher. - Dites-le à Emmanuel Macron !
Mme Dominique Vérien. - Il est normal que le Gouvernement nous consulte.
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Guy Benarroche. - Certes, la situation est évolutive. Nous en sommes tous conscients. Malgré tout, l'état d'urgence sanitaire confisque certaines libertés. Pourquoi priver le Parlement de la possibilité d'examiner certaines mesures comme le confinement ?
L'amendement n°84 est adopté.
M. le président. - À l'unanimité.
Amendement n°60, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
a) Au début du 6° du I de l'article L. 3131-15, les mots : « Limiter ou interdire » sont remplacés par le mot : « Réglementer » ;
M. Jean-Yves Leconte. - La liberté de manifester, a dit le Conseil constitutionnel, est un droit d'expression collective des idées et des opinions, qui ne saurait être interrompu par le confinement. C'est pourquoi le Conseil d'État, le 13 juin, a supprimé l'interdiction d'exercer ce droit.
D'où cet amendement qui prévoit de « réglementer » les manifestations pendant le confinement, au lieu de les « limiter ou interdire ». Je rappelle que des femmes, en Pologne, manifestent en ce moment même, contre la manipulation du droit visant à supprimer un droit d'avorter déjà très limité. Cet amendement est un signe de solidarité, de la part du pays des droits de l'homme, qui montre que le droit de manifester peut être réglementé, mais certainement supprimé, dans le cadre de l'état d'urgence
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je ne doute pas que les Polonais seraient très sensibles à l'adoption de votre amendement, mais il est possible qu'elle échappe à beaucoup d'entre eux...
Quant à la décision du Conseil d'État, elle a été rendue, de façon tout à fait circonstanciée, au mois de juin, alors que la situation sanitaire s'était beaucoup améliorée. Elle ne signifie pas qu'il ne serait jamais interdit de manifester ! Comment justifier d'imposer aux Français de rester chez eux, sauf pour manifester ? Où serait la cohérence dans la lutte contre le virus ?
Nous sommes attachés à ce droit, mais avis défavorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Le droit de manifester a été préservé par le décret du 16 octobre qui exclut les manifestations de plus de six personnes sur la voie publique. Avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Il s'agit de réglementer ce droit. Ne caricaturez pas mon propos ! Il ne s?agit pas aujourd'hui de manifester comme on l'a fait contre la réforme des retraites. La liberté de manifester ne doit jamais être totalement contrainte. La réglementation doit être proportionnée à la situation.
L'amendement n°60 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°83, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Un décret détermine les conditions dans lesquelles le représentant de l'État dans le département peut, pendant l'état d'urgence sanitaire prorogé en application du I du présent article, à titre dérogatoire et lorsque la mise en oeuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus est garantie, autoriser l'ouverture de commerces de vente au détail.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet article permet au Gouvernement de déterminer les conditions d'ouverture de certains commerces, en fonction des situations locales, par exemple dans les bourgs ruraux.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - C'est de la responsabilité du Premier ministre. C'est ainsi que la jauge de 5 000 personnes pour les grands événements a été établie.
Lorsque le déconfinement a commencé, tout le monde voulait des mesures locales. Le retour de flamme du virus appelle des mesures nationales. Il est difficile de trouver le bon équilibre entre le national et le local. Avis défavorable.
M. Philippe Mouiller. - Partout sur le territoire, les petits commerçants nous interrogent...
Mme Catherine Di Folco. - Oui.
M. Philippe Mouiller. - Les fleuristes, les cordonniers, les libraires sont contraints de fermer alors que les grandes surfaces continueront à vendre des fleurs, des chaussures, des livres... et les petits commerçants, eux, ont mis en place des mesures de sécurité sanitaire effective, alors que les gestes barrières sont loin d'être respectés dans les grandes surfaces !
Mme Pascale Gruny. - C'est vrai !
M. Philippe Mouiller. - Madame la ministre, les décisions du Gouvernement seront examinées par les organisations professionnelles. Des milliers d'emplois sont en jeu. Il ne faut pas prendre cet amendement à la légère ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le groupe socialiste, écologiste et républicain votera cet amendement. Les règles définies vont s'appliquer pendant quelques semaines. Le Président de la République a déclaré qu'il réévaluerait la situation dans quinze jours. Trop aimable à lui ! Il me semble plutôt que c'est aux préfets, en concertation avec les élus, d'envisager des assouplissements locaux.
M. Loïc Hervé, Mme Pascale Gruny et M. Philippe Mouiller. - Très bien !
Mme Céline Brulin. - C'est une question de cohérence. Nos concitoyens ne comprendraient pas que des grandes surfaces restent ouvertes, au risque de concentrer un grand nombre de personnes, sans qu'il soit toujours possible de respecter la distanciation physique.
La famille Mulliez, propriétaire du groupe Auchan, et qui a reçu des aides généreuses, devrait s'en sortir ! Il est plus important d'aider nos petits commerçants locaux à vivre, voire à survivre.
M. Arnaud de Belenet. - Il nous faudra être très réactifs et agiles. Cet amendement y contribue. Le Monde annonçait une autorisation d'ouverture pour les garages et les opticiens alors même que nous débattions de la question. Le bon niveau pour agir, c'est un décret. Madame la ministre, donnez un avis de sagesse.
M. Philippe Mouiller. - Bravo !
M. Philippe Folliot. - Il faut articuler vision nationale et prise en compte des situations locales. C'est un amendement de bon sens.
Dans les territoires ruraux, beaucoup de commerçants ont plusieurs activités - dont certaines seront interdites. Qui, mieux que le préfet, peut juger, en concertation avec les élus, de la position à prendre ? Je fais ici appel, en utilisant un mot bien de chez nous, au biays, ce bon sens paysan du sud-ouest, (Sourires) pour prendre les décisions les plus adaptées. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Yves Leconte. - Le confinement fragilise notre tissu économique et social.
Depuis six mois, on nous dit qu'il faut retrouver notre souveraineté mais dans le même temps on gafaïse notre économie. Pendant que les librairies ferment, Amazon continue à vendre des livres.
M. Jérôme Bascher. - Votre entêtement vous conduit vers l'erreur, celle de ne pas écouter les territoires. Pourtant, Jean Castex devrait s'en souvenir, avant d'être Premier ministre, il proposait des aménagements locaux.
Tant que la Pythie de l'Élysée n'a pas statué sur les commerces, vous restez muets. Or c'est au Gouvernement de gouverner, avec le Parlement qui fait la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et SER)
Mme Pascale Gruny. - Les barrières sanitaires sont respectées dans les petits commerces, pas dans les grandes surfaces. (Mme la ministre le conteste.) Cette concurrence déloyale tue le petit commerce ! Vous pouvez faire « non » de la tête, madame la ministre, cela ne change pas la réalité : venez chez moi, j'ai reçu des appels toute la journée, les gens ne comprennent pas ! (« Très bien ! » et applaudissements au centre et à droite)
M. Guy Benarroche. - Je ne comprends pas qu'un bon sens ancré dans la terre suscite une telle opposition. J'étais à une réunion organisée par le préfet des Bouches-du-Rhône : les commerçants y participaient pour exprimer leurs demandes. C'est ainsi qu'il faut procéder, en étudiant les problèmes localement, au cas par cas.
Mme Valérie Boyer. - Madame la ministre, sauvez les centres-villes qui souffrent en premier lieu des grandes surfaces. Dès avant le confinement, les gens ne comprenaient plus de ne pouvoir se chausser, s'habiller en dehors des grandes surfaces. On détruit nos commerces de proximité.
Jusqu'où va aller l'absurdité ? Il faut que la fausse concurrence au bénéfice des grandes surfaces cesse. Si vous persistez à ne pas laisser les petits commerces ouverts, vous pourriez les contraindre à ne vendre que de l'alimentaire par exemple.
Enfin, le Parlement, moderne, n'est pas une chambre d'enregistrement : les Français veulent être entendus, et que l'on respecte les petits commerces, les centres-villes et la ruralité. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Michel Arnaud. - Au-delà du petit commerce, c'est tout notre tissu de PME qui est en jeu. On ne peut tolérer que s'amplifie la différence de traitement avec les grandes surfaces.
Madame la ministre, donnez des gages à ces PME au bord de l'agonie. Si vous ne le faites pas, vous aurez la pleine responsabilité de la mort de ces commerces.
Ayez enfin un peu d'écoute envers les parlementaires qui représentent la diversité des territoires. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Avec le fonds de solidarité, en un mois, nous dépasserons les sommes distribuées durant le premier confinement. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)
Je vous ai laissé parler, maintenant c'est mon tour ! (Même mouvement)
Je suis élue depuis huit ans dans une circonscription rurale, je connais les commerçants de mon territoire. Je suis aux côtés des commerçants chez moi et plutôt que de compatir, je leur dis ce que nous faisons. Depuis des mois, nous soutenons les commerces à bout de bras. Parlons d'une même voix aux commerçants. Je ne suis pas hors-sol ! (Protestations sur la plupart des travées)
M. le président. - Un peu de calme...
L'amendement n°83 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
La séance est suspendue à 20 h 15.
présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président
La séance reprend à 21 h 45.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme le président. - Amendement n°41, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3131-13 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 3131-13. - L'état d'urgence sanitaire est déclaré à la suite d'un vote à l'Assemblée nationale et au Sénat sur proposition du gouvernement. L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises ou mises en oeuvre par les autorités administratives en application de l'état d'urgence sanitaire. Ces autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu'elles prennent en application de ces dispositions. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.
« La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19. Une loi autorise tous les douze jours son renouvellement, également après avis du comité des scientifiques prévu à l'article L. 3
M. Pascal Savoldelli. - Nous poursuivons le débat dans le même esprit. Cet amendement modifie le code de la santé publique : l'état d'urgence sanitaire serait déclaré après un vote de l'Assemblée nationale et du Sénat sur proposition du Gouvernement.
Il serait intéressant de voir combien d'amendements vous n'allez pas soutenir, madame la ministre, et combien d'amendements, parmi eux, votés à l'unanimité par le Sénat.
M. Jérôme Bascher. - Bravo !
M. Pascal Savoldelli. - Cet amendement participe de notre objectif commun de mobiliser la Nation. Comment l'envisager avec des parodies de démocratie comme à la réunion de mardi et en séance cet après-midi ?
Il faut se donner les moyens de l'unité en mobilisant la Nation et en écoutant le Parlement. Nous avons voté un amendement à l'unanimité et vous nous dites qu'il sera balayé par votre majorité à l'Assemblée nationale !
En réponse à Laurence Cohen, vous nous avez lancé des chiffres, des chiffres, des chiffres. Non, on ne gouverne pas avec des chiffres, mais avec des valeurs, notamment l'humanité. Cela relève de l'exercice politique.
Le 16 octobre, nous vous avons demandé un débat que vous nous avez refusé pour finalement nous l'imposer aujourd'hui. On doit redonner du pouvoir et de la crédibilité au Parlement.
Mme le président. - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport mentionné au premier alinéa est communiqué à l'Assemblée nationale et au Sénat qui l'approuvent dans un délai de cinq jours au plus tard. »
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons proposé des dispositifs qui associent davantage le Parlement. Cet amendement l'associe dès l'origine : le rapport du ministre chargé de la Santé devra être soumis au Sénat et à l'Assemblée nationale dans un délai de cinq jours. Il est complémentaire de l'amendement du rapporteur, qui concernait la seule prorogation.
Mme le président. - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l'article L. 3131-13, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots « douze jours » ;
2° Le premier alinéa de l'article L. 3131-14 est ainsi rédigé :
« La loi ne peut proroger l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois. Au-delà de cette durée, le vote d'une loi de prorogation est nécessaire tous les quinze jours. »
M. Pascal Savoldelli. - Il s'agit d'un amendement de repli pour ramener le délai du débat sur l'état d'urgence au Parlement d'un mois à douze jours. Pour les commerçants, vous vous donnez un délai de réflexion de quinze jours. Mais, à ces douze jours que nous proposons, vous allez dire non. Il ne peut y avoir d'une part la temporalité du commerçant, de l'artisan, de l'infirmière et de l'enseignant, d'autre part celle du Parlement et du Gouvernement. C'est un exercice attendu par les Français.
Nous serons là, tous les douze jours pour voter en exerçant nos responsabilités. Ce sera un gage de réactivité nécessaire compte tenu de la gravité de la situation.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission comprend ce qui inspire ces trois amendements. Elle a été guidée par les mêmes motivations pour son propre amendement visant à voter à intervalles réguliers la prorogation de l'état d'urgence sanitaire pouvant aller jusqu'au confinement. L'amendement n 41 ferait voter le Parlement tous les douze jours : cela me semble excessif et difficilement applicable. On ne peut tout de même pas prendre un abonnement... Nous ne pourrions plus rien faire d'autre ici que de discuter de la prorogation de l'état d'urgence.
Voter l'approbation d'un rapport scientifique me semble une idée créative, mais à la faible utilité pratique : avis défavorable à l'amendement n°59 rectifié.
Enfin, l'amendement n°39 rectifié est contraire à la position de la commission qui préfère que l'on ne vote pas après un délai de douze jours mais d'un mois, pour avoir le temps de mesurer l'effet des mesures prises. Nous ne sommes pas tout à fait dans le cadre de l'état d'urgence de la loi de 1955 : pour combattre une épidémie, nous avons besoin de plus de temps que pour faire face à une menace à l'ordre public. Avis défavorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Monsieur le sénateur Savoldelli, ne me prêtez pas de mots que je n'ai pas prononcés : je n'ai pas dit que l'Assemblée nationale allait « balayer » vos amendements. Je suis la première à défendre le débat parlementaire. J'ai été présidente de commission. J'ai trop de respect pour la vie parlementaire pour avoir eu ces mots.
Prévoir une autorisation préalable du Parlement me paraît peu conciliable avec l'urgence impérieuse de la situation, limiter à douze jours la durée de prorogation avant un nouveau vote non plus. Ces sujets pourraient être examinés dans le cadre du projet de loi instaurant un état d'urgence pérenne qui sera présenté en début d'année prochaine.
Déjà, le décret est motivé et le Parlement systématiquement informé des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. En outre, l'article 50-1 de La Constitution prévoit un débat et un vote du Parlement. Enfin, la notion de rapport ne renvoie pas à un document précis.
Avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Pascal Savoldelli. - Je n'essayais pas d'interpréter vos propos, madame la ministre, mais vos silences. Quant à moi je ne vous ai pas raconté ce que j'étais avant d'arriver ici. Ma légitimité est nationale et dans ma circonscription. Je n'ai pas à m'en justifier ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
On peut ne pas être d'accord, mais il faut argumenter. Dites-nous pourquoi vous vous opposez au vote du Parlement sur le décret. Nos concitoyens ont le droit de savoir. Ici, nous avons l'habitude de nous interroger.
Le délai de 12 jours poserait une question de réactivité... Mais les élus locaux, que font-ils ? Ils se donnent des calendriers pour réagir en fonction de la situation. Nous sommes dans une situation complexe qui demande des niveaux de réactivité très élevés. Notre démocratie doit être vivante et réactive, non se limiter à une bataille de chiffres et de dates, si l'on veut éviter les populismes et les obscurantismes.
Notre amendement mérite d'être débattu. (M. Jérôme Bascher renchérit.)
L'amendement n°41 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos59 rectifié et 39 rectifié.
Mme le président. - Amendement n°42, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la promulgation de la présente loi, est instauré un Comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité scientifique, d'un représentant par formation politique représentée au Parlement, d'un représentant par groupe politique de l'Assemblée nationale et du Sénat et d'un représentant par association nationale d'élus locaux. Ce comité se réunit une fois par semaine. Ses délibérations sont rendues publiques.
M. Pascal Savoldelli. - Nous pouvons ici avoir des échanges passionnés ; nous pouvons voter contre ; nous pouvons également faire des propositions, comme avec cet amendement.
L'amendement vise à créer un comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, structure politique rassemblant des hommes et des femmes élus par les citoyens pour exercer un contrôle réactif et jouer un rôle de boîte à idées. Vous voyez que le groupe CRCE sait être constructif ! Le pluralisme nous aiderait, quelle que soit la majorité de demain. Ce sont peut-être les prémices d'une nouvelle Constitution, qui mettra un terme aux dérives monarchiste de l'exercice de la fonction présidentielle.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission des lois ne souhaite pas une cogestion de la crise. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Avis défavorable. Le Parlement contrôle le Gouvernement, mais il ne cogère pas avec lui la situation sanitaire.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Le contrôle démocratique réel que vous évoquez existe déjà au travers de la Représentation nationale. De nombreux outils le permettent. Avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. - J'ai souvenir que, lors d'autres crises, nos gouvernants ont su mettre en place des comités, par exemple, le comité de suivi de l'état d'urgence après les attentats de 2015 chargé d'évaluer la situation en fonction de la dangerosité. Cela n'a porté préjudice ni au rôle de l'exécutif ni à la capacité du Parlement de porter des propositions. Je ne comprends pas ce refus autoritaire de créer ce comité pluraliste. Ne serait-ce pas ce pluralisme qui vous gêne ? Pourtant, ce comité ne déciderait pas ; il apporterait un avis éclairé sur la situation.
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
ARTICLE 2 (Supprimé)
Mme le président. - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Le I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La date : « 30 octobre 2020 » est remplacée par la date : « 1er avril 2021 » ;
b) Les mots : « hors des territoires mentionnés à l'article 2, » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa du 4° , le mot : « biologique » est supprimé.
II. - L'article 2 de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 précitée ainsi rédigé :
« Art. 2. - L'article 1er de la présente loi est applicable dans les territoires où l'état d'urgence sanitaire n'est pas en cours d'application. »
III. - Les I et II du présent article s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je sais que c'est un sujet de discorde majeur entre le Sénat et le Gouvernement. Cet amendement rétablit l'article 2, supprimé en commission, qui proroge jusqu'au 1er avril 2021 l'application du régime de transition défini par l'article premier de la loi du 9 juillet 2020. Ce temps est indispensable de disposer d'un tel régime intermédiaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Qui peut le plus, peut le moins. Dans le régime de l'état d'urgence sanitaire, vous n'êtes pas obligés de prendre les mesures les plus coercitives. Cela prouve l'inanité du régime de sortie de l'état d'urgence, créé pour des raisons d'affichage. Il suffit au Gouvernement de prendre des mesures moins restrictives. C'est pourquoi nous avons supprimé l'article.
Pourquoi vouloir faire perdurer un régime inutile, si ce n'est pour oeuvrer sans contrôle parlementaire ? Nous ne voulons pas vous laisser agir sans rendre compte au Parlement.
Je trouve extraordinaire qu'après l'échec de l'utilisation des pouvoirs du régime de sortie de l'état d'urgence, vous osiez nous réclamer des pouvoirs spéciaux jusqu'au 1er avril - cela ne s'explique que par la volonté de ne pas avoir à revenir devant le Parlement. C'est inconcevable ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous voterons contre cet amendement. Le régime que vous proposez n'est pas un régime intermédiaire : c'est un régime d'exception ! Nous ne pouvons accepter le maintien, pendant six mois, de régimes qui ne respectent pas l'exercice des libertés publiques.
Lors de l'examen du projet de loi de sortie de l'état d'urgence, adopté le 9 juillet, nous avons dû chercher à la loupe les différences entre les deux régimes. Il n'y avait que la possibilité de décréter un confinement total.
Vous avez interrompu l'examen du projet de loi sur la prorogation de la sortie de l'état d'urgence, alors que le Président de la République allait annoncer des mesures pouvant être mises en place dans le cadre du code de la santé publique. Le Gouvernement est confus sur le droit applicable. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'interrompt ; Mme la ministre s'en agace.) Ce n'est pas la peine de vous énerver, madame la ministre... Mais cela me gêne que quelqu'un vous parle en même temps que moi.
L'amendement n°34 n'est pas adopté.
L'article 2 demeure supprimé.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme le président. - Amendement n°32, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Aux premier et second alinéas du 4° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, le mot : « aérien » est supprimé.
II. - Le présent article s'applique sur l'ensemble du territoire de la République.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Cet amendement donne au Premier ministre la faculté d'imposer par décret un résultat de test négatif aux personnes souhaitant se déplacer par un transport public autre que l'aérien.
Mme le président. - Sous-amendement n°90 à l'amendement n° 32 du Gouvernement, présenté par M. Leconte.
Amendement n° 32
Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le 4° du même I de l'article 1erde la loi n° 2020-856 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette exigence ne saurait toutefois interdire le retour sur le territoire national d'un ressortissant français, ou d'une personne étrangère y résidant légalement. »
M. Jean-Yves Leconte. - Ce sujet - la nécessité d'afficher un test virologique négatif avant le retour sur le territoire national - m'avait valu un débat un peu vif avec M. le ministre de la Santé il y a quinze jours. Le décret d'application oblige à obtenir un test virologique. Or cela n'est pas possible dans tous les pays.
De son côté, le Conseil d'État considère que tous les Français ont le droit de revenir sur le territoire national et ce droit ne saurait leur être contesté. Certains n'ont pas la possibilité de faire réaliser ce test.
Des laissez-passer consulaires peuvent être dans ce cas délivrés, mais le décret doit être modifié pour le permettre. C'est une question de transparence. Nous voulons aussi éviter la pagaille que nous constatons depuis l'été dernier.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous n'avons jamais marchandé notre soutien à des mesures utiles. Mais cet amendement se greffe sur un régime dont nous ne voulons pas. Je ne peux donc donner d'avis favorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Des mesures ont été prises pour nos ressortissants. Nos consulats aux États-Unis ont reçu 552 demandes d'exemption au 23 août, 401 exemptions ont été délivrées. Air France nous fait savoir que 90 % de ses voyageurs vers les États-Unis et la France ont pu réaliser un test RT-PCR et les 10 % restant avaient une exemption. Par ailleurs, l'intégration des tests antigéniques dans le champ des tests obligatoires aux aéroports est en cours.
M. Jean-Yves Leconte. - Les consulats sont livrés à eux-mêmes. Nous avons besoin d'une circulaire claire : apparemment le Conseil d'État vous a donné l'injonction de délivrer un laissez-passer consulaire en cas de blocage dans un consulat.
Le sous-amendement n°90 est retiré.
L'amendement n°32 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°43, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la participation de l'assurance-maladie pour une prise en charge à 100 % des masques et des tests de dépistage, afin de faire face à l'épidémie de Covid-19.
Mme Éliane Assassi, rapporteur. - Chacun sait que nous avons de profonds désaccords, madame la ministre, mais le groupe CRCE a le sentiment que vous rejetez systématiquement ses propositions, et le geste que vous faites de la tête semble le confirmer. Nous ne sommes pas agressifs !
Mais nous demandons, comme depuis le début, la gratuité des masques, induite à mes yeux par l'obligation de les porter.
Au vu de la situation économique et sociale de nombreuses familles, c'est une urgence. Le groupe CRCE a d'ailleurs déposé le 7 septembre une proposition de résolution demandant au Gouvernement d'engager une réflexion avec la CNAM sur le sujet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Encore un rapport : avis défavorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Le Gouvernement a pris des mesures de distribution de masques aux plus modestes, et instauré un décret pour contrôler les prix ; des entreprises ont elles aussi distribué gratuitement des masques à leurs salariés.
J'ajoute que les examens de détection de SARS-GV2 sont pris en charge par l'assurance maladie.
Par conséquent, avis défavorable.
M. Patrick Kanner. - Madame la ministre, nous sommes tous deux issus de l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais où les difficultés sociales sont nombreuses.
Le masque est désormais obligatoire dès six ans. Imaginez-vous le budget pour les scolaires ?
Depuis longtemps, le groupe socialiste, écologiste et républicain est engagé, aux côtés de nos collègues communistes, sur cette question de la gratuité des masques à l'école.
Nous voterons cet amendement : un rapport permettra de faire le point sur la situation.
M. Marc Laménie. - Ce sujet est plus que jamais d'actualité. En mars-avril, il n'y avait pas de masques. Les services de l'État, l'assurance maladie se sont ensuite engagés. Mais surtout les collectivités territoriales ont passé des commandes très importantes au début de la crise. Il faut leur rendre hommage, ainsi qu'aux bénévoles qui ont fabriqué des masques eux-mêmes.
L'obligation de port du masque nous contraint à recourir aux importations, alors que nos petites entreprises s'étaient mises à en produire, mais c'est un autre problème. La question, ici, est le coût dans le budget des ménages.
Je me rallierai néanmoins à la position du rapporteur, même si le problème soulevé est pertinent.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - En août, nous avons distribué 53 millions de masques lavables aux plus précaires. 52 millions de masques jetables auront été donnés aux sans-abri dès la mi-novembre.
M. Patrick Kanner. - Nous parlons ici des scolaires !
M. Pascal Savoldelli. - L'État a financé à 50 % le coût des masques distribués par les collectivités territoriales. C'est une forme de reconnaissance.
Les masques ne seraient pas gratuits, madame la ministre, mais sous la responsabilité de la sécurité sociale. Ce n'est pas la même chose.
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Mme le président. - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par Mme Tetuanui, MM. Bonnecarrère, Cazabonne, Folliot, S. Demilly, Levi et Louault, Mmes Guidez et Billon, MM. Bonneau et Laugier, Mme Sollogoub, MM. Kern et Lafon, Mme Férat, M. L. Hervé, Mme Jacquemet et M. Détraigne.
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l'article L. 3841-3 du code de la santé publique, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« "Par dérogation à l'article 850 du code de procédure pénale, les contraventions aux réglementations applicables localement afin de prévenir et limiter les conséquences sur la santé de la population de menaces sanitaires graves appelant des mesures d'urgence ou de catastrophes sanitaires au sens de l'article L. 3131-12 du présent code qui sont punies seulement d'une peine d'amende peuvent faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale." ; ».
M. Philippe Bonnecarrère. - Mme Tetuanui et M. Rohfritsch ont rédigé cet amendement. La pandémie s'accélère en Polynésie française, qui compte désormais 20 morts. Des arrêtés ont été pris et une contravention de quatrième classe est délivrée en cas de non port du masque là où il est obligatoire. Mais il faut y associer une amende forfaitaire.
Mme Nadège Havet. - La rédaction de l'article 850 du code pénal pose effectivement problème. Cet amendement rend applicable en Polynésie française la procédure de l'amende forfaitaire pour les infractions visées.
Les amendements identiques nos16 rectifié bis et 20 rectifié, acceptés par le Gouvernement et la commission, sont adoptés et deviennent un article additionnel.
ARTICLE 3
M. Cédric Vial . - À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles et pouvoirs exceptionnels conférés au Gouvernement.
Mais en même temps que la guerre contre la covid-19, nous menons une guerre contre le terrorisme et l'islamisme radical. Dans un courrier aux préfets en septembre dernier, le ministre Darmanin a demandé l'expulsion systématique des étrangers en situation irrégulière présentant une menace grave pour l'ordre public.
Certains pays d'origine demandent un test PCR négatif pour accueillir leurs ressortissants. Il suffit à ces derniers de refuser de se soumettre aux tests pour échapper à la mesure d'éloignement. Il faudrait donc rendre le test obligatoire pour les personnes concernées.
Mme le président. - Amendement n°44, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
M. Pascal Savoldelli. - L'article 3 autorise, jusqu'au 31 janvier 2021, une dérogation à l'article L.1110-4 du code de la santé publique relatif au prélèvement des données personnelles. La CNIL, dans une décision du 10 septembre 2020, a souligné que l'efficacité du prélèvement de ces données n'est pas avérée. Elle appelle à un contrôle permanent des mécanismes de recueil ainsi qu'à une évaluation de l'efficacité.
Pour le fichier « Contact-Covid », la sécurité des données transmises ne serait pas assurée. Les autorités sanitaires, de leur côté, ne peuvent être certaines que les cas contacts se font bien tester. Enfin, l'étude des chaînes de contamination est peu réalisable.
Il y a un vrai déficit d'efficacité et cela représente un danger pour les libertés.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Ce n'est pas parce que le système d'information ne donne pas satisfaction qu'il faut y renoncer.
En mai, le président du Conseil scientifique a dit à la commission des lois qu'il faudrait 20 000 à 30 000 personnes pour le faire fonctionner. On ne s'en est pas donné les moyens. C'est pourquoi le Gouvernement est aujourd'hui prêt à recruter des étudiants en médecine pour exploiter les données... L'échec n'est pas dû au système lui-même : mais il faut des moyens pour le faire fonctionner. Avis défavorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Le 12 septembre, le Conseil scientifique s'est déclaré favorable au maintien du système d'information. La CNIL elle-même ne remet pas en cause l'utilité des systèmes d'information en eux-mêmes, pour la veille épidémiologique.
Supprimer cet article mettrait en péril la recherche sur le virus et la lutte contre sa propagation. Avis défavorable.
M. Jean-Yves Leconte. - Il y a un problème de gestion des données médicales, pointé par la CNIL. Je représente le Sénat, avec Muriel Jourda, au Comité de contrôle et de suivi Covid.
Le SI-DEP n'est pas StopCovid. Il est au coeur de la compréhension de la propagation du virus. Certes, pour le moment, c'est un échec. Les brigades sanitaires auraient pu être mieux accompagnées.
Mais nous aurons besoin de ce système, dans la durée, pour dégager des données exploitables. La limitation dans le temps votée par la commission des lois n'est pas raisonnable, a fortiori sa suppression.
M. Guy Benarroche. - Ces systèmes d'information risquent de nous faire basculer dans une société du contrôle numérique et du fichage permanent.
J'entends la nécessité de retracer la circulation du virus, mais de nombreuses études y contribuent sans pour autant passer par des systèmes de fichage ou de contrôle.
C'est donc qu'il existe d'autres moyens. Si le système avait fait ses preuves, il serait acceptable. Mais il ne semble pas que ce soit le cas ; le groupe GEST votera donc cet amendement.
M. Pascal Savoldelli. - Les données sont remontées dans les Ehpad via un questionnaire en ligne très basique où ne sont pas même précisés l'âge et le sexe des victimes ! Et il faudrait valider un tel dispositif ?
L'amendement n°44 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°55 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Alinéa 3
Remplacer la date :
31 janvier
par la date :
1er janvier
M. Guy Benarroche. - C'était un amendement de repli.
L'amendement n°55 rectifié est retiré.
Mme le président. - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
31 janvier
par les mots :
1er avril
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Notre amendement à l'article premier ayant été rejeté, je retire celui-ci par cohérence.
L'amendement n°35 est retiré.
Mme le président. - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) À la même première phrase, après les mots : « code du travail », sont insérés les mots : « , les professionnels de santé et personnels spécialement habilités des services de santé des établissements d'enseignement scolaire ou des établissements d'enseignement supérieur », et après les mots : « les pharmaciens, », sont insérés les mots : « des professionnels de santé ou des étudiants inscrits dans une formation donnant accès aux professions de santé régies par la quatrième partie du présent code, » ;
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Cet amendement permet au personnel de santé scolaire d'accéder aux systèmes d'information.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°36 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme le président. - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Imbert, MM. Babary et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne, Bouchet, Bouloux et Cardoux, Mmes Chauvin et Chain-Larché, MM. Chaize, Courtial et Daubresse, Mme Demas, M. de Nicolaÿ, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. B. Fournier, Mmes Joseph, Garriaud-Maylam et F. Gerbaud, MM. Gremillet, Husson, D. Laurent et Lefèvre, Mmes Lopez et M. Mercier, MM. Mouiller, Pellevat, Piednoir et Pointereau, Mme Procaccia, MM. Sautarel et Sol, Mme Thomas et M. Vogel.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l'article L. 4311-15 du code la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Jusqu'au terme de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131-14 du code de la santé publique, les infirmiers exerçant dans un pôle de santé, dans une maison de santé ou dans un centre de santé sont référencés et habilités à pratiquer des actes avancés définis par arrêté du ministre chargé de la santé. »
M. Philippe Mouiller. - Cet amendement donne la possibilité aux infirmiers exerçant dans un pôle de santé, dans une maison de santé ou dans un centre de santé d'effectuer certains actes de pratiques avancées, durant l'état d'urgence.
Le coût supplémentaire serait largement absorbé puisque les médecins pourraient se concentrer sur des activités à plus forte complexité et valeur ajoutée ; le coût horaire d'un infirmier en pratiques avancées (IPA) est plus faible que celui d'un médecin ; enfin, les coûts organisationnels diminueraient, l'IPA aurait directement un rôle d'adressage.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Cet amendement est satisfait par les protocoles de coopération en structures collectives, depuis mars 2020. Retrait ?
L'amendement n°26 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme le président. - Amendement n°45, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2020 au plus tard, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conditions sanitaires des personnes détenues dans des établissements privatifs de liberté dans le cadre de l'épidémie de Covid 19.
Ce rapport devra établir le niveau de protection des personnes concernées, détenues, retenues et du personnel.
Mme Éliane Assassi. - Ne nions pas le déficit de protection dans les centres de détention et de rétention : pas de gel, pas de masques, impossibilité de la distanciation physique.
En février 2020, il y avait 66 000 détenus. La maison d'arrêt de Carcassonne avait un taux d'occupation de 208 %, celle de Nîmes de 182 %, celle de Perpignan de 180 %. Dans ces conditions, il est impossible de garantir la sécurité sanitaire des détenus, et vain d'organiser des campagnes de dépistage en prison.
Le 16 octobre, 88 cas de covid-19 ont été détectés : il y en avait moitié moins 15 jours auparavant. En outre, 188 agents pénitentiaires sont contaminés. C'est une bombe sanitaire. Le Parlement devrait être informé. Cela vaut pour les détenus comme les personnels pénitentiaires.
Usez, chers collègues, de votre droit de visite pour aller voir ce qui se passe dans les établissements. Les détenus ont aussi des droits !
Mme le président. - Amendement n°61, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2020 au plus tard, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conditions sanitaires des personnes détenues ou retenues dans des établissements privatifs de liberté, en cas de situation sanitaire appelant des mesures d'urgence, notamment pour faire face à l'épidémie de covid-19. Ce rapport détaille les modalités envisagées par les pouvoirs publics pour assurer dans tous les locaux clos ou partagés de ces établissements, la mise à disposition gratuite de matériels de protection à destination des personnes détenues ou retenues et du personnel.
M. Jean-Yves Leconte. - C'est une demande de rapport... Mais le sujet est important car les détenus des centres de rétention administrative (CRA) ont un droit à la santé. Comme l'a dit Éliane Assassi, c'est une bombe à retardement.
J'ai visité de nombreux centres de rétention. Dans l'un d'entre eux, certains détenus boivent tous au même robinet, ils n'ont pas droit au gel hydroalcoolique car ils pourraient le boire... Comment assurer la santé des détenus, et celle des policiers de l'air et des frontières qui surveillent ce centre ?
Le greffe affiche un taux d'occupation de 50 % ; mais c'est que 50 % des chambres n'ont pas été rénovées et sont inutilisables ! Les détenus sont donc entassés dans les 50 % de chambres disponibles. Bien sûr, cela dépend des centres...
Il faut que le ministre de l'Intérieur édicte un protocole strict.
Il y a aussi des centres de rétention et des prisons dans lesquels les détenus ont faim. Même les personnels en ont honte !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Il y a en effet des centres où la situation est critique. C'est une question très grave que nous pourrons évoquer lors de l'examen des budgets de la Justice et de l'Intérieur. C'est à ces ministères de dégager des moyens.
Cette situation grave ne saurait être réglée par la rédaction d'un rapport. Avis défavorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je suis sensible à ce sujet. Même si ne j'ose plus tenir des propos personnels, j'ai moi aussi visité des CRA... Ce rapport ne me semble pas la solution adaptée. Même avis.
Mme Éliane Assassi. - Il faut entendre l'urgence. Les personnels, les détenus, les fonctionnaires de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) lancent des cris d'alarme. Une fonctionnaire de la PJJ dénonce l'absence de masques pour les enfants. Pour la première fois, dit-elle, elle ressent le besoin viscéral d'alerter sur ce qui se passe derrière ces murs épais. Les enfants, dit-elle, sont convaincus par cette absence de protection que le virus ne circule plus. Elle est effondrée face à la situation. Certes, il faudra y revenir en projet de loi de finances, mais convenez au moins qu'il y a urgence.
Mme Nathalie Goulet. - Dans mon département, il y a le centre d'Alençon, réservé aux détenus dangereux, et celui d'Argentan. La situation y est dramatique pour les personnels et les détenus.
Je vais voter l'amendement de Mme Assassi pour le principe. Nous nous éloignons de la prison républicaine qu'appelait de ses voeux Robert Badinter.
L'amendement n°45 n'est pas adopté.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous aurions besoin d'une information sur les instructions données à l'administration pénitentiaire et à la police de l'air et des frontières dans le cadre de cette pandémie. Et d'une audition, très prochainement, du garde des Sceaux et du ministre de l'Intérieur.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
ARTICLE 3 BIS
M. Guy Benarroche . - L'article 3 bis prévoit l'organisation des juridictions pendant la crise sanitaire et notamment la possibilité de tenir audience par téléconférence si les parties y consentent. Le groupe GEST tient à exprimer ses craintes face au déploiement des modes de décision dématérialisés de la justice. Les dysfonctionnements de l'informatique nuisent à la qualité des débats. La solennité des audiences en pâtit également, bouleversant les rapports humains. La Cimade a constaté l'utilisation du système des vidéoaudiences pour les mesures de privation de liberté des étrangers retenus. Nous craignons le retour de la justice quelque peu expéditive du premier confinement. La justice ne doit pas se faire au détriment des droits de la défense, notamment pour les mineurs. Nous demandons des garanties au Gouvernement.
L'article 3 bis est adopté.
L'article 3 ter est adopté.
L'article 3 quater est adopté.
L'article 3 quinquies est adopté.
ARTICLE 3 SEXIES
Mme le président. - Amendement n°85, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Amendement de coordination.
L'amendement n°85, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3 sexies, modifié, est adopté.
ARTICLE 3 SEPTIES
Mme le président. - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. D. Laurent, Mouiller, Bazin, Belin, Pellevat et Sautarel, Mme Deseyne, M. Reichardt, Mmes Bonfanti-Dossat, Thomas et Saint-Pé et MM. Babary, Bonhomme et Lefèvre.
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. - Par dérogation aux articles L. 2121-17, L. 2121-20, L. 3121-14, L. 3121-14-1, L. 3121-16, L. 4132_13, L. 4132-13-1, L. 4132-15, L. 4422-7, L. 7122-14, L. 7122-16, L. 7123-11, L. 7222-15 et L. 7222-17 du code général des collectivités territoriales, L. 121-11 et L. 121-12 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie et jusqu'au terme de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131-14 du code de la santé publique, les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent, les commissions permanentes des conseils départementaux et régionaux, de la collectivité territoriale de Guyane et du Département de Mayotte et les bureaux des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne délibèrent valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice est présent. Si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n'est pas atteint, l'organe délibérant, la commission permanente ou le bureau est à nouveau convoqué à trois jours au moins d'intervalle. Il délibère alors sans condition de quorum. Dans tous les cas, un membre de ces organes, commissions ou bureaux peut être porteur de deux pouvoirs.
M. Philippe Mouiller. - L'article 10 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a institué un assouplissement des règles de quorum applicables aux organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Cette disposition a été prolongée par la loi du 22 juin 2020, mais doit prendre fin le 30 octobre 2020.
Si le Gouvernement souhaite prolonger l'état d'urgence sanitaire, le maintien de cette dérogation durant les réunions des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements est nécessaire.
Mme le président. - Amendement identique n°27 rectifié, présenté par M. Requier et Mme M. Carrère.
Mme Maryse Carrère. - Le rebond de l'épidémie impose des restrictions sur le fonctionnement des collectivités territoriales mais celles-ci ne doivent pas heurter la continuité de l'action publique locale.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission des lois s'est réjouie de la remarquable coordination des groupes RDSE et Les Républicains. Avis favorable à ces amendements très utiles pour la vie de nos collectivités locales.
Les amendements identiques nos25 rectifié et 27 rectifié, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.
Mme le président. - Amendement n°86, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
V. - L'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19 est ainsi modifiée :
1° L'article 6 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« V. - Pour l'application des I à III du présent article aux réunions des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, il est dérogé à l'article L. 5211-11-1 du code général des collectivités territoriales. » ;
2° L'article 11 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'article 6 de la présente ordonnance est applicable jusqu'au terme de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131-14 du code de la santé publique. »
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet amendement favorise l'utilisation de la visioconférence et de l'audioconférence dans nos communautés de communes.
L'amendement n°86, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3 septies, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Brisson, Bazin, Courtial et Piednoir, Mme Lavarde, M. Daubresse, Mme Joseph, MM. D. Laurent, Perrin, Rietmann, Pellevat, Mouiller, Savin et Bascher, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mme Deromedi, MM. Chatillon et de Nicolaÿ, Mme Bourrat, M. Gremillet, Mmes Lopez, Gruny et Belrhiti, MM. C. Vial et Panunzi, Mmes Dumont, Noël et Berthet, MM. Regnard et Hugonet, Mme Raimond-Pavero, M. Cardoux, Mmes Goy-Chavent, Imbert et Procaccia, MM. Anglars, B. Fournier, Le Gleut, Lefèvre, Chaize et Grosperrin, Mme Thomas, MM. Calvet et Paccaud, Mme Bonfanti-Dossat, M. Savary, Mme Chain-Larché et MM. Vogel, Sautarel, Belin, Bacchi et Bonnus.
Après l'article 3 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19, après le mot : « groupements, », sont insérés les mots : « ainsi que dans les syndicats mixtes régis par les articles L. 5711-1 et L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales, ».
M. Max Brisson. - Cet amendement permet aux syndicats mixtes fermés et aux syndicats mixtes ouverts restreints de se réunir par visioconférence ou audioconférence. En effet, la possibilité ne leur est pas clairement ouverte par la loi. Ce qui a conduit des préfets à la refuser.
Alors que le processus de renouvellement découlant des élections municipales est achevé et que l'état d'urgence sanitaire se prolonge, il apparaît donc important pour le bon fonctionnement des collectivités territoriales que ces syndicats ne soient pas empêchés de fonctionner.
C'est un amendement de clarification pour éviter ces variations locales.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cela serait judicieux si la règle empêchait la visioconférence et l'audioconférence. Mais il me semble que cette ambiguïté pourrait être levée par une déclaration du Gouvernement confirmant que la loi autorise le recours à ces moyens. Vous pourriez alors retirer votre amendement. Sinon, mon avis sera favorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Votre amendement est bien satisfait par le droit en vigueur.
L'amendement n°12 rectifié est retiré.
ARTICLE 3 OCTIES
Mme le président. - Amendement n°81 rectifié bis, présenté par Mmes Gatel et Vérien.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Sans préjudice du VIII de l'article 94 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, les lignes directrices de gestion en matière de promotion et de valorisation des parcours telles que définies à l'article 33-5 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont arrêtées avant le 31 mars 2021.
Mme Dominique Vérien. - Conformément à la loi du 6 août 2019, dans chaque collectivité et établissement public, des lignes directrices de gestion en matière de promotion et de valorisation des parcours sont arrêtées par l'autorité territoriale, après avis de l'instance de dialogue social compétente.
En raison de la crise sanitaire et du confinement, les négociations sociales nécessaires à la définition de ce document ont pris du retard. Plutôt que d'obliger les collectivités à passer outre la négociation sociale, ou à y consacrer un temps disproportionné, il est proposé un court délai de trois mois pour finaliser correctement cette réforme.
Les décisions prises sur la base de ces lignes directrices de gestion pourront être rétroactives en application de la loi du 26 janvier 1984, ce qui permettra de ne pas léser les fonctionnaires concernés par un avancement ou une promotion.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je salue le travail très pointu de Mmes Gatel et Vérien. Un de leurs amendements a déjà été adopté par la commission des lois. Cette nouvelle proposition sur les lignes directrices de gestion est également bienvenue. Avis favorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - L'adoption des lignes directrices de gestion est l'une des mesures structurantes de la loi de transformation de la fonction publique.
Le dispositif en vigueur n'impose pas de niveau de précision sur les enjeux et objectifs.
Les collectivités territoriales peuvent procéder en deux temps, en commençant par des lignes directrices de gestion généralistes, quitte à les ajuster ou les approfondir dans un second temps. Je ne peux donc pas être favorable au report de la date d'adoption de ces lignes directrices de gestion de la fonction publique territoriale.
L'amendement n°81 rectifié bis est adopté.
L'article 3 octies, modifié, est adopté.
ARTICLE 3 NONIES
Mme le président. - Amendement n°57 rectifié bis, présenté par Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
I - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le premier alinéa du II du même article 12 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le complément à l'indemnité brute mensuelle d'activité partielle versé par l'employeur peut être intégré aux assiettes précitées. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Nadège Havet. - En octobre 2020, 1,1 million de salariés étaient en activité partielle. Il faut renforcer les garanties accordées à ces salariés en précisant que le complément d'indemnité d'activité partielle versé par l'employeur est intégré à l'assiette pour le calcul des cotisations ou primes et le montant des prestations.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Avis favorable, et je lève le gage.
L'amendement n°57 rectifié ter est adopté.
L'article 3 nonies, modifié, est adopté.
L'article 3 decies est adopté.
ARTICLE 3 UNDECIES
Mme le président. - Amendement n°65, présenté par Mme Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéa 1
Après le mot :
rédigée : «
la fin de l'alinéa est ainsi rédigé :
jusqu'au 30 avril 2021. »
Mme Hélène Conway-Mouret. - Une ordonnance du 25 mars 2020 permet aux instances des entreprises et associations ou fédérations de se réunir à huis clos, en recourant à la visioconférence.
La commission a introduit un article 3 undecies prolongeant cette faculté jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, ce qui est pertinent. Mais s'il prenait fin avant le 30 avril 2021, certaines personnes morales de droit privé ne pourraient plus se réunir à huis clos. Je songe en particulier aux fédérations sportives concernées par les Jeux Olympiques qui ont jusqu'au 30 avril pour renouveler leurs instances dirigeantes.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous avons adopté un vote du Parlement au 31 janvier sur la poursuite ou non de l'état d'urgence sanitaire. Il n'y a pas de raison de prolonger le dispositif de l'ordonnance au-delà de cette date. Nous verrons le moment venu. Il faut passer une haie après l'autre. Retrait de l'amendement n°65 ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°65 n'est pas adopté.
L'article 3 undecies est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
Mme le président. - Amendement n°66, présenté par Mme Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 3 undecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du I de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents et informations que les personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé sont tenues de déposer ou publier dans le contexte de l'épidémie de covid-19, les mots : « sont prorogés de trois mois » sont remplacés par les mots : « sont prorogés jusqu'à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131-14 du code de la santé publique ».
Mme Hélène Conway-Mouret. - Les personnes morales ont six mois pour faire approuver les comptes de l'année précédente ; avec la crise, le délai a été prolongé de trois mois. Certains mandataires sociaux ont différé l'assemblée générale d'approbation des comptes dans l'espoir de la tenir physiquement. Autorisons-les à tenir leurs assemblées générales au-delà du délai de six mois prévu par le code de commerce, jusqu'à la cessation de l'état d'urgence sanitaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La question est plus épineuse. Une ordonnance a reculé la date limite d'établissement des comptes, puis d'approbation par l'assemblée générale. Mais l'amendement a des failles. Une société dont l'exercice social court du 1er juillet au 30 juin pourrait, grâce à l'ordonnance du 25 mars, reporter la date limite d'approbation de ses comptes du 30 décembre au 30 mars, or votre article rétablit un couperet au 31 janvier. Retrait ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°66 n'est pas adopté.
L'article 3 duodecies est adopté.
ARTICLE 3 TERDECIES
Mme le président. - Amendement n°64, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 1er de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 précitée est ainsi modifié :
1° Le 1° du I est abrogé ;
2° À la seconde phrase du V, les mots : « dix-huit » sont remplacés par le mot : « six ».
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Beaucoup de nos concitoyens ont subi des annulations de prestations - voyages, vols, spectacles, manifestations sportives.
Conformément à une ordonnance du mois de mars, ces personnes se sont vu proposer des avoirs valables 18 mois en lieu et place de remboursements.
Pour les voyages, la directive européenne impose d'offrir au client le choix entre avoir et remboursement ; Air France a d'ailleurs été rappelée à l'ordre.
En revanche, pour les spectacles et les manifestations sportives, on peut accepter un avoir de six mois, vu les difficultés du secteur. La proposition de la commission me paraît contreproductive : si l'on veut encourager les gens à aller au spectacle, il faut leur assurer qu'ils seront remboursés en cas d'annulation, comme l'a bien compris la SNCF.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable. La commission a souhaité traiter de la même manière l'ensemble de ces prestations : avoir, puis remboursement au-delà d'un certain délai.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Même avis.
M. Jean-Yves Leconte. - L'article 11 de la directive 2015-23-02 est précis : remboursement effectif dans les 14 jours en cas de non-exécution du contrat. Laisser penser qu'il peut en être autrement a conduit certains de nos concitoyens à devoir acheter plusieurs billets pour des voyages tous annulés - au point de se retrouver bloqués à l'étranger faute de pouvoir acheter un énième billet ! Le respect du droit européen n'est pas une option, c'est une obligation.
M. Philippe Folliot. - Nombre de nos concitoyens sont démunis devant la complexité des procédures pour obtenir un remboursement. Cet amendement apporte visibilité et protection au consommateur.
Je suis, cette année, le cycle des hautes études de la culture. Des spectateurs ont choisi de ne pas demander le remboursement d'un spectacle annulé, pour apporter leur soutien au monde de la culture. Idem pour ces supporteurs qui aident de la sorte leur club sportif. C'est un choix éminemment respectable. Je voterai cet amendement qui laisse le choix au client.
L'amendement n°64 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°87, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
II. - L'ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relatif aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l'article 1er est complété par les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131-14 du code de la santé publique » ;
2° Au premier alinéa du I de l'article 2, après le mot : « inclus », sont insérés les mots : « ou entre le 17 octobre 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire et prorogé dans les conditions prévues à l'article L. 3131-14 du code de la santé publique ».
L'amendement de précision n°87, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3 terdecies, modifié, est adopté.
ARTICLE 3 QUATERDECIES
Mme le président. - Amendement n°88, présenté par M. Bas, au nom de la commission.
Alinéa 3
Supprimer les mots :
dont le trafic
L'amendement rédactionnel n°88, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3 quaterdecies, modifié, est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
Mme le président. - Amendement n°50, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les licenciements sont interdits durant l'état d'urgence sanitaire et jusqu'à la fin des mesures d'accompagnement des entreprises. »
M. Fabien Gay. - Il y a beaucoup de colère chez les salariés, qui ont l'impression de payer la crise sanitaire. Il faut distinguer les PME, les petits artisans et commerçants, des grands groupes qui profitent de la crise pour licencier alors qu'ils ont bénéficié du chômage partiel, aide indirecte, ou du prêt garanti par l'État, aide directe. Interdisons à ces derniers de licencier, comme l'ont fait l'Italie et l'Espagne.
TUI, leader du voyage, a économisé 3,9 millions d'euros en salaires pendant les cinq mois de crise. Dans le même temps, il a bénéficié de 1,7 million d'euros d'exonérations de cotisations sociales patronales. La maison mère, basée en Allemagne, a perçu 2 milliards d'euros de PGE, dont 100 millions d'euros au titre de sa filiale française. Et au lendemain du déconfinement, ils viraient 600 des 900 salariés en France - par visioconférence, le patron étant confiné au Maroc !
M. Jean-Pierre Sueur. - Eh bien !
Mme le président. - Amendement n°51, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Pendant la crise sanitaire, les licenciements sont interdits pour :
« 1° Les entreprises qui versent des dividendes à ses actionnaires durant la même période ;
« 2° Les entreprises dont des filiales ou établissements sont établis dans des États et territoires non coopératifs. »
M. Fabien Gay. - Bruno Le Maire a appelé à la modération dans le versement des dividendes. Soit il n'a pas été entendu, soit il n'a pas parlé assez fort, car 100 % des entreprises du CAC 40 ont été aidées via les différents dispositifs - PGE, chômage partiel, exonération de cotisations patronales, etc. Or les deux tiers ont versé des dividendes, huit les ont même augmentés. Le CAC 40 aura versé 34 milliards d'euros aux actionnaires - sur les résultats de l'année 2019. Êtes-vous prêts à interdire les versements de dividendes pour 2021 ? Autre proposition : interdire les licenciements boursiers, qui suscitent la colère des salariés.
Mme le président. - Amendement n°75 rectifié, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Après l'article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le présent article est applicable aux personnes morales de droit privé exerçant une activité économique non affectée par les mesures de police administrative prises en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ou du I de l'article L. 3131-17 du même code, et aux entreprises n'ayant pas connu de diminution de leur chiffre d'affaire depuis la promulgation de cette loi.
II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de sortie de l'état d'urgence, tout licenciement, individuel ou collectif, fondé sur un motif économique, d'ordre conjoncturel ou structurel, est subordonné à une autorisation de l'autorité administrative compétente qui doit statuer en regard de la nécessité de préserver l'emploi et de protéger les salariés dans le cadre de la crise de la covid-19.
Pendant cette même période, aucune suspension du contrat de travail ne peut être mise en oeuvre et aucune exécution d'un préavis ne peut être engagée.
Mme Monique Lubin. - Un grand nombre d'entreprises souffrent, mais certaines tirent leur épingle du jeu dans la crise. Cet amendement rétablit l'autorisation administrative de licenciement, dont la suppression n'a jamais permis de créer des emplois, pendant cette période, afin de. protéger les salariés des licenciements d'opportunité.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n°50, fût-il inspiré de bonnes intentions, est contre-productif. Imaginez qu'une entreprise artisanale ne puisse licencier un salarié ayant commis une faute professionnelle grave ; qu'une autre n'ait d'autre moyen d'éviter le dépôt de bilan que de licencier à grand regret son seul ouvrier... Parfois les intentions les plus généreuses - surtout sur le compte d'autrui - causent l'effet inverse. Avis défavorable.
Quant à l'amendement n°51, les dividendes des entreprises ne méritent pas un tel opprobre. Parfois, la situation de l'entreprise a pu se retourner d'une année sur l'autre. Avis défavorable.
Enfin, la frontière entre les entreprises affectées et non affectées par les mesures prises dans la lutte contre le covid n'est pas claire. Avis défavorable à l'amendement n°75 rectifié. Ces trois amendements risqueraient d'aggraver la crise économique et sociale.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je partage les recommandations du rapporteur. La situation actuelle ne permet pas d'envisager une interdiction générale et absolue de toute rupture des contrats de travail. L'activité partielle a permis de protéger les entreprises mais aussi les salariés. Le Gouvernement sera vigilant sur d'éventuels abus. Enfin l'amendement n°75 rectifié est trop général. Avis défavorable aux trois amendements.
M. Fabien Gay. - C'est la quatrième fois que nous avons ce débat. Mais nous continuerons. Pas d'interdiction des licenciements, pas de contrôle a posteriori des licenciements, pas de contrôle ni d'évaluation des aides publiques. Les grands groupes ont tous des droits et pas beaucoup de devoirs. Nous ne les comparons pas avec les PME, artisans et commerçants, que nous soutenons. Nous ferons des propositions dans le cadre du budget.
Les grands groupes sont en train de faire payer la crise. General Electric profite de la crise pour faire disparaître 1 000 emplois, dont la suppression était déjà prévue, mais aussi McAfee, Airbus, Renault, la liste est tellement longue que l'on pourrait y passer la nuit. Il va falloir légiférer pour récupérer l'argent chez Bridgestone.
Mme Borne avait commencé à contrôler les entreprises sur l'utilisation du chômage partiel. Un tiers d'entre elles auraient continué à faire travailler leurs salariés. Où en sommes-nous ?
Le chômage partiel longue durée est une bonne chose. Nous sommes favorables à 100 % de salaire, 84 %, ce n'est pas assez. Or certains sous-traitants de grands groupes, dont le carnet de commandes est différé mais toujours plein, préfèrent licencier plutôt qu'activer le chômage partiel longue durée.
Mme Nathalie Goulet. - Le Sénat a voté l'interdiction des aides pour les entreprises ayant des filiales dans des paradis fiscaux. Cette disposition avait été supprimée en CMP et s'est retrouvée dans une circulaire, qui n'a pas du tout la même valeur juridique qu'une loi...
Il y a 25 000 à 30 000 contrôles, mais il faut qu'ils soient opérés a priori car la situation perdure. Le chômage partiel va nous coûter une fortune ! Nous le verrons bientôt dans le PLFSS, puis dans le PLF, où Jérôme Bascher ici présent est rapporteur spécial des engagements financiers de l'État : il n'est pas possible de donner autant de millions - avec un endettement extravagant - sans contrôle a priori des licenciements et du chômage partiel. Nous en avons longuement débattu avec Mme Pannier-Runacher.
M. Philippe Folliot. - On comprend les bonnes intentions de ces amendements...Mais l'enfer en est pavé ! Je vois une grande différence entre le texte de votre amendement et votre propos car votre amendement s'applique à toutes les entreprises, même les plus petites.
Il serait très négatif pour l'activité et pour les chefs d'entreprise.
Même dans les grands groupes, on ne licencie jamais par plaisir, car c'est inefficace économiquement et dangereux socialement. La sagesse consiste à contrôler les abus. Nous n'allons pas vers des schémas administrés qui perdureront en sortie de crise.
Mme Monique Lubin. - Je ne partage pas vos propos, monsieur le rapporteur : toutes les entreprises ne souffrent pas de la même façon. Le Monde titre aujourd'hui sur les entreprises qui vont tirer leur épingle du jeu. Nous ne sommes pas de doux rêveurs mus par de bonnes intentions, surtout, nous ne sommes pas naïfs : les chiffres sont terribles. Nous connaissons tous des exemples de fraudes au chômage partiel, qui ne concernent pas que de grands groupes. Certaines petites entreprises ont continué à faire travailler leur personnel, tout en percevant le chômage partiel.
Nous sommes dans l'urgence et nous travaillons dans un temps limité, pour protéger les entreprises, mais aussi les salariés.
M. Pascal Savoldelli. - Mon collègue Gay propose aussi une aide pour les finances de l'État, madame la ministre.
Où en sommes-nous, à 210, 220 milliards d'euros de déficit ?
M. Jérôme Bascher. - Au moins !
M. Pascal Savoldelli. - Nous, parlementaires, regardons où va l'argent public. L'entreprise n'appartient à aucun groupe politique. Voyez la dette privée, qui dépasse 150 % ! Les marchés financiers se livrent à un véritable hold-up sur les entreprises. Il faut poser la question de la conditionnalité des aides publiques. Vous me direz que c'est difficile, mais il y a là un sujet, madame la ministre.
Dans la zone euro, la dette des entreprises progresse de 2,1 % ; en France, de 6,4 %. On doit pouvoir demander des comptes et le retour de l'argent public quand les actionnaires ont été trop gourmands.
L'amendement n°50 n'est pas adopté non plus que les amendements nos51 et 75 rectifié.
Mme le président. - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.
Après l'article 3 quaterdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Par dérogation à l'article L. 411-11 du code de la sécurité intérieure, la durée maximale d'affectation des réservistes mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 411-7 du même code est portée, pour l'année 202 :
1 Pour les retraités des corps actifs de la police nationale, à deux cent dix jours ;
2 Pour les autres réservistes volontaires, à cent cinquante jour ;
3 Pour les réservistes mentionnés au 2° du même article L 411-7, à deux cent dix jours.
II. - Le contrat d'engagement des réservistes mentionnés aux 2° et 3° du I du présent article peut être modifié, par la voie d'un avenant, pour tenir compte de l'augmentation des durées maximales d'affectation conformément au même I.
Il ne peut être procédé à la modification du contrat d'engagement du réserviste salarié dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II qu'après accord de son employeur.
III. - Les I et II du présent article sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Cet amendement prolonge l'accroissement du nombre minimal de vacations dans la réserve civile dans la police nationale pour 2021.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet amendement nous inspire beaucoup de sympathie. C'est le Sénat qui avait inscrit dans la loi la mesure initiale. Avis favorable.
L'amendement n°29 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE 4
Mme Nadège Havet . - Je salue les mesures d'urgence économique et sociale contenues dans cet article, notamment la prolongation du dispositif d'activité partielle et du Fonds de solidarité pour les entreprises en difficulté, les mesures relatives aux gardes d'enfants et à la continuité de l'accompagnement des personnes en situation de pauvreté. Ces mesures visent à protéger les plus fragiles.
Je pense aussi aux assouplissements des modalités de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs organes délibérants.
Il faut bien situer le débat : en tant que législateur, il n'est pas agréable de consentir à des habilitations. Il s'agit d'habilitations - à l'exception de deux dont l'une a été confirmée par notre commission - qui portent sur des mesures que nous connaissons déjà.
Il ne me paraît pas adapté, au regard de leur contenu, de taxer le Gouvernement de « singulière désinvolture ».
Mme le président. - Amendement n°56 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Supprimer cet article.
M. Guy Benarroche. - C'est un amendement de suppression. Nous rejetons la méthode choisie par le Gouvernement : le Parlement est dépossédé de ses prérogatives législatives. L'exécutif ne s'est que trop livré à un exercice solitaire du pouvoir.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Vous avez raison : légiférer par ordonnances dans la période actuelle est encore plus choquant que d'habitude. Regardons-y de plus près et faisons le tri.
Sur certains points cela peut néanmoins être utile : aides aux entreprises, chômage partiel, allongement des délais de paiement, règles de financement des hôpitaux, indemnisation des victimes d'accidents médicaux notamment.
Au regard du respect des droits du Parlement, la demande du Gouvernement de 70 habilitations est vraiment excessive. Nous l'avons réduite à 30 habilitations, que nous sommes prêts à accepter. Pour autant, nous ne pouvons supprimer toute possibilité de recours à cette procédure, dans la période actuelle. Avis défavorable.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Je rejoins le souci du Parlement de ne pas recourir à l'excès aux ordonnances, mais le Gouvernement estime que l'article 4 est nécessaire. Avis défavorable.
L'amendement n°56 rectifié n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu'au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de prolonger ou de rétablir l'application des dispositions prises, le cas échéant modifiées, par voie d'ordonnance et à procéder aux modifications nécessaires à leur prolongation, à leur rétablissement ou à leur adaptation, le cas échéant territorialisée, à l'état de la situation sanitaire, sur le fondement :
1° Du I de l'article 11, à l'exception du h du 1° et des a, b, d, e et h du 2°, et de l'article 16 de la loi n° 2020-290 du 2 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;
2° De l'article 1er de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Les mesures mentionnées aux 1° et 2° du présent I peuvent entrer en vigueur, si nécessaire, à compter de la date à laquelle les dispositions qu'elles rétablissent ont cessé de s'appliquer et dans la mesure nécessaire à la continuité du bénéfice de droits et prestations ouverts par ces dispositions et relevant des collectivités publiques.
II. - En outre, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu'au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi et permettant, en tant que de besoin, de rétablir ou d'adapter à l'état de la situation sanitaire, le cas échéant de manière territorialisée, les dispositions, notamment les périodes d'application ou périodes d'ouverture des droits, résultant :
1° Des articles 10 et 13 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée ;
2° De l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ;
3° Des articles 5, 6 et 12, des I à III de l'article 32 et des articles 36, 41, 45, 47, 48, 49 et 52 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 précitée.
III. - Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par ordonnances, jusqu'au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d'adapter le champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports aux fins d'homologuer les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l'article L. 6325-1 du code des transports et leurs modulations et de rendre un avis conforme au ministre chargé de l'aviation civile sur les projets de contrats mentionnés à l'article L. 6325-2 du code des transports.
III bis. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, jusqu'au 16 février 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d'assurer la continuité du fonctionnement et de l'exercice des compétences des établissements publics de santé et des établissements de santé privés mentionnés aux b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale en prenant toute mesure :
1° Dérogeant aux règles de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements de santé s'agissant notamment de leurs assemblées délibérantes, de leurs exécutifs et de leurs instances représentatives du personnel ;
2° Dérogeant ou adaptant les règles relatives à l'établissement, l'arrêté, l'audit, la revue, l'approbation et la publication des comptes et des autres documents que ces établissements de santé sont tenus de déposer ou de publier, notamment celles relatives à l'obligation de certification et aux délais, ainsi que celles relatives à l'affectation du résultat ;
3° Dérogeant ou adaptant les règles d'adoption et d'exécution des budgets ainsi que de communication des informations indispensables et d'analyse de leurs activités prévues par la loi.
IV. - Les projets d'ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire. Le présent IV est applicable aux ordonnances signées jusqu'au 31 décembre 2020.
V. - Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d'un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Le Gouvernement propose de rétablir l'article 4 dans sa version transmise au Sénat. Compte tenu de l'évolution rapide de la situation et du renforcement des mesures de police sanitaire, le Gouvernement juge nécessaire de disposer des habilitations à procéder par voie d'ordonnances pour rétablir ou prolonger tout ou partie des dispositions prises par le législateur ou par voie d'ordonnances au printemps, afin de répondre rapidement à la propagation de l'épidémie et à ses conséquences sur l'activité du pays.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je vois bien que le Gouvernement n'est pas prêt à discuter avec le Sénat. Il nous demande 70 habilitations ; mais il ne s'est pas opposé à ce que nous inscrivions dans la loi, et dans de meilleures conditions, ce qu'il avait prévu de traiter dans ces ordonnances. Nous avons fait, en somme, le travail que vous n'avez pas eu le temps de faire. Mais ici, vous rétablissez vos habilitations purement et simplement, sans tenir aucun compte de notre travail technique. Or vous prétendez partager notre souci...
Compte tenu des délais très brefs d'élaboration du projet de loi, vous n'avez pas eu le temps de faire un travail précis et comme vous ne reveniez pas devant nous, c'était le dernier point d'eau avant le désert...
Je suis vivement contrarié de voir que le Gouvernement tient pour négligeable notre travail et ne suis probablement pas le seul.
MM. Jérôme Bascher.et Philippe Mouiller. - En effet !
M. Fabien Gay. - Nous partageons l'avis du rapporteur. Certaines ordonnances récentes nous ont surpris. Notamment celle du 20 mai 2020 qui permet désormais à un chef d'entreprise de racheter son entreprise, placée en liquidation judiciaire, à la barre... Alinéa, propriété de la famille Mulliez, a été liquidée, avec 1 000 salariés, avant que la même famille ne la rachète pour une bouchée de pain, sans, je crois, verser de larmes... C'est le cas aussi de Camaïeu, Inteva Products, Phildar, Orchestra...
Cette ordonnance ne profite qu'aux grands groupes.
L'amendement n°37 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°9, présenté par Mme V. Boyer.
Alinéas 1 à 8
Supprimer ces alinéas.
Mme Valérie Boyer. - C'est un amendement d'appel pour mettre un frein à l'abaissement du Parlement. La Représentation nationale ne doit pas être exclue des décisions. Le Parlement n'est pas la chambre d'enregistrement des désirs du Président de la République.
Je tiens à saluer le travail mené par la commission des lois, dans le contexte douloureux d'une double crise sanitaire et terroriste, pour ramener de 70 à 30 le nombre d'ordonnances projetées.
M. le président. - Amendement n°48, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
quatrième
par le mot :
sixième
M. Pascal Savoldelli. - Nous proposons de supprimer l'autorisation pour certaines entreprises de déroger aux règles encadrant le temps de travail et le repos dominical.
Nous avons un devoir d'anticipation : il faut envisager de prolonger la trêve hivernale. Qui pense que le virus va s'arrêter ? Le Gouvernement demande les pleins pouvoirs jusqu'à fin avril. Les familles les plus modestes consacrent 35 % à 44 % de leurs ressources à leur loyer.
Le travail du dimanche et de nuit doit être justifié ; il faut des critères, des conventions collectives. Ces trois amendements demandent que l'on arrête de déroger au droit du travail.
Mme le président. - Amendement n°49, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
quatrième
par le mot :
cinquième
M. Pascal Savoldelli. - Défendu.
Mme le président. - Amendement n°47, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 3
Après les mots :
c à
insérer les mots :
d et du f au
M. Pascal Savoldelli. - Défendu.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Madame Boyer, votre amendement n°9 nous priverait de certaines ordonnances souhaitables, sur les sujets que j'ai énumérés. Retrait ?
La commission a eu la même idée que le groupe CRCE en excluant les habilitations pour des ordonnances permettant d'imposer des prises de congés aux salariés des secteurs public comme privé ; un tel sujet mériterait d'être débattu au Parlement après concertation avec les partenaires sociaux ; idem pour les dérogations au droit du travail dans les entreprises nécessaires à la continuité de la vie économique et sociale. Retrait des amendements nos48 et 49 qui sont satisfaits.
En revanche, il y a désaccord sur l'amendement n°47 qui prolonge la trêve hivernale : nous ne sommes pas sûrs que le virus circule encore activement à la fin de l'hiver. Nous pourrons en débattre à nouveau le moment venu, mais ne pouvons préjuger de la situation qui prévaudra en mars prochain : espérons que nous serons tirés d'affaire !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - Avis défavorable aux amendements nos9, 48 et 49 ; avis favorable à l'amendement n°47 : le Gouvernement souhaiter la prolongation de la trêve hivernale.
M. Pascal Savoldelli. - Nous retirons les amendements nos48 et 49. Le groupe CRCE déclarait en mars que des dispositions dérogatoires temporaires risquaient d'être maintenues dans la perspective d'une possible deuxième voire troisième vague.
Les parlementaires ne sont pas écoutés. J'ai peur que nous ne voyions ces dérogations maintenues indéfiniment. Trop déroger au droit du travail tue le travail.
Les amendements nos48 et 48 sont retirés ainsi que l'amendement n°9.
L'amendement n°47 n'est pas adopté.
Mme le président. - Amendement n°62, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Alinéas 19 et 21
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement illustre le caractère pernicieux du recours inconsidéré aux ordonnances, en l'occurrence pour la gestion des hôpitaux. L'article 4 prévoit d'introduire par ordonnance la possibilité de déroger aux règles de fonctionnement et de gouvernance des établissements publics, aux pouvoirs des représentants du personnel, aux règles d'adoption et d'exécution des budgets et à celles qui régissent la communication des informations indispensables. C'est totalement indéfendable ! Ceux qui les ont fréquentés savent combien le pouvoir du personnel est limité dans les conseils de surveillance des hôpitaux.
On va mettre à bas, par une simple ordonnance, ce qui fait l'importance de ces conseils de surveillance. Cet amendement est une véritable entorse aux droits des personnels hospitaliers ; à ce compte-là, ce n'est pas la peine de les applaudir...
M. Philippe Bas, rapporteur. - La commission a mené un travail très approfondi. Il ne s'agit ici que de dispositions budgétaires et comptables... Nous ne pouvons attendre la loi de financement de sécurité sociale pour 2021 pour cela. Avis défavorable donc.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. - L'ordonnance visée a simplement pour but de concentrer les moyens financiers et techniques sur la gestion opérationnelle de la crise.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Les conseils de surveillance, que certains d'entre nous ont présidés, sont les seuls moyens d'avoir un aperçu du fonctionnement des hôpitaux. Avec ces ordonnances, ils ne sont plus réunis.
La passerelle entre élus locaux et hôpitaux est déjà assez étroite ; vous voulez le supprimer et je suis contrariée que le rapporteur se soit laissé convaincre.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il ne s'agit pas que de mesures financières. C'est dans le texte : il suffit de le lire. Je suis né dans le Pas-de-Calais, j'ai présidé le conseil de surveillance d'un grand hôpital. Je connais l'importance de l'apport de chacun : médecins, personnels, élus, administrations, usagers. Nous tenons beaucoup à cet amendement.
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Mme le président. - Nous avons examiné 51 amendements ; il en reste 29.
Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 30 octobre 2020 à 9 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du vendredi 30 octobre 2020
Séance publique
À 9 h 30
Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier
1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (texte de la commission, n° 79, 2020-2021)
2. Suite du projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (texte de la commission, n° 52, 2020-2021)
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, M. Vincent Delahaye, vice-président
3. Suite du projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (texte de la commission, n° 52, 2020-2021)
Analyse des scrutins
Scrutin n°10 sur la déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à l'évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.
Résultat du scrutin
Nombre de votants :335
Suffrages exprimés :308
Pour :130
Contre :178
Le Sénat n'a pas adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (148)
Pour : 5 - MM. Michel Bonnus, Robert del Picchia, Jean-Pierre Grand, Alain Joyandet, Mme Brigitte Micouleau
Contre : 136
Abstentions : 4 - M. Pascal Allizard, Mme Agnès Canayer, MM. Jean-Jacques Panunzi, Cédric Perrin
N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, président du Sénat, qui présidait la séance, Mmes Marta de Cidrac, Catherine Procaccia
Groupe SER (65)
Pour : 65
Groupe UC (54)
Pour : 15 - MM. Arnaud de Belenet, Michel Canevet, Alain Cazabonne, Patrick Chauvet, Bernard Delcros, Stéphane Demilly, Mme Élisabeth Doineau, MM. Philippe Folliot, Jean-François Longeot, Pierre Louault, Pascal Martin, Jean-Paul Prince, Mme Lana Tetuanui, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Sylvie Vermeillet
Contre : 26
Abstentions : 8 - MM. Olivier Cadic, Vincent Capo-Canellas, Yves Détraigne, Mmes Catherine Fournier, Françoise Gatel, Annick Jacquemet, M. Laurent Lafon, Mme Catherine Morin-Desailly
N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Olivier Cigolotti, Mmes Nassimah Dindar, Sonia de La Provôté, M. Gérard Poadja, Mme Nadia Sollogoub
Groupe RDPI (23)
Pour : 21
N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Sébastien Lecornu, Jean-Baptiste Lemoyne, membres du Gouvernement
Groupe du RDSE (15)
Pour : 12
Abstentions : 2 - M. Christian Bilhac, Mme Nathalie Delattre
N'a pas pris part au vote : 1 - M. Stéphane Artano
Groupe CRCE (15)
Contre : 15
Groupe INDEP (13)
Pour : 12
Abstention : 1 - M. Jean-Pierre Decool
Groupe GEST (12)
Abstentions : 12
Sénateurs non inscrits (3)
Contre : 1
N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Christine Herzog, M. Jean Louis Masson
Nomination des membres d'une éventuelle CMP
Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses dispositions de gestion de la crise sanitaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, M. Philippe Bas, Mme Muriel Jourda, M. Arnaud de Belenet, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Jean-Yves Leconte, Mme Nadège Havet
Suppléants : Mme Jacky Deromedi, Mme Catherine Di Folco, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Hervé Marseille, M. Jérôme Durain, Mme Maryse Carrère, Mme Éliane Assassi