Prorogation du mandat des membres du CESE (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Qu'il me soit permis à mon tour, madame la présidente, de vous souhaiter bon vent, des alizés au goût sucré... Merci pour votre attentisme bienveillant lors de mes premières séances au Sénat.

Ce texte est le premier que j'ai présenté au Conseil des ministres, après ma nomination. Il traduit la volonté du Président de la République de répondre à une aspiration qui couvait depuis longtemps : un changement de la vie politique laissant davantage d'opportunités d'expression et d'action à des personnes qui en sont habituellement éloignées, pour mieux la transformer.

Nos concitoyens aspirent à un renouveau et à une mutation des pratiques politiques. C'est pourquoi le Président de la République a proposé aux Français de moderniser notre démocratie en rendant nos institutions plus représentatives, plus responsables, plus efficaces.

Le projet de réforme du CESE qui vous sera proposée à l'automne en sera la traduction concrète, et l'occasion d'un grand débat démocratique.

Chargé depuis 1925 de représenter les forces économiques et sociales du pays, le CESE a vu sa composition et ses attributions évoluer. La réforme que je vous proposerai lui donnera la possibilité d'organiser des conventions citoyennes en tirant au sort des citoyens, sur le modèle de la convention citoyenne sur le climat. Le CESE deviendrait ainsi la chambre des conventions citoyennes. Il s'agira également de renforcer l'importance de ses avis dans le processus législatif et de modifier sa composition pour renouer avec sa vocation initiale de représentation de la société civile.

Ce matin, il s'agit de permettre cette discussion dans un temps long, propice au consensus. Il nous faut donc prolonger le mandat des actuels membres, fixé à cinq ans par l'ordonnance de 1958, qui prend fin en novembre 2020. Sans le texte d'aujourd'hui, il ne peut y avoir le texte de demain. Pour éviter d'avoir à nommer de nouveaux membres pour quelques mois, ce texte prolonge le mandat pour la durée strictement nécessaire à la réforme du CESE, en fixant la date butoir du 1er juin 2021. Je vous invite à adopter son article unique. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois .  - Madame la présidente, à mon tour de saluer votre engagement, notamment en tant que représentante du Sénat au sein de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Le CESE, troisième assemblée constitutionnelle de la République, a pour vocation de représenter la société civile organisée. Il a pour mission de conseiller le gouvernement, de favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et de contribuer à l'information du Parlement.

Ce texte, très simple, prolonge le mandat de ses 233 membres au plus tard jusqu'à juin 2021.

Le projet de loi organique de réforme du CESE, présenté simultanément en Conseil des ministres, nécessite un examen beaucoup plus approfondi. La réforme a été préparée par les membres du CESE depuis le début de la mandature, mais la crise sanitaire a fait prendre du retard. C'est pourquoi la commission des lois vous propose d'accepter ce texte - ce qui ne préjuge en rien de l'accord du Sénat sur la réforme elle-même.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Il est important de le rappeler.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très important !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Ce n'est nullement, pour nous, l'avant-garde d'une réforme constitutionnelle. Valider ce texte n'est pas valider le deuxième, ni l'ensemble de la réforme des institutions.

Le CESE est un lieu de débats et d'échanges pour les employeurs, les syndicats, les entreprises, les jeunes, les acteurs mutualistes, ceux du logement, dans le dialogue et la transparence. Dans un pays où les débats sont parfois violents, il cimente l'appartenance à une même communauté de destins et permet de trouver des solutions pragmatiques pour faire nation ensemble. Il corrige nos habitudes gauloises de confrontation.

Mais depuis 2017, faute de saisine par le Gouvernement, le taux d'autosaisie du Conseil est passé de 50 % à 80 %. Alors que la conflictualité sociale a été forte, le Gouvernement n'a pas saisi l'intérêt du CESE. Et il a été difficile pour le Parlement, lui-même souvent saisi en urgence, de demander l'avis du CESE.

Le 24 juin, le président Gérard Larcher s'est rendu au CESE pour entendre l'adoption de l'avis qu'il lui avait demandé sur le chômage de longue durée, illustrant notre tradition d'échanges.

Le problème, c'est que sur un sujet un tant soit peu technique, le Gouvernement trouve toujours une autre structure de concertation, plus pointue. Réformer le CESE, c'est le rendre plus lisible et plus efficace.

La commission a repoussé un amendement sur les 77 personnalités associées aux travaux du CESE, considérant que cela relevait de la décision du Gouvernement. Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ?

Deux sujets seront au coeur des débats. Si le sort des 40 personnalités qualifiées ne fait pas débat, baisser de 18 le nombre de membres pourrait poser problème au regard de la nécessaire représentation de l'ensemble des corps constitués, comme le fait de confier au pouvoir réglementaire la répartition entre ces corps.

Le projet de réforme prévoit que le CESE s'adjoigne, dans certaines conditions, des citoyens tirés au sort, qui n'en seront pas membres. C'est tout le débat entre démocratie participative et représentative.

Le numérique nous oblige à faire évoluer la manière de faire de la politique. Mais la démocratie représentative demeure la seule manière d'assurer une réelle démocratie et le contrôle par des élus de l'administration d'un État. Elle doit continuer à vivre.

Tirer au sort pour avoir un avis, c'est ce que font tous les instituts de sondage ; on ne remplace pas pour autant les élections par des sondages.

Ces débats devront avoir lieu à l'automne. Pour ce faire, il faut adopter ce projet de loi organique. Le CESE est indispensable à notre pays, pour retrouver une compréhension mutuelle au-delà de la confrontation des intérêts, mais doit se réformer. (Applaudissements sur plusieurs travées et sur le banc de la commission)

Mme Éliane Assassi .  - Cette prolongation du mandat des membres du CESE est le premier étage de la fusée qui vise à une réforme globale du CESE, assemblée qui a toujours eu du mal à trouver sa place et sa légitimité dans notre paysage institutionnel. Nous n'avons aucune raison de nous y opposer. Pour autant, notre approbation ne signifie en aucune manière un accord sur l'ensemble de la réforme proposée. Nous devrons prendre, à l'automne, le temps du débat sur le rôle du CESE.

Dans quel état d'esprit notre groupe aborde-t-il cette réforme ? Nous sommes satisfaits qu'ait été abandonnée l'hypothèse d'une fusion Sénat-CESE. Le bicamérisme est un élément important de la démocratie et contribue à la qualité de la loi.

Nous déplorons en revanche la volonté de réduire le nombre de membres du CESE, alors que nombre d'associations importantes - la Licra, ATD Quart monde, la Croix-Rouge, le planning familial, le Secours populaire - n'y sont pas représentés.

En élargissant les missions du CESE tout en réduisant le nombre de membres, nous risquons de professionnaliser la fonction.

Nous regrettons le recours aux procédures accélérées, comme à toute procédure d'exception, qui revient à limiter les débats.

Nous devons avoir un vrai débat sur les modalités de la participation citoyenne, et notamment la place du tirage au sort. Si cette procédure peut se justifier ponctuellement, elle incite à s'interroger sur les stratégies de ceux qui la proposent. Les citoyens tirés au sort ne peuvent se substituer aux forces vives et à la représentation de la société civile organisée, colonne vertébrale du CESE.

Encore faut-il que le Gouvernement écoute cette parole spécifique. La parole des citoyens ne doit pas être instrumentalisée, et leur formation devra être pluraliste.

Au-delà, le devoir d'innovation démocratique qui nous incombe touche aux modalités concrètes de partage des pouvoirs et de représentativité de nos institutions.

Nous sommes très dubitatifs sur la substitution du CESE aux organes de consultation sectoriels pour la préparation des projets de loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

Mme Éliane Assassi.  - On peut craindre que la réforme ne supprime certaines compétences d'organismes consultatifs, portant atteinte à la démocratie sociale. Le Conseil d'État a déploré un manque de clarté. Veillons à ne pas affaiblir les corps intermédiaires sous couvert de démocratie directe. Nous y serons très attentifs.

Pour aujourd'hui, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Jérôme Bignon .  - Acteur essentiel de notre démocratie sociale, le CESE est chargé, dès sa création en 1925, de représenter les forces économiques et sociales du pays.

Le mandat de ses 233 membres expire le 14 novembre 2020. Le Gouvernement a engagé un grand projet de réforme du CESE visant à modifier sa composition, adapter son fonctionnement et lui confier de nouveaux outils. Il entend faire du CESE un véritable carrefour de la consultation citoyenne - mais le projet de loi organique qui porte cette réforme ne pourra pas être adopté et promulgué avant cette date.

D'où ce texte qui prolonge le mandat des membres jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi déposé le 7 juillet sur le bureau de l'Assemblée nationale, et au plus tard jusqu'au 1er juin 2021.

Notre vote ne préjuge en rien de la position de notre assemblée sur le futur texte. Plusieurs de ses dispositions sont très délicates et méritent des débats approfondis : réduction de 25 % du nombre de membres, extension du recours à la procédure simplifiée pour la publication des avis et recours au tirage au sort. Mais comment articuler cette disposition avec le principe de l'élection, fondement de notre pacte républicain ? Peut-on renvoyer à un décret la liste des organisations représentées ?

Pour débattre de ces sujets et d'autres, il faut prolonger le mandat des membres actuels, pour qu'ils puissent participer aux travaux. Le groupe Les Indépendants votera donc ce texte.

M. Yves Détraigne .  - Le 29 juin, le Président de la République a affirmé sa volonté de transformer le CESE en « chambre des conventions citoyennes ». Le garde des Sceaux a ensuite présenté au conseil des ministres un projet de loi organique visant à accroître le rôle du CESE dans le développement de la démocratie participative.

Acteur essentiel de la démocratie sociale, le CESE peine toujours à trouver sa place dans le paysage institutionnel et ses travaux, pourtant nombreux, restent peu connus du grand public et, ce qui est plus surprenant, des pouvoirs publics. Cela tient sans doute à la concurrence des nombreux autres organes consultatifs. Pire, l'institution est peu sollicitée : 79 % de ses travaux résultent d'une auto-saisine. 

Notre troisième chambre mérite une autre place. La réforme, qui devrait intervenir début 2021, nécessite une prorogation du mandat des membres actuels jusque-là.

Tout le monde partage l'objectif de donner un meilleur écho aux travaux du CESE ; mais je suis plus réservé sur la réduction de 25 % de ses effectifs, lourde de conséquences sur la représentation de la société civile organisée, et le recours au tirage au sort. Si beaucoup louent le modèle démocratique athénien, il est en contradiction totale avec notre démocratie représentative, fondement de notre histoire politique.

Méfions-nous de cette douce chanson qui fait l'éloge de la démocratie participative et directe, fer de lance de dégagisme et du populisme.

La place réservée au tirage au sort dans le projet n'est pas scandaleuse, mais le consacrer dans la loi est un précédent qui mérite à tout le moins un débat de fond. (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.) Pour qu'il ait lieu, nous voterons ce texte.

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte fait consensus - d'abord parce qu'il est très bref (Sourires) et que le Conseil constitutionnel avait déjà admis une prolongation similaire en 2009, après la dernière réforme constitutionnelle.

Notons aussi qu'un amendement de la commission a enfin mis à jour le nom de l'institution - douze ans après, il était temps !

Le texte de réforme déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale ne pourra être adopté, covid oblige, avant le terme du mandat actuel des membres du CESE.

Le fonctionnement du CESE avait déjà été revu en 2008. Aujourd'hui, il faut s'interroger sur l'adéquation des objectifs de l'institution avec sa composition, ses procédures et ses moyens. Pour que révolution il y ait, il aurait fallu une réforme constitutionnelle : une loi organique ne changera pas tout.

Le groupe Les Républicains reste attaché au rôle dévolu à chaque chambre par la Constitution, qu'il s'agisse du Sénat comme du CESE, qui participe à l'équilibre constitutionnel.

À ce stade, laissons sa chance à la réforme, comme dit le président Bas, et votons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Ce texte repousse au 1er juin 2021 la fin du mandat des membres du CESE dans l'attente de la réforme qui doit lui donner un nouveau souffle et une nouvelle visibilité.

Le calendrier ne fait pas débat ; mais l'adoption de ce texte ne préjuge en rien de la position du Parlement et en particulier du Sénat sur la future réforme.

Avant d'envisager de nouvelles orientations, il faudrait faire un diagnostic du rôle du CESE au cours de ces dernières années. Il a trois missions : conseiller le Gouvernement, favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et contribuer à l'information du Parlement.

Le fait-il de manière satisfaisante ? Non. Il est peu sollicité par le Gouvernement et le Parlement. Ses 80 % d'auto-saisine montrent certes son autonomie, mais surtout le manque d'écho de ses travaux, d'autant qu'il est concurrencé par d'autres institutions comme la Commission nationale du débat public pour l'organisation de la participation directe des citoyens et de la consultation publique.

Le CESE ne joue aucun rôle opérationnel dans la consultation des corps intermédiaires, qui préfèrent s'adresser directement au Gouvernement et au Parlement. Quant à ses déclinaisons régionales, les Ceser, leur influence sur les politiques régionales est illusoire ou marginale et j'avais proposé leur suppression par amendements à l'occasion de la loi NOTRe.

Quant à la réforme envisagée, elle donnera lieu à des débats animés portant sans doute sur le tirage au sort pour lequel le Sénat a un goût très modéré ; pour l'heure, le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Didier Rambaud .  - Monsieur le garde des Sceaux, je vous ai beaucoup lu, écouté, regardé ces dernières années ; je n'imaginais pas qu'un jour les rôles seraient en quelque sorte inversés, ne fût-ce que quelques minutes ! (Sourires ; M. le garde des Sceaux rit.)

Le mandat des membres du CESE d'une durée de cinq ans, arrive à son terme le 14 novembre ; le calendrier ne permettra pas que la réforme projetée soit mise en oeuvre avant cette date.

De plus, le Gouvernement doit préparer les décrets d'application concomitamment à l'examen de la réforme.

D'où la prolongation de six mois et demi envisagée pour le mandat de ses membres - le Conseil d'État n'y voit pas d'obstacle constitutionnel ni conventionnel. Une précédente prorogation avait été validée dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, pour une durée qui était supérieure.

Refuser la prorogation aurait empêché tout débat sur la réforme ; l'accepter permet ce débat sans préjuger de la position du Sénat sur son contenu.

La réflexion sur le CESE est assez ancienne, et le CESE lui-même y participe. La part croissante et paradoxale des auto-saisines nous y invite en tout cas. De même que la nécessité de réaffirmer la place de cet organe consultatif dans les institutions, face à la défiance ou l'insuffisante connaissance dont elle peut faire l'objet aujourd'hui.

Le CESE a contribué à organiser la Convention citoyenne pour le climat. Je ne m'étendrai pas sur les contours de la réforme, desquels nous débattrons avec notre intelligence et notre prudence habituelles.

Je salue à cet égard la coordination nécessaire à laquelle la commission des lois a procédé.

Voter ce texte nous offre la possibilité prochaine de limer et de frotter notre cervelle contre celles d'autrui, selon la si juste formule de Montaigne, afin de trouver ensemble les modalités d'une juste conciliation entre les différentes expressions de la démocratie et de l'aspiration à la chose publique. Le groupe LaREM votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je veux pour la seconde fois cette semaine remercier le Sénat de m'offrir dix minutes de temps de parole alors qu'une seule serait déjà de trop pour dire qu'il est inutile de répéter ce que mes prédécesseurs ont excellemment dit (Sourires) : il est judicieux de proroger d'un an le mandat des membres du CESE.

Je pourrais m'en tenir là...mais (L'on sourit à nouveau.) il serait désobligeant vis-à-vis de notre institution de ne pas utiliser les neuf minutes qu'il me reste (Rires), fût-ce en partie, soyez rassurés !

La position du Sénat sur la réforme n'est pas engagée par ce vote. Monsieur le ministre, c'est, dites-vous, le premier texte que vous avez présenté en Conseil des ministres, mais avez-vous eu le temps de le lire ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Oui, je l'ai lu !

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet, il propose d'offrir au Gouvernement et au Parlement un « regard tourné vers l'avenir ». (Exclamations amusées)

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Il était temps ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Est-ce à dire que l'Assemblée nationale, le Sénat ne seraient pas tournés vers l'avenir, alors que nous avons, au Sénat, une délégation à la prospective, présidée par Roger Karoutchi, et que nous ne cessons, en examinant les textes qui nous sont soumis, d'en envisager les conséquences, à court, moyen et long terme, donc pour l'avenir, celui des « générations qui nous succèderont », comme il est également écrit dans l'exposé des motifs - dont je sais que si vous l'avez lu, il n'est pas de votre plume...car telle est bien la préoccupation du législateur.

Deuxième point, l'article 6, est assez étrange.

Mme Assassi l'a souligné. Il prévoit que lorsque le Gouvernement consultera le CESE, sur un projet portant sur les questions économiques, sociales et environnementales, il ne procédera pas aux consultations prévues « sauf exceptions nommément indiquées ».

Ne pensez-vous pas qu'il mériterait à tout le moins des vérifications, des discussions ? Mais nous avons tout l'été pour y réfléchir... (M. Philippe Bas, président de la commission, le confirme.)

Troisième point, le tirage au sort : j'y suis tout à fait hostile. La politique consiste à choisir des hommes et des femmes qui prennent des positions et s'engagent sur des projets - ce qui est peu compatible avec des procédures aléatoires, lesquelles relèvent, comme l'a dit le rapporteur, de la logique du sondage.

Or les sondages comportent toujours une marge d'erreur qui les prive de toute valeur prédictive.

Mais il se trouve que les instituts de sondage publient cette marge d'erreur sur un site internet que personne ne consulte - ce qui vide la loi de son sens. J'ai déposé une proposition de loi pour régler ce problème - mais là n'est pas l'essentiel.

À l'article 4, je lis : « les modalités du tirage au sort permettent d'assurer une représentation appropriée du public concerné ». (Rires) D'abord on ne sait pas quel est le public concerné... Et la représentation est appropriée à quoi, de quoi ? (Sourires) Si c'est aléatoire, comment pourrait-ce être une représentation appropriée ? (On rit derechef.)

Nous avons l'été pour le comprendre - et vous aussi, monsieur le garde des Sceaux, car le Gouvernement pourrait supprimer cela par un amendement...

Je me réjouis de la disparition des personnalités qualifiées - comme si les autres ne l'étaient pas ! Si un étudiant rédigeait un mémoire sur la sociologie de ces personnalités désignées au fil des ans par les pouvoirs exécutifs de toutes tendances, il y aurait long à dire... Il est sage que le CESE soit formé de représentants effectifs des différentes forces des réalités économiques, sociales et environnementales. (Applaudissements sur la plupart des travées)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux .  - Je répondrai brièvement aux sénateurs Leconte et Sueur.

Voix à droite. - Et les autres ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis d'accord avec tout ce qu'ils ont dit ! (Sourires) Et je ne veux pas abuser de mon temps de parole...illimité !

Les choses me semblent à ce stade assez simples.

Monsieur le rapporteur Leconte, vous savez que le choix des personnalités relève du pouvoir réglementaire et du décret simple.

S'agissant du tirage au sort, il vous vient la référence au sondage ; à moi me vient la référence au jury de cour d'assises, qui n'est pas qu'aléas.

Monsieur Sueur, j'ai entendu vos avertissements. Un homme et un ministre avertis en valent deux ! (Sourires) Pour l'avenir, je m'efforcerai de retenir vos leçons - celles du professeur de linguistique et du législateur. (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous êtes trop bon !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je souhaite apporter mon témoignage en faveur du CESE. Tant comme parlementaire que dans ma vie antérieure au service de l'État, j'ai vu combien il était une forge de dialogue social qui prenait en compte tous les arguments. À l'abri des projecteurs, les débats qui s'y déroulent, notamment en marge des séances, permettent aux organisations salariales et patronales de rapprocher des points de vue qui s'opposent dans d'autres enceintes.

C'est dire combien le général de Gaulle a eu raison de souhaiter qu'à côté du Parlement il y ait non pas une chambre ou une assemblée mais un Conseil qui représente les « forces vives » de la Nation.

Mais ce n'est pas parce qu'on est reconnaissant pour son travail qu'on devrait accepter des dérives toxiques. Le CESE ne fait pas partie du Parlement : c'est une assemblée consultative citée par la Constitution, qui est claire là-dessus. Il doit rester à sa place s'il veut que sa légitimité soit assurée, légitimité complémentaire de celle de la Représentation nationale.

Il y a un risque de dévalorisation des institutions lorsqu'on dit qu'il y a en France trois assemblées, dont les présidents pourraient être vus comme un collectif consulté à l'envi, et à égalité de dignité, par le pouvoir exécutif.

Je n'ai pas suffisamment d'imagination pour croire que le tirage au sort aurait une quelconque supériorité sur le suffrage universel. Si c'est là l'expression d'une idéologie conservatrice et réactionnaire, il faut le dire !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Républicaine, plutôt.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - J'ai trop admiré ceux qui se sont battus pour offrir à nos pères d'abord, à nos mères ensuite le droit de vote pour pouvoir m'en départir.

Le tirage au sort, qu'on a mis en oeuvre pour réunir ce qu'on a appelé si pompeusement « Convention » citoyenne pour le climat n'est pas, comme pour les jurés d'assises totalement le fruit du hasard, à cause de la sélection de ces jurés.

Surtout, les tirés au sort sont souvent massivement auto-récusés, ce qui ne laisse - si l'on me permet le terme - que le fond du panier.

Ces personnes ne représentant que 1,440 millième de la population française n'ont reçu aucun mandat et il n'y a aucune raison que le fruit de leurs travaux soit soumis à une validation par un oui ou un non dans le cadre d'un référendum, sans aucune autre forme de délibération.

Ce gadget serait une grave régression démocratique. Alors pourquoi la commission des lois incite-t-elle à voter le présent texte ? Mais parce que c'est son rôle d'accepter le débat sur ces points.

Indépendamment du tirage au sort, question qui pour moi est définitivement réglée, il y a la question de l'effectif des membres du CESE, et je ne veux pas priver le Gouvernement de la possibilité de faire aboutir cette question.

Je trouve très déplaisant à l'égard du Président de la République et du Premier ministre de croire que les nominations de personnalités qualifiées n'ont eu comme objet que de recaser des battus du suffrage universel ou de faire plaisir à des affidés du pouvoir. Je crois que ce n'est pas vrai.

Et si nous faisions ce reproche aux présidents de la République et aux Premiers ministres qui se sont succédé, il faudrait aussi le faire aux responsables des organisations syndicales et patronales qui ont nommé les autres membres du CESE. Nous ne signerons pas un chèque en blanc sur la réforme du Conseil économique et social en approuvant le report de la fin de mandat de ses membres. Je vous invite donc, au nom de la commission des lois, à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Leconte, au nom de la commission.

1° Remplacer le mot :

relative

par les mots :

résultant de l'adoption du projet de loi organique relatif

2° Après la seconde occurrence du mot :

environnemental

insérer les mots :

délibéré en conseil des ministres le 7 juillet 2020

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur.  - Il y a déjà eu une prolongation du mandat des membres du CESE en 2009. Pour éviter toute confusion entre le présent projet de loi organique et celui qui avait procédé à cette prolongation, mon amendement précise la rédaction de l'article premier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable à cette demande de clarification.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

L'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°145 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 338
Contre     0

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à 11 h 55, est reprise à midi.