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Table des matières
M. Jean Castex, Premier ministre
M. Jean Castex, Premier ministre
Projet de loi de finances rectificative pour 2020
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
M. Olivier Dussopt, ministre délégué
Contrats de développement écologique
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Aménagement et attractivité des territoires
Propositions de la Convention citoyenne pour le climat
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Nomination du ministre de l'Intérieur
M. Jean Castex, Premier ministre
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur
Protection des données de santé
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Admissions dans l'enseignement supérieur
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Aide départementale aux petits entrepreneurs
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Ordre du jour du vendredi 17 juillet 2020
SÉANCE
du jeudi 16 juillet 2020
5e séance de la session extraordinaire 2019-2020
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Françoise Gatel, M. Guy-Dominique Kennel.
La séance est ouverte à 10 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Commission (Nomination)
M. le président. - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger à la commission des lois a été publiée.
Elle sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Déclaration du Gouvernement
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
M. Jean Castex, Premier ministre . - (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Pierre Louault applaudit également.) Permettez-moi de vous dire l'immense honneur et l'émotion que j'ai à m'exprimer devant votre Haute Assemblée. Si j'ai tenu à présenter la politique du Gouvernement devant le Sénat, c'est avant tout pour marquer mon attachement personnel, familial, au bicamérisme et à l'équilibre démocratique qu'il garantit. Je veux témoigner de mon profond attachement à notre système représentatif.
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Je m'exprime dans un contexte national, européen et international particulier. Je mesure que je dirige un Gouvernement de crise, donc de combat.
La crise est encore et toujours la crise sanitaire. La période actuelle est marquée par une forte activité de l'épidémie dans certaines parties du monde et une situation nationale plutôt favorablement orientée, même si certaines zones appellent à la plus grande vigilance, comme la Guyane, où j'ai tenu à me rendre dès ma prise de fonctions.
En conséquence, les dispositions que je vais prendre, annoncées par le chef de l'État, ne visent pas tant à répondre, ici en métropole, à une situation d'urgence qu'à nous inscrire dans une logique préventive.
Nous allons agir dans trois directions. D'abord, nous renforçons les dispositifs de contrôle à l'entrée du territoire pour les voyageurs, y compris les ressortissants français, en provenance des pays où la circulation virale est forte. Idéalement, ces contrôles devraient être réalisés dans les pays de départ. Mais nous devons être pragmatiques, nous les renforcerons donc à l'arrivée sur le territoire national, dans les ports et les aéroports.
Ensuite, nous entendons développer encore les tests de dépistage, en constante augmentation, et dont le résultat demeure largement favorable. Le nombre de tests positifs est inférieur aux modélisations du mois de mai, ce qui témoigne de l'efficacité de la politique conduite. Mais le nombre de tests demeure insuffisant. Non que nous manquions d'équipement ou de personnel, mais parce que nos concitoyens ne se font pas suffisamment tester. (Mouvements à droite comme à gauche ; Mme Éliane Assassi s'amuse.)
M. Pierre Cuypers. - C'est la meilleure !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Il faut donc lever les obstacles, y compris psychologiques. Le Président de la République a annoncé la fin des prescriptions médicales obligatoires. J'ai demandé qu'on accélère l'évaluation scientifique de la fiabilité des tests salivaires, plus simples et moins douloureux, et qu'on intensifie les actions proactives invitant les habitants de certaines communes à se faire tester.
Enfin, le port du masque constitue, avec le respect des gestes dits barrières, une mesure de prévention et de protection efficace. (Exclamations à droite)
M. Jean-François Husson. - Vous ne l'avez pas toujours dit !
M. Jean Castex, Premier ministre. - J'ai donc proposé de rendre son port obligatoire dans tous les lieux publics clos, en particulier les commerces. Cela nécessite un décret. Pour ce qui est des locaux professionnels, cela suppose une évolution des protocoles sanitaires.
Nous envisagions une entrée en vigueur au 1er août, car nous agissons dans une logique préventive, non sous l'empire de l'urgence.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Même pas de l'urgence sanitaire.
M. Jean Castex, Premier ministre. - Mais j'ai compris que cette échéance pouvait paraître tardive et suscitait des interrogations. Le décret entrera donc en vigueur la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. - J'ai demandé aux ministres de la Santé, de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur de préciser les conditions de la rentrée de septembre dans les établissements.
Dans la gestion de la crise, les élus ont été remarquables d'implication et de dévouement, à commencer par les maires, combattants de la première ligne et de la première heure. (Marques d'approbation à droite) Chargé par le précédent Gouvernement de préparer le déconfinement, j'avais recommandé que le couple maire-préfet de département soit au coeur du dispositif et que l'État soutienne les collectivités dans leur politique d'acquisition de masques.
Au-delà de la crise sanitaire, c'est un enseignement structurel qu'il nous faudra tirer pour la conduite de l'action publique.
Nous affrontons une crise économique et sociale sans précédent. Depuis plusieurs mois, notre économie est durement frappée. La crise accentue la vulnérabilité des plus démunis et risque de creuser les inégalités, y compris face à la maladie ; elle dégrade fortement nos finances publiques et sociales, fragilise notre modèle et rappelle l'ampleur du défi écologique.
Il est des heures où l'ensemble des forces vives d'un pays doivent se rassembler. Ma conviction est que nous sommes dans un tel moment. Je sais que l'esprit de dialogue, la volonté de dépasser les postures et les clivages sont des principes qui vous sont chers. Les Français, résilients et solidaires face à la crise, nous montrent l'exemple. Nous devons prendre collectivement la mesure de la situation. Si nous ne réagissons pas, cela pourrait accentuer les fractures, notamment territoriales, et menacer l'unité, déjà mise à mal, de notre pays.
Prendre cette crise à bras-le-corps, protéger les Français, reconstruire notre économie, conforter notre pacte républicain, tels sont les défis devant moi.
Mon discours de politique générale a été lu hier devant vous, je n'en reprendrai donc pas le détail.
Pour réussir, nous devons changer nos façons de faire. L'État joue un rôle majeur mais ne pourra agir seul. Il devra fédérer les énergies mais aussi faire confiance à ses partenaires, à commencer par les collectivités que vous représentez.
Devant la chambre des territoires, je me revendique comme un Premier ministre des territoires et de la vie quotidienne. (Mme Laurence Rossignol ironise.) L'exercice de la responsabilité politique ne peut s'arrêter aux intentions, si louables soient-elles. Rien ne vaut sans l'obsession du résultat et de l'impact sur la vie de nos concitoyens.
J'ai cité hier cette phrase célèbre : « l'intendance suivra ». Non, elle ne suit pas toujours, et même de moins de moins, alors qu'elle devrait être une priorité. Les conditions de l'exécution doivent entrer dans le champ de la politique : ce ne sont pas des sujets triviaux et techniques.
Dans notre pays où, depuis les Lumières, les grands principes, le maniement des concepts monopolisent le débat public, c'est un choc culturel. Mais c'est sur l'exécution que nos concitoyens nous attendent, et sont fondés à nous juger. C'est par la charge de la preuve que se reconstruira la confiance qui s'est altérée.
Fixer un cadre juridique au niveau national n'est pas suffisant ; nous devons nous impliquer dans la mise en oeuvre des politiques publiques, les adapter à la vie des gens, dans les régions, les départements, les cantons, les communes, les quartiers. Pour cela, il faut faire confiance aux territoires qui détiennent la solution au rebond collectif. Nous devons libérer les territoires et nous appuyer sur eux ! (Marques d'ironie à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur. - Lapalissade !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Libérer les territoires, c'est libérer les énergies. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, tandis qu'on ironise à droite comme à gauche.)
M. Jean-Pierre Sueur. - Et concrètement ?
M. Vincent Éblé. - Aux actes !
M. Jean Castex, Premier ministre. - La République territoriale, c'est l'unité dans la diversité.
Je compte sur vous pour nous aider dans un esprit de concorde, car si la défiance progresse, elle nous emportera tous.
La bataille de l'emploi sera notre première priorité. En 2020, nous prévoyons un repli du PIB de 11 % - la récession la plus sévère depuis la création des comptes nationaux. Derrière les données comptables, il y a des drames humains, des territoires meurtris. Il faut se saisir de cette situation pour reconvertir notre économie, rendre nos travailleurs plus forts, plus compétitifs, aller vers une croissance durable et respectueuse de l'environnement. Tels sont les objectifs du plan de relance.
Il sera présenté fin août après une phase de concertation. Il constituera la prochaine étape du processus de soutien à l'activité, caractérisé par son ampleur et sa précocité, initié sous l'égide de mon prédécesseur : chômage partiel, prêts garantis par l'État et fonds de solidarité, soit un effort massif de 500 milliards d'euros qui a permis à notre économie de ne pas s'effondrer.
Cette politique, la plus ambitieuse de tous les pays européens, a porté ses fruits. Nous avons mis en place des politiques sectorielles ambitieuses. Les chiffres de l'Insee et de la Banque de France font état d'une reprise plus rapide que prévu. La consommation des ménages reprend depuis le déconfinement ; nous n'excluons pas qu'elle revienne dès le mois de juin à son niveau normal, avec un effet rattrapage pour les biens d'équipement. Dans le secteur automobile, les ventes de véhicules aux particuliers dépassent de 30 % leur niveau de février.
Tout ne commence pas avec le plan de relance, c'est une étape nouvelle, mais la philosophie reste inchangée : protéger les Français, reconstruire et moderniser la France. Nous prolongeons le dispositif d'activité partielle afin de préserver l'emploi et les salaires dans les entreprises les plus touchées par la crise. Nous en parlerons demain avec les partenaires sociaux ; le Gouvernement a pris acte du contexte économique bouleversé en décidant d'aménager la - bonne - réforme de l'assurance chômage.
Les premiers à être touchés par la crise sont les 700 000 à 800 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Ils sont une force - l'Allemagne aimerait en avoir autant. Mais ils nous obligent. Beaucoup ont vu leur stage et leurs études interrompues, leur vie sociale perturbée. La Nation ne saurait accepter l'idée d'une génération sacrifiée par la crise, ayant le chômage pour seul horizon. Aussi, le Gouvernement va engager des mesures fortes, encore susceptibles d'être améliorées à l'issue de la conférence sociale de demain.
Nous allons réduire très fortement le coût du travail pour faciliter l'embauche des jeunes, développer massivement les dispositifs d'insertion, notamment le service civique, ce qui permettra aussi de soutenir les associations et leurs vingt millions de bénévoles, atout majeur pour la cohésion sociale.
La crise a révélé les difficultés de trop nombreux étudiants. Nous avons donc décidé de geler les droits d'inscription et porté, au 1er septembre, le prix des repas dans les restaurants universitaires à un euro pour les boursiers.
La crise vient impacter notre modèle social qu'il convient de consolider pour améliorer son fonctionnement et mieux en garantir les équilibres dans la durée.
Notre système de santé a démontré sa robustesse dans un contexte de tension extrême qui préexistait à la crise du covid. Cette situation appelait une réponse urgente. Le Ségur de la santé, lancé en mai dernier, s'achèvera dans les prochains jours. Un accord majoritaire, historique, a été conclu lundi dernier. C'est d'abord le témoignage de la reconnaissance de la Nation tout entière à l'endroit des soignants. Ce sont 8 milliards d'euros consacrés à la revalorisation des salaires et la création d'emplois ; 6 milliards dédiés à l'investissement en ville et à l'hôpital, notamment dans le champ de la e-santé ; 13 milliards de reprise de dettes hospitalières pour redonner de l'oxygène aux établissements, car l'investissement est un levier essentiel de la relance.
Au-delà des moyens financiers, il faut améliorer le fonctionnement quotidien des structures en donnant davantage de souplesse, en permettant de déroger à certains cadres nationaux sur des sujets de gouvernance interne, en décloisonnant ville et hôpital et en permettant aux collectivités d'être davantage partie prenante tant au niveau des agences régionales de santé (ARS) que des établissements. Régions, départements, intercommunalités doivent, s'ils le souhaitent, pouvoir s'associer aux investissements. (On ironise sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Bien sûr, pour payer !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Cela doit se faire sur la base de contrats territoriaux conclus avec l'État et les structures de soins, et en contrepartie d'une participation accrue des élus à la gouvernance.
L'autre préoccupation majeure, c'est la difficulté à trouver un médecin de ville, sachant qu'il faut dix ans pour former de nouveaux. Nous devons être pragmatiques et efficaces à court terme. D'où la nécessité de favoriser des conditions d'exercice plus collectives, les délégations de tâches, de doter les médecins d'assistants médicaux, en les allégeant des charges administratives chronophages. (Mouvements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut aussi recourir davantage à la télémédecine, dont j'ai constaté dans mon territoire l'essor spectaculaire, inattendu, qu'il faut désormais consolider. (M. Vincent Segouin ironise.)
Nous ne retrouverons pas l'unité sans une attention accrue aux plus vulnérables, qui seront les plus affectés par la crise économique, à commencer par les personnes en situation de handicap. Nous réunirons une Conférence nationale du handicap.
Consolider notre modèle de protection sociale, c'est aussi en assurer la pérennité. La crise nous invite plus que jamais à rendre notre système de retraite plus juste et plus équitable, notamment pour les femmes et pour les travailleurs modestes. Cela passe par la création d'un régime universel et la disparition à terme des régimes spéciaux, comme nous l'avions engagé en 2008, tout en prenant en compte la situation des bénéficiaires actuels.
Je suis déterminé à ce que cette réforme aille à son terme d'ici la fin de la législature, mais nous devons entendre aussi les inquiétudes et les incompréhensions de nos concitoyens sur certaines modalités.
Mme Éliane Assassi. - Ils ont très bien compris.
M. Jean Castex, Premier ministre. - Je souhaite donc reprendre la concertation afin d'améliorer le contenu et la lisibilité de la réforme, en la distinguant de tout enjeu d'ajustement paramétrique. Cela s'inscrit dans la continuité de la réforme des régimes spéciaux décidée en 2007.
Nous devons aussi répondre à la question du grand âge et de la dépendance, via un projet de loi dont vous serez saisis au premier semestre de l'année prochaine.
Je demanderai demain aux partenaires sociaux de se saisir de la question de l'équilibre des régimes de protection sociale, impactés par la crise.
L'unité suppose aussi que l'État demeure le garant de l'ordre républicain. L'État doit être le même pour tous. Nous ne tolérerons aucune zone de non-droit.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Chiche !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Notre détermination est totale. Nous ne montrerons aucune faiblesse envers ceux qui tentent de fracturer le pays entre communautés et portent atteinte aux valeurs cardinales de la laïcité.
À nos policiers et gendarmes, je veux exprimer, au nom de la Nation, mon respect et ma gratitude. Ils sont l'ordre républicain et exercent leur mission dans des circonstances parfois extrêmement délicates. Je veillerai, avec le ministre de l'Intérieur, à ce qu'ils disposent des moyens nécessaires pour assurer leur mission sur le terrain et soient déchargés de tâches administratives chronophages.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Cela fait trente ans qu'on le dit.
M. Jean Castex, Premier ministre. - Sous cette mandature, un effort exceptionnel de la Nation a été décidé pour rendre nos armées - qui portent haut les couleurs de la France - plus efficaces. (Mouvements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jérôme Bascher. - Ce sera jugé après !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Pour que l'ordre républicain soit effectif, que la sécurité soit assurée, il faut aussi, et surtout, que les moyens d'action de la justice soient renforcés pour la rendre plus accessible, compréhensible, et efficace. Les comparaisons internationales le démontrent, l'État ne donne pas à la justice des moyens suffisants. Or la justice, c'est l'État, et l'État, c'est la justice.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et qui va payer ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Il en résulte que l'action des forces de l'ordre reste parfois sans suite, et que se développe un sentiment d'impunité insupportable pour nos concitoyens et nos maires. J'entends accélérer la mise en oeuvre de la loi de programmation et de réforme de la justice en redéployant, dès 2021, les moyens pour rendre plus rapide et plus efficace la réponse judiciaire, améliorer la politique des peines, garantir la dignité et la réinsertion des prisonniers, moderniser le fonctionnement des juridictions. Si la réponse judiciaire ne suit pas, il ne se passera rien. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Chiche !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Le garde des Sceaux est attaché à ce que la justice soit rendue dans des conditions d'écoute et de dialogue exemplaires. Aucune forme de violence ne peut être tolérée.
La lutte contre les violences conjugales sera l'une des grandes priorités de la politique pénale de mon Gouvernement. (On ironise à gauche.)
Mme Laurence Rossignol. - Il a coché la case, dit le mot ; c'est bon.
M. Jean Castex, Premier ministre. - Je veux dire mon attachement à l'école de la République. Fils d'institutrice, je sais ce que je dois à la méritocratie républicaine. (Mouvements à gauche ; applaudissements sur plusieurs travées des groupes LaREM et RDSE) Je veux d'ailleurs dire toute mon admiration au corps enseignant.
Nous poursuivrons la refondation de l'école engagée depuis trois ans, en ciblant notre action sur les enfants qui ont décroché durant le confinement. À la rentrée, des évaluations nationales identifieront les besoins et chaque enfant pourra bénéficier d'un soutien personnalisé au premier trimestre.
Pour mener ces chantiers, mon Gouvernement s'appuiera sur les territoires. C'est une question de respect et d'efficacité. Pour les grandes transitions écologiques, économiques et sociales, les acteurs territoriaux devront être à la manoeuvre.
L'État et les collectivités ont la République en partage. Elles sont les partenaires indispensables de la réussite de nos politiques publiques.
Dès ma prise de fonctions, j'ai rencontré l'ensemble des associations de collectivités. Nous devons régler avec celles-ci les problèmes liés à l'impact de la crise sur leurs finances, et celui des impôts de production qu'il faudra alléger pour reconquérir notre souveraineté économique.
Mme Sophie Taillé-Polian. - C'est le contraire !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Les collectivités doivent pouvoir investir, former, agir en cohérence avec l'État, car nos concitoyens ne nous pardonneraient ni dispersion, ni divisions stériles. Elles ne seront jamais de mon fait - et je sais que le Sénat partage cette façon de voir.
Le plan de relance soutiendra les interventions des collectivités dans leur champ de compétences. Il faut redonner du sens et de la chair aux futurs contrats de plan et de territoire.
Deux chantiers majeurs illustreront cet engagement partagé. D'abord, la formation professionnelle : pour permettre à ceux qui perdent leur emploi d'en retrouver un plus vite, nous investissons 1,5 milliard d'euros en plus et fixons un objectif de 200 000 places supplémentaires. Comment construire ce plan sans les régions ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe LaREM)
Nous devons également poursuivre la reconquête industrielle à travers le programme Territoires d'industrie. Enfin, la transition écologique exige une mise en oeuvre partagée et territorialisée. Le plan de relance y consacrera au moins un tiers de ses crédits.
M. Jean-François Husson. - Deux tiers !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Nous investirons dans le bâtiment et les transports, dans les technologies vertes comme l'hydrogène, dans une alimentation saine et durable, dans la préservation des terres agricoles. J'ai ainsi annoncé un moratoire sur toute construction de centres commerciaux dans des zones périurbaines. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jérôme Bignon applaudit également.) Nous allons donner davantage de liberté aux collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
Je tiens à remercier le président Larcher pour les cinquante propositions du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, Les Indépendants et LaREM) Je salue les deux rapporteurs, Philippe Bas et Jean-Marie Bockel. (Mêmes applaudissements) Elles feront l'objet d'un examen attentif et bienveillant de ma part.
Dès aujourd'hui, Jacqueline Gourault reprend les concertations sur le projet de loi dit 3D (décentralisation, déconcentration, différenciation) avec toutes les associations de collectivités. Cette concertation aboutira à une nouvelle conférence nationale des territoires. (Exclamations à droite) Nous consacrerons le droit à la différenciation dans une loi organique, d'abord pour faciliter l'expérimentation. Dans notre pays construit depuis plus de deux siècles sur l'uniformisation, c'est une révolution.
Donner plus de liberté aux collectivités, c'est aussi faire évoluer profondément l'organisation interne de l'État. Il faut revoir l'organisation territoriale de l'État pour le rendre plus proche de nos concitoyens. Je le dis pour l'avoir vécu : l'État s'est trop éloigné, on a favorisé l'État régional, par souci d'économie. Mais quand les régions sont devenues immenses, cette intention louable s'est retournée contre la proximité et l'efficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Les moyens de l'État seront renforcés dans leur action quotidienne au service de nos concitoyens et ce, dès le projet de loi de finances 2021 puisque toutes les créations d'emplois, sauf exception justifiée, seront au bénéfice de l'échelon déconcentré et non en administration centrale. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE)
MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier. - Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. - C'est une révolution dont je vous prie de mesurer les soucis qu'elle va m'occasionner !
La crise économique sera sans doute au moins aussi forte que la crise sanitaire. Il faudra pérenniser certains dispositifs dérogatoires, et aller plus loin dans la simplification administrative, notamment dans le droit de la commande publique. Je sais que le Sénat sera une mine de propositions en la matière. (On le confirme au centre et à droite.) Nous voulons rééquilibrer les territoires.
M. Roger Karoutchi. - Allons bon !
M. Jean Castex, Premier ministre. - La priorité, c'est de trouver le chemin d'un développement économique du monde rural. Si les services publics y ont fermé, c'est que la population a diminué, car l'activité et l'emploi se concentrent dans les très grandes agglomérations. Il faut revitaliser par l'économie, le service public suivra. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM)
Il faut pour cela embarquer les territoires ruraux dans la révolution numérique. Il faut renforcer la couverture du territoire en très haut débit pour faciliter le télétravail et la télémédecine. Les réseaux, c'est aussi la conservation des lignes ferroviaires, c'est peut-être réinvestir dans les routes, qui sont parfois le seul moyen de désenclaver un territoire. (M. Jean-François Husson s'exclame.)
Cela rejoint les débats que nous aurons sur la décentralisation : doit-on conserver des routes nationales que l'État a bien du mal à entretenir ? Doit-on pour autant renvoyer cette responsabilité aux départements ? N'est-il pas temps de conforter les régions dans leur rôle de responsables de toutes les mobilités, en envisageant des routes structurantes d'intérêt régional ? (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Je soumets cette réflexion à la sagacité du Sénat.
Le plan de relance portera une attention particulière aux pistes cyclables. On m'a moqué quand j'ai fait cette annonce, et on a dénoncé un gadget. Mais le vélo, c'est bon pour l'environnement et c'est bon pour la santé. Nous connaissons la révolution du vélo électrique qui va multiplier les usages et raccourcir les distances. (Marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR) On pourra aller à vélo de Prades à Perpignan pour travailler : c'est concret ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Les jeunes générations attendent cela. Tout cela vous paraît secondaire, mais c'est un sujet essentiel et concret pour les Français ! C'est une bonne façon de faire de l'écologie et du développement durable à la portée de tous. (Brouhaha)
M. le président. - Poursuivez, Monsieur le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. - Nous continuerons également à déployer le programme Action coeur de ville qui s'adresse déjà à 234 villes, petites et moyennes.
Et surtout, nous déploierons le programme Petites villes de demain pour 1 000 villes supplémentaires sur le territoire, afin que toutes nos villes deviennent des lieux attractifs, exemplaires, dotés de services essentiels et où il fait bon vivre. J'ai fixé des objectifs précis et quantifiés au Gouvernement.
Le plan de rénovation urbaine concerne 450 quartiers de la ville. L'intention est louable, car en restaurant la République dans ces quartiers, on favorisera l'émancipation de leurs habitants. Mais une fois encore, tout est dans l'art de l'exécution.
Mme Éliane Assassi. - Avec quels moyens ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Ce sont des dépenses d'investissement et non de fonctionnement qui figureront au plan de relance.
M. Jean-Pierre Sueur. - Qui va payer ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Très peu de ces 450 quartiers ont fait l'objet d'une mise en oeuvre effective. Veillons à ce que la situation ait évolué pour au moins 300 d'entre eux d'ici la fin de l'année, plutôt que de promettre que 800 quartiers seront rénovés.
La France ne serait rien sans les territoires qui la composent. (MM. Martin Lévrier et Jean-Claude Requier applaudissent.) Et je connais bien l'insondable richesse de leur diversité. Fils du Gers, territoire rural, élu des Pyrénées orientales, territoire éloigné, je suis surtout un enfant de la République que j'essaie de servir avec passion.
Cette diversité de la France qu'exprimait avec admiration Fernand Braudel, au soir de sa vie, est plus que jamais un chemin d'espérance. C'est en tout cas le sens de l'action que j'entends porter à la tête du Gouvernement. C'est le sens de l'engagement que j'ai porté dans mes responsabilités politiques et mes mandats démocratiques. C'est le sens de la mobilisation collective qui doit être la nôtre dans les circonstances très difficiles, que notre pays traverse.
Nous devons nous unir pour agir, pour réussir ensemble, pour notre pays. Nous n'avons pas d'autre choix. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
M. le président. - Je salue M. Adnot, sénateur depuis 1989, dont c'est le dernier discours dans cet hémicycle... (Applaudissements)
M. Philippe Adnot . - Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous féliciter pour votre nomination et vous souhaiter bonne chance.
Je vous félicite d'avoir accepté une tâche difficile. Je vous souhaite bonne chance car notre pays va être confronté à une situation inédite. L'argent a coulé à flots pendant plusieurs mois, et pourtant notre économie et l'emploi risque d'être au coeur d'une crise explosive.
Je souhaite que vous trouviez les bonnes solutions pour traiter le secteur de la santé avec efficacité et humanité. L'enjeu est double : il faut nous préparer à un retour de l'épidémie et ne pas laisser de côté ceux qui ont un droit légitime à être soignés.
Rapporteur du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche, j'espère que Mme Vidal saura trouver les moyens d'une loi dynamique dont nous attendons beaucoup car l'avenir de la France dépend de notre capacité à mobiliser les énergies créatrices et surtout à transformer en réalité économique le formidable réservoir de notre excellence scientifique.
Sénateur depuis trente et un ans, j'ai entendu beaucoup de discours, de bonnes intentions, d'analyses pertinentes. Rien ne vaut la réalité des faits. C'est par les actes que l'on juge une politique. Comme dans l'art de la guerre, tout dépend de l'exécution, et une bonne exécution exige de la cohérence et suppose que l'on se concentre sur l'essentiel.
La priorité des priorités, c'est l'économie, l'emploi et l'avenir des jeunes.
Vous proposez des allégements de charges, mais les entreprises n'ont plus de trésorerie. Ce n'est pas à la hauteur. Il faudrait que les entreprises puissent embaucher un ou deux jeunes avec un financement de l'État pendant un an. (Mme Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l'emploi et de l'insertion s'exclame.) Vous auriez ainsi réglé le problème du chômage des jeunes et amélioré la compétitivité des entreprises. Madame la ministre, vous vous exclamez. Mais si les jeunes n'entrent pas dans les entreprises, ils risquent de coûter beaucoup plus cher.
Ce que vous proposez sur la rénovation énergétique n'aura aucun effet sur les entreprises avant deux ans, le temps que les marchés soient mis en place. Il faut accélérer. La situation demande de la réactivité. Ne faites rien de complexe, libérez les heures supplémentaires, sans les défiscaliser, donnez de la flexibilité aux entreprises qui ont des carnets de commandes.
L'avenir de notre pays dépend de ce que vous ferez à la rentrée. Ne polluez pas la situation par des actions qui divisent. Il est de votre responsabilité d'écouter même les anciens qui tirent leur révérence. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Le 12 mars dernier, une prise de conscience transparaissait dans les propos d'Emmanuel Macron : s'opposer à la loi du marché qui domine tous les secteurs de la vie, y compris la santé, faire sauter les verrous budgétaires libéraux qui, jusqu'à la dernière loi de finances et à la présentation du projet de loi sur les retraites, étaient les marqueurs du discours présidentiel.
La crise sanitaire violente a mis cruellement en évidence le grand désordre généré par la mondialisation financière. Le capitalisme dans une fuite en avant cupide et inhumaine a porté une lourde part de responsabilité dans les difficultés de notre pays à faire face à l'épidémie. Les Français ont découvert avec stupeur la délocalisation massive de la production de masques et médicaments. L'impact terrible de cette absurdité sociale au service du profit des actionnaires a convaincu qu'il fallait changer le logiciel de notre économie et sans doute de notre société.
Ni le Président de la République, qui voulait se réinventer, ni vous ne nous avez convaincus de votre volonté de rompre avec ce système où l'argent roi passe avant l'humain.
La crise économique est là. Bien sûr, vous mettez entre parenthèses l'orthodoxie budgétaire imposée par l'Europe, mais vous gardez le cap de l'adaptation de notre pays à cette mondialisation financière qui fonde le système auquel vous adhérez, en dépit de vos références à un gaullisme social désuet.
La puissance publique a été dévorée par le marché année après année, privatisation après privatisation. J'ai cette impression fugace, mais somme toute bien détestable pour vous, qu'il faut que tout change pour que rien ne change. L'atterrissage du Ségur de la santé en est la preuve. (M. Julien Bargeton proteste.)
M. Macron dans un exercice de repentance bien appuyé reconnaissait s'être trompé, avoir porté des mesures injustes. Mais en même temps, il a vanté les mérites de sa politique dus selon lui au projet qui a dressé le peuple contre lui. La réforme de la SNCF, celle du droit du travail, la politique fiscale sont les bons points qu'il s'est distribués le 14 juillet dernier. Le cap, c'est le libéralisme sans frein.
Vous exhumez à nouveau la réforme des retraites. Mais nos concitoyens ont bien compris que le système par points c'est la soumission aux marchés financiers contrôlés par des vautours comme Black Rock. Votre ambition n'est pas de trouver de nouveaux financements mais de faire travailler plus longtemps les salariés.
Votre label, c'est l'État et les territoires, soit. Mais je ne vous ai pas entendu dénoncer les raisons profondes de la détresse de nombre de nos communes, départements et régions : la disparition, l'effondrement du service public et l'étranglement financier.
Vous évoquez le retour du commissariat au plan. Il y a du Cervantès dans cette conviction. Comment planifier alors que tout a été cédé aux actionnaires ?
Pour planifier la reconstruction de notre économie et de notre industrie, il faudra plus d'État, certes au plus près du peuple, de ses agents et des élus, mais il faudra plus d'État.
Le Président de la République a évoqué le fret ferroviaire, les trains de nuit et les petites lignes, qu'il voulait supprimer il y a cinq ans avec ses bus éponymes. Mais avec quel outil agira-t-il ? Avec le privé, en cédant demain la SNCF au plus offrant comme ce fut le cas pour Alstom?
Nous voulons une nouvelle transition écologique solidaire et une souveraineté nationale industrielle qui permette à notre peuple de retrouver confiance en l'avenir.
Les collectivités territoriales ont un rôle essentiel. Le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales dans la République mais il n'est pas la chambre des territoires. C'est pourquoi nous refusons ce concept de différenciation, source de fracturation et d'émiettement de notre République.
Qui sont ces collectivités territoriales, sans écoles, sans hôpitaux, ni services publics ? M. le Premier ministre, c'est là que le bât blesse. Vous affichez un verbe digne des trente Glorieuses, mais les acteurs ont disparu.
Le cap est en effet maintenu lorsque M. Macron justifie la baisse des salaires contre la préservation de l'emploi, tout en demandant du bout des lèvres aux entreprises de baisser les dividendes... On prive les citoyens de l'essentiel, alors que les plus riches voient une part marginale de leurs revenus baisser un peu.
Il n'y aura pas de reconstruction sans répartition des richesses et sans un nouveau partage du travail. L'appellation de Président des riches qui colle à M. Macron tel un sparadrap, est liée au péché originel de la suppression de l'ISF sur les revenus financiers, à l'instauration de la flat tax, à la paralysie continuelle de la lutte contre l'évasion fiscale.
Comment pouvez-vous affirmer sans sourciller que 800 000 à 1 million de chômeurs supplémentaires sont attendus d'ici la fin de l'année, qu'il faut travailler davantage, qu'il faut user et abuser des heures supplémentaires, qu'il faut rallonger l'âge de la retraite ?
La crise mais aussi les évolutions technologiques et la recherche fondamentale de l'épanouissement humain exigent de changer de logiciel, de cesser l'exploitation à outrance du travailleur en laissant sur le côté celui qui n'a pas d'emploi. Nous portons bien au contraire le projet de la retraite à 60 ans et de la semaine à 32 heures.
Il faut sanctionner les entreprises qui licencient alors qu'elles touchent des aides massives ou qu'elles réalisent des profits boursiers. Allez-vous sanctionner celles qui ont fraudé ? Pourquoi donner toujours aux entreprises ?
C'est toujours et encore le coût du travail qui est votre unique boussole, jamais le coût du capital ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Un nouveau monde est possible, mais certainement pas avec les vieilles recettes d'un ancien monde détenues par une infinie minorité et au détriment de l'intérêt général. Avec M. Macron, vous avez d'emblée rebroussé chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Pendant la guerre du Vietnam, le monde entier s'est moqué d'un commandant américain qui s'était justifié d'avoir rasé un village en expliquant que l'ennemi était déjà là à leur arrivée et que pour sauver le village, il fallait le détruire.
Aujourd'hui, pour sauver le monde de la pandémie, il a fallu sacrifier l'économie. Voilà la situation redoutable dans laquelle vous entamez votre mandat. Autant dire qu'on vous a confié un job à 100 000 aspirines, monsieur le Premier ministre. Mais il faut toujours regarder le bon côté des choses, surtout quand il n'y en a pas. (Sourires)
Je ferai trois réflexions. D'abord, je dénoncerai le mythe de l'État Père Noël... La France va sortir essorée de la crise. Les démagogues vont se déchaîner. Et d'abord les marchands d'illusion de la dépense publique illimitée qui promeuvent l'idée ringarde de rembourser ses dettes.
Les rois d'autrefois coupaient la tête de leurs créanciers. Le monde étant devenu plus doux, on nous propose seulement de les ruiner. (Sourires à droite)
Les économistes s'affrontent désormais là-dessus comme les médecins sur la chloroquine, le principal intérêt de ces débats étant de redonner des lettres de noblesse aux astrologues.
Il n'y aurait plus de limites au financement à crédit et à l'infini de toutes les politiques publiques. L'argent public serait comme l'eau bénite, chacun peut se servir. (Rires à droite)
Bien sûr, pour l'heure il n'y a pas d'autre solution que le keynésianisme sous stéroïdes adopté par le monde entier et qui nous a tellement manqué en 2009 de la part d'une Banque Centrale Européenne plus proche d'un club sado masochiste que de la bouée de sauvetage qui nous aurait remis à flot. (Rires à droite)
Gardons-nous cependant de confondre plan de relance et financement de déficits incontrôlés. Sinon, vu la dette que nous laisserons à nos enfants, nous ne devrons plus être surpris que les bébés crient à la naissance. (Sourires)
On ne parle à juste titre que de l'emploi et pourtant certains de nos concitoyens éprouvent quelque peine à envisager la reprise du travail. La France possède le seul syndicat au monde qui a déposé un préavis de grève le jour du déconfinement et traîné en justice les entreprises qui redémarraient à grand peine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, LaREM et Les Indépendants)
Depuis les élections municipales, nous sommes tous écologistes : le bonheur est dans le pré. C'est une bonne nouvelle, mais quelle écologie ? Car il y a deux écologies, celle de la croissance et celle de la décroissance.
La convention citoyenne a accouché de mesures techniques déjà entreprises comme la rénovation des logements, mais aussi de solutions à la française qui ne coûtent rien, proclament des bons sentiments et rendent les lois bavardes, et enfin d'un catalogue de contraintes qui sont le fonds de commerce des ONG décroissantes.
La décroissance est l'opium des bobos, comme nous l'ont prouvé récemment avec éclat en Une du Monde, dans une proclamation aussi subversive que du fromage à tartiner, une brochette de stars-kérosène au bilan carbone le plus élevé de la planète. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants et LaREM)
Ce qui est ennuyeux c'est que la convention s'est gardée de répondre aux questions essentielles : comment se passer du nucléaire ?
M. Jean Bizet. - Impossible.
M. Claude Malhuret. - Comment se passer d'OGM importés ? Quelles solutions pour le défi climatique ?
La France a sabordé son industrie avec une méthode simple : tout ce qui bouge, on le taxe ou on le réglemente ; tout ce qui ne bouge plus, on le subventionne. (Rires et applaudissements depuis les travées du groupe Les Républicains jusqu'à celles du groupe LaREM)
L'Europe a raté le virage numérique. L'avenir est là, pas dans la logique du gentil avec les arbres, méchant avec les hommes, qui ne fait que faire croître les ronds-points.
Alors que les soignants et les premiers de corvée ont été admirables, les droits de retrait dans l'administration ont atteint des sommets. La justice a quasiment suspendu son activité pendant trois mois, les greffiers n'ayant pas les moyens de télétravailler.
Mais le dossier le plus alarmant est celui de la police. Sa crise touche sa légitimité, ses doctrines d'intervention, son organisation et ses fonctionnaires. Pas de chance pour nos policiers, après le chewing-gum, le McDo, les westerns et le rock'n roll, on importe désormais d'Amérique les névroses sur la race qui n'ont rien à faire sur nos terres universalistes. Le pauvre policier de banlieue est traité de porc, comme à Chicago.
Le racisme n'est pas du côté de ceux qu'on accuse aujourd'hui mais du côté des faux antiracistes que sont les racialistes, les indigénistes et les décoloniaux. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et LaREM)
Écoutons la leçon de lucidité d'Abnousse Shalmani : « Reprocher à un homme noir d'être un policier équivaut exactement à interdire à un homme noir l'accès à la députation, à un bar ou à un mariage mixte sous prétexte de sa couleur. C'est immonde. Ce qui résonne dans ce discours, c'est la prison de la victimisation et l'essentialisation ».
Votre Gouvernement doit trouver les mots pour s'opposer à cette tragi-comédie burlesque. Il faut dire à ceux qui menacent la police et discréditent l'État, que le risque est dans les bandes armées de kalachnikovs, pas dans la police. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC)
Il ne faut jamais gâcher une crise, disait le président Obama. Je salue l'immense et paradoxale opportunité que nous offre celle-ci, à savoir l'accord franco-allemand sur le plan de relance européen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Ce premier pas est essentiel.
Nietzsche disait que l'Europe ne se ferait qu'au bord du tombeau. Sa prophétie vaut aussi pour notre temps. Chaque crise depuis le traité de Rome a failli emporter l'Europe et chaque crise l'a renforcée. Celle-ci est sans doute la plus grave et c'est peut-être celle qui lui fera faire le plus grand pas. C'est le défi qui nous attend. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et Les Républicains ; M. Gabriel Attal et Mme Roxana Maracineanu, ministres, applaudissent également.)
M. Hervé Marseille . - Il vous revient de fixer les nouvelles priorités du Gouvernement. Je salue au nom de mon groupe l'action menée par Édouard Philippe. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants)
La période qui s'ouvre ne s'annonce pas des plus sereines. II va nous falloir mettre les bouchées doubles. De la même manière qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, une pandémie ne fait pas le ménage.
Depuis le déconfinement, on ne parle plus que du monde d'après. Oubliés les gilets jaunes, les problèmes de laïcité, de sécurité, d'immigration ou de communautarisation de la société. Sous le voile de la covid, la violence, l'incivisme, la radicalité, tout ce qui sape le lien social depuis des décennies. Tôt ou tard, ces sujets referont surface. Et plutôt tôt que tard.
L'actualité montre combien l'autorité de l'État doit être rétablie. La pandémie est toujours là et nous devons demeurer prêts à la combattre.
La crise économique s'annonce dramatique. Une relance s'impose, mais ouvrir les vannes de la dépense serait inutile tant les ménages ont épargné pendant le confinement. S'ils ne dépensent pas, c'est qu'ils craignent, avec raison, la crise économique et le chômage.
Rétablir la confiance, c'est maintenir les salariés dans l'entreprise contre modération salariale, à condition qu'ils aient plus d'intéressement et de participation.
Rétablir la confiance, c'est aussi renoncer à une hausse d'impôt. Espérons que le Gouvernement tienne son engagement.
Rétablir la confiance, c'est aider les secteurs d'avenir et le tourisme.
Quant à la transition écologique, nous peinons à voir une ligne directrice. Il y en a pour tous les goûts dans les conclusions de la Convention citoyenne. De même, il ne suffira pas de modifier la Constitution pour repeindre la France en vert. À cet égard, vous n'avez pas mentionné ce projet, laissant à penser qu'il aurait été écarté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
Vous n'avez rien dit de nos choix énergétiques. La fermeture de Fessenheim, de même que le maintien d'une baisse du nucléaire dans le mix énergétique entretiennent le doute. Or les acteurs sérieux savent qu'il ne peut pas y avoir de transition écologique sans le nucléaire. Nous sommes leaders dans ce domaine. Plutôt que de vouloir le rester, nous amorçons un repli. C'est difficilement compréhensible.
À moins de démontrer que la France pourra atteindre la neutralité carbone en 2050 en se dégageant de l'atome. Quoi qu'il en soit, pour être décarboné, l'hydrogène doit être produit avec de l'éolien ou du solaire. En aurons-nous la capacité et la volonté ?
La meilleure énergie, c'est bien sûr celle que l'on ne consomme pas. Votre politique de rénovation thermique va dans le bon sens.
Il faut aussi développer le fret et le transport fluvial. Je pense au Lyon-Turin et au canal Seine-Nord.
Il n'y aura pas de relance sans solidarité. À cet égard, la réforme des retraites devra être juste.
Je salue la priorité donnée aux territoires et l'association des collectivités territoriales à la relance. Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas entendu un Premier ministre parler de ruralité. Depuis des années, les territoires sont les grands oubliés de la République.
Vous avez qualifié de révolutionnaire la déconcentration de l'État que vous voulez conduire. Chiche ! Du coup, l'attente est forte, celle d'un État capable de se réformer, d'un État svelte, agile et réactif.
La différenciation est une nouvelle étape indispensable de la décentralisation. Les collectivités territoriales doivent pouvoir adapter les normes en fonction de leurs particularités et des priorités locales. Mais, monsieur le Premier ministre, « réarmer les territoires » impose aussi de leur redonner de l'autonomie fiscale. Tous les volets du plan de relance doivent se tenir.
Le plan de relance ne pourra jamais être mis en oeuvre sans deux acteurs majeurs : l'Europe et le Parlement. Pas de relance économique sans plan de relance européen. Pas de transition environnementale sans Green New Deal européen. Nous devons aussi revoir la PAC et accorder de nouvelles recettes à l'Europe - TVA sociale européenne et taxe Gafam.
Nous notons avec satisfaction que le Président de la République compte désormais sur les corps intermédiaires, notamment les partenaires sociaux, mais étonnamment pas le Parlement. Vous écoutez des citoyens tirés au sort plutôt que la Représentation nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et Les Indépendants)
Malgré des interrogations qui demeurent, nous saluons un changement d'attitude et d'orientation vers plus de proximité. Vous tendez la main, et vous souhaitez travailler avec les élus, en partant du local. Je vois plus de régalien, de keynésien et de républicain. Oubliez la start-up Nation : bienvenue en France ! Avec mon groupe, nous sommes prêts à vous soutenir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants ; MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Président de la République vous a choisi pour gouverner la France. Il a même eu la délicatesse de choisir vos principaux collaborateurs. (Rires à droite...)
N'oubliez jamais qu'il n'y a qu'un seul souverain en France, le peuple français, que le Premier ministre de la France doit servir.
Nous sommes sensibles à votre éloge du bicamérisme. Victor Hugo le disait : « La France gouvernée par une assemblée unique, ce serait la mer gouvernée par l'ouragan ».
Votre tâche est lourde, à l'image de la lourde épreuve qui accable notre pays. Elle exige de la hauteur. De nombreux commentateurs s'interrogent pour déterminer quel Premier ministre vous serez. L'important n'est pas là, mais dans ce que vous ferez.
Votre accent chantant, agréable à entendre est « le reflet du sol sur les âmes » disait le poète. Ce qui compte, ce sera la partition de vos décisions, des actes que vous poserez alors que s'emboîtent comme des poupées russes la crise sanitaire, la crise économique et la crise civique.
Il vous faudra beaucoup d'énergie pour résorber la crise sanitaire. Il a fallu cinq mois pour obliger les Français à porter les masques dans les endroits publics clos. Il faut développer les tests ! Il n'y a pas de stratégie dans ce domaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
La France est à la croisée des chemins entre le relèvement et le décrochage. Les décisions que vous prendrez détermineront son avenir pour les dix ou quinze prochaines années. Les autres nations européennes agissent et la France n'est pas bien placée, avec un recul de 11 %.
Il faudra lutter contre le chômage, notamment des jeunes, en finançant des dépenses actives d'investissement en compétences. Vous ne bâtirez pas l'avenir avec de vieilles solutions : préférez les contrats d'apprentissage aux contrats aidés. Nous vous ferons des propositions.
La solution, c'est la croissance ! C'est elle qui paiera nos dettes et qui protégera les Français du déclassement. Il faut pour cela travailler davantage. Je ne connais aucune grande épreuve surmontée dans la facilité. Il faut dire la vérité aux Français !
Notre compétitivité est en berne. Il faudra baisser les impôts de production et les charges dans le PLFR 3, sinon vous désavantagerez l'industrie. Annulez le forfait social, y compris dans les ETI, si vous êtes le gaulliste social que vous dites être !
Sans compétitivité, il n'y aura pas de souveraineté économique, ni de relocalisation, ni de réindustrialisation. Il n'y aura pas non plus de mobilité sociale.
De tous les pays européens, la France s'est le plus tertiarisée. Il faut déployer les voiles, avec le glaive de la compétitivité et le bouclier européen. Nos liens avec l'Allemagne se sont rétablis. Renforçons-les encore. Pour avoir des champions européens capables de faire face aux Chinois, il faut changer le logiciel de la concurrence et du libre-échange. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
Nous attendons avec impatience que le CETA arrive au Sénat. Nous voterons contre cet accord qui n'est bon ni pour l'agriculture ni pour la planète. (Acclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.) Nous devons exiger une frontière verte, une frontière carbone, favorable à l'emploi et à l'écologie.
Monsieur le Premier ministre, vous avez la sincérité ; il vous faudra le courage ! Hannah Arendt écrivait que les crises ne deviennent catastrophiques que lorsqu'on y répond par des préjugés. Il vous faut déboulonner les statues, pas celles de Saint Louis, Portalis et Colbert qui nous surplombent, (M. Victorin Lurel proteste.) mais les idoles virtuelles de l'argent magique (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) et de la dépense publique comme seul levier d'une action de l'État efficace.
C'est à ces idoles que vous cédez encore une fois avec le Ségur de la santé ! Faire un chèque de 8 milliards d'euros sans rien dire de la tarification et de l'organisation de l'hôpital, c'est Sisyphe ou le tonneau des Danaïdes !
Vous vous disiez taiseux ; eh bien, faites !
Je terminerai par la crise civique. Pour redresser l'économie d'un pays, les ressorts sont avant tout immatériels : la confiance est indispensable à la croissance. Or les Français sont le peuple qui a le moins confiance, à raison peut-être.
Que dire lorsque la République est défiée à Dijon, où les différends sont réglés non à la préfecture, mais à la mosquée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Que dire lorsque la démocratie est fragilisée par l'abstention et le tirage au sort ? C'est la dérive de la courte paille ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Claude Kern et Vincent Capo-Canellas, ainsi que Mme Françoise Férat, applaudissent.)
La décentralisation permet de renouer le fil de la confiance, car elle encourage la proximité, donc l'efficacité. Le lieu, c'est le lien. Posez un cadre général puis différenciez, mais pas l'inverse.
Il faut aussi sauver l'État-nation, trop fragilisé. Notre façon d'être au monde, notre figure collective ont été ébranlées à l'aune de l'effritement de l'État régalien. À Aiguillon comme à Bayonne, la loi de la violence ordinaire a prévalu.
La France est le pays d'Europe où le taux d'homicides rapporté à la densité de population est le plus élevé. Le numerus clausus carcéral peut-il encore tenir lieu de politique pénale ?
Le tissu déchiré de la nation française par l'effet du communautarisme et du séparatisme n'a face à lui qu'une pensée molle et des actes faibles. Reprendrez-vous les propositions du Sénat sur le port des signes ostentatoires lors des sorties scolaires ?
Certains voient la Nation comme éternellement coupable, « coupable de culpabilité », comme le disait un personnage des Fraises sauvages de Bergman. Comment nous projeter dans l'avenir avec une vision aussi lacrymale de notre histoire ?
Vous ne pourrez pas répondre à la dépression économique et sociale sans répondre à la défiance civique qu'aucun artifice de communication ne peut masquer. La politique crève de cette obsession de crever l'écran. Les Français sont perdus. Ils ne veulent pas d'un nouveau chemin mais retrouver la France avec son audace, sa fierté et sa destinée. Ils veulent être un peuple libre, uni autour d'un idéal français qui nous rassemble et qui doit dessiner le seul chemin possible. Si vous empruntez ce chemin, nous vous suivrons. Si vous vous en écartez, nous nous opposerons à votre politique. Vive la République ! Et vive la France ! (Applaudissements nourris et acclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Philippe Pemezec, Jérôme Bascher et Mme Jacky Deromedi se lèvent.)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Votre responsabilité est lourde, monsieur Castex, voire écrasante. Dans la crise que nous traversons, elle revêt un caractère historique. Votre rôle est de veiller à protéger les Français, d'un virus mortel, des conséquences d'une maladie qui mine nos habitudes mais aussi de l'effondrement économique et social qui menace.
Alors que les signes avant-coureurs d'une nouvelle vague se multiplient, après l'annonce des « jours heureux » par le Président de la République, à l'écoute de votre discours, quelle déception, monsieur le Premier ministre ! On nous dit à chaque texte : vous allez voir ce que vous allez voir au prochain projet de loi de finances rectificative.
Je crois que nous devons attendre septembre et le projet de loi de finances 2021. Pourquoi, alors qu'il faut agir rapidement face à la crise ? Chaque jour qui passe accroît la facture et la fracture.
Les réactions rapides que vous avez eues avec le chômage partiel et les reports de charges étaient nécessaires mais conjoncturelles.
Le pouvoir d'achat - sauf pour les soignants - est totalement absent de vos annonces. Or celui des plus modestes sera amputé par la crise. Il aurait fallu pourtant réorienter vers la consommation et l'investissement l'épargne de 55 milliards d'euros accumulée pendant deux mois de confinement. Et la culture - qui manifestement vous intéresse peu...
M. David Assouline. - C'est clair : pas un mot, rien ! (M. Julien Bargeton le conteste.)
M. Patrick Kanner. - Vous préférez ne pas revenir sur la baisse des APL alors qu'il est urgent de réaffirmer leur rôle fondamental de redistribution, de cohésion sociale et d'amortisseur de la crise.
Dans les crises, ce sont toujours les plus fragiles qui finissent par payer l'addition. C'est bien de redécouvrir l'intérêt des emplois aidés - mais ce n'est pas encore suffisant pour les jeunes sans emploi.
Vous annoncez 100 000 services civiques - on ne les crée pas d'un claquement de doigts. La pauvreté n'est jamais un choix : il faut la combattre. Vous voulez des propositions : chiche ! Nous avons une proposition : le revenu de base, que 19 départements de gauche proposent d'expérimenter. Dans les quartiers de la politique de la ville où ce revenu serait bien utile, les populations sont confrontées à une perte voire à un effondrement de leurs ressources. L'aide alimentaire est devenue incontournable. Vous avez annoncé la relance des chantiers ANRU, c'est nécessaire, mais la rénovation urbaine ne doit pas être isolée d'une politique plus globale.
Donnez les moyens aux travailleurs sociaux avec 30 000 emplois aidés ciblant les jeunes et les étudiants dans les quartiers.
Autre absent de taille : l'Europe, alors que se jouent aujourd'hui les négociations sur le plan de relance européen et le cadre financier pluriannuel, et que la France sera le pays le plus impacté par la chute du PIB. Pourquoi attendre septembre pour le plan de relance ?
Pour Emmanuel Macron, la seule rupture, ce fut de changer de Premier ministre. De l'art du « en même temps », nous sommes passés à l'art du contretemps. La grande priorité du quinquennat, l'égalité femmes-hommes a cédé le pas.
Votre rôle est de rassembler les Français, pas de relancer la réforme des retraites, qui a fait descendre des centaines de milliers de Français dans la rue, et qui a recueilli l'opposition des syndicats ouvriers comme patronaux. Le chiffon rouge de l'âge pivot pourrait être retiré, mais la cicatrice du 49-3 persiste.
Vous allez remobiliser les forces vives de la Nation contre un projet inique que vous auriez dû abandonner. Idem sur la réforme de l'assurance chômage, très dure pour les Français les plus modestes.
L'environnement doit être un axe fort du plan de relance. Le bâtiment compte pour 43 % de la consommation finale d'énergie en France et près du quart des émissions de gaz à effet de serre. Il faut démocratiser la rénovation thermique au lieu de prévoir comme vous le faites une avance que ne pourront pas se permettre de nombreux Français.
Cette crise est également l'occasion de repenser notre modèle et d'aller vers plus d'indépendance. Manque de respirateurs, d'équipements de protection, de médicaments : elle a été un révélateur de la désindustrialisation, notamment dans le secteur médical. Mais quid de Luxfer, quid de Famar ? Vos déclarations d'intention ne suffisent pas, monsieur le Premier ministre, il faut des actes !
Vous favorisez toujours les mêmes, suppression de l'ISF et mise en place de la flat tax, suppression de l'exit tax, suppression de la taxe d'habitation pour les contribuables les plus aisés - sur lesquels des doutes subsistent, semble-t-il. Le besoin d'équité fiscale est si criant dans notre pays ! La liste est longue... Si j'ai bien entendu le Président de la République, un peu recadré par vous-même et par Mme Gourault ce matin, sur Public Sénat, je ne suis pas certain que sa volonté sera exaucée par vos décisions, même si nous comprenons que, finalement, la taxe d'habitation pourrait être un outil utile pour l'ensemble des Français, afin de financer le service public local.
La vraie question est : qui va payer ? Quelle redistribution ? La solidarité doit être territoriale. Il faut porter secours aux territoires les plus fragiles, en Guyane où vous étiez il y a quelques jours, en outre-mer ou dans l'Hexagone. Nous ne voulons pas d'un Big Bang territorial : servez-vous de nos propositions, adoptées pour la plupart ici au Sénat, elles sont libres de droit !
Vous parlez beaucoup de territoires. On peut répéter ce mot, que vous avez prononcé une cinquantaine de fois depuis hier dans votre déclaration, en sautant sur sa chaise comme un cabri...
Le groupe socialiste et républicain a fait des propositions : clarifier la répartition des compétences, réorganiser l'administration territoriale de l'État, autonomie fiscale - et non financière, préférée par le Président de la République et qui aboutit aux contrats scélérats de Cahors - je le dis haut et fort. L'autonomie fiscale consiste à permettre aux collectivités locales de décider librement ce qu'elles ont envie de faire pour leurs concitoyens, sous le contrôle démocratique qui a lieu tous les six ans pour les communes ! La liberté des collectivités est clairement définie par l'article 72 de la Constitution.
Il faut urgemment prolonger le plan de soutien aux collectivités territoriales par un « plan de rebond territorial », sans tabou, qui passe par plus de subsidiarité, d'expérimentation, de différenciation, d'interterritorialité, face à un État en quête de partenaires.
Vous avez eu la bonne idée de ne pas demander la confiance au Sénat.
Vous appelez à la concorde nationale, mais celle-ci ne se décrète pas plus qu'elle ne se trouve dans l'amnésie et l'anesthésie générales de vos discours, ni dans l'amnistie générale des années qui ont précédé.
Nous serons dans une opposition vigilante, exigeante et constructive, en espérant que de temps en temps vous écouterez nos propositions au service des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean-Claude Requier . - Acte III du quinquennat, nouveau souffle, dépassement du politique, troisième acte du quinquennat, peu importe les qualificatifs : votre nomination intervient au moment de la pire crise sanitaire qui nous ait frappés en un siècle. Nouvelle illustration, s'il en fallait, que la Ve République doit être profondément repensée, pour en casser la verticalité, pour réhabiliter les corps intermédiaires ou donner plus de souffle à la démocratie locale.
L'accélération des cycles politiques, le prêt à penser en 280 signes, le diktat médiatique rendent la vision de long terme de plus en plus difficile.
Notre société est psychologiquement épuisée après une succession de crises majeures. La jeunesse perd espoir, la récession arrive, les fractures identitaires gangrènent de plus en plus de zones et les territoires excentrés se sentent oubliés. Mais nous ne devons pas céder au défaitisme, car la République, notre bien commun, doit être défendue chaque jour et nous devons reconstruire une confiance durable entre nos concitoyens au nom du seul intérêt général, d'abord par des mesures simples et concrètes.
Le RDSE soutiendra tout ce qui contribuera à ce redressement sans céder aux pressions de la rue ou des réseaux sociaux, en attendant que la promesse républicaine d'égalité soit une réalité.
La crise a montré que notre système sanitaire a tenu, n'en déplaise à ceux qui n'en voient que le coût.
La crise des gilets jaunes l'a souligné, nos concitoyens attendent la justice sociale - qu'on ne peut réduire à l'assistanat. Mon groupe y attache une importance fondamentale. Il est temps que le plan Pauvreté, qui s'est fait tant attendre, se concrétise !
La crise sanitaire a révélé les formidables initiatives des élus locaux et des préfets, le plus souvent attentifs à les soutenir.
L'approche par les territoires, que vous voulez promouvoir, a trouvé ici une écoute attentive. Il faut aller plus loin, avec une déconcentration soucieuse des spécificités locales et une décentralisation qui permettent la confiance des élus et une vraie différenciation, dans le respect des libertés locales et des valeurs de la République.
Dans les zones rurales, urbaines ou périurbaines - toisées par des métropoles devenues inaccessibles, l'absence de l'État est un problème.
Il ne saurait exister des citoyens de seconde zone du fait de leur lieu de résidence. C'est la raison de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), malheureusement transformée en machine obèse et technocratique.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le maintien des petites lignes ferroviaires - il y va de la survie de nos territoires. (M. Marc Laménie applaudit.)
Idem pour le numérique : mon groupe travaille pour que le Très Haut Débit soit accessible partout et que la lutte contre l'illectronisme devienne une priorité.
Attention, de même, face aux défis immenses qu'elle doit affronter, à ne pas cantonner l'écologie dans une démarche punitive.
Mon groupe cultive la liberté de vote mais ne transigera jamais sur la défense de la laïcité - valeur cardinale, facteur d'émancipation garantissant le droit de croire et de ne pas croire, rendant les citoyens égaux. Nous serons à vos côtés pour faire respecter l'ordre public et l'autorité de l'État, contre ceux qui revendiquent de s'extraire de la loi commune, et pour que la République reste une et indivisible.
La situation est grave mais nous sommes réunis pour que la République demeure une et indivisible.
Dans sa liberté et sa diversité, le RDSE continuera à placer l'intérêt général de notre pays au-dessus des contingences partisanes.
C'est à cette aune, comme l'on dit à Paris - mais pas avec notre accent du terroir (Sourires) - que nous jugerons votre politique. (Applaudissements sur les travées du RDSE)
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Dans cette dramatique crise sanitaire, vous avez rappelé le rôle crucial des soignants. Nous, législateurs, avons su être à la hauteur des enjeux.
Je tiens à rendre hommage à votre prédécesseur, Édouard Philippe, pour le travail considérable qu'il a mené, avec méthode, pédagogie et détermination sur les fronts de la lutte contre le virus, de la sauvegarde de l'emploi, du soutien aux plus vulnérables.
Dès le début de la crise, 430 milliards d'euros ont été déployés, dans le cadre d'un ambitieux plan d'urgence, comportant une panoplie de mesures générales - prêts garantis par l'État, chômage partiel, fonds de soutien - et sectorielles - aéronautique, automobile, hôtellerie, restauration, culture - sans lesquelles des pans entiers de notre économie auraient été réduits à néant.
Je tiens à féliciter nos élus locaux qui n'ont jamais ménagé leurs efforts. Les collectivités territoriales sont les maillons essentiels de la reprise.
Alors que, grâce à des réformes ambitieuses, le chômage avait atteint son plus bas niveau depuis dix ans, que le pouvoir d'achat connaissait sa plus forte progression, que la France devenait un des pays les plus attractifs, nous avons su faire face.
La crise a révélé nos forces mais aussi nos faiblesses et nos fragilités.
Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu la mission de réussir le déconfinement, avec un sérieux qui a été aussi celui des Français - ce sens de l'intérêt général doit nous inspirer.
Vous avez permis une reprise progressive du vivre ensemble à la française auquel nous sommes attachés.
La crise a attisé la peur du déclassement. Elle doit être l'occasion de rétablir la confiance. La République, une et indivisible, est la solution. Soit nous agissons, soit nous sombrons dans les divisions mortifères.
Nous devons faire preuve d'humilité, faire le point sur nos actions sans craindre le jugement hâtif de ceux qui croient toujours faire mieux.
Le président Larcher le dit souvent : nous représentons les territoires, auxquels certains vous reprochent aujourd'hui de trop faire appel ! Quand on parle aux territoires - que n'eussions-nous pas entendus si vous n'en aviez dit mot ! - on s'adresse non pas seulement au Parlement, mais surtout aux Français qui rencontrent des difficultés de déplacements, de santé et d'emploi, en leur donnant des réponses concrètes. Je les ai entendues aujourd'hui.
Je ne crois pas à l'uniformité des politiques publiques, sorte de maladie qui a frappé notre pays tout au long de son histoire récente. Vous avez apporté votre soutien à la différenciation qui évite d'apporter les mêmes réponses monolithiques de Brest à Strasbourg, du Havre à Prades.
Nous devons entamer une nouvelle étape de la décentralisation. Vous avez tracé un chemin ambitieux. Votre politique doit s'inscrire dans le temps long, comme l'a dit le Président de la République lors de son interview du 14 juillet.
Cela fait trente ans que nous reculons sur la réforme des retraites...
M. Jérôme Bascher. - Comme si rien n'avait été fait avant !
M. François Patriat. - Le Gouvernement a raison de mener cette réforme ambitieuse et équitable !
Nous nous réjouissons que tous - élus locaux, partenaires sociaux, citoyens - soient associés à cette reconstruction. La reconstruction sera le fruit d'un travail collectif ou ne sera pas.
Je ne reviendrai pas sur les mesures annoncées : lutte contre le décrochage scolaire, financement de la formation, extension du chômage partiel, rénovation énergétique...
Dès votre arrivée, vous avez conclu le Ségur de la santé dont vous avez voulu qu'il obtienne des avancées sans précédent. Quel gouvernement a autant fait pour l'hôpital et pour le personnel soignant ? Ceux qui doutent de l'action du Gouvernement devraient voir ce qu'il fait pour la santé.
Investissement et transformation seront les maîtres mots de votre Gouvernement. Nous nous en réjouissons.
Votre ambition claire et votre volonté d'agir nous permettront de relever les immenses défis qui se présentent à nous...
M. le président. - Il faut conclure.
M. François Patriat. - Monsieur le Premier ministre, après avoir entendu vos propositions concrètes, pragmatiques et proximales, séquencées dans la durée dans les 600 jours qui nous restent, le groupe LaREM vous apportera son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Jean Castex, Premier ministre . - Je vous remercie de la qualité de vos propos, qui ne me surprend pas, bien entendu.
Ne doutez pas de notre détermination très forte, dans ce contexte si particulier, de poursuivre et d'accélérer la relance de notre économie : c'est notre premier objectif.
Je n'ai pas perçu de divergence fondamentale entre nous, ni sur les principes - une croissance la plus riche en emplois - ni sur le contenu ni sur la méthode : le pragmatisme...
Mme Sophie Taillé-Polian. - Vous ne nous avez pas bien entendus, alors !
M. Jean Castex, Premier ministre. - J'ai entendu des réserves sur le financement de ce plan.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Ces remarques légitimes ont été exprimées de manière traditionnelle : une fois que nous nous accordons pour dire « pas de dette pour les générations futures, respect des équilibres », les uns proposent des baisses d'impôts ; les autres, d'ajouter dans le même propos, « vous n'en faites pas assez »... Je crains qu'à l'arrivée, le solde ne s'en trouve guère amélioré !
M. Jean-Pierre Sueur. - Quelle est donc votre réponse ? Comment allez-vous financer tout cela ?
M. Jean Castex, Premier ministre. - Il s'agit d'un plan d'investissement, et non pas de dépenses de fonctionnement, orienté vers la croissance et l'amélioration de la compétitivité de notre économie, ainsi que la formation des hommes et des femmes de notre pays.
Une exception toutefois porte sur le Ségur de la santé. Au profit des soignants mobilisés pendant la crise, nous faisons oeuvre de rattrapage et notre système de santé est notre bien le plus précieux pour notre cohésion sociale et notre protection nationale.
M. François Patriat. - Absolument !
M. Jean Castex, Premier ministre. - Ne pas le faire eût été une erreur profonde ! Cela doit s'accompagner bien entendu d'une amélioration de l'organisation de notre système de santé.
Vous me donnez aussi l'occasion de parler d'Europe.
J'ai eu l'honneur d'apporter modestement ma contribution à la gestion de la précédente crise, en 2008. Elle était difficile, mais celle d'aujourd'hui sera, nous le savons, beaucoup plus forte. Il y a une différence que le président Malhuret a soulignée à juste titre : en 2008, il n'y a pas eu de véritable solidarité européenne.
Quelque 35 milliards d'euros du plan de relance seront financés par l'Europe : c'est une différence majeure ! La France et le Président de la République y ont apporté une contribution décisive. Nous devons amplifier cette démarche européenne en matière de politique industrielle. Les grands champions doivent être européens. La France ne pourra agir seule.
La politique écologique doit aussi être européenne : taxe carbone, réforme de la politique de la concurrence. Beaucoup l'ont dit : il faut utiliser cette crise comme une opportunité. C'est également vrai pour l'Europe qui doit retrouver de la crédibilité auprès de nos citoyens. La crédibilité, en effet, permet la confiance.
Nous ne réussirons que si les Françaises et les Français s'imprègnent aussi de la nécessité de lutter avec nous contre la crise et de se mobiliser. Il faut retrouver à cette occasion les bases de la confiance.
Les valeurs d'autorité de l'État, de respect, de laïcité républicaine, d'écoute, de sens des responsabilités, de courage dans la conduite des réformes nécessaires, doivent être portées et incarnées pour nous permettre de sortir plus forts de ce moment des plus difficiles.
Je ne perds jamais de vue l'immensité de la responsabilité qui pèse sur mes épaules. Mais je sais au fond de moi-même que je ne pourrai m'en affranchir qu'en mobilisant, en partageant, en impliquant non seulement la Représentation nationale, mais l'ensemble de notre pays, sous l'autorité du Président de la République, au service de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées des groupes RDSE et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Projet de loi de finances rectificative pour 2020
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020.
Discussion générale
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance . - Nous vous présentons aujourd'hui un troisième projet de loi de finances rectificative visant à faire face à la situation économique sans précédent à laquelle la France est confrontée, comme toute la planète. La violence du choc est sans équivalent depuis la grande récession de 1929. Nous maintenons notre prévision de récession à moins 11 % pour 2020.
Les mesures prises ont restauré la confiance. La consommation des ménages se maintient et les créations d'entreprises sont, en juin 2020, au même niveau qu'en juin 2019. Cela ne modifie pas notre prévision de croissance mais nous encourage à intensifier nos efforts de soutien à l'économie.
Depuis le premier jour nous répondons présent pour soutenir les entreprises et protéger les salariés. Nous avons amorti le choc économique par un effort de 460 milliards d'euros.
M. Jean-Pierre Sueur. - Qui va payer ? On ne sait toujours pas !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Quelque 300 milliards d'euros ont été engagés avec les prêts garantis par l'État (PGE). Un demi-million d'entreprises en ont déjà bénéficié, pour un montant de 100 milliards d'euros. Dans 90 % des cas, ce sont de très petites entreprises, de moins de 10 salariés. Nous avons choisi de défendre l'emploi au prix d'un endettement accru, car il coûte moins cher de protéger l'emploi que de laisser survenir des drames sociaux sur tout le territoire. Le fonds de solidarité pour les petites entreprises et indépendants a bénéficié à 1,7 million de TPE pour plus de 5 milliards d'euros. À cela s'ajoutent 35 milliards d'euros de reports de charges.
« La relance, c'est pour quand ? » demandent certains. Mais elle a commencé le 16 mars et n'a jamais cessé ! Un premier projet de loi de finances rectificative a été adopté en mars, un deuxième en avril. Et la relance se poursuit avec ce troisième PLFR.
Dès la fin de l'été un plan de relance de 100 milliards d'euros sera présenté par le Président de la République et sera intégré dans le projet de loi de finances pour 2021. Il n'y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative 4 ni de loi ordinaire ; il nous a paru plus utile, plus efficace et plus simple de procéder ainsi pour répondre le plus rapidement possible aux filières industrielles, aux entreprises et aux salariés inquiets.
Le projet de loi de finances rectificative qui nous occupe aujourd'hui prévoit dans son premier volet un soutien aux entreprises, organisé en une série de plans sectoriels.
Ainsi, dans l'aéronautique, l'activité partielle de longue durée permettra à Safran, par exemple, de ne pas licencier - je salue l'accord négocié dans ce groupe.
Des mesures sont également prévues pour le petit commerce, particulièrement touché. Quelque 100 foncières seront déployées pour acquérir des locaux commerciaux, les rénover puis les louer - cela représentera quelque 6 000 commerces - afin de revitaliser en particulier les communes rurales. Des aides seront prévues pour les start-up, afin d'éviter des faillites qui seraient un véritable gâchis de compétences et de savoir-faire.
Nous avons engagé un plan pour l'industrie automobile, qui a été extrêmement fragilisée. Les bonus au véhicule propre et la prime à la conversion ont connu un grand succès. Le nombre d'immatriculations a été en juin 2020 supérieur à celui de juin 2019 : la France est le seul pays européen dans ce cas. Les 200 000 primes seront bientôt épuisées. Nous conserverons ensuite un dispositif attractif afin de décarboner le parc automobile français.
Nous voulons continuer à soutenir la trésorerie des entreprises. Deux chantiers seront prolongés et renforcés : celui des reports de charges - 35 milliards d'euros au total depuis mars, je l'ai dit, dont 22 milliards de charges sociales et 13 de charges fiscales.
Pour l'hôtellerie, la restauration, la culture, l'événementiel, le tourisme, le transport aérien, nous avons annulé 4 milliards de cotisations sociales. C'est un investissement au bénéfice de tous ces entrepreneurs.
M. François Bonhomme. - Ça ne va pas suffire.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous allons poursuivre cet effort pour que les entreprises qui se relèvent ne soient pas soudainement confrontées à un mur de charges. Nous allons étaler leur paiement dans le temps. Nous avions prévu à l'origine un report jusqu'à décembre 2020, pour trois mois. Nous prévoyons désormais un étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour toutes les PME et TPE, quels que soient le secteur d'activité et le chiffre d'affaires.
L'entreprise n'aura qu'à présenter une demande au service des impôts, qui proposera la solution adéquate en fonction du ratio d'endettement. C'est une réponse massive et appropriée à l'inquiétude des chefs d'entreprise.
J'ai toujours eu à coeur d'entendre les chefs d'entreprise. La deuxième inquiétude qu'ils expriment, donc notre deuxième chantier, ce sont les prêts garantis par l'État, qu'il faudra bien rembourser. Nous travaillons avec la Fédération bancaire française (FBF) pour que les taux d'intérêt des PGE de plus d'un an - ils pourront être étendus jusqu'à cinq ans - soient aussi faibles que possible. Nous donnerons de la visibilité aux chefs d'entreprise. Je négocie actuellement les taux avec la FBF et je les rendrai publics dès que possible. Cela concerne 90 % des entreprises qui ont contracté un PGE.
Pour les entreprises qui ont besoin de fonds propres, la réponse passera par des obligations convertibles ou des prêts participatifs. Je préciserai le dispositif dans les meilleurs délais.
Deuxième volet de ce texte, l'emploi des jeunes, priorité absolue de cette relance, comme l'a indiqué hier le Premier ministre.
Quelque 700 000 jeunes vont arriver sur le marché de l'emploi. Il importe qu'ils puissent y trouver leur place. La première mesure, c'est l'apprentissage qui est, tous le reconnaissent, l'une des meilleures solutions en faveur de l'emploi des jeunes. La France a commencé depuis trois ans à combler son retard, il ne faut pas perdre le bénéfice de ces efforts.
Une prime de 8 000 euros sera versée pour l'emploi d'un apprenti majeur, 5 000 euros pour un apprenti mineur.
Ce sera la même chose pour les contrats de professionnalisation - si nous ne le faisions pas, un dispositif cannibaliserait l'autre.
Le coût du travail baissera de 4 000 euros par an pour un jeune de moins de 25 ans en CDI ou CDD de plus de trois mois, jusqu'à 1,6 Smic, avec une entrée en vigueur dès la fin juillet - car l'emploi des jeunes ne peut pas attendre. Nous évaluons cette mesure à 300 millions d'euros en 2020 et 1,6 milliard en 2021. En outre, 300 000 parcours d'insertion seront proposés aux moins de 26 ans en grande difficulté.
L'enjeu est stratégique pour la Nation : les investissements que nous déciderons maintenant définiront les contours de la France des vingt-cinq prochaines années. Nos choix sont clairs, ils visent la compétitivité de l'économie française, ainsi que sa décarbonation. Nous voulons faire de la France la première économie décarbonée en Europe.
La compétitivité passe par la baisse des impôts des entreprises. Depuis trente ans, nous avons fermé les yeux sur la délocalisation de pans entiers de notre industrie. Nous l'avons tous vu sur nos territoires. Des entreprises ferment, des ouvriers sont sacrifiés, des ingénieurs sont au chômage. C'est un drame humain et social et une erreur politique.
Depuis trois ans, nous inversions la tendance et recréions, pour la première fois depuis dix ans, des emplois industriels. La reconquête est à portée de main et de volonté ! Il faut prendre les bonnes décisions, définir les marchés pertinents, et avoir l'humilité de reconnaître qu'il nous reste, sur le plan fiscal, du chemin à faire. Les impôts de production ne peuvent pas être cinq fois plus élevés qu'en Allemagne. Nous en accélérerons donc la baisse.
Les impôts de production sont stupides ! (MM. Pascal Savoldelli et Fabien Gay s'exclament.) Ils pèsent sur l'entreprise avant même qu'un bénéfice ait été dégagé. Ils baisseront de 20 milliards d'euros sur deux ans, en 2021 et 2022, au service de la relocalisation. Là encore, c'est de l'investissement.
Nous souhaitions aussi une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J'en discute avec le président de l'Association des régions de France, Renaud Muselier. Il n'est pas question qu'elles la paient. (MM. Jean Bizet et Roger Karoutchi s'interrogent.) Oui, il y aura donc une compensation intégrale et dynamique. (MM. Jean Bizet et Roger Karoutchi expriment leur satisfaction.)
M. Vincent Éblé. - Comme d'habitude... Il fallait le faire tout de suite !
M. Bruno Le Maire, ministre. - La décroissance conduirait à l'appauvrissement des Français. En revanche, une croissance décarbonée est possible.
M. Jean Bizet. - Ne cédons pas sur le nucléaire, alors !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Soit nous investissons dès maintenant dans les produits liés à l'hydrogène, réservoirs, piles à combustible et technologies de fabrication de l'hydrogène vert ; soit demain, quand nous en aurons besoin pour les secteurs du transport, nous serons dépendants de l'étranger.
Je crois à l'indépendance et à la souveraineté de la France.
M. Jean Bizet. - Il fallait garder Fessenheim.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Oui, cher Jean Bizet, cela suppose que nous ayons une électricité à disposition, celles des centrales nucléaires, et vous savez que je continue à croire à la pertinence du nucléaire pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Un grand plan de décarbonation avec notamment la rénovation thermique des bâtiments vous sera proposé dans ce PLFR 3 pour une mise en oeuvre dès septembre, car nous avons tenu compte de la remarque de votre rapporteur général : nous ne perdrons pas une seconde dans la transition énergétique.
Si nous prenons les bonnes décisions, nous redresserons notre économie et profiterons de la crise pour la rendre plus solidaire et plus respectueuse de l'environnement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et comment finance-t-on les 100 milliards d'euros ?
M. le président. - Ne soyez pas si pressé ! Laissez donc les ministres nous l'expliquer !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics . - Les PLFR 1 et 2 portaient des mesures d'urgence face à des difficultés extrêmement fortes pour les entreprises. Avec ce PLFR 3, nous esquissons le plan de relance. Il complète les dispositifs des PFLR 1 et 2 et porte un regard particulier sur les jeunes, les collectivités territoriales, l'outre-mer - citoyens et collectivités - avec des dispositifs spécifiques.
Nous complétons nos réponses. Ainsi le fonds de solidarité est étendu dans le secteur du tourisme. Au total, 1,7 million d'entreprises en bénéficient. Et 4 milliards d'euros ont été engagés pour accompagner les TPE et les PME. Nous ajoutons 500 millions d'euros à cette fin ; et 3 milliards d'euros de crédits additionnels pour financer le chômage partiel, parallèlement au dispositif d'activité partielle longue durée que nous mettons en place.
Nous allons plus loin dans le soutien aux entreprises avec un plan d'exonération de cotisations sociales, soit 4 milliards d'euros.
Seront totalement exonérées de cotisations pendant trois mois les entreprises de moins de dix salariés qui ont dû fermer obligatoirement par décision administrative, ainsi que, pendant quatre mois, les PME jusqu'à 250 salariés des secteurs les plus touchés, ceux du tourisme, de l'hôtellerie, de la culture, de l'événementiel, du sport et du commerce.
L'article 18 de ce texte accompagne également les entreprises les plus dépendantes de celles qui bénéficient de ces exonérations.
L'Assemblée nationale a élargi le dispositif aux indépendants et travailleurs non-salariés agricoles, lorsque le chiffre d'affaires a baissé de plus de 50 %.
Mais le filet de protection touchera toutes les entreprises : remise de cotisations jusqu'à 40 %, étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour les entreprises qui ont des difficultés.
Les comptes de la sécurité sociale ne souffriront pas des 900 millions d'euros de nouvelles dépenses, grâce aux crédits ouverts ici pour une compensation intégrale.
Il faut aussi soutenir et accompagner les collectivités territoriales, notamment en garantissant leurs ressources : versement mobilité, droits de mutation à titre onéreux (DMTO), octroi de mer, taxe de séjour.
Le PLFR 3 prévoit ainsi un prélèvement sur recettes de l'État de 1 milliard d'euros au bénéfice du bloc communal.
Les pertes au titre du versement mobilité seront compensées de la même manière aux départements. Après discussions avec l'Association des départements de France (ADF), nous présentons ici un mécanisme d'avances remboursables en section de fonctionnement. Le débat à l'Assemblée nationale nous a conduits à porter la durée de remboursement des avances à trois ans, pour un montant de 2,7 milliards d'euros.
Le dispositif, basé sur des ressources estimées, sera naturellement ajusté en fonction des recettes effectivement perçues. De plus, un milliard d'euros de crédits supplémentaires seront ouverts en soutien à l'investissement local.
Les collectivités d'outre-mer feront l'objet de mesures plus spécifiques, grâce à 60 millions d'euros pour garantir les ressources liées notamment à l'octroi de mer et la taxe spéciale sur les carburants. Et 8 millions d'euros sont prévus pour les collectivités financées sur une fiscalité additionnelle, comme la Corse.
Enfin, nous donnons aux collectivités territoriales de nouvelles possibilités d'intervention : celles du bloc communal pourront ainsi accorder un abattement des deux tiers sur la cotisation foncière due par les entreprises (CFE) de leur territoire, ce qui sera compensé à 50 % par l'État, à titre exceptionnel, et contrairement à la doctrine habituelle de non-compensation des abattements volontaires.
Le texte comporte beaucoup de mesures de soutien aux entreprises, il prolonge des dispositifs efficaces comme le fonds de solidarité ou le prêt garantit par l'État, il débloque 400 millions d'euros en plus pour l'apprentissage, dans le privé mais aussi la fonction publique territoriale.
Quelque 150 millions d'euros traduisent les engagements du Président de la République en faveur des étudiants et des jeunes les plus précaires ; 50 millions d'euros sont inscrits au titre de la prise en charge des jeunes majeurs de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) pour les départements volontaires.
Quelque 2 milliards d'euros correspondent à des élargissements de dispositifs votés par l'Assemblée nationale. Les engagements pris par le Président de la République le 14 juillet et du Premier ministre devant le Sénat trouvent également une traduction.
Ces mesures ont un coût, qui se concrétise dans une dégradation sans précédent des comptes publics : le déficit public atteindra 11,5 % du PIB, soit 220 milliards d'euros pour l'État au titre de 2020. La dette atteindra le niveau historique de 120 % du PIB, contre 98 % dans la loi de finances initiale pour 2020.
C'est le prix à payer pour soutenir notre économie et protéger nos compatriotes. C'est aussi un appel à la responsabilité pour les budgets à venir : il faut préserver la qualité de notre signature et la crédibilité de notre pays. Je ne doute pas que nos débats permettront d'améliorer encore le texte.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; le président de la commission des finances applaudit également.) Ne vous inquiétez pas, nous allons l'améliorer !
Le Sénat est très efficace puisqu'il va examiner plus de mille amendements en trois jours. Les députés ont fait l'équivalent en trois semaines.
Nous avions souligné lors de l'examen des PLFR 1 et 2 l'optimisme des prévisions de croissance et la nécessité d'amplifier les mesures. Cela se confirme... et le compte n'y est pas. La crise est bel et bien là : le PIB recule de 11,5 %. C'est sans précédent depuis 1944. La France est parmi les pays les plus touchés.
Bruno Le Maire aime les citations ; je me référerai pour ma part à Paul Claudel dans le sous-titre du Soulier de satin : « le pire n'est pas toujours sûr. »
D'après l'Insee, la reprise est plus précoce que prévue, ce qui fait apparaître la prévision de croissance gouvernementale comme très prudente. Le recul pourrait se limiter à 9 % du PIB. La situation pourrait encore être améliorée, en stimulant la consommation par un déblocage des 75 milliards d'euros d'épargne accumulée, selon l'OFCE.
Mais on ne peut écarter une nouvelle vague épidémique qui ralentirait à nouveau l'action économique.
Ce PLFR redimensionne a minima le plan de soutien, dans l'attente du plan de relance annoncé, que l'on ne voit pas venir et qui est à présent prévu dans le projet de loi de finances pour 2021.
Aux mesures sectorielles s'ajoute le report des échéances fiscales et sociales, plus de 7 milliards d'euros.
Le plan de soutien français est singulier par rapport aux mesures privilégiées par les autres économies avancées. La France mobilise moins les mesures qui ont un impact sur le déficit public, alors que ce sont celles qui ont l'effet le plus direct et durable sur l'économie.
Cela s'explique par nos moindres marges de manoeuvre budgétaires - ce sur quoi le Sénat alerte le Gouvernement chaque année.
Avec la crise, la trajectoire budgétaire se dégrade à nouveau et l'endettement atteint 120,90 % du PIB, heureusement sans augmentation des taux d'intérêt.
Le déficit de l'État passe de 93,1 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2020 à 224 milliards d'euros dans le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale. Cela résulte plus d'une chute des recettes depuis le PLFR 2, 23,5 milliards d'euros, que d'une augmentation des dépenses - 12 milliards.
Le déficit est inédit, creusé de plus de 130 milliards d'euros par trois budgets rectificatifs. La France devra cette année emprunter 363,5 milliards sur les marchés. Espérons qu'il n'y aura pas de PLFR 4.
Désormais, nos recettes nettes sont 2,2 fois inférieures à nos dépenses ; les recettes fiscales sont inférieures de 65,9 milliards d'euros aux prévisions du projet de loi de finances.
Les crédits du plan de soutien sont annoncés à 40 milliards d'euros, mais c'est beaucoup moins en réalité puisque le Gouvernement inclut des garanties de prêts et des dispositifs déjà existants. Il faut donc un plan de relance sans attendre la fin de l'année. Les entreprises et les ménages ont besoin de visibilité.
Le 14 juillet, le Président de la République a annoncé 100 milliards d'euros d'aides ; très bien, mais qu'en est-il en détail ? Le 16 juin, j'ai proposé des mesures calibrées pour 40 milliards d'euros, soit 2,2 points de PIB. Le Conseil d'analyse économique proposait 50 milliards d'euros. Dans ce texte, malgré l'article 40, j'ai voulu faire en sorte que 10 milliards d'euros des montants prévus trouvent leur voie dans les amendements : aides à l'investissement des entreprises par le carry-back et l'amortissement ; mesures d'incitation à la consommation comme les chèques loisirs ; exonération de cotisations pour les entreprises, dispositif exceptionnel d'aide à l'emploi ; incitation au déconfinement de l'épargne par des mécanismes de PEA-PME ; préservation des recettes et capacités d'investissement des collectivités territoriales.
En résumé, nous ne sommes pas en désaccord avec les mesures de soutien qui figurent dans le texte, mais avec ce qui n'y est pas : un vrai plan de relance. La crise, c'est d'abord un déficit de recettes. N'attendons pas pour les booster, car les recettes, c'est de la TVA, des ressources fiscales.
Nous voterons ce plan, modifié par nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - Il y a trois mois, lors de l'examen du PLFR 2, je soulignais son caractère d'étape avant les vrais arbitrages politiques du PLFR 3. J'avais interrogé le Gouvernement sur ses objectifs et, surtout, sur les modalités de financement du dispositif, mais beaucoup de questions restent encore sans réponse. En réalité, nous sommes suspendus au rétablissement des négociations européennes.
Les discussions sur le plan de relance européenne, qui conditionnent ces réponses, reprennent demain. L'accord franco-allemand du mois de mai et les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens, mais il faut transformer l'essai. Dès lors, ce texte n'est pas le plan de relance, toujours différé, mais un ajustement budgétaire d'attente.
Les 13,8 milliards d'euros de soutien portent pour l'essentiel sur l'urgence : le soutien au chômage partiel est indispensable, mais il exigera un contrôle vigilant a posteriori. L'essentiel des mesures de soutien sont des mesures de trésorerie. C'est assez limité, même si le Premier ministre a annoncé un plan de relance de 100 milliards d'euros et une baisse des impôts de production pour 20 milliards d'euros.
Ce collectif traite aussi de la situation des collectivités territoriales, dont les recettes ont été très touchées par la crise et qui ont assumé de nouvelles charges.
Certes, nous nous revoyons à l'automne mais il y a urgence : une baisse de 11 % du PIB, c'est beaucoup plus que l'Allemagne qui, elle, relance sans attendre.
Il ne s'agit pas seulement de points de croissance, mais aussi de leurs conséquences sociales. On annonce 15 000 suppressions d'emplois chez Airbus, 7 780 chez Air France, 4 600 chez Renault, 1 900 chez Conforama, dont le siège est à Lognes, où j'ai été élu municipal pendant vingt-deux ans, 1 200 chez Nokia... Sans compter les TPE et les PME, dont la situation est dramatique. Il faut aussi soutenir les entreprises viables, transformer notre économie en privilégiant la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises. Où sont les mesures dans ce sens ? Nous avons une opportunité historique de transformer l'économie, pour le bénéfice des générations futures.
Il faudra aussi fixer un cap cohérent pour nos finances publiques, alors que leur trajectoire a explosé. Nous le discuterons dans le cadre du débat d'orientation. Le Gouvernement évoque un cantonnement de la dette, simple mesure comptable, sans mettre à contribution les plus privilégiés.
M. Jean-Pierre Sueur. - Qui va payer ?
M. Vincent Éblé, président de la commission. - Il faudra faire les comptes...
M. Jean-Pierre Sueur. - Enfin des paroles sensées !
M. Vincent Éblé, président de la commission. - ... et justifier de la dépense publique devant les contribuables. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Beaucoup d'indicateurs que le ministre juge positifs sont en réalité préoccupants. Ce seront 800 000 emplois supprimés d'ici la fin de l'année, des plans sociaux qui pleuvent, l'explosion du nombre d'allocataires du RSA, la très faible participation aux élections municipales... Voici tous les éléments d'une crise de sens. Le Gouvernement va-t-il reprendre le guidon, ou continuer à pédaler droit dans le mur ?
Le Président de la République prétend tracer un nouveau chemin... dans le même sillon que l'ancien. Pour baisser le coût du capital, messieurs Le Maire et Dussopt, on prend les mêmes et on recommence ! (Sourires)
Il ne s'agira pas d'un tournant social ou écologiste. Il faudra travailler plus et faire payer salariés et retraités. Le Gouvernement continue à privilégier la communication du « en même temps » au lieu d'agir.
Sur les 40 milliards d'euros annoncés, seuls 3 milliards d'euros figurent en crédits budgétaires. Pas de nouvelles mesures fiscales ? C'est faux !
Vous prolongez la CRDS de 0,5 % sur tous les revenus, pour dégager 160 milliards d'euros d'ici 2042.
Vous annoncez en grande pompe le plan de soutien aux collectivités territoriales, mais là encore, le compte n'y est pas. Jean-René Cazeneuve, missionné par le Gouvernement, a chiffré les pertes de recettes des collectivités territoriales à 7,5 milliards d'euros : 3,2 milliards pour le bloc communal, 3,4 milliards pour les départements et 0,9 milliard pour les régions. Les choses commencent mal, vu que vous annoncez 4,5 milliards d'euros - et que vous ne mettez effectivement sur la table que 1,75 milliard d'euros d'argent frais.
Si le bloc communal est relativement épargné, avec la clause de sauvegarde, vous ne tenez pas compte des pertes de recettes tarifaires. Quant aux départements, vous ne leur concédez que des avances remboursables alors que flambent les dépenses sociales et que les droits de mutation pourraient chuter de 35 %. Comment les départements feront-ils face à l'afflux des inscriptions au RSA et aux demandes d'aides sociales des personnes licenciées ? Et pour les régions, ne cherchez pas, il n'y a rien.
Pourtant, les collectivités territoriales ont tenu la barre pendant la tempête ; elles ont démontré leur solidité et restent le principal investisseur. Il faut s'appuyer sur elles pour la relance.
La confiance appelait un autre chemin d'égalité sociale et territoriale. Nous ne voterons pas ce texte qui n'est pas à la hauteur. La confiance n'est pas une forme de paresse mais une exigence de la conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR)
M. Vincent Éblé, président de la commission. - Bravo ! Jolie formule !
M. Franck Menonville . - Le sauvetage de notre économie n'est pas terminé que la relance s'impose pour sauvegarder les entreprises et l'emploi. Telle est l'ambition de ce troisième PLFR.
La propagation du virus semble maîtrisée, mais la crise économique ne fait que commencer. Outre une deuxième vague, nous devons craindre une vague de difficultés économiques à l'automne. Depuis mars, la politique menée a été défensive. Sans entreprises, pas de reprise : il fallait préserver le tissu économique. Cela ne suffit plus et notre politique doit aussi être offensive, prévoir la relance en plus du sauvetage.
L'abondement supplémentaire au fonds de solidarité et les dispositifs d'exonération de charges, ainsi que les mesures sectorielles en faveur de l'automobile, de l'aéronautique, du tourisme ou de l'événementiel et du secteur culturel, sont nécessaires.
Je me réjouis également que le Gouvernement privilégie une action au plus près des réalités locales avec, par exemple, la possibilité de dégrèvement exceptionnel de CFE pour les PME et d'exonération de taxe de séjour pour 2020. Il faut en effet faire confiance aux acteurs de terrain. Les délais sont toutefois trop contraints pour des exécutifs tout juste installés.
Les élus ont été en première ligne pendant la crise et je veux les saluer. Le plan de soutien de 4,5 milliards d'euros va dans le bon sens mais doit encore être renforcé. Je défendrai à l'article 5 un amendement portant l'aide minimale à 1 500 euros pour les plus petites communes.
Je me félicite que les actions prises par la Commission européenne occupent une place significative, avec des garanties apportées par l'État au mécanisme SURE et à la Banque européenne d'investissement, pour 4,4 et 4,7 milliards d'euros respectivement.
Ces mesures sont nécessaires pour préserver l'économie de nos territoires et la solidarité nationale. Le Sénat saura sans nul doute les enrichir encore. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; MM. Julien Bargeton et Yvon Collin applaudissent également.)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Chômage partiel, fonds de solidarité, PGE, les réponses apportées par l'État ont été immédiates et massives. Certes coûteuses, elles étaient indispensables pour préserver notre tissu économique et nos emplois et protéger les plus fragiles.
Avec ce texte, l'effort sera porté à 50 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 70 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales, ce qui porte notre déficit à plus de 224 milliards d'euros, plus du double de la prévision initiale. Ces chiffres sont vertigineux, mais nous n'avons guère le choix.
Désormais, nous sommes face au défi de la relance. Il s'agit à la fois de transformer nos modes de production, de reconquérir notre souveraineté, de faire de la transition écologique un moteur de développement des territoires et de la justice sociale le ferment de la cohésion nationale,
Ce collectif budgétaire soutient les secteurs les plus touchés - automobile, aéronautique, tourisme, culture - tout en s'engageant dans la transition écologique. Nous saluons à cet égard l'article 19 qui conditionne les prises de participation de l'État à la souscription d'engagements écologiques.
La multiplication des destructions d'emplois et les perspectives en matière de chômage, notamment des jeunes, doivent nous alerter. Alors que l'on annonce quelque 800 000 suppressions d'emplois, plus de 700 000 jeunes vont arriver sur le marché de l'emploi.
Nous avons donc accueilli favorablement les mesures annoncées, qu'il s'agisse des primes pour l'emploi d'un apprenti ou de la réduction du coût d'embauche des jeunes.
Ce collectif budgétaire va dans le bon sens et nous approuvons l'exonération de cotisations et de charges prévue à l'article 18, dont le périmètre a été opportunément élargi par l'Assemblée nationale.
Néanmoins, la copie gouvernementale reste perfectible et nous avons à cet effet déposé des amendements. La relance ne peut se faire sans les territoires. Je regrette à cet égard la timidité des mesures en faveur des départements. Le bloc communal est en revanche mieux traité, avec 1,7 milliard d'euros pour l'investissement.
Avec 1 milliard d'euros de DSIL supplémentaire, ce budget préfigure la relance dans les territoires autour de la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine public bâti et non bâti. Il faudrait que ces crédits soient pour partie fléchés vers l'échelon départemental, qui a su agir avec agilité et efficacité. Enfin, le versement du FCTVA en année N+1 pour toutes les collectivités serait de nature à accélérer l'investissement local.
Dans sa grande majorité, notre groupe qui aura à coeur d'enrichir ce texte le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants)
M. Yvon Collin . - En mars dernier, le Président de la République annonçait une France en guerre. Aujourd'hui, la bataille de l'emploi, de la justice sociale et des territoires reste à gagner.
La crise a exacerbé les fractures de notre modèle économique et social. Alors que l'urgence sanitaire demeure, nous devons relancer l'économie. Or l'incertitude affecte l'indice de confiance des ménages et des entreprises. Le succès dépendra de la capacité de l'exécutif de dynamiser à la fois l'emploi, l'investissement et la consommation.
À ce stade, les airbags ont joué leur rôle. Le chômage partiel a protégé les ménages en limitant la chute de leurs revenus à 3,2 % pendant le confinement alors que le revenu national baissait d'un tiers. Avec le déconfinement, la consommation est repartie, mais l'épargne, chiffrée à 80 milliards d'euros, demeure considérable. Il faut réussir à la flécher vers la consommation et l'investissement. L'article 4 sur le déblocage de l'épargne retraite est donc bienvenu.
Le volume important de prêts garantis par l'État a évité des faillites, mais comment contenir les plans sociaux à l'automne ? En dépit des mesures de soutien, les entreprises ont perdu 54 milliards d'euros entre mars et juillet. Une demande insuffisante et la contraction de l'économie mondiale vont durablement peser sur l'activité.
Face à cette récession sans précédent, la France va devoir consentir un effort public soutenu, d'autant que ses avantages comparatifs se situent dans des secteurs particulièrement affectés par la crise. La dégringolade de la prévision de croissance pour 2020, la hausse massive du déficit conjoncturel, la dette publique qui pourrait atteindre les 121 %, rendent obsolètes les règles européennes censées contenir l'endettement à 60 % du PIB : partout dans la zone euro, la ligne rouge a été franchie. Nous ne pouvons guère faire autrement et notre groupe soutient ces mesures, pourvu qu'elles soient provisoires.
Les collectivités participeront à la relance et joueront un rôle essentiel d'amortisseur social : veillons donc à préserver leurs moyens, même si nous comprenons la nécessité de baisser les impôts de production.
Le Premier ministre a annoncé un plan de relance de 100 milliards d'euros, notamment en faveur de l'emploi des jeunes, qui seront 700 000 à postuler pour un emploi à la rentrée. Le dispositif d'exonération de charges jusqu'à 1,6 Smic est indispensable mais nous souhaiterions qu'il intègre aussi les diplômés de l'enseignement supérieur.
Nous soutenons enfin le plan européen de relance, dont la France pourrait bénéficier à hauteur de 40 milliards d'euros, car l'effort de solidarité est nécessaire à la cohésion de l'Union. Espérons qu'il sera rapidement mis sur pied.
En attendant, notre groupe regardera ce texte avec bienveillance.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) « Tout commence par une interruption » a écrit Paul Valéry. En tout cas, tout doit recommencer après une interruption. Les signaux sont contradictoires et nous sommes à la croisée des chemins.
En France, 45 % des salariés ont bénéficié du chômage partiel jusqu'à 85 % de leurs revenus. En Allemagne, c'était 27 % des salariés, jusqu'à 60 % de leurs revenus.
Ce PLFR recharge les crédits, déploie des plans sectoriels, soutient la jeunesse, accompagne les collectivités territoriales et protège les plus fragiles.
Notre groupe veillera au respect de trois lignes directrices : d'abord l'efficacité des mesures, quel que soit leur coût. Ensuite, la cohérence - on ne peut à la fois dénoncer l'aggravation de la dette et demander des dépenses supplémentaires : c'est trop, soit ce n'est pas assez, mais il faut trancher.
M. Jean-François Husson. - C'est le « en même temps » !
M. Julien Bargeton. - Troisième ligne directrice, ne pas augmenter les impôts. Keynes le dit bien : ce n'est pas en période de crise, quand les investissements et la consommation reculent, qu'il faut augmenter les impôts ni baisser les dépenses publiques, au risque de déprimer davantage l'économie.
Notre groupe a déposé des amendements relatifs à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), à la culture, à l'outre-mer, aux autorités de mobilité notamment.
Les jalons posés par ce texte tournent autour de quatre E. E comme Europe d'abord. Après ce PLFR viendra un plan de relance, qui devra s'articuler avec un plan européen que j'appelle de mes voeux.
Deuxième E, l'écologie, qui doit être un levier de croissance, non un frein à la relance.
Troisième E, les entreprises : c'est par la croissance des entreprises et de l'emploi que nous pourrons financer nos dépenses et nos dettes.
Enfin, le E de l'éducation ; la formation de la jeunesse doit être au coeur de la reconquête.
Notre groupe soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Stéphane Ravier . - Nous avons déjà voté plus de 460 milliards d'euros de mesures sectorielles depuis le début de l'épidémie, sans rechigner. Mais ce PLFR n'est pas à la hauteur de la crise dans laquelle vous nous avez plongés avec le confinement. Avec 130 milliards d'euros, l'effort allemand est trois fois supérieur au nôtre. La dette publique se monte à 120 % du PIB, c'est un poids colossal qui pèsera sur les générations futures. La crise est certes due au coronavirus, mais aussi aux choix politiques de ces dernières décennies.
Avec 8 milliards d'euros pour le fonds de solidarité, vous manquez d'ambition. Il faut élargir le périmètre aux sous-traitants et fournisseurs. À la rentrée, le chômage des jeunes va exploser avec l'arrivée de 800 000 d'entre eux sur le marché de l'emploi. La baisse des charges à l'embauche ne suffira pas à absorber un tel choc.
Il est temps de consacrer le principe de subsidiarité, de supprimer les échelons inutiles comme les ARS, qui ont prouvé leur inefficacité, les CESE et CESER, s'affranchir du carcan européen, réduire les dépenses publiques inutiles pour redonner une autonomie financière aux communes.
Les 31 milliards d'euros d'aides aux entreprises sont une bonne chose car protéger les entreprises, c'est protéger les salariés. Mais le parquet enquête sur des escroqueries massives au chômage partiel. Il faut border le dispositif.
Par votre impréparation et votre incompétence, vous avez plongé le pays dans la récession. Ce n'est pas le discours de politique générale de ce matin, véritable réquisitoire contre la politique du précédent Gouvernement, qui changera les choses.
M. Philippe Dallier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) PLFR 1, puis 2, puis 3. Les textes devaient s'enchaîner pour tenter de contenir la crise. La question du tempo des mesures est au moins aussi importante que celle du contenu.
Vous aviez qualifié les deux premiers textes d'urgence et de sauvegarde, celui-ci de texte de résilience. Le PLFR 3 aurait pu être le grand plan de relance annoncé depuis mars. Adoptées en juillet, les mesures auraient été effectives en septembre au moment où les faillites se multiplieront et où 700 000 jeunes arriveront sur le marché du travail. Les six mois de perdus pourraient nous coûter très cher.
La situation de la France d'avant, telle que décrite par Bruno Le Maire, c'était un recul du chômage à moins de 8 %, un regain d'intérêt pour l'apprentissage, la bonne tenue de l'investissement privé et de la consommation des ménages jusqu'en 2019. Tout cela est exact. Mais la croissance était de 1,5 % en 2019 contre 1,8 % en 2018 et 2,3 % en 2017 : une belle pente descendante, avec un acquis de 0,1 % seulement en 2020 avant la crise. Le déficit budgétaire, lui, a connu une belle pente ascendante : 67,6 milliards d'euros en 2017, 76 milliards en 2018, 92,7 milliards d'euros en 2019. Le déficit prévisionnel pour 2020 était de 93,1, rappelons-le. La dette publique a frôlé les 100 % du PIB ; elle les aurait franchis en 2020 même sans la crise sanitaire. Bref, le tableau d'ensemble était plutôt sombre.
Nous avons abordé la crise dans un état plus dégradé que nos voisins. En 2019, la France était vingt-troisième sur vingt-sept pour la croissance et l'endettement public ; vingt-quatrième pour le taux de chômage ; vingt-sixième pour le déficit public. Même avec un taux de chômage de 8,1 % en février, seules l'Italie, l'Espagne et la Grèce faisaient moins bien que nous. Avec une croissance de moins 0,1 % au quatrième trimestre 2019, nous n'avions que l'Italie, la Finlande et la Grèce derrière. Avec 98,1 % d'endettement, seuls la Belgique, le Portugal, l'Italie et la Grèce faisaient moins bien. Avec un déficit à 3 %, seule la Roumanie faisait pire ! Nous n'avons pas abordé la crise avec les mêmes armes que les autres pays européens qui, eux, ont fait des efforts ces dix dernières années.
En 2017, le retour à l'équilibre des comptes publics était prévu pour 2020 mais la crise des gilets jaunes est passée par là. Aujourd'hui, l'incendie est d'une tout autre ampleur.
Bruno Le Maire a beau dire que l'effort de la France est de même niveau que l'Allemagne, il n'en est rien. L'impact budgétaire se monte à 2,6 points de PIB en France, contre 9,4 points de PIB en Allemagne. Cela traduit la faiblesse de nos marges de manoeuvre : ce n'est pas que nous ne voulions pas, mais nous ne pouvions pas.
Au début de la crise, le Président de la République a utilisé l'expression hasardeuse de « quoi qu'il en coûte ». Le 14 juillet, il a annoncé un plan de relance de 100 milliards d'euros - mais quand, et comment ?
Considérant que notre économie ne peut attendre, les sénateurs Les Républicains proposeront une baisse des impôts de production en commençant par la suppression de la C3S et du forfait social pour les PME et ETI.
Nous proposerons de baisser les charges sociales pour baisser le coût du travail et lutter contre le chômage, de doper les investissements dans le capital des entreprises dont les besoins en fonds propres sont estimés entre 10 et 30 milliards d'euros.
La baisse de 66 milliards d'euros des recettes fiscales s'explique pour moitié par l'effondrement des bénéfices des entreprises, avec une perte de 32,4 milliards de recettes d'impôt sur les sociétés. La chute de la consommation, avec 19,8 milliards de baisse des recettes de TVA, ne vient qu'en second. Les revenus des ménages n'auront baissé que de 6 milliards d'euros.
Nous proposerons aussi de renforcer le soutien de certains secteurs, comme les transports et le logement. Les autorités organisatrices de mobilité doivent être accompagnées y compris en Île-de-France, région bizarrement oubliée par les plans de soutien. Les avancées de l'Assemblée nationale sont insuffisantes.
Si l'accent est mis sur la rénovation thermique des logements existants, rien n'est fait pour encourager la construction. Or les besoins sont considérables, si nous voulons enrayer la flambée des prix.
Permettez-moi de vous demander des nouvelles de la réforme des APL : est-elle oui ou non abandonnée ? Si oui, pourquoi n'en tirez-vous pas les conséquences budgétaires, sachant qu'il manquera alors près d'un milliard d'euros au FNAL - c'est l'épaisseur du trait, vu l'ampleur du déficit...
Nous proposerons d'encourager l'investissement public porté par les collectivités, en reprenant la mesure FCTVA, efficace en 2009.
Nous soutiendrons la transition énergétique avec la conviction que le rebond passera par la croissance écologique et non la décroissance verte, comme l'a bien dit le Premier ministre.
Nous proposerons de soutenir la consommation en libérant l'épargne des Français, estimée entre 75 et 100 milliards d'euros. Mais la relance de la consommation des ménages dépendra aussi de la confiance, et donc de la stabilité fiscale promise par le Président de la République.
À cet égard, nous regrettons les propos contradictoires au sein de votre majorité. Richard Ferrand a dit qu'il fallait taxer davantage les premiers de cordée, sur lesquels la fiscalité est déjà hyper-concentrée, 20 % des ménages payant 85 % de l'impôt sur le revenu.
M. Patrick Kanner. - C'est un ancien socialiste !
M. Philippe Dallier. - Le Président de la République a sous-entendu que la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % restants serait reportée. Nous étions opposés à la suppression de la taxe d'habitation qui coupe le lien fiscal entre la moitié des Français et leur commune, mais désormais mise en application pour une majorité, elle doit l'être pour tous - comme l'exige d'ailleurs le Conseil constitutionnel.
Certaines de nos propositions se heurtent à l'article 40, je les citerai donc ici. Nous proposons de supprimer les conditions de ressources pour la prime à la conversion, d'élargir le bonus écologique aux véhicules électriques et hydrogènes d'occasion.
Nous prônons aussi une aide compensant 50 % des pertes d'exploitation des agriculteurs dont le chiffre d'affaires a baissé de plus de 30 %.
Nous demandons une extension de l'aide majorée aux entreprises de plus de 250 salariés pour soutenir l'apprentissage et souhaitons étendre la mesure de reclassement des salariés en cours de licenciement.
Pour financer ces mesures de relance, il faudra faire des réformes structurelles et dégager des économies par une simplification des normes et procédures. Il faudra avoir le courage d'aller au bout de la réforme territoriale en supprimant les doublons et en réduisant le nombre d'agences de l'État.
Comme François Hollande, Emmanuel Macron a repoussé les efforts à plus tard, et nous devons maintenant réformer en pleine crise, au pire moment.
Selon l'OCDE, la France connaîtra la récession la plus forte au monde avec le Royaume-Uni. Une baisse de 11 % du PIB, c'est 267 milliards d'euros - à comparer avec la baisse de 2,9 % en 2009. Le taux de dépenses publiques passera ainsi mécaniquement de 54 % à 63,6 %, un niveau jamais atteint. Nous sommes contraints de laisser filer le déficit et la dette - qu'il faudra bien rembourser. Le Gouvernement voudrait la cantonner dans un coin, la planquer sous le tapis, comme on a fait pour la dette sociale avec la Cades. On vient d'en reprendre pour dix ans, et le ministre de l'Économie nous propose d'y loger la dette covid pour prolonger jusqu'en 2042. Mais il faut avoir le courage de dire aux Français qu'il faudra la rembourser un jour.
Le groupe Les Républicains adoptera ce PLFR modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est clair !
M. Thierry Carcenac . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Nous voici réunis pour évoquer le quatrième budget de l'année 2020, situation extrêmement atypique. Un déficit de 11 %, une dette à 120 % du PIB... Nous en aurions été horrifiés en décembre, pourtant nous en sommes là.
Ni plan d'urgence, ni plan de relance, ce texte, dont le contenu n'est pas foncièrement mauvais, a le défaut de mélanger, comme on dit chez moi, carottes et navets. Certaines décisions ont des effets directs sur les dépenses de l'État, y compris sociales.
Le groupe socialiste et républicain ne peut que déplorer le manque d'ambition du texte. Le parti socialiste a présenté un plan de relance le 9 juin qui propose d'aller plus loin dans le soutien à certains secteurs et le rééquilibrage, tant sur le volet social qu'environnemental. Nous introduirons par amendement certaines de nos 45 propositions, d'autant plus nécessaires que le Gouvernement tarde à produire un vrai plan de relance.
Je m'attarderai sur les quatre points les plus importants, en commençant par le financement de l'action publique. Vous avez de facto créé un nouvel impôt, non progressif, effectif à partir de 2024, en prolongeant de neuf ans la durée de la Cades.
Nous vous proposerons davantage de justice sociale et fiscale. Rétablissement de l'ISF, suppression de la flat tax, rétablissement de la taxe sur les hauts salaires, mise à contribution de l'assurance vie, taxe sur les transactions financières... il n'y a que l'embarras du choix ! En exemptant les plus riches au détriment de nos enfants, vous faites le choix de l'irresponsabilité, du « quoi qu'il en coûte » financé par la dette.
Nous proposons aussi un grand plan de relance de la vie culturelle, préférable à une multitude de petites mesures.
La transition environnementale est indispensable. Pour préparer l'économie de demain, il faut un fléchage des fonds et la conditionnalité de certaines aides. La majorité présidentielle a introduit un amendement en ce sens à l'Assemblée nationale mais il faut aller au-delà du voeu pieux et trouver un équilibre entre incitation et obligation.
Quatrième point, nous devons garantir le niveau de ressources des collectivités territoriales. Vos choix fiscaux ont fait disparaître l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Au mieux, les compensations stagnent, au pire elles diminuent alors qu'on demande toujours plus aux collectivités.
Enfin, il faut garantir le niveau de ressources des AOM et favoriser les mobilités urbaines dites douces.
J'aurai pu aborder l'éducation, la recherche, l'emploi, en particulier celui des jeunes, l'agriculture et l'alimentation, mais nous y reviendrons.
Notre vote dépendra du sort réservé à nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Vincent Delahaye . - De budget rectificatif en budget rectificatif, la situation se dégrade. Nous sommes passés en 2020 d'une croissance de 1,3 % à une récession de 11 %. Il eût été normal de revoir les dépenses du budget pour l'année 2020. C'est ce que l'on fait dans toutes les collectivités, voire tous les ménages, en cas de baisse des recettes. J'ai donc été surpris de l'absence de tout gel ou annulation de dépenses.
Le Président de la République prévoit de reporter la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés ; mais de report ou d'annulation de dépenses, rien dans ce texte. Au contraire, vous nous présentez un PLFR 3 avec deux fois plus de dépenses que de recettes ! Je ne peux accepter cette logique budgétaire.
Le groupe de l'Union centriste, et Nathalie Goulet en particulier, ont fait une priorité de la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Or en contrepartie du chômage partiel, on a demandé le strict minimum aux entreprises. J'espère que nous poursuivrons ce combat contre la fraude.
Qui va payer ? J'ai écouté attentivement le Président de la République et le Premier ministre mais n'ai entendu aucune réponse à cette question. Entre 2020 et 2022, le pays aura perdu 350 milliards d'euros ; les Français auront épargné 100 milliards d'euros supplémentaires.
Ceux qui paient, ce sont certains commerçants, certains artisans et indépendants, à peine plus de 10 % des Français. À gauche, on veut faire payer les riches et rétablir l'ISF.
M. Vincent Éblé. - Non, il s'agit d'un nouvel impôt.
M. Julien Bargeton. - Encore un impôt !
M. Vincent Delahaye. - Entre l'ISF et l'IFI, cela fera 2 ou 3 milliards d'euros supplémentaires, bien loin des 350 milliards d'euros que le pays a perdus. C'est hors de proportion.
M. Vincent Éblé. - Nous n'avons jamais prétendu le contraire.
M. Vincent Delahaye. - Notre Nation n'assumera pas ses choix, mais transférera cette charge sur les générations futures. Je ne peux pas l'accepter.
On nous dit que la croissance future couvrira la dette. Arrêtons avec ce rêve d'une croissance perpétuelle et soyons réalistes : nous vivons une époque où la croissance risque d'être bien inférieure à ce qu'elle a pu être dans le passé, et nous devons en tenir compte dans nos stratégies budgétaires.
Interrogeons-nous aussi pour savoir si la croissance que nous souhaitons est compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique, qui est désormais la priorité de tous.
Je souhaite plus de clarté, de transparence et de vérité : qui va payer le coût de cette crise ? Et quand ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Jacky Deromedi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il était temps qu'une loi de finances rectificative comporte enfin des crédits et engagements pour nos compatriotes français de l'étranger qui subissent de plein fouet la crise pandémique.
Lorsqu'on est expatrié, en tant qu'étranger dans le pays d'accueil, on a à la fois peu de droits mais le devoir de respecter les règles du pays qui vous accueille. S'il y a des licenciements, ce sont les étrangers qui verront leurs contrats interrompus, sans indemnités, mais il faudra continuer à faire vivre leurs familles... De plus, dans beaucoup de pays les permis de séjour sont liés aux contrats de travail.
Le plan de soutien prévoyait un dispositif de 50 millions d'euros de crédits destinés à aider nos compatriotes les plus démunis touchés par la crise. Deux mois après l'annonce de cette aide exceptionnelle, seulement 2 700 de nos compatriotes ont pu bénéficier de l'aide, totalisant moins de 1 % de l'enveloppe prévue. La faute à des critères d'attribution opaques et mal connus.
Les postes diplomatiques qui instruisent les dossiers n'ont pas toujours une parfaite connaissance de la situation individuelle des personnes en difficulté. Les conseillers des Français de l'étranger qui, eux, les connaissent ne sont pas consultés.
Si le pays de résidence accorde une aide, comme à Madagascar où le pays donne aux étrangers 23 euros d'aide, les demandeurs ne sont plus éligibles à l'aide exceptionnelle. Même lorsque tous les critères sont remplis, le montant accordé est ridiculement bas et l'aide n'est versée qu'une seule fois alors que la crise va durer.
Il faut dans l'urgence établir des critères plus adaptés aux situations individuelles, pour tenir le coup au moins six mois : prise en charge du loyer, des frais de scolarité et des dépenses du quotidien, quitte à ce qu'il s'agisse d'un prêt remboursable.
Nous donnant quelque espoir, Jean-Baptiste Lemoyne avait reconnu des lacunes et la nécessité de mettre en place un volet supplémentaire à destination des entrepreneurs. Rien de tel ne figure dans ce PLFR 3.
Il est urgent de mettre en place un plan de soutien aux entrepreneurs français à l'étranger qui leur permette d'obtenir le financement de six mois de trésorerie par des avances remboursables à partir de 2022.
Une enveloppe supplémentaire était prévue pour faire face aux frais de scolarité des établissements français à l'étranger. Or les décisions d'octroi sont prises à Paris, les critères sont opaques et la plupart des dossiers sont refusés. L'enveloppe est sous-consommée alors que beaucoup de familles ne peuvent pas payer le troisième trimestre et risquent de ne pas réinscrire les enfants l'année prochaine.
En France, c'est « quoi qu'il en coûte ». Nous aimerions qu'il en soit ainsi pour les Français de l'étranger.
Quoi qu'il m'en coûte, je continuerai à me battre pour faire entendre leur voix en espérant qu'un jour ils auront la place qu'ils méritent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La crise sanitaire que nous traversons a des conséquences redoutables sur la vie de nos concitoyens. Des milliers d'entre eux se retrouvent plongés dans des situations de grande précarité et d'insécurité quant à leur avenir.
L'urgence sociale aurait mérité un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. Mais le Gouvernement se contente d'un troisième projet de loi de finances rectificative, martelant deux chiffres : moins 11 % du PIB pour le niveau de récession et 120 % du PIB pour la dette publique en 2020.
Le ministre aime à répéter qu'il faudra rembourser la « dette covid ». Mais c'est le Gouvernement qui a fait le choix d'un financement intégral par le déficit et donc par la dette. Une politique d'austérité aurait certes plombé la croissance et n'aurait pas amélioré le ratio dette-PIB.
C'est en réalité par des ressources fiscales nouvelles que nous nous en sortirons - en privilégiant la taxation des plus hauts revenus et patrimoines, la taxation des entreprises multinationales et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Doit-on évoquer le scandale des 13 milliards d'euros que va devoir rembourser Apple à cause du laxisme en matière de lutte contre les paradis fiscaux européens ?
Il faut de toute urgence rétablir l'ISF. Il faut revenir sur la flat tax qui plafonne la fiscalité sur les dividendes, et imposer ces mêmes dividendes à l'impôt sur le revenu. Rien ne justifie que ce type de revenu fasse l'objet d'un traitement avantageux. Malheureusement, cette voie n'est pas explorée.
La relance passe aussi par les territoires, urbains et ruraux. Relançons la politique de la ville, faisons des territoires ruraux une chance, eux qui offrent une alternative à la concentration des territoires urbains. Nous soutiendrons le programme « villages du futur », la réévaluation de la DETR, principale ressource des petites communes, les mesures d'incitation par les exonérations fiscales et sociales à l'installation dans les zones rurales.
Pourquoi ne pas envisager des « rural bonds » pour financer ces actions à destination des territoires ?
Il y a urgence à répondre à la détresse des 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché du travail à la rentrée. Le groupe socialiste et républicain propose une prime « Rebond premier emploi » pour les entreprises qui les embauchent et une aide « Rebond premier emploi » pour les jeunes de ressources modestes et en recherche d'emploi.
Alors que les plans sociaux tombent en cascade, nous avons besoin d'un nouvel esprit d'entreprise qui amplifie les efforts vers plus de justice sociale, d'écologie et d'emploi. Il revient à l'État de n'accorder son soutien qu'aux entreprises qui poursuivent ces objectifs et qui renoncent à verser des dividendes à leurs actionnaires en 2020. Est-il raisonnable d'aider sans contrepartie les multinationales polluantes ?
Les collectivités locales, qui perdront 7,5 milliards d'euros dans la crise selon les prévisions, sont les parents pauvres de ce texte. Alors que les départements ont assumé matériellement et financièrement les dispositifs de protection, ils doivent désormais financer les primes pour les personnels des Ehpad et de l'aide à domicile, tandis que l'augmentation du chômage accroît le nombre d'allocataires du RSA.
Dans un rapport récent, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) recommande d'aider les collectivités à accompagner les acteurs sur le terrain. Notre pays a besoin d'un investissement massif pour soutenir les collectivités territoriales dans leurs projets de transition écologique.
Ce PLFR porte un plan de soutien inachevé sur le plan économique, social et écologique. Nous espérons que les propositions du groupe socialiste et républicain recevront votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Georges Patient . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) La Guyane vit une situation unique au sein de la République. C'est le seul territoire français toujours frappé avec virulence par la pandémie : 280 000 habitants, 6 393 cas confirmés et un R0 entre 2,5 et 3 ; 166 patients hospitalisés, dont 26 en réanimation ; 12 évacuations sanitaires vers les Antilles, 34 décès. Et le pic épidémique est prévu pour la fin juillet.
La situation économique est également inédite. Le déconfinement n'a pas vraiment eu lieu, avec la multiplicité des confinements ciblés avec couvre-feu. D'ailleurs, comme à Mayotte, l'état d'urgence sanitaire est toujours en vigueur. Conséquence : de nombreuses faillites d'entreprises, un rebond du chômage, une perte d'activité de 25 %.
La Guyane réclame donc des mesures spécifiques. Le Premier ministre, les ministres de la Santé et des Outre-mer ont reçu, lors de leur déplacement récent, de nombreuses demandes légitimes et précises des acteurs de terrain qui attendent désormais des réponses concrètes. Certaines relèvent d'un décret, mais beaucoup peuvent être traduites dans ce PLFR 3 et j'aurai à coeur de le faire dans mes amendements. Il faut éviter un scénario catastrophe pour la Guyane.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué . - Merci aux intervenants. Concernant l'articulation entre le PLFR 3, le plan de relance et le projet de loi de finances 2021, nous avons fait le choix de ne pas présenter de PLFR 4 ; le projet de loi de finances 2021 sera présenté dès fin septembre en Conseil des ministres et comprendra des mesures de financement.
En attendant, nous pourrons toujours redéployer des crédits. Surtout, nous disposons du projet de loi de finances rectificative de fin d'exercice pour abonder les crédits là où c'est nécessaire.
Nous veillerons à ce que les dispositifs de soutien mis en place soient financés tout au long de la crise. Cela concernera notamment les premières mesures de relance sur l'apprentissage ; les investissements décidés aujourd'hui, en outre, ne donneront leurs premiers décaissements qu'en 2021.
Monsieur Dallier, l'équilibre du fonds national pour le logement sera garanti, en prenant en compte le retard pris dans la réforme des APL.
Les mesures en faveur des collectivités territoriales sont inédites, en particulier les garanties de ressources. En 2008-2009, il était simplement possible d'anticiper d'une année les versements de FCTVA, mais en aucun cas de compenser des pertes de recettes, qu'elles soient fiscales ou domaniales.
Monsieur Menonville, le versement minimum de 1 000 euros aux collectivités territoriales n'est pas forfaitaire. L'Assemblée nationale a fait de ce versement un minimum pour les collectivités aidées. En revanche, toutes ne le seront pas : il y a des critères d'éligibilité.
J'entends les demandes de nouveau report de la date butoir pour les délibérations des collectivités en matière de CFE ; mais nous sommes allés jusqu'au bout des possibilités. Si nous allions plus loin, la DGFiP se trouverait dans l'impossibilité d'assurer la production des états 1249 qui sont attendus par les collectivités.
Beaucoup d'entre vous soulignent que les départements ne perçoivent que des avances remboursables, et non des subventions. Mais cette formule a été décidée en concertation avec le bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF). Lors de la crise de 2008, les DMTO ont baissé de 11 % la première année, et de 25 % la deuxième, mais ils ont ensuite augmenté de 30 % en 2010 et à nouveau de 25 % en 2011. En matière de DMTO, l'inversion des cycles peut être très rapide, de sorte que les avances telles que nous les avons prévues sont tout à fait opportunes.
Nous sommes dans une situation extrêmement particulière avec une dette qui va atteindre 120 % du PIB et un déficit proche des 220 milliards d'euros. J'entends M. Delahaye sur les baisses et gels de dépenses, mais les propositions sur le sujet ne sont pas légion à l'Assemblée nationale et au Sénat...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les ARS !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Nous avons donc choisi de financer la relance par la dette.
J'entends aussi les propositions fiscales de M. Joly. Cependant, pour financer les 100 milliards d'euros du plan, les Français et les entreprises subiraient non pas un choc mais un tsunami fiscal. Au regard des expériences passées, nous avons préféré faire le choix de la croissance.
Monsieur Dallier, un milliard reste un milliard. La relance ne doit pas nous faire oublier la rigueur - et non l'austérité car il n'y en a jamais eu. Nous devons nous rapprocher au mieux de la trajectoire triennale, il y va de la crédibilité de notre signature sur les marchés sur lesquels nous empruntons encore dans de bonnes conditions. La préparation du PLF 2021 fera l'objet de la même attention.
Monsieur Patient, les dispositifs du fonds de solidarité, des PGE et du chômage partiel seront prolongés en Guyane jusqu'à la fin de l'état d'urgence.
Monsieur Savoldelli, j'espère votre soutien sur les dispositions en faveur des jeunes précaires.
Enfin, monsieur Collin, je fais mienne votre phrase : « C'est une bataille qui reste à gagner ». C'est une évidence. Je vous remercie.
La discussion générale est close.
La séance est suspendue à 17 h 10.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 18 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat à une heure quelque peu inhabituelle.
J'appelle chacun de mes collègues à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Je renouvelle également les recommandations habituelles en matière sanitaire.
Contrats de développement écologique
Mme Françoise Cartron . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Ma question s'adresse à Mme Pompili.
« D'ici à la fin de 2021, nous souhaitons que tous les territoires soient dotés de contrats de développement écologique (CDE), avec des plans d'action concrets, chiffrés, mesurables » avez-vous annoncé, monsieur le Premier ministre.
Votre Gouvernement acte 20 milliards d'euros pour la croissance écologique, afin que l'économie française devienne la plus verte et la plus décarbonée d'Europe. Nous débattions il y a peu du rapport que j'ai commis avec Jean-Luc Fichet sur une alimentation locale et durable.
Il convient également de soutenir les technologies vertes, de développer ambitieusement le vélo et d'adapter notre industrie, avec des crédits fléchés, en priorité, vers la prévention, l'éducation et la recherche publiques.
Quelle sera la place des maires dans ces politiques d'avenir ? Quel cahier des charges pour les CDE ? Quelle complémentarité avec l'État pour porter ces politiques d'avenir du « mieux manger », du « mieux circuler » et du « mieux respirer », attendues par nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; on estime sur certaines travées du groupe SOCR que la question est « téléphonée ».)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Merci pour l'excellent travail réalisé avec votre collègue. Il nous servira certainement, comme le Premier ministre l'a dit.
Effectivement, d'ici 2021, tous les bassins de vie seront dotés d'un CDE. Déjà, 107 territoires et 250 EPCI l'ont signé et 1,7 milliard d'euros ont été versés.
Ces contrats doivent être globaux : urbanisme, vélo, réseaux d'eau, réfection des bâtiments, électricité dans les territoires ruraux qui en ont besoin, etc. Nous devons avoir sur tous ces aspects une vision globale et concrète.
L'État sera à vos côtés, notamment en matière d'ingénierie avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Je salue le très beau travail déjà réalisé par Jacqueline Gourault, Emmanuelle Wargon et Sébastien Lecornu, que je vais poursuivre, avec vous, dans les territoires, afin que les réalisations concrètes y soient mises en place. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Aménagement et attractivité des territoires
M. Jean-Marc Gabouty . - Madame la ministre de la Transition énergétique et monsieur le ministre des Transports, le programme d'investissements publics de notre pays pour la prochaine décennie doit rendre compatibles et complémentaires le développement économique, la transition écologique et le désenclavement des territoires, grâce au fluvial, au ferroviaire, dans une démarche écologique ni dogmatique ni punitive ni cosmétique, comme cela est trop souvent le cas.
En matière d'équipements, l'offre de trains de proximité pour les voyageurs est à un niveau dégradé, voire ubuesque - le train Paris-Rodez jour-nuit reste ainsi trois heures en gare de Brive pendant la nuit. Même chose pour le fluvial, qui ne représente plus que 9 % du tonnage contre 17 % en moyenne en Europe et l'affaiblissement de nos capacités logistiques portuaires.
Le Gouvernement est-il prêt à un plan Marshall ferroviaire de plusieurs dizaines de milliards d'euros d'investissements pour remettre le pays à niveau, tout en dégageant une offre de service plus compétitive et plus écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - La question est importante pour les territoires. Le Gouvernement a investi massivement, depuis 2017, pour plus de 13 milliards d'euros, sur les transports - entretien, régénération, développement des infrastructures...
M. Pierre Laurent. - Il faut rouvrir les petites lignes !
Mme Éliane Assassi. - Oui.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - Les premiers protocoles petites lignes ont été signés avec Grand Est et Centre-Val de Loire le 20 janvier 2020. La logique est d'articuler les modes de transport pour répondre aux besoins locaux et améliorer l'attractivité des territoires.
Les transports seront au coeur du plan de relance, avec la contractualisation, et pour sauver les 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires, en développant le train de nuit et le fret, en développant la part modale de celui-ci, via de nombreuses autoroutes ferroviaires.
Ces projets ont vocation à se déployer d'ici la fin du quinquennat et plusieurs milliards d'euros y sont alloués.
Nos transports, pourvoyeurs d'emplois non délocalisables, sont au coeur de notre ambition économique et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Propositions de la Convention citoyenne pour le climat
Mme Esther Benbassa . - La Convention citoyenne pour le climat, créée à l'initiative du président Macron, a formulé 149 propositions. Le Président de la République a promis de les transcrire dans la loi, mais dès le 29 juin, il en a exclu trois, dont la taxe de 4 % sur les dividendes. Pourtant, point d'écologie sans solidarité ni justice sociale.
Le lendemain, Agnès Pannier-Runacher annonçait que le moratoire sur la 5G, ce luxe énergivore alors que tout le territoire n'a pas accès à internet, n'était pas non plus envisagé.
Mais le 14 juillet, le Président de la République a beaucoup parlé d'écologie, sans doute parce qu'elle est pourvoyeuse de voix. Or la rénovation thermique des écoles et des Ehpad, par exemple, était déjà prévue en 2018 : vous faites du neuf avec du vieux !
Combien de petites lignes sauvées, combien de tonnes de fret ferroviaire en plus ? Il ne s'agit pas d'opposer « croissance écologique » et « décroissance verte », mais de changer notre modèle social et économique.
À quand un référendum pour introduire dans la Constitution la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité ?
À quand un projet de loi validant les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ?
Ferez-vous en 600 jours ce que vous n'avez pas fait en trois ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Sophie Taillé-Polian et M. Jean-Pierre Sueur, ainsi que plusieurs de leurs collègues du groupe SOCR, applaudissent également.)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Pas de transition écologique sans justice sociale : c'est une évidence, comptez sur moi et le Gouvernement pour nous en souvenir.
La Convention citoyenne sur le climat a réuni des citoyens qui n'étaient, au départ, pas forcément sensibilisés à la question de l'environnement. Ils ont travaillé et formulé des propositions allant parfois au-delà de celles des écologistes.
Certaines mesures sont réglementaires et un Conseil de défense écologique s'y penchera. D'autres relèvent de négociations internationales et le Président de la République s'y attellera avec Mme Merkel notamment. D'autres encore relèvent des collectivités territoriales et celles-ci seront bien évidemment associées, avec les citoyens, à leur transposition.
Pour les mesures législatives, nous monterons un groupe de travail avec Marc Fesneau (Exclamations diverses) pour un projet de loi déposé à la fin de l'été, sans doute examiné début 2021, après le budget.
Quelque 30 % des mesures du montant du plan de relance économique seront consacrées à la transition énergétique. C'est une très bonne chose et nous pourrons les financer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Sophie Primas s'exclame.)
Mme Esther Benbassa. - Des actes, madame la ministre, nous en avons assez des paroles ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SOCR)
Nomination du ministre de l'Intérieur
M. le président. - Je salue la première prise de parole de Mme Muriel Cabaret.
Mme Muriel Cabaret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Monsieur le Premier ministre, « en votre âme et conscience », vous avez nommé Gérald Darmanin ministre de l'Intérieur, alors qu'il fait l'objet d'une enquête pour viol, harcèlement, abus de confiance, pour une sombre affaire d'échanges de faveurs sexuelles contre une intervention à la chancellerie. (Murmures à droite)
Depuis 2017, nous avons vu nombre de ministres démissionner pour diverses raisons, allant jusqu'à la consommation intempestive de homards ; mais là, c'est : « circulez, il n'y a rien à voir ». (Mouvements divers)
Vous n'avez pas attendu la fin de l'enquête. C'est une erreur éthique, politique, d'une violence symbolique inouïe.
Ce que vous dites, c'est que M. Darmanin est innocent, au mépris du contradictoire. Il ne s'agit pas de nier la présomption d'innocence... (M. le garde des Sceaux lève les yeux au ciel.)
M. François Bonhomme. - Heureusement !
Mme Muriel Cabaret. - ... mais de nous interroger sur le message délétère envoyé à toutes les victimes. En mesurez-vous les conséquences ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
M. Jean Castex, Premier ministre . - Je comprends que c'est votre première intervention...
M. Julien Bargeton. - Ce n'est pas la meilleure ! (Exclamations sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean Castex, Premier ministre. - Je ne défends pas M. Darmanin, mais les principes fondamentaux de l'État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; MM. Olivier Cadic et Max Brisson applaudissent également ; protestations sur plusieurs travées des groupes SOCR et CRCE)
Je suis chef du Gouvernement dans cette assemblée parlementaire. M. Darmanin, qui a droit, comme tout citoyen, au respect des principes de la République, n'est pas mis en examen et n'a fait l'objet d'aucune condamnation. À chaque fois que l'autorité judiciaire a eu à se prononcer dans cette affaire, elle a rendu des actes consacrant son innocence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC, LaREM, Les Indépendants et RDSE ; exclamations sur les travées du groupe SOCR)
Nous assistons à des dérives inacceptables...
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Après les cas Bayrou, Ferrand, et d'autres...
M. Jean Castex, Premier ministre. - C'est en mon âme et conscience, au-delà du respect des principes fondamentaux de la République, que je l'ai proposé à la nomination.
Votre intervention suppose que j'aurais biaisé avec ma conscience, ce que je ne vous autorise pas à dire. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Situation au Mali
M. Joël Guerriau . - Malgré de belles avancées, la situation au Sahel reste préoccupante. Nous avons éliminé le chef d'AQMI mais la colère antigouvernementale gronde au Mali.
La France a beaucoup investi au Mali et les soldats français ont payé un lourd tribut à ces territoires, qui exigent de notre part une vigilance particulière. Le Mali est au coeur du G5 Sahel. Des manifestations récentes, à Bamako, ont causé des incidents très violents et sanglants, entraînant 11 morts et plus de 150 blessés.
Le gouvernement est mis en cause depuis les élections législatives de mars et avril. Nous sommes donc fondés à nous inquiéter, puisque nous avons besoin d'un État fort au Mali pour lutter contre le terrorisme.
Les ressortissants français sont-ils en sécurité ? Que faire pour éviter le chaos - renversement du gouvernement ou État militaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité . - Veuillez excuser Jean-Yves Le Drian, en déplacement à l'étranger.
Ce week-end ont eu lieu des débordements graves, réprimés de façon excessive.
La France est aux côtés de ses ressortissants et soutient toutes les initiatives en faveur du dialogue. Elle appuie toute solution d'avenir et encourage le président Keïta à abroger les décrets de nomination des membres de la Cour constitutionnelle, à nommer un gouvernement de consensus, comme il s'y est engagé, et à faire libérer les manifestants arrêtés.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) mène une nouvelle mission après celle dont les conclusions ont été rendues en juin, qui a le plein soutien de la France et devrait nous permettre de proposer des solutions d'avenir pour le Mali. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
M. Joël Guerriau. - Hier encore, sept villageois dogons étaient tués par les terroristes. La force militaire française est indispensable mais le Mali, dont le gouvernement a montré une certaine fragilité, doit retrouver le chemin de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)
Pompier blessé dans l'Essonne
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mardi soir, il est 23 h 30, sur le petit parking du stade Jean-Laloyeau d'Étampes, dans l'Essonne, que j'ai honneur de représenter ici avec quatre de mes collègues. Un sapeur-pompier intervenant sur un incendie de voiture voit une balle lui traverser le mollet. Le maire d'Étampes, Franck Marlin, présent sur place, lors de cette véritable tentative d'homicide, pourrait égrener les actes insupportables dont sa ville est victime, à l'instar de nombreuses autres villes de France.
Monsieur le ministre, vous étiez sur place hier. Je vous sais homme d'action et de responsabilité. Au-delà du dépôt de plainte systématique que vous avez appelé de vos voeux, comment comptez-vous sortir des tweets et des discours creux auxquels votre prédécesseur nous a habitués ?
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. - Si « la République est partout chez elle » comme vous l'avez dit hier, comment mettrez-vous hors d'état de nuire ceux qui ne partagent pas cette idée de la France, et comment sortirez-vous la France de la chienlit dans laquelle elle s'enfonce ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
MM. François Patriat et Julien Bargeton. - C'est excessif !
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur . - Hier soir, auprès des élus de l'Essonne, j'ai rendu visite au sapeur-pompier et à ses camarades qui portent l'uniforme de la solidarité.
Encore plus choquant, ce sergent-chef a connu sa troisième agression en dix mois. Alors qu'il est là pour aider les autres - c'est sa vocation - il agit la peur au ventre.
J'ai demandé une plainte systématique de l'administration lors de ces attaques. En attaquant les pompiers, policiers, gendarmes, conducteurs de bus, comme celui qui a été tué dans des conditions ignobles à Bayonne, mais aussi professeurs, médecins ou infirmiers et infirmières, on attaque la République.
Tout ne sera pas réglé en un jour - je sais de quoi je parle, élu d'un territoire que l'on dit difficile - mais la volonté du Gouvernement de Jean Castex et du Président de la République va au-delà des mots et se traduira en actes. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE)
M. Jean-Raymond Hugonet. - J'entends votre réponse. Plus que la République, c'est la Nation qui est attaquée. Il va falloir que le Gouvernement s'attaque à ceux qui sont contre cette Nation et n'ont plus rien à voir avec notre société républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Protection des données de santé
Mme Catherine Morin-Desailly . - Il y a quelques semaines, je vous interrogeais, ici même, monsieur le ministre des Solidarités et de la Santé, sur le choix de Microsoft pour gérer les données de santé, recueillies par la plateforme Health Data Hub, décision prise à l'automne 2019 dans des conditions opaques, sans appel d'offres. (Mme Sophie Primas approuve.)
Cédric O m'a répondu qu'aucune entreprise française n'avait la capacité technique à mener cette mission. Cela a suscité beaucoup de protestations dans les jours qui ont suivi. Aussi, vous avez lancé un nouvel appel d'offres dont nous souhaiterions connaître le contenu.
Nous soumettons les données de santé des Français à une législation étrangère, peu protectrice et menaçant sérieusement notre souveraineté. Pourtant, les réponses sont politiques et non techniques. Les données de santé des Français sont-elles un actif majeur ? Mettrons-nous en oeuvre une politique industrielle offensive pour accompagner nos entreprises et déciderons-nous la préférence communautaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées des groupes SOCR et CRCE)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je vous remercie pour votre implication dans ce dossier. Je n'ai pas pris la décision que vous mentionnez mais j'en suis par essence solidaire.
Bien entendu, les données de santé sont essentielles, elles sont un enjeu de souveraineté et leur gestion doit être française. Mais la France investit quelques millions d'euros dans le développement du numérique, contre plusieurs dizaines de milliards pour les États-Unis.
Cédric O a énormément travaillé sur ce sujet. Dans la phase de préfiguration, il fallait agir vite. En France, Microsoft gère via une filiale française, ce qui en fait factuellement et juridiquement une entité française. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)
Mais un nouvel appel d'offres est en cours et nous espérons trouver une entreprise française ou européenne.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Au regard de la récente décision de la Cour européenne de justice sur les Privacy Shields que Microsoft applique, le sujet est d'actualité.
Espérons que les 40 milliards du plan de relance serviront à notre souveraineté industrielle et numérique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur plusieurs travées des groupes CRCE et SOCR)
Admissions dans l'enseignement supérieur
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Entre 90,1 % et 98,4 % : ce n'est pas le taux d'approbation des orientations du Politburo, ni des résultats d'un vote à main levée dans un parti en mal de démocratie interne, mais le taux de réussite au Bac 2020 - 95,7 % en moyenne, record difficile à battre, tant que nous consentirons à rester sous la barre des 100 %... Le ministre de l'Éducation nationale a demandé aux professeurs la bienveillance - ils l'ont écouté - au risque de dévaluer le diplôme.
Ce taux de réussite dans une génération déjà nombreuse va augmenter de 35 000 le nombre d'étudiants entrant dans le supérieur - auxquels s'ajoutent ceux qui repousseront leur entrée dans un marché du travail sinistré en poursuivant leur formation. Dans des locaux déjà exigus, il faudra aussi garantir la distanciation sociale.
Que proposez-vous aux établissements du supérieur pour faire face à ces lourdes contraintes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Je félicite les lycéens qui ont eu leur Bac (Exclamations amusées à droite) après une année scolaire perturbée, dans des conditions très difficiles, et je salue les enseignants qui les ont accompagnés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Oui, il faudra aider tous ces étudiants supplémentaires, avec une solution pour chacun d'entre eux. Le 14 juillet, le Président de la République s'y est engagé et le Premier ministre l'a rappelé hier dans sa déclaration de politique générale.
La loi Orientation et réussite des étudiants, à laquelle vous avez tous participé, nous donne des outils pour cela, avec un milliard d'euros pour le plan Étudiants et des outils d'accompagnement mis en oeuvre par les établissements.
Tous les lycéens sont inscrits dans la plateforme Parcoursup, qui a fait la preuve de sa robustesse, et 88 % ont déjà une proposition. Nous en accompagnons individuellement plus de 9 000, plus de 1 000 formations en apprentissage. Nous avons créé de nouvelles places en BTS, en filières courtes et accompagner un jeune, c'est un engagement pris au plus haut niveau.
M. Stéphane Piednoir. - Je ne doute pas de votre volonté ni de celle du Président de la République. Néanmoins, nous sommes face à un problème structurel. Les services du ministère attendent une augmentation significative des effectifs jusqu'en 2028. Je ne sais pas si les places en BTS et en apprentissage suffiront à absorber les 35 000 étudiants supplémentaires. Nous y serons attentifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Relance et territoires
M. Jean-Jacques Lozach . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Ces derniers mois, les initiatives locales ont contribué à la protection sanitaire et soutenu le tissu économique. Le Gouvernement s'est d'ailleurs largement appuyé sur les collectivités dans la gestion de la crise et du déconfinement. Les élus locaux ont fait preuve de réactivité et d'adaptabilité, quand l'État se montrait trop rigide et imprécis, démontrant l'importance des acteurs de proximité.
Or la baisse des recettes des collectivités, estimée à 7,5 milliards d'euros en 2020 et 10 milliards en 2021, conjuguée à l'augmentation des dépenses sociales, les fragilise grandement. Leur agilité est altérée alors qu'elles devront jouer un rôle central dans le développement économique et la relance de l'investissement.
Le troisième PLFR porte des mesures à hauteur de 4,5 milliards d'euros pour les collectivités, essentiellement sous forme d'avances remboursables. C'est un amortissement partiel du choc, mais sera-ce suffisant pour maintenir les capacités d'investissement dans les mobilités, le déploiement du numérique, la relance verte ?
Les collectivités territoriales pourront-elles poursuivre leurs efforts pour plus d'égalité territoriale et de justice sociale, relever le défi démographique ? N'est-il pas temps de libérer les collectivités des contraintes budgétaires réduisant leur autonomie fiscale pour amorcer le virage de la décentralisation ?
Dans quelle mesure, l'Agence nationale de la cohésion des territoires sera-t-elle mobilisée pour accompagner les projets locaux, qui impulseront la relance ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Les collectivités territoriales sont engagées dans la relance. Le Premier ministre l'a dit, il y aura un plan de relance à la fin de l'été d'environ 100 milliards d'euros, qui concerne aussi les collectivités territoriales.
Parmi les outils figure le programme « territoires d'industrie ». Ils sont 148 en France et nombre de projets concrets sont prêts à démarrer. Les contrats de plan État-régions (CPER) sont en cours de reconduction. Le Premier ministre a reçu les présidents de région, et nous voulons un plan de relance commun. Les CPER comportent un volet territorial et tous les niveaux de collectivité sont concernés, qu'il s'agisse de transition écologique, de formation des jeunes ou de réindustrialisation.
Enfin, cette année est aussi celle du renouvellement des fonds de cohésion européens, qui seront aussi un apport considérable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Politique écologique
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la valse des milliards qui donne le vertige, les crédits consacrés à l'écologie sont passés de 15 à 20 milliards d'euros, soit seulement 4 % des 500 milliards d'euros débloqués par le Gouvernement.
Nous peinons à comprendre la cohérence et la stratégie de sa politique environnementale, alors que vous êtes la quatrième ministre en trois ans. Haut Conseil pour le climat, Conseil de défense écologique, ces différents organes sont autant de paravents pour masquer vos incertitudes et tenir à distance les propositions du Parlement.
Quel est votre plan concret pour redonner corps à l'ambition écologique de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Vous avez une vue sélective. Vous oubliez les avancées des lois Mobilités, Économie circulaire, Énergie climat, l'arrêt des centrales à charbon...
Cette crise terrible nous donne l'occasion d'accélérer cette politique dans le cadre du plan de relance. Plus de 30 % des 100 milliards d'euros seront consacrés à la transition écologique, autour d'enjeux essentiels tels que les transports, les logements, l'agriculture, l'industrie, la baisse des émissions de gaz à effet de serre... Nous lançons des dynamiques pour former les acteurs sur le territoire, créer des emplois locaux.
Un projet de loi viendra concrétiser, après un temps de concertation, les propositions d'ordre législatif de la Convention citoyenne sur le climat. Je veillerai à ce que le Parlement soit étroitement associé. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Jean-François Husson. - Le disque est rayé et les Français n'ont plus confiance.
Vous consacrez 100 millions d'euros à l'hydrogène, quand l'Allemagne aligne 10 milliards d'euros.
Vous prônez une économie décarbonée sans arbitrer en faveur des énergies renouvelables, tout en affaiblissant notre filière nucléaire. Vous dites vouloir réduire les émissions polluantes mais la qualité de l'air reste si mauvaise que le Conseil d'État vient de condamner la France à une amende record !
Vite, au-delà de la vélorution, abandonnez la verticalité et faites de l'environnement le socle d'un nouveau pacte de confiance économique, écologique et social. Sortez de cette écologie punitive qui a conduit à la crise des gilets jaunes. Faites le choix d'une écologie positive au service de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Aide départementale aux petits entrepreneurs
M. Loïc Hervé . - Hier, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a utilisé 25 fois le mot « territoire » - associé à ceux de « confiance », « intelligence », « proximité ».
Le pays a pu compter sur les collectivités territoriales dans la crise sanitaire ; il en aura besoin pour panser les plaies et relancer l'économie.
Ainsi, le conseil départemental de Haute-Savoie a voté une aide à 1 600 entrepreneurs durement touchés par la crise, mais les virements, bien qu'ayant passé le contrôle de légalité du préfet, n'ont toujours pas eu lieu.
Sans attendre que la différenciation devienne un principe constitutionnel, comment faire des collectivités territoriales de vrais acteurs de l'après-crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Le département est compétent sur la politique sociale, substrat de son action. Je suis attachée au respect des compétences de chacun.
Le conseil départemental de Haute-Savoie a voté une aide pour les travailleurs non-salariés ne bénéficiant pas du chômage partiel. Le contrôle de légalité effectué par le préfet et la direction départementale des finances publiques, procédure normale dans un État de droit, a confirmé qu'il s'agissait bien d'une aide de nature sociale, conditionnée à plafond de ressources. Il n'y a donc pas de problème de légalité de la délibération, M. Dussopt peut le confirmer. Les textes ont été respectés.
J'espère vous avoir rassuré. (M. François Patriat applaudit.)
M. Loïc Hervé. - Merci pour cette bonne nouvelle pour les travailleurs non-salariés de Haute-Savoie.
Avec le texte 3D qui se profile, le Sénat est particulièrement attentif à pouvoir donner plus de liberté aux collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Port du masque
Mme Annie Delmont-Koropoulis . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 14 juillet, le Président de la République a affirmé : « nous avons réussi à endiguer le virus et à retrouver presque une vie normale ». En tant que médecin ayant exercé durant la crise, j'ai l'impression que nous ne vivons pas la même réalité.
Le virus est toujours là et progresse de façon inquiétante dans certains départements. Nous ne sommes pas sortis d'affaire, loin de là, car les mesures que vous prenez sont trop tardives.
Partout, en Europe, au Canada, le port du masque a été rendu obligatoire dans les lieux publics. Pourquoi attendre quinze jours ? Le président Retailleau a demandé une application immédiate ; vous avez finalement entendu raison, mais quelle perte de temps.
Il faut organiser des dépistages systématiques et massifs pour briser les chaînes de contamination.
Nous avons l'impression que vous n'avez rien appris. Le Gouvernement doit entendre les professionnels de santé et adopter une stratégie offensive. Qu'attendez-vous pour cesser d'être spectateur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Merci pour cette question posée avec « tact et mesure ». Je vous félicite d'avoir repris la blouse pendant l'épidémie, les Français vous en savent gré.
Sur le port du masque obligatoire, nous faisons confiance à l'esprit de responsabilité des Français ; nous expliquons, nous accompagnons. Imposer une obligation du jour au lendemain serait brutal.
Nous oeuvrons avec les responsables, avec le milieu culturel et sportif, pour préparer cette obligation qui sera actée dès lundi ou mardi prochain. Sans attendre, j'appelle les Français à porter un masque dans les lieux clos, par exemple dans cet hémicycle, madame la sénatrice.
Plusieurs pays ont été conduits à reconfiner tout ou partie de leur territoire - y compris des pays naguère cités en modèle. Pas la France.
Pendant douze semaines, les indicateurs se sont améliorés continuellement. Il y a certains signaux d'alerte, notamment dans les hôpitaux parisiens et en Mayenne ; nous multiplions les tests et le contact tracing.
J'ai débattu ici pendant des heures pour que le Gouvernement ne soit pas désarmé face à l'épidémie lors de la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Relisez le compte rendu ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Vous n'auriez pas dû attendre la dernière minute. Demain, quand la population vous demandera des comptes, vous ne pourrez pas dire : « nous ne savions pas ».
Emploi des jeunes
M. Julien Bargeton . - La jeunesse doit être la priorité pour ne pas ajouter à la crise sanitaire des difficultés d'insertion. La situation ne date pas de mars, et votre prédécesseur avait déjà lancé le plan d'investissement dans les compétences, mais la situation exceptionnelle appelle des décisions exceptionnelles pour les 700 000 jeunes qui vont entrer sur le marché du travail. La jeunesse a besoin de perspectives d'avenir.
Le troisième projet de loi de finances rectificative comporte une prime à l'embauche exceptionnelle pour le recrutement d'apprentis, une prime de 200 euros pour les jeunes les plus précaires, un renforcement des parcours et contrats d'insertion ainsi que du service civique. De la mise en oeuvre effective dans les territoires dépendra la réussite.
Sans préjuger de la concertation avec les partenaires sociaux, quels objectifs, quels axes, quel calendrier avez-vous envisagé ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion . - Oui, il y a urgence pour notre jeunesse. Nous lui avons demandé des sacrifices importants pendant le confinement pour protéger nos aînés, nous devons renvoyer l'ascenseur.
Notre objectif est clair : aucun jeune sans solution et une réponse adaptée à chaque situation. Nous allons favoriser les embauches avec des réductions de charges de 4 000 euros par an pour un CDI ou un CDD suffisamment long. Un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation donnera droit à une prime de 5 000 euros pour un jeune de moins de 18 ans, et de 8 000 euros pour les plus de 18 ans.
Nous allons créer 100 000 places supplémentaires de service civique pour permettre aux jeunes de s'engager. Pour les jeunes les plus en difficulté, nous créons 300 000 parcours et contrats d'insertion supplémentaires, avec l'objectif d'en faire un tremplin vers un emploi durable.
Dès demain, ce plan fera l'objet de concertation avec les partenaires sociaux. Vous examinerez les mesures dans le cadre du PLFR 3.
Notre jeunesse ne peut attendre, elle mérite que nous apportions, avec les partenaires sociaux, avec les territoires et les parlementaires, une réponse à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Menaces sur la betterave
M. Pierre Cuypers . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En août 2016, le Gouvernement oeuvrait pour l'interdiction, au 1er septembre 2018, de certains produits phytosanitaires dont la non-dangerosité pour l'homme est pourtant prouvée. Le président de la République de l'époque avait conditionné l'arrêt à l'existence de produits de substitution. Or les alternatives proposées par l'Anses sont inefficaces et contre-productives, vous avez pu vous en rendre compte mardi.
Le Gouvernement ruine les cultures françaises, en particulier celle de la betterave, attaquée par une invasion de pucerons transmettant la jaunisse virale, qui entraîne une perte de rendement de 30 % à 70 %. C'est inadmissible alors que vous connaissiez depuis des mois les risques économiques et sociaux.
Sans mesures dans les quinze jours, il n'y aura plus d'alcool, de gel hydroalcoolique, de sucre ni de nourriture animale produits localement. Il faudra importer. Voulez-vous anéantir la filière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je partage votre inquiétude. La jaunisse de la betterave causée par le puceron vert réduit les rendements de 30 % à 40 %, car la betterave ne peut plus faire sa racine tubérisée par manque de photosynthèse.
C'est toute la filière qui est menacée, jusqu'à la sucrerie locale.
Le Gouvernement cherche la solution. Il applique une loi de 2016 ; le 14 juillet, pour rendre hommage au monde agricole, je me suis rendu en Seine-et-Marne sur un champ de betterave ; le 15 juillet, j'ai réuni la filière à mon ministère. Soyez assuré de ma détermination totale.
Déroger à la loi est compliqué ; après quatre ans, le produit alternatif n'est toujours pas là. Il faut accélérer, investir dans la recherche. (M. Bruno Sido s'agace.)
Se pose également la question de la compensation. Je prends l'engagement de tout faire, sans démagogie, pour trouver la solution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Sophie Primas. - Vite !
M. Pierre Cuypers. - Le temps presse. Il faut réapprendre à produire ce dont nous avons besoin, dit le Président de la République, tandis que le Premier ministre déplore notre trop grande dépendance à nos partenaires extérieurs.
Je prends acte de vos propos, et de vos contradictions.
J'accuse le Gouvernement de la destruction de la filière betterave, de la filière alcool, de fragiliser la production d'énergie et l'alimentation de notre bétail. La filière est au bord du gouffre, il y a urgence. Faites vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
Psychiatrie
M. le président. - Je salue le travail d'Yves Daudigny dont c'est la dernière prise de parole. Il a notamment publié en 2018, avec Jean-Pierre Decool, un rapport prescient sur la pénurie de médicaments et de vaccins. (Applaudissements sur de nombreuses travées à gauche comme à droite)
M. Yves Daudigny . - De grave, la situation de la psychiatrie est passée à catastrophique, titre une récente tribune qui dénonce la pression financière. Suppression des deux tiers des lits en psychiatrie, insuffisance de l'accueil alternatif et des équipes mobiles, 20 % des postes non pourvus dans le public, pédopsychiatrie sinistrée, disparités territoriales...
Dans ce contexte, la vague psychiatrique post-covid 19 monte. L'après-covid sera psychiatrique, affirme le professeur Leboyer. Pendant le confinement, perte de suivi et de rupture de traitement ont concerné 10 % des malades. On a vu des privations de liberté injustifiées et illégales, dans des conditions indignes.
Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, attire l'attention sur l'enfermement croissant des malades mentaux, sur les nouvelles règles régissant les hospitalisations sans consentement, sur l'utilisation abusive de l'isolement et de la contention.
Allez-vous donner à la psychiatrie et à la santé mentale toute leur place ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur quelques travées du groupe CRCE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Je vous remercie pour votre travail considérable, notamment sur les politiques de santé. Vous manquerez à cette assemblée.
Le traumatisme psychologique lié au confinement, à la peur d'être malade, à l'impossibilité d'enterrer les êtres chers, devra être traité. Il faut entamer un travail de résilience collective.
Un soutien psychologique a été apporté par les professionnels, par les associations, y compris pour soutenir les soignants eux-mêmes, soumis à un stress épouvantable.
Vous évoquez le rapport Hazan qui pointe des abus. Ne gardez pas cette image de la gestion de la crise covid par le secteur de la psychiatrie qui a dû, semaine après semaine, isoler les malades face au virus et qui a tenu avec dignité et professionnalisme. Je le chéris autant que vous.
Parmi les 15 000 postes annoncés par le Premier ministre dans le cadre du Ségur, il y aura des postes en psychiatrie. La hausse du budget de la santé mentale sera au moins égale à celle du budget général de la santé. Il reste beaucoup à faire pour la pédopsychiatrie, pour la santé mentale ; croyez en ma détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Yves Daudigny. - L'engagement et le dévouement des soignants ne sont pas en cause. Il y a un enjeu de santé publique mais aussi un enjeu de réconciliation entre les malades mentaux et les soignants d'un côté, et notre pays de l'autre. C'est une question d'humanisme républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Éric Bocquet applaudit également.)
Prochaine séance demain, vendredi 17 juillet 2020, à 11 heures.
La séance est levée à 19 h 15.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du vendredi 17 juillet 2020
Séance publique
À 11 heures, 14 h 30 et le soir
Présidence : M. David Assouline, vice-président
M. Philippe Dallier, vice-président
Mme Catherine Troendlé
Secrétaires : M. Dominique de Legge - M. Éric Bocquet
- Suite du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 (n°624, 2019-2020)
Nomination à une commission
Mme Catherine Belrhiti est membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.