Projet de loi de finances rectificative pour 2020
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020.
Discussion générale
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance . - Nous vous présentons aujourd'hui un troisième projet de loi de finances rectificative visant à faire face à la situation économique sans précédent à laquelle la France est confrontée, comme toute la planète. La violence du choc est sans équivalent depuis la grande récession de 1929. Nous maintenons notre prévision de récession à moins 11 % pour 2020.
Les mesures prises ont restauré la confiance. La consommation des ménages se maintient et les créations d'entreprises sont, en juin 2020, au même niveau qu'en juin 2019. Cela ne modifie pas notre prévision de croissance mais nous encourage à intensifier nos efforts de soutien à l'économie.
Depuis le premier jour nous répondons présent pour soutenir les entreprises et protéger les salariés. Nous avons amorti le choc économique par un effort de 460 milliards d'euros.
M. Jean-Pierre Sueur. - Qui va payer ? On ne sait toujours pas !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Quelque 300 milliards d'euros ont été engagés avec les prêts garantis par l'État (PGE). Un demi-million d'entreprises en ont déjà bénéficié, pour un montant de 100 milliards d'euros. Dans 90 % des cas, ce sont de très petites entreprises, de moins de 10 salariés. Nous avons choisi de défendre l'emploi au prix d'un endettement accru, car il coûte moins cher de protéger l'emploi que de laisser survenir des drames sociaux sur tout le territoire. Le fonds de solidarité pour les petites entreprises et indépendants a bénéficié à 1,7 million de TPE pour plus de 5 milliards d'euros. À cela s'ajoutent 35 milliards d'euros de reports de charges.
« La relance, c'est pour quand ? » demandent certains. Mais elle a commencé le 16 mars et n'a jamais cessé ! Un premier projet de loi de finances rectificative a été adopté en mars, un deuxième en avril. Et la relance se poursuit avec ce troisième PLFR.
Dès la fin de l'été un plan de relance de 100 milliards d'euros sera présenté par le Président de la République et sera intégré dans le projet de loi de finances pour 2021. Il n'y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative 4 ni de loi ordinaire ; il nous a paru plus utile, plus efficace et plus simple de procéder ainsi pour répondre le plus rapidement possible aux filières industrielles, aux entreprises et aux salariés inquiets.
Le projet de loi de finances rectificative qui nous occupe aujourd'hui prévoit dans son premier volet un soutien aux entreprises, organisé en une série de plans sectoriels.
Ainsi, dans l'aéronautique, l'activité partielle de longue durée permettra à Safran, par exemple, de ne pas licencier - je salue l'accord négocié dans ce groupe.
Des mesures sont également prévues pour le petit commerce, particulièrement touché. Quelque 100 foncières seront déployées pour acquérir des locaux commerciaux, les rénover puis les louer - cela représentera quelque 6 000 commerces - afin de revitaliser en particulier les communes rurales. Des aides seront prévues pour les start-up, afin d'éviter des faillites qui seraient un véritable gâchis de compétences et de savoir-faire.
Nous avons engagé un plan pour l'industrie automobile, qui a été extrêmement fragilisée. Les bonus au véhicule propre et la prime à la conversion ont connu un grand succès. Le nombre d'immatriculations a été en juin 2020 supérieur à celui de juin 2019 : la France est le seul pays européen dans ce cas. Les 200 000 primes seront bientôt épuisées. Nous conserverons ensuite un dispositif attractif afin de décarboner le parc automobile français.
Nous voulons continuer à soutenir la trésorerie des entreprises. Deux chantiers seront prolongés et renforcés : celui des reports de charges - 35 milliards d'euros au total depuis mars, je l'ai dit, dont 22 milliards de charges sociales et 13 de charges fiscales.
Pour l'hôtellerie, la restauration, la culture, l'événementiel, le tourisme, le transport aérien, nous avons annulé 4 milliards de cotisations sociales. C'est un investissement au bénéfice de tous ces entrepreneurs.
M. François Bonhomme. - Ça ne va pas suffire.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous allons poursuivre cet effort pour que les entreprises qui se relèvent ne soient pas soudainement confrontées à un mur de charges. Nous allons étaler leur paiement dans le temps. Nous avions prévu à l'origine un report jusqu'à décembre 2020, pour trois mois. Nous prévoyons désormais un étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour toutes les PME et TPE, quels que soient le secteur d'activité et le chiffre d'affaires.
L'entreprise n'aura qu'à présenter une demande au service des impôts, qui proposera la solution adéquate en fonction du ratio d'endettement. C'est une réponse massive et appropriée à l'inquiétude des chefs d'entreprise.
J'ai toujours eu à coeur d'entendre les chefs d'entreprise. La deuxième inquiétude qu'ils expriment, donc notre deuxième chantier, ce sont les prêts garantis par l'État, qu'il faudra bien rembourser. Nous travaillons avec la Fédération bancaire française (FBF) pour que les taux d'intérêt des PGE de plus d'un an - ils pourront être étendus jusqu'à cinq ans - soient aussi faibles que possible. Nous donnerons de la visibilité aux chefs d'entreprise. Je négocie actuellement les taux avec la FBF et je les rendrai publics dès que possible. Cela concerne 90 % des entreprises qui ont contracté un PGE.
Pour les entreprises qui ont besoin de fonds propres, la réponse passera par des obligations convertibles ou des prêts participatifs. Je préciserai le dispositif dans les meilleurs délais.
Deuxième volet de ce texte, l'emploi des jeunes, priorité absolue de cette relance, comme l'a indiqué hier le Premier ministre.
Quelque 700 000 jeunes vont arriver sur le marché de l'emploi. Il importe qu'ils puissent y trouver leur place. La première mesure, c'est l'apprentissage qui est, tous le reconnaissent, l'une des meilleures solutions en faveur de l'emploi des jeunes. La France a commencé depuis trois ans à combler son retard, il ne faut pas perdre le bénéfice de ces efforts.
Une prime de 8 000 euros sera versée pour l'emploi d'un apprenti majeur, 5 000 euros pour un apprenti mineur.
Ce sera la même chose pour les contrats de professionnalisation - si nous ne le faisions pas, un dispositif cannibaliserait l'autre.
Le coût du travail baissera de 4 000 euros par an pour un jeune de moins de 25 ans en CDI ou CDD de plus de trois mois, jusqu'à 1,6 Smic, avec une entrée en vigueur dès la fin juillet - car l'emploi des jeunes ne peut pas attendre. Nous évaluons cette mesure à 300 millions d'euros en 2020 et 1,6 milliard en 2021. En outre, 300 000 parcours d'insertion seront proposés aux moins de 26 ans en grande difficulté.
L'enjeu est stratégique pour la Nation : les investissements que nous déciderons maintenant définiront les contours de la France des vingt-cinq prochaines années. Nos choix sont clairs, ils visent la compétitivité de l'économie française, ainsi que sa décarbonation. Nous voulons faire de la France la première économie décarbonée en Europe.
La compétitivité passe par la baisse des impôts des entreprises. Depuis trente ans, nous avons fermé les yeux sur la délocalisation de pans entiers de notre industrie. Nous l'avons tous vu sur nos territoires. Des entreprises ferment, des ouvriers sont sacrifiés, des ingénieurs sont au chômage. C'est un drame humain et social et une erreur politique.
Depuis trois ans, nous inversions la tendance et recréions, pour la première fois depuis dix ans, des emplois industriels. La reconquête est à portée de main et de volonté ! Il faut prendre les bonnes décisions, définir les marchés pertinents, et avoir l'humilité de reconnaître qu'il nous reste, sur le plan fiscal, du chemin à faire. Les impôts de production ne peuvent pas être cinq fois plus élevés qu'en Allemagne. Nous en accélérerons donc la baisse.
Les impôts de production sont stupides ! (MM. Pascal Savoldelli et Fabien Gay s'exclament.) Ils pèsent sur l'entreprise avant même qu'un bénéfice ait été dégagé. Ils baisseront de 20 milliards d'euros sur deux ans, en 2021 et 2022, au service de la relocalisation. Là encore, c'est de l'investissement.
Nous souhaitions aussi une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J'en discute avec le président de l'Association des régions de France, Renaud Muselier. Il n'est pas question qu'elles la paient. (MM. Jean Bizet et Roger Karoutchi s'interrogent.) Oui, il y aura donc une compensation intégrale et dynamique. (MM. Jean Bizet et Roger Karoutchi expriment leur satisfaction.)
M. Vincent Éblé. - Comme d'habitude... Il fallait le faire tout de suite !
M. Bruno Le Maire, ministre. - La décroissance conduirait à l'appauvrissement des Français. En revanche, une croissance décarbonée est possible.
M. Jean Bizet. - Ne cédons pas sur le nucléaire, alors !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Soit nous investissons dès maintenant dans les produits liés à l'hydrogène, réservoirs, piles à combustible et technologies de fabrication de l'hydrogène vert ; soit demain, quand nous en aurons besoin pour les secteurs du transport, nous serons dépendants de l'étranger.
Je crois à l'indépendance et à la souveraineté de la France.
M. Jean Bizet. - Il fallait garder Fessenheim.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Oui, cher Jean Bizet, cela suppose que nous ayons une électricité à disposition, celles des centrales nucléaires, et vous savez que je continue à croire à la pertinence du nucléaire pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Un grand plan de décarbonation avec notamment la rénovation thermique des bâtiments vous sera proposé dans ce PLFR 3 pour une mise en oeuvre dès septembre, car nous avons tenu compte de la remarque de votre rapporteur général : nous ne perdrons pas une seconde dans la transition énergétique.
Si nous prenons les bonnes décisions, nous redresserons notre économie et profiterons de la crise pour la rendre plus solidaire et plus respectueuse de l'environnement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et comment finance-t-on les 100 milliards d'euros ?
M. le président. - Ne soyez pas si pressé ! Laissez donc les ministres nous l'expliquer !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics . - Les PLFR 1 et 2 portaient des mesures d'urgence face à des difficultés extrêmement fortes pour les entreprises. Avec ce PLFR 3, nous esquissons le plan de relance. Il complète les dispositifs des PFLR 1 et 2 et porte un regard particulier sur les jeunes, les collectivités territoriales, l'outre-mer - citoyens et collectivités - avec des dispositifs spécifiques.
Nous complétons nos réponses. Ainsi le fonds de solidarité est étendu dans le secteur du tourisme. Au total, 1,7 million d'entreprises en bénéficient. Et 4 milliards d'euros ont été engagés pour accompagner les TPE et les PME. Nous ajoutons 500 millions d'euros à cette fin ; et 3 milliards d'euros de crédits additionnels pour financer le chômage partiel, parallèlement au dispositif d'activité partielle longue durée que nous mettons en place.
Nous allons plus loin dans le soutien aux entreprises avec un plan d'exonération de cotisations sociales, soit 4 milliards d'euros.
Seront totalement exonérées de cotisations pendant trois mois les entreprises de moins de dix salariés qui ont dû fermer obligatoirement par décision administrative, ainsi que, pendant quatre mois, les PME jusqu'à 250 salariés des secteurs les plus touchés, ceux du tourisme, de l'hôtellerie, de la culture, de l'événementiel, du sport et du commerce.
L'article 18 de ce texte accompagne également les entreprises les plus dépendantes de celles qui bénéficient de ces exonérations.
L'Assemblée nationale a élargi le dispositif aux indépendants et travailleurs non-salariés agricoles, lorsque le chiffre d'affaires a baissé de plus de 50 %.
Mais le filet de protection touchera toutes les entreprises : remise de cotisations jusqu'à 40 %, étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour les entreprises qui ont des difficultés.
Les comptes de la sécurité sociale ne souffriront pas des 900 millions d'euros de nouvelles dépenses, grâce aux crédits ouverts ici pour une compensation intégrale.
Il faut aussi soutenir et accompagner les collectivités territoriales, notamment en garantissant leurs ressources : versement mobilité, droits de mutation à titre onéreux (DMTO), octroi de mer, taxe de séjour.
Le PLFR 3 prévoit ainsi un prélèvement sur recettes de l'État de 1 milliard d'euros au bénéfice du bloc communal.
Les pertes au titre du versement mobilité seront compensées de la même manière aux départements. Après discussions avec l'Association des départements de France (ADF), nous présentons ici un mécanisme d'avances remboursables en section de fonctionnement. Le débat à l'Assemblée nationale nous a conduits à porter la durée de remboursement des avances à trois ans, pour un montant de 2,7 milliards d'euros.
Le dispositif, basé sur des ressources estimées, sera naturellement ajusté en fonction des recettes effectivement perçues. De plus, un milliard d'euros de crédits supplémentaires seront ouverts en soutien à l'investissement local.
Les collectivités d'outre-mer feront l'objet de mesures plus spécifiques, grâce à 60 millions d'euros pour garantir les ressources liées notamment à l'octroi de mer et la taxe spéciale sur les carburants. Et 8 millions d'euros sont prévus pour les collectivités financées sur une fiscalité additionnelle, comme la Corse.
Enfin, nous donnons aux collectivités territoriales de nouvelles possibilités d'intervention : celles du bloc communal pourront ainsi accorder un abattement des deux tiers sur la cotisation foncière due par les entreprises (CFE) de leur territoire, ce qui sera compensé à 50 % par l'État, à titre exceptionnel, et contrairement à la doctrine habituelle de non-compensation des abattements volontaires.
Le texte comporte beaucoup de mesures de soutien aux entreprises, il prolonge des dispositifs efficaces comme le fonds de solidarité ou le prêt garantit par l'État, il débloque 400 millions d'euros en plus pour l'apprentissage, dans le privé mais aussi la fonction publique territoriale.
Quelque 150 millions d'euros traduisent les engagements du Président de la République en faveur des étudiants et des jeunes les plus précaires ; 50 millions d'euros sont inscrits au titre de la prise en charge des jeunes majeurs de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) pour les départements volontaires.
Quelque 2 milliards d'euros correspondent à des élargissements de dispositifs votés par l'Assemblée nationale. Les engagements pris par le Président de la République le 14 juillet et du Premier ministre devant le Sénat trouvent également une traduction.
Ces mesures ont un coût, qui se concrétise dans une dégradation sans précédent des comptes publics : le déficit public atteindra 11,5 % du PIB, soit 220 milliards d'euros pour l'État au titre de 2020. La dette atteindra le niveau historique de 120 % du PIB, contre 98 % dans la loi de finances initiale pour 2020.
C'est le prix à payer pour soutenir notre économie et protéger nos compatriotes. C'est aussi un appel à la responsabilité pour les budgets à venir : il faut préserver la qualité de notre signature et la crédibilité de notre pays. Je ne doute pas que nos débats permettront d'améliorer encore le texte.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; le président de la commission des finances applaudit également.) Ne vous inquiétez pas, nous allons l'améliorer !
Le Sénat est très efficace puisqu'il va examiner plus de mille amendements en trois jours. Les députés ont fait l'équivalent en trois semaines.
Nous avions souligné lors de l'examen des PLFR 1 et 2 l'optimisme des prévisions de croissance et la nécessité d'amplifier les mesures. Cela se confirme... et le compte n'y est pas. La crise est bel et bien là : le PIB recule de 11,5 %. C'est sans précédent depuis 1944. La France est parmi les pays les plus touchés.
Bruno Le Maire aime les citations ; je me référerai pour ma part à Paul Claudel dans le sous-titre du Soulier de satin : « le pire n'est pas toujours sûr. »
D'après l'Insee, la reprise est plus précoce que prévue, ce qui fait apparaître la prévision de croissance gouvernementale comme très prudente. Le recul pourrait se limiter à 9 % du PIB. La situation pourrait encore être améliorée, en stimulant la consommation par un déblocage des 75 milliards d'euros d'épargne accumulée, selon l'OFCE.
Mais on ne peut écarter une nouvelle vague épidémique qui ralentirait à nouveau l'action économique.
Ce PLFR redimensionne a minima le plan de soutien, dans l'attente du plan de relance annoncé, que l'on ne voit pas venir et qui est à présent prévu dans le projet de loi de finances pour 2021.
Aux mesures sectorielles s'ajoute le report des échéances fiscales et sociales, plus de 7 milliards d'euros.
Le plan de soutien français est singulier par rapport aux mesures privilégiées par les autres économies avancées. La France mobilise moins les mesures qui ont un impact sur le déficit public, alors que ce sont celles qui ont l'effet le plus direct et durable sur l'économie.
Cela s'explique par nos moindres marges de manoeuvre budgétaires - ce sur quoi le Sénat alerte le Gouvernement chaque année.
Avec la crise, la trajectoire budgétaire se dégrade à nouveau et l'endettement atteint 120,90 % du PIB, heureusement sans augmentation des taux d'intérêt.
Le déficit de l'État passe de 93,1 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2020 à 224 milliards d'euros dans le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale. Cela résulte plus d'une chute des recettes depuis le PLFR 2, 23,5 milliards d'euros, que d'une augmentation des dépenses - 12 milliards.
Le déficit est inédit, creusé de plus de 130 milliards d'euros par trois budgets rectificatifs. La France devra cette année emprunter 363,5 milliards sur les marchés. Espérons qu'il n'y aura pas de PLFR 4.
Désormais, nos recettes nettes sont 2,2 fois inférieures à nos dépenses ; les recettes fiscales sont inférieures de 65,9 milliards d'euros aux prévisions du projet de loi de finances.
Les crédits du plan de soutien sont annoncés à 40 milliards d'euros, mais c'est beaucoup moins en réalité puisque le Gouvernement inclut des garanties de prêts et des dispositifs déjà existants. Il faut donc un plan de relance sans attendre la fin de l'année. Les entreprises et les ménages ont besoin de visibilité.
Le 14 juillet, le Président de la République a annoncé 100 milliards d'euros d'aides ; très bien, mais qu'en est-il en détail ? Le 16 juin, j'ai proposé des mesures calibrées pour 40 milliards d'euros, soit 2,2 points de PIB. Le Conseil d'analyse économique proposait 50 milliards d'euros. Dans ce texte, malgré l'article 40, j'ai voulu faire en sorte que 10 milliards d'euros des montants prévus trouvent leur voie dans les amendements : aides à l'investissement des entreprises par le carry-back et l'amortissement ; mesures d'incitation à la consommation comme les chèques loisirs ; exonération de cotisations pour les entreprises, dispositif exceptionnel d'aide à l'emploi ; incitation au déconfinement de l'épargne par des mécanismes de PEA-PME ; préservation des recettes et capacités d'investissement des collectivités territoriales.
En résumé, nous ne sommes pas en désaccord avec les mesures de soutien qui figurent dans le texte, mais avec ce qui n'y est pas : un vrai plan de relance. La crise, c'est d'abord un déficit de recettes. N'attendons pas pour les booster, car les recettes, c'est de la TVA, des ressources fiscales.
Nous voterons ce plan, modifié par nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - Il y a trois mois, lors de l'examen du PLFR 2, je soulignais son caractère d'étape avant les vrais arbitrages politiques du PLFR 3. J'avais interrogé le Gouvernement sur ses objectifs et, surtout, sur les modalités de financement du dispositif, mais beaucoup de questions restent encore sans réponse. En réalité, nous sommes suspendus au rétablissement des négociations européennes.
Les discussions sur le plan de relance européenne, qui conditionnent ces réponses, reprennent demain. L'accord franco-allemand du mois de mai et les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens, mais il faut transformer l'essai. Dès lors, ce texte n'est pas le plan de relance, toujours différé, mais un ajustement budgétaire d'attente.
Les 13,8 milliards d'euros de soutien portent pour l'essentiel sur l'urgence : le soutien au chômage partiel est indispensable, mais il exigera un contrôle vigilant a posteriori. L'essentiel des mesures de soutien sont des mesures de trésorerie. C'est assez limité, même si le Premier ministre a annoncé un plan de relance de 100 milliards d'euros et une baisse des impôts de production pour 20 milliards d'euros.
Ce collectif traite aussi de la situation des collectivités territoriales, dont les recettes ont été très touchées par la crise et qui ont assumé de nouvelles charges.
Certes, nous nous revoyons à l'automne mais il y a urgence : une baisse de 11 % du PIB, c'est beaucoup plus que l'Allemagne qui, elle, relance sans attendre.
Il ne s'agit pas seulement de points de croissance, mais aussi de leurs conséquences sociales. On annonce 15 000 suppressions d'emplois chez Airbus, 7 780 chez Air France, 4 600 chez Renault, 1 900 chez Conforama, dont le siège est à Lognes, où j'ai été élu municipal pendant vingt-deux ans, 1 200 chez Nokia... Sans compter les TPE et les PME, dont la situation est dramatique. Il faut aussi soutenir les entreprises viables, transformer notre économie en privilégiant la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises. Où sont les mesures dans ce sens ? Nous avons une opportunité historique de transformer l'économie, pour le bénéfice des générations futures.
Il faudra aussi fixer un cap cohérent pour nos finances publiques, alors que leur trajectoire a explosé. Nous le discuterons dans le cadre du débat d'orientation. Le Gouvernement évoque un cantonnement de la dette, simple mesure comptable, sans mettre à contribution les plus privilégiés.
M. Jean-Pierre Sueur. - Qui va payer ?
M. Vincent Éblé, président de la commission. - Il faudra faire les comptes...
M. Jean-Pierre Sueur. - Enfin des paroles sensées !
M. Vincent Éblé, président de la commission. - ... et justifier de la dépense publique devant les contribuables. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Beaucoup d'indicateurs que le ministre juge positifs sont en réalité préoccupants. Ce seront 800 000 emplois supprimés d'ici la fin de l'année, des plans sociaux qui pleuvent, l'explosion du nombre d'allocataires du RSA, la très faible participation aux élections municipales... Voici tous les éléments d'une crise de sens. Le Gouvernement va-t-il reprendre le guidon, ou continuer à pédaler droit dans le mur ?
Le Président de la République prétend tracer un nouveau chemin... dans le même sillon que l'ancien. Pour baisser le coût du capital, messieurs Le Maire et Dussopt, on prend les mêmes et on recommence ! (Sourires)
Il ne s'agira pas d'un tournant social ou écologiste. Il faudra travailler plus et faire payer salariés et retraités. Le Gouvernement continue à privilégier la communication du « en même temps » au lieu d'agir.
Sur les 40 milliards d'euros annoncés, seuls 3 milliards d'euros figurent en crédits budgétaires. Pas de nouvelles mesures fiscales ? C'est faux !
Vous prolongez la CRDS de 0,5 % sur tous les revenus, pour dégager 160 milliards d'euros d'ici 2042.
Vous annoncez en grande pompe le plan de soutien aux collectivités territoriales, mais là encore, le compte n'y est pas. Jean-René Cazeneuve, missionné par le Gouvernement, a chiffré les pertes de recettes des collectivités territoriales à 7,5 milliards d'euros : 3,2 milliards pour le bloc communal, 3,4 milliards pour les départements et 0,9 milliard pour les régions. Les choses commencent mal, vu que vous annoncez 4,5 milliards d'euros - et que vous ne mettez effectivement sur la table que 1,75 milliard d'euros d'argent frais.
Si le bloc communal est relativement épargné, avec la clause de sauvegarde, vous ne tenez pas compte des pertes de recettes tarifaires. Quant aux départements, vous ne leur concédez que des avances remboursables alors que flambent les dépenses sociales et que les droits de mutation pourraient chuter de 35 %. Comment les départements feront-ils face à l'afflux des inscriptions au RSA et aux demandes d'aides sociales des personnes licenciées ? Et pour les régions, ne cherchez pas, il n'y a rien.
Pourtant, les collectivités territoriales ont tenu la barre pendant la tempête ; elles ont démontré leur solidité et restent le principal investisseur. Il faut s'appuyer sur elles pour la relance.
La confiance appelait un autre chemin d'égalité sociale et territoriale. Nous ne voterons pas ce texte qui n'est pas à la hauteur. La confiance n'est pas une forme de paresse mais une exigence de la conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SOCR)
M. Vincent Éblé, président de la commission. - Bravo ! Jolie formule !
M. Franck Menonville . - Le sauvetage de notre économie n'est pas terminé que la relance s'impose pour sauvegarder les entreprises et l'emploi. Telle est l'ambition de ce troisième PLFR.
La propagation du virus semble maîtrisée, mais la crise économique ne fait que commencer. Outre une deuxième vague, nous devons craindre une vague de difficultés économiques à l'automne. Depuis mars, la politique menée a été défensive. Sans entreprises, pas de reprise : il fallait préserver le tissu économique. Cela ne suffit plus et notre politique doit aussi être offensive, prévoir la relance en plus du sauvetage.
L'abondement supplémentaire au fonds de solidarité et les dispositifs d'exonération de charges, ainsi que les mesures sectorielles en faveur de l'automobile, de l'aéronautique, du tourisme ou de l'événementiel et du secteur culturel, sont nécessaires.
Je me réjouis également que le Gouvernement privilégie une action au plus près des réalités locales avec, par exemple, la possibilité de dégrèvement exceptionnel de CFE pour les PME et d'exonération de taxe de séjour pour 2020. Il faut en effet faire confiance aux acteurs de terrain. Les délais sont toutefois trop contraints pour des exécutifs tout juste installés.
Les élus ont été en première ligne pendant la crise et je veux les saluer. Le plan de soutien de 4,5 milliards d'euros va dans le bon sens mais doit encore être renforcé. Je défendrai à l'article 5 un amendement portant l'aide minimale à 1 500 euros pour les plus petites communes.
Je me félicite que les actions prises par la Commission européenne occupent une place significative, avec des garanties apportées par l'État au mécanisme SURE et à la Banque européenne d'investissement, pour 4,4 et 4,7 milliards d'euros respectivement.
Ces mesures sont nécessaires pour préserver l'économie de nos territoires et la solidarité nationale. Le Sénat saura sans nul doute les enrichir encore. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; MM. Julien Bargeton et Yvon Collin applaudissent également.)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Chômage partiel, fonds de solidarité, PGE, les réponses apportées par l'État ont été immédiates et massives. Certes coûteuses, elles étaient indispensables pour préserver notre tissu économique et nos emplois et protéger les plus fragiles.
Avec ce texte, l'effort sera porté à 50 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 70 milliards d'euros de pertes de recettes fiscales, ce qui porte notre déficit à plus de 224 milliards d'euros, plus du double de la prévision initiale. Ces chiffres sont vertigineux, mais nous n'avons guère le choix.
Désormais, nous sommes face au défi de la relance. Il s'agit à la fois de transformer nos modes de production, de reconquérir notre souveraineté, de faire de la transition écologique un moteur de développement des territoires et de la justice sociale le ferment de la cohésion nationale,
Ce collectif budgétaire soutient les secteurs les plus touchés - automobile, aéronautique, tourisme, culture - tout en s'engageant dans la transition écologique. Nous saluons à cet égard l'article 19 qui conditionne les prises de participation de l'État à la souscription d'engagements écologiques.
La multiplication des destructions d'emplois et les perspectives en matière de chômage, notamment des jeunes, doivent nous alerter. Alors que l'on annonce quelque 800 000 suppressions d'emplois, plus de 700 000 jeunes vont arriver sur le marché de l'emploi.
Nous avons donc accueilli favorablement les mesures annoncées, qu'il s'agisse des primes pour l'emploi d'un apprenti ou de la réduction du coût d'embauche des jeunes.
Ce collectif budgétaire va dans le bon sens et nous approuvons l'exonération de cotisations et de charges prévue à l'article 18, dont le périmètre a été opportunément élargi par l'Assemblée nationale.
Néanmoins, la copie gouvernementale reste perfectible et nous avons à cet effet déposé des amendements. La relance ne peut se faire sans les territoires. Je regrette à cet égard la timidité des mesures en faveur des départements. Le bloc communal est en revanche mieux traité, avec 1,7 milliard d'euros pour l'investissement.
Avec 1 milliard d'euros de DSIL supplémentaire, ce budget préfigure la relance dans les territoires autour de la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine public bâti et non bâti. Il faudrait que ces crédits soient pour partie fléchés vers l'échelon départemental, qui a su agir avec agilité et efficacité. Enfin, le versement du FCTVA en année N+1 pour toutes les collectivités serait de nature à accélérer l'investissement local.
Dans sa grande majorité, notre groupe qui aura à coeur d'enrichir ce texte le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants)
M. Yvon Collin . - En mars dernier, le Président de la République annonçait une France en guerre. Aujourd'hui, la bataille de l'emploi, de la justice sociale et des territoires reste à gagner.
La crise a exacerbé les fractures de notre modèle économique et social. Alors que l'urgence sanitaire demeure, nous devons relancer l'économie. Or l'incertitude affecte l'indice de confiance des ménages et des entreprises. Le succès dépendra de la capacité de l'exécutif de dynamiser à la fois l'emploi, l'investissement et la consommation.
À ce stade, les airbags ont joué leur rôle. Le chômage partiel a protégé les ménages en limitant la chute de leurs revenus à 3,2 % pendant le confinement alors que le revenu national baissait d'un tiers. Avec le déconfinement, la consommation est repartie, mais l'épargne, chiffrée à 80 milliards d'euros, demeure considérable. Il faut réussir à la flécher vers la consommation et l'investissement. L'article 4 sur le déblocage de l'épargne retraite est donc bienvenu.
Le volume important de prêts garantis par l'État a évité des faillites, mais comment contenir les plans sociaux à l'automne ? En dépit des mesures de soutien, les entreprises ont perdu 54 milliards d'euros entre mars et juillet. Une demande insuffisante et la contraction de l'économie mondiale vont durablement peser sur l'activité.
Face à cette récession sans précédent, la France va devoir consentir un effort public soutenu, d'autant que ses avantages comparatifs se situent dans des secteurs particulièrement affectés par la crise. La dégringolade de la prévision de croissance pour 2020, la hausse massive du déficit conjoncturel, la dette publique qui pourrait atteindre les 121 %, rendent obsolètes les règles européennes censées contenir l'endettement à 60 % du PIB : partout dans la zone euro, la ligne rouge a été franchie. Nous ne pouvons guère faire autrement et notre groupe soutient ces mesures, pourvu qu'elles soient provisoires.
Les collectivités participeront à la relance et joueront un rôle essentiel d'amortisseur social : veillons donc à préserver leurs moyens, même si nous comprenons la nécessité de baisser les impôts de production.
Le Premier ministre a annoncé un plan de relance de 100 milliards d'euros, notamment en faveur de l'emploi des jeunes, qui seront 700 000 à postuler pour un emploi à la rentrée. Le dispositif d'exonération de charges jusqu'à 1,6 Smic est indispensable mais nous souhaiterions qu'il intègre aussi les diplômés de l'enseignement supérieur.
Nous soutenons enfin le plan européen de relance, dont la France pourrait bénéficier à hauteur de 40 milliards d'euros, car l'effort de solidarité est nécessaire à la cohésion de l'Union. Espérons qu'il sera rapidement mis sur pied.
En attendant, notre groupe regardera ce texte avec bienveillance.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
M. Julien Bargeton . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) « Tout commence par une interruption » a écrit Paul Valéry. En tout cas, tout doit recommencer après une interruption. Les signaux sont contradictoires et nous sommes à la croisée des chemins.
En France, 45 % des salariés ont bénéficié du chômage partiel jusqu'à 85 % de leurs revenus. En Allemagne, c'était 27 % des salariés, jusqu'à 60 % de leurs revenus.
Ce PLFR recharge les crédits, déploie des plans sectoriels, soutient la jeunesse, accompagne les collectivités territoriales et protège les plus fragiles.
Notre groupe veillera au respect de trois lignes directrices : d'abord l'efficacité des mesures, quel que soit leur coût. Ensuite, la cohérence - on ne peut à la fois dénoncer l'aggravation de la dette et demander des dépenses supplémentaires : c'est trop, soit ce n'est pas assez, mais il faut trancher.
M. Jean-François Husson. - C'est le « en même temps » !
M. Julien Bargeton. - Troisième ligne directrice, ne pas augmenter les impôts. Keynes le dit bien : ce n'est pas en période de crise, quand les investissements et la consommation reculent, qu'il faut augmenter les impôts ni baisser les dépenses publiques, au risque de déprimer davantage l'économie.
Notre groupe a déposé des amendements relatifs à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), à la culture, à l'outre-mer, aux autorités de mobilité notamment.
Les jalons posés par ce texte tournent autour de quatre E. E comme Europe d'abord. Après ce PLFR viendra un plan de relance, qui devra s'articuler avec un plan européen que j'appelle de mes voeux.
Deuxième E, l'écologie, qui doit être un levier de croissance, non un frein à la relance.
Troisième E, les entreprises : c'est par la croissance des entreprises et de l'emploi que nous pourrons financer nos dépenses et nos dettes.
Enfin, le E de l'éducation ; la formation de la jeunesse doit être au coeur de la reconquête.
Notre groupe soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Stéphane Ravier . - Nous avons déjà voté plus de 460 milliards d'euros de mesures sectorielles depuis le début de l'épidémie, sans rechigner. Mais ce PLFR n'est pas à la hauteur de la crise dans laquelle vous nous avez plongés avec le confinement. Avec 130 milliards d'euros, l'effort allemand est trois fois supérieur au nôtre. La dette publique se monte à 120 % du PIB, c'est un poids colossal qui pèsera sur les générations futures. La crise est certes due au coronavirus, mais aussi aux choix politiques de ces dernières décennies.
Avec 8 milliards d'euros pour le fonds de solidarité, vous manquez d'ambition. Il faut élargir le périmètre aux sous-traitants et fournisseurs. À la rentrée, le chômage des jeunes va exploser avec l'arrivée de 800 000 d'entre eux sur le marché de l'emploi. La baisse des charges à l'embauche ne suffira pas à absorber un tel choc.
Il est temps de consacrer le principe de subsidiarité, de supprimer les échelons inutiles comme les ARS, qui ont prouvé leur inefficacité, les CESE et CESER, s'affranchir du carcan européen, réduire les dépenses publiques inutiles pour redonner une autonomie financière aux communes.
Les 31 milliards d'euros d'aides aux entreprises sont une bonne chose car protéger les entreprises, c'est protéger les salariés. Mais le parquet enquête sur des escroqueries massives au chômage partiel. Il faut border le dispositif.
Par votre impréparation et votre incompétence, vous avez plongé le pays dans la récession. Ce n'est pas le discours de politique générale de ce matin, véritable réquisitoire contre la politique du précédent Gouvernement, qui changera les choses.
M. Philippe Dallier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) PLFR 1, puis 2, puis 3. Les textes devaient s'enchaîner pour tenter de contenir la crise. La question du tempo des mesures est au moins aussi importante que celle du contenu.
Vous aviez qualifié les deux premiers textes d'urgence et de sauvegarde, celui-ci de texte de résilience. Le PLFR 3 aurait pu être le grand plan de relance annoncé depuis mars. Adoptées en juillet, les mesures auraient été effectives en septembre au moment où les faillites se multiplieront et où 700 000 jeunes arriveront sur le marché du travail. Les six mois de perdus pourraient nous coûter très cher.
La situation de la France d'avant, telle que décrite par Bruno Le Maire, c'était un recul du chômage à moins de 8 %, un regain d'intérêt pour l'apprentissage, la bonne tenue de l'investissement privé et de la consommation des ménages jusqu'en 2019. Tout cela est exact. Mais la croissance était de 1,5 % en 2019 contre 1,8 % en 2018 et 2,3 % en 2017 : une belle pente descendante, avec un acquis de 0,1 % seulement en 2020 avant la crise. Le déficit budgétaire, lui, a connu une belle pente ascendante : 67,6 milliards d'euros en 2017, 76 milliards en 2018, 92,7 milliards d'euros en 2019. Le déficit prévisionnel pour 2020 était de 93,1, rappelons-le. La dette publique a frôlé les 100 % du PIB ; elle les aurait franchis en 2020 même sans la crise sanitaire. Bref, le tableau d'ensemble était plutôt sombre.
Nous avons abordé la crise dans un état plus dégradé que nos voisins. En 2019, la France était vingt-troisième sur vingt-sept pour la croissance et l'endettement public ; vingt-quatrième pour le taux de chômage ; vingt-sixième pour le déficit public. Même avec un taux de chômage de 8,1 % en février, seules l'Italie, l'Espagne et la Grèce faisaient moins bien que nous. Avec une croissance de moins 0,1 % au quatrième trimestre 2019, nous n'avions que l'Italie, la Finlande et la Grèce derrière. Avec 98,1 % d'endettement, seuls la Belgique, le Portugal, l'Italie et la Grèce faisaient moins bien. Avec un déficit à 3 %, seule la Roumanie faisait pire ! Nous n'avons pas abordé la crise avec les mêmes armes que les autres pays européens qui, eux, ont fait des efforts ces dix dernières années.
En 2017, le retour à l'équilibre des comptes publics était prévu pour 2020 mais la crise des gilets jaunes est passée par là. Aujourd'hui, l'incendie est d'une tout autre ampleur.
Bruno Le Maire a beau dire que l'effort de la France est de même niveau que l'Allemagne, il n'en est rien. L'impact budgétaire se monte à 2,6 points de PIB en France, contre 9,4 points de PIB en Allemagne. Cela traduit la faiblesse de nos marges de manoeuvre : ce n'est pas que nous ne voulions pas, mais nous ne pouvions pas.
Au début de la crise, le Président de la République a utilisé l'expression hasardeuse de « quoi qu'il en coûte ». Le 14 juillet, il a annoncé un plan de relance de 100 milliards d'euros - mais quand, et comment ?
Considérant que notre économie ne peut attendre, les sénateurs Les Républicains proposeront une baisse des impôts de production en commençant par la suppression de la C3S et du forfait social pour les PME et ETI.
Nous proposerons de baisser les charges sociales pour baisser le coût du travail et lutter contre le chômage, de doper les investissements dans le capital des entreprises dont les besoins en fonds propres sont estimés entre 10 et 30 milliards d'euros.
La baisse de 66 milliards d'euros des recettes fiscales s'explique pour moitié par l'effondrement des bénéfices des entreprises, avec une perte de 32,4 milliards de recettes d'impôt sur les sociétés. La chute de la consommation, avec 19,8 milliards de baisse des recettes de TVA, ne vient qu'en second. Les revenus des ménages n'auront baissé que de 6 milliards d'euros.
Nous proposerons aussi de renforcer le soutien de certains secteurs, comme les transports et le logement. Les autorités organisatrices de mobilité doivent être accompagnées y compris en Île-de-France, région bizarrement oubliée par les plans de soutien. Les avancées de l'Assemblée nationale sont insuffisantes.
Si l'accent est mis sur la rénovation thermique des logements existants, rien n'est fait pour encourager la construction. Or les besoins sont considérables, si nous voulons enrayer la flambée des prix.
Permettez-moi de vous demander des nouvelles de la réforme des APL : est-elle oui ou non abandonnée ? Si oui, pourquoi n'en tirez-vous pas les conséquences budgétaires, sachant qu'il manquera alors près d'un milliard d'euros au FNAL - c'est l'épaisseur du trait, vu l'ampleur du déficit...
Nous proposerons d'encourager l'investissement public porté par les collectivités, en reprenant la mesure FCTVA, efficace en 2009.
Nous soutiendrons la transition énergétique avec la conviction que le rebond passera par la croissance écologique et non la décroissance verte, comme l'a bien dit le Premier ministre.
Nous proposerons de soutenir la consommation en libérant l'épargne des Français, estimée entre 75 et 100 milliards d'euros. Mais la relance de la consommation des ménages dépendra aussi de la confiance, et donc de la stabilité fiscale promise par le Président de la République.
À cet égard, nous regrettons les propos contradictoires au sein de votre majorité. Richard Ferrand a dit qu'il fallait taxer davantage les premiers de cordée, sur lesquels la fiscalité est déjà hyper-concentrée, 20 % des ménages payant 85 % de l'impôt sur le revenu.
M. Patrick Kanner. - C'est un ancien socialiste !
M. Philippe Dallier. - Le Président de la République a sous-entendu que la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % restants serait reportée. Nous étions opposés à la suppression de la taxe d'habitation qui coupe le lien fiscal entre la moitié des Français et leur commune, mais désormais mise en application pour une majorité, elle doit l'être pour tous - comme l'exige d'ailleurs le Conseil constitutionnel.
Certaines de nos propositions se heurtent à l'article 40, je les citerai donc ici. Nous proposons de supprimer les conditions de ressources pour la prime à la conversion, d'élargir le bonus écologique aux véhicules électriques et hydrogènes d'occasion.
Nous prônons aussi une aide compensant 50 % des pertes d'exploitation des agriculteurs dont le chiffre d'affaires a baissé de plus de 30 %.
Nous demandons une extension de l'aide majorée aux entreprises de plus de 250 salariés pour soutenir l'apprentissage et souhaitons étendre la mesure de reclassement des salariés en cours de licenciement.
Pour financer ces mesures de relance, il faudra faire des réformes structurelles et dégager des économies par une simplification des normes et procédures. Il faudra avoir le courage d'aller au bout de la réforme territoriale en supprimant les doublons et en réduisant le nombre d'agences de l'État.
Comme François Hollande, Emmanuel Macron a repoussé les efforts à plus tard, et nous devons maintenant réformer en pleine crise, au pire moment.
Selon l'OCDE, la France connaîtra la récession la plus forte au monde avec le Royaume-Uni. Une baisse de 11 % du PIB, c'est 267 milliards d'euros - à comparer avec la baisse de 2,9 % en 2009. Le taux de dépenses publiques passera ainsi mécaniquement de 54 % à 63,6 %, un niveau jamais atteint. Nous sommes contraints de laisser filer le déficit et la dette - qu'il faudra bien rembourser. Le Gouvernement voudrait la cantonner dans un coin, la planquer sous le tapis, comme on a fait pour la dette sociale avec la Cades. On vient d'en reprendre pour dix ans, et le ministre de l'Économie nous propose d'y loger la dette covid pour prolonger jusqu'en 2042. Mais il faut avoir le courage de dire aux Français qu'il faudra la rembourser un jour.
Le groupe Les Républicains adoptera ce PLFR modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est clair !
M. Thierry Carcenac . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Nous voici réunis pour évoquer le quatrième budget de l'année 2020, situation extrêmement atypique. Un déficit de 11 %, une dette à 120 % du PIB... Nous en aurions été horrifiés en décembre, pourtant nous en sommes là.
Ni plan d'urgence, ni plan de relance, ce texte, dont le contenu n'est pas foncièrement mauvais, a le défaut de mélanger, comme on dit chez moi, carottes et navets. Certaines décisions ont des effets directs sur les dépenses de l'État, y compris sociales.
Le groupe socialiste et républicain ne peut que déplorer le manque d'ambition du texte. Le parti socialiste a présenté un plan de relance le 9 juin qui propose d'aller plus loin dans le soutien à certains secteurs et le rééquilibrage, tant sur le volet social qu'environnemental. Nous introduirons par amendement certaines de nos 45 propositions, d'autant plus nécessaires que le Gouvernement tarde à produire un vrai plan de relance.
Je m'attarderai sur les quatre points les plus importants, en commençant par le financement de l'action publique. Vous avez de facto créé un nouvel impôt, non progressif, effectif à partir de 2024, en prolongeant de neuf ans la durée de la Cades.
Nous vous proposerons davantage de justice sociale et fiscale. Rétablissement de l'ISF, suppression de la flat tax, rétablissement de la taxe sur les hauts salaires, mise à contribution de l'assurance vie, taxe sur les transactions financières... il n'y a que l'embarras du choix ! En exemptant les plus riches au détriment de nos enfants, vous faites le choix de l'irresponsabilité, du « quoi qu'il en coûte » financé par la dette.
Nous proposons aussi un grand plan de relance de la vie culturelle, préférable à une multitude de petites mesures.
La transition environnementale est indispensable. Pour préparer l'économie de demain, il faut un fléchage des fonds et la conditionnalité de certaines aides. La majorité présidentielle a introduit un amendement en ce sens à l'Assemblée nationale mais il faut aller au-delà du voeu pieux et trouver un équilibre entre incitation et obligation.
Quatrième point, nous devons garantir le niveau de ressources des collectivités territoriales. Vos choix fiscaux ont fait disparaître l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Au mieux, les compensations stagnent, au pire elles diminuent alors qu'on demande toujours plus aux collectivités.
Enfin, il faut garantir le niveau de ressources des AOM et favoriser les mobilités urbaines dites douces.
J'aurai pu aborder l'éducation, la recherche, l'emploi, en particulier celui des jeunes, l'agriculture et l'alimentation, mais nous y reviendrons.
Notre vote dépendra du sort réservé à nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Vincent Delahaye . - De budget rectificatif en budget rectificatif, la situation se dégrade. Nous sommes passés en 2020 d'une croissance de 1,3 % à une récession de 11 %. Il eût été normal de revoir les dépenses du budget pour l'année 2020. C'est ce que l'on fait dans toutes les collectivités, voire tous les ménages, en cas de baisse des recettes. J'ai donc été surpris de l'absence de tout gel ou annulation de dépenses.
Le Président de la République prévoit de reporter la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés ; mais de report ou d'annulation de dépenses, rien dans ce texte. Au contraire, vous nous présentez un PLFR 3 avec deux fois plus de dépenses que de recettes ! Je ne peux accepter cette logique budgétaire.
Le groupe de l'Union centriste, et Nathalie Goulet en particulier, ont fait une priorité de la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Or en contrepartie du chômage partiel, on a demandé le strict minimum aux entreprises. J'espère que nous poursuivrons ce combat contre la fraude.
Qui va payer ? J'ai écouté attentivement le Président de la République et le Premier ministre mais n'ai entendu aucune réponse à cette question. Entre 2020 et 2022, le pays aura perdu 350 milliards d'euros ; les Français auront épargné 100 milliards d'euros supplémentaires.
Ceux qui paient, ce sont certains commerçants, certains artisans et indépendants, à peine plus de 10 % des Français. À gauche, on veut faire payer les riches et rétablir l'ISF.
M. Vincent Éblé. - Non, il s'agit d'un nouvel impôt.
M. Julien Bargeton. - Encore un impôt !
M. Vincent Delahaye. - Entre l'ISF et l'IFI, cela fera 2 ou 3 milliards d'euros supplémentaires, bien loin des 350 milliards d'euros que le pays a perdus. C'est hors de proportion.
M. Vincent Éblé. - Nous n'avons jamais prétendu le contraire.
M. Vincent Delahaye. - Notre Nation n'assumera pas ses choix, mais transférera cette charge sur les générations futures. Je ne peux pas l'accepter.
On nous dit que la croissance future couvrira la dette. Arrêtons avec ce rêve d'une croissance perpétuelle et soyons réalistes : nous vivons une époque où la croissance risque d'être bien inférieure à ce qu'elle a pu être dans le passé, et nous devons en tenir compte dans nos stratégies budgétaires.
Interrogeons-nous aussi pour savoir si la croissance que nous souhaitons est compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique, qui est désormais la priorité de tous.
Je souhaite plus de clarté, de transparence et de vérité : qui va payer le coût de cette crise ? Et quand ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Indépendants et Les Républicains)
Mme Jacky Deromedi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il était temps qu'une loi de finances rectificative comporte enfin des crédits et engagements pour nos compatriotes français de l'étranger qui subissent de plein fouet la crise pandémique.
Lorsqu'on est expatrié, en tant qu'étranger dans le pays d'accueil, on a à la fois peu de droits mais le devoir de respecter les règles du pays qui vous accueille. S'il y a des licenciements, ce sont les étrangers qui verront leurs contrats interrompus, sans indemnités, mais il faudra continuer à faire vivre leurs familles... De plus, dans beaucoup de pays les permis de séjour sont liés aux contrats de travail.
Le plan de soutien prévoyait un dispositif de 50 millions d'euros de crédits destinés à aider nos compatriotes les plus démunis touchés par la crise. Deux mois après l'annonce de cette aide exceptionnelle, seulement 2 700 de nos compatriotes ont pu bénéficier de l'aide, totalisant moins de 1 % de l'enveloppe prévue. La faute à des critères d'attribution opaques et mal connus.
Les postes diplomatiques qui instruisent les dossiers n'ont pas toujours une parfaite connaissance de la situation individuelle des personnes en difficulté. Les conseillers des Français de l'étranger qui, eux, les connaissent ne sont pas consultés.
Si le pays de résidence accorde une aide, comme à Madagascar où le pays donne aux étrangers 23 euros d'aide, les demandeurs ne sont plus éligibles à l'aide exceptionnelle. Même lorsque tous les critères sont remplis, le montant accordé est ridiculement bas et l'aide n'est versée qu'une seule fois alors que la crise va durer.
Il faut dans l'urgence établir des critères plus adaptés aux situations individuelles, pour tenir le coup au moins six mois : prise en charge du loyer, des frais de scolarité et des dépenses du quotidien, quitte à ce qu'il s'agisse d'un prêt remboursable.
Nous donnant quelque espoir, Jean-Baptiste Lemoyne avait reconnu des lacunes et la nécessité de mettre en place un volet supplémentaire à destination des entrepreneurs. Rien de tel ne figure dans ce PLFR 3.
Il est urgent de mettre en place un plan de soutien aux entrepreneurs français à l'étranger qui leur permette d'obtenir le financement de six mois de trésorerie par des avances remboursables à partir de 2022.
Une enveloppe supplémentaire était prévue pour faire face aux frais de scolarité des établissements français à l'étranger. Or les décisions d'octroi sont prises à Paris, les critères sont opaques et la plupart des dossiers sont refusés. L'enveloppe est sous-consommée alors que beaucoup de familles ne peuvent pas payer le troisième trimestre et risquent de ne pas réinscrire les enfants l'année prochaine.
En France, c'est « quoi qu'il en coûte ». Nous aimerions qu'il en soit ainsi pour les Français de l'étranger.
Quoi qu'il m'en coûte, je continuerai à me battre pour faire entendre leur voix en espérant qu'un jour ils auront la place qu'ils méritent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La crise sanitaire que nous traversons a des conséquences redoutables sur la vie de nos concitoyens. Des milliers d'entre eux se retrouvent plongés dans des situations de grande précarité et d'insécurité quant à leur avenir.
L'urgence sociale aurait mérité un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif. Mais le Gouvernement se contente d'un troisième projet de loi de finances rectificative, martelant deux chiffres : moins 11 % du PIB pour le niveau de récession et 120 % du PIB pour la dette publique en 2020.
Le ministre aime à répéter qu'il faudra rembourser la « dette covid ». Mais c'est le Gouvernement qui a fait le choix d'un financement intégral par le déficit et donc par la dette. Une politique d'austérité aurait certes plombé la croissance et n'aurait pas amélioré le ratio dette-PIB.
C'est en réalité par des ressources fiscales nouvelles que nous nous en sortirons - en privilégiant la taxation des plus hauts revenus et patrimoines, la taxation des entreprises multinationales et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Doit-on évoquer le scandale des 13 milliards d'euros que va devoir rembourser Apple à cause du laxisme en matière de lutte contre les paradis fiscaux européens ?
Il faut de toute urgence rétablir l'ISF. Il faut revenir sur la flat tax qui plafonne la fiscalité sur les dividendes, et imposer ces mêmes dividendes à l'impôt sur le revenu. Rien ne justifie que ce type de revenu fasse l'objet d'un traitement avantageux. Malheureusement, cette voie n'est pas explorée.
La relance passe aussi par les territoires, urbains et ruraux. Relançons la politique de la ville, faisons des territoires ruraux une chance, eux qui offrent une alternative à la concentration des territoires urbains. Nous soutiendrons le programme « villages du futur », la réévaluation de la DETR, principale ressource des petites communes, les mesures d'incitation par les exonérations fiscales et sociales à l'installation dans les zones rurales.
Pourquoi ne pas envisager des « rural bonds » pour financer ces actions à destination des territoires ?
Il y a urgence à répondre à la détresse des 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché du travail à la rentrée. Le groupe socialiste et républicain propose une prime « Rebond premier emploi » pour les entreprises qui les embauchent et une aide « Rebond premier emploi » pour les jeunes de ressources modestes et en recherche d'emploi.
Alors que les plans sociaux tombent en cascade, nous avons besoin d'un nouvel esprit d'entreprise qui amplifie les efforts vers plus de justice sociale, d'écologie et d'emploi. Il revient à l'État de n'accorder son soutien qu'aux entreprises qui poursuivent ces objectifs et qui renoncent à verser des dividendes à leurs actionnaires en 2020. Est-il raisonnable d'aider sans contrepartie les multinationales polluantes ?
Les collectivités locales, qui perdront 7,5 milliards d'euros dans la crise selon les prévisions, sont les parents pauvres de ce texte. Alors que les départements ont assumé matériellement et financièrement les dispositifs de protection, ils doivent désormais financer les primes pour les personnels des Ehpad et de l'aide à domicile, tandis que l'augmentation du chômage accroît le nombre d'allocataires du RSA.
Dans un rapport récent, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) recommande d'aider les collectivités à accompagner les acteurs sur le terrain. Notre pays a besoin d'un investissement massif pour soutenir les collectivités territoriales dans leurs projets de transition écologique.
Ce PLFR porte un plan de soutien inachevé sur le plan économique, social et écologique. Nous espérons que les propositions du groupe socialiste et républicain recevront votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Georges Patient . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) La Guyane vit une situation unique au sein de la République. C'est le seul territoire français toujours frappé avec virulence par la pandémie : 280 000 habitants, 6 393 cas confirmés et un R0 entre 2,5 et 3 ; 166 patients hospitalisés, dont 26 en réanimation ; 12 évacuations sanitaires vers les Antilles, 34 décès. Et le pic épidémique est prévu pour la fin juillet.
La situation économique est également inédite. Le déconfinement n'a pas vraiment eu lieu, avec la multiplicité des confinements ciblés avec couvre-feu. D'ailleurs, comme à Mayotte, l'état d'urgence sanitaire est toujours en vigueur. Conséquence : de nombreuses faillites d'entreprises, un rebond du chômage, une perte d'activité de 25 %.
La Guyane réclame donc des mesures spécifiques. Le Premier ministre, les ministres de la Santé et des Outre-mer ont reçu, lors de leur déplacement récent, de nombreuses demandes légitimes et précises des acteurs de terrain qui attendent désormais des réponses concrètes. Certaines relèvent d'un décret, mais beaucoup peuvent être traduites dans ce PLFR 3 et j'aurai à coeur de le faire dans mes amendements. Il faut éviter un scénario catastrophe pour la Guyane.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué . - Merci aux intervenants. Concernant l'articulation entre le PLFR 3, le plan de relance et le projet de loi de finances 2021, nous avons fait le choix de ne pas présenter de PLFR 4 ; le projet de loi de finances 2021 sera présenté dès fin septembre en Conseil des ministres et comprendra des mesures de financement.
En attendant, nous pourrons toujours redéployer des crédits. Surtout, nous disposons du projet de loi de finances rectificative de fin d'exercice pour abonder les crédits là où c'est nécessaire.
Nous veillerons à ce que les dispositifs de soutien mis en place soient financés tout au long de la crise. Cela concernera notamment les premières mesures de relance sur l'apprentissage ; les investissements décidés aujourd'hui, en outre, ne donneront leurs premiers décaissements qu'en 2021.
Monsieur Dallier, l'équilibre du fonds national pour le logement sera garanti, en prenant en compte le retard pris dans la réforme des APL.
Les mesures en faveur des collectivités territoriales sont inédites, en particulier les garanties de ressources. En 2008-2009, il était simplement possible d'anticiper d'une année les versements de FCTVA, mais en aucun cas de compenser des pertes de recettes, qu'elles soient fiscales ou domaniales.
Monsieur Menonville, le versement minimum de 1 000 euros aux collectivités territoriales n'est pas forfaitaire. L'Assemblée nationale a fait de ce versement un minimum pour les collectivités aidées. En revanche, toutes ne le seront pas : il y a des critères d'éligibilité.
J'entends les demandes de nouveau report de la date butoir pour les délibérations des collectivités en matière de CFE ; mais nous sommes allés jusqu'au bout des possibilités. Si nous allions plus loin, la DGFiP se trouverait dans l'impossibilité d'assurer la production des états 1249 qui sont attendus par les collectivités.
Beaucoup d'entre vous soulignent que les départements ne perçoivent que des avances remboursables, et non des subventions. Mais cette formule a été décidée en concertation avec le bureau de l'Assemblée des départements de France (ADF). Lors de la crise de 2008, les DMTO ont baissé de 11 % la première année, et de 25 % la deuxième, mais ils ont ensuite augmenté de 30 % en 2010 et à nouveau de 25 % en 2011. En matière de DMTO, l'inversion des cycles peut être très rapide, de sorte que les avances telles que nous les avons prévues sont tout à fait opportunes.
Nous sommes dans une situation extrêmement particulière avec une dette qui va atteindre 120 % du PIB et un déficit proche des 220 milliards d'euros. J'entends M. Delahaye sur les baisses et gels de dépenses, mais les propositions sur le sujet ne sont pas légion à l'Assemblée nationale et au Sénat...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Les ARS !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Nous avons donc choisi de financer la relance par la dette.
J'entends aussi les propositions fiscales de M. Joly. Cependant, pour financer les 100 milliards d'euros du plan, les Français et les entreprises subiraient non pas un choc mais un tsunami fiscal. Au regard des expériences passées, nous avons préféré faire le choix de la croissance.
Monsieur Dallier, un milliard reste un milliard. La relance ne doit pas nous faire oublier la rigueur - et non l'austérité car il n'y en a jamais eu. Nous devons nous rapprocher au mieux de la trajectoire triennale, il y va de la crédibilité de notre signature sur les marchés sur lesquels nous empruntons encore dans de bonnes conditions. La préparation du PLF 2021 fera l'objet de la même attention.
Monsieur Patient, les dispositifs du fonds de solidarité, des PGE et du chômage partiel seront prolongés en Guyane jusqu'à la fin de l'état d'urgence.
Monsieur Savoldelli, j'espère votre soutien sur les dispositions en faveur des jeunes précaires.
Enfin, monsieur Collin, je fais mienne votre phrase : « C'est une bataille qui reste à gagner ». C'est une évidence. Je vous remercie.
La discussion générale est close.
La séance est suspendue à 17 h 10.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 18 heures.