Nouvelle ère de la décentralisation
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation.
Discussion générale
M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de résolution . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Ce dimanche se tiendra le second tour des municipales, aboutissement d'une compétition électorale où s'affrontent idées et visions. Au premier tour, les formations jugées obsolètes en 2017 ne l'étaient pas tant que cela.
Si ce scrutin se déroule dans des conditions extraordinaires, il est malgré tout l'une de ces respirations qui font se régénérer notre démocratie locale à échéances régulières.
Toutefois, quelle portée aurait cette élection sans l'acte fondateur de 1982, onde de choc diffusée sur notre organisation institutionnelle ? Le vote de nos concitoyens n'aurait pas la même valeur démocratique.
« La décentralisation est la grande affaire d'un gouvernement de gauche et le maître-mot d'une expérience de progrès », déclarait François Mitterrand en 1977. Ce sera une de ses 110 propositions - la 54e - dans le sillage de celles déposées par les socialistes durant les années 70. Ce sera la première loi examinée par le Conseil des ministres en juillet 1981.
Le même, devenu président, affirmait en 1982 que la décentralisation « est la plus grande réforme institutionnelle dans l'équilibre de la France depuis le début du siècle ». Et Pierre Mauroy l'avait défendue pour libérer une « France asphyxiée par le centralisme », en promettant aux Français une « nouvelle citoyenneté ».
La loi Deferre, Droits et libertés, fut une bouffée d'oxygène démocratique et l'amorce d'une période de modernisation des territoires. La décentralisation marquait ainsi une nouvelle façon de « faire République ». Au fil du temps et des textes, elle s'est imposée, allant jusqu'à devenir une règle de vie, les Français la considérant comme allant de soi.
Son succès se mesure au quotidien. L'investissement des collectivités a permis de délivrer un service public de proximité, d'innover, de transformer nos territoires.
Mais les collectivités territoriales ne peuvent pas tout faire. Elles ne peuvent pas pallier à elles seules les défauts du capitalisme, inverser les grands mouvements de population, ni relever le défi du changement climatique.
La crise de la Covid-19 a mis en lumière les lourdeurs de l'État central, quand les élus locaux ont fait la démonstration de leur réactivité, de leur adaptabilité et de leur inventivité.
Des difficultés demeurent : complexification des modes de gouvernance locale, nouveaux rapports aux territoires induits par une société du déplacement perpétuel, contraintes financières, normes, responsabilités des élus locaux, ou encore exigences toujours plus importantes des citoyens.
De la loi Relations avec les collectivités territoriales (RCT) à la loi NOTRe, les territoires ont vécu une fièvre institutionnelle, en attendant une hypothétique loi 3D.
Au début de l'année 2019, les maires ont indiqué qu'ils ne voulaient plus de bouleversement institutionnel. Ce ras-le-bol s'inscrivait dans le contexte d'incompréhension entre l'actuel exécutif et les territoires : 80 km/h sur les départementales, suppression de la taxe d'habitation, contrats de Cahors, ou bien #BalanceTonMaire.
Si les maires sont revenus en grâce à l'occasion de la crise des gilets jaunes et grâce à la loi Engagement et proximité, seuls 31 % d'entre eux se disaient confiants dans la parole du Gouvernement pour la mise en oeuvre des futures réformes locales à la veille des municipales de 2020.
Dans un contexte difficile marqué par la crise de la Covid-19, il est plus que jamais nécessaire de changer notre manière d'appréhender la décentralisation. Nous sommes à la fin d'un cycle et des solutions inédites doivent voir le jour. La relance, comme la transition écologique, passent nécessairement par les territoires, outils essentiels du monde résilient de demain.
Cette nouvelle approche est un retour aux sources de 1982. Le principe en est simple : ce qui relève de la proximité et du quotidien doit revenir aux collectivités territoriales, pour qu'elles assurent les services publics au service des citoyens. Personne ne doit être oublié. Opérons un recentrage de l'État sur des fonctions limitativement énumérées dans la Constitution, le reste des compétences relevant du niveau local. « Aucun nouvel acte de décentralisation ne pourra se passer d'une réforme en profondeur de l'État central lui-même. Seul un État resserré sur ses fonctions régaliennes et garant de la justice territoriale peut assurer la cohérence globale des échelons territoriaux », écrivait Pierre Mauroy.
Notre État raconte une histoire et dessine une mythologie. C'est un État fort, mais à l'instar d'une pieuvre à la tête trop grosse et aux tentacules territoriales trop petites, il souffre d'une centralisation et d'une verticalité héritées de la monarchie et du centralisme révolutionnaire. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille renoncer au modèle unitaire, ni sortir de l'État central, mais il faut en finir avec la vassalisation des territoires et entrer dans une logique de partenariat.
On mettra ainsi fin aux doublons inutiles entre État déconcentré et collectivités décentralisées, ainsi qu'au processus d'agencification qui signe le démembrement de l'État par lui-même, tout en court-circuitant les services déconcentrés et en entretenant une logique sélective.
Il convient d'ajuster les compétences des collectivités en réaffirmant le rôle social des départements, ou en rendant des compétences à la région, comme le service de l'emploi et l'apprentissage. De même il faut rompre avec une vision trop homogène du fonctionnement des EPCI.
La façon dont les collectivités travaillent ensemble doit aussi être repensée. Pour paraphraser Hobbes, il n'est pas possible que l'action territoriale soit caractérisée par la guerre de tous contre tous. L'inter-territorialité est le pendant horizontal de la subsidiarité. Elle doit remettre le citoyen et le territoire vécu au coeur des problématiques.
Cette nouvelle articulation doit passer par l'élaboration de pactes inter-territoriaux à l'échelle départementale ou inter-départementale. Ils sont la condition de l'affirmation d'une nouvelle justice spatiale devant aller des ruralités françaises aux zones urbaines en difficultés.
Cette vision encourage également la possibilité d'évolutions différenciées, adaptées aux diversités territoriales. Naturellement, lorsque nous parlons de différenciation, nous pensons singulièrement aux outre-mer, territoires régis par des statuts divers.
Cette nouvelle grammaire territoriale d'un État recentré et de territoires plus coopératifs va de pair avec le développement des ressources financières nécessaires pour agir au niveau local. Il faut aussi une démocratie locale renforcée et plus inclusive, s'appuyant davantage sur la responsabilité des citoyens. Le renforcement de la parité au sein des exécutifs est primordial, tout comme la mise en place d'un vrai statut de l'élu qui visera à diversifier l'origine sociale du personnel politique.
Cette proposition de résolution est l'occasion de démontrer que le principe de décentralisation ne saurait se démonétiser. À nous de lui redonner toute sa valeur, si importante pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Daniel Chasseing . - Je remercie Éric Kerrouche et le groupe socialiste et républicain de cette proposition de résolution, dans la lignée du projet de loi 3D. Il est important que le Sénat s'en empare.
La décentralisation transfère les compétences de l'État aux collectivités territoriales : l'économie est gérée par les régions, le social par les départements. Ces derniers sortent renforcés de la crise, car ils ont su mener des tests, en particulier dans les Ehpad, tout en procurant des masques quand l'État ne le faisait pas. Ils ont un rôle à jouer dans la réforme de la dépendance. Favorisons ceux qui embauchent des médecins salariés. On répondrait ainsi au problème des déserts médicaux par l'action de proximité.
La décentralisation doit articuler différenciation et souplesse pour répartir les compétences. Ainsi, l'articulation de la compétence économie entre le département et la région pourrait être aménagée au cas par cas. La même souplesse devrait prévaloir au niveau des intercommunalités et des communes : trois maires sur quatre considèrent que le transfert rigide de compétences a des conséquences négatives. Le département est pertinent pour l'action locale des territoires.
Il est nécessaire de déconcentrer l'action de l'État et des territoires. La mise en place de sous-préfets développeurs, prônée par le sénateur Bertrand auquel je veux rendre hommage, peut contribuer à développer l'emploi dans les territoires ruraux.
La différenciation est capitale au niveau économique pour proposer des avantages fiscaux aux ZRR des zones franches, renforcer le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), remplacer les emplois perdus dans certains territoires, ou encore soutenir l'agriculture. Car il n'y a pas de ruralité sans agriculture.
Les services publics doivent également bénéficier de cette différenciation dans les zones peu denses.
Le tourisme rural doit être davantage soutenu pour se pérenniser.
L'artificialisation des terres de manière uniforme sur les territoires pénalise les petites communes rurales qui avaient déjà du mal à obtenir des permis de construire, faute de plan local d'urbanisme.
Pour redonner vie aux territoires ruraux, il faut renforcer le département et déconcentrer avec un sous-service organisé par un sous-préfet développeur.
Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, dans sa lettre du 11 juin 2020, indiquait que 70 % des citoyens étaient favorables à l'adaptation de la loi aux territoires, mais sans modification de la Constitution ni bouleversement législatif.
Nous croyons à un État fort sur tout le territoire, mais ce texte reste insuffisant. Le Sénat doit être force de propositions.
Le Gouvernement doit porter des mesures efficaces et pragmatiques pour maintenir la vie dans les territoires ruraux. (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)
Mme la présidente. - Mes chers collègues, je vous rappelle que vous pouvez revenir à la tribune pour faire votre présentation.
Mme Françoise Gatel . - J'associe Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales à mes propos. La résolution présentée par nos collègues socialistes prend place dans un débat récurrent où les hésitations se mêlent à l'audace... La décentralisation est-elle une complainte ou une exigence ? Elle est en tout cas une conviction portée par le Sénat et par le groupe centriste, qui a organisé en septembre dernier le colloque « Tous égaux, tous différents » : vous y étiez, madame la ministre. Nous y avions formulé huit propositions pour un nouvel acte de décentralisation.
La décentralisation est aussi une nécessité appelée par le Président de la République.
Nous sortons d'un cycle de réformes territoriales, inventives pour certaines comme la recomposition des régions, brouillonnes pour d'autres comme la loi relative au statut de Paris et à l'espace métropolitain, trop corsetées quand il s'agit de la loi NOTRe qui essore les finances locales... Nous voilà réunis pour remettre l'ouvrage sur le métier.
La loi Engagement et proximité a un peu desserré l'étau qui emprisonnait le bloc local. Les élus ont exprimé leur irritation et un sentiment d'asphyxie. La crise des gilets jaunes a mis en exergue l'abandon des territoires, celle du Covid a montré l'agilité des collectivités territoriales et l'efficacité d'un partenariat intelligent entre l'État représenté par le préfet et les élus locaux.
Décentralisation, déconcentration, différenciation seraient une audace qui fracasserait la République une et indivisible ? Je ne le crois pas, car de quoi parlons-nous sinon de l'article 61-1 de la Constitution sur les droits et libertés garantis pour tous ? En 1995, sur la loi Aménagement du territoire, le Conseil constitutionnel avait indiqué que le législateur avait prévu la passation de conventions locales pour tenir compte de la spécificité de certaines situations territoriales. Loin d'enfreindre le principe d'égalité, cette procédure en assurait au contraire la mise en oeuvre.
La définition du mode de scrutin selon la taille des communes fracture-t-elle la République ? Ou bien encore la reconnaissance des spécificités ultramarines ? Ou la collectivité européenne d'Alsace ? Ou le pacte breton pour éviter la spéculation foncière ? Je ne le crois pas. Ces réalités confirment la nécessaire adaptation aux réalités locales. L'unité républicaine est garantie par l'autorité du législateur.
Trop souvent, nous ne faisons qu'ajouter des exceptions. La République ne peut pas être l'addition d'exceptions. Comment réussir la décentralisation dans le respect d'une République une et indivisible ? Il faut une volonté affirmée de l'État, et une confiance renouvelée dans les territoires.
« La loi est faite pour les hommes et non par les hommes. Elle doit se contenter de définir un cadre comme un champ des possibles », écrivait Portalis.
Clarifier les missions de l'État central et territorial est nécessaire, en reconstruisant l'ossature de chaque territoire.
Définissons le coeur de métier de chaque niveau de collectivité territoriale, tout en permettant des contractualisations.
Organisons aussi une coopération horizontale entre territoires car les citoyens franchissent les frontières. Le niveau des bassins de mobilité ou de vie est pertinent.
La capacité financière des collectivités territoriales, avec une péréquation de l'État, est nécessaire. Reconnaissons un vrai statut à l'élu. Ayons une audace décentralisatrice. La mission de Jean-Marie Bockel y contribue, développée à l'initiative du président du Sénat.
Si nous partageons l'objectif de la proposition de résolution, nous aurons des différences sur certains points. Le groupe centriste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Philippe Pemezec . - Je suis très heureux de participer au débat sur ce sujet fondamental. Je regrette que ceux qui l'organisent aient multiplié les lois qui ont fini par détruire celle de 1982... (Protestations sur les travées du groupe SOCR)
Depuis quelque temps, nous sommes de plus en plus nombreux à appeler le Gouvernement à un acte 3 de la décentralisation, et la crise sanitaire a confirmé cette nécessité.
Où était l'État obèse dans la gestion des masques ? Ce sont les régions, les départements et les communes qui s'en sont chargés ! La mienne a dû en fournir à la police nationale.
Où était l'État obèse dans la gestion des tests ? On nous en annonçait 700 000, on en est à la moitié, et ce sont les collectivités territoriales qui ont fait le travail. Nous avons testé tous les personnels communaux au contact d'enfants ou de personnes âgées.
L'État voulait s'occuper de tout, il ne s'occupe de rien, même plus de ses missions régaliennes : affaires étrangères, sécurité, immigration, bon fonctionnement de la justice. Les rebondissements de l'affaire Fillon ne jettent pas un jour très clair sur cette institution. Oui, l'État s'est perdu et il menace de couler le bâtiment France par le fond. Pourtant notre pays a de nombreux atouts : des territoires, une histoire, une culture, des savoir-faire.
Le sondage de la délégation aux collectivités territoriales montre que trois Français sur quatre estiment que la décentralisation est une bonne chose et qu'il faut renforcer ce processus.
Oui, mille fois oui, il faut passer à un acte 3 de la décentralisation alors que nous faisons face à la crise la plus grave de notre histoire depuis 1929.
Nous n'en sommes pas à définir les équilibres précis entre ville et ruralité, entre autres, car il faut d'abord rappeler la distinction entre décentralisation et déconcentration.
Le Président de la République, pourtant énarque, fait souvent la confusion entre les deux, sûrement à dessein.
M. Lecornu m'a fait sursauter en définissant les maires comme des agents de l'État ! Mettons fin à cette contrevérité qui vaudrait que la taille soit un gage d'efficacité, que big serait beautiful.
Ces super régions n'ont généré aucune économie réelle. Pourquoi ? Car elles n'ont pas les mêmes compétences que les Länder allemands. À l'inverse en Suisse, les microcantons suisses sont efficaces.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Philippe Pemezec. - L'État doit se concentrer sur ses missions régaliennes et laisser le reste aux communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Nous sommes très fiers de présenter cette proposition de résolution, fruit d'un travail de longue haleine, amorcé il y a plus d'un an. Nous avons auditionné des chercheurs, relu les travaux du Sénat, organisé des rencontres... Nous avons aussi relu M. Macron, celui du début qui disait qu'il y avait trop d'élus locaux et le plus récent qui a désormais compris l'importance de la démocratie locale.
Nous souhaitons rester modestes, car en matière de décentralisation, trop de promesses ont été trahies. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous sommes issus de millésimes différents. Nous avons suivi les étapes du cursus honorum tant décrié par M. Macron. Nous avons tous appris qu'il y a une grande intelligence dans les territoires. Mais il ne faut pas se contenter de la saluer ; il faut l'accompagner et la faire prospérer.
Plutôt que de réinventer le fil à couper le beurre, nous proposons des mesures applicables, précises et réalistes.
Nous privilégions une vision globale et non clientéliste, car il ne s'agit pas de distribuer des caramels à tous les échelons.
Les collectivités territoriales ne doivent pas être des figurants, sans financements adéquats. Il faut mettre fin à la multiplication des agences nationales, synonymes de recentralisation et de gestion à distance, parallèlement au démembrement de l'État territorial. En matière de développement économique, on gagnerait à confier aux régions le service public de l'emploi.
Nous ne comptons pas supprimer telle ou telle loi parce qu'elle est issue du parti d'en face ; nous voulons redonner à chaque échelon sa juste place, et surtout à l'État. Nous voulons achever la démocratisation des collectivités locales avec davantage de femmes élues, et je salue les présidentes de région, Mmes Pécresse et Delga.
Cette nouvelle ère de décentralisation doit être celle de l'émancipation. Il faut rompre avec la logique d'infantilisation dénoncée à juste titre par M. Kerrouche.
Madame la ministre, cet esprit d'émancipation se retrouve-t-il dans le chantage du Président de la République qui promet un grand élan contre le report des régionales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean-Claude Requier . - Depuis 1981, la décentralisation est le principal mot d'ordre des politiques publiques, presque une incantation. L'activité parlementaire sur le sujet est permanente, quasi frénétique, chaque gouvernement souhaitant apposer sa marque.
Nos collègues du groupe socialiste et républicain proposent de débattre de ce que pourrait être le prochain acte de la décentralisation. Voilà pourtant 40 ans que nous le faisons, sans parvenir à la stabilité de notre organisation territoriale, en dépit des effets d'annonce et des concertations.
L'exposé des motifs le précise : « Les maires ne sont pas favorables à un nouveau bouleversement institutionnel entre collectivités locales ou en matière de compétences ».
Il est indispensable de remédier à cette situation, et le Sénat, en tant qu'interlocuteur privilégié des élus locaux, doit en être un catalyseur attentif. Pensons aux imbroglios de la compétence eau et assainissement !
L'appel à renforcer le plan de soutien aux collectivités dans le contexte sanitaire et économique actuel apparaît comme une priorité conjoncturelle indéniable.
Le « plan de rebond territorial », qui se concentrerait sur la santé, la couverture et l'accessibilité numériques est une évidence.
Le groupe RDSE a été à l'origine de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour combattre les ruptures d'égalité dans l'accès aux services publics et aux infrastructures. L'égalité entre les territoires passe aussi par la lutte contre l'illectronisme, une question chère à Raymond Vall et à mon groupe, et qui gagnerait à être déclarée grande cause nationale.
Nous restons pour notre part très sceptiques - pour ne pas dire opposés - quant à l'introduction d'une clause constitutionnelle attributive de compétences à l'État. Cela nous semble même antinomique de la stabilité institutionnelle réclamée par les élus.
Souvenons-nous des débats interminables entre 2010 et 2015 sur la clause de compétence générale. Pourquoi les rouvrir ? Ne nous dirigeons pas vers un modèle quasi-fédéral dont je ne suis pas certain qu'il corresponde aux aspirations de nos concitoyens.
La France, est un pays riche de sa diversité et splendide par son unité, une condition décisive de son existence selon Fernand Braudel. En ces temps de crise où nous demandons davantage de l'État, il serait paradoxal d'ouvrir cette brèche.
Rien ne serait pire que de libéraliser l'autonomie fiscale, au risque de créer une concurrence entre les territoires et de favoriser ceux qui sont déjà bien pourvus en valeur ajoutée. Il convient d'abord d'améliorer la solidarité financière et la péréquation, indispensables à l'unité de notre Nation.
Nous sommes toutefois aussi surpris qu'heureux de constater que l'échelon départemental retrouve grâce aux yeux des auteurs de la proposition de résolution. Pensaient-ils cela lorsque dans les lois Maptam et NOTRE, ils promouvaient la métropole comme un nouvel Eldorado ? (M. François Bonhomme approuve.)
Assez de pactes territoriaux prescriptifs. La subsidiarité suppose des espaces de liberté plutôt qu'un pullulement administratif avec des chevauchements d'échelons. Attention à ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé malgré des habits nouveaux.
Nous sommes réservés à l'égard de cette proposition de résolution.
M. Didier Rambaud . - Les deux crises majeures des gilets jaunes et du Covid ont mis en avant la demande de retour à la proximité. Ces périodes mouvementées rappellent le rôle incontournable des élus locaux comme garants du lien social. Les maires incarnent l'État dans les territoires
Ces crises ont aussi fait ressortir la demande d'une décentralisation plus aboutie. Non pas plus de décentralisation, mais une meilleure décentralisation qui donnerait plus de compétences aux collectivités territoriales, et qui favoriserait la déconcentration et la différenciation.
Nous partageons tous au Sénat le diagnostic d'un nécessaire retour à la proximité, et notre assemblée apporte un soutien indéfectible à notre République décentralisée.
Pour autant, la décentralisation n'est qu'une réalité récente de notre histoire institutionnelle. Notre organisation décentralisée est le résultat d'une construction par vagues dont la dernière a été la loi NOTRe, loi qui a laissé des souvenirs...
M. François Bonhomme. - Douloureux !
M. Didier Rambaud. - Je me réjouis de constater que les socialistes reconnaissent qu'elle mérite d'être corrigée. (M. Vincent Éblé émet des réserves.)
La décentralisation ne pourrait se faire sans repenser l'organisation de l'État territorial. Pendant la crise du Covid, le couple maire-préfet a démontré qu'il fonctionnait. Le bloc communal doit être le premier acteur d'une République décentralisée.
Parfois des doublons de compétences existent et la lisibilité du « qui fait quoi » et « qui paie quoi » en souffre. Doit-on pour autant tout remettre en cause ? La question est trop lourde et complexe pour qu'on la traite dans une proposition de résolution. Elle mérite un vrai débat, qui sera sans doute animé, comme toujours dans notre pays marqué par l'éternelle opposition entre Girondins et Jacobins.
Pouvons-nous énoncer clairement la position du Sénat sur des sujets aussi nombreux et complexes que l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, la limitation constitutionnelle des pouvoirs de l'État, la répartition des blocs de compétences entre échelons de collectivité territoriale, le transfert à la carte des compétences, la nomenclature budgétaire, la création d'un pouvoir réglementaire ou encore la participation citoyenne sans en avoir longuement débattu ?
Tout cela peut-il entrer dans une proposition de résolution ? Je ne le crois pas, et cela ne ferait pas honneur à la réputation de sérieux du Sénat. Aussi nous nous abstiendrons.
M. Jacques Bigot.- En Marche est dans l'impasse ! (Sourires)
M. Jean Louis Masson . - Si l'on veut réussir la décentralisation, encore faut-il qu'elle soit organisée de manière cohérente. La définition du cadre territorial reste un élément fondamental. Or les circonscriptions administratives manquent de cohérence.
Le gouvernement Valls a pris l'initiative d'une fusion autoritaire des régions. Cela se justifiait dans certains territoires ; dans d'autres, les régions sont devenues des monstres tentaculaires. (Mme Françoise Gatel approuve.) C'est complètement débile. Comment expliquer que la région Grand-Est soit plus que deux fois plus grande que la Belgique ?
M. François Bonhomme. - Et l'Occitanie !
M. Jean-Louis Masson. - Les habitants de l'Aube - territoire deux fois plus proche de Paris que de Strasbourg - ont été traités pendant la crise du Covid comme s'ils habitaient à Strasbourg. C'est à 200 km d'un établissement scolaire que l'on décide parfois d'un changement d'horaire de transport, et il arrive même qu'on se trompe de lieu. C'est aberrant !
M. François Bonhomme.- Exactement !
M. Jean-Louis Masson.- François Hollande et Manuel Valls ont décidé du découpage des régions sur un coin de table et l'ont modifié le jour suivant, simplement parce que Dupond ou Durand était passé ! (M. François Bonhomme approuve.)
Il serait temps de penser à faire quelque chose de pertinent !
M. Pascal Savoldelli . - (Marques d'encouragement sur les travées des groupes CRCE et SOCR) Sur la décentralisation, il y a du travail : les élus locaux ont tenu honorablement la barre pendant la crise du Covid, avec les moyens du bord.
L'organisation territoriale est le coeur de cible de la réduction de la dépense publique. Or il faut desserrer l'étau financier qui contraint les collectivités territoriales.
Nous ne voulons pas que les élus locaux soient perçus comme un coût à écrêter. Nous souhaitons au contraire qu'ils soient mieux reconnus.
Nous nous félicitons du consensus sur l'échelon départemental, partenaire des communes et intercommunalités. Son existence ne semble plus menacée.
Nous refusons que le préfet devienne une entité indépendante. Le décret du 8 avril est à ce titre déplorable. Il permet des dérogations qui font le bonheur des promoteurs immobiliers.
Vous opposez l'État et les collectivités territoriales alors qu'ils doivent être complémentaires. Dans ce système fédéral, les collectivités territoriales seraient en concurrence, ce qui favoriserait le dumping social et environnemental.
Le renvoi au pouvoir réglementaire local ne doit pas entraîner de régression par rapport à la loi.
La proposition de résolution veut consacrer la clause de compétence générale des communes. Nous aussi, mais pour tous les niveaux de collectivités territoriales. Voilà une mesure de décentralisation forte permettant de donner les moyens d'agir localement.
Il est curieux de déplorer le repli local tout en défendant la différenciation, mère des inégalités territoriales, de la concurrence et des mouvements identitaires. Notre profond attachement à une République une, indivisible et protectrice ne peut que nous faire bondir à l'idée d'énumérer de manière limitative dans la Constitution les compétences de l'État. L'État n'est pas un partenaire, cette vision managériale de la République est dangereuse.
On le sait, quand les élus locaux récupèrent des compétences, l'État se désengage, sans contrepartie adéquate. Au lieu de céder à la tentation de moins d'État et donc de marchandisation des services, demandons plus d'État. La complémentarité doit être le maître mot, avec l'État et entre collectivités. Nous nous opposons fermement à l'avènement d'un État fédéral.
Nous n'avons pas eu l'impression de lire un texte qui reprenne les excellents principes de 1982-1983, mais une résolution pour un État central qui morcelle et désagrège ses missions nationales, ce qui permettra au marché de récupérer des activités à haute valeur ajoutée.
L'abstention de nos collègues est diverse, et pas toujours argumentée. Faute de pouvoir amender une proposition de résolution, nous y serons défavorables.
M. Jean-Raymond Hugonet . - Le 25 avril 2019, en clôture du grand débat, le Président de la République a annoncé un nouvel acte de la décentralisation. Représentant des collectivités territoriales, le Sénat est aux premières loges pour y contribuer.
S'il faut se garder de tout jeter par-dessus-bord pour espérer rejoindre les rives d'un pseudo-nouveau monde, reconnaissons que de nombreuses erreurs ont été commises.
La première est de raisonner en termes de « partage » de compétences entre l'État-Nation et les pouvoirs locaux. Idéalement, la répartition des compétences est rationnelle : la défense à l'État, la collecte des ordures ménagères à un syndicat intercommunal. Mais au fil des réformes ubuesques, la cohérence s'est perdue et les Français n'y comprennent plus rien. Pour y remédier, il faut nous appuyer sur des échelons qui ont démontré leur pertinence et leur solidité, parfaitement identifiés par nos concitoyens, fruits de notre histoire et fondement de notre République : la commune et le département.
La crise sanitaire a montré que le couple maire-préfet était le plus efficace, le plus adapté, si tant est qu'on ne les considère pas comme simples agents de fabrique ou commissaires.
La déconcentration doit être renforcée pour adapter les décisions aux réalités locales. La différenciation fait partie des gènes de la décentralisation : elle constitue le meilleur moyen de réduire les inégalités territoriales et sociales.
Cela ne suppose pas un État affaibli, dépecé - au contraire ! Les préfets pourraient devenir les référents et les représentants de toutes les agences de l'État. Qui parmi nous n'a pas assisté, médusé, à une réunion de coordination départementale où le préfet se retrouve face à trois administrations sur lesquelles il n'a pas la main : l'ARS, la DDFIP et le rectorat !
Un tel sujet aurait mérité une approche plus large et moins subreptice, pour nous aider à faire abstraction d'un passé encore douloureux dont François Hollande, Manuel Valls et Marylise Lebranchu sont l'incarnation. (M. Vincent Éblé s'exclame.) Le groupe Les Républicains s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Didier Marie . - L'action des élus de terrain pendant la crise sanitaire a été unanimement saluée ; ils ont réagi avec efficacité et agilité, alors que les directives de l'État se faisaient attendre quand elles n'imposaient pas des injonctions contradictoires. À cet égard, notre proposition de résolution appelle le Gouvernement à compenser les pertes de recettes et à mettre en oeuvre dans les meilleurs délais le plan de soutien aux collectivités territoriales.
Nous demandons l'abandon des contrats léonins de Cahors, véritable carcans budgétaires, l'instauration d'une loi de financement des collectivités territoriales, adossée aux lois de finances, qui mettrait fin aux incertitudes des collectivités et serait gage de transparence.
Serait intégrée à ce cadre financier une nouvelle nomenclature budgétaire mettant en lumière les dépenses contraintes des collectivités.
La suppression de la taxe d'habitation accentue la dépendance financière des collectivités aux décisions de l'État. Dans ce contexte, une remise en cause des impôts de production est inacceptable. Nous demandons la suppression de la réforme fiscale et l'instauration d'un ratio d'autonomie fiscale. L'État doit intégralement compenser les transferts de charge ainsi que l'impact financier des normes imposées aux collectivités locales.
Les ressources et charges des collectivités sont décorrélées et les principes mêmes de la péréquation, obsolètes. Nous demandons la révision des valeurs locatives qui fossilisent les inégalités. Il serait judicieux de déterritorialiser la fiscalité économique et d'instaurer un système de prélèvement-redistribution à l'échelle d'une zone d'emploi pour favoriser la coopération au lieu de la concurrence entre territoires. Les appels à projets devaient être encadrés, voire supprimés.
Enfin, le futur cadre financier devra prendre en compte l'impératif de la transition écologique et de la soutenabilité environnementale des politiques publiques. L'État ne pourra se passer de la connaissance du terrain des collectivités territoriales. C'est à l'échelle des territoires que se jouent les enjeux de la mobilité et de la rénovation énergétique.
Une « dotation verte » permettrait de donner aux collectivités territoriales les moyens de leur action. Elle pourrait être partiellement abondée par des placements citoyens de type livret d'épargne pour la transition locale.
Tous les défis d'avenir de notre pays - transition énergétique et écologique, nouveau modèle agricole, réindustrialisation, plus grande association des citoyens - supposent un puissant mouvement de décentralisation.
Nous proposons un changement de paradigme, avec une limitation des compétences de l'État inscrite dans la Constitution, celles des collectivités territoriales devenant la règle pour tout le reste.
Comme le disait François Mitterrand, « Si la France a eu besoin d'un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd'hui besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire » (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Stéphane Piednoir . - De quoi la décentralisation est-elle le nom ? La France est un patchwork, un ensemble de provinces réunies par la guerre ou les mariages, uni par la langue française depuis l'édit de Villers-Cotterêts en 1539.
M. François Bonhomme. - Bravo !
M. Stéphane Piednoir. - Nos territoires ont conservé de fortes identités dans leurs traditions, leurs singularités culturelles et économiques. L'histoire tumultueuse de notre pays est marquée par le jacobinisme, avec la commune et le département comme échelons de base de notre administration depuis 1789.
Le vent de décentralisation du XXe siècle correspondait à de nouveaux besoins, mais a créé une superposition de strates administratives et une imbrication des compétences peu lisibles, sans compter les nouvelles dépenses de structure. Si la gestion de proximité avait du sens, l'État s'est trop souvent délesté de certaines charges.
Ne parlons pas de la désastreuse loi NOTRe...
M. Vincent Éblé. - Adoptée à l'unanimité en CMP !
M. Stéphane Piednoir. - ... par laquelle François Hollande a saccagé le travail de décentralisation des années 1970 et 1980.
M. Vincent Éblé. - Vous réécrivez l'Histoire !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - C'est la mode. (Sourires)
M. Stéphane Piednoir. - En raison de ce capharnaüm administratif, les élus locaux, devenus extrêmement méfiants, et aspirent à la stabilité. Vaccinés par la réforme des rythmes scolaires et leur corollaire, les temps d'accueil périscolaire, ils s'interrogent sur la création des 2S2C.
La confiance envers l'État s'effrite et la colère monte quand le Gouvernement rogne l'autonomie financière en supprimant la taxe d'habitation ou en retirant aux régions la gestion de l'apprentissage. (M. François Bonhomme approuve.)
La clarification des compétences est essentielle. À l'État les missions régaliennes, si malmenées ces derniers temps, aux exécutifs locaux l'administration de proximité. La clause générale de compétence pour les communes doit être garantie ; il faut un pacte financier stable qui ne soit pas remis en cause à chaque loi de finances. Cela pourrait prendre la forme d'une nouvelle nomenclature budgétaire visant à prendre en compte les dépenses contraintes.
Chassons les doublons et les compétences si croisées qu'elles en deviennent illisibles. La rénovation des bâtiments du patrimoine public serait une source considérable de gains énergétiques ; un plan État-région spécifique serait bienvenu.
Réservé sur les modalités préconisées par cette proposition de résolution, je m'abstiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Merci pour cette proposition de résolution qui nous donne l'occasion de débattre d'un sujet sur lequel vous connaissez mon engagement. La décentralisation est devenue la forme naturelle de l'organisation de notre République ; elle est gravée dans le marbre de la Constitution.
Vous avez raison de rappeler le rôle fondateur du parti socialiste dans cette évolution, mais d'autres y ont contribué, par-delà des frontières partisanes. La décentralisation est par essence un processus et appelle une réflexion, surtout après une crise sanitaire qui a mis à l'épreuve notre organisation territoriale.
Restons à l'écoute des événements, faisons preuve de prudence et de modestie, monsieur Durain, en évitant d'évoquer les succès supposés des uns et les échecs des autres. Chacun a fait son travail. On peut saluer la réussite de l'État aussi, à commencer par l'hôpital : globalement, le système sanitaire a tenu. L'État est garant de la sécurité sanitaire et sociale, cela mérite d'être rappelé.
La décentralisation est un sujet complexe. Méfions-nous des réactions hâtives. Parfois, le besoin de pérennité l'emporte sur l'envie de transformation. C'était la demande unanime des élus locaux au début de ce mandat : n'en rajoutez pas, laissez-nous digérer les réformes, disaient-ils.
Cependant, des voix se sont élevées pour demander un approfondissement de la décentralisation. La stabilité n'empêche pas la mobilité. J'ai donc lancé en janvier dernier des consultations régionales pour échanger avec les acteurs locaux sur leurs attentes en matière de décentralisation. J'ai continué à dialoguer depuis, par écran interposé, dans un climat de grande confiance.
Après une longue vie d'élue locale, j'ai acquis la conviction que la prochaine étape de la décentralisation ne devait pas être forcément la copie conforme des précédentes étapes. C'est pourquoi j'ai ajouté déconcentration et différenciation.
Mardi dernier, le Gouvernement a transmis au Conseil d'État un projet de loi organique relatif à l'expérimentation territoriale - la différenciation est le nouveau visage de la décentralisation. Au terme d'une expérimentation, l'alternative était sa généralisation ou son abandon ; dorénavant, elle pourra être pérennisée sur certains territoires. C'est une révolution - même si le droit actuel reconnaît déjà la spécificité d'un territoire, avec la loi Montagne notamment.
Fernand Braudel écrivait que « La France s'appelle diversité ». Les politiques publiques doivent s'y adapter. Il faut autoriser des réponses différentes selon les singularités des situations - ce que j'appelle le « cousu main ».
C'est pourquoi nous avons créé la collectivité européenne d'Alsace, qui pourra par exemple mener des expérimentations transfrontalières.
Nous devons assumer la complexité de l'action publique pour en tirer le meilleur parti. Inscrire dans la Constitution ce qui relève ou non du régalien n'est ni possible, ni souhaitable. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains) Quid de l'économie, du social ?
Nous ne sommes pas un État fédéral. Chacun a rappelé comment s'était constitué l'État-Nation. « L'action, ce sont les hommes au milieu des circonstances », disait le général de Gaulle.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - La loi NOTRe, tant décriée, a malgré tout eu le mérite de clarifier les compétences, ce que certains continuent de réclamer. Mais il est normal d'avoir des secteurs de compétence partagée. Souvenez-vous des heures de débat, ici même, sur la compétence culture ! On ne peut empêcher l'État, la région, le département d'avoir une politique culturelle.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Il faut le respecter, et trouver des solutions. Le plan Pauvreté signé entre l'État et les collectivités territoriales est une réussite parce qu'il reconnaît que la compétence sociale est partagée. C'est le sens de l'engagement du Gouvernement en faveur de la contractualisation et des pactes territoriaux. C'est ainsi que nous renforcerons la concorde républicaine pour mieux préparer la France aux défis contemporains et futurs.
L'organisation de l'État et de notre action doit profondément changer, a dit le Président de la République, invitant à donner plus de responsabilité à ceux qui agissent au plus près de nos vies.
M. François Bonhomme. - Amen.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Face à la crise écologique et sanitaire, il faut de nouvelles alliances entre l'État et les collectivités territoriales. « Il n'est de richesse que d'hommes », disait Jean Bodin. Notre force de caractère et notre capacité d'initiative nous permettront de faire plus et mieux.
Le projet de loi 3D approfondit la décentralisation dans le domaine de la transition écologique, du logement, du transport, et nous devons tirer les conséquences de la crise en matière de santé et de solidarités.
La réforme de l'organisation territoriale de l'État, premier sujet cité par les élus, passe par un renforcement de la déconcentration des moyens, des pouvoirs et des agents de l'État, la restauration de l'unité de la parole de l'État dans les territoires, autour du préfet de département.
M. Loïc Hervé. - Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Cette réflexion devra être menée aussi pour les agences et opérateurs autonomes de l'État.
M. Loïc Hervé. - Ô que oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je n'ouvrirai pas le débat sur les finances locales et l'autonomie financière des collectivités. Nous en débattons souvent avec Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier et Charles Guené. Le sujet va au-delà de la compensation des transferts de compétences : il faudra discuter des impôts locaux, des dotations de l'État, de l'attribution de parts d'impôts nationaux...
J'avais signé avec Yves Krattinger un rapport sur l'intelligence des territoires. Pierre Veltz évoque les mille fils tendus qui solidarisent et unissent les territoires. Notre réflexion doit prendre en compte le rôle des citoyens, des initiatives, des solidarités. Libérons les liens, multiplions les initiatives pour inventer ensemble l'avenir de notre pays. L'État sera aux côté des territoires pour garantir cohésion et équité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Patrick Kanner. - Rappel au Règlement ! Quand un sénateur interpelle le Gouvernement, il est d'usage que le ministre lui réponde.
La réforme territoriale a été évoquée mardi lors d'un déjeuner avec le Président de la République où j'étais présent. Emmanuel Macron a dit vouloir que les régions et départements passent par la « grande porte » qu'il leur propose : une grande réforme territoriale, une implication dans le plan de relance - ce qui ne serait pas compatible, a-t-il dit, avec l'organisation d'élections en mars prochain. Si les élus veulent passer par la petite porte, lui passera au-dessus, pour défendre l'intérêt général et sauver le pays.
Le Président de la République lie donc la réforme territoriale et le report des élections départementales et régionales. Nous pensons, nous, - et le président Retailleau partage cet avis - que nous sommes capables de faire les deux, en même temps. L'histoire récente a montré que des maires, même battus, se sont démenés pour aider leurs concitoyens. Donnez-nous une réponse claire. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme la présidente. - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Je ne veux pas me dérober. Vous en savez autant que moi. (Rires) Je n'ai pas assisté à votre déjeuner, mais à celui entre deux présidents de régions et le Président de la République. Le président de Régions de France s'est interrogé sur la tenue des élections au milieu du plan de relance ; le Président de la République lui a répondu en être conscient. Je n'en sais pas plus !
M. René-Paul Savary. - C'est précis...
M. François Bonhomme. - Nous voilà rassurés ! (Sourires)
La proposition de résolution est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)