Second tour des municipales (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires.
Discussion générale
M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire . - Je suis très satisfait de l'accord trouvé en CMP grâce à la compréhension de mon homologue de l'Assemblée nationale, Guillaume Vuilletet. Nous sommes parvenus à renforcer le régime des procurations, certes pas autant que je l'aurais souhaité. J'aurais pu convaincre M. Vuilletet si les services du ministère n'avaient pas exercé une vigilance excessive. (M. le ministre sourit.) J'aurais en effet souhaité qu'un électeur puisse voter pour un parent âgé, même quand il n'est pas inscrit dans la même commune.
Je me réjouis que l'essentiel des dispositions de la proposition de loi que j'ai cosignée avec les présidents Retailleau et Marseille ait été retenu dans le texte de la CMP, expurgé de ses dispositions désormais inutiles. A été maintenu le report des élections consulaires. Nous avons introduit d'intéressantes dispositions sur les représentants des Français établis hors de France. Je salue à cette occasion le travail de nos collègues Deromedi et Frassa sur la proposition de loi Retailleau ; bloqué à la porte de l'Assemblée nationale, ce texte a pu être réintroduit à la faveur de la CMP, où les députés l'ont accueilli avec bienveillance.
Nos collègues élus des Français de l'étranger ne rentreront pas bredouille : ce texte facilitera la vie de ceux qui portent la voix de nos compatriotes de l'étranger. Je me réjouis que le Sénat ait été entendu.
Nous avons obtenu beaucoup, et je suis satisfait de l'équilibre trouvé. J'invite le Sénat à adopter le texte issu de la CMP.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Je salue à mon tour le résultat de la CMP. Je regrette que le Gouvernement ne puisse participer, comme observateur, à ces conquêtes républicaines d'une chambre non sur l'autre mais avec l'autre !
Avec ce texte, nous avons de meilleures armes pour lutter contre le risque de l'abstention. Je veux insister sur la sérénité sanitaire. Si les Français savent qu'ils pourront aller voter en sécurité, ils sont peu à avoir en tête la date du 28 juin. Il faut battre le rappel. Les avis du Conseil scientifique des 8 mai et 14 juin nous ont éclairés sur le fait que le second tour pourra se tenir dans de bonnes conditions sanitaires.
Vous avez formalisé dans la loi des engagements que j'avais pris devant vous, comme la mise à disposition de masques. Le Gouvernement tient ses engagements : la quasi-totalité des départements ont reçu la dotation nécessaire pour équiper les communes le jour du vote.
Le Conseil constitutionnel, saisi de deux QPC, a validé le report du second tour et le maintien, sous réserve du contentieux électoral, des résultats du premier tour. Si vous adoptez ce texte, nous publierons dès ce soir les deux vade-mecum à destination des communes de plus et de moins de mille habitants, un décret simple sur le fonctionnement des bureaux de vote et un décret en Conseil d'État sur les procurations et l'organisation du scrutin, notamment sur le port du masque obligatoire.
Une seule mesure sera pérenne : la possibilité pour des délégués des officiers de police judiciaire de recevoir des procurations en dehors des gendarmeries et des commissariats, par exemple dans les maisons France services. Cela permettra de réduire le temps passé par les forces de l'ordre à des tâches de vérification souvent qualifiées d'indues pour se concentrer sur leur coeur de métier. Je le précise car c'est un sujet sur lequel je suis souvent interpellé.
M. Alain Fouché . - Le Président de la République a annoncé dimanche que les élections municipales se tiendraient, sauf exception, le 28 juin. Nous regrettons la situation sanitaire en Guyane. S'il faut rester prudent, l'épidémie semble en revanche sous contrôle en métropole.
Sans oublier les morts, le Chef de l'État a rappelé que notre pays a tenu bon. Je salue l'engagement du personnel médical, mais la gestion de la crise doit beaucoup à celui des élus de terrain, véritable colonne vertébrale de la République. Ils doivent pouvoir bénéficier d'une légitimité renouvelée. Quelque 16,5 millions de Français attendent encore le second tour, qui se tiendra dans des conditions toujours exceptionnelles mais meilleures qu'au premier tour. Par prudence, il fallait prévoir une possible résurgence localisée de l'épidémie. L'élargissement des procurations est une avancée majeure pour nos concitoyens vulnérables, tout comme la mise à disposition de masques. Espérons que la participation sera supérieure au 15 mars.
Au niveau mondial, le nombre de contaminations continue de croître : il était donc plus sage de reporter les élections consulaires à mai 2021. Tant que la situation ne sera pas revenue à la normale, il est souhaitable de conserver des procédures plus souples dans les assemblées locales.
Doucement la France reprend vie. Nous devons rester unis en attendant de retrouver une activité normale. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte de compromis.
M. Loïc Hervé . - Ce projet de loi aura eu un parcours peu banal : il a perdu son objet principal au cours de la navette. Le Gouvernement nous avait proposé un texte largement virtuel qui a été remodelé au Sénat pour le limiter aux dispositions strictement nécessaires et à l'organisation d'un second tour le 28 juin.
Le report des élections consulaires s'imposait au vu de l'évolution très différenciée de l'épidémie dans le monde ; les déplacements vers les bureaux de vote auraient été très difficiles. Le conseil scientifique a donc jugé opportun de reporter les élections consulaires. Je me félicite que les propositions du Sénat visant à revaloriser le statut des élus représentant les Français de l'étranger aient été adoptées.
L'article 5 permet d'annuler le scrutin, si nécessaire, dans les communes où des clusters auraient été identifiés d'ici le 28 juin. L'actualité montre que les craintes étaient hélas justifiées en Guyane.
Nous nous félicitons que le Sénat ait été entendu sur le régime des procurations. Chaque mandataire pourra bien disposer de deux procurations ; elles pourront être établies plus facilement depuis le domicile ce qui permettra aux plus fragiles de voter sans s'exposer à un risque de contamination. J'en profite pour vous demander, monsieur le ministre, de donner aux forces de sécurité les moyens de remplir ces missions. (M. le ministre opine.) Pour le premier tour, cela avait été compliqué.
Il fallait aussi adapter le renouvellement d'instances comme les syndicats mixtes, qui pourront tenir leur réunion d'installation jusqu'au 25 septembre. Ainsi, ils ne seront pas obligés de se réunir en août. Le groupe UC votera le texte issu des travaux de la CMP.
M. Jean-Yves Leconte . - Sans surprise, la CMP a été conclusive et a suivi le Sénat, tant sur la rédaction que sur le principe selon lequel la loi ne doit contenir que ce qui est nécessaire. L'avis positif du conseil scientifique a été cité, ainsi que les décisions du Conseil constitutionnel sur certains paragraphes de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020. Nous pourrons ainsi aborder avec confiance le second tour des élections municipales et les nouveaux exécutifs pourront s'atteler à la relance, sauf en Guyane, voisine du Brésil où l'épidémie fait des ravages.
Je me félicite de la possibilité d'avoir deux procurations mais je partage l'interrogation de Loïc Hervé sur les effectifs.
Il sera possible de reporter les élections en cas de foyers infectieux.
Il n'était pas raisonnable de conserver les élections consulaires alors que l'épidémie fait rage dans de nombreuses parties du monde. Les mandats actuels sont donc prorogés. On pourra suivre la mise en place du vote électronique grâce à un rapport ; c'était nécessaire après la liquidation judiciaire du prestataire. Nous avons simplifié les déclarations de candidature, vérifié l'inscription des candidats sur les listes. Les conseillers consulaires deviendront dès l'adoption de la loi les conseillers des Français de l'étranger. Je regrette que la CMP n'ait pas suivi le Sénat sur la présidence des conseils, mais cela nous laisse le temps d'échanger sur la mesure avec le ministère des Affaires étrangères et l'Assemblée des Français de l'étranger.
Le président Bas a eu une interprétation audacieuse de l'article 45 de la Constitution, puisque nous avons ajouté au texte des éléments concernant le statut des élus. Trop souvent en la matière, on a juridiquement tort parce qu'on est politiquement minoritaire. En commission, on vote, à la majorité, une disposition qui dit ce qui est recevable et ce qui ne l'est pas, sur des critères qui varient en fonction de l'opportunité politique. L'interprétation de l'article 45 ne saurait être à géométrie variable ; néanmoins, j'ai ici l'occasion rare de saluer votre audace. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean-Claude Requier . - En dépit des conditions particulières dans lesquelles nous légiférons, le dialogue parlementaire montre ses vertus et la qualité de la loi est préservée.
Le groupe RDSE avait formulé de nombreuses propositions sur les procurations. Je me réjouis que cette exigence tant démocratique que sanitaire soit satisfaite. Au Gouvernement de préparer l'administration à recueillir les procurations des électeurs.
L'esprit du texte a évolué, suivant le voeu du Sénat. Il fallait ouvrir la possibilité d'annuler le second tour uniquement dans les communes les plus touchées, avec un délai de quatre semaines pour organiser de nouvelles élections. Ayons une pensée pour nos compatriotes guyanais et mahorais.
Le texte comporte des dispositions bienvenues sur les modalités de réunion des organes délibérants des collectivités territoriales, le partage des compétences et l'organisation des exécutifs locaux.
Les précisions relatives aux élections des conseillers des Français de l'étranger ont été l'occasion d'améliorer leur statut, ce qui devrait créer des vocations : aménagements dans le rapport à l'employeur, garantie que leurs obligations d'élu n'auront pas d'effet sur leurs congés payés ou leurs droits à prestations sociales.
Chacun a conscience que la campagne sénatoriale se déroulera dans des conditions très particulières, notamment du fait de la désignation tardive des délégués municipaux. On entendra longtemps parler des conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections municipales. Les nouveaux exécutifs auront fort à faire.
Souhaitons que les leçons que nous pouvons tirer du travail parlementaire perdurent. Le dialogue institutionnel, l'écoute des territoires, la confiance dans les vertus de la délibération font la fierté de notre chambre car elles conditionnent la qualité de la décision publique au service de l'intérêt général.
Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. François Patriat . - Il y a seulement une semaine, nous examinions le texte que nous proposait la commission des lois, que le groupe LaREM soutenait. Nous soutenons aussi le texte de la CMP. Je salue la grande réactivité du Sénat qui n'a pas sacrifié son exigence technique et politique sur l'autel de la productivité légistique. Mais je ne paraphraserai pas le titre récent d'un titre de presse pour dire que le Sénat félicite le Sénat... Reste qu'efficacité et qualité du travail sont les marques de fabrique de notre institution.
Les solutions trouvées montrent notre adaptabilité. Le Parlement a su repenser ce texte au gré de l'évolution de l'épidémie. Nous avons su proposer une différenciation inédite à l'article 5 : le report des élections dans les communes de type cluster. Quelle meilleure réponse aux réalités sanitaires locales ?
Ce texte se place à la hauteur des enjeux. L'accord trouvé en CMP sur les procurations est équilibré, il favorisera la participation sans risque de fraude.
La clarification de la date d'entrée en fonction des futurs élus, l'allongement des délais de recours, la dématérialisation du dépôt de candidature pour les élections consulaires étaient des clarifications nécessaires à la reprise de la vie démocratique.
Les allègements permis par ce texte facilitent le fonctionnement des collectivités territoriales en cette période : extension de l'allègement du quorum, rétroactivité de l'indemnité, possibilité pour le conseil municipal de se réunir en tout lieu, possibilité de réunir l'assemblée délibérante par visioconférence jusqu'au 30 octobre, à l'initiative du groupe LaREM.
Le groupe LaREM votera ce texte.
Mme Michelle Gréaume . - Le feuilleton des élections municipales ne semble pas terminé : le ministère a annoncé leur report en Guyane. Le Conseil scientifique avait en effet alerté le 14 juin sur les risques à Mayotte et en Guyane, même si la situation épidémique s'améliore en métropole.
Ce projet de loi est un texte de rafistolage des conséquences en chaîne du maintien coupable du premier tour. Les mesures sur les procurations et la sécurisation des opérations de vote, financée par l'État, vont dans le bon sens mais sont bien tardives, à dix jours du scrutin. Preuve encore de la confusion dans laquelle le Gouvernement a géré l'organisation des élections...
Les mesures sur le fonctionnement des instances locales sont également les bienvenues.
Enfin, le report des élections consulaires s'imposait ; le Sénat en a profité pour améliorer le statut des conseillers représentants des Français de l'étranger.
Nous nous interrogeons sur la sécurité juridique et constitutionnelle du texte. Le casse-tête n'est pas fini : il faudra aussi trouver une solution pour les sénateurs renouvelables de Guyane puisque dans sept communes, il faudra tenir les deux tours d'ici octobre.
Nous sommes dans une situation inédite du fait de la crise sanitaire mais aussi de l'instabilité sociale et économique qui en découle.
Un sondage IFOP de cette semaine indique que seulement 38 % des Français concernés iraient voter au second tour. Les craintes d'une abstention massive sont renforcées par une étude liant premier tour et taux de mortalité du Covid.
Le groupe CRCE s'abstiendra, en cohérence avec notre position sur la gestion de ces élections par l'exécutif.
Le droit pour les citoyens d'élire leurs représentants, le respect du suffrage universel ne peuvent souffrir d'atermoiements et de petits calculs. Je songe au projet d'Emmanuel Macron de reporter les élections régionales en échange de soutien financier aux régions... Ces petits stratagèmes n'ont pas leur place en démocratie.
Mme Jacky Deromedi . - Ce texte, déposé fin mai sur le bureau de l'Assemblée nationale, visait à permettre une annulation des municipales tout en actant le report des élections consulaires. Il a beaucoup évolué depuis : voter une loi en grande partie virtuelle était pour le moins problématique. De plus, le texte était muet sur les modalités concrètes d'organisation. Il aurait été incompréhensible de s'en tenir à la seule annulation.
Les propositions de mon groupe ont globalement été retenues par la CMP : le texte est devenu un outil pour le bon déroulement du processus électoral. Je salue notamment le maintien des dispositions issues de la proposition de loi Bas-Retailleau-Marseille du 22 mai, reprises dans l'article premier. Chaque mandataire aura deux procurations au lieu d'une ; les plus vulnérables pourront les faire depuis chez elles dans un cadre simplifié. Des masques seront mis à disposition dans les bureaux de vote, financés par l'État.
Pour le bon fonctionnement des conseils municipaux, la visioconférence demeure possible. L'article 5, qui tient compte de la situation particulière de la Guyane et de Mayotte, paraît proportionné et encadré.
Quelques remarques sur les sénateurs représentant les Français de l'étranger. L'article 4 prolonge d'un an le mandat des six sénateurs de la série 2. C'était nécessaire, au vu des conditions sanitaires dans certaines parties du monde. Mais le Sénat ne s'est pas arrêté là ; il a repris plusieurs propositions de loi, de janvier 2019 et mai 2020 : prise en charge des frais de déplacement, reconnaissance protocolaire des conseillers consulaires, rapport et consultation obligatoire de l'Assemblée des Français de l'étranger sur le vote électronique ; enfin, nouvelle dénomination des conseillers consulaires, qui deviennent conseillers des Français de l'étranger.
Ce texte apporte des garanties essentielles pour l'organisation des élections municipales et consulaires ; le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Le projet de loi est définitivement adopté.
Prochaine séance, lundi 22 juin 2020, à 17 heures.
La séance est levée à 19 h 35.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication