Report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles.

Discussion générale

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur .  - J'évoquerai le paradoxe déjà évoqué : j'ai présenté il y a quelques semaines trois textes en Conseil des ministres pour prévoir le report éventuel des élections : un décret de convocation des élections municipales pour le 28 juin et deux projets de loi pour anticiper les conséquences de l'annulation des élections municipales du 28 juin.

Depuis, nous y voyons plus clair, mais il était alors nécessaire d'envisager tous les cas de figure. Nous savons désormais que les élections municipales se tiendront presque partout sur le territoire national le 28 juin, ce qui rend possible le maintien des élections sénatoriales à la période prévue.

Nous avons appuyé notre décision sur les recommandations du Conseil scientifique. Ce dernier estime que les élections consulaires ne pourront se tenir dans les délais impartis. Compte tenu de la situation sanitaire internationale, les élections consulaires auront des conséquences sur celles des six sénateurs des Français de l'étranger. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 15 décembre 2005, a jugé que pour les élections sénatoriales, le collège des électeurs devait être « en majeure partie renouvelé ». Il nous faut donc en tirer les conséquences pour les élections consulaires.

Le cas se présente également en Guyane, où sept communes devront organiser un second tour de scrutin. Compte tenu de la situation sanitaire, le Gouvernement a décidé que les élections municipales n'y auront pas lieu le 28 juin. Un décret en Conseil des ministres sera pris dès mercredi prochain.

Le projet de loi organique permet un ajustement nécessaire concernant les déclarations de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il s'agit de dispositions de bon aloi.

Ce texte est utile et nécessaire pour adapter notre calendrier électoral aux conséquences de l'épidémie et dans le respect de nos obligations démocratiques et constitutionnelles.

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - Le débat promet d'être intéressant : il concerne la démocratie. Le jour où le Gouvernement a décidé de convoquer les électeurs le 28 juin, il adoptait en Conseil des ministres deux projets de loi pour prolonger le mandat des conseils municipaux dans les communes où le renouvellement n'avait pas été complet le 15 mars et de reporter les élections sénatoriales de la deuxième série. Je ne contestais alors pas votre anticipation mais l'inscription de ces textes virtuels à l'ordre du jour prioritaire du Parlement avant même que la situation ne se soit éclaircie. C'est une question, viscéralement, de dignité pour la représentation nationale que de ne pas légiférer à blanc, comme a dû le faire l'Assemblée nationale, sur des sujets purement hypothétiques. Ce n'est pas une bonne manière de procéder pour nos institutions.

Ce projet de loi prévoyait initialement le report de l'élection des 178 sénateurs de la deuxième série, qui devait avoir lieu le 20 septembre. Le Gouvernement y a depuis renoncé. Cependant, les conseillers consulaires n'ont pas pu être élus à la date prévue. Nous avons accepté de prolonger leur mandat jusqu'à mai 2021. Dès lors, le corps électoral des six sénateurs des Français de l'étranger renouvelables en septembre 2020 n'a pas été rafraîchi, pour reprendre la terminologie du Conseil constitutionnel. Il nous faut donc procéder à un acte devant être circonscrit à un cas de force majeure, en application de notre droit constitutionnel. Le report de mandat d'élu, dont la durée est fixée par la loi, ne doit pas être décidé à la légère. Il faut qu'il n'y ait pas d'alternative.

J'ai eu de profondes hésitations sur le sujet et j'étais impatient que le Gouvernement se prononce. Il l'a fait dans la nuit de mardi à mercredi, la commission des lois se réunissant le mercredi matin. Nous devions y réfléchir. La commission des lois a considéré que ce serait faire prendre un risque énorme d'annulation des élections des sénateurs des Français de l'étranger si celles-ci devaient intervenir en septembre 2020. Il convenait donc de prolonger le mandat des actuels sénateurs.

Ainsi, si leur élection était annulée, les Français de l'étranger ne seraient plus représentés que par six sénateurs au lieu de douze pendant un certain temps. Cette confusion leur porterait préjudice.

À l'inverse, prolonger d'un an le mandat des actuels sénateurs nous semble moins risqué. La prolongation d'un an est le strict minimum : septembre 2021 semble logique au regard de la date d'élection prévue pour les conseillers consulaires.

La loi organique de 1983 indique que les élections des sénateurs des Français de l'étranger se raccrochent à l'une des deux séries. Cela ne signifie pas qu'ils en soient partie intégrante.

Selon l'article 32 de la Constitution le report d'un an de l'élection de ces six sénateurs n'a nulle conséquence sur le renouvellement partiel du Sénat. En 2021, nous n'aurons donc pas besoin de renouveler la présidence et les instances du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Christine Prunaud .  - Ce projet de loi organique, qui devait initialement concerner les élections sénatoriales, a vu son champ réduit grâce à l'amélioration de la situation sanitaire.

Malgré des difficultés réelles d'organisation de la campagne, cette évolution rend l'avis du Conseil d'État du 27 mai caduc. Le législateur jongle entre plusieurs impératifs constitutionnels qui se contredisent.

Maintenir l'élection des sénateurs des Français de l'étranger en septembre 2020 semble impossible au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005 et du report de l'élection des conseillers consulaires en mai 2021.

Je n'ai pas la même analyse que ma collègue Renaud-Garabedian sur la décision du Conseil constitutionnel qui précise que « dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat doit être élu par un corps électoral qui soit lui-même l'émanation de ces collectivités. Que, par suite, c'est à juste titre que le législateur organique a estimé que le report en mars 2008 des élections locales imposait de reporter également l'élection de la série A des sénateurs afin d'éviter que cette dernière ne soit désignée par un collège en majeure partie composé d'élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal ». Dès lors, le report de l'élection du collège électoral conduit au report de l'élection des sénateurs concernés. Nous suivons donc le Gouvernement et la commission des lois.

Je m'interroge cependant sur le sort de la Guyane et, éventuellement, sur d'autres départements. Il est théoriquement possible que certains seconds tours soient annulés en cas de nouveau foyer épidémique. Il faudrait alors légiférer sauf à créer deux régimes distincts.

Si le nombre de scrutins reportés était important, nous nous dirigerions vers une troisième série. Quid également des conseillers départementaux élus en 2015 et jamais appelés aux urnes sénatoriales ?

Prolonger le mandat de nos six collègues de la série 2 jusqu'en 2023 poserait d'autres difficultés ; car il faudrait décaler les mandats de la série 1 jusqu'en 2026 pour satisfaire à la loi organique de 1983 qui prévoit une élection partielle des représentants des Français de l'étranger à chaque renouvellement du Sénat. En plus, nous devions justifier d'un motif impérieux d'intérêt général.

Ne créons pas de troisième série. Il aurait été plus raisonnable de consulter le Conseil d'État afin de ne pas voter des dispositions dont la constitutionnalité n'est pas avérée. Aucune solution n'est parfaite.

Notre groupe réserve son vote même si la présentation de Philippe Bas nous a déjà en partie satisfaits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Alain Fouché .  - Ce projet de loi organique postule que le second tour des élections municipales ne pourra pas se tenir le 28 juin et reporte l'ensemble des élections sénatoriales de septembre, sans trancher la question du report de l'élection des six sénateurs des Français de l'étranger de la série deux, alors que celle-ci s'imposait. Je me réjouis de l'évolution du Gouvernement sur le texte, avec le dépôt de plusieurs amendements.

L'avis du Conseil d'État aurait pu nous éclairer sur des points juridiques délicats. Je regrette qu'il n'ait pas été saisi.

Puisque les élections consulaires n'ont pas eu lieu à la date prévue, trois possibilités s'offraient à nous : ne pas séparer le mandat des sénateurs des Français de l'étranger des autres ; prolonger leur mandat d'un an ; reporter leur élection jusqu'au renouvellement partiel de septembre 2023.

Le Gouvernement a estimé que les conseillers consulaires en place ne pouvaient pas élire les six nouveaux sénateurs renouvelables en septembre 2020 et propose donc le prolongement d'un an de leur mandat et de réduire à due concurrence le mandat de leurs successeurs.

Je me félicite que la commission des lois ait accepté cette position tout en l'aménageant. Il paraît en effet logique de fixer la date de septembre 2021 dans la loi, alors que le Gouvernement voulait renvoyer le choix de la date à un décret. Le respect de l'article 25 de la Constitution s'imposait en effet.

L'élection reportée des six sénateurs des Français de l'étranger constituerait un ajustement provisoire et mesuré mais aussi proportionné aux circonstances exceptionnelles qui la motivent. Ces élections s'assimileraient juridiquement à des élections partielles entre deux renouvellements du Sénat.

Pour éviter tout risque de contentieux si les sénateurs des Français de l'étranger étaient élus en septembre 2020, le groupe Les Indépendants votera le texte modifié par la commission.

M. Olivier Cadic .  - Après avoir examiné le projet de loi ordinaire relatif au report des élections consulaires la semaine passée, nous voilà réunis pour nous prononcer sur le projet de loi organique relatif au report des élections des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Nous regrettons le calendrier et la méthode avec un examen non conjoint de ces deux textes dont les sujets étaient connexes. C'est dommage, car le travail du législateur aurait été plus efficace.

Ces deux projets de loi avaient initialement un contenu plus large et plus virtuel, au cas où le second tour des élections municipales n'ait pas lieu le 28 juin. Après les avis du comité scientifique et la confirmation du Président de la République dimanche soir, nous savons désormais qu'elles auront bien lieu.

Le Gouvernement a indiqué ses intentions au Sénat si tardivement que la commission des lois n'a pas pu se prononcer la semaine dernière. Elle a dû se réunir hier matin. Reporter l'élection de toute la série 2 ou celle des seuls six sénateurs français de l'étranger, ce n'est pas la même chose. Il était donc nécessaire de mesurer la constitutionnalité des mesures proposées.

Reporter une élection n'est jamais anodin. Nous devions démontrer que c'était absolument nécessaire dans le respect des exigences constitutionnelles.

Une élection des six nouveaux sénateurs par les conseillers consulaires non renouvelés n'était pas envisageable : elle aurait très certainement été annulée par le juge constitutionnel.

La solution retenue est pragmatique et efficace. Les nouveaux sénateurs seront élus en septembre 2021 pour cinq ans afin de ne pas prolonger le décalage par rapport aux autres sénateurs.

Le texte déroge ainsi, de manière exceptionnelle et à titre transitoire, à l'article premier de la loi organique du 17 juin 1983 : les six sénateurs concernés seront élus un an après le renouvellement partiel du Sénat, le reste du calendrier sénatorial restant inchangé.

Le groupe UC soutiendra le projet de loi organique modifié par la commission des lois. Étant concerné au premier chef en tant que représentant des Français de l'étranger, je ne prendrai pas part au vote. (Mme Valérie Létard applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Nous devons choisir entre deux solutions dont aucune ne s'impose parfaitement et qui comportent toutes deux des inconvénients.

Sans la question des sénateurs de l'étranger, il n'y aurait plus rien dans ce texte car, comme l'a rappelé notre président rapporteur, nous n'avons pas vocation à légiférer sur des situations hypothétiques.

Après avoir beaucoup réfléchi, il nous apparaît que le plus simple aurait été que l'élection des sénateurs représentant les Français hors de France eût lieu en septembre 2020, en même temps que celle des autres sénateurs de la série 2.

Les sénateurs, a dit le Conseil constitutionnel le 15 décembre 2005, ne peuvent pas être élus par un collège électoral composé en majeure partie de membres exerçant leur mandat au-delà de son terme normal. Les mots importants sont : « en majeure partie ».

Si l'on permettait aux conseillers consulaires en place d'élire les six sénateurs, cela ne concernerait qu'une minorité des membres du collège électoral qui élit les sénateurs : ce n'est pas en contradiction avec la lettre et l'esprit de la décision du Conseil constitutionnel du 15 décembre 2005.

Dans l'article 32 de la Constitution, le président du Sénat est élu après chaque renouvellement partiel. S'il y a trois renouvellements, et non deux tous les trois ans, faudra-t-il élire le président du Sénat en septembre 2020 puis en élire un autre un an après, après l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger ? Cela concernerait toutes les instances du Sénat. Ce sujet pourrait susciter des interrogations pour certains de nos collègues qui pourront peut-être se reconnaître. (On s'amuse sur diverses travées.)

Ainsi, pour la Cour de justice de la République, faudra-t-il procéder à une élection en 2020 puis en 2021 ? Certes, il n'y aura peut-être plus de Cour de justice de la République à cette date, mais encore faut-il qu'il y ait une réforme constitutionnelle, monsieur le président. (Nouvelles marques d'amusement) Mais c'est un autre débat.

Il y a quelques heures, nous avons adopté un texte en CMP permettant au Gouvernement de reporter les élections municipales, notamment en Guyane. Si elles ont lieu après les élections sénatoriales, les communes non renouvelées n'auront-elles pas de grands électeurs ? Ou alors fera-t-on voter les grands électeurs déjà en place ? Mais si tel était le cas, la démonstration de notre rapporteur ne tiendrait plus.

Distinguer les sénateurs représentant les Français hors de France des autres n'est pas envisageable.

Les sénateurs représentant les Français de l'étranger font partie du corps électoral du Sénat. Si nous sommes chacun élu dans un territoire, nous sommes tous des représentants de la Nation dans son ensemble.

Tout en considérant qu'il n'y a pas de solution parfaite et qu'il soit heureux que le Conseil constitutionnel soit appelé à se prononcer sur cette loi organique, le groupe socialiste et républicain défendra l'élection des six sénateurs des Français de l'étranger en septembre prochain.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

Mme Nathalie Delattre .  - Dimanche dernier, le Président de la République a amorcé une nouvelle phase de déconfinement. Après des semaines de bilans journaliers toujours plus terrifiants, la France reprend son souffle alors que d'autres parties du monde s'enfoncent dans l'épidémie...

Le virus a aussi perturbé le cours de notre vie démocratique. En mars dernier, près de 48 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour élire leurs équipes municipales. Pour 30 000 communes, les Français sont rentrés se calfeutrer le soir même de la victoire d'une liste au premier tour. Pour les 5 000 restantes, le second tour n'a pas pu se tenir.

L'appel aux urnes du 28 juin a été un soulagement.

À notre grande surprise, un projet de loi organique visant à reporter les élections sénatoriales et les élections législatives partielles tirant les conséquences d'un hypothétique report des élections municipales a été déposé sur le bureau du Sénat.

Si les trois dernières années, et en particulier les trois derniers mois, ont mis à rude épreuve notre calendrier parlementaire, nous voici maintenant avec des projets de lois fictions. Le RDSE s'inscrit en faux contre cette évolution contre-nature.

Nous sommes capables de prendre nos responsabilités, comme nous l'avons fait pendant le confinement ou la crise des gilets jaunes, au lieu de nous pencher sur des scenarii hypothétiques et opposés.

Notre pays est déconfiné mais en piteux état : 800 000 emplois seraient supprimés d'ici la fin de l'année. Au lieu de nous consacrer à ce sujet, nous avons passé des heures sur une fiction.

Mais la commission des lois en a fait une boîte à outils pour des problèmes réels. Elle a sifflé la mi-temps, en recentrant ce projet de loi organique sur les sénateurs représentant les Français de l'étranger, en raison de l'impossibilité d'organiser les élections consulaires dans des pays où l'épidémie fait rage.

Le texte prend acte du report des élections consulaires des Français de l'étranger, en repoussant l'élection de leurs sénateurs d'un an.

Nous sommes également satisfaits de l'amendement du rapporteur validant l'interprétation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique quant aux obligations déclaratives des parlementaires pendant la crise sanitaire.

Le RDSE n'aime pas la politique-fiction et se réjouit de la forme finale de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et LeRépublicains)

M. Richard Yung .  - M. Cadic a dit qu'il s'abstiendrait étant partie prenante. Je me suis donc interrogé : dois-je faire la même chose ? Après réflexion, j'estime que nous sommes des sénateurs de l'ensemble de la Nation et pas seulement des Français de l'étranger. Je participerai donc à la discussion et au vote.

Nous nous heurtons à la difficulté qu'il y a plus de 190 pays dans le monde dont la situation sanitaire et les législations sont très différentes. La situation ne sera pas stabilisée au 20 septembre 2020. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger sont bien conscients de cette réalité.

Le projet de loi organique originel reportait l'élection de l'ensemble des sénateurs de la série 2. Le Président de la République a confirmé que le deuxième tour des municipales se tiendrait le 28 juin, à l'exception de la Guyane. Nul besoin donc de reporter les sénatoriales.

Si la France a réussi son déconfinement, il n'en est pas de même ailleurs dans le monde.

L'élection des 447 conseillers consulaires a été reportée à mai 2021, or c'est l'essentiel du corps électoral des sénateurs de l'étranger. Je salue ce choix salutaire.

Nous aurons alors un corps électoral rafraîchi en septembre 2021 pour l'élection des six sénateurs.

Le Gouvernement et le rapporteur de la commission des lois ont fait preuve d'une grande flexibilité et d'une grande créativité.

La solution ayant la faveur d'une majorité de sénateurs est le report d'un an de l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Peut-on scinder le renouvellement ? Je n'ai pas d'idée arrêtée là-dessus. Le bon sens le recommande mais nous verrons ce que disent le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel. Le mandat des six nouveaux sénateurs élus en 2021 sera raccourci d'un an pour que nous retombions sur nos pieds au bout de cinq ans.

La solution de la commission des lois est la plus prudente. C'est pourquoi le groupe LaREM votera le projet de loi organique modifié.

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je n'évoquerai pas la genèse de ce projet de loi, préférant me concentrer sur les sénateurs représentant les Français de l'étranger. Le groupe Les Républicains votera en majorité ce texte.

Le sujet est délicat, car technique. Il réclame une analyse du droit constitutionnel. De plus, si les sénateurs représentant les Français de l'étranger existent depuis la IVe République, il n'y a pas de précédent, donc pas de jurisprudence du Conseil constitutionnel pour nous éclairer.

Enfin, de la solution retenue découlera la constitutionnalité, ou non, de l'élection avec pour enjeu la complétude du Sénat.

Il y avait trois solutions : conserver la date initiale mais avec un collège électoral « périmé », procéder à l'élection après le renouvellement des conseillers consulaires, en 2021, ou proroger le mandat des six sénateurs jusqu'au prochain renouvellement dans trois ans.

La solution n'avait rien d'évident et les désaccords entre les membres de notre commission des lois en témoignent : MM. Bas et Richard ont longuement évoqué ces sujets de droit constitutionnel. Il n'y a en effet pas de certitude en la matière.

La question est simple : quel est le choix le plus respectueux de la démocratie ?

Premier principe : s'assurer que la représentativité des électeurs ne soit pas « défraîchie », selon le mot du Conseil constitutionnel. La proposition de la commission des lois y pourvoit.

Second principe : que le droit de suffrage de l'électeur s'exerce selon une « périodicité raisonnable », dit le Conseil Constitutionnel. Il admet la prorogation d'un mandat en fonction d'un motif d'intérêt général, et de façon « exceptionnelle et transitoire ».

Là encore, la prorogation d'un an des mandats y satisfait. Cette proposition est donc la moins risquée de toutes. C'est pourquoi le groupe Les Républicains suivra la commission des lois et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Christophe Castaner, ministre .  - Mme Jourda l'a dit, il n'y a pas de certitude absolue mais un faisceau d'indices sanitaires et jurisprudentiels, d'où notre proposition.

Monsieur Yung, il est tout à fait possible d'organiser, pour un même collège de sénateurs, une élection à deux dates différentes.

Monsieur Sueur, j'estime que la distinction entre renouvellement partiel et élection partielle permet de ne pas convoquer par deux fois le Sénat à élire son président à un an d'intervalle.

En Guyane, sept des 22 communes seront appelées aux urnes pour le deuxième tour des municipales : par conséquent, le collège électoral sera suffisamment rafraîchi pour répondre aux exigences du Conseil Constitutionnel avec les réserves d'usage.

En revanche, maintenir l'élection des six sénateurs des Français de l'étranger avec les mêmes grands électeurs leur aurait permis de voter en 2020, après 2017 et 2014 : le besoin de renouvellement est donc bien réel.

La discussion générale est close.

M. Philippe Bas, rapporteur .  - La question posée est celle de l'élection des six sénateurs des Français de l'étranger en septembre 2020, sans renouvellement du collège électoral. Si la jurisprudence du Conseil constitutionnel l'empêche, il faut une solution qui réponde aux exigences de la démocratie, telles que le Conseil constitutionnel les a interprétées avec bon sens.

La solution est alors celle que nous avons retenue, à savoir une prolongation de ces mandats pour un an.

Que viennent faire la Guyane et l'élection du président du Sénat dans ce débat ? L'article 32 de la Constitution fait référence au renouvellement partiel du Sénat, c'est-à-dire celui qui intervient tous les trois ans.

Les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont, eux, rattachés à une série, par la loi de 1983, mais n'en font pas pleinement partie.

Il n'y a un renouvellement partiel que tous les trois ans s'il faut reporter l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France, un an pour un cas de force majeure, afin d'assurer le bon fonctionnement de l'expression du suffrage universel indirect, nous devons considérer qu'il n'y a pas d'incidence sur le renouvellement des instances du Sénat. Les six sénateurs toujours en place, de plus, participeront pleinement, en octobre, à cette désignation.

La Guyane, c'est un autre sujet.

Dix-sept des vingt-deux conseils municipaux, soit 75 % des conseillers municipaux, ont été renouvelés dès le 15 mars. Même en cas de report du second tour, le corps électoral aura été majoritairement renouvelé à l'échelle du département, qui est celle de l'appréciation de cette majorité.

Maintenir le renouvellement des six sénateurs des Français de l'étranger est un risque majeur ; notre solution n'en présente pas.

La commission des lois a cependant besoin de se réunir brièvement pour examiner certains amendements qui nous sont parvenus tardivement.

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 17 h 55.

Rappel au Règlement

M. Philippe Dominati .  - C'est la deuxième fois en quelques jours que le Sénat débat d'une loi électorale. Or les restrictions sanitaires nous empêchent d'aborder au fond des sujets qui touchent au statut des parlementaires : des membres d'une série ne seront pas élus en même temps que leurs collègues.

Les conditions de ce débat frisent l'inconstitutionnalité : la commission des lois vient de se prononcer en cinq minutes, certes dans une salle attenante à l'hémicycle, et non pas à la buvette (Sourires), sur des dispositions modifiant l'élection d'une série générale au Sénat. C'est inacceptable à mes yeux. Il convient que le Bureau du Sénat note qu'à deux reprises, nous n'avons pu débattre sereinement d'une loi électorale.

Mme la présidente.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Pierre Sueur .  - Une observation pour M. le ministre : il y a une certaine incohérence dans vos propos sur le « rafraîchissement ». En Guyane, nous dites-vous, dans six des vingt-deux communes l'élection municipale n'aura pas lieu avant l'élection sénatoriale, soit 25 % des conseillers municipaux. Pour nous, ce n'est pas un problème : nous le comprenons.

Mais si l'élection des six sénateurs représentant les Français de l'étranger avait lieu en septembre 2020, la situation serait la même : le collège serait non rafraîchi pour six sénateurs sur 174. Ce n'est pas non plus une majorité.

À partir du moment où le raisonnement est accepté pour la Guyane, pourquoi le refuser pour les sénateurs des Français de l'étranger ? Je tenais à ce que cela fût dit afin que cette contradiction apparaisse clairement.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Renaud-Garabedian, Dindar, A.M. Bertrand et Noël, MM. D. Laurent, Sido, Bouchet et Magras, Mmes Berthet, Morhet-Richaud et Imbert, MM. Chatillon, Bonhomme et P. Dominati, Mmes Boulay-Espéronnier et Canayer, MM. Laménie, Lefèvre, Raison, Calvet, Wattebled et Duplomb, Mme Garriaud-Maylam et M. Decool.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L.O. 276 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'élection des sénateurs d'une même série a lieu le même jour. »

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Le projet de loi organique dont nous débattons est inédit. C'est la première fois que se pose la question du renouvellement sénatorial dans des circonscriptions où les grands électeurs n'auront pas été renouvelés. C'est la conséquence de la pandémie mondiale ; elle peut très bien reprendre. L'enjeu est donc dans le précédent.

Nous proposons d'intégrer dans la loi que l'élection des sénateurs d'une même série soit indissociable. La jurisprudence du Conseil constitutionnel en 2005 se fondait sur une série de sénateurs pas sur des cas individuels.

Accepter le décrochage de six sénateurs des Français de l'étranger concernés par le report c'est entériner le principe même d'une réduction de mandat de membres de cette assemblée pour la première fois, ainsi qu'une inégalité, qui les privera de la possibilité de briguer tout poste au Bureau, de présidence de commission voire de la présidence du Sénat.

Le Conseil d'État n'a pas pu se prononcer sur cette loi organique, le Gouvernement ayant introduit ces dispositions par voie d'amendements. Si le Conseil constitutionnel émet un avis, ce sera forcément priori et surtout la situation en Guyane sera définitive.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable, même si nous partageons certaines de vos interrogations. S'il est vrai que l'élection des sénateurs représentant les Français hors de France doit avoir lieu en même temps que le renouvellement du Sénat, il ne sert à rien de le réinscrire dans la loi. Cela figure déjà dans la loi organique de 1983.

Pourquoi devrions-nous y déroger sinon pour un cas de force majeure impliquant l'expression de la souveraineté nationale au sein du Parlement ?

Nous ne devons pas nous prononcer sur la suppression de six sénateurs. Les sénateurs désignés selon la loi organique seront de plein exercice et pourront participer aux élections internes et se porter candidats lors du renouvellement partiel du Sénat.

Prolonger le mandat des parlementaires est une solution désagréable, pour nous, d'une certaine façon, contradictoire avec l'exigence démocratique. Cela ne peut se faire qu'en cas d'impératif majeur, incontournable et supérieur, ce qui est ici indéniablement le cas. Avis défavorable, donc, en soulignant la qualité des arguments présentés pour soutenir cet amendement. 

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis défavorable également pour les mêmes arguments juridiques. Votre amendement laisse à penser que le Gouvernement aurait voulu imposer à la Haute Assemblée une modification substantielle de son mode de renouvellement.

Nous ne voulons que répondre à la situation exceptionnelle de la crise. J'espère que notre discussion vous aura rassurée quant à la dimension politique de la mesure, dont la solidité juridique a été démontrée par le président Bas.

Mme Jacky Deromedi.  - Cet amendement inscrit dans le marbre de la loi le principe de l'élection des sénateurs d'une même série dans le même temps, toutes catégories confondues : métropole, outre-mer, Français de l'étranger. Il oublie les circonstances exceptionnelles d'une crise. Sa motivation constitutionnelle ne résiste pas aux arguments concordants de notre président-rapporteur et du Gouvernement.

Il suggère que les électeurs pourront voter par procuration faute de pouvoir se déplacer jusqu'aux urnes.

À ce jour, 50 % des pays sont encore en situation de confinement strict ou au début du déconfinement très progressif. Nul ne sait ce qu'il en sera en septembre.

Comment les élus pourraient-ils se déplacer dans les différents postes diplomatiques et bureaux de vote à l'étranger si cette situation perdure ?

Pour obtenir une procuration, il faut se déplacer au moins une fois. Cette élection concerne près de 500 électeurs répartis dans des pays aux situations sanitaires diverses. À quoi bon élire six sénateurs si le collège électoral est ensuite déclaré inconstitutionnel ?

Je voterai contre cet amendement.

M. Alain Fouché.  - Les sénateurs prolongés d'un an pourront exercer un certain nombre de fonctions. Ceux qui seront élus dans un an ne pourront pas y accéder, car elles auront déjà été attribuées. C'est incontestablement une source d'inégalité.

M. Ronan Le Gleut.  - L'épicentre de l'épidémie est désormais en Amérique latine : au Brésil, au Pérou, au Chili, en Équateur, en Colombie, plus de 750 000 Latino-Américains ont contracté le virus.

Le report des élections consulaires est une évidence du point de vue de la situation sanitaire.

Le report à 2020 pose la difficulté de la complétude du collège électoral. Dans les 130 circonscriptions consulaires, un certain nombre d'élus de 2014 ne vivent plus dans le pays où ils étaient expatriés au moment de leur élection de sorte que les sièges à pourvoir au sein du collège électoral ne sont plus remplis.

La question du risque majeur mentionnée par M. Bas est essentielle. Dans un scénario d'annulation des élections, les 1,7 million de Français vivant hors de France ne seraient plus représentés au Parlement que par moitié. Je voterai contre cet amendement.

M. Christophe-André Frassa.  - Deux solutions pas plus convaincantes l'une que l'autre s'offraient à nous. Des deux maux, la commission des lois a choisi le moindre.

L'impossibilité de faire venir les élus pour qu'ils votent à cause des restrictions sanitaires a pour conséquence une probable invalidation du scrutin. Le report peut certes ne pas sembler satisfaisant. Mais cette proposition de loi organique est de conséquence, après que nous eussions adopté, la semaine dernière, la loi de report des élections consulaires.

En 2021, nous reprendrons le cours logique du processus électoral brutalement interrompu par l'épidémie en mars. Je voterai contre cet amendement.

M. Philippe Dominati.  - Cette loi organique touche au statut et au mandat de tous les sénateurs. Avec ce projet de loi organique, c'est une boîte de Pandore que nous ouvrons en prévoyant que des sénateurs puissent être élus pour cinq ans. Que ferons-nous en cas de raz-de-marée en Vendée, dans la Manche, ou à Paris, pourquoi pas ? (Sourires) Prévoirons-nous un mandat sénatorial de trois ans et demi ou quatre ans en attendant le rétablissement de la situation ?

Respectons la cohérence du mode d'élection du Parlement. En désolidarisant l'élection de certains sénateurs de celle de leur série, vous cassez la mécanique électorale propre au Sénat, à savoir le renouvellement par moitié. Cela aurait mérité un véritable débat. Je voterai cet amendement, même s'il met en danger l'élection des sénateurs de l'étranger.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - Merci, monsieur le président Bas, de m'avoir félicitée. Je visais surtout les nouveaux sénateurs élus pour cinq ans qui ne pourront pas se présenter à l'élection d'un bureau par exemple.

Au mois d'octobre, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) réunira son assemblée générale. Une centaine de ses membres environ se déplaceront pour cela à Paris. Les quelque 500 conseillers consulaires qui élisent les sénateurs représentant les Français de l'étranger ne devraient pas rencontrer davantage de problèmes à s'y rendre pour cette élection.

Par ailleurs, le nombre de conseillers consulaires qui ne seraient plus en poste dans leur circonscription est infime.

Les sénateurs des Français de l'étranger font partie intégrante d'une série. Je maintiens ma position sans craindre l'invalidation car le Conseil constitutionnel donnera un avis a priori.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous devons choisir entre des inconvénients. Aucune solution n'est parfaite. Avec ce texte, nous mettons le pied dans un renouvellement progressif du Sénat, en fonction du renouvellement des collectivités qu'il représente. C'est nouveau ! Le Sénat joue un rôle de stabilisateur et de chambre complète dont les instances sont renouvelées. Le texte modifie le fonctionnement du Sénat. Ce soir, avec l'idée d'un renouvellement progressif, nous faisons évoluer le Sénat vers le Bundesrat. Est-ce vraiment ce que nous voulons ? La semaine dernière, nous avons proposé un amendement visant à compléter le dispositif par un renouvellement complet. Et maintenant vous nous dites que ce ne sera pas possible à cause de la pandémie. Un peu de cohérence !

Je voterai cet amendement qui maintient le Sénat dans son rôle de chambre de plein exercice et complète.

M. Richard Yung.  - Monsieur Dominati, ce débat n'a rien de bâclé. Les arguments ont été étayés depuis une semaine. Vous vous étonnez du prolongement d'un an pour certains sénateurs. Rien de nouveau là-dedans : j'ai moi-même bénéficié d'un mandat prolongé d'un an à la demande de la commission des lois. (Exclamations et félicitations) C'est la seconde fois, je n'y suis pour rien... (Sourires)

Le fait que la moitié des représentants des Français de l'étranger soient élus en même temps que la série 1 ou 2 ne signifie pas qu'ils appartiennent à ces séries ? M. Bas l'a bien dit.

Enfin, dans toutes les élections partielles, les nouveaux entrants sont privés de participation à certaines fonctions.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - En présence d'un cas de force majeure, il faut veiller à circonscrire de la manière la plus minimaliste possible les effets auxquels nous sommes confrontés.

En 2005, cinq sénateurs d'un département français ont vu leur élection annulée. Veillons à ne pas donner des effets disproportionnés à ce type d'accidents.

Aujourd'hui, nous connaissons l'incident avant l'élection, ce qui nous oblige à intervenir. Nous devrons traiter la situation de nos collègues élus en 2021 exactement comme nous avons l'habitude de le faire.

M. Dominati s'inquiète de dérogations disproportionnées au code électoral sans motif d'intérêt général. Mais la crise sanitaire mondiale n'en est-il pas un ?

Nous sommes assujettis au respect de la démocratie. Nous devons compléter le corps électoral et le renouveler démocratiquement. Nous sommes tous favorables, pour la légitimité du Sénat, que chacun soit élu par un corps électoral représentatif. Il faut limiter la prolongation de la durée des mandats, afin d'éviter tout risque constitutionnel.

À défaut, je crains une annulation des élections des six sénateurs concernés, des sièges vacants et l'obligation de voter, piteusement, six ou sept mois plus tard, une nouvelle loi organique pour prévoir une nouvelle élection.

Ce serait désastreux pour le Sénat. Je n'ai pas accepté la proposition du Gouvernement de gaieté de coeur. J'aurais préféré que nous ayons pu travailler dans des conditions normales, avec un avis en amont du Conseil d'État. Nous avons fait de notre mieux pour assurer la sécurité juridique de ce dispositif.

M. Olivier Cadic.  - Si nous suivons la logique de l'amendement, les conseillers consulaires élus en 2021 ne voteraient qu'une fois pour les élections sénatoriales, soit pour la moitié seulement des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Nous les priverions alors d'une partie de leurs missions.

À la demande de la commission des lois, l'amendement n°1 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°122 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption   75
Contre 262

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°123 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 264
Contre   73

Le Sénat a adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

L'article premier bis est adopté.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 demeure supprimé.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

Interventions sur l'ensemble

M. Philippe Dominati .  - Nous modifions l'organisation du Sénat et le statut du Sénat. C'est un événement solennel.

Je souhaite que nous n'ayons pas à débattre d'un report des élections régionales dans des conditions aussi abracadabrantesques la semaine prochaine.

M. Philippe Bas, rapporteur .  - Je souhaite saisir cette occasion pour dire au ministre ce que je pense de cette affaire. S'agissant de la prolongation d'un mandat, il faut un motif d'intérêt général ; il faut qu'il soit très important, que la prolongation des mandats soit nécessaire et que la durée soit appropriée audit motif allégué.

Je suis convaincu que même s'il y a une réforme des régions, il n'existera pas de tels motifs de report des élections régionales pouvant être acceptés par le Conseil constitutionnel comme par nous-mêmes.

Un report de vingt mois tel qu'évoqué par le Président de la République m'apparaîtrait profondément anormal.

Je n'ai absolument pas l'intention, en faisant des propositions pour l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger, d'ouvrir la porte à ce que je considérerais comme une mesure attentatoire aux principes démocratiques.

M. Michel Canevet .  - Sauf les membres du groupe UC qui ne prendront pas part au vote, nous voterons ce texte pour pouvoir tenir l'échéance pour les autres sénateurs de la série 2.

Je saisis cette occasion pour interroger le ministre sur les échéances à venir, qui concernent ceux d'entre nous qui sont candidats...Je ne reviens pas sur les réflexions, que je partage, sur l'éventuel report des élections régionales, évoqué lors des questions d'actualité, voire d'autres élections...Mais il est légitime que des discussions aient lieu entre le Président de la République, le président de l'Association des régions de France et d'autres acteurs. Les conditions juridiques rappelées par le président Bas doivent être respectées.

Monsieur le ministre, sans évoquer dès à présent le texte qui va suivre, je propose que les conseils municipaux puissent être convoqués dès le vendredi 10 juillet pour l'élection ou la désignation des grands électeurs puis le dimanche 27 septembre pour le jour de l'élection.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Christophe Castaner, ministre .  - J'ai répondu lors des questions d'actualité sur un éventuel report des élections régionales. Les discussions entre le Président de la République et les présidents de région sont légitimes. Il faudra évidemment un motif d'intérêt général. Mais ne perdons pas de temps à discuter d'une hypothèse sans base légale.

Les élections sont convoquées par décret. Je proposerai la convocation des conseils municipaux le vendredi 10 juillet pour désigner les grands électeurs, qui éliront les sénateurs le 27 septembre - soit le dernier dimanche du mois, comme c'est l'usage.

M. Alain Fouché .  - J'ai cinquante ans de vie politique, ayant été l'un des plus jeunes élus de mon département, et je puis vous assurer que tenir le même jour les élections départementales et régionales ne serait pas une bonne chose. C'est la meilleure façon de favoriser l'extrême droite, qui traditionnellement vote peu aux départementales.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°124 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 262
Contre    73

Le Sénat a adopté.