Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Démission et remplacement d'un sénateur
Modification de l'ordre du jour
Listes électorales pour le référendum en Nouvelle-Calédonie
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Poste de police nationale d'Hérouville-Saint-Clair
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer
Sécurisation des passages à niveau
Sécurisation de la Nationale 20 en Ariège
Suspension du cabotage routier
Victimes de la sécheresse-réhydratation des sols de 2018
Terminal 4 à l'aéroport de Roissy
Biocarburants français et importation de soja américain
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Lutte contre le piratage du sport
M. Franck Riester, ministre de la culture
M. Franck Riester, ministre de la culture
Surveillance des abords des prisons
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Restitution des biens mal acquis aux populations spoliées
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Démarchage téléphonique abusif
Situation des industriels forains
Annulation des charges des TPE
Conséquences de la réforme de la taxe d'habitation
Plan de soutien à l'industrie du décolletage
Manque de places dans les services pour enfants handicapés dans le Haut-Rhin
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
Missions des agents sécurité incendie et d'assistance aux personnes
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Tests sérologiques en officine
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Souveraineté et indépendance sanitaires
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Gestion du linge dans les établissements publics de santé
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Accueil des enfants en situation de handicap par les assistantes maternelles
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Transformation des jardins d'enfants
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Contrats de plan État-régions 2021-2027
Pôle de santé pluridisciplinaire à Langon
Centres d'accueil des demandeurs d'asile et logement social
Plan de relance pour l'industrie du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie
Prise en charge des enfants handicapés scolarisés à l'étranger
Convocation du Parlement en session extraordinaire
Don de chèques-vacances au personnel sanitaire et médico-social (Procédure accélérée)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales
Ordre du jour du mercredi 17 juin 2020
SÉANCE
du mardi 16 juin 2020
92e séance de la session ordinaire 2019-2020
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Guy-Dominique Kennel.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Démission et remplacement d'un sénateur
M. le président. - M. Martial Bourquin a fait connaître qu'il se démettait de son mandat de sénateur du Doubs, décision qui a pris effet le 15 juin à minuit. Il est remplacé par Mme Marie-Noëlle Schoeller dont le mandat de sénatrice a commencé ce jour à minuit. Nous lui souhaitons la bienvenue.
Modification de l'ordre du jour
M. le président. - La CMP sur le second tour des élections numériques est parvenue à un accord. En conséquence, il n'y aura pas séance ce jeudi 18 juin.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle trente-quatre questions orales.
Listes électorales pour le référendum en Nouvelle-Calédonie
M. Pierre Médevielle . - La Nouvelle-Calédonie est engagée depuis vingt-deux ans dans le processus de l'accord de Nouméa qui se conclut par trois référendums d'autodétermination dont le premier, qui a eu lieu le 4 novembre 2019, a donné une majorité claire en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.
Lors de ce premier scrutin, les personnes de statut coutumier et les personnes de droit commun nées en Nouvelle-Calédonie avaient été inscrites de manière automatique sur les listes électorales.
Cependant, pour le deuxième scrutin, seules les personnes de statut coutumier, c'est-à-dire les Kanaks, pourront être inscrites automatiquement, les natifs de droit commun devant effectuer des démarches complexes pour s'inscrire.
Lors du comité des signataires du 10 octobre 2019, devant l'opposition de l'ensemble des partis loyalistes, le Gouvernement s'est engagé à faire le nécessaire pour que 100 % des natifs soient inscrits.
Au 31 décembre 2019, cet objectif était loin d'être atteint. Cette situation a été dénoncée publiquement par les présidents de groupes majoritaires du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, par la présidente de l'Assemblée de la Province Sud et par le président du gouvernement local.
Quelles mesures sont envisagées pour lutter contre cette discrimination qui pourrait aboutir à un résultat favorable à l'indépendance en raison d'un traitement inéquitable des listes électorales par l'État, et conduire par conséquent à une contestation du résultat ?
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - La liste électorale spéciale dispense certaines catégories d'électeurs de toute démarche pour s'inscrire.
Pour le deuxième référendum, il a été décidé sur proposition du Congrès de Nouvelle-Calédonie, à 52 voix sur 54, de modifier cette disposition pour cette seule consultation.
Au comité des signataires d'octobre 2019, il a été décidé par compromis que les « natifs n+3 ans » seraient contactés et incités à s'inscrire sur les listes avant fin 2019.
Quelque 1 994 identités ont été repérées. Quelque 751 identités, soit 71 % des 1 053 non inscrits ont pu l'être. Sur les 941 autres identités, après 228 courriers, 112 personnes se sont inscrites.
Le solde correspond à ceux qui ont quitté le territoire ou n'y ont plus d'activité. Il n'y a pas de discrimination. J'ajoute qu'il serait dommageable de faire planer un soupçon d'insincérité sur la prochaine consultation...
M. Pierre Médevielle. - Les faits sont là. Il y a discrimination sur la consonance des noms ; tout est matière à tension, comme le drapeau présent sur les documents officiels.
Les démarches d'inscription sont longues et fastidieuses, elles sont imposées à ceux qui n'ont pas le statut coutumier. J'espère que le scrutin ne sera pas faussé.
Poste de police nationale d'Hérouville-Saint-Clair
Mme Sonia de la Provôté . - Classée en zone de sécurité prioritaire, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, dans le Calvados, souffre d'une baisse des effectifs du poste de police depuis plusieurs années. D'où une présence insuffisante d'agents de la police nationale sur la voie publique pour lutter contre l'insécurité. Suite au meurtre d'un jeune homme de 18 ans en mai 2019, qui a marqué tout le monde, aucune amélioration n'a été constatée.
Le maire de la commune déplore en outre des prises de postes par les agents de police d'Hérouville-Saint-Clair dans la commune voisine, tous les matins et tous les soirs, ce qui diminue d'une heure leur présence sur le terrain. Citons aussi les transferts vers le centre de rétention administratif de Rouen, qui ne relèvent pas de leurs attributions.
Les mises à disposition des auteurs d'infractions au commissariat de Caen par les agents de la police municipale plutôt qu'à celui d'Hérouville-Saint-Clair, en vertu de l'article 73 du code de procédure pénale, posent également problème. En effet, cela nuit à la nécessaire proximité de l'action publique en matière de sécurité.
Que proposez-vous pour améliorer le fonctionnement du poste de police nationale d'Hérouville-Saint-Clair ? Ce n'est pas un cas isolé.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer . - En l'absence de M. Nunez, je vous communique sa réponse.
Nous partageons les mêmes objectifs. Quelque 11 000 heures ont été consacrées par les policiers de la commune d'Hérouville Saint-Clair en 2019 à des missions de voie publique.
En décembre 2019, une nouvelle convention de coordination entre la police municipale et la police nationale a été signée. C'est un partenariat vivant, dynamique.
Quant aux effectifs du commissariat, la circonscription de police de Caen a 464 agents, contre 459 fin 2016. Le commissariat sous-divisionnaire d'Hérouville a vu ses effectifs maintenus, le nombre de gradés et de gardiens supérieurs.
Les horaires d'intervention n'ont pas été réduits et la présence de la police est assurée à chaque fois que nécessaire.
La mise à disposition des personnes arrêtées au commissariat de Caen est destinée à permettre aux agents d'Hérouville de se concentrer sur leurs tâches sur le terrain.
Les violences physiques ont diminué de 11 %, les atteintes aux biens ont diminué de 30 % dans les communes et le nombre de faits élucidés a augmenté de 3 %.
Mme Sonia de la Provôté. - À l'heure où nos forces de l'ordre ont besoin d'un soutien sans faille, il est vital de mettre en oeuvre des moyens à la hauteur, notamment en zone de sécurité prioritaire. Cela doit se traduire par une présence dissuasive et active, sur place. La proximité est la clé de la réussite, pour la sécurité comme pour les autres politiques publiques.
Sécurisation des passages à niveau
M. Dany Wattebled . - Le principal problème du pays est la pandémie mais il existe une autre cause de mortalité préoccupante : les accidents aux passages à niveau.
Une collision sur deux entre un train et une voiture est mortelle pour l'automobiliste. Sur la période 2011-2017, on dénombre 224 collisions, 219 tués et 105 blessés graves voire très graves.
Le nombre d'accidents est certes en baisse depuis dix ans mais ils restent trop nombreux. Ils sont essentiellement dus aux comportements inappropriés des usagers de la route lors de traversées de passages à niveau. Mais il existe des solutions techniques, comme le détecteur d'obstacle sur passage à niveau automatique (Dopna), système français dont le coût est estimé à 50 000 euros par installation ! J'ai posé une question au Gouvernement et transmis un dossier au ministre. Pourquoi le ministère des Transports ne répond-il pas à un sénateur de la République ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Voici les éléments que M. Djebbari m'a transmis.
Les accidents de passage à niveau sont la deuxième cause de mortalité sur les lignes de train. Les accidents d'Allinges, de Millas nous rappellent douloureusement la réalité de la dangerosité des passages à niveau, dont la sécurisation est impérative.
M. Djebbari a présenté un plan d'action le 3 mai 2019 dont un premier bilan a déjà été présenté. Il est axé sur le renforcement de la connaissance des passages à niveau, la prévention et la sanction, les aménagements et une meilleure gouvernance nationale et locale. Les crédits consacrés à cette question augmenteront de 40 % d'ici à 2022.
Cinq passages à niveau disposent d'un radar dit Lidar en cours d'expérimentation par SNCF Réseau. Les résultats de cette expérimentation ne sont pas encore connus. Le dispositif Dopna n'est pas entièrement automatisé, il est piloté par un opérateur qui observe un écran. Le niveau de réaction n'est pas suffisant. SNCF Réseau a donc décidé d'y renoncer.
La LOM inclut plusieurs mesures nouvelles. Un bilan sera fait à l'été 2020.
M. Dany Wattebled. - Le système Dopna repose sur quatre capteurs et une télétransmission au conducteur. Il est issu d'un brevet. La moindre des choses aurait été de justifier l'abandon du système auprès des étudiants ingénieurs qui l'ont développé. Faire appel à des solutions étrangères et non françaises me pose problème.
Sécurisation de la Nationale 20 en Ariège
M. Alain Duran . - Le protocole d'itinéraire sur la RN20 en Ariège, signé le 22 mars 2017, précise un projet global d'aménagement et identifie les opérations prioritaires et leur financement. Il comprend également un volet d'accord international entre la France et l'Andorre sur les travaux de sécurisation contre les risques naturels sur la RN 20 entre Tarascon et l'Andorre.
L'ensemble des engagements financiers pris s'élèvent à 158 millions d'euros.
J'ai interrogé la ministre de la Transition écologique et solidaire, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, sur les engagements financiers de l'État. Ceux de la région et du département ont déjà été clairement actés à hauteur de 27 millions d'euros chacun et le gouvernement andorran en a fait de même à hauteur de 10 millions et demi d'euros.
La ministre m'avait alors assuré qu'elle serait « attentive, dans le cadre de la programmation des contrats de plan État-région, à ce que les engagements pris en 2017 dans l'accord franco-andorran soient honorés ».
Le Président de la République a affirmé la même chose lors de son déplacement en Andorre en septembre 2019, précisant son souhait de continuer les investissements en termes d'infrastructures, d'élargir la route nationale, de procéder aux travaux facilitant l'accès à Andorre, en particulier.
Or un flou subsiste quant à l'intégration de ces travaux dans le contrat de plan État-région, d'autant que la ministre de la Transition écologique et solidaire, lors de son audition par la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2020 avait précisé que le volet mobilité, qui représente 50 % des crédits des CPER, serait prolongé de deux ans et intégré en l'état dans les futurs CPER.
La part financière de l'État sera-t-elle inscrite et surtout sous quelle forme ? Une intégration dans le CPER en cours ou une inscription dans celui à venir, c'est-à-dire celui de 2021-2027 ?
De cette réponse dépend l'engagement des travaux... et la santé du BTP !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Le protocole prévoit deux modalités de financement : la déviation de Tarascon, financée dans le cadre du CPER Occitanie, à hauteur de 136 millions d'euros, dont 60 % par l'État ; et la sécurisation contre les risques naturels, cofinancée par la France et l'Andorre.
En 2020, 2 millions d'euros ont été affectés à des sondages géotechniques et à l'acquisition du foncier. L'apport de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) a permis à l'État de tenir le calendrier pour les aménagements de sécurité.
La déviation de Tarascon et le pare-avalanche H2, plus complexe, seront engagés plus tard mais le financement de l'Afitf restera disponible.
Suspension du cabotage routier
M. Jean-François Rapin . - En application du règlement européen du 25 octobre 1993 relatif à l'accès au marché du transport routier, les acteurs du transport routier, et notamment l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), réclament depuis plus d'un mois l'application de la clause de sauvegarde.
Pourtant, en ce contexte de crise sanitaire, deux inquiétudes majeures sont soulevées par les professionnels du secteur : 81 % des entreprises de transport routier sont en arrêt total ou en très forte baisse d'activité, et la reprise risque d'être lente et progressive. Il est crucial de garantir une activité minimale sans que celle-ci soit captée par des pavillons étrangers.
Seconde inquiétude, les conditions sanitaires dans lesquelles exercent les entreprises étrangères qui transportent des marchandises sur le territoire national. Ces conditions ne seraient pas forcément aussi strictes que les mesures barrières respectées par les conducteurs français.
Le Gouvernement veut-il saisir l'Union européenne afin de faire valoir la clause de sauvegarde et suspendre le cabotage pour une période de six mois ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - La désorganisation de l'économie a touché le transport routier. Le Gouvernement a engagé un dialogue stratégique avec le secteur, qui a démontré son rôle majeur lors de la crise sanitaire.
Nous avons déployé un plan ambitieux de soutien : report de charges, soutien à la trésorerie par la BPI, fonds de solidarité mais aussi des mesures sectorielles : remboursement chaque trimestre, et non semestre, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), par exemple.
Le cabotage systématique est une source de concurrence déloyale. C'est un sujet européen qui devrait être réglé par le paquet mobilité, examiné par le Parlement européen début juillet. D'ici là, il faut que les donneurs d'ordre exercent leur devoir de vigilance. Les infractions au cabotage ont été définies comme une priorité d'action par le ministre Djebbari.
M. Jean-François Rapin. - La demande était une suspension du cabotage ; vous n'y avez pas complètement répondu. Le Gouvernement a été sollicité par courrier il y a plus d'un mois et demi par les acteurs du secteur. Dommage qu'il n'ait pas répondu, et que je doive poser une question orale...
Une proposition de résolution européenne a été votée par la commission des affaires européennes sur la difficulté du cabotage routier - qui existait déjà avant la pandémie.
J'attends, sur ce sujet, la plus grande vigilance et la plus grande fermeté du Gouvernement.
Victimes de la sécheresse-réhydratation des sols de 2018
Mme Nicole Bonnefoy . - En décembre dernier, les crédits du programme budgétaire « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ont augmenté de 10 millions d'euros en loi de finances pour 2020 pour mettre en place, de façon exceptionnelle et transitoire, un dispositif de soutien aux victimes les plus affectées par l'épisode de sécheresse-réhydratation des sols survenu en 2018. Pourquoi seulement en 2018, du reste ?
À l'occasion de l'examen au Sénat de ma proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, adoptée à l'unanimité le 15 janvier dernier, plusieurs sénateurs ont exprimé des interrogations sur cette initiative gouvernementale créant un dispositif temporaire, dérogatoire au droit commun, et doté d'une capacité financière très limitée au regard de l'ampleur des sinistres engendrés par des phénomènes non reconnus de retrait-gonflement des argiles.
Comme le rapport de la mission d'information l'a en effet souligné, la prise en charge de ces dommages se heurte chaque année à de grandes difficultés dans de nombreuses communes ne bénéficiant pas d'une reconnaissance par arrêté interministériel. Afin d'apporter des réponses durables à ce problème majeur qui frappe chaque année l'ensemble du territoire métropolitain, la mission avait formulé plusieurs recommandations pour faire évoluer les politiques de prévention et d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Je souhaite obtenir des précisions sur l'origine de ce dispositif de soutien exceptionnel et sur ses conditions de mise en oeuvre, notamment en termes de calendrier et d'éligibilité pour les sinistrés. J'aimerais savoir si cette initiative préfigure un changement d'approche plus global en matière de prise en charge des dommages résultant des phénomènes de sécheresse.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Je réponds pour Mme Borne.
Un amendement à la loi de finances 2020 a effectivement augmenté de 10 millions d'euros ces crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » pour soutenir les victimes les plus affectées par le phénomène de sécheresse-réhydratation.
Cela concerne les propriétaires d'une résidence principale, aux revenus les plus modestes, dans les communes ayant formulé une demande de classement en catastrophe naturelle en 2018 sans l'avoir obtenu. Pour rappel, environ 30 % des communes associées à une demande de catastrophe naturelle n'ont pas été retenues en 2018.
Les bâtiments concernés datent de plus de dix ans et sont devenus impropres à l'habitation. Le dispositif est en cours de calibrage pour une indemnisation en fin d'année.
La distribution sera faite par les préfectures. Ce dispositif reste cependant ponctuel. Une mission d'étude en 2020 sera lancée pour des réponses plus pérennes d'accompagnement des victimes.
Mme Nicole Bonnefoy. - J'ai bien compris que le dispositif était en cours d'écriture. Les sinistrés attendent.
Pourquoi lancer une mission d'étude ? Le Sénat a réalisé des travaux importants sur le sujet et une proposition de loi apporte des réponses. Appuyez-vous sur notre travail, cela sera plus rapide !
Terminal 4 à l'aéroport de Roissy
M. Fabien Gay . - Avec la création du terminal 4, le trafic passerait de 100 millions à 130 millions de passagers par an à l'aéroport Charles de Gaulle.
En janvier, 104 élus de tous bords ont adressé une lettre au Président de la République pour l'alerter. Les riverains de l'aéroport doivent pouvoir s'exprimer. Les chiffres de création d'emplois semblent surestimés.
Quelque 1,4 million de riverains de l'aéroport sont concernés par la pollution. Avec le terminal 4, la hausse du trafic aérien de Roissy-Charles de Gaulle serait de 40 % avec autant d'augmentation de la pollution.
Le trafic de l'A1 et de l'A3, déjà surchargées, serait amplifié. La crise du Covid nous incite à repenser notre modèle de consommation et de production. L'urgence environnementale est là !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire . - Nous nous engageons pleinement dans la transition écologique. Les opérateurs aériens ont de nouvelles obligations comme le dispositif mondial Corsia sur les vols internationaux.
Nous accélérons la transition écologique avec le développement de carburants durables. Le Gouvernement a annoncé le 9 juin, dans le cadre du plan de relance, un financement de 1,5 milliard d'euros pour la R&D et l'innovation centrée sur la décarbonation.
Le calendrier du nouveau T4 de CDG fera l'objet d'un nouvel examen. Le Gouvernement veillera à ce que les nuisances sonores et effets sanitaires soient pris en compte - en particulier le bruit la nuit.
Biocarburants français et importation de soja américain
M. Cyril Pellevat . - Traditionnellement, les États-Unis exportent près de 60 % de leur soja à la Chine, mais à la suite des récentes tensions entre ces deux pays, après la taxation des graines de soja américain, il leur faut trouver de nouveaux débouchés.
Ils visent donc l'Union européenne ; à l'automne 2018, les négociations entre le président des États-Unis et celui de la Commission européenne ont entraîné une augmentation de 112 % des importations européennes de soja américain. C'est un coup porté à la production européenne de matières premières incorporées dans les biocarburants. Les agriculteurs français ne comprennent pas cette mesure.
Comment l'Union européenne peut-elle choisir de remplacer l'huile de palme par une matière première tout aussi nuisible à l'environnement ?
Il est connu que le soja est aussi utilisé pour nourrir les bêtes à viande. Emmanuel Macron dit vouloir une souveraineté protéinique de la France. Aussi, comment peut-il expliquer la position européenne qui va à l'encontre des objectifs européens en matière d'environnement, d'énergie et d'agriculture ? Quelle est la position française sur ce sujet ?
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - La position de la France, exprimée par le Président de la République, est claire. La souveraineté protéinique est indispensable pour sortir de la dépendance vis-à-vis du soja américain, mais aussi pour assurer l'alimentation des animaux et des hommes.
L'Union européenne a fixé un cadre clair pour les biocarburants : ils doivent respecter des critères de durabilité fixés par la directive de 2009, qui seront renforcés en 2021.
Le 29 janvier 2019, la Commission européenne a reconnu le système de certification du soja américain comme compatible avec les normes européennes des biocarburants.
La réglementation européenne ne discrimine pas les matières premières entre elles mais impose des critères de durabilité.
Le Gouvernement français ne peut s'opposer à l'entrée du soja américain sur son territoire dès lors qu'il respecte ces prescriptions européennes, mais nous voulons développer notre production propre afin de garantir notre autonomie et ne pas dépendre des tourteaux de soja importés.
Lutte contre le piratage du sport
M. Michel Savin . - Depuis plusieurs années, la France s'est engagée à mieux protéger les ayants droit et diffuseurs des programmes sportifs, avec notamment l'adoption de l'article 24 de la loi Éthique et transparence du sport professionnel.
Toutefois, ce dispositif s'avère insuffisant et il est désormais nécessaire de renforcer la lutte effective contre le piratage des contenus sportifs en direct.
La valeur des droits sportifs en France dépassera 1,5 milliard d'euros dès la saison sportive 2020-2021, et ces droits sont un des éléments important de la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
Le phénomène du piratage des contenus sportifs, quant à lui, connaît un véritable essor depuis plusieurs années et le manque à gagner estimé serait de l'ordre de 500 millions d'euros, sans compter la perte de plusieurs centaines de milliers d'abonnés.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de réforme de l'audiovisuel, les députés ont adopté en commission un article 23, visant à la mise en oeuvre d'un dispositif spécifique de lutte contre le piratage du sport, salué par l'ensemble des milieux sportifs.
Alors que la crise sanitaire cause de très fortes difficultés économiques aux acteurs du sport, une mise en oeuvre rapide est nécessaire pour soutenir les acteurs économiques concernés - préserver la solidarité au bénéfice du sport amateur.
Aussi, quel est le calendrier du Gouvernement concernant l'examen de ce projet de loi, qui n'est pas à l'ordre du jour de la session extraordinaire ? Pouvez-vous nous assurer que le dispositif sera adopté dans les plus brefs délais ?
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Je partage votre conviction que le piratage est un fléau, tant pour les contenus sportifs que pour ceux de la création. Les droits sportifs contribuent au financement de toute la filière. Le Gouvernement est totalement mobilisé dans la lutte contre le piratage. J'avais été moi-même rapporteur de la loi Hadopi.
Le projet de loi Audiovisuel prévoit que le juge intervienne en amont des compétitions afin de bloquer les sites dès le début de la retransmission en direct. En commission, les députés ont raccourci les délais de traitement des dossiers. Aves les ministres de la Justice et des Sports, nous examinons la constitutionnalité des dispositions rajoutées par les députés. Soyez assurés de notre détermination à lutter contre le piratage.
Le calendrier est perturbé par les urgences liées au Covid. Nous voulons aller vite, c'est pourquoi la transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA) se fera vraisemblablement par ordonnance.
Nous recherchons actuellement avec le Sénat et l'Assemblée nationale les créneaux disponibles pour mettre à l'ordre du jour le projet de loi Audiovisuel, qui doit aussi préparer la télévision du futur.
M. Michel Savin. - Un travail important a été réalisé au Parlement. Il n'y a hélas toujours pas de calendrier. La saison sportive débute bientôt, les diffuseurs et les ligues s'inquiètent. Une proposition de loi sera sans doute déposée au Sénat pour agir plus vite.
Bouquinistes de Paris
Mme Catherine Dumas . - Descendants des colporteurs ambulants de l'Ancien Régime, l'histoire des bouquinistes est intimement liée à celle de Paris. Ils sont les gardiens et promoteurs de notre culture française. Anatole France les surnommait « les braves marchands d'esprit ».
Avec leurs 300 000 bouquins, leurs 900 boîtes vert « wagon », ils participent au charme des bords de Seine et constituent une attraction touristique et culturelle, un patrimoine littéraire et historique unique à préserver.
À l'initiative de l'Association culturelle des bouquinistes de Paris et des maires des Ve et VIe arrondissements, Florence Berthout et Jean-Pierre Lecoq, ces 227 librairies à ciel ouvert ont fait leur entrée en février 2019 au patrimoine culturel immatériel français, premier pas vers la reconnaissance au patrimoine mondial de l'Unesco.
La profession a été mise à mal par les gilets jaunes et les grèves, puis par la crise sanitaire. Envisagez-vous un plan de sauvegarde pour sauver cette profession dont des villes comme Tokyo, Montréal et Pékin, se sont inspirées ?
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Les bouquinistes de Paris représentent bien un art de vivre à la parisienne. Ces librairies à ciel ouvert, défendues par des passionnés, doivent être accompagnées.
Le ministère de la Culture a accompagné l'Association culturelle des bouquinistes de Paris pour son inscription à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel. Ces professionnels doivent être accompagnés, leur savoir-faire préservé.
L'autorité régulatrice est la ville de Paris ; pour autant, le ministère de la Culture est très attentif à l'avenir des bouquinistes et des libraires partout en France.
Avec Bruno Le Maire, nous avons annoncé un plan d'envergure pour soutenir le secteur du livre, de plus de 230 millions d'euros. Quelque 25 millions d'euros supplémentaires sont prévus par le Centre national du livre pour soutenir les librairies indépendantes. De plus, une enveloppe de 12 millions sur deux ans doit les aider à se moderniser. Une partie de ces moyens pourrait être fléchée vers les bouquinistes ; nous allons y travailler.
Mme Catherine Dumas. - Les Parisiens sont très attachés à leurs bouquinistes. La Ville de Paris n'est pas toujours au rendez-vous...
Je compte sur vous pour protéger ces passionnés et faire perdurer cette tradition qui contribue à l'attrait de Paris.
Surveillance des abords des prisons
Mme Nathalie Delattre . - Grâce à une baisse sans précédent de la population carcérale, la vie dans nos prisons reprend cahin-caha. Nous constatons, avec François-Noël Buffet, dans le cadre de notre mission de suivi des lieux de privation de liberté, que des failles demeurent néanmoins.
Au centre pénitentiaire de Gradignan, les projections de téléphones, d'armes blanches ou de boulettes de stupéfiants depuis l'extérieur n'ont pas cessé pendant le confinement. Aux alentours de la prison, cela trouble l'ordre public et la sécurité des riverains. À l'intérieur, ces trafics mettent en danger tant le personnel que les détenus. En exerçant mon droit de visite, j'ai vu des prévenus sous l'emprise de la drogue.
La loi du 23 mars 2019 portant réforme pour la justice permet la mise en place d'équipes de sécurité armées aux abords immédiats des établissements. Si le centre pénitentiaire de Fresnes reprend la formation de ses agents, initiée avant le confinement, la prison de Gradignan n'envisage, elle, aucune unité dédiée pour la surveillance des abords avant 2022, au mieux.
Votre ministère peut-il inciter un directeur de prison à donner la priorité à la création d'une telle équipe ? Pouvez-vous venir constater par vous-même la situation à Gradignan et entendre les représentants du personnel et le maire de la ville ? L'attente est forte.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Ces difficultés touchent l'ensemble des établissements pénitentiaires. Le déploiement des équipes locales de sécurité pénitentiaire (ELSP) vise à lutter activement contre les trafics de substances et objets illicites, à sécuriser les fouilles sectorielles et à renforcer les équipes de surveillance.
La loi du 24 mars 2019 a renforcé leur pouvoir de contrôle. En 2019, 311 agents avaient été formés et 29 équipes locales déployées. Courant 2021, cinquante établissements seront dotés d'une ELSP.
Le centre pénitentiaire de Gradignan - où je souhaite me rendre - n'est pas priorisé car une équipe régionale d'intervention et de sécurité (ERIS) est basée dans l'établissement et peut être activée en cas d'incident. En outre, le centre pénitentiaire va être reconstruit, pour un montant de 137 millions d'euros. Les travaux de démolition ont commencé en juin ; le nouvel établissement de 600 places, entièrement sécurisé, sera livré fin 2022.
La loi de finances initiale pour 2020 consacre 64 millions d'euros à la sécurisation des prisons, soit 8 millions de plus qu'en 2019. Il s'agit de sécuriser les abords périmétriques des établissements par des clôtures, des filins anti-projection et la maintenance des installations de sécurité.
Mme Nathalie Delattre. - L'ERIS n'est jamais sollicitée et la prison de Gradignan ne sera pas reconstruite avant des années !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - 2022 !
Restitution des biens mal acquis aux populations spoliées
M. Jean-Pierre Sueur . - Corruption transnationale scandaleuse, les biens mal acquis représentent, selon l'ONU, la moitié des aides au développement. Il faut oeuvrer pour que ces biens, lorsqu'ils sont saisis par la justice, reviennent aux populations spoliées.
L'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) fait un travail éminent, mais la situation n'est pas satisfaisante. J'ai déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité au Sénat en mai 2019. En outre, le Premier ministre a missionné deux députés sur le sujet ; ils ont rendu leur rapport.
Quelles décisions concrètes comptez-vous prendre ? Mme de Montchalin s'était engagée ici-même à ce que la question soit définitivement réglée dans la dernière loi de finances...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - La restitution des avoirs criminels confisqués est un enjeu majeur qui participe à l'oeuvre de justice.
En l'état du droit, les règles de restitution ne prévoient pas le retour systématique et intégral aux États et populations lésées, car aucun mécanisme de contrôle ne garantit la restitution effective aux populations civiles.
Afin de doter la France d'un dispositif efficace, une mission a été confiée aux députés Warsmann et Saint-Martin. Sur la base de ces travaux, nous avons engagé des échanges interministériels pour instituer un mécanisme pertinent tout en assurant un contrôle des fonds.
Deux options sont possibles : créer un fonds de concours géré par l'Agrasc ou affecter à l'Agence française de développement les sommes relatives aux biens mal acquis, avec un fléchage vers les pays concernés. Il faut tenir compte des conséquences diplomatiques et budgétaires et veiller à l'articulation avec les règles habituelles d'indemnisation des victimes.
Je vous assure de mon engagement pour une mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je prends acte de votre réponse. Le Sénat a proposé un dispositif, adopté à l'unanimité.
Vos deux options sont recevables, l'essentiel étant que les fonds ne reviennent pas systématiquement aux États mais bien aux populations spoliées.
Nous attendons un texte de loi au plus vite, sachant que le Gouvernement s'était engagé à régler la question dans le dernier projet de loi de finances.
Rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi
M. Bernard Buis . - Le Premier ministre a annoncé en juillet 2018 la fusion de Cap emploi et Pôle emploi au 1er janvier 2021. Depuis, des temps de concertation et de travail ont été organisés pour réfléchir aux modalités de rapprochement. L'un des scénarios retenus serait un rapprochement opérationnel, Cap emploi devenant un service au sein de Pôle emploi chargé spécifiquement de l'accompagnement des personnes en situation de handicap.
Cette organisation se met en place avec des unités pilotes dans chaque région, ainsi que des expérimentations en amont d'une généralisation.
Le volet « maintien dans l'emploi », aujourd'hui de la compétence de Cap emploi mais pas de Pôle emploi, est indispensable dans l'accompagnement des salariés en situation de handicap. Prévoyez-vous de conserver cette compétence au sein du futur service fusionné ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - La construction d'une société inclusive est une priorité du Gouvernement. Le taux de chômage des personnes handicapées atteint 18 %, soit deux fois la moyenne nationale.
Le rapprochement des deux opérateurs, voulu par le Premier ministre, a pour but de mieux servir les personnes en situation de handicap et de les rapprocher des entreprises. Une expérimentation est en cours sur dix-neuf sites pilotes, avant une généralisation en 2021.
Il ne s'agit pas d'une fusion mais d'une coordination opérationnelle renforcée, avec une offre de service intégrée qui s'appuie sur une double expertise. Les synergies opérationnelles sont précieuses, j'ai pu le constater sur le terrain. Le volet accompagnement dans l'emploi inclut le maintien dans l'emploi. Le réseau Cap emploi demeure l'opérateur désigné pour accompagner les personnes handicapées, car il a une expertise spécifique.
Nous avons lancé des travaux avec la direction générale du travail et la caisse nationale d'assurance maladie, associant le réseau Cheops - Conseil national handicap & emploi des organismes de placement spécialisés. Les équipes se mobilisent pour travailler ensemble au service du lien entre les personnes en situation de handicap et les secteurs publics et privés. La société inclusive se construit pas à pas.
Emploi des jeunes
M. Olivier Henno . - La situation des jeunes en recherche d'emploi est préoccupante. La crise rend les entreprises frileuses, des promesses de stage, d'embauche et d'apprentissage sont annulées.
Des milliers de jeunes sont bloqués. Les plus chanceux sont aidés par leur famille, les autres doivent trouver un emploi précaire pour rembourser leur prêt étudiant ou payer leur loyer. Nous devons tendre la main à ces jeunes pour éviter qu'une génération ne soit sacrifiée.
Les jeunes à la recherche d'un contrat d'apprentissage sont les premiers pénalisés, car la baisse des embauches touche particulièrement les TPE-PME, premiers employeurs d'apprentis. Or l'apprentissage est une chance incroyable pour les jeunes. Je salue l'aide de 5 000 euros pour l'embauche d'un mineur et de 8 000 pour un majeur. Il faut aller plus loin et réduire le reste à charge pour les entreprises. Quelle politique publique pour favoriser l'apprentissage ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Je partage votre conviction. Le taux de chômage des jeunes était passé de 21 % à 18 % avant la crise ; le nombre d'apprentis avait augmenté de 16 % - on voyait la lumière au bout du tunnel. Il n'est pas question que cette génération soit sacrifiée.
L'emploi des jeunes est au coeur de la concertation avec les partenaires sociaux - que le président de la République recevra de nouveau dans quelques jours. Sur l'apprentissage, nous avons voulu aller vite car c'est maintenant que les contrats se signent. D'où une aide exceptionnelle de 5 000 euros pour l'embauche d'un apprenti mineur et de 8 000 euros pour un majeur. Cela revient à un coût quasi-nul pour l'entreprise la première année !
Les jeunes ont compris que l'apprentissage était une voie d'avenir et la demande augmente ; c'est sur l'offre des entreprises qu'il nous faut agir. Les centres de formation des apprentis pourront accueillir jusqu'à six mois un jeune sans contrat pour l'aider à consolider ses acquis et à trouver un maître d'apprentissage. Nous luttons aussi contre la fracture numérique en équipant les apprentis en matériel informatique.
Plus que jamais, l'apprentissage est une voie d'excellence et de réussite. C'est la priorité de notre plan de relance de l'emploi.
M. Olivier Henno. - Merci. Les efforts en direction de cette génération sont indispensables. C'est vrai, le reste à charge est très réduit ; reste à bousculer les mentalités des entreprises, à mobiliser les partenaires sociaux. L'Allemagne reste un exemple : Bayer met en avant le nombre d'apprentis avant même le chiffre d'affaires !
Contrats en alternance
M. Gilbert Roger . - De nombreux jeunes bacheliers, notamment en Seine-Saint-Denis, sont contraints de renoncer à leur projet d'études en alternance, faute de trouver une entreprise pour les accueillir dans le cadre d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation.
Trouver un tel contrat est un parcours du combattant pour ces jeunes, dont les parents ne disposent pas toujours du capital culturel et économique nécessaire pour les aider. Les organismes de formation ne leur apportent guère de soutien - les plaquettes promotionnelles vantant l'aide à la recherche que permettrait leur réseau ne sont souvent qu'un appât à candidats... Quelles mesures envisagez-vous pour accueillir davantage de jeunes en alternance dans les entreprises ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - L'alternance est une voie d'excellence pour accéder à l'emploi, un véritable pied à l'étrier. Mais il est vrai que les contrats peuvent être difficiles à trouver pour certains jeunes, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville où les parents n'ont pas de réseau professionnel. C'est alors à l'action publique de rétablir l'égalité des chances.
Nous avons renforcé les missions des CFA en matière d'accompagnement ; ils pourront accueillir les jeunes pendant trois à six mois pour les aider dans la recherche d'un employeur. Je l'ai constaté dernièrement à Rouen : stages en immersion, rencontres avec les employeurs, apprentissage des codes de l'entreprise, rédaction d'un CV sont autant d'aides apportées aux jeunes.
Il faut aussi les aider à résoudre des difficultés matérielles et sociales, de logement ou de transport. Nous finançons des développeurs d'apprentissage dans chaque CFA et soutenons les associations qui mettent en relation jeunes et entreprises, comme Les Entretiens de l'Excellence ou Un Avenir Ensemble. Sept mille entreprises sont prêtes à s'engager dans une approche inclusive.
Une plateforme rassemblera les souhaits de tous les jeunes qui ont opté pour l'apprentissage sur Parcoursup. J'ai demandé aux préfets de réunir les partenaires sociaux et l'Éducation nationale pour apporter une aide opérationnelle sur le terrain, afin que tous les jeunes aient accès à cette voie d'excellence et d'avenir.
M. Gilbert Roger. - Ma question concernait les étudiants post-bac. Souvent, les entreprises cherchent des jeunes en master 2 et leur demandent d'être presque formés. À défaut de contrat d'alternance, ils ne peuvent poursuivre leurs études dans les écoles de commerce, d'ingénieur ou de mécatronique qui ne font rien pour les aider à se rapprocher des entreprises... Peut-être faut-il limiter l'alternance aux masters 2 ?
Marchés publics
Mme Annick Billon . - Le décret du 12 décembre 2019 a relevé le seuil de dispense de procédure pour la passation des marchés publics de 25 000 à 40 000 euros. En cette période de crise, la contrainte que représente la passation de marchés publics réduit la marge de manoeuvre des élus ; le seuil de 40 000 euros freine la commande publique et contribue à fragiliser nos entreprises.
Ne pourrait-on relever temporairement le seuil à 90 000 euros, afin de passer plus facilement des contrats notamment pour les travaux de voirie et de rénovation, et ainsi favoriser les entreprises locales - non par clientélisme mais pour sauvegarder l'emploi sur nos territoires !
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Le soutien aux opérateurs économiques est une priorité du Gouvernement. L'ampleur de la crise a conduit à adapter temporairement les règles de la commande publique pour éviter toute rupture d'approvisionnement pendant la crise. Nous avons autorisé la prolongation des contrats arrivant à échéance pendant la période d'état d'urgence sanitaire et protégé les entreprises titulaires de contrats publics quand l'exécution du contrat était impossible. Enfin, les avances financières versées aux entreprises titulaires de marchés ont pu être portées au-delà de 60 % du montant total.
Pour autant, il faut concilier ces mesures de simplification avec le principe constitutionnel d'accès à la commande publique. Agnès Pannier-Runacher a demandé à ses services une analyse juridique approfondie dont les conclusions seront prochainement connues.
Mme Annick Billon. - Je salue les mesures prises mais vous demande d'aller plus loin ; il y a urgence, pour les entreprises et les collectivités territoriales. Les artisans, TPE et PME font la richesse de nos territoires et sont des acteurs essentiels de la formation et de l'apprentissage. Merci d'écouter une demande qui émane du terrain !
Démarchage téléphonique abusif
M. Yannick Vaugrenard . - Le 4 juin, le Sénat adoptait une proposition de loi contre le démarchage téléphonique abusif. Nombre de nos concitoyens renoncent désormais à répondre au téléphone, épuisés par ces appels à répétition.
Le dispositif Bloctel permet, en théorie, de s'inscrire gratuitement sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique. Or il est inefficace. C'est pourquoi notre proposition de loi, votée par le Sénat, instaure un préfixe identifiant obligatoire permettant de repérer les démarcheurs. Je regrette que l'exigence d'un consentement clair et explicite au démarchage n'ait toutefois pas été retenue. Onze pays d'Europe dont l'Allemagne, l'Autriche et le Portugal, ont adopté une telle disposition, qui s'applique déjà pour les courriels et les SMS.
J'espère que cette mesure sera reprise par la commission mixte paritaire. Pouvez-vous nous assurer que la proposition de loi sera définitivement adoptée avant les vacances parlementaires ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - L'article L223-1 du code de la consommation interdit, sous peine d'une amende de 75 000 euros, de démarcher les consommateurs inscrits sur une liste d'opposition, qui compte quatre millions de personnes. Mais les nuisances perdurent, car de nombreuses entreprises ne respectent toujours pas la loi. Le Gouvernement a demandé au Conseil national de la consommation un état des lieux et une liste de propositions.
La proposition de loi votée par l'Assemblée nationale puis le Sénat fera prochainement l'objet d'une CMP. Elle prévoit des sanctions plus dissuasives, renforce l'information du consommateur et interdit le démarchage dans le secteur de la rénovation énergétique. La DGCCRF est mobilisée : en 2019, 77 démarcheurs ont été sanctionnés, pour un total de 2,5 millions d'euros d'amende. En 2020, 10 sanctions de plus de 200 000 euros ont été prononcées.
Le Gouvernement agit à la fois sur le plan normatif et sur celui des contrôles pour lutter contre ces pratiques inacceptables.
M. Yannick Vaugrenard. - Je souhaite une adoption du texte au plus vite, ainsi qu'un bilan d'ici un an ou un an et demi pour en mesurer l'efficacité.
Situation des industriels forains
M. Frédéric Marchand . - Les industriels forains, ces artisans de la fête qui évoluent en France depuis près de neuf siècles, ont vu leur activité stoppée net par la crise sanitaire.
Cette profession représente quelque 320 000 emplois directs et indirects, sans compter l'appui à l'économie locale, en particulier la restauration.
La situation des forains est d'autant plus dramatique qu'ils profitent de la basse saison pour entretenir leur matériel. Cela représente d'importants investissements, à peine rentabilisés par l'exploitation de leurs installations. Il leur a fallu ranger leurs manèges alors que la période des foires et des fêtes démarre et que la saison estivale est menacée.
L'aide de l'État de 1 500 euros pour les artisans et indépendants est certes bienvenue et d'autres aides sont possibles. Mais elles ne combleront pas le manque à gagner puisque les charges continuent de courir, que des investissements sont engagés et que, manifestement, les assurances ne comptent pas indemniser.
À l'angoisse économique - 90 % de pertes depuis début mars - s'ajoute un impact psychologique pour des professionnels dont la vie est liée à l'itinérance et aux contacts avec le public.
Le Premier ministre s'est voulu rassurant sur la tenue des fêtes foraines, mais il n'en va pas de même au niveau municipal. Alors que plus de 400 fêtes de villes et villages ont été annulées ou reportées, la profession s'inquiète de savoir comment elle va ressortir de la crise. Alors que les parcs de loisirs ont, eux, rouvert leurs portes, pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Comme tous les professionnels, les commerçants itinérants ont accès aux mesures de soutien. Les 1 500 euros du fonds de solidarité ne sont que le premier volet ; un second volet, instruit par les régions, permet une aide supplémentaire. Ils bénéficient également des reports ou exonérations de charges, des prêts garantis de l'État et du chômage partiel. S'y ajoutent des aides du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.
Le Gouvernement est conscient des difficultés qu'ont entraînées les mesures sanitaires - que nous espérons pouvoir alléger, dans la foulée des annonces du Président de la République. Nous souhaitons un retour à la vie normale au plus vite, tout en restant vigilants. Le Gouvernement est déterminé à ce que cette profession, comme les autres, résiste au mieux et reparte le plus vite possible.
M. Frédéric Marchand. - Merci pour cet engagement. L'important, pour les forains, est de pouvoir travailler, et de renouer le lien avec les municipalités. Nous avons hâte de retrouver cet art de vivre à la française.
Annulation des charges des TPE
M. Jean-Pierre Moga . - Le 4 mai 2020, le Gouvernement annonçait une annulation des charges sociales des entreprises de moins de dix salariés, contraintes de fermer pendant la période de confinement. Cette mesure est d'une grande aide pour ces entreprises.
Les modalités de ce premier geste du Gouvernement, vital pour ces entreprises, restent cependant à définir : le périmètre des charges incluses doit être conséquent pour être efficace.
Pour retrouver le niveau d'activité économique d'avant la crise du Covid-19, il faudra du temps : la situation sanitaire reste préoccupante et les perspectives de reprise sont incertaines. D'après les professionnels du secteur, 400 000 très petites entreprises (TPE) pourraient prochainement fermer définitivement. Dès lors, les dispositifs d'aide qui ont été mis en place devront durer le plus longtemps possible.
Le Gouvernement pourrait-il envisager la prolongation de l'annulation des charges jusqu'à la vraie relance de l'activité, qui n'aura sans doute pas lieu avant septembre ?
Envisage-t-il d'étendre l'annulation des charges aux TPE n'ayant pas fait l'objet d'une obligation de fermeture administrative mais qui ont vu leur chiffre d'affaires significativement diminuer ? Les TPE sont aujourd'hui très inquiètes pour leur survie et ont besoin de soutien, pendant cette période difficile pour nos entreprises.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Le Gouvernement a mis en place une mesure exceptionnelle d'allégements des cotisations et contributions sociales sur trois mois pour les TPE qui ont fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pendant la période de confinement.
Ce dispositif qui figure dans le PLFR 3 prévoit aussi une aide au paiement des autres cotisations et contributions de l'employeur pour diminuer massivement les passifs sociaux constitués depuis la mi-mars. Les entreprises qui auront continué à cotiser bénéficieront elles aussi du dispositif, ce qui les aidera pendant la reprise.
Les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs les plus fragiles auront droit à un mois supplémentaire de report de cotisations et contributions sociales.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour soutenir les entreprises dans la phase de reprise comme dans celle du confinement.
Le PLFR prévoit des plans d'apurement automatique des créances sociales ainsi que la remise de certaines dettes pour les entreprises dont l'activité aurait fortement baissé.
L'ensemble de l'économie étant concerné par la baisse d'activité, le Gouvernement met en place des mesures de soutien plus générales. Cet ensemble d'outils comprend aussi le fonds de solidarité, prolongé au-titre du mois de mai.
M. Jean-Pierre Moga. - Les TPE, ce sont les deux tiers de nos entreprises. Il est essentiel de les soutenir.
Conséquences de la réforme de la taxe d'habitation
Mme Céline Brulin . - Le Gouvernement a décidé la suppression progressive de la taxe d'habitation pour les résidences principales.
Certes, un mécanisme de compensation a été mis en place pour les communes. Mais ce dernier ne tiendrait pas compte de certaines cotisations fiscalisées par les communes comme, par exemple, les contributions aux syndicats intercommunaux sans fiscalité propre, ce qui porte tort aux syndicats intercommunaux à vocation scolaire (Sivos). Dans mon département, plus d'une centaine de communes seraient impactées, et cela se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour chacune d'entre elles.
C'est un premier couac, et je crains que ce ne soit malheureusement pas le seul, dans la compensation promise à l'euro près de la suppression de la taxe d'habitation. Or inutile de développer sur les difficultés financières des communes, difficultés amplifiées par la crise sanitaire.
Allez-vous compenser à l'euro près les pertes pour les communes de la réforme de la taxe d'habitation et réparer l'oubli de la perte de la contribution syndicale dans la compensation de cet impôt?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Les syndicats, qu'ils soient mixtes ou intercommunaux, sont des établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre, qui ne disposent dès lors d'aucun pouvoir fiscal. Ils perçoivent des contributions budgétaires de leurs communes membres.
En vertu de l'article 1609 quater du CGI, le comité d'un syndicat peut décider de lever une part additionnelle aux quatre taxes directes locales en remplacement de tout ou partie de la contribution des communes associées. Dans ce cas, les taux de fiscalité applicables à leur profit sont déterminés proportionnellement aux recettes que chacune des impositions directes locales procure à la commune.
Les Sivos n'ont aucune fiscalité propre. La fiscalisation des contributions syndicales ne peut être mise en oeuvre que si le conseil municipal ne s'y est pas opposé. Elle relève donc d'un choix de gestion de la commune, qui n'a pas vocation à être compensé.
Mme Céline Brulin. - Si ces compensations ne sont pas versées, les communes devront taxer d'autres acteurs, à commencer par les entreprises. Or dans les territoires ruraux, ce sont souvent des TPE. Le contexte économique actuel n'y invite pas.
Je vous alerte aussi sur le surcroît des dépenses scolaires pour les communes, qui doit être compensé par l'État.
Plan de soutien à l'industrie du décolletage
Mme Sylviane Noël . - Après la crise sanitaire, notre pays est frappé par une crise économique sans précédent.
L'automobile fait l'objet d'un plan de soutien de l'État présenté il y a quelques jours. Hélas, ce plan apporte très peu de solutions à un pan important de la filière automobile constitué par l'industrie du décolletage qui, regroupant 600 entreprises et 14 000 salariés pour un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards d'euros, est confrontée à des défis majeurs.
Le plan présenté ne traite que partiellement les questions de fond soulevées depuis des mois par les professionnels du secteur. Les réponses y sont inadaptées.
Qu'en est-il des contours du fonds de soutien aux entreprises qui ne sont toujours pas clairs pour les principaux intéressés, deux mois après avoir été mis en place ? Qu'en est-il du dispositif de soutien à l'emploi en discussion avec l'Union des industries des métiers de la métallurgie, qui est insuffisant pour faire face à la crise structurelle engendrée par la baisse des moteurs thermiques, le développement des voitures électriques et l'émergence des voitures autonomes ? Ce plan ne répond pas aux grands enjeux de cette industrie et il accélère une mutation des motorisations thermiques vers l'électrique qui offre dix fois moins de volume en termes de pièces à décolleter.
L'industrie du décolletage mérite un plan de soutien spécifique. Sinon, chaque mois perdu voit environ 500 collaborateurs de plus au chômage. Il y a urgence à maintenir ces compétences et ces emplois.
Quelles mesures, le Gouvernement envisage-t-il pour la sauvegarde de l'industrie du décolletage, filière essentielle au maintien de notre souveraineté industrielle ?
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Les entreprises de la vallée de l'Arve, surtout des PME et TPE familiales, sont confrontées à des difficultés depuis la décroissance du diesel engagée en 2015. Elles sont notamment liées à un manque de diversification.
Ces fragilités ont été amplifiées par la crise du Covid-19. Anticipant une baisse de leur chiffre d'affaires de 20 % à 40 %, ces entreprises ont massivement bénéficié des mesures d'urgence de l'État.
Mais à moyen et long terme, l'enjeu est l'adaptation de cette filière aux évolutions en cours. Le nouveau fonds de soutien à l'investissement dans le secteur de l'automobile soutiendra les projets de diversification et de modernisation menés par la filière.
La vallée de l'Arve bénéficiera aussi d'un plan d'action spécifique, pour un repositionnement stratégique. Les outils existent. Il faut s'en saisir.
Mme Sylviane Noël. - Le décolletage est un savoir-faire vieux de plus de trois siècles qui a aussi des usages médicaux et optiques.
Les 600 millions d'euros d'aides bénéficieront surtout aux équipementiers de rang 1, alors que les entreprises concernées sont pour la plupart sous-traitants de rang 2.
Manque de places dans les services pour enfants handicapés dans le Haut-Rhin
Mme Catherine Troendlé . - Le 11 février dernier a eu lieu à l'Élysée la cinquième conférence nationale du handicap. Elle a été l'occasion de faire un point en matière de politique publique autour du handicap mais aussi de préciser les jalons à venir. Cet événement illustre le fait que le Président de la République a souhaité faire de la politique du handicap une des priorités de son quinquennat actuel.
Sur le terrain, cependant, la question du handicap n'est pas traitée. Dans le Haut-Rhin en particulier, 295 enfants attendent une place en instituts médico-éducatifs (IME) et 376 jeunes pour les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). C'est beaucoup plus que dans le reste du Grand Est.
Un petit garçon de 6 ans atteint d'un handicap très lourd est 26e sur la liste d'attente d'un IME du Haut-Rhin qu'il souhaite rejoindre en septembre.
Aujourd'hui, chaque enfant, quel que soit son handicap, doit pouvoir suivre un enseignement adapté. Il est inconcevable qu'un enfant en situation de handicap se retrouve sans autre alternative.
Les lacunes dans les instituts médico-éducatifs du département du Haut-Rhin concernent également le taux d'équipement. Concernant les jeunes, ce taux pour les Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) et les Instituts d'éducation motrice (IEM) et les Sessad est largement inférieur aux taux des autres départements du Grand Est. Comment comptez-vous agir ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - Le Président de la République s'est engagé à faire du handicap une priorité du quinquennat. Merci d'avoir rappelé sa volonté.
Nous investissons très fortement dans l'Éducation nationale pour mieux scolariser les enfants et organiser la coopération avec le secteur médico-social.
Le taux d'équipement de votre département est plus élevé que la moyenne régionale pour les Sessad mais inférieur pour les établissements.
L'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est dispose de 10 millions d'euros de financements complémentaires pour 2020, puis de 21 millions d'euros en 2021 pour des solutions d'équipement.
La création de places en Sessad pour la rentrée dans le Haut-Rhin est prioritaire. Une convention a été passée entre l'ARS et l'Éducation nationale en juillet 2019 pour formaliser cet engagement.
Nous mobiliserons le comité de pilotage de l'école inclusive à la fin de l'année pour préparer la rentrée scolaire. Une unité d'enseignement en maternelle de sept places sera ainsi ouverte dans votre département. Enfin, le 0800 360 360 est en cours de déploiement afin de ne laisser personne sur le bord du chemin. Pragmatisme et conjugaison des forces sont les moyens pour soutenir les familles.
Mme Catherine Troendlé. - Vos objectifs sont ambitieux mais on ne voit pas les résultats sur le terrain, malgré les moyens dédiés. N'oubliez pas notre département, madame la ministre.
Missions des agents sécurité incendie et d'assistance aux personnes
M. Jean-Louis Tourenne . - Ma question porte sur la situation des agents de sécurité incendie et d'assistance aux personnes (SSIAP) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes.
Leurs missions d'origine portaient sur la sécurité incendie et l'assistance aux personnes. Elles n'ont cessé d'évoluer en quantité et en technicité sans que l'effectif ait été adapté aux nouvelles exigences des emplois ni que la reconnaissance salariale soit au rendez-vous.
Ainsi, se sont ajoutées progressivement la prévention et l'intervention lors d'agressions des personnels, l'intervention auprès de patients agités, l'accueil et la police dans les parkings, la régulation et le contrôle de la circulation sur un espace de 33 hectares concerné par les importants travaux du CHU, les recherches après les fugues de patients, la gestion des chambres des médecins intérimaires, l'accompagnement des personnels quittant l'hôpital la nuit, dépannage des ascenseurs et gestion des arrivées et départs par hélicoptère.
Ces salariés sont dépassés, fatigués et amers. Or ils ne bénéficient pas de l'indemnité forfaitaire de risque à certains agents de la fonction publique hospitalière dont ils sont écartés alors qu'ils sont en permanence exposés. Il convient également de les qualifier et de faciliter leur passage en catégorie B.
Que comptez-vous faire face à ces revendications ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Les effectifs du CHU de Rennes sont supérieurs aux exigences réglementaires et aux préconisations de la commission de sécurité. Les missions ont été redéfinies depuis le 1er juin 2007 et n'ont pas évolué depuis.
Depuis 2018, la révision de l'organisation des cycles de travail de l'équipe de sécurité intervient dans le cadre d'un dialogue social très actif : le projet est guidé par le respect du principe d'équité avec les autres professionnels du CHU, afin de mieux lisser les jours de travail et de repos sur l'ensemble de l'année. Quelque douze réunions ont été organisées afin de formaliser le recueil des avis de l'équipe comme des représentants du personnel sur le projet.
Les déroulés de carrière et les perspectives professionnelles ont aussi été évoqués et ont été définies des grandes lignes pour chaque fonction.
L'harmonisation des recrutements au grade Opé 2 a été actée et l'accès au grade de technicien hospitalier pour les chefs d'équipe proposé.
Le CHU est engagé en faveur de la formation professionnelle, qui concerne à 50 % des effectifs des personnels non médicaux.
M. Jean-Louis Tourenne. - Vous n'avez pas répondu à l'ensemble des questions. Le Ségur de la santé doit tenir compte de ces problématiques.
Tests sérologiques en officine
M. Alain Milon . - Au vu de ce qui se passe en Chine et dans le Pacifique, la réussite du déconfinement dépend notamment de notre capacité à tester au plus vite une grande partie de la population.
La stratégie nationale de déconfinement fixe un objectif de 700 000 tests virologiques chaque semaine en laboratoires depuis le 11 mai. Ces tests visent en premier lieu des personnes symptomatiques puis, en cas de résultat positif, les individus avec lesquels elles ont eu un contact.
En parallèle de ce dispositif qui mobilisera fortement les laboratoires, il sera crucial de dépister le maximum de patients asymptomatiques.
Acteurs de santé et de proximité, les pharmaciens pourraient intervenir de façon complémentaire aux laboratoires en testant l'ensemble des individus asymptomatiques qui le souhaitent, notamment ceux ayant eu des symptômes révolus durant les dernières semaines.
En tant que professionnels de santé, les pharmaciens auront pour devoir d'indiquer aux individus dont le résultat est négatif qu'ils peuvent tout de même être porteurs du virus et leur rappelleront ainsi les mesures de sécurité à respecter.
L'intérêt des tests sérologiques en pharmacie menés sur la base du volontariat est de pouvoir dépister de potentiels porteurs de virus asymptomatiques qui ne seront pourtant pas ciblés par les tests de laboratoire. Les tests sérologiques en officine constitueront un outil de prévention supplémentaire dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
Avec une présence territoriale et une force de frappe - puisque c'est la guerre - permettant de réaliser au minimum 500 000 tests par semaine, les pharmacies constituent un levier stratégique dans le dispositif de diagnostic.
La multiplication des tests sérologiques contribuera par ailleurs aux enquêtes épidémiologiques, les officines formant un réseau de poids pour enrichir la collecte et la transmission de ces informations de santé.
Ce dispositif irait dans le sens de l'avis rendu le 18 mai 2020 par la Haute Autorité de santé (HAS), qui souligne que les tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) sont réalisables dans davantage de lieux, en comparaison avec les tests sérologiques de type TDR réalisés en laboratoires, et bien sûr par les pharmaciens.
Que ferez-vous pour permettre au plus vite le dépistage des individus asymptomatiques qui le souhaitent ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Le ministre de la Santé a accepté de faire droit à la demande des pharmaciens de réaliser des TROD sérologiques. Un arrêté sera pris en ce sens rapidement.
La HAS a émis des recommandations sur les TROD réalisés par d'autres professionnels de santé que les biologistes, pour des patients ayant des difficultés d'accès à un laboratoire de biologie médicale.
La HAS a inclus logiquement les pharmaciens dans la liste des professionnels autorisés car ils maillent finement tout le territoire et contribuent à l'accès aux soins de la population. L'ouverture réglementaire prévue par l'arrêté les concerne donc. La HAS a considéré que les autotests étaient en revanche prématurés.
Souveraineté et indépendance sanitaires
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Un mois après le début de la phase de déconfinement, au moment où les terrasses des cafés et des restaurants renouent avec un esprit français si convivial, plusieurs secteurs piliers fondamentaux de l'économie ont l'esprit moins festif et le coeur moins léger. Je veux parler de notre souveraineté sanitaire et de la situation du laboratoire pharmaceutique UPSA implanté à Agen au coeur du Lot-et-Garonne.
UPSA, ce sont 300 millions de boîtes de médicaments vendues chaque année dans plus de 60 pays, dont 98 % de la production est réalisée et conditionnée en Lot-et-Garonne. Ce sont 1 400 emplois directs et 3 600 emplois indirects dans mon département. Cette entreprise, au coeur du cyclone du Covid-19, a fait face à la demande exceptionnelle en produisant et distribuant un million de boîtes de paracétamol par jour.
Mais UPSA, c'est aussi la triste illustration des politiques publiques industrielles contemporaines : baisse structurelle de la production, tentation de délocalisation et concurrence étrangère déloyale.
Chaque acteur est en droit d'attendre un pilotage stratégique et une politique avantageuse du prix des médicaments made in France.
En 2005, la France était le premier pays producteur de médicaments en Europe ; quinze ans après, nous sommes relégués au quatrième rang.
Or la crise du Covid-19 a mis en lumière la nécessité absolue de produire en France.
Pour ce qui est d'UPSA, au regard de la forte capacité de ce fleuron industriel de répondre présent en temps de crise, des mesures de régulation économique - baisse de prix, générification - sont susceptibles de pénaliser sa production en menaçant par conséquent l'avenir du site du Lot-et-Garonne.
Qu'envisagez-vous pour éviter des délocalisations tout en favorisant le tissu industriel qui garantira à la France une réelle souveraineté sanitaire ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Les ruptures de stock de médicaments sont une préoccupation majeure des pouvoirs publics. À ce titre, tout levier incitatif permettant de développer l'investissement dans les capacités de production de principes actifs, matières premières et médicament sur le territoire de l'Union européenne à ce jour est investigué.
Agnès Buzyn a présenté le 8 juillet 2019 une feuille de route pour mieux prévenir, gérer et informer les patients et les professionnels de santé fondée sur 28 actions regroupées en 4 axes : la transparence et la qualité de l'information afin de rétablir la confiance ; renforcer la prévention et lutter contre les pénuries de médicaments ; améliorer la coordination nationale et européenne ; enfin, créer une gouvernance nationale autour d'un comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments.
La crise a confirmé ces besoins. Pendant la pandémie, la France et l'Union européenne ont tristement vécu la perte stratégique liée à la délocalisation des productions de médicaments et de matières premières.
Produire plus, mieux, différemment sont des exigences absolues.
Toutes les modalités en faveur de l'indépendance sanitaire de la France sont à l'étude.
Un nouvel élan doit être donné à une nouvelle stratégie pharmaceutique européenne.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Vous me faites un exposé. La souveraineté n'est pas un gros mot, mais un devoir pour les dirigeants. Les Français vous la demandent. Vous la leur devez !
Gestion du linge dans les établissements publics de santé
Mme Catherine Deroche . - Ma question porte sur le coût des dépenses de gestion du linge dans les établissements publics de santé.
La fonction « textile » est importante d'un point de vue sanitaire mais aussi économique dans les centres hospitaliers et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
L'entretien du linge est un poste important : il représente plus de 2 % du budget d'un hôpital et plus de 4 % de celui d'un Ehpad.
Une majorité des hôpitaux français a recours à une gestion interne du linge. Ce choix s'accompagne d'avantages certains, tels un contrôle de la chaîne de production et une forte réactivité des services. Mais le coût moyen d'exploitation au kilogramme de linge des blanchisseries hospitalières s'avère supérieur d'au moins 25 % à celui des blanchisseries privées. D'après l'Union des responsables de blanchisseries hospitalières (URBH), 80 % d'entre elles seraient en deçà du seuil de rentabilité. En Europe, quatre hôpitaux sur cinq ont recours à un prestataire privé.
D'après une étude réalisée par le Groupement des entreprises industrielles de services textiles (Geist), l'externalisation des fonctions logistiques à l'étranger est présentée comme un outil de productivité et de maîtrise des coûts. Il s'agit de gagner en souplesse, avec une extension du foncier disponible et un allègement des contraintes en ressources humaines.
Une externalisation de la gestion du linge dans nos établissements publics de santé est-elle envisagée ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La fonction « textile » concerne une part importante du budget des collectivités territoriales, de nombreux emplois, et joue sur la qualité et la sécurité des soins. La réflexion doit donc prendre en compte tous ces enjeux pour décider au mieux.
La crise du Covid a montré le caractère crucial de la gestion du linge, quel que soit le modèle retenu.
Il faut une grande qualité et une grande réactivité : les différents modèles existants devront donc être analysés selon ces critères.
Cette question a toute sa place dans le Ségur de la santé. La logistique est partie intégrante de la bonne organisation des soins.
Mme Catherine Deroche. - L'hôpital a besoin de se recentrer sur ses missions. Soulager les soignants de certaines fonctions apparaît nécessaire.
Accueil des enfants en situation de handicap par les assistantes maternelles
M. Philippe Mouiller . - En 2018, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge a, dans son rapport sur l'accueil et la scolarisation des enfants en situation de handicap de moins de 7 ans, fait des propositions, pour mobiliser davantage les assistantes maternelles.
En effet, les enfants en situation de handicap de moins de 3 ans sont très peu accueillis par des assistantes maternelles et plus souvent gardés exclusivement par leurs parents.
À compter du 1er novembre 2019, le complément de libre choix de mode de garde (CMG) a été revalorisé de 30 % pour les familles allocataires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), pour favoriser la garde des tout-petits, reconnaître le surcoût que peut représenter cette garde et ainsi assurer un meilleur revenu aux assistantes maternelles.
Cependant, l'impact de cette mesure risque d'être limité. Sur 265 000 allocataires de l'AEEH, seuls 33 000 en bénéficient au titre d'un enfant de moins de 6 ans et 4 700 familles bénéficient de l'AEEH pour un enfant et du CMG pour un autre de leurs enfants.
Par ailleurs, les enfants porteurs d'un handicap mais non reconnus par le biais de l'AEEH ne peuvent bénéficier de cette majoration. De plus, la reconnaissance du handicap chez les enfants peut être tardive et intervenir bien après ses 3 ans, voire ses 6 ans. Le Haut Conseil proposait d'allouer une prime aux assistantes maternelles qui se formeraient pour accueillir un enfant en situation de handicap ou qui en garderaient déjà un.
Quelle suite réserverez-vous à cette proposition de garde des enfants en situation de handicap par les assistantes maternelles ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La proposition du Haut Conseil de verser une prime aux assistantes maternelles fera l'objet d'une expertise.
Au-delà, beaucoup a été fait pour améliorer l'inclusion des enfants handicapés, comme le bonus mis en place en 2019 dans le cadre de la COG entre l'État et la CNAF, pour les établissements accueillant des enfants en situation de handicap, y compris pour les enfants n'ayant pas encore eu la reconnaissance de la MDPH en 2020.
Le dispositif monte en puissance. L'obligation d'inclusion des établissements est renforcée, notamment en matière d'aménagement des locaux et de simplification de la réglementation.
Nous proposons l'expérimentation de référents santé et inclusion au sein des relais d'assistantes maternelles.
Le plan de formation des professionnels de la petite enfance inclut les assistantes maternelles dans ses six priorités.
M. Philippe Mouiller. - Je salue les avancées en matière de formation, mais les assistantes maternelles sont le relais entre les établissements et les familles : elles doivent donc être formées. C'est urgent.
Transformation des jardins d'enfants
M. Max Brisson . - L'adoption du projet de loi de la confiance a ramené de trois à six ans l'obligation de scolarisation, ce qui a eu un effet sur les jardins d'enfants.
Ces structures contrôlées par le ministère des Solidarités et de la Santé répondent aux exigences réglementaires des politiques publiques de la petite enfance. Elles bénéficient des financements des caisses d'allocations familiales de même que les parents qui y placent leurs enfants. Elles accueillent environ 10 000 enfants avec une concentration forte en Alsace, en Bretagne, à Paris et à La Réunion.
Voilà un an, les jardins d'enfants furent au centre des débats dans cet hémicycle. Le projet de loi pour une École de la confiance prévoyait leur suppression. Les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat ont permis de leur octroyer un délai de cinq ans pour se transformer en école maternelle privée sous contrat ou hors contrat ou de se recentrer sur les enfants de moins de trois ans.
Le ministre de l'Éducation nationale disait qu'il fallait garder toutes leurs caractéristiques positives.
Mais les jardins d'enfants se plaignent d'une absence d'information. Comment les accompagner et les financer ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La France compte plus de 260 jardins d'enfants, majoritairement financés par les CAF.
En abaissant par la loi du 26 juillet 2019 l'âge de l'entrée obligatoire à l'école à trois ans, le Gouvernement a modifié leurs conditions de fonctionnement, puisque ces structures étaient ouvertes aux enfants de deux à six ans.
L'État a donné cinq ans aux jardins d'enfants pour s'adapter à ce nouveau cadre.
L'intérêt pédagogique de ces structures est reconnu, et il nous faut donc préparer leur évolution. Mandatée le 3 janvier, une mission de l'IGAS et de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la jeunesse a rendu un premier rapport intermédiaire le 16 avril. Le 3 mars a commencé une enquête auprès des responsables des jardins d'enfants pour recueillir des renseignements plus fins et éclairer les décisions qui seront prises.
M. Max Brisson. - Si je comprends bien, ma question est trop précoce. Quoi qu'il en soit, un accord est nécessaire pour préserver les jardins d'enfants et leur caractère particulier.
La séance est suspendue quelques instants.
Label « station de tourisme »
Mme Martine Berthet . - Ma question porte sur les avantages accordés à une communauté de communes labellisée « station de tourisme ».
La loi NOTRe du 7 août 2015 a transféré la compétence tourisme des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), au 1er janvier 2017.
Dans le département de la Savoie, la communauté de communes des vallées d'Aigueblanche (CCVA) a été classée « station de tourisme » par le décret du 17 décembre 2019. Je vous avais interpellée à ce sujet, madame la ministre, le 25 octobre 2018, et je vous remercie d'y avoir donné suite.
Cette labellisation consacre une volonté continue de la CCVA de soutenir le développement touristique et économique de son territoire.
Un tel label accorde aux communes divers avantages tels que le surclassement démographique, la perception du produit de la taxe de publicité foncière et de la taxe additionnelle aux droits d'enregistrement. Cependant, il semble que rien ne soit encore prévu pour que ces avantages puissent s'appliquer directement à l'intercommunalité et non aux communes membres. Pourtant l'intercommunalité assume toutes les charges de cette compétence, comme la gestion de l'eau, de l'assainissement et des déchets.
Une mesure est-elle envisagée afin de s'adapter à cette évolution et d'accorder l'ensemble des avantages permis par la labellisation station de tourisme à l'EPCI ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - La communauté de communes des vallées d'Aigueblanche est en effet le premier EPCI à bénéficier de ce label. Les communes de moins de 5 000 habitants peuvent bénéficier directement du produit de taxes additionnelles, elles peuvent recruter davantage de fonctionnaires ou à des rangs supérieurs, et l'indemnité de formation des élus communaux est majorée. Ces avantages ne s'appliquent qu'aux communes.
Sur les deux premiers, il n'est pas opportun de modifier les textes d'autant qu'un seul EPCI serait concerné.
La taxe de séjour relève déjà des compétences des EPCI. En outre, les autres ressources financières et humaines supplémentaires pourront in fine être utilisées au développement de la politique touristique de l'EPCI.
Quant au troisième avantage relatif à la rémunération des élus, il correspond à des sujétions et des responsabilités particulières par rapport à des communes de taille comparable et doivent donc correspondre à des situations objectives. Le législateur n'a pas souhaité en élargir le bénéfice au-delà de l'échelon municipal.
Mme Martine Berthet. - Pour une meilleure organisation de l'EPCI, plus de souplesse apparaît nécessaire.
Contrats de plan État-régions 2021-2027
M. François Bonhomme . - Ma question concerne l'état d'avancement des négociations et de la formalisation des nouveaux contrats de plan État-régions (CPER) pour la période 2021-2027.
Les CPER définissent les actions que l'État et chacune des régions s'engagent à mener et à financer conjointement, sur une période de six à sept années. Ils ont vocation à financer les projets exerçant un effet levier pour l'investissement local.
Depuis près de quarante ans, ils constituent un support déterminant des politiques de l'État en direction des territoires et un outil essentiel pour leur aménagement et leur développement.
Dans cette vision territorialisée des politiques publiques, les priorités nationales composent avec les spécificités et les mobilisations locales.
L'année 2020 devait être l'occasion de négocier les enveloppes financières et les projets contractualisés entre l'État et les régions pour la nouvelle génération de contrats. Les CPER devaient être finalisés d'ici la fin de l'année, pour démarrer en 2021 pour six ans, période correspondant à la programmation des fonds européens, essentiels pour la région Occitanie, son agriculture, son développement social, économique, urbain, rural et aéronautique.
Or les documents de programmation pour la période 2021-2027 n'ont toujours pas été arrêtés. Dans certaines régions, il a été demandé aux présidents de conseil départementaux de se prononcer en dix jours sans qu'ils puissent consulter les maires et les présidents de communautés de communes pour bâtir des propositions dans la concertation.
Les mobilités sont au coeur des préoccupations quotidiennes. Elles doivent être prioritaires, afin d'attirer les investissements dans les réseaux ferroviaires et routiers, d'autant plus que les objectifs fixés sous les contrats précédents sont loin d'être atteints.
À quelle date la signature des prochains CPER est-elle prévue et quelle sera la contribution financière mise par l'État sur le volet mobilités, avec une attention particulière pour la modernisation des réseaux routiers et ferroviaires ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Vous avez raison, les CPER sont un outil essentiel. Le travail sur les nouveaux contrats a hélas été ralenti par la crise du Covid, laquelle a rendu nécessaire un plan de relance, notamment dans le domaine de l'aéronautique. Dès lors, CPER et plan de relance doivent être coordonnés pour une mise en oeuvre territoriale. L'articulation entre les deux fait l'objet du travail que je mène en ce moment avec l'ensemble des présidents de région, que je viens de réunir avec les préfets de région, lesquels sont chargés de négocier les contrats.
J'ai évoqué ces problèmes avec la présidente de la région Occitanie. Les négociations ont repris depuis trois semaines : les régions ont parfois besoin de mettre à jour leurs priorités après la crise sanitaire. Un point d'étape sera fait en juillet, dans le cadre d'une rencontre avec les présidents de région, avant la signature des CPER, si nous le pouvons, en fin d'année.
La présidente de région a bien signalé à mon attention le plan ferroviaire et en particulier les petites lignes. Dans votre région, la mobilité professionnelle participe en effet à l'aménagement du territoire.
Pôle de santé pluridisciplinaire à Langon
Mme Florence Lassarade . - La crise du Covid a mis en lumière le projet, en cours depuis deux ans, de création par des professionnels du secteur médical et paramédical, d'un pôle de santé dynamique regroupant des médecins, des dentistes, des paramédicaux et une piscine de rééducation et de réathlétisation.
Les praticiens devant rejoindre le projet étaient très intéressés par la situation de ce pôle en zone de revitalisation rurale (ZRR) avec les avantages inhérents à ce dispositif. Or le classement de la commune de Langon en ZRR est prévu jusqu'au 31 décembre 2020. L'ouverture du pôle était programmée pour novembre 2020, afin de pouvoir bénéficier pleinement de ce dispositif attractif pour recruter des praticiens. Malheureusement, le chantier de ce pôle, interrompu en raison de la crise du Covid-19, continue à prendre chaque jour du retard depuis la reprise, en raison des nombreuses contraintes liées aux conséquences de la crise sanitaire. Deux médecins se projettent sur des structures déjà en fonctionnement hors du bassin de population du sud-Gironde ; et l'un d'entre eux s'est installé dans un autre département.
Dans les conditions économiques actuelles, le recrutement de praticiens devient extrêmement compliqué et la possibilité de voir l'offre médicale du secteur s'agrandir s'estompe. Parallèlement, les investissements réalisés avant la crise doivent être remboursés avec, in fine, des pénalités liées au retard de livraison du chantier consécutif aux nouvelles contraintes dues à la crise sanitaire.
Une clause spéciale Covid-19 sera-t-elle prévue afin de proroger le dispositif ZRR sur le premier trimestre 2021, pour sauver les projets dont la réalisation a débuté avant le confinement ? Ce prolongement concernera-t-il la commune de Langon ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Divers rapports ont été produits sur les ZRR, dont certains ici même...
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Excellents !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Oui, nous avons décidé que les communes qui devaient en sortir en juillet y resteront jusqu'à la fin de l'année. Nous réfléchissons à un report des ZRR telles quelles ou à la priorisation de certains territoires, comme le souhaite l'association des maires ruraux. Quoi qu'il en soit, il n'y aura pas d'arrêt brutal du dispositif.
Quant au pôle de Langon, la délégation départementale Gironde de l'ARS n'a pas été sollicitée pour un accompagnement alors qu'un travail conjoint avec l'ARS et la CPAM semble nécessaire, dans le cadre du contrat local de santé. L'ARS Nouvelle Aquitaine a été informée par nos soins. Cette dernière reste à l'entière disposition des professionnels qui portent le projet pour les accompagner, sans éluder le possible passage par l'étape une maison de santé pluridisciplinaire ou même d'une équipe de soins primaires.
Les avantages accordés aux ZRR doivent être prolongés, nous en sommes conscients.
Mme Florence Lassarade. - Merci pour votre réponse. Je transmettrai votre conseil aux porteurs du projet, important pour notre ville. Vous savez combien cette zone est défavorisée.
Centres d'accueil des demandeurs d'asile et logement social
M. Éric Gold . - Je relaie une question posée par plusieurs élus locaux de mon département. Le décret du 5 mai 2017 prévoit qu'un logement locatif social équivaut à trois places en logements-foyers, en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ou en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ce calcul peut conduire à diviser par trois le nombre de places en foyer CADA, et ainsi faire basculer une commune en dessous du seuil de 20 % ou 25 % de logements sociaux : c'est pénalisant pour ceux qui accueillent une CADA, dont certains ont pourtant engagé des politiques fortes pour accueillir au mieux les demandeurs d'asile.
Un assouplissement est-il envisageable s'agissant de ce mode de calcul pour récompenser les communes volontaristes ?
Le sujet est identique s'agissant de l'accueil des gens du voyage, du fait d'un décret du 26 décembre 2019 ayant rendu le calcul défavorable pour les terrains locatifs familiaux accueillant des gens du voyage.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Le cadre réglementaire décompte les places en CADA comme autant de logements dès lors qu'elles répondent à des critères minimaux d'autonomie et de décence - présence de cuisine, de douche, etc. - fixés par la réglementation. À défaut, le calcul est d'un logement pour trois places. Une évolution n'est pas envisagée, notamment parce que la plupart des structures sont anciennes.
Il s'agit d'améliorer l'accueil des demandeurs d'asile en incitant à la création de logements dignes. Cela me semble nécessaire à leur bonne intégration dans notre société et à la scolarisation de leurs enfants.
Je me souviens des débats que nous avons eus il y a environ un an et demi lors d'une modification de la loi Sécurité intérieure et logement. Nous allons dans le même sens : il faut que ces CADA soient dignes et irréprochables.
M. Éric Gold. - Il faut encourager les communes qui s'engagent sur ces politiques difficiles.
Plan de relance pour l'industrie du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Le plan de relance pour l'industrie du tourisme, de la restauration et de l'hôtellerie, fortement touchée dans les Alpes-Maritimes, a été annoncé à la mi-mai, pour un montant de 18 milliards d'euros mais il y a beaucoup de trous dans la raquette.
Les professionnels attendent des aides par secteur. Il y avait 50 000 prêts garantis de l'État début mai pour 200 000 entreprises ; c'est faible, d'autant que les assureurs n'ont pas pris d'engagements.
L'État doit vérifier que les banques jouent bien leur rôle. Les loyers impayés représentent des dettes qui s'additionnent aux charges fixes ; il faudrait les annuler et rembourser les bailleurs.
Les mesures sanitaires réduisent les capacités d'accueil, ce qui mérite une compensation si elles ne sont pas allégées.
Enfin, autocaristes, chauffeurs, grossistes en boissons, torréfacteurs ne bénéficient pas des mesures sectorielles. Pourquoi ne pas envisager une baisse temporaire du taux de TVA à 5,5 %, comme en Allemagne ? Qu'en est-il du plan Marshall annoncé par le commissaire européen Thierry Breton ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Je fais le point chaque mardi avec les professionnels du tourisme. Nous en sommes à plus de 8 milliards d'euros engagés par 84 000 entreprises, dont deux tiers consommés par l'hôtellerie, pour 2 milliards d'euros et 13 000 entreprises et la restauration, pour 4,5 milliards d'euros et 62 000 entreprises.
Les prêts garantis par l'État saisonniers permettent d'emprunter le montant des trois meilleurs mois d'activité de l'année, soit davantage que les 25 % des prêts garantis par l'État « traditionnels »...Nous avons demandé en outre à la fédération bancaire française que les échéances relatives au tourisme soient reportées à douze mois au lieu de six mois.
Vis-à-vis des assureurs, nous n'avons pas faibli, obtenant qu'ils portent à un milliard d'euros leur contribution pour le tourisme. Les négociations se poursuivent avec la profession.
Un amendement au PLFR 2, à l'initiative de Jean-Noël Barrot, prévoit une évaluation à l'automne de l'impact de la crise, positif et négatif, sur les assureurs pour, le cas échéant, réévaluer les contributions.
L'État a abandonné ses propres créances de loyer. Une médiation du crédit a été engagée par les opérateurs privés, mais avec peu d'écho à ce stade : seulement une soixantaine de dossiers remontés dans le secteur du tourisme.
Autocaristes, grossistes et distributeurs sont bien éligibles au plan sectoriel.
Concernant la TVA, c'est plutôt l'Allemagne qui fait un pas en direction de la France, dont le taux est de 10 %, puisqu'elle avait une TVA à 19 %. Nous allons continuer à accompagner la reprise, en soutien des professionnels.
Concernant le plan Marshall, une réunion des chefs d'État et de Gouvernement se tiendra vendredi. Ils se retrouveront à nouveau en juillet. La France, avec l'Allemagne, fera en sorte que 20 %, idéalement, de ses mesures soient dédiées au secteur du tourisme européen.
Prise en charge des enfants handicapés scolarisés à l'étranger
Mme Hélène Conway-Mouret . - L'intégration des enfants porteurs de handicap demande des aménagements particuliers et notamment dans certains cas la présence d'une auxiliaire de vie scolaire (AVS).
Beaucoup de Français de l'étranger ont rencontré des difficultés car les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont directement rémunérés par les parents. Les aides ne couvrent pas les dépenses.
Lors d'un déplacement en Espagne, j'ai échangé avec des représentants de l'association Aledas, qui fait un travail formidable pour aider les enfants en difficulté d'apprentissage scolaire au lycée français de Barcelone, où l'on recense onze AVS qui aident treize enfants dont quatre autistes. Le salaire brut d'une AVS est de 14,50 euros par heure pour la personne qui l'engage. Or l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ne prévoit que 10 euros par heure pour couvrir cette dépense. Les 4,5 euros restants sont à la charge des familles boursières.
Allez-vous revoir les critères d'attribution des aides afin d'être en phase avec la politique du Gouvernement en faveur des handicapés ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le handicap est une grande cause du quinquennat et l'école inclusive est une priorité de notre Gouvernement.
Au sein de l'AEFE, la prise en charge de la rémunération des accompagnants doit être intégrale. Si d'aventure, il y avait un reste à charge, comme dans ce cas particulier, je propose un dialogue avec l'association car il n'y a pas d'obstacle à la prise en charge intégrale.
Les crédits alloués sont de plus de 350 000 euros sur le programme 151. Une centaine d'élèves boursiers en ont bénéficié en 2018-2019. Le nombre d'heures d'accompagnement est ajusté au programme scolaire.
Si la loi de 2005 sur le handicap ne s'applique pas hors de France, elle doit rester une référence constante au sein de l'AEFE.
Il conviendrait d'étendre le dispositif d'aide aux familles non boursières, car le handicap laisse entendre de lourdes dépenses. J'y travaillerai avec Mme Cluzel et les représentants des Français hors de France.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Vos propos me rassurent mais le cas que je signale n'est pas exceptionnel. Mme Cazebonne, à l'Assemblée nationale, a déposé un amendement à ce sujet, repoussé par le Gouvernement.
On ne peut se reposer sur les bonnes volontés. Le plus simple serait d'intégrer le reliquat dans le montant de la bourse, en élargissant les critères sociaux.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. - M. le président a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 15 juin 2020 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2020. Le décret a été publié sur le site internet du Sénat. La Conférence des présidents, qui se réunira demain à 14 heures, établira l'ordre du jour de cette session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication.
Don de chèques-vacances au personnel sanitaire et médico-social (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de Covid-19.
Discussion générale
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Cette proposition de loi du député Christophe Blanchet, adoptée par l'Assemblée nationale le 2 juin dernier, a pour objet d'offrir des chèques-vacances aux soignants. Elle lève à cet effet les obstacles juridiques.
Elle n'a nullement vocation à se substituer aux politiques publiques qui doivent répondre, dans la durée, aux difficultés structurelles du secteur sanitaire. Des annonces ont été faites par Olivier Véran : versement de primes pour les soignants, mesures financières pour l'hôpital, dispositifs de prise en charge de la dépendance. Le Ségur de la santé qui réunit trois cents acteurs de la santé a pour vocation, en réponse à l'engagement du président de la République, de transformer les métiers et de revaloriser les carrières, d'investir massivement dans l'hôpital, de simplifier l'organisation au quotidien des équipes et de fédérer les acteurs de la santé dans les territoires. Les conclusions sont attendues fin juillet, pour tirer les leçons de l'épreuve, faire le lien avec Ma Santé 2022 et bâtir les fondements d'un système de santé plus moderne, plus résilient, à l'écoute des professionnels et des territoires.
Par ailleurs, les entreprises du tourisme bénéficieront d'un plan de soutien de 18 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros d'aides directes ; elles pourront recourir au chômage partiel à 100 % jusqu'en septembre 2020 et bénéficier du fonds de solidarité jusqu'en décembre 2020.
Ces deux politiques publiques - santé et tourisme - sont au coeur de votre travail de terrain. Elles feront l'objet de débats dans le PLFR 3, qu'il ne s'agit pas ici d'anticiper.
La proposition de loi permet simplement de répondre à l'élan de solidarité qui a traversé le pays, incarnant la vitalité de notre lien social. Traduisant une demande de nombreux concitoyens désireux de témoigner leur reconnaissance aux soignants, des parlementaires ont proposé de leur offrir des jours de repos sous la forme de chèques-vacances. Votre commission a souhaité matérialiser ce don sous la forme d'une retenue par l'employeur des sommes correspondant à la rémunération nette du salarié, versées à l'Agence nationale des chèques-vacances (ANCV). C'est une possibilité que nous souhaitons ouvrir dans le cadre du dialogue entre l'employeur et le salarié, sachant que le don en numéraire reste possible.
Le dispositif est expérimental, limité dans le temps, comme l'a utilement précisé votre commission. Le Gouvernement y est favorable, sous réserve de quelques précisions.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Le Sénat travaille depuis plusieurs semaines dans des conditions rendues difficiles par la profusion de textes à examiner en urgence, voire dans la précipitation.
Je sais votre ministère très mobilisé dans un contexte de forte hausse du chômage. Signe de l'importance qu'il accorde à ce texte, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. J'ai donc été surprise de la portée modeste d'un texte qui permet aux salariés qui le souhaitent de renoncer à des jours de congé non pris dont la valeur serait versée aux soignants sous forme de chèques-vacances, afin d'allier geste de reconnaissance et soutien au secteur touristique.
L'idée paraît généreuse et intéressante mais soulève plusieurs questions. La liste des bénéficiaires et les modalités de répartition sont renvoyées à un décret et le dispositif n'est pas borné dans le temps.
Certains salariés n'ont pas de RTT ou de jours de repos conventionnels - d'autant que les employeurs ont pu leur imposer de prendre leurs congés pendant le confinement. En outre, le mécanisme de monétisation fait peser le coût de la solidarité autant sur l'employeur que sur le salarié, notamment dans le secteur public, où les congés ne sont pas provisionnés. Tous les employeurs ne pourront hélas pas décaisser les sommes correspondant au souhait de solidarité de leurs salariés.
Si les soignants ont rempli leur rôle avec abnégation pendant le pic de l'épidémie, d'autres travailleurs - caissières, pompiers, forces de l'ordre - ont également été en première ligne, tandis que d'autres auraient aimé pouvoir travailler. Allouer des chèques-vacances pour quelques dizaines d'euros aux seuls soignants dans ce contexte peut donc sembler dérisoire.
Les soignants dénoncent d'ailleurs dans ce texte l'expression d'une charité maladroite, en décalage avec leurs attentes.
Le Sénat toutefois ne pouvait le rejeter sans tenter de l'amender. La commission a donc réécrit le dispositif qui passe d'un don, largement fictif, de jours de repos, à un don concret d'une partie de rémunération. Il s'appuie sur l'ANCV, les sommes correspondantes étant versées sur un compte dédié qui pourra également être alimenté par des dons volontaires. L'ANCV versera les sommes collectées aux établissements, désignés par arrêté, au prorata de leur masse salariale ; les personnels concernés devront avoir travaillé pendant la période de confinement et percevoir une rémunération inférieure à trois SMIC.
Nous avons également borné le dispositif dans le temps en retenant la date du 31 août 2020, ce qui suppose une application sans délai. J'ai une pensée pour les services de l'État auxquels il reviendra d'élaborer les décrets dans l'urgence, alors qu'ils ont par ailleurs tant à faire.
Mme Annick Billon. - Très bien.
Mme Claudine Kauffmann . - Si j'ai toujours exprimé mon soutien aux soignants engagés dans la lutte contre la pandémie, je m'interroge sur l'intérêt de ce texte. Certes, l'initiative est sympathique, tout comme l'idée de leur remettre une médaille. Reste que le Covid-19 aura mis en lumière le dénuement de nos services de santé et leurs conditions de travail impossibles. Notre pays, sixième puissance mondiale, a été dépassé par une pandémie qui a révélé sa totale impréparation.
La désertification médicale n'est que la partie émergée de la déliquescence de notre système de santé et de notre dépendance en matière de médecine : manque de personnels, de lits, de respirateurs, de masques, de médicaments - dont 80 % sont fabriqués en Inde ou en Chine ! La France a sacrifié son indépendance sanitaire sur l'autel du profit de quelques industriels.
Une aide-soignante ayant dix ans d'ancienneté touche 1 300 euros par mois, primes incluses - une rémunération indigne ! Ce débat sur le don de chèques-vacances n'est qu'un moyen de détourner l'attention. Nos compatriotes ne sont pas dupes. La santé doit primer sur toute considération financière.
Je soutiendrai néanmoins ce texte. (MM. Bernard Jomier et Martin Lévrier s'en étonnent.) Ce sont les soignants qui ont été en première ligne face à la pandémie, non des laboratoires avides de bénéfices.
On peut résumer la situation de notre système de santé par ce mot de Montaigne : « le profit de l'un est le dommage de l'autre ».
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je suis scandalisée par cette proposition de loi décalée, injuste et indécente, qui insinue que les salariés qui ne donneraient pas leurs jours de congé n'ont pas de coeur. C'est toujours aux mêmes que sont demandés les sacrifices. L'idée de prendre dans la poche des riches ne vous a même pas effleurés ! (M. Martin Lévrier s'amuse.)
Nous avons tous applaudi les soignants à 20 heures pour leur engagement alors qu'ils manquaient cruellement de moyens. Avec cette proposition de loi, vous prenez dans la poche des salariés, dont vous réduisez les congés.
Dans mon territoire déjà sacrifié, les licenciements se multiplient - hier encore, je rencontrais les 69 salariés de Huchin, à Calais. Alors que le chômage explose, PSA Hordain fait venir 531 travailleurs polonais, moins chers que les intérimaires de l'usine. Et ce alors que PSA touche des aides de l'État et bénéficie du chômage partiel !
Comment ne pas comprendre la colère des Français ? Le virus devient prétexte à des réformes libérales et à une remise en cause du droit du travail.
La proposition de loi initiale ouvrait la porte à la monétisation des jours de congés. La droite sénatoriale va encore plus loin : c'est maintenant une fraction de la rémunération qui est transformée en chèques-vacances. Demain, les patrons proposeront-ils de remplacer des jours de congés par une augmentation de salaire correspondante, au détriment de la santé de leurs salariés ?
Primes à géométrie variable, médailles, défilé sur les Champs-Élysées : les soignants ne sont pas dupes. Ils ne veulent pas davantage de cette proposition de loi. Les syndicats d'infirmiers l'ont rappelé, ils ne font pas l'aumône. Le Gouvernement cherche à repousser le moment de la revalorisation salariale des soignants, et les salariés n'ont pas à se substituer à l'État ! Ce dernier doit recruter pour permettre aux soignants de prendre quelque repos après la crise.
La monétisation des jours de repos se fera sous forme de chèques-vacances car les personnels soignants n'arrivent pas même à prendre leurs jours de repos. L'État doit embaucher des soignants et améliorer leur rémunération. Voilà ce que réclament les manifestants, aux côtés desquels nous étions ce matin.
Notre groupe ne votera pas ce texte, même réécrit. Son seul but est de faire oublier la gestion calamiteuse de la crise par le Gouvernement. (Applaudissements à gauche)
Mme Colette Mélot . - Le don de jours de repos existe depuis la loi du 9 mai 2014 pour les parents d'enfant gravement malade, et a été élargi en 2018 aux proches aidants. C'est un geste de solidarité individuelle qui repose sur le volontariat et l'anonymat.
Dans le contexte actuel, il est proposé d'étendre cette possibilité au bénéfice du personnel soignant. De nombreuses objections ont été soulevées en commission, nous les comprenons. Chacun peut faire preuve de solidarité. De fait, de nombreux CHU ont reçu des dons pour acheter du matériel, tandis que des initiatives comme « le repos des héros » ont vu le jour.
La proposition de loi est complémentaire. Elle apporte une base juridique à l'organisation de la solidarité à l'échelle de l'entreprise. Ce geste symbolique ne répond pas au problème de la reconnaissance du métier de soignant, des conditions de travail, de la formation ou des évolutions de carrière, sujets qui seront abordés dans le cadre du Ségur.
La proposition de loi ne fait qu'accompagner les mesures que le Gouvernement s'est engagé à prendre. Il est vrai que le dispositif est complexe pour les employeurs et limité à certains salariés.
Nous soutenons l'effort de réécriture par la commission des affaires sociales, qui simplifie le système. Les soignants ne sont pas seuls à mériter un tel effort de solidarité ; des caissières aux éboueurs, chacun mérite reconnaissance.
Il ne s'agit pas d'enlever à l'État son rôle d'armature des solidarités, selon l'expression d'Alain Supiot. Les entreprises ont été durement touchées par la crise. Il n'est pas question de faire porter au monde économique le poids des dommages et intérêts.
La proposition de loi n'apporte pas la réponse attendue par les acteurs de la santé, dont les aspirations sont bien plus profondes. Elle ajoute néanmoins une pierre à l'édifice : nous la voterons.
Mme Jocelyne Guidez . - Urgentistes, généralistes, internes, infirmiers, aides à domicile ont été en première ligne face à un ennemi invisible et redoutable. Malgré le manque de matériel, ils ont été présents, dans l'urgence, tenant leur poste avec dignité, avec la ferme ambition d'en finir avec le virus.
Les visages de ces héros resteront gravés dans le marbre de notre République. Sur les vitrines de nos commerces, dans la lumière des gyrophares aux abords des hôpitaux, un élan de solidarité s'est manifesté. Tout un pays a tenu à manifester avec émotion sa reconnaissance pour leur détermination vitale. Les moments de joie n'effaceront pas le courage de ceux qui ont payé de leur vie leur dévouement au service d'une grande cause. Leur héroïsme nous rappelle que la vie, si belle soit-elle, reste fragile. J'adresse nos pensées émues à leurs familles.
L'esprit d'unité de ces derniers mois ne me surprend pas. C'est celui de la France de l'engagement, de la persévérance, de la résistance à toute épreuve. La République ne pourrait tenir debout sans cette cohésion nationale face aux tempêtes.
Désormais, nous devons permettre à cette solidarité de s'exprimer sous une autre forme. Je remercie le député Christophe Blanchet et salue le rapport de Frédérique Puissat. Les modifications qu'elle propose étaient nécessaires, notamment la réécriture de l'article premier. Les salariés pourront renoncer à leur rémunération nette au titre d'une ou plusieurs journées de travail ; un abondement complémentaire de l'employeur sera également possible. En effet, la monétisation de jours de RTT ou de jours de repos conventionnels posait problème. Désormais tout salarié ou agent public pourra donner.
Reste la délicate question des bénéficiaires. Il est prévu que les chèques-vacances soient répartis entre les établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d'aide et d'accompagnement à domicile, au prorata de leur masse salariale, sous conditions de ressources, aux personnels qui ont travaillé pendant le confinement.
Je me réjouis que les aides à domicile n'aient pas été oubliés, ni les internes en médecine - au contraire des aidants familiaux, qui ont pourtant assumé un rôle essentiel, souvent sans matériel de protection, au prix d'un épuisement physique et moral. Il aurait été normal et juste qu'ils soient éligibles : c'est l'objet de mon amendement.
La même question se pose pour les caissières, les éboueurs, ou ceux qui vont perdre leur emploi... Ce fonds risque de ne pas être suffisant, même s'il peut être alimenté par des dons volontaires.
Enfin, comme la médaille tant décriée, ce texte ne suscite pas une adhésion unanime du personnel soignant, qui ne fait pas la manche !
Veillons à ce que cette mesure louable ne crée pas de frustration chez ceux qui ne peuvent faire un don, faute de moyens.
D'autres mesures sont attendues dans le cadre du Ségur de la santé, notamment sur la rémunération des soignants.
Le groupe centriste soutient l'esprit du texte mais s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Bernard Jomier . - Je veux dire mon trouble à la lecture de cette proposition de loi. Sur la forme, le texte n'était ni abouti ni applicable en l'état et je salue le travail de la rapporteure, qui a dû remplacer le don de jours de repos par un don d'une partie de rémunération.
Passons sur le message sous-jacent, qui laissait entendre que les Français auraient trop de vacances, voire que le confinement revenait à des jours de repos - alors que les salariés ont parfois été obligés de poser des jours de congé.
La création d'un fonds pouvant être abondé par des dons est une avancée, mais dont la portée est limitée, faute d'incitation fiscale. La limitation dans le temps en est une autre.
Reste de nombreux écueils, à commencer par la question des bénéficiaires, qui gêne profondément.
Dans le train de six heures du matin, il y avait aussi les caissières, livreurs, les éboueurs, les agents du service public. En s'opposant à ce dispositif, les soignants refusent de fragmenter un peu plus notre société.
Les sommes à redistribuer risquent d'être assez faibles. La procédure accélérée mobilisera l'administration pour publier des décrets rapidement. Or nous avons de sérieux doutes sur l'opérabilité du dispositif dans un contexte de crise sociale où plus d'un tiers des salariés sont encore au chômage partiel. M. Darmanin annonçait hier que l'indemnisation passerait de 70 % à 60 %. (Mme le ministre le conteste.) Il a été démenti depuis, soit. Le Gouvernement a-t-il le sens des priorités ?
Ce texte génère aussi un malaise sur le fond. Le 2 juin dernier, son auteur reconnaissait qu'il n'avait pas vocation à répondre aux attentes du personnel soignant. Quel aveu !
Alors que le Ségur de la santé s'est ouvert le 25 mai et que des milliers de manifestants sont devant le ministère de la Santé pour exiger des réformes structurantes, de nombreuses questions sont encore en attente : sur le versement des primes exceptionnelles pour les aides à domicile, la revalorisation des salaires, les praticiens étrangers à diplômes hors Union européenne, en particulier ceux qui ont affronté le Covid dans les Ehpad...
Le Premier ministre a refusé d'inclure la question cruciale de la gouvernance et de la place des soignants et des élus locaux dans la refonte du processus décisionnel de l'hôpital.
Sourds aux revendications légitimes des professionnels, vous invoquez la solidarité et la générosité, en déshabillant l'un pour habiller l'autre : les salariés paieront les chèques vacances des soignants.
Vous travestissez l'impuissance de l'État mais démonétisez en réalité le principe de solidarité nationale.
Les cagnottes se sont multipliées pendant la crise. Bruno Le Maire a demandé aux actionnaires de ne pas être trop gourmands, tandis que le Gouvernement lançait un appel aux dons. En écho, les manifestants lui répondent que cette proposition de loi n'est pas recevable.
Les Français attendent autre chose que des médailles ou des lois « autorisant à se montrer solidaires ». Ils préféreraient une rémunération correcte des soignants ! Mais vous fermez la porte à toute hausse de la fiscalité sur les plus fortunés et faites peser le remboursement des 136 milliards de dette publique sur les cotisations sociales des Français.
Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Véronique Guillotin . - Nous voici de nouveau ici pour débattre d'une proposition de loi qui ne fait pas l'unanimité.
Pourtant, les problématiques et les solutions sont bien identifiées et partagées par la plupart d'entre nous. Impossible de les ignorer alors que les manifestations de soignants et les auditions que je mène sur les territoires font émerger les mêmes revendications.
Cette proposition de loi est en décalage par rapport aux demandes des soignants. Pourquoi débattre de ce texte alors que le Ségur devrait aboutir à des mesures structurantes ?
Cette proposition de loi a un sens économique : les bénéficiaires des dons de chèques-vacances participeront à la relance du secteur touristique, durement touché par la crise. Ce n'est bien sûr pas l'objectif premier de ce texte qui veut apporter au personnel du sanitaire et du médico-social la preuve de la reconnaissance de la Nation.
Nous espérons que la question du salaire sera traitée par le Ségur, mais aussi celle des recrutements et de la réorganisation du système de santé.
Les aides à domicile pourraient y voir une prime bienvenue, alors que celle négociée entre l'État et les départements tarde à venir. Mais même pour ces métiers précaires et dévalorisés, qui ont été en première ligne pendant la crise, la temporalité et le niveau de la mesure pourraient apparaître en décalage avec les réformes attendues.
Cette proposition de loi présente d'autres faiblesses. Alors que d'autres salariés continuent à travailler face au virus, comme ceux de la grande distribution et du secteur du nettoyage, pourquoi en limiter le bénéfice aux personnels soignants ?
Néanmoins, élargir l'assiette des bénéficiaires reviendrait à saupoudrer l'enveloppe disponible, dont nous ne connaissons pas le montant à l'avance. Sur ce point il ne semble pas y avoir de bonne réponse, ce qui démontre le caractère inabouti de la proposition de loi.
Des doutes subsistent sur la volonté des salariés à renoncer à une journée de salaire quand beaucoup ont déjà perdu une partie de leur rémunération.
Frédérique Puissat a néanmoins amélioré le dispositif tout en évitant d'alourdir les charges des entreprises. Je crains que le coût d'administration de ce dispositif soit disproportionné par rapport aux sommes collectées.
Ce texte est une marque d'attention, de reconnaissance et de solidarité adressée au monde médical et médico-social. Mais ces personnels attendent plus, beaucoup plus du Gouvernement. Il faut une réforme structurelle à la hauteur de l'enjeu. Le virus continue de circuler, d'autres suivront, sans compter les canicules.
L'intention est louable mais les personnels méritent mieux. Ils attendent que l'État investisse dans ce secteur d'avenir, qu'il recrute et qu'il place les soignants au coeur des dispositifs décisionnel et organisationnel.
Ce n'est qu'en complément de ces mesures structurantes, à l'issue du Ségur de la santé, que la majorité de notre groupe sera favorable à cette proposition de loi.
Les attentes sont fortes dans les territoires. Les médailles et les chèques-vacances ne suffisent pas. Il faut des réformes en profondeur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
M. Martin Lévrier . - Au cours de ces derniers mois, les Français ont inventé de nouvelles solidarités pour soutenir les personnels soignants sous pression face à l'épidémie. Ces manifestations de sympathie leur sont allées droit au coeur. Les personnels des secteurs sanitaire et médico-social, des hôpitaux, des Ehpad, des services d'aide à domicile, ont multiplié les heures de travail.
Notre tâche n'est pas de faire des lois d'émotion mais nous ne pouvons rester insensibles aux besoins de ces personnes.
Christophe Bouillon, Maxime Minot, Édouard Courtial ont ainsi déposé des propositions de loi. L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi de Christophe Blanchet afin de faire un geste original envers le personnel soignant en offrant des jours de congés sous forme de chèques-vacances et de permettre aux Français de prouver leur solidarité.
Ce dispositif ne vise pas à se substituer aux réformes structurelles profondes qui sont nécessaires et ont été annoncées. Rappelons les chantiers engagés avant la crise sanitaire avec le plan Ma Santé 2022. Rappelons aussi le versement de primes pour les personnels soignants, les mesures financières pour l'hôpital, la meilleure prise en charge de la dépendance, sans oublier le lancement du Ségur le 25 mai. Les conclusions de cette concertation regroupant 300 acteurs sont attendues pour juillet.
Cette proposition de loi n'est qu'un plus qui permet de lier les Français à ceux qu'ils ont soutenus pendant trois mois.
A l'Assemblée nationale, les députés ont souhaité créer un fonds spécifique géré par l'ANCV pour recueillir les dons des particuliers non-salariés.
Au Sénat, Frédérique Puissat a réécrit l'article premier de la proposition de loi. Sa proposition est intéressante puisqu'il s'agit d'offrir un ou plusieurs jours de travail, et non plus de congés, mais pourquoi la mettre en opposition à la proposition des députés ? C'est pourquoi nous déposerons un amendement pour permettre le don de jours de repos : ainsi, nos concitoyens auront deux possibilités à leur disposition.
Notre deuxième amendement abaisse le plafond de rémunération des bénéficiaires du dispositif à deux SMIC afin d'amplifier la mesure pour celles et ceux qui, en première ligne, en ont le plus besoin.
Nous voterons pour, si notre premier amendement est adopté. Sinon, nous nous abstiendrons.
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le secteur médical et hospitalier a connu une crise majeure qui a mis en lumière ses dysfonctionnements et la nécessité d'une réforme d'ampleur - énième réforme oserai-je dire.
Cette proposition de loi me laisse perplexe et je m'interroge sur son opportunité.
L'idée est généreuse. Durant la crise sanitaire, de nombreux Français ont témoigné leur soutien aux personnels soignants, exposés à la contamination, épuisés par le manque de moyens et par l'ampleur de l'épidémie : applaudissements, mise à disposition de logements, dons. Parmi ces initiatives, l'idée de donner des jours de RTT aux soignants pour se reposer a germé.
Aujourd'hui, il vous est proposé de convertir des jours de repos en chèques-vacances. Il ne s'agit pas d'une demande des soignants qui ont d'autres attentes : un meilleur salaire et de bonnes conditions de travail.
Le don de jours de congés n'est pas une priorité et pourrait apparaître comme une simple opération de communication si l'on se montrait un tant soit peu soupçonneux.
Nous ne sommes pas dans les cas que nous avons connus dans les lois de 2014 et 2018 qui permettaient le don de jours de repos entre salariés d'une même entreprise pour un enfant malade ou un proche aidant. Dans ces textes, le transfert était simple et neutre pour l'employeur.
Le dispositif que nous examinons s'apparente plus à la journée de solidarité avec une sortie de trésorerie vers l'ANCV. Le moment semble peu propice pour peser sur les entreprises ou le secteur public.
L'ANCV percevra-t-elle suffisamment de dons pour que l'opération garde un sens ? Aujourd'hui, les risques s'éloignent et le mouvement sincère de générosité peut s'épuiser. Les bénéficiaires risquent de ne bénéficier, chacun, que de quelques euros. L'absence d'étude d'impact ne permet pas de le savoir.
Cette proposition de loi pose de tels doutes sur son opportunité, sa praticité et son efficacité que nous nous sommes longuement interrogés en commission.
Mais il est difficile de rejeter un texte solidaire. Le Sénat a toujours soutenu ceux en faveur des personnels soignants. Nous ne pouvions néanmoins l'adopter en l'état. D'où les modifications adoptées en commission et je tiens à féliciter notre rapporteur Frédérique Puissat.
La proposition de loi a été totalement réécrite : elle repose désormais sur un don de rémunération plutôt que sur un don de jours de repos. La solidarité est ainsi attachée au salarié plutôt qu'à l'employeur. En outre, nous avons ajouté une limite au 31 août, et nous avons ciblé les personnels ayant travaillé durant le confinement. Si ce texte se révèle in fine peu utile, il témoigne d'une intention généreuse et doit être compris ainsi.
Nous devons maintenant faire face aux vrais enjeux de notre système de santé. Au-delà de la question des rémunérations et des primes, les personnels soignants doivent pouvoir se consacrer pleinement à leurs missions qu'ils exercent tel un sacerdoce. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Édouard Courtial . - Certains sujets doivent dépasser les clivages partisans. Soutenir nos forces de l'ordre en est un, témoigner notre solidarité aux personnels soignants en est un autre. Souvenez-vous des applaudissements à 20 heures, lorsque le temps s'arrêtait dans une communion nationale pour ces héros qui surmontaient l'adversité avec un courage inouï. Tels des roseaux, ils pliaient mais ne rompaient pas face au vent néfaste du virus qui encore nous menace.
Comment traduire concrètement cette reconnaissance unanime ?
Sénateur de l'Oise comme Olivier Paccaud, je suis particulièrement touché par ce sujet. J'ai déposé dès le 22 mars une proposition de loi pour permettre le don de jours de repos. La possibilité pour les salariés d'offrir un jour de congé en l'état actuel du droit n'est ouverte que dans la même entreprise et pour venir en aide à un proche.
Je préfère cependant la solution des primes qui amélioreront le pouvoir d'achat des soignants, même temporairement.
Ce texte n'a pas pour ambition de répondre à la situation beaucoup plus profonde du mal-être du monde hospitalier et médico-social. Ces personnels réclament, aujourd'hui encore, une amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération. Il faudra plus qu'une prime pour répondre à leurs attentes.
La crise a révélé des insuffisances budgétaires profondes que les quatre plans de santé précédents n'ont pas résolues.
Mon texte était plus qu'un appel et il a été plagié par la majorité qui siège au Palais Bourbon. Je ne suis pas là pour dispenser bons et mauvais points, mais la méthode utilisée par les députés me laisse songeur sur leur déontologie. Ce nouveau monde pourrait s'avérer bien pire que l'ancien s'il revenait à remettre en cause une certaine honnêteté intellectuelle. La pâle copie votée par les députés a été améliorée par notre rapporteur, que je remercie pour son travail constructif.
Flécher les dons vers des chèques-vacances pour aider le tourisme réduit considérablement le périmètre de la proposition de loi. C'est le pouvoir d'achat des soignants qu'améliorerait un dispositif sous forme de primes. Les députés ne l'ont pas compris et je le regrette.
Permettre un abondement par l'employeur et la participation des non-salariés et des personnes morales est souhaitable.
Je suis heureux d'avoir contribué à mettre sur la table cette proposition de loi en faveur des soignants. Ce don, acte gratuit, solidaire et anonyme est un écho à la solidarité dont ils ont fait preuve. Ils ont été pendant la crise les héros de la Nation ; ne les décevons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. Guillaume Chevrollier . - Nous devons exprimer notre gratitude aux soignants qui ont fait preuve d'un dévouement total et d'une grande dignité.
Les salariés participent déjà au financement de notre système de santé à travers les cotisations sociales. Il revient donc à l'État de faire un geste pour les soignants.
Dans un contexte de sous-effectif, offrir des jours de repos aux soignants n'a guère de sens. Les soignants veulent avant tout des embauches, de meilleures conditions de travail, du matériel adéquat, des lits et une revalorisation salariale.
Ce texte de bonne intention n'est pas à la hauteur des enjeux de notre système de santé. Je souhaite que le Ségur aboutisse à des propositions concrètes, qu'il ne soit pas un débat de plus.
M. François Bonhomme . - Ce texte présente les apparences de la vertu.
L'article premier permet aux salariés de renoncer à leurs jours de congés afin de les monétiser. Après le passage à la commission des affaires sociales, cet article permettra aux salariés qui le souhaiteront de reverser aux soignants le montant correspondant à une ou plusieurs journées de travail.
Cependant, ce dispositif n'est pas demandé par les soignants qui ne sont pas les seuls à s'être dévoués pendant la crise de la Covid. Un texte aussi flou et qui laisse tant l'initiative au pouvoir réglementaire n'est pas adéquat.
Les limites et même une certaine tartufferie de ce texte sont évidentes. Il ne peut tenir lieu de politique publique de santé.
Quant aux médailles, elles sont le symbole de l'incapacité des pouvoirs publics actuels. Le Gouvernement préfère agiter avec ostentation des amulettes devant nos concitoyens plutôt que de venir au secours d'un système hospitalier malade de lui-même.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 1
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, ou, à sa demande et en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, dans une limite déterminée par décret, à des jours de repos acquis et non pris, qu'ils aient été affectés ou non sur un compte épargne-temps, en vue de leur monétisation,
M. Martin Lévrier. - Cet amendement réintroduit la faculté donnée au salarié d'effectuer, en accord avec son employeur, un don de jours de repos afin de lui laisser le choix dans l'expression de sa solidarité.
On pourrait ainsi réconcilier tout le monde en offrant aux salariés le choix entre deux dispositifs.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable. En réintroduisant la rédaction de l'Assemblée nationale, on complexifie le texte. La commission ne s'oppose pas à ce qu'un salarié puisse monétiser un jour de congé dans les conditions prévues par le droit actuel.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis favorable, en cohérence avec nos premiers propos.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme Guidez, M. Détraigne, Mmes Lopez et de la Provôté, MM. Menonville, Pierre, Le Nay et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Gabouty, Canevet et Mouiller, Mme Vermeillet, MM. Laugier et Decool, Mmes Sollogoub et Gatel, M. Vogel, Mme Billon, MM. Cazabonne et Kern, Mme Férat, M. P. Martin, Mme Dindar, MM. Cigolotti et Médevielle, Mme Bonfanti-Dossat, M. Houpert, Mmes N. Delattre et Kauffmann, M. Delcros, Mmes Canayer et F. Gerbaud, MM. Longeot et Fouché et Mme Noël.
I. - Alinéa 1
Après le mot :
personnels
insérer les mots :
et des proches aidants
II. - Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, et les aidants familiaux mentionnés à l'article L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles à l'exception des bénéficiaires de la prestation mentionnée à l'article L. 245-11 du même code restés confinés dans leur établissement et les proches aidants mentionnés à l'article L. 113-1-3 dudit code à l'exception des bénéficiaires de l'allocation mentionnée au L. 232-8 du même code
III. - Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les conditions d'attribution et de distribution des chèques vacances pour les aidants familiaux et les proches aidants mentionnés au premier alinéa du présent II sont fixées par décret.
Mme Jocelyne Guidez. - Sans l'action précieuse des proches aidants, des millions de Français n'auraient pas pu bénéficier d'accompagnement et d'assistance dans leur quotidien.
De plus, beaucoup ont dû cumuler ce qui semble être un « devoir naturel » avec une activité salariée et ce, dans des conditions sanitaires parfois compliquées.
Sans eux, c'est tout un pan de notre solidarité nationale qui se serait effondrée. Cela n'a pas été sans conséquences sur leur santé physique et morale, notamment lorsque les personnes aidées n'ont pas pu retourner dans leur structure d'accueil en raison des mesures prises dans le cadre du confinement. C'est la raison pour laquelle cet amendement exclut des bénéficiaires les aidants qui ont été séparés de leur proche durant la période de confinement.
Il convient de rendre éligibles à ce dispositif les personnes qui ont été mobilisées pendant le Covid-19 en aidant un proche handicapé ou en perte d'autonomie.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Cet amendement, dont nous avons discuté en commission, a le mérite d'ouvrir le débat sur les proches aidants. Cependant, élargir la liste des bénéficiaires complexifierait le dispositif et compliquerait la tâche de l'ANCV en matière de répartition des fonds.
Retrait, mais je tiens à remercier tous les aidants mobilisés pendant la crise.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis. Retrait ?
Mme Jocelyne Guidez. - Depuis le début de cette crise, tous mes amendements se sont heurtés à des refus. Surtout, mes chers collègues, que les proches aidants ne redeviennent pas invisibles. (Mme Florence Lassarade applaudit.)
L'amendement n°1 rectifié quater est retiré.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ce cas
par les mots :
le cas de la renonciation du salarié à la rémunération au titre d'une ou plusieurs journées de travail
M. Martin Lévrier. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 3
Remplacer le mot :
correspondante
par les mots :
correspondant à cette fraction ou celle correspondant aux jours de repos monétisés
M. Martin Lévrier. - Défendu.
Les amendements nos4 et 5 sont retirés.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Savin et Piednoir, Mmes Lavarde et Billon, MM. Charon, Chasseing, Houpert et Laugier, Mme Bruguière, M. Brisson, Mme Richer, M. Menonville, Mme Duranton, MM. Cuypers, J.M. Boyer, Dallier, A. Marc, Théophile et Le Gleut, Mme Férat, M. Dufaut, Mme Gruny, M. Détraigne, Mmes Deromedi et Lamure, MM. Pointereau, Bonhomme et Vaspart, Mmes Ramond et Canayer, MM. Gremillet et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Longeot et Decool, Mmes Noël et Mélot, MM. Lagourgue et Fouché, Mme Kauffmann et MM. Laménie et Sido.
I. - Alinéa 8
Après les mots :
de chèques-vacances
insérer les mots :
et de coupons sport
II. - Alinéa 9
Après les mots :
des chèques-vacances
insérer les mots :
et des coupons sport
III. - Alinéa 10
Après le mot :
chèques-vacances
insérer les mots :
et des coupons sport
IV. - Alinéa 11
Après les mots :
de chèques-vacances
insérer les mots :
ou de coupons sport
M. Michel Savin. - Cet amendement autorise l'ANCV à distribuer aussi des coupons-sport aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de Covid-19.
L'ouverture aux coupons-sport permet d'élargir le bénéfice du dispositif prévu à près de 8 000 organismes supplémentaires tout en promouvant la pratique sportive, qui est essentielle pour le bien-être de chacun.
Un décret s'assurera de la bonne répartition des chèques-vacances et des coupons-sport au regard des besoins.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Pas moins de 84 % des lieux qui acceptent les coupons-sport acceptent aussi les chèques-vacances. Votre amendement est donc quasiment satisfait. Ne complexifions pas davantage le dispositif. Retrait ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
M. Michel Savin. - Madame la rapporteure a raison, mais 84 % ce n'est pas 100 %. Il reste 8 000 structures qui passeront à côté des coupons-sport. Toutefois, pour ne pas mettre en difficulté notre rapporteure, je vais retirer mon amendement car si nous le mettions au vote, il serait adopté. (Sourires)
M. le président. - Quelle sagesse !
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Lévrier et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 10
Remplacer le mot :
triple
par le mot :
double
M. Martin Lévrier. - Cet amendement priorise le bénéfice de ce dispositif aux personnels et étudiants des secteurs sanitaire et médico-social percevant une rémunération n'excédant le double du Smic, soit 3 500 euros. Le quotidien est revenu et le risque d'une participation assez faible au dispositif n'est pas à écarter.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Je crains les effets de bord. En fin de carrière, la rémunération de certaines infirmières peut dépasser deux smic. Elles seraient alors écartées du dispositif. L'avis est donc défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
L'article premier bis est supprimé.
L'article 2 demeure supprimé.
Explications de vote
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Je regrette que l'on prenne à nouveau dans la poche des salariés les plus modestes, qui ont subi la crise de plein fouet, pour offrir des chèques-vacances aux soignants.
L'État s'est défaussé et n'a pas joué son rôle pendant la crise. Ce serait un crime que de rétablir l'ISF ou de prendre à ceux qui se réfugient dans les paradis fiscaux.
Certaines aides à domicile et assistantes familiales ont dû prendre en charge des patients ou des enfants en situation de handicap sans soutien des familles pendant le temps de la crise.
Les départements sont mis à contribution pour verser les primes à ces personnels alors que les conseils départementaux sont déjà en grande difficulté. Celui du Pas-de-Calais a choisi d'offrir la cantine scolaire durant les trois premiers mois de la rentrée de septembre aux enfants, car la situation économique sera terrible à la rentrée.
La prime ne vaudra que dans certains départements, ce qui accentuera la fracture territoriale.
M. Bernard Jomier . - Je croyais que l'efficience de la loi prévalait. Ce texte, dont la mise en oeuvre cessera le 31 août, est anecdotique dans la mesure où les sommes récoltées seront très probablement faibles. Nous ne pouvons nous résoudre à légiférer ainsi.
En outre, qu'en est-il du respect du aux possibles récipiendaires du dispositif puisqu'ils n'en veulent pas ? Pourquoi vouloir à tout prix l'adopter ? S'agit-il de communication politique ? Ou bien est-ce la marque d'une coupure avec les soignants, très nombreux à manifester dans les rues aujourd'hui ?
Évitons d'envoyer des signaux qui ne font pas sens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme Françoise Laborde . - Je parlerai en mon nom propre car mon groupe est divisé sur la question.
J'ai beaucoup hésité ; finalement, je voterai pour. On ne va pas interdire de donner à ceux qui le souhaitent. Comme beaucoup ici, je place mes espoirs dans le Ségur de la santé.
Ce texte n'est qu'un cataplasme sur une jambe de bois. On peut offrir du temps, des chèques-vacances, des résidences et même des médailles en chocolat... mais c'est à l'État d'assumer et de prendre ses responsabilités. Mais jamais je n'empêcherai un élan de solidarité.
M. Franck Menonville . - La proposition est accessoire, certes, mais elle est basée sur le volontariat. Nous voterons pour.
M. Guillaume Gontard . - Je reviens des manifestations. Le personnel soignant est inquiet mais ne demande nullement un tel dispositif. J'ai vu en revanche des panneaux « Faire l'aumône, on n'en veut pas » face à un dispositif qui suscite un sentiment d'irrespect.
On en arrive à demander à la caissière de donner ses congés à l'infirmier, lequel, via le système Darmanin, va donner au commerçant ? Il faut agir en profondeur ! Hélas, lorsque nous débattons de l'ISF, on nous répond que cela est anecdotique.
Je regrette l'image que nous donnons aux soignants...
À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°121 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 258 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 89 |
Le Sénat a adopté.
Prochaine séance, mercredi 17 juin 2020, à 15 heures.
La séance est levée à 16 h 10.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du mercredi 17 juin 2020
Séance publique
À 15 heures
Présidence : M. Gérard Larcher, président
Secrétaires de séance : MM. Dominique de Legge et Victorin Lurel
1. Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 30 et le soir
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
2. Projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles (Procédure accélérée) (n°473, 2019-2020)
3. Conclusions de la CMP sur le projet de loi tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires (n°509, 2019-2020)
Analyse des scrutins
Scrutin n°121 sur l'ensemble de la proposition de loi tendant à offrir des chèques-vacances aux personnels secteurs sanitaire - médico-social
Résultat du scrutin
Nombre de votants : 340
Suffrages exprimés : 258
Pour : 169
Contre : 89
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 137
Abstentions : 4 - MM. Bernard Bonne, Guillaume Chevrollier, Mme Muriel Jourda, M. Olivier Paccaud
N'ont pas pris part au vote : 3 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Philippe Dallier, Président de séance, Mme Colette Giudicelli
Groupe SOCR (71)
Contre : 71
Groupe UC (51)
Abstentions : 51
Groupe RDSE (23)
Pour : 17
Contre : 2 - MM. Jean-Pierre Corbisez, Joël Labbé
Abstentions : 4 - MM. Henri Cabanel, Yvon Collin, Ronan Dantec, Mme Mireille Jouve
Groupe LaREM (23)
Abstentions : 23
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (14)
Pour : 14
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 1
N'ont pas pris part au vote : 5 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier