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Table des matières
Plan de relance franco-allemand pour l'Europe (I)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
Plan de relance franco-allemand pour l'Europe (II)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
M. Franck Riester, ministre de la culture
Réforme de l'assurance chômage
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Fonds de compensation de la TVA
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Détection du SARS-CoV-2 par les réseaux d'assainissement
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Second tour des élections municipales
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Financement participatif et prêts garantis par l'État
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
Nominations à une éventuelle CMP
Crise du Covid-19 et dimension du numérique dans notre société
Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union centriste
Crise du Covid-19 et relocalisation des productions stratégiques
M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union centriste
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques contre le Covid-19
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Ordre du jour du jeudi 28 mai 2020
Nominations à une éventuelle CMP
SÉANCE
du mercredi 27 mai 2020
85e séance de la session ordinaire 2019-2020
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement sous le format adapté, qui est destiné à évoluer à partir du 2 juin. Je renvoie aux présidents de groupe la tâche d'informer les membres de leur groupe.
Je salue ceux de nos collègues qui ont accepté de siéger depuis les tribunes, dont un président de groupe. (Sourires) Ils démontrent ainsi leur engagement et seront bien entendu comptabilisés parmi les présents.
Notre séance se déroule dans le respect des règles sanitaires en place depuis le mois de mars. J'invite chacun à respecter les distances de sécurité et les gestes barrières.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Plan de relance franco-allemand pour l'Europe (I)
M. Richard Yung . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Le plan de 500 milliards d'euros proposé la semaine dernière par Angela Merkel et Emmanuel Macron doit permettre aux pays de l'Union de relancer leur économie, gravement touchée par la pandémie. Cette initiative, exceptionnelle par son ampleur, traduit la solidarité entre les pays de l'Union européenne. Saluons l'engagement courageux de la chancelière.
Ursula von der Leyen devra trouver l'articulation entre ce plan et le cadre financier pluriannuel 2021-2027 : il ne saurait être un prétexte pour diminuer le budget européen et devra respecter les priorités de l'Europe verte et du numérique.
Certains pays, les « frugaux », ne veulent ni mutualisation ni solidarité, seulement des prêts remboursables - même si leurs économies, guère florissantes, dépendent largement des importations.
Les négociations vont être dures pour les convaincre. Il reste à trancher les clefs de répartition, les secteurs concernés, les modalités de remboursement, etc. Où en sont les discussions en cours ?
Les 750 milliards d'euros qui viennent d'être annoncés par la Commission sont-ils une bonne base pour bâtir un compromis ambitieux ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Avec cette proposition, la Commission européenne frappe fort et juste, à la hauteur de la responsabilité historique qui est la sienne : engager la relance de l'ensemble des pays européens confrontés à la pire crise de leur histoire, sur la base d'un plan de relance verte.
Ce plan reprend intégralement les propositions franco-allemandes. C'est un motif de fierté : 500 milliards d'euros sur la base d'une levée de dette commune - une première historique - qui nous garantit des taux d'intérêt des plus raisonnables, plus 250 milliards d'euros de prêts qui s'ajoutent aux 540 milliards d'euros décidés le 9 avril par les ministres de l'économie. Au total, 1 300 milliards d'euros pour l'ensemble des pays européens, qui montrent que l'Europe est au rendez-vous de l'histoire.
Sur les 500 milliards d'euros de dépenses budgétaires directes, la France en touchera 40 milliards, qui financeront les plans de relance sectoriels pour le tourisme, l'automobile, l'aéronautique, les dépenses de santé, la rénovation de l'hôpital.
Tous les États européens pourront financer leur relance, investir dans l'avenir. Je les appelle tous, y compris les « frugaux », à soutenir ce plan. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Plan de relance franco-allemand pour l'Europe (II)
M. Yvon Collin . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La semaine dernière, la France et l'Allemagne ont proposé un plan de relance de 500 milliards d'euros, sur la base d'un emprunt communautaire.
Cette initiative est nécessaire ; tout doit être fait pour qu'elle aboutisse car le plan de relance de la Commission européenne, en partie fondé sur des prêts, ne suffira pas à amortir la récession dramatique qui guette.
C'est aussi une nécessité pour l'Allemagne qui tire sa croissance de ses exportations, notamment vers l'Union européenne. Les Allemands ne scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis !
La décision de la Cour constitutionnelle allemande sur la légalité de la politique monétaire de la Banque centrale européenne avait jeté un grand froid. Le choix franco-allemand d'une approche budgétaire pour soutenir les pays endettés pourrait marquer un tournant.
Ce plan incarne-t-il la solidarité tant attendue par les États membres les plus touchés par la crise ? Ouvre-t-il la voie à la mutualisation des dettes que Berlin avait toujours refusée jusque-là ? Est-il une réponse à la décision de la Cour de Karlsruhe qui aurait pu affaiblir la politique économique européenne et la zone euro ?
M. Jean-Claude Requier. - Très bien.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - La proposition de la Commission européenne est historique, et marque une avancée majeure dans l'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale. Historique par son ampleur : 1 300 milliards d'euros au total pour la relance. L'Union européenne nous permet de nous sauver d'une crise économique sans précédent.
Historique aussi car à l'origine de cette proposition, il y a le couple franco-allemand, moteur de l'Union européenne, qui permet de casser le plafond de verre.
Historique enfin car, pour la première fois, nous acceptons la mutualisation des dettes sur un projet de financement de dépenses budgétaires : cela permet d'avoir un taux d'intérêt le plus faible possible, un remboursement étalé sur trente ans ; c'est un geste politique majeur de solidarité envers les États qui ont été les plus touchés, à commencer par l'Espagne et l'Italie. Ce devrait être un motif de fierté. Les États remboursent en fonction de leurs capacités économiques. Oui, il y aura un transfert budgétaire. Au lieu de pousser des hauts cris, on devrait dire : chapeau bas ! La solidarité en Europe ne sera pas qu'un mot ; elle est désormais un principe et un acte. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE)
Soutien au secteur culturel
M. Pierre Ouzoulias . - La décision d'autoriser la réouverture du Puy du Fou, le 2 juin, aurait été prise lors d'un conseil de défense et de sécurité nationale - sans doute du fait de la nature des manifestations qu'accueille ce parc, comme les combats de gladiateurs ! (Rires)
Nous sommes heureux pour les nombreux professionnels de la culture du Puy du Fou. Notre peine est, en revanche, immense pour les artistes, les intermittents du spectacle, les auteurs, les compositeurs, ces professionnels sur lesquels repose le rayonnement culturel de notre pays, plongés dans l'angoisse, qui attendent de votre Gouvernement une aide vigoureuse pour résister à la crise qui risque de les emporter.
Avec eux, ce sont des milliers de structures culturelles qui risquent de disparaître. Ce réseau a fait de notre pays la première destination touristique. Il mobilise 2,4 % de la population active et 50 milliards d'euros. Il a fait de la culture un service public, permis l'élévation artistique et l'émancipation intellectuelle. Or il risque d'être emporté par la crise alors que nous avons tant besoin de culture pour la surmonter.
Pas une semaine sans que votre Gouvernement n'annonce des plans de sauvetage de plusieurs milliards d'euros. La culture doit, elle, se contenter de proclamations lyriques et de vaines promesses. Monsieur le ministre, à quand un grand plan de sauvetage de la culture ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR ; M. Gérard Longuet et Mme Catherine Troendlé applaudissent également.)
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Je ne puis vous laisser dire cela. Dès le début de la crise, le Gouvernement a été au rendez-vous pour que les mesures transversales soient accessibles au secteur de la culture : fonds de solidarité, PGE, exonérations et reports de charges, chômage partiel...
Le Président de la République a rappelé que les arts et la culture sont une priorité et annoncé la prolongation des droits des artistes et techniciens, qui sont le ciment de la vie culturelle dans les territoires, jusqu'à fin août 2021. Nous avons réarmé le Centre national de la musique, créé grâce au vote du Sénat, doté l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles de 105 millions d'euros. Accompagner la reprise du secteur passe par des aides financières mais avant tout par la possibilité pour les artistes de retrouver leur public. Nous travaillons à poursuivre le déconfinement pour le spectacle vivant, les cinémas, les grands musées et monuments historiques. Le Gouvernement est pleinement mobilisé. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Réforme de l'assurance chômage
Mme Claudine Lepage . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La crise sanitaire entraîne dans son sillage une crise sociale et économique sans précédent. Si le chômage partiel a servi de filet social, votre volonté de le réduire et le durcissement de l'accès à l'indemnisation avec l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage vont accroitre la précarisation.
Les travailleurs les plus fragiles sont les plus impactés par la crise, et le seront encore plus par cette réforme. Je pense aux extras dans la restauration ou l'évènementiel, aux auxiliaires de vie et aides-soignants...
Le report à septembre du second volet de la réforme de l'assurance chômage ne suffit pas : il faut abroger l'ensemble. Son objectif est purement comptable : faire des économies budgétaires au détriment des chômeurs et masquer artificiellement les statistiques. C'est cette même logique qui a dégradé l'hôpital public. Quand abrogerez-vous cette réforme ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - L'activité partielle a permis de protéger 12 millions de salariés, 1 million d'entreprises et de sauvegarder les compétences.
La crise sanitaire se prolonge d'une crise économique et sociale imprévisible : il y a trois mois, nous nous réjouissions de la baisse du chômage à 8,1 %, de la hausse de 16 % de l'apprentissage. Ce temps semble loin...
Nous avons pris des mesures d'urgence immédiates pour protéger les plus vulnérables. Le décret du 14 avril a prolongé les droits de ceux qui arrivaient en fin de droits. Demain, vous voterez, je l'espère, la prolongation des droits des intermittents jusqu'au 31 août 2021. La période d'affiliation pour calculer les droits passe de 24 à 27 mois. Nous avons traité le cas de ceux qui venaient de démissionner, suspendu la dégressivité, modifié le calcul du salaire journalier de référence.
Pragmatisme, efficacité économique, justice sociale, voilà notre boussole. La suite de la réforme sera décidée après discussion avec les partenaires sociaux.
Fonds de compensation de la TVA
M. Alain Marc . - Vous savez l'importance de l'investissement des communes, monsieur Darmanin, vous qui êtes maire. (On s'amuse à droite.)
Actuellement, le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est versé deux ans après la réalisation de la dépense aux collectivités n'ayant pas conventionné avec l'État au titre du plan de relance, un an après pour les autres ; pour les EPCI à fiscalité propre et les communes nouvelles, le remboursement intervient dans l'année.
Or nombre de communes, faute de trésorerie suffisante, doivent contracter des prêts relais pour financer leurs investissements - et notamment les dépenses de TVA. C'est un frein à l'initiative locale.
Il est indispensable de préserver la capacité financière de nos communes afin qu'elles continuent d'assurer les services essentiels à la population, mais aussi de relancer les investissements indispensables au soutien du tissu économique local.
Afin d'atténuer le choc financier, ne pourrait-on prévoir une récupération de la TVA dès la première année, notamment pour les communes ayant effectué un investissement de plus de 100 000 euros. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour répondre à la demande des élus ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Vous avez raison, les collectivités territoriales sont celles qui investissent le plus et soutiennent l'économie sur l'ensemble du territoire. Malgré la crise, il ne faut pas reproduire les erreurs du passé en baissant les dotations. C'est pourquoi le Premier ministre discute avec les associations d'élus ; il réunira vendredi à Matignon les communes et intercommunalités, les départements et l'outre-mer.
Les collectivités territoriales ne sont pas logées à la même enseigne : seulement 30 % de leurs recettes sont sensibles à l'activité économique. Les communes touristiques ou celles qui perçoivent de l'octroi de mer sont plus touchées ; ce sera aussi le cas, demain, des départements.
Comme je m'y étais engagé, le PLFR 3 comprendra des dispositions relatives aux collectivités territoriales. Le Premier ministre rendra bientôt les derniers arbitrages, une fois reçues les conclusions de la mission de Jean-René Cazeneuve. Le FCTVA peut être une solution, mais c'est un one shot. Or la question de l'investissement se posera aussi pour 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Agriculture
M. François Bonhomme . - Ces derniers mois, la crise sanitaire a révélé ses faiblesses : dépendance en matière de médicaments ou de matériel médical comme les masques. Plus jamais, ce ne sera comme avant, nous a-t-on dit.
Nos agriculteurs, bien que mal considérés, continuent d'assurer les ressources de notre alimentation. Mais la Commission européenne a décidé de baisser de 10 % la superficie des terres cultivées et de signer un accord de libre-échange avec le Mexique.
Tout cela est absurde. Est-ce ainsi que nous assurerons notre souveraineté alimentaire ? La France fera-t-elle jouer son droit de véto pour s'opposer à ces accords de libre-échange ?
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - La signature par le commissaire européen Phil Hogan, d'un accord avec le Mexique, découle d'un choix qui remonte à loin. Il est certain que cela tombe au mauvais moment, en pleine crise Covid. Le Parlement devra le ratifier. La souveraineté alimentaire est indispensable et il faut relocaliser, dans une certaine mesure. Le Président de la République l'a dit en janvier : nous devons travailler sur une exception agricole et agro-alimentaire.
Le fait que la Commission européenne ait choisi de faire passer à 10 % les surfaces d'intérêt écologique se justifie par le verdissement de la PAC, dont nous ne devons pas avoir peur, car nous sommes en avance dans cette voie. La France défendra quoi qu'il en soit les paiements pour services environnementaux sur lesquels le groupe socialiste et républicain et en particulier M. Montaugé a beaucoup travaillé. Les agriculteurs doivent être rémunérés pour leur travail, pour une meilleure agriculture et leur action en faveur de la biodiversité et de la transition écologique.
M. François Bonhomme. - Nous aurions aimé une réaction plus rapide : la position de la France a été bien discrète sur cet accord. Les agriculteurs n'ont plus confiance et se demandent si votre ministère n'est pas qu'une succursale du ministère de l'environnement ou bien à la remorque des conceptions bureaucratiques de la Commission européenne.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Cela fait toujours plaisir !
Détection du SARS-CoV-2 par les réseaux d'assainissement
M. Jean-Paul Prince . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Dans la lutte contre la maladie due au coronavirus qui mobilise notre pays, la localisation de l'épidémie et la surveillance de ses déplacements constituent des enjeux cruciaux, pour des raisons sanitaires et économiques. Connaître plus précisément la diffusion du virus sur le territoire et l'intensité de l'épidémie au niveau local peut nous aider à lutter plus efficacement contre l'épidémie.
Un avis de l'Académie des technologies du 19 avril dernier attire l'attention sur le fait que la mesure de la concentration du génome dans les eaux usées en entrée de station d'épuration est une source d'information précieuse pour connaître l'étendue de la contamination sur un territoire donné.
L'information récoltée permettrait aux collectivités locales et aux ARS d'évaluer avec plus de précision l'état sanitaire du territoire dont ils ont la responsabilité et d'y apporter une réponse adaptée. Le coût en serait relativement modeste.
Des mesures de surveillance des eaux usées ont déjà été annoncées à l'étranger. Le Comité d'Analyse, Recherche et Expertise mis en place par le Président de la République a apporté son soutien à cette pratique.
Le Gouvernement prévoit-il d'effectuer des prélèvements de ce type dans le cadre de la lutte contre l'épidémie et autorisera-t-il les collectivités locales à le faire ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La circulation du virus suscite la mobilisation de nombreux acteurs dans différents champs. Nos connaissances restent parcellaires et toutes les pistes doivent être explorées.
Plusieurs projets, dont l'un intitulé Aubépine, utilisant les eaux usées de la seine dans le bassin parisien, pour déceler la présence de virus - celui de la gastro-entérite en l'occurrence.
Pour autant, un tel indicateur ne stopperait pas la diffusion du virus, mais ne serait qu'une information. Le contact tracing que nous mettons en place avec les professionnels de santé, libéraux, de l'assurance maladie et des ARS, puis demain, avec l'application StopCovid est une stratégie beaucoup plus efficace. Vous en débattrez bientôt.
M. Jean-Paul Prince. - Il y a trois semaines, les relevés à Paris montraient la présence de cinq millions de génomes. Aujourd'hui, c'est nettement moins : le virus disparaît de plus en plus...
Second tour des élections municipales
Mme Laure Darcos . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mes collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Hervé Marseille viennent de déposer une proposition de loi pour organiser de façon irréprochable le second tour des élections municipales, intégrée à celle de Cédric Perrin, déposée il y a plusieurs semaines et adoptée ce matin même par la commission des lois.
Dans un contexte épidémique persistant, il faut en effet adapter les opérations de vote, et garantir aux électeurs, aux assesseurs et au personnel municipal une sécurité sanitaire irréprochable.
Faciliter le vote par procuration aidera la participation des personnes fragiles, âgées ou malades. Point de société démocratique sans vote citoyen. Le freiner ou le tronquer serait sacrilège, après l'abstention et les frustrations du premier tour. Vous devez permettre la participation du plus grand nombre d'électeurs en prenant une loi qui le permettra. Le ferez-vous avant le 15 juin ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Le décret de convocation des électeurs au second tour des municipales qui se tiendra le 28 juin était à l'ordre du jour du Conseil des ministres. Le scrutin concernera 16 millions d'électeurs, dans un peu moins de 5 000 communes.
Au moment où nous nous parlons, le ministre de l'Intérieur reçoit les chefs de parti. J'ai quitté cette réunion pour venir vous répondre et vais la rejoindre à l'issue de cette séance de questions. Nous discuterons ensuite avec les associations d'élus pour organiser les élections de manière irréprochable, sur les plans juridique et sanitaire. Plusieurs pistes sont à l'étude : procuration et port du masque, mais aussi aménagement des bureaux de vote notamment.
Vous souhaitez élargir le champ juridique des procurations. C'est à l'étude. Nous nous y attelons dans un esprit d'ouverture. Le principe qui s'applique est qu'on puisse vérifier l'identité et le consentement du mandant. C'est à l'aune de ce principe que nous trouverons des solutions, dans le cadre des discussions en cours.
Mme Laure Darcos. - Il y a urgence. Les procurations sont essentielles. Permettre aux officiers de police judiciaire de tenir des permanences pour récolter des procurations nous aidera beaucoup. (« Très bien » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Emplois aidés
Mme Annie Guillemot . - Ma question s'adressait au ministre de la Ville... En 2017, il y avait plus de 400 000 contrats aidés ; actuellement, il n'y en a plus que 130 000 alors que plus de 15 % de la population est sous le seuil de pauvreté.
La remise en cause drastique et brutale des contrats aidés a signifié la mort de la vie associative, frappant surtout les quartiers les plus démunis alors même que d'autres besoins vitaux s'accroissaient : alimentation, logement, emploi, numérique...
Les emplois aidés sont essentiels notamment pour résoudre la fracture numérique. Ils permettaient de donner un avenir, une première insertion dans l'emploi aux jeunes des quartiers précaires. Face aux besoins, notamment dans les écoles, les collèges et les lycées, comment le Gouvernement compte-t-il réactiver ces contrats ? (Applaudissements sur les tracées du groupe SOCR)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Depuis trois ans, nous menons une stratégie claire afin de permettre aux plus vulnérables de reprendre un emploi, dans un contexte de créations d'emplois. Nous devons l'adapter, évidemment, mais sans perdre de vue l'objectif : nul n'est inemployable et chacun doit pouvoir accéder à l'emploi.
Nous avons transformé les contrats aidés en parcours emploi-compétences pour qu'ils oeuvrent dans des associations en s'appuyant sur une situation de travail, une formation et un accompagnement social. Nous avons investi des sommes considérables : ainsi, 90 000 parcours sont prévus cette année.
Second volet, le plan d'investissement dans les compétences concernera 150 000 jeunes et 150 000 demandeurs d'emploi de longue durée ; or 16 % d'entre eux sont issus des quartiers de la politique de la ville, et autant de l'outre-mer ; et 8 % sont en situation de handicap. Nous avons contractualisé la moitié des contrats avec les régions.
Vous avez voté, dans le budget 2020, un milliard d'euros pour l'insertion par l'activité économique (IAE), afin de multiplier les chantiers d'insertion. Nous souhaitions porter de 24 à 36 mois les contrats d'insertion dans la loi d'urgence que vous adopterez demain.
Les emplois francs contre les discriminations dans les quartiers bénéficient à plus de 26 000 personnes dont 80 % sont en CDI. Ils ont été généralisés depuis le 1er janvier.
Mme Annie Guillemot. - Ma question au ministre de la Ville portait sur les emplois aidés pour aider les élèves décrocheurs dans les quartiers défavorisés. Il y a urgence. Où est la vision globale qui fait la politique de la ville ? L'ancien maire de Bron que je suis et qui n'a jamais cumulé, vous le dit : il y a de la désespérance dans les quartiers. Répondrez-vous à l'appel des maires ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)
Financement participatif et prêts garantis par l'État
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ma question concerne l'intégration des plateformes de financement participatif ou crowdlending dans le dispositif des prêts garantis par l'État aux entreprises.
Si, aujourd'hui, le Gouvernement s'appuie uniquement sur les banques pour injecter les 300 milliards d'euros de prêts garantis dans l'économie, beaucoup d'entreprises risquent de se retrouver prises dans un « effet de ciseaux » cruel entre les échéances à court terme et le manque de trésorerie pour redémarrer la machine économique post-confinement.
Les demandes seront plus nombreuses que les capacités de traitement des banques. Il faudra diversifier l'offre.
À ce stade, seuls les particuliers et les fonds européens d'investissements de long terme, dits « Eltif », peuvent souscrire des prêts émis par des plateformes dans le dispositif des prêts garantis par l'État (PGE). Les personnes morales en ont été exclues.
Dans la filière agroalimentaire, certains groupes de la grande distribution et des coopératives agricoles se sont portés volontaires pour ce type de financement auprès de certains de leurs partenaires habituels. L'intérêt de les intégrer paraît évident.
Pour éviter des faillites en cascade, il serait utile d'élargir le dispositif de la garantie de l'État aux entreprises qui financeraient une partie du prêt, via des plateformes, à des entreprises de leur filière qu'elles connaissent bien.
Est-il envisageable, comme en Italie, que les entreprises qui prêteraient à leurs partenaires, dans leur filière, puissent bénéficier de prêts garantis de l'État, au même titre que les banques, les fonds Eltif ou les particuliers ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Les prêts garantis de l'État constituent 78 milliards d'euros déjà accordés à plus de 400 000 entreprises. C'est un immense succès et nous pourrons monter jusqu'à 300 milliards d'euros d'encours.
Nous avons ajusté le dispositif en l'étendant aux plateformes de financement participatif. Vous avez raison, ce sera utile.
Nous l'avons amélioré en privilégiant certains secteurs, hôtelier et touristique notamment : les entreprises d'hôtellerie et de restauration pourront demander un nouveau prêt de trésorerie à hauteur de 80 % de leur chiffre d'affaires réalisé sur les trois meilleurs mois de l'année 2019, et remboursable un an plus tard. C'est une aide considérable.
Nous avons aussi augmenté la possibilité par l'État d'apporter des prêts directs via le fonds de développement économique et solidaire.
Les réponses sont diverses. Chaque entreprise doit pouvoir trouver une solution. Ainsi, le ministère accordera directement un prêt à une entreprise qui s'est vu refuser toutes ses demandes de prêt et qui semble saine, dont le dossier se trouve sur mon bureau.
Chaque entreprise doit trouver une réponse en termes de prêts et de trésorerie.
M. Pierre Médevielle. - J'avais salué le vote au Sénat de l'amendement du Gouvernement dans la nuit du 22 avril autorisant les plateformes de financement participatif à participer à ce type de prêts.
Les entreprises qui prêtent à leur partenaire au sein de la filière agricole devraient pouvoir bénéficier de garanties au sein de la Banque européenne d'investissement (BEI).
M. le président. - Prochaine séance de questions d'actualité, le mercredi 3 juin, à 15 heures.
La séance est suspendue à 16 h 50.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
La séance reprend à 16 h 15.
Conférence des présidents
M. le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents, réunie ce jour, vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observation d'ici à la fin de la présente séance.
Nominations à une éventuelle CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.
Crise du Covid-19 et dimension du numérique dans notre société
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat, à l'initiative du groupe de l'Union Centriste, sur le thème : « La crise du Covid-19 : révélateur de la dimension cruciale du numérique dans notre société. Quels enseignements et quelles actions ? »
Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union centriste . - Depuis vingt ans, le numérique s'inscrit dans notre vie quotidienne et modifie nos habitudes, nos façons de communiquer, de travailler, d'acheter, de consulter les services et les administrations.
Nous subissons parfois avec fatalisme les débordements des réseaux sociaux, et nous demandons sans cesse plus de numérique. Pour certains, il est devenu essentiel, tandis que d'autres l'ignorent. Avec la crise et le confinement, notre dépendance au numérique - qui rompt l'isolement et permet de travailler - s'est accrue.
Dans ce domaine, nous avons renoncé à notre souveraineté, spoliée par des réseaux de l'étranger, et regretté notre incapacité à faire émerger des champions numériques.
Plus qu'une fracture numérique, c'est un gouffre, avec treize millions d'exclus, par choix, par appréhension ou faute d'accès. Pour identifier les carences territoriales, sécuritaires et liées à l'illettrisme en matière de numérique, le groupe UC a souhaité ce débat sur la société numérique que nous souhaitons pour demain.
L'application Stop Covid nous interroge quant à l'équilibre entre sécurité et liberté, sur le traçage, ainsi que sur la nécessaire régulation du secteur qui reste à approfondir, en particulier sur les plateformes structurantes et les places de marché.
Dans le domaine de l'interopérabilité, le Sénat a déjà fait des propositions. Peut-être gagnerons-nous la bataille des données stratégiques après avoir perdu celle des données personnelles ? La politique de la donnée reste encore à construire. On parle 5G, nanotechnologies et blockchain, tandis que des millions de Français peinent encore à utiliser les outils numériques. Les efforts déployés depuis vingt ans, cybercafés ou pass numérique, n'ont pas réussi à raccrocher les treize millions de Français qui souffrent d'illectronisme. Peut-être la méthode employée n'était-elle pas la bonne ? Le Parlement n'a pas été associé, par exemple, au New Deal Mobile de 2018... Une loi de programmation numérique s'impose, au profit des territoires et de la relance.
La couverture des zones blanches et le déploiement de prises constituent des enjeux économiques et industriels majeurs. La couverture à 100 % du territoire en Très Haut Débit sera-t-elle effective en 2022 ? Accompagnerez-vous les territoires en abondant les crédits dédiés aux réseaux d'initiative publique (RIP) ? Mobiliserez-vous les crédits encore disponibles du Fonds pour la société numérique ? La société du gigabit que souhaite l'Union européenne à échéance 2025 est-elle une utopie ?
Comment aider les entreprises à s'équiper, notamment les plus petites ? Comment favoriser la digitalisation des entreprises françaises, parmi les plus mal loties avec la disparition du fournisseur d'accès Kosc ? Comment faire émerger des champions français ? Comment former davantage d'ingénieurs en numérique et, plus largement, former les Français au codage ? Faut-il créer un crédit d'impôt pour la numérisation, renforcer le suramortissement ?
Le numérique inquiète. Or le virage numérique nécessite de la confiance. Le débat sur la 5G et son utilisation dans la crise sanitaire en témoigne. Il est vrai que les risques - le piratage notamment - existent.
Comment envisagez-vous de renforcer la sécurité, en particulier sur les données personnelles ? Comment mobiliser les systèmes de sécurité numérique ? Comment transposer le modèle platform to business dans le droit français ? Pensez-vous revenir sur la loi de blocage de 1968, étendre les principes protecteurs du règlement général sur la protection des données (RGPD) aux données des personnes morales, comme le préconise le rapport Gauvin ?
La crise pourrait alors avoir été l'occasion d'une prise de conscience salvatrice, montrant la nécessité d'une société numérique plus inclusive, plus protectrice de l'environnement, plus sécurisée. Nous imaginons un numérique qui change le destin des territoires et fasse renaître des provinces délaissées.
M. Yvon Collin . - Essor du télétravail, de l'enseignement à distance, de la télémédecine : la crise a transformé la France en une start-up internet, même si la tendance existait déjà. Ainsi, les démarches administratives avaient déjà commencé à être dématérialisées. Je souscris à l'objectif de 100 % des services publics accessibles en ligne en 2022. Mais pour y parvenir, il faudra réduire la fracture numérique.
Car il y a des obstacles. Plus de 500 communes sont encore dépourvues de tout réseau. Les laisser au bord du chemin, ce serait abîmer le pacte républicain. Il faut accélérer le déploiement. Le plan France Très Haut Débit est-il suffisant ?
L'inclusion numérique doit également constituer une priorité. La crise a accru des inégalités entre les familles. Dans certaines, l'éloignement du numérique a conduit à des difficultés pour suivre l'école à distance.
Je salue La Banque postale qui a mis en place 300 bureaux pour aider les personnes en difficulté, ainsi que les collectivités territoriales pour les actions menées, notamment la mise en place de tiers lieux pour l'accès au numérique.
Il reste des efforts à faire, notamment dans l'aide à l'achat d'équipements. En matière d'e-santé, j'aborderai les enjeux de protection des données au coeur de l'appli Stop Covid.
Il faudra respecter la loi Informatique et libertés ainsi que l'anonymat des données. La crise a accéléré la révolution numérique mais a révélé une France à plusieurs vitesses.
M. André Gattolin . - Je remercie le groupe UC pour ce débat ambitieux. En guise d'oral du Bac ou de Sciences-Po, nous aurions pu espérer un sujet plus facile et bienveillant en cette période de déconfinement...
Les propos tenus par mes collègues sont riches, plus de questionnements et de suppositions que de réponses assurées. Bien malin en effet qui pourrait tirer à ce stade de la crise des enseignements objectivement évaluables, dans tous les domaines de la société.
Nous connaissons l'importance du numérique pour le télétravail, le e-commerce et l'usage croissant des plateformes de distribution de services, la montée de l'enseignement à distance, l'accès à la culture, à l'information.
Mais les données actuelles sont-elles prédictives ou circonstancielles ? Est-ce une évolution au long cours de nos manières de vivre, ou un changement temporaire lié au confinement ?
Le livre est le seul secteur culturel à avoir résisté à la dématérialisation, à la différence des industries de la musique, du cinéma, ou la presse. Après un décollage il y a quinze ans, le livre numérique n'a jamais connu d'envol. Avec la fermeture des librairies et des bibliothèques, il a été davantage utilisé mais, avec le déconfinement, les librairies ont retrouvé leurs clients. Le livre est manipulable, annotable, exhibable, donnable, prêtable, échangeable. Cependant, quid de l'avenir du livre physique si les petits et moyens éditeurs connaissent des difficultés, si les librairies indépendantes, dont beaucoup sont précaires, disparaissent ?
Autre sujet : le télétravail, qui a évité le risque d'activité zéro pendant le confinement, semble perdurer depuis le déconfinement. Entreprises et salariés ont découvert là de ressources nouvelles.
Le télétravail a ses avantages et ses défauts ; ne soyons pas dogmatiques sur le sujet. Si le télétravail venait à se développer sur le long terme, il faudrait un nouveau contrat de travail pour que les salariés ne soient pas les dindons de la farce.
De même le risque d'une ubérisation des rapports sociaux est bien réel. Mais, après les débuts idylliques d'internet, puis la période dystopique de Big Brother, nous entrons peut-être dans une troisième phase, celle d'une relation plus équilibrée avec le numérique.
M. Stéphane Ravier . - En 2020, nous ne sommes qu'au début de la révolution numérique. Mais, 6,8 millions, soit 10 % de Français, sont encore privés d'un accès minimal à internet, c'est-à-dire 3 mégabits par seconde. Le haut débit performant n'est accessible qu'à 12,8 millions d'entre eux, soit moins de 20 % de la population.
Le confinement a confirmé cette répartition inégalitaire, cette fracture entre des métropoles branchées et une France profonde enracinée mais déconnectée et oubliée.
Certes, pendant le confinement, le numérique a permis de maintenir le lien social et de poursuivre l'activité.
Il faut cependant mettre des limites à la place du numérique. Il s'installe partout : or il faut que la sécurité reste prioritaire. Au Sénat, nous avons utilisé pour nos premières téléréunions l'application Zoom, qui n'est pas sécurisée.
S'agissant du télétravail, il convient de rappeler que la présence physique permet seule l'esprit d'équipe, la cohésion et le parage. Le numérique ne doit pas brader nos libertés, comme avec le tracking, cette solution de facilité choisie par le Gouvernement. Le télétravail doit rester un choix du salarié, une flexibilité ponctuelle voire exceptionnelle. « Métro-boulot-dodo » ne doit pas devenir « boulot-boulot-boulot ».
Toute révolution comporte ses excès. Comment le Gouvernement compte-t-il faire pour donner au numérique toute sa place, rien que sa place ? Car celui-ci doit rester un moyen ; le havre de paix de la vie privée doit être sacralisé.
Mme Éliane Assassi . - Le débat touche au lien entre les individus. Comment continuer à apprendre, à comprendre et à travailler pendant le confinement ? La période a accru les fractures.
Elle a bousculé nos habitudes et nos certitudes. Elle est l'occasion d'un inventaire et d'une exploration des pistes d'action.
L'accès au numérique est devenu un pan essentiel des services publics, de la communication, de l'information. Le très haut débit doit entrer dans le champ du service universel.
Quelque 15 % du territoire sont encore mal couverts. Les objectifs de couverture du territoire assignés aux opérateurs ne sont pas respectés, faute de sanctions.
Les collectivités territoriales ne sont pas assez soutenues. En privatisant France Télécom, l'État s'est privé de la rente du cuivre qui aurait pu financer la fibre sur tout le territoire. Toutes les infrastructures de haut débit devraient être sous protection publique, tant l'accès à ces réseaux est important. Toutes les infrastructures de communication, routes, autoroutes, aéroports, devraient être sous maîtrise publique. Les modèles d'aménagement urbain, de structures de l'habitat, de logement ne peuvent plus être le parent pauvre des politiques publiques.
Nous avons vu comment le numérique a renforcé la fracture scolaire. La continuité pédagogique prônée par les ministres Blanquer et Vidal n'était pas possible pour tous ! Les enseignants n'ont pas eu les outils nécessaires. Le retour aux écoles n'a pas profité à ceux qui en avaient le plus besoin. La rentrée de septembre doit servir ces 600 000 à 900 000 jeunes « perdus ».
L'un des faits les plus marquants de l'épidémie est la généralisation du télétravail. Mais beaucoup ont continué à se rendre au travail, pour maintenir la continuité du service public ou la chaîne alimentaire.
Quant à ceux qui ont travaillé à distance, beaucoup ont déchanté : abandon, solitude, surcharge cognitive, détresse psychologique. Le télétravail doit respecter les droits, avec des plages horaires précises. Pourquoi ne pas développer la semaine de quatre jours et 32 heures, comme en Nouvelle-Zélande ? L'avenir est au partage du temps de travail.
Si le numérique a maintenu le fonctionnement de notre société, il en a aussi souligné les inégalités criantes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Colette Mélot . - Merci au groupe centriste de proposer ce débat. Le 5 mars, Margrethe Vestager appelait à faire des choix numériques clairs. Le numérique est devenu incontournable dans notre quotidien ; le Parlement doit s'emparer de ce sujet.
La crise a fourni plusieurs enseignements. D'abord, dans l'éducation. Le corps professionnel a permis à notre jeunesse d'accéder à l'enseignement à distance, avec quelques limites : inégalités d'équipement, besoin simultané d'accès des parents en télétravail, manque de temps et de compétences des parents pour encadrer l'apprentissage. On sait que 13 millions de Français ont des difficultés avec le numérique. Les états généraux de la réussite éducative prévus à la rentrée fourniront des enseignements ; mais l'humain doit rester au coeur de la transmission.
Second enseignement : le télétravail, où la France accuse un certain retard ; il y a 7 % de télétravailleurs réguliers en France contre 14 % en Finlande et 0,5 % en Bulgarie. Au sein de notre pays, seulement 1 % des employés et 0,2 % des ouvriers pratiquent le télétravail, contre 11 % des cadres.
Les grandes entreprises, longtemps réticentes, se sont adaptées rapidement. Il y a des avantages pour l'environnement, avec la réduction des déplacements pendulaires - la réduction des émissions a été de 30 %, selon l'Ademe.
Il y a un effet sur les territoires aussi : en se rendant au bureau deux jours par semaine, il devient intéressant de s'installer à une heure des métropoles. Il y a aussi des limites : isolement, équilibre entre vies professionnelle et privée, questions juridiques. Il faudra penser un travail hybride.
Le numérique est crucial dans notre société. La réflexion devra porter sur sa place dès avant la crise, en approfondissant des chantiers engagés au niveau européen. Ne négligeons pas les questions d'indépendance, de sécurité et de souveraineté. Le numérique doit trouver sa juste place dans notre société.
Mme Denise Saint-Pé . - Le confinement a mis en évidence la place incontournable du numérique dans notre société : télétravail massifié, téléconsultations multipliées, enseignement à distance généralisé. Ces changements nécessaires ont eu lieu dans la précipitation du fait de la pandémie.
Un premier bilan s'impose. Je crains que la priorité, la résorption de la fracture numérique, ne soit oubliée, alors que selon le Défenseur des droits, un quart de la population française n'a pas accès à internet ou ne sait pas l'utiliser, ce que l'on nomme l'illectronisme. De plus, la couverture réseau reste insuffisante dans nos communes rurales. Le plan France Très Haut Débit, qui prévoit que 80 % des territoires seront couverts en 2022, a pris du retard avec la crise.
Je salue l'ordonnance du 20 mai qui prévoit que les assemblées générales de copropriétés peuvent se tenir par visio-conférences. Cela permettra de voter l'installation de la fibre !
Dans les territoires ruraux, beaucoup de départements déploient la fibre jusqu'à l'habitation, mais ils le font sur les réseaux téléphoniques aériens, qui tombent souvent en désuétude faute d'entretien. La desserte risque alors d'être de mauvaise qualité. Le bon sens voudrait que l'usage des réseaux électriques, propriété des collectivités et entretenus par les syndicats d'énergie, soient privilégiés. Le déploiement de la fibre dans le monde rural en serait accéléré.
Comment le Gouvernement accompagnera-t-il les acteurs de la filière, publics comme privés, pour que tous les Français puissent avoir accès au numérique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe RDSE)
M. Patrick Chaize . - Le confinement a été un test grandeur nature concernant l'état des réseaux numériques. Côté face, le numérique a été un outil de résilience et les réseaux ont tenu alors que l'on craignait des saturations. Côté pile, la crise a révélé des failles et des injustices : des millions de Français ont souffert d'isolement numérique. Certains sont déconnectés faute de compétences, c'est l'illectronisme ; d'autres n'ont pas de réseau de qualité. Près de la moitié du territoire n'est pas couvert en Très Haut Débit fixe.
La bataille de l'aménagement numérique du territoire est portée par France Très Haut Débit, qui doit couvrir tout le territoire haut débit d'ici à 2022, en fibre pour 2025 et New Deal Mobile pour la téléphonie, avec une couverture satellite intégrale en 2025. Malheureusement, la crise sanitaire menace ces objectifs, même si les chantiers se sont souvent poursuivis même lors du confinement.
Beaucoup de promesses n'ont pas été tenues. La crise ne doit pas empêcher l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) de contrôler et sanctionner les opérateurs, notamment quant au respect des échéances. Il ne faudra pas accepter les retards sans en vérifier les causes.
De plus, alors que le Sénat avait proposé dans le dernier projet de loi de finances 322 millions d'euros de plus pour France Très Haut Débit, le Gouvernement l'avait refusé ; la crise a pourtant montré la nécessité d'un tel investissement, bien modeste. Monsieur le ministre, le déploiement de la fibre sera-t-il prioritaire ?
Je suis convaincu que, sur des sujets techniques, nous pouvons trouver des simplifications. Je pense à l'utilisation des poteaux électriques pour déployer la fibre en aérien. Il faut donner compétence aux maires pour la Base Adresse nationale, car 30 % des Français n'y sont pas répertoriés, ce qui les empêche d'être reliés à la fibre.
Les chantiers sont nombreux, le Sénat est prêt à vous aider. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Les deux mois de confinement ont été rendus en grande partie supportables grâce au numérique, qui apparaît désormais comme un nouveau droit fondamental. Mais il a aussi accéléré les inégalités : tous les Français ne sont pas égaux et le Défenseur des droits nous a alertés là-dessus.
La question centrale est celle de l'inclusion, des territoires - ruraux, montagnards,... - mais aussi de certains usagers qui se sentent abandonnés. Certains cumulent les handicaps : réseau, matériel, difficulté d'utilisation.
Selon le Gouvernement, treize millions de Français ne savent pas se servir d'internet et 20 % de la population a un accès limité ou inexistant aux procédures dématérialisées. C'est pourquoi la dématérialisation généralisée de services publics comme les préfectures, les trésoreries, Pôle emploi ou l'Agence nationale de l'habitat n'est pas forcément une bonne idée, sans accompagnement des usagers.
Les plus petites entreprises sont pénalisées par la dématérialisation des marchés publics, alors qu'internet pourrait nous aider à relancer l'économie et à améliorer le quotidien de nos concitoyens.
Un vrai service public de la médiation numérique est nécessaire, ainsi que des moyens massifs pour accompagner les publics qui en sont les plus éloignés. Il faut conditionner le 100 % du service public dématérialisé en 2022 à un accompagnement des usagers, aller vers les exclus par un accompagnement d'ultra-proximité, équiper chaque foyer de matériel performant d'ici à 2022, optimiser le recyclage des équipements obsolètes et redéployer le fonds pour la société numérique de la Caisse des dépôts, qui est doté de 4,5 milliards d'euros. Il est indispensable de prendre ce tournant du numérique sans aggraver les inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean-Marie Mizzon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'usage du numérique est devenu vital pour l'économie et la société, où la fracture numérique est également culturelle. La formation au numérique, la lutte contre l'illectronisme doivent devenir une grande cause nationale. Telle est la première conclusion de la mission d'information que j'ai l'honneur de présider. Il y a urgence à lutter contre la fracture numérique, et à tirer les leçons de la crise.
L'administration se dématérialise à grande vitesse. Il y a vingt ans, 4 500 contribuables déclaraient leurs impôts en ligne ; 20 millions aujourd'hui. Mais attention à une dématérialisation trop rapide, nous avertissait le Défenseur des droits dès avril 2018. Pour embarquer le plus grand nombre, il faut des financements à la hauteur ; le sont-ils ?
Pour résorber l'illectronisme, il faut des fonds importants et beaucoup d'énergie : l'inclusion numérique est l'affaire de tous mais l'État intervient de façon sans doute trop dispersée. Les collectivités territoriales, associations, opérateurs du numérique devront se coordonner.
L'école doit construire l'égalité des savoirs numériques, où trop souvent se manifeste une suprématie masculine. La formation professionnelle devra intégrer cette dimension, les administrations également. Déployer des infrastructures, dématérialiser les procédures, enrichir les plateformes d'e-commerce : le monde d'après doit s'accompagner d'une ambition : éradiquer l'illectronisme pour ne pas laisser un trop grand nombre de nos concitoyens hors du pacte national et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Élisabeth Lamure . - La crise sanitaire a eu un impact soudain sur la place du numérique dans nos vies quotidiennes. Les entreprises se sont adaptées de manière ingénieuse : production de matériel sanitaire, drive, Click&Collect, télétravail... La créativité et l'agilité des Français ont trouvé à s'exprimer.
Le rapport de Mme Gruny, adopté en juillet 2019, montre le retard pris par les TPE et PME dans leur transformation numérique. La France était au quinzième rang européen en 2019. La crise amplifie le coût du retard de la digitalisation. Il est indispensable d'accompagner les entreprises tant le rôle du numérique est crucial pour la reprise et la croissance.
Je rappelle quelques propositions de notre rapport : créer un crédit d'impôt à la formation et à l'équipement numérique pour les artisans et commerçants de détail ; pérenniser le dispositif de suramortissement pour les investissements de robotisation ; donner à l'Arcep les moyens de contrôler avec réactivité les engagements pris par les opérateurs de télécom ; renforcer l'efficacité de l'autorité de la concurrence en transposant rapidement la directive ECN+ du 11 décembre 2018.
Avec Patrick Chaize, président du groupe numérique au Sénat, nous avons produit en décembre un rapport d'information intitulé : « Accès des PME à la fibre : non-assistance à concurrence en danger ? »
Deux éléments sont essentiels pour la compétitivité des entreprises : l'accès au très haut débit et l'accompagnement de l'écosystème numérique. Les opérateurs doivent avoir accès au réseau FTTH. Il faut développer une concurrence effective et loyale sur le marché des télécoms. Malgré les efforts des pouvoirs publics, les résultats ne sont pas à la hauteur. Les PME sont victimes de défaillances en matière de complétude. On observe des restrictions dans le dégroupage des infrastructures fibre pour les entreprises par rapport au marché résidentiel. La concurrence n'existe que dans des zones de réseaux d'initiative publique où les entreprises bénéficient d'un meilleur service à des conditions plus favorables.
Ailleurs, la régulation doit être améliorée afin de favoriser une réelle concurrence sur le marché de la fibre à destination des TPE-PME. Nous alertons le Gouvernement depuis près d'un an sur le sujet.
Dans quelques jours, nous déposerons une proposition de loi avec Patrick Chaize pour renforcer la concertation entre les deux autorités de régulation.
Derrière ce sujet technique, les enjeux stratégiques sont majeurs pour l'adaptation des PME aux défis d'aujourd'hui ; nous devons agir vite pour soutenir les entreprises et leurs salariés, où qu'ils soient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Michel Houllegatte . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) À la faveur de la crise, le numérique s'est affirmé comme un formidable outil de continuité et de résilience de notre société, devenant un service de base comme l'eau ou l'électricité.
Transposons la directive ECN+ pour en débattre au Parlement afin d'en définir les contours et les modalités.
Les réseaux ont tenu face à l'augmentation des usages ; le trafic internet a augmenté de 20 % et le trafic voix a été multiplié par deux.
Mais les limites existent : treize millions de naufragés du net ont bénéficié de quelques bouées de sauvetage insuffisantes ; le télétravail a créé une nouvelle barrière sociale entre les protégés et les exposés.
Nous devons poursuivre et accélérer le déploiement des réseaux pour réduire la fracture territoriale. Les opérateurs ont été peu touchés, à la différence des entreprises du BTP ou de maintenance que nous devons soutenir au risque de perdre les compétences durement acquises ces derniers temps.
Les réseaux d'initiative publique doivent être soutenus car ce sont un bien commun. Nous devons prendre en compte les résultats de l'expérience pour fluidifier les mesures administratives. Le New Deal mobile doit être approfondi.
Cette crise a également montré la vulnérabilité du net et la nécessité de nouvelles régulations. Dans la précipitation, Webinar et Zoom se sont développés et nous avons largement ouvert nos systèmes d'information au risque d'encourager la cybercriminalité.
Nous devons développer des services numériques sécurisés, sans laisser aux Gafam la possibilité d'accroître leur monopole. Il faut aussi gérer les flux pour ne pas bloquer le trafic sur les autoroutes de l'information. Des opérateurs ont appelé au civisme numérique ! Certes, Netflix et YouTube ont réduit la qualité de leurs vidéos. Mais la crise a mis en évidence le poids considérable pris par le streaming vidéo dans les usages numériques. En outre, nous sommes dépendants des grands acteurs du streaming, presque tous américains. Rappelons la nécessaire neutralité du web qui a aussi un impact environnemental grandissant.
La crise montre la nécessité de construire un réseau numérique républicain, comprenant les infrastructures, les services et les usages, au bénéfice de tous les citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jean Bizet. - Très bien.
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Référent de la commission des affaires économiques sur l'aménagement numérique du territoire, je partage le constat des inégalités territoriales d'accès au numérique. La crise confirme, hélas, nos analyses. Le confinement a rimé avec isolement pour beaucoup de Français éloignés du travail, de l'éducation, de la santé, faute d'accès aux infrastructures numériques.
J'appelle le Gouvernement à placer l'aménagement numérique du territoire au coeur de la relance à venir.
Co-rapporteur de la mission d'information relative à l'empreinte environnementale du numérique, je rappelle que le numérique représente 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde ; ce chiffre pourrait doubler d'ici 2025, ce qui obèrerait notre capacité à respecter l'accord de Paris.
Le numérique devra être plus sobre, ce doit être une exigence de la relance. Les projets smart, comme les projets de ville intelligente, visent à réduire la pollution urbaine et la consommation des bâtiments : il faudra néanmoins des évaluations environnementales préalables intégrant une analyse du cycle de vie des équipements numériques, ce qui suppose de quantifier les impacts. Notre mission d'information propose de mettre à disposition du public une base de données en ce sens.
Pendant le confinement, il y a eu un report de la connexion internet des réseaux fixes vers les réseaux mobiles, plus énergivores. Évitons ces pratiques non optimales. Il faut informer le consommateur même si, dans certaines zones, ce report tient à l'insuffisant déploiement de la fibre. Sa généralisation sera un moyen de réduire l'empreinte environnementale du numérique.
Un numérique plus sobre est aussi plus accessible. Une page internet lourde est d'autant plus longue à charger que la connexion est limitée. Plusieurs pistes existent : interdire le lancement automatique de vidéos, rendre obligatoire l'écoconception des sites des administrations et grandes entreprises, avec pouvoir de sanction de l'Arcep.
Nous vous détaillerons prochainement les résultats de nos travaux. Nous avons l'occasion de bâtir une société numérique plus inclusive, plus durable et plus résiliente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - À mon tour de remercier le groupe UC d'avoir mis cette question importante à l'ordre du jour. Je vous prie d'excuser Cédric O, retenu à l'Assemblée nationale pour le débat sur Stop Covid qui vous occupera ce soir.
Ma première conviction, c'est que le numérique n'est pas un luxe mais un droit. C'est une nécessité, car l'égalité n'est pas assurée si tout le monde n'a pas accès au numérique.
Ma deuxième conviction, c'est qu'on a eu tort de présenter le numérique comme une solution miracle pour l'aménagement du territoire. Année après année, des services ont disparu au motif que le numérique allait arriver... Loin de sa promesse initiale de combler les inégalités territoriales, le numérique les a accentuées. D'où la nécessité d'une couverture intégrale du territoire et d'un accompagnement des usages.
Ma troisième conviction, c'est que la question des usages a supplanté celle des infrastructures, car beaucoup de choses ont été faites dans ce domaine. La collectivité territoriale est donneur d'ordre, mais l'équipe collectivités-État-opérateurs a permis un déploiement rapide des infrastructures en trois ans.
Les réseaux ont tenu durant le confinement, et nous pouvons être fiers de nos acteurs du numérique. Je salue la mobilisation de Cédric O.
Vous avez évoqué le progrès des infrastructures. En janvier 2018, nous avons changé de paradigme avec le New Deal, en rompant avec l'ancien système des enchères, qui a conduit les opérateurs, pour rentabiliser leur investissement, à couvrir prioritairement les zones les plus rentables. Désormais, nous imposons des obligations de résultats sur le territoire.
Fin 2019, la couverture de 1 361 zones blanches a été lancée ; un prochain décret en rajoutera 481 nouvelles, avec obligation de mise en service. Sous le précédent quinquennat, nous avions identifié 600 zones blanches - qui n'avaient pu être couvertes, faute d'obligation de résultat.
En 2019 ont été installées 4,8 millions de prises raccordables, deux fois plus qu'en 2017, grâce à l'équipe État-collectivités-opérateurs.
Les installations ont été impactées pendant la crise, bien sûr. Nous dégageons une enveloppe de 280 millions d'euros au titre du Fonds de solidarité numérique (FSN) et permettons le versement d'acomptes. Nous veillerons au respect des engagements calendaires. Bref, nous mettons une forte pression dans le tube.
Nous avons annoncé un guichet cohésion des territoires, donnant un coup de pouce de 150 euros pour ceux qui ont besoin d'une technologie autre que filaire ; les critères seront élargis.
Nous avons beaucoup travaillé avec Enedis, et créé une plateforme des incidents : plus de 200 signalements ont été remontés.
Notre méthode est celle du comité de pilotage qui réunit les associations d'élus, y compris de montagne, les opérateurs et l'État pour un suivi précis. La Base Adresse, chère à M. Chaize, sera améliorée avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Les objectifs de haut débit pour tous en 2020 et de très haut débit en 2022 seront tenus.
Pendant la crise, beaucoup de nouveaux usages sont apparus, comme le lien social et éducatif. En tant que père de quatre enfants, j'ai pu mesurer toute l'utilité de la classe à distance, de la « Nation apprenante ». Mais en tant que ministre de la ville, j'ai été frappé par les inégalités. Le taux de décrochage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est énorme ; à Trappes, des mères de famille m'ont dit toutes les difficultés rencontrées. C'est pourquoi nous avons prévu un fonds de 10 millions d'euros pour acheter du matériel informatique afin d'assurer la continuité éducative ; la moitié a déjà été consommée.
Le deuxième usage est celui de la télémédecine. On comptait 10 000 téléconsultations avant le confinement, 500 000 fin mars, 1 million début avril. Comment poursuivre ? Nous y travaillons, sur le remboursement notamment.
On a également observé un usage de solidarité, par exemple avec des plateformes mettant en lien associations et volontaires. Cette solidarité s'organise.
J'en viens à la question de la formation. Les treize millions de Français en situation d'illectronisme voient passer le TGV sans pouvoir y monter. Le Gouvernement a déployé un certain nombre de mesures, en lien avec les collectivités : pass numérique, lieux de formation et de médiation, mais aussi 1 800 tiers-lieux, formidables éléments de déploiement, en zone urbaine comme rurale. Nous en développerons 300 autres, dont 150 dans les QPV, car le numérique est vecteur d'excellence.
La plateforme Solidarité numérique créée par Cédric O a été très utilisée.
Je prends note des propositions de Mme Artigalas et M. Mizzon et de la proposition de loi évoquée pour aller plus loin.
J'en viens au volet économique. Nous avons consacré 3 milliards d'euros pour soutenir les start-up françaises, futurs fleurons de notre économie. Au-delà des investissements d'avenir, nous avons agi avec la création du Next40.
Vous avez posé les bonnes questions sur le télétravail. Nous avions une utilisation moitié moindre que la moyenne européenne ; le confinement a changé le regard sur le télétravail, qui a bouleversé notre société. Les ordonnances de la ministre du Travail autorisent un salarié à demander la mise en place du télétravail à son employeur. Mais attention aux inégalités sociales : il ne faudrait pas d'une France de cols blancs en télétravail et de cols bleus qui en seraient exclus. L'isolement social pose aussi problème. Nous n'avons pas de solutions préconçues et devons travailler sur le sujet. On observe aussi, depuis la sortie du confinement, que le logement devient un nouveau lieu d'usage. C'est un élément à prendre en compte.
S'agissant de la régulation européenne du numérique, la Commission européenne a adopté à l'été 2019 le règlement Platform to business qui entrera en vigueur le 12 juillet 2020 et vise à renforcer la protection des consommateurs sur les grandes plateformes. Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne adapte le droit français à ces nouvelles dispositions en renforçant notamment les pouvoirs de la DGCCRF.
L'humain doit toujours rester au centre. Le numérique a trop longtemps été facteur de creusement des inégalités. Avec le New Deal, nous avons changé de paradigme. Le numérique doit être un élément essentiel d'une relance économique inclusive, durable et résiliente. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE)
Crise du Covid-19 et relocalisation des productions stratégiques
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « La crise du Covid-19 : relocalisation des productions stratégiques pour assurer notre souveraineté. Lesquelles, où, comment ? »
M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union centriste . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC est ravi de ce débat. Il ne peut mettre de côté la crise actuelle mais veut aussi interroger la mondialisation. Le virus a montré notre dépendance à la Chine, une mondialisation synonyme d'interdépendance sans solidarité de chaînes de production à flux tendus, qui nous rend vulnérables en cas de crise. Comment assurer une indépendance stratégique à la France et à l'Europe en matière sanitaire notamment ?
Il nous faut comprendre les ressorts de la localisation des entreprises. La mondialisation ne se résume pas à la suppression des droits de douane, ni les délocalisations aux avantages comparatifs ricardiens des différents territoires. Les délocalisations nous ont permis d'accéder à des marchés émergents et à croissance rapide, tout en baissant nos coûts. De fait, seuls 4 % de nos investissements directs à l'étranger sont liés à des différences de coûts salariaux. Mais le mouvement de délocalisation a conduit à des spécialisations régionales : au Nord la conception, au Sud la production. La crise actuelle a démontré qu'un tel schéma n'était pas stratégique.
Dans certains cas, la délocalisation est réversible : c'est la relocalisation. Souhaitons-nous envisager une nouvelle vague de relocalisations et quels en seraient les ressorts ? Les aides à la relocalisation attirent surtout des chasseurs de prime, qui quittent le territoire dès la fin de la période d'exonération. Les relocalisations pérennes sont liées à des enjeux de compétitivité par l'innovation et non par les prix. Privilégions les relocalisations néo-schumpetériennes liées à l'innovation plutôt les relocalisations tayloriennes de baisse des coûts. Je pense à la recherche médicale, à l'hydrogène...
Depuis les années 90, les investisseurs américains comme européens ont préféré l'Asie. Il nous faut inverser la tendance sans tomber dans l'écueil d'un discours souverainiste. L'État-nation fantasmé n'ouvre que sur des théories vaines. Notre opportunité est celle d'une souveraineté industrielle européenne. À cet égard, la présentation de la nouvelle stratégie industrielle de la Commission européenne est un bon point de départ. Nous serons ainsi mieux armés pour lutter contre la concurrence mondiale comme le montre déjà le projet d'Airbus du rail avec le rachat des activités ferroviaires de Bombardier par Alstom et d'Airbus naval avec le rapprochement entre les chantiers de Saint-Nazaire et ceux de Fincantieri. Citons aussi les projets européens d'importance stratégique sur la microélectronique ou les batteries.
Une réflexion nationale sur la modernisation de notre industrie reste nécessaire. L'industrie du futur est une opportunité unique de rendre industrie française plus attractive et plus compétitive. Pour cela les efforts doivent être rationalisés, que ce soient les dispositifs de financement, d'accompagnement ou de formation. Qu'il s'agisse de la production des produits de première nécessité ou de produits à forte valeur ajoutée, la question de la fiscalité de production se pose. Elle est sept fois plus élevée qu'en Allemagne, deux fois plus que la moyenne de la zone euro.
Il ne s'agit pas d'être pour ou contre la mondialisation. L'intégration économique n'est pas une fin en soi mais il faut lui donner un sens pour relativiser les effets de la main invisible smithienne. Alors que nous avons découvert nos vulnérabilités et notre trop forte dépendance à la Chine, il faut saluer l'initiative franco-allemande de relance européenne, loin d'un protectionnisme aveugle et vain. L'Europe deviendrait un petit cap du continent asiatique, écrivait Valéry. Faisons-le mentir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean Bizet applaudit également.)
Mme Noëlle Rauscent . - Il aura fallu une pandémie pour que l'organisation industrielle mondiale soit enfin contestée. Le Président de la République l'a constaté dès le début de la crise : il nous faut produire davantage sur notre sol pour réduire notre dépendance sur certains produits. Masques ou médicaments, certaines industries doivent revenir sur notre territoire. L'industrie pharmaceutique a révélé être un secteur stratégique.
La mondialisation a entraîné une fragmentation croissante des chaînes de valeur conduisant à ce que chaque élément de la chaîne de production soit fabriqué dans le pays qui dispose du meilleur avantage comparatif ; de fait, nos pays industrialisés se sont spécialisés dans le haut de gamme et les biens et services à forte valeur ajoutée.
Nos coûts de production étant deux fois plus élevés que dans les pays émergents, les délocalisations ont permis de réduire de 15 % à 20 % le prix du bien industriel consommé en France.
Les relocalisations nécessiteraient une automatisation de la production ; elles ne créeraient pas beaucoup d'emplois et pourraient faire baisser le pouvoir d'achat.
Dans le domaine pharmaceutique, la France affiche un excédent commercial important alors qu'elle importe la plupart des principes actifs de base, comme le paracétamol.
L'opinion publique souhaite désormais un retour massif de la production industrielle sur le territoire national. Pour autant, comment croire que des productions à faible valeur ajoutée seront relocalisées ? Comment pourra-t-on produire à des prix décents des principes actifs à faible valeur ajoutée ? L'industrie pharmaceutique doit se concentrer sur des produits de biotechnologie innovants.
Le manque de masque n'était pas lié à notre dépendance vis-à-vis de l'étranger mais au manque de stocks. La France n'a pas à relocaliser ses productions industrielles mais à se réindustrialiser. L'effort doit porter sur des biens à forte valeur ajoutée et s'inscrire dans un agenda européen.
Voitures autonomes, 5G, batteries, énergies renouvelables ou hydrogène, la France doit tout mettre en oeuvre pour rattraper son retard et inventer nos industries stratégiques de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Stéphane Ravier . - Parler de souveraineté sans mentionner les traités européens qui empêchent le patriotisme économique, c'est un manque d'honnêteté. Le droit communautaire empêche l'État de défendre ses entreprises ; l'Union européenne a ouvert la porte à la désindustrialisation et à l'exode de nos fleurons vers les pays émergents. Nous avons été les grands naïfs de la mondialisation. Commençons déjà par protéger les quelques entreprises qui survivent encore chez nous ! Il nous faudra livrer un bras de fer déterminé avec l'Union européenne pour récupérer notre souveraineté.
Nos dirigeants ont appris à leurs dépens que l'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même. Les Américains ont illustré la dure loi du marché en rachetant un stock de masques nous étant destinés sur le tarmac d'un aéroport chinois...
Toutes les industries et savoir-faire doivent pouvoir se réimplanter sur notre pays. Les incohérences de l'exécutif n'y contribueront pas. Le ministre de l'Économie dit viser la souveraineté économique de la France, le Premier ministre estime que l'Union européenne n'a pas été à la hauteur - mais le président Macron s'inquiète, lui, que « le manque de solidarité pendant la pandémie risque d'alimenter la colère populiste ». Seul compte l'intérêt électoraliste...
Notre impôt sur la production est le plus élevé d'Europe. C'est maintenant que les entreprises vont subir les conséquences de la crise sanitaire. C'est maintenant qu'il faut maintenir le dispositif de chômage partiel et alléger les charges qui pèsent sur elles.
J'ai entendu le président de Danone réclamer une souveraineté alimentaire « à l'échelle européenne ». Cela ne m'étonne pas venant d'un patron du CAC 40.
La souveraineté ne peut pas être diluée. Elle seule procure la liberté face aux puissances et aux marchés. En février, le parti de M. Bellamy et celui de Mme Loiseau ont ratifié main dans la main le traité de libre-échange avec le Vietnam. La classe politique continue à croupir dans les eaux usées du libre-échange forcené.
M. Jean Bizet. - Caricature.
Mme Sophie Primas. - Amen.
M. Fabien Gay . - Depuis trente ans, nous constatons la désindustrialisation de la France. En quinze ans, nous avons perdu un demi-million d'emplois industriels. C'était inéluctable disaient certains, jouant la petite musique macabre de la déréglementation, de la dérégulation, et des privatisations, gravant ses notes, contre le vote des peuples, dans le marbre des traités.
Ce marbre se fissure. Pour vous, le capitalisme financiarisé avait gagné, la fin de l'histoire était actée. Tant pis si la main invisible du marché mettait en concurrence les peuples, avec son cortège d'aberrations sociales et écologiques. Seuls comptaient le profit et l'accaparement des richesses par les détenteurs du capital. À chaque fois que nous parlions nationalisation, projet industriel, souveraineté coopérante, on nous riait au nez. Depuis 1986, vous avez privatisé près de 1 500 entreprises.
Tout doit être marché, tout doit être profit, tout doit être précaire, comme disait la patronne du Medef. Pour rivaliser, il fallait casser le code du travail, étouffer les syndicats, bloquer les salaires, travailler plus, et surtout aider les entreprises...
M. Michel Canevet. - Et les salariés !
M. Fabien Gay. - CIR, CICE, exonérations sociales, sans la moindre contrepartie sociale ou environnementale. Michelin reçoit des dizaines de millions pour produire à l'étranger
Mais voilà, il y a eu la crise du Covid-19 qui a révélé nos insuffisances : nous ne savons plus produire des biens de première nécessité. Dans la sixième puissance mondiale, les soignants ont été réduits à utiliser des sacs-poubelles en guise de sur-blouse.
La Start-up nation a montré son incapacité à protéger les Français.
Nous proposons un nouveau chemin s'appuyant sur la relocalisation et la nationalisation de secteurs stratégiques, afin d'amorcer la transition écologique. Pourquoi prêter 7 milliards d'euros à Air France qui annonce un plan de restructuration menaçant sa filiale Hop ? Est-il normal de prêter 5 milliards d'euros à Renault sans prise de participation ni garantie, quand elle menace de fermer quatre usines et 3 200 emplois ?
Nous proposons en urgence d'interdire les licenciements comme en Espagne afin d'éviter un massacre social. Revenons sur l'autorisation administrative de licenciement en période de crise, et sur les décrets Macron de 2014. Prolongeons le chômage partiel dans tous les secteurs jusqu'au 31 décembre, conditionnons les aides de l'État à des critères sociaux et environnementaux, convertissons les prêts aux entreprises en nationalisation. Renforçons le décret Montebourg, étendons la liste des secteurs stratégiques au médicament ou aux banques et assurances.
Dans le prochain remaniement, il faut que soit nommé un ministre de l'Industrie. Le critère social, de niveau de vie et environnemental doit primer sur le critère prix. Il faut des outils de régulation avec quotas d'importation, barrières douanières et taxes aux frontières européennes.
La crise sanitaire a mis en évidence l'importance de produire du matériel médical. À quand un pôle public du médicament ? Pourquoi ne pas nationaliser Sanofi ?
Deux secteurs sont prioritaires : l'énergie et les transports. Il faut revenir sur la privatisation d'Engie, annuler le projet Hercule qui prévoit de diviser EDF en deux et réfléchir à un pôle public de l'énergie.
Puisque l'on reparle du fret ferroviaire, revenons sur le pacte ferroviaire voté il y a deux ans, ne vendons pas Alstom à Siemens, réfléchissons à un projet industriel pour construire le train du futur. Les relocalisations sont la solution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Dany Wattebled . - C'est désormais un lieu commun : la crise du Covid-19, sanitaire, économique et géopolitique constitue un choc d'une rare violence. Tous les Gouvernements ont été confrontés à une même réalité : le monde est interdépendant.
Cependant on ne peut pas construire la souveraineté industrielle comme on le faisait au siècle dernier. La crise du Covid n'est pas une crise de la mondialisation ; ce n'est pas l'interdépendance qui pose problème mais la dépendance. Le bon sens paysan le dit : il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
Les États-Unis comme la Chine ont acquis leur puissance par l'économie de marché et le commerce international. L'ouverture internationale a été la clé de leur puissance.
La Chine, le plus libre-échangiste des pays communistes, développe un capitalisme d'État et veille surtout à ses intérêts. Les États-Unis, le plus interventionniste des pays libéraux, instrumentalisent le déconfinement, n'hésitant pas à attaquer des pays, y compris alliés, pour se protéger. Nous ne devons pas suivre leur exemple mais veiller davantage à nos intérêts stratégiques - le rachat de la branche énergie d'Alstom par General Electric doit nous y inviter.
J'en tire trois leçons. D'abord, la souveraineté passe par le maintien sur le territoire national des centres de décisions, plus que des unités de production. Ensuite, il faut miser sur les forces du marché, plus que sur l'économie administrée. Enfin, pour peser face aux géants, la France a besoin de l'Europe.
La révolution numérique a fluidifié les échanges et la communication. La France doit miser sur son capital humain, adopter un projet humaniste qui se trouve au fondement du rêve européen. L'Union européenne doit favoriser l'émergence de géants européens et doit revoir ses règles de concurrence. L'esprit français est toujours tiraillé de contradictions : Voltaire contre Rousseau, Turgot contre Colbert. L'un et l'autre nous sont utiles, au-delà de ces tiraillements.
Nous avons besoin d'entreprises françaises aussi fortes qu'indépendantes.
Il est possible de protéger nos entreprises sans que l'État n'administre l'économie. Je pense à la taxe carbone. Laissons les énergies s'exprimer dans tous les territoires ! Laissons s'exprimer Turgot !
Mme Valérie Létard . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Avec la crise sanitaire, les Français ont pris conscience de la faiblesse de notre investissement et de notre dépendance. Nous en faisons déjà le constat avant sur la sidérurgie dans cet hémicycle.
Il est temps de repenser la mondialisation pour que l'Union européenne et la France retrouvent une souveraineté industrielle. L'approvisionnement ne peut dépendre d'une seule zone géographique. Sur des produits indispensables, nous ne devons pas être dépendants : je songe à la chaîne d'approvisionnement du matériel médical, des principes actifs, des anesthésiants, comme le curare, et Catherine Fournier ne dit pas autre chose. Or la prochaine crise ne mobilisera peut-être pas les mêmes productions. Il faut veiller aux produits de première nécessité dans les différents secteurs d'activité : habillement, agro-alimentaire, énergie, transports, en remontant les chaînes de valeur, jusqu'à l'acier. Mais cette conception est défensive.
Il faut aller plus loin et construire une stratégie prospective et offensive, dans les produits qui ont une très forte valeur ajoutée : je pense aux batteries, aux piles à hydrogène, aux microprocesseurs et à l'internet des objets notamment. Thierry Breton avait exposé une telle stratégie lors de son audition récente devant la commission des affaires économiques.
Il y a là un grand travail d'identification, qui doit inclure celle des risques des délocalisations, à commencer par celui de l'appauvrissement des populations de certains pays en développement, mais aussi celui de mesures de rétorsion protectionnistes.
Alors, quelle relocalisation ? Où et comment ?
La complexité de ce travail impose l'échelle de l'Union européenne : notre marché intérieur ne suffit pas : la crise doit être le sursaut de l'Europe !
Les attentes des populations vont changer. La Chine produit 90 % de la pénicilline. Il faut une approche multirégionale pour rapprocher marchés de proximité et lieux de consommation et réduire l'empreinte carbone des produits.
Pour décider des relocalisations, il faudra dialoguer avec les différents acteurs concernés.
L'Union européenne doit développer sa production économique avec des outils de défense commerciale comme la taxe carbone. Mais il faudra pour cela qu'elle adopte un tempo différent. Comment l'État compte-t-il accompagner les entreprises en matière de relocalisation ? Il faudra revoir la fiscalité de production, mais la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont nécessaires aux collectivités territoriales. Ce sont les instruments des agglomérations pour l'aménagement économique de leur territoire. J'ai présidé une agglo pendant huit ans. Comment fera-t-on sans ces recettes pour structurer les zones d'activités et les dessertes indispensables ? On ne peut suspendre les entreprises en l'air ! Quelles incitations leur proposera-t-on ?
Les aides de l'État doivent avoir des contreparties. Les exemples de Sanofi et de Renault interrogent. L'économie doit être au service des citoyens, des femmes et des hommes de notre pays.
Il faut réfléchir à de nouveaux outils comme les partenariats public-privé, les groupements d'acheteurs publics, autoriser, peut-être, les régions à émettre des obligations convertibles. L'inadéquation de l'offre et de la demande nous guette.
Le sujet de la formation est également majeur pour l'industrie du futur.
Madame la ministre, il est temps de mettre en place cet État stratège que je défends depuis longtemps, pour porter une vision d'avenir, incarnée dans un véritable ministère de l'Industrie, non pas symbolique, mais doté de moyens...
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Valérie Létard. - Je songe à des équipes en mode projet en lien avec les territoires, mais aussi à un projet porté, incarné, au lieu d'une addition de petites initiatives : madame la ministre, vous pouvez être cette ministre de l'Industrie !
La France a été un grand pays d'industrie ; elle peut le redevenir. Faisons en sorte qu'il en soit ainsi ! (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur la plupart des travées)
Mme Sophie Primas . - Je partage l'enthousiasme de Mme Létard. Il y a des crises qu'il ne faut pas gâcher car elles offrent une opportunité de progrès qu'il convient de saisir. Celle-ci nous rappelle le rôle structurant de l'industrie. Certains produits, certaines activités sont indispensables à la souveraineté économique de la Nation, pour la santé publique ou la souveraineté alimentaire. Étant gaulliste, je me félicite que ce ne soit plus un gros mot.
Bien sûr, nous ne pouvons pas tout relocaliser, mais il faut réfléchir à nos priorités industrielles. C'est aussi un enjeu environnemental et de société.
Vous avez plaidé à l'Assemblée nationale pour relocaliser les activités à forte valeur ajoutée, mais les masques sont un produit à faible valeur ajoutée, et nous en avons besoin. Comment traiter cette production ? À ne faire que de la haute valeur ajoutée, nous nous fragilisons. La Chine, l'Asie ne seraient-elles pas capables de remonter les chaînes de valeur pour produire de la haute valeur ajoutée ? Si la fiscalité doit être un outil de relocalisation, quelles sont vos pistes, alors que le pacte productif aurait dû traiter ce sujet ? Qu'en est-il de la suppression envisagée de la C3S ?
Les aides d'État sont très encadrées par l'Union européenne, tandis que le Japon va offrir près de 2,2 milliards d'euros aux entreprises qui relocaliseront. Il nous faut plus de souplesse.
L'axe Méditerranée doit être envisagé dans le cadre de notre réflexion sur les relocalisations. La première étape de la relocalisation n'est-elle pas d'empêcher la destruction des industries existantes ?
Le plan de relance doit être un outil de non-délocalisation ; le Premier ministre m'a répondu la semaine dernière, quand je l'interrogeais sur Renault, qu'il serait intransigeant sur le maintien des sites français, mais cette semaine, Bruno Le Maire nous dit qu'il ne demande aucune garantie de relocalisation à Renault contre l'aide de 5 milliards d'euros. Certes, je ne vais pas sauter sur mon siège comme un cabri en criant « Relocalisation, relocalisation, relocalisation ! » (M. Jean Bizet sourit.) Mais il est impératif de répondre présent pour ne pas gâcher les enseignements de cette crise. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) La crise due au Covid-19 a jeté une lumière crue sur notre dépendance à l'égard d'acteurs lointains et nous invite à réinterroger en profondeur notre modèle économique, avant de le relancer. La France, sixième puissance économique mondiale, meilleur système de santé du monde il y a encore quelques années, s'est trouvée fort démunie face à cette épidémie. Notre pays est devenu petit à petit impuissant : système hospitalier et recherche publique affaiblis, tissu industriel démantelé, entreprises et savoir-faire délocalisés...
Ceux qui ont privilégié la logique de la rentabilité immédiate plutôt que de soutenir les investissements dans les secteurs stratégiques sont les cigales de la fable.
Au sein du groupe socialiste et républicain, nous avons engagé depuis plusieurs semaines une démarche prospective sur « le monde d'après ».
Les secteurs prioritaires sont la santé, l'alimentation, l'énergie, les transports et le numérique, sans oublier les productions industrielles qui se sont révélées indispensables dans la crise.
Les relocalisations ne doivent pas oublier les territoires ruraux ni les enjeux environnementaux.
La mission d'information sur l'avenir de la sidérurgie prônait une aide forte de l'État à cette filière symbolique du déclin de notre industrie, notamment pour aider à la décarbonation.
Notre groupe a déposé une proposition de loi sur la nationalisation des entreprises Luxfer, Famar et Peters Surgical. Qu'en est-il ?
En décembre, la proposition de résolution visionnaire de Françoise Laborde sur la résilience alimentaire de nos territoires nous a alertés sur leur grande dépendance agricole, leur degré d'autonomie n'étant que de 2 % alors mêmes que leurs actifs agricoles peuvent couvrir 54 % des besoins de leurs habitants. La relocalisation de nos productions doit s'accompagner d'une reconversion écologique de notre industrie et de notre agriculture, qui doit pouvoir s'appuyer sur le « pacte vert » européen.
Il faut aller plus loin et réorienter la construction européenne en pariant sur la coopération plutôt que sur la « concurrence libre et non faussée ».
L'Europe doit se réinventer et se doter d'un véritable budget, notamment grâce à la taxe carbone. Il conviendra évidemment de renoncer aux traités de libre-échange comme le Tafta ou le CETA, qui s'emploient à faire tomber nos normes protectrices. Elle devra également être socialement inclusive en s'attaquant à l'extrême pauvreté. Il faudra s'interroger sur des indicateurs alternatifs au PIB, ce que fait le groupe de travail présidé par notre collègue Montaugé.
Il a déjà déposé deux propositions de loi. Enfin, nous devons nous interroger sur la notion de bien commun, comme le fait la proposition de loi de Nicole Bonnefoy visant à inscrire dans la Constitution les principes de protection du sol et de garantie de la souveraineté alimentaire.
Pour que cette prise de conscience ne soit pas sans lendemain, il faut, très vite, que de premiers jalons soient plantés afin de préparer, pour demain, une relocalisation durable des secteurs clés de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Joël Labbé . - Je remercie le groupe UC : la question de la relocalisation, déjà présente dans le débat public, est encore plus pertinente depuis la crise qui a agi comme un coup de projecteur sur nos vulnérabilités dans les secteurs de la santé, de l'agroalimentaire, de l'industrie avec les tensions sur les médicaments et les intrants agricoles.
Il faut s'interroger sur le maintien des outils de production existants. Il faut les protéger. Je pense à la Fonderie de Bretagne, filiale de Renault près de Lorient, qui pourrait fermer, ce qui est incompréhensible, au moment même où l'on se préoccupe de relocaliser et où la puissance publique soutient massivement Renault, d'autant qu'elle emploie près de 380 personnes et l'outil de production est tout neuf !
Comment relocaliser sans entrer dans la course au moins-disant social et environnemental ? Comment garantir aux plus pauvres l'accès aux produits fabriqués en France ? Relocaliser implique aussi de repenser nos politiques de lutte contre les inégalités.
La souveraineté ne passe pas que par les relocalisations de productions et les constitutions de stocks stratégiques.
Nous devons limiter certaines consommations. La souveraineté alimentaire des territoires est essentielle. Elle passe par plusieurs ruptures car notre modèle est éminemment vulnérable, comme la crise l'a montré. Notre groupe avait déposé une proposition de résolution de Françoise Laborde sur le lien entre résilience alimentaire des territoires et sécurité nationale. Cette réflexion ne peut faire l'économie des enjeux climatiques et de défense de la biodiversité. Nous ne pouvons continuer dans un modèle qui détruit des emplois et des territoires ruraux.
Il faut une transition vers l'agro-écologie. Les Français le souhaitent. Des initiatives existent, mais il faut aller plus loin.
Les greniers d'abondance, un collectif de chercheurs et de citoyens, ont produit un rapport sur la résilience alimentaire. Ils proposent une augmentation de la population agricole et du nombre de fermes, la préservation des terres agricoles, la diversification des variétés cultivées, une gestion intégrée de la ressource en eau, une sortie de la dépendance aux pesticides et à la grande distribution, notamment.
Il faut revenir au système de polyculture, d'élevage en France, comme sur l'ensemble de la planète. Cela n'implique pas la fin des échanges commerciaux, mais ceux-ci doivent être équitables. La transformation agricole doit être soutenue et financée par un vaste plan. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE)
M. Jean Bizet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire fait cruellement apparaître la dépendance croissante de l'Europe dans des secteurs stratégiques. Celui du médicament est exemplaire : ainsi, 85 % des principes actifs utilisés en Europe sont produits ailleurs, notamment en Chine et en Inde. Il suffit d'une épidémie, d'un accident industriel, pour provoquer une rupture d'approvisionnement. C'est un enjeu stratégique pour la synthèse des médicaments et la production d'excipients indispensables.
La stratégie pharmaceutique sur laquelle travaille la Commission européenne est orientée vers la relocalisation de la production d'antibiotiques et d'anticancéreux.
L'Europe doit maîtriser les chaînes de valeur essentielles, là où l'environnement économique risque de fragiliser nos industries et de favoriser des comportements prédateurs à l'égard des entreprises européennes. Le règlement IDE (investissements directs étrangers) est là pour y répondre.
Pour autant, il ne s'agit pas de chercher à relocaliser systématiquement en Europe. Le principe fondateur de l'Union européenne est l'ouverture au commerce international : elle est la première puissance commerciale du monde, devant la Chine et les États-Unis.
Il n'est pas question de fermer les marchés, mais d'exiger la réciprocité, notamment sur la décarbonation.
Il faudra d'abord identifier les secteurs stratégiques ; je salue à cet égard l'engagement de notre commissaire européen, Thierry Breton, qui a listé quatorze écosystèmes prioritaires.
Nous sommes à quelques jours d'une relance européenne que je voudrais plus digitale, résiliente, innovante et sécurisée : nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle pandémie, informatique cette fois.
Madame la ministre, accélérez le déploiement de la 5G au niveau national et européen en sécurisant tout le process, en cohérence avec les autres États membres.
Je dirai, à la suite de Mme Létard, qu'il faut changer de tempo. Le temps économique va beaucoup plus vite que le temps politique ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Valérie Létard. - Très bien !
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Quelles priorités stratégiques ? Le médicament ? Où ? En France ? Comment ?
Je suis favorable à un pôle public de médicaments. Je porterai la parole d'Yves Daudigny. Deux dysfonctionnements majeurs affectent aujourd'hui l'accès aux médicaments : la pénurie que nous constatons et notre dépendance à la Chine et à l'Inde, d'où des prix déconnectés des coûts de production : 38 milliards d'euros de dépenses de médicaments pour la France, dont 34 milliards d'euros remboursés par la sécurité sociale. L'industrie pharmaceutique est sans doute la plus subventionnée dans notre pays !
L'industrie du médicament est encore là, mais elle a glissé au quatrième rang européen. La Chine et l'Inde nous ont raflé le paracétamol. Il ne reste qu'une centaine de sites de production sur notre territoire. Sur 254 nouveaux médicaments autorisés entre 2016 et 2018, 20 seulement ont été fabriqués dans notre pays et le retard est encore plus considérable pour les médicaments biologiques.
Les Français et les Européens subissent des pénuries de curare et de morphine, comme l'ont dénoncé neuf grands hôpitaux européens durant la crise.1 450 médicaments étaient en rupture en 2019 dont 14 grands vaccins. Perte de souveraineté donc, mais aussi d'emplois à chaque fermeture de site.
Il y a un coût économique, social, sanitaire très élevé... épongé par la sécurité sociale. Les marges, pendant de temps, sont très élevées, avec des résultats de recherche beaucoup moins brillants qu'annoncés. La sécurité sociale finance la recherche des entreprises qui ne se sentent nullement engagées à l'égard de notre pays : les propos du président-directeur général de Sanofi ont choqué, mais ne devraient pas nous surprendre. Ceux qui paient seront servis en premier.
La recherche publique n'a pas assez de moyens, nous le savons tous, et nous finançons la recherche privée, d'où notre dépendance aux marchés mondialisés.
Il faudra explorer des voies diverses pour retrouver notre souveraineté : relocalisation, prises de participation, nationalisations, coopératives de production imaginées par Arnaud Montebourg. Il est temps d'aller chercher dans les tiroirs de Bercy les 34 plans industriels lancés par ce dernier en 2014. Ils n'ont pris ni ride, ni poussière ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Cédric Perrin . - Notre processus de production, fragmenté, a montré sa grande fragilité. L'industrie n'a pas été défendue et la France n'a plus de politique industrielle depuis bien trop longtemps. Le Gouvernement dit vouloir redresser la barre, le ministre de l'Économie veut relocaliser la production automobile. Comme en amour, les preuves sont préférables aux grandes déclarations... (Sourires)
Dans le territoire de Belfort, 43 % des emplois sont industriels contre 12 % en France.
Les annonces de General Electric - pression sur les prix des sous-traitants, menaces de délocalisations - auraient mérité un rappel à l'ordre de l'État. Les précédentes manoeuvres dolosives du groupe auraient dû nous alerter.
Les entreprises sont démunies par la complexité de la réglementation. Une PME de mon département a dû cesser mi-mai la production de visières de protection parce qu'elles devaient résister au choc d'une bille d'acier de 22 mm et de 43 g, projetée d'une hauteur de 1,3 mètre ! (Sourires et exclamations) Les normes font parfois plus de dégâts que le Covid-19 ! Pragmatisme et bon sens devraient s'imposer.
Les normes doivent être simplifiées et respectées par les industriels étrangers, les métiers de l'industrie valorisés, les politiques territoriales en faveur de l'industrie développées. Il faut renouveler notre vision stratégique en nommant, enfin, un ministre de l'Industrie de plein exercice avec une administration centrale dédiée. L'industrie n'est pas un gros mot : c'est elle, et non les services, qui fait la richesse. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Sophie Primas. - Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Une conviction se dégage de vos propos : l'industrie doit être au coeur de notre modèle économique. Depuis trois ans, c'est ce que nous faisons : la reconquête industrielle est un élément central de notre politique économique.
En 2000, la vision économique la plus largement partagée était la délocalisation dans les pays à bas coût, en conservant la haute valeur ajoutée et la recherche et développement. C'était une vision naïve et sans doute un peu présomptueuse : les pays émergeants se sont progressivement orientés vers des productions à valeurs ajoutées plus fortes. Le crédit d'impôt recherche (CIR) a heureusement amorti le choc.
Entre 2017 et 2019, nous avons créé 30 000 emplois industriels contre un million d'emplois perdus entre 2000 et 2016, une véritable saignée. Nous avons aussi recréé des sites industriels et attiré de nouveaux investissements étrangers.
Monsieur Perrin, quelques précisions : nous sommes intervenus auprès de General Electric pour son courrier à tous ses sous-traitants, vite rangé dans un tiroir.
Concernant les visières de protection, nous avons allégé le processus de validation, contrairement à ce que vous avez dit. D'autre part, 146 « Territoires d'industrie » ont été créés en France, avec des milliers de projets portés par les collectivités territoriales, surtout les régions.
Enfin, il y a une administration dédiée à l'industrie : la direction générale des entreprises, qui a remarquablement bien accompagné les industriels.
M. Cédric Perrin. - Il faut un ministre !
Mme Valérie Létard. - Ou une ministre...avec des moyens !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - J'entends ce besoin d'incarnation ! (Sourires)
Monsieur Longeot, comme vous, j'estime que pour relocaliser, il faut un marché et de la compétitivité, notamment au niveau européen. Nous soutenons le plan de relance de 750 milliards d'euros et nous approuvons les propositions de Thierry Breton. Nous portons l'idée d'un Important Project of Common European Interest (IPCEI) pour soutenir les filières industrielles au niveau européen ; un IPCEI est en projet sur la santé et un autre sur l'hydrogène.
Certes, les impôts de production peuvent peser sur la compétitivité, et ils orientent aussi les choix d'installation.
Le Conseil d'analyse économique considère la contribution sociale de solidarité des sociétés comme l'impôt le plus nuisible à l'économie ; nous en prenons acte.
Les impôts financent les aménagements économiques. Mais sans baisser massivement les impôts, les EPCI pourraient envisager des exonérations échelonnées pour les cinq premières années d'installation, le temps de roder le modèle économique. De plus, si les impôts locaux augmentent plus vite que le chiffre d'affaires, gare à l'effet ciseaux.
Selon Mme Rauscent, nous sommes moins compétitifs sur les productions à faible valeur ajoutée, du fait du coût des intrants mais, madame la sénatrice, cela ne doit pas empêcher certaines relocalisations stratégiques. Mme Primas a ainsi évoqué les productions alimentaires, et je partage son avis.
En matière électronique, nous sommes confrontés à la concentration des producteurs chinois, avec de fortes marges : sur certains intrants, comme les cartes électroniques, on peut avoir intérêt à internaliser la production pour maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur.
Sanofi a heureusement corrigé sa communication ; le groupe va implanter une filiale de principes actifs en Europe. Ce serait utile en cas de crise politique, sanitaire, climatique ou autre.
Je partage votre intérêt pour la 5G et la voiture autonome. Dix marchés clés technologiques ont été identifiés par Benoît Potier dans son rapport. Ces éléments de réflexion nourrissent le plan de relance.
N'opposons pas souveraineté française et européenne, monsieur Ravier ; celle-ci a rompu avec un certain libéralisme avec son plan de relance. La vision de la France marque des points, alors que Chine et États-Unis ont des conceptions en matière de concurrence libre de marché très centrées sur leurs intérêts. On ne peut leur reprocher d'autant que nous irons dans le même sens.
Le chômage partiel est mis en décélération pour éviter les ruptures.
On met dix ans à former un ingénieur aéronautique, une journée à le licencier : il est vital de conserver nos compétences.
Monsieur Gay, je partage votre intérêt pour les relocalisations, mais je n'établirai pas pour ma part de lien direct avec les nationalisations. Gérer des entreprises, c'est le métier des industriels, plus que des administrations de l'État !
Les 7 milliards d'euros qui ont été prêtés...
M. Fabien Gay. - Seulement 4 milliards ! Les 3 autres vont aux actionnaires !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Un prêt de 4 milliards d'euros, et 3 milliards d'avances en compte courant : ils sont conditionnés à des engagements économique et énergétique qui figureront dans les contrats. Les 5 milliards d'euros de prêt garanti à Renault comportent une contrepartie de relocalisation. La production de véhicules électriques sera relocalisée et multipliée par trois.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Des sites vont tout de même fermer !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Renault réunit demain les représentants du personnel. Il est nécessaire d'ajuster la structure quand le chiffre d'affaires baisse de 40 %. Renault a un problème de baisse massive du volume de sa production, ce n'est pas pour autant que le groupe va délocaliser.
Le train du futur est un élément du contrat stratégique de la filière ferroviaire. Le critère prix-environnement est une proposition sur laquelle nous travaillons pour les marchés publics. Nous voulons créer des clauses sociales - pour l'inclusion de personnes éloignées de l'emploi - et environnementales - limitation de production de CO2, approche du cycle de vie du produit, etc. Mais ce sont des sujets complexes. L'Ademe va développer des outils pour aider les industriels à calculer, par exemple, l'empreinte environnementale des biens produits.
Je suis d'accord, il ne faut pas être naïf. Nous avons renforcé, tout comme l'Europe, les décrets sur les investissements directs étrangers en France. D'autres pays nous emboîtent le pas. Il faut éviter qu'une grosse plateforme rachète une petite pépite en plein développement, qui n'a pas un gros chiffre d'affaires mais représente néanmoins une grande valeur : l'approche des concentrations doit être dynamique et garantir une bonne concurrence dans le numérique.
Dans un dossier ferroviaire, vous savez lequel, nous avons regardé moins les parts de marché que le caractère commercialement très agressif des propositions faites par des groupes chinois... Nous prenons en compte également la notion de marché pertinent.
Madame Létard, je partage presque toutes vos remarques. Ne nous contentons pas d'être défensifs sur les activités stratégiques du secteur de la santé. Les fonds propres sont effectivement un enjeu essentiel, afin d'envisager la sortie des prêts garantis sans fragiliser la structure de nos entreprises.
Je vous suis également sur Euromed. La France doit porter cette vision.
Nous avons adopté une démarche pluripartite dans le pacte productif. Nous réunissons vendredi les régions.
Je le répète, les contreparties, ce sont la transition énergétique et écologique, les investissements, les innovations. L'usine du futur sera centrée sur la data, un élément sous-estimé - vous ne l'avez pas mentionné - mais essentiel au B to B. C'est un élément de souveraineté qui concerne tout le processus de production. Nous devons avoir des jeunes extrêmement bien formés en mathématiques.
Un rappel à propos de Famac : c'est l'État qui l'a sauvé. J'ai travaillé avec Bruno Le Maire pour restructurer le bilan ; la société a pu poursuivre la production. Nous cherchons des repreneurs et le dossier est suivi par le comité interministériel de restructuration industrielle. Si nous n'étions pas intervenus, Famac aurait fermé l'an dernier.
Mme Sophie Primas. - Ne laissez pas non plus fermer Flins.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Le ministre sera très ferme à ce sujet. Quant aux fonderies européennes, elles sont toutes en difficulté, en surcapacité, et avec la mission Guyot, nous avons commencé à travailler sur cette question.
Madame Rossignol, le prix du médicament dans notre pays est l'un des plus faibles et il est négocié au plus serré. C'est bien pourquoi nous avons divisé par deux l'empreinte industrielle de la présence pharmaceutique en France. Pour les maladies orphelines, il y a des coûts de R&D importants. Il faut avoir une approche industrielle et nous y réfléchissons avec Olivier Véran au sein du conseil stratégique des industries de santé, afin de réimplanter des usines de médicaments en France. Il y aura prochainement des signaux forts à ce sujet.
Vous citiez les 34 plans industriels : je vous renvoie aux 18 contrats stratégiques, qui sont bien vivants et qui prospèrent ! (M. Julien Bargeton, Mme Valérie Létard, MM. Franck Menonville et Jean Bizet applaudissent.)
La séance est suspendue à 19 h 25.
présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques contre le Covid-19
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative aux innovations numériques dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - La crise sanitaire qui frappe le monde entier, exceptionnelle par sa gravité et par les deuils et sacrifices qu'elle a imposés, nous oblige à des réponses adaptées et à la mobilisation de toutes les ressources possibles.
Le Gouvernement veut inscrire son action dans le cadre des valeurs de notre démocratie : respect de l'État de droit et des libertés individuelles. C'est la condition pour conserver la confiance de nos concitoyens.
Le numérique a démontré son potentiel et son intérêt en télémédecine, en télétravail et pour l'école à distance. Encore faut-il avec un encadrement garantissant à chacun la protection de ses droits fondamentaux et le respect de sa vie privée et de ses données personnelles.
La loi Informatique et libertés de 1978, qui a créé la CNIL, était un texte pionnier en Europe. L'Union européenne, sous l'impulsion de la France, a élaboré un cadre protecteur pour l'utilisation des données personnelles : ainsi de la directive ePrivacy du 12 juillet 2002, qui garantit la protection de la vie privée dans le cadre des correspondances électroniques. La RGPD de 2016 a une portée considérable.
Ces textes n'interdisent nullement l'utilisation des données personnelles dans le cadre d'une stratégie sanitaire, dans le respect de certains principes, dont le socle est posé à l'article 5 du RGPD.
D'abord, le principe de limitation des finalités : celles-ci doivent être « déterminées, explicites et légitimes » pour justifier l'utilisation de données personnelles.
Deuxième principe : la licéité. Le traitement doit se fonder sur l'une des bases juridiques énumérées : le consentement des personnes, l'exécution d'un contrat ou d'une mission de service public.
Troisième principe, la minimalisation des donnés, ou proportionnalité. Les outils mis en place par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire respectent ces trois principes, à l'instar du Sidep et Contact Covid mis en place par le décret du 12 mai.
L'application StopCovid respecte les mêmes principes ; elle complète les outils développés dans le cadre de la stratégie de déconfinement progressif. Ces trois dispositifs ont reçu, dans deux décisions successives, un avis favorable de la CNIL, qui s'est félicitée que ses préconisations aient été suivies.
M. Loïc Hervé. - Encore heureux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le Conseil national du numérique a lui aussi rendu un avis favorable. StopCovid n'est pas un outil de géolocalisation des personnes ni de suivi de leurs déplacements. L'outil Bluetooth est le moins intrusif et ne permet pas le pistage des personnes ni leur identification. StopCovid n'a pas davantage vocation à ficher les Français ou contrôler le respect des mesures sanitaires. Le décret sera très clair et précisera les utilisations de l'application.
J'en viens à ce qu'est StopCovid. Il est nécessaire non seulement d'identifier les cas contacts, c'est-à-dire les proches de la personne infectée comme les inconnus qu'elle a pu croiser, mais aussi de les contacter au plus vite afin de juguler les chaînes de contamination.
C'est donc dans le cadre d'une mission d'intérêt public que le traitement des données sera mis en oeuvre, sous la responsabilité du ministère des solidarités et de la santé.
De nombreuses garanties ont été apportées. Le téléchargement de l'application, libre et gratuit, résulte d'une démarche volontaire ; le consentement sera requis à chaque étape, la désinstallation possible à tout moment. Aucune conséquence négative n'est attachée au non-recours à l'application : accès aux tests et aux soins, aux transports en commun, liberté d'aller et venir ne sauraient être conditionnés à l'installation de l'application. Aucun droit ou avantage n'est associé à son utilisation.
Deuxième garantie : la pseudonymisation. Aucune donnée identifiante ne sera traitée. Ni listes de personnes contaminées ni d'interactions sociales. Seules des identifiants éphémères seront utilisés.
Troisième garantie : les données ne seront utilisées que pour la durée d'utilisation de l'application soit, comme Contact Covid et le Sidep, six mois. Les historiques de proximité ne seront conservés que quinze jours, soit la durée d'incubation du virus. L'utilisateur pourra à tout moment demander la suppression des données.
Dernière garantie : la transparence. Les utilisateurs seront pleinement informés de leurs droits en installant l'application, conformément aux préconisations de la Commission européenne, du Comité européen de la protection des données (CEPD) et de la CNIL, avec laquelle nous avons travaillé.
L'application StopCovid est volontaire, temporaire, non-identifiante et transparente : toutes les garanties sont prises. Elle n'a pas vocation à devenir l'élément central de la lutte contre la Covid-19 ; ce n'est pas non plus un moyen déguisé pour ériger un État policier.
La vigilance, cependant, est indispensable. En témoignent les garanties apportées au dispositif et le débat démocratique que nous tenons. Elles permettent d'envisager cette application comme un outil précieux pour protéger la santé de nos concitoyens sans attenter à leurs libertés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Jean-Pierre Leleux et Franck Menonville applaudissent également.)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La dangerosité du virus n'est plus à prouver. La France, comme d'autres pays, paie un lourd tribut à cette crise. Le déconfinement a ouvert une nouvelle phase, mais le combat n'est pas terminé. Tous les outils doivent être mobilisés. Le débat qui nous réunit est celui de la pertinence et de la juste mesure.
StopCovid est-il efficace ? De nombreuses études épidémiologiques concluent à l'utilité de telles applications pour alerter les contacts anonymes croisés dans les transports et les commerces. Le contact tracing, au coeur de la stratégie de déconfinement, est le seul instrument permettant de rompre les chaînes de transmission.
Le suivi de contacts est déjà utilisé depuis longtemps pour de nombreuses pathologies infectieuses ; il repose sur les médecins de ville, biologistes, infirmiers et agents de l'assurance maladie. Près de 45 % des transmissions se font à partir de personnes asymptomatiques. StopCovid permet de repérer plus précocement les potentiels cas contacts qui peuvent s'isoler, consulter et se faire tester. Cette solution numérique ne vient pas en substitution mais en appui du traçage réalisé par l'assurance maladie.
Arrivons-nous trop tard ? (M. Loïc Hervé estime que oui.) L'Académie de médecine est favorable à une application de ce type dans le cadre du déconfinement pour associer activement la population à la lutte contre la pandémie, tout en respectant le RGPD.
Un moyen efficace est-il pour autant toujours légitime ? Nous avons tous le même objectif : protéger les Français, sans porter atteinte à leurs libertés. Nous concilions ces deux exigences en assurant la transparence. Les recommandations du Conseil national de l'ordre des médecins, émises dans son avis du mois d'avril, ont été suivies.
L'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) a été chargé de développer le prototype de l'application. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) a été sollicitée pour en garantir la résilience et la sécurité. Enfin, la CNIL a été étroitement associée, dans le respect de son indépendance. (M. Loïc Hervé s'exclame.) Le projet a impliqué les équipes de Santé Publique France et la direction générale de la Santé.
La protection de la vie privée est un principe absolu. StopCovid n'est pas autre chose qu'un outil efficace et, je le crois, légitime, contre une épidémie redoutable.
Le ministère des solidarités et de la santé s'appuie déjà sur le numérique avec le site mesconseilscovid.sante.gouv.fr, outil intervenant en amont de l'entrée dans le parcours de soins, avec des conseils personnalisés sans stockage de données sur un serveur central.
Notre stratégie est claire : tester, tester, tester. La carte géolocalisée des 3 100 sites de prélèvement virologique, mise en ligne il y a quelques jours, a été consultée plus de 400 000 fois.
Les startups et éditeurs en santé ont rivalisé d'innovation contre la Covid. Le Gouvernement a lancé une plateforme de référencement, un véritable guichet de l'innovation numérique contre la Covid, recensant déjà plus de deux cents services.
Cette période est l'occasion de montrer l'inventivité et l'ingéniosité que notre pays est capable de déployer, sans jamais renoncer à ses principes fondateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Jean-Pierre Leleux et Franck Menonville applaudissent également.)
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - C'est la première fois, mais sûrement pas la dernière, qu'un logiciel mobilise ainsi le Parlement. Le Sénat a déjà débattu de l'utilisation des outils numériques, mais il s'agit ici d'un outil spécifique, avec des implications profondes.
Le numérique, la crise l'a montré, est devenu la colonne vertébrale de notre économie, de notre société, voire de nos institutions. Il a ses propres règles et déterminants. Les langages du droit et de la loi ont une noblesse que le code informatique n'a pas encore. L'intelligence artificielle et les algorithmes décident de plus en plus pour nous, au risque de reproduire voire d'amplifier les inégalités, notamment de genre.
Les réseaux sociaux nous ancrent dans la culture et le droit anglo-saxons, les moteurs de recherche hiérarchisent l'accès à l'information et formatent notre débat démocratique. Le numérique doit être appréhendé comme une grammaire qui détermine toutes les autres matières. À cette aune, StopCovid n'est que peu de chose. La polémique qui l'entoure en dit plus de nous que de l'application elle-même.
Le principe en est simple : une fois installée - volontairement bien sûr - l'application historisera sur votre téléphone la liste des personnes utilisatrices de l'application croisées pendant plus de quinze minutes à moins d'un mètre - sans que vous connaissiez leur identité.
Si vous êtes testé positif, vous pouvez notifier immédiatement ces personnes. De même, vous serez prévenu - de manière anonyme - si l'un de vos contacts est testé positif. Dans ce cas, il faudra s'isoler et, le cas échéant, être traité. L'objectif est de circonscrire les départs de feu.
L'enquête sanitaire est limitée par deux facteurs : l'impossibilité de tracer les contacts avec des inconnus, dans les transports par exemple, et la rapidité d'action. Or le temps est crucial pour prévenir les contaminations, qui sont pour moitié le fait de personnes en phase d'incubation ou asymptomatiques.
StopCovid n'est pas une solution magique mais un complément utile et nécessaire au travail central des équipes d'enquête sanitaire. Ses avantages justifient-ils d'y consacrer tant de moyens ? La quasi-totalité des gouvernements européens ont un projet d'application. Le Conseil scientifique a jugé un tel outil indispensable, même si la prévalence de l'épidémie est basse. L'Académie de médecine a également donné un avis favorable. Plus de soixante épidémiologistes reconnus, dans une tribune au Monde, y voient un atout incontestable pour gagner du temps. Si nous voulons éviter une deuxième crise, nous devons nous en donner les moyens. (M. Loïc Hervé s'exclame.)
StopCovid n'est pas une coquetterie technologique, mais un outil sanitaire au service de la protection des Français. Mais l'efficacité sanitaire ne se paye pas à n'importe quel prix. Son acceptabilité suppose de fortes garanties en matière de protection de la vie privée.
L'application a suscité des interrogations, et même des projections dystopiques. Certains craignent une société de la surveillance. Je veux les rassurer : la seule technologie utilisée est celle du Bluetooth, tout est anonyme. Les informations sont cryptées et la géolocalisation inexistante.
Certains redoutent que le libre arbitre ne cède devant la pression sociale. Ces craintes sont sans objet : l'installation est entièrement volontaire. Nul ne pourra contraindre quiconque à installer l'application, sauf à s'exposer à des poursuites judiciaires. (Mme Éliane Assassi ironise.)
D'autres doutent de son efficacité. Il faut relire les études de modélisation, notamment celle de l'Oxford Imperial College : dans un bassin de vie, sans autres gestes barrières, la diffusion de l'application à 60 % de la population suffit à juguler l'épidémie. Mais dès les premières utilisations, elle sauve des vies. Elle a une efficacité systémique et linéaire à partir de quelques pourcentages d'utilisateurs.
D'aucuns redoutent une tendance pavlovienne des gouvernements à détourner les nouvelles technologies pour en faire des outils de surveillance. Je ne partage pas cette vision. Les nouvelles technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises. Il nous revient de bâtir les contre-pouvoirs qui nous protègent d'éventuelles dérives.
La première garantie, c'est la transparence totale, avec la publication du code en source ouverte par l'Inria. Vous avez institué, en votant les articles 6 et 11 du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire, un comité de liaison et de contrôle qui a vocation à évaluer l'ensemble des outils de traçage mise en place par le Gouvernement : le décret, pris le 15 mai, précise sa composition et ses missions.
L'intérêt du Gouvernement est de faire la transparence totale sur cet outil afin de rassurer et promouvoir son adoption.
Reste que le risque zéro n'existe pas. Le projet StopCovid n'est pas pour temps de paix : il répond à une crise historique, et n'a pas vocation à lui survivre. Soit on fait tout pour éviter que l'épidémie reprenne, en déployant cet outil jugé nécessaire par les médecins et approuvé par la CNIL, soit on choisit, pour des raisons politiques et philosophiques, de priver les volontaires de cette protection, et on accepte qu'il y ait des contaminations, des morts, un risque de reconfinement. Cette formulation est violente, mais c'est bien ce que nous dit la science - je vous renvoie aux travaux des épidémiologistes parus encore hier. (M. Loïc Hervé s'exclame.)
Si l'on refuse de se doter de tous les outils, il faut le faire les yeux ouverts, comme dirait Marguerite Yourcenar. Tout est question de proportionnalité et d'équilibre. La CNIL s'est prononcée deux fois en faveur de l'application, qu'elle juge conforme au RGPD, régime le plus protecteur au monde. Le Gouvernement requiert maintenant votre approbation.
Une réflexion personnelle, enfin : StopCovid est un projet français qui a le goût de l'excellence, du panache et de l'entêtement qui caractérisent notre pays. Il est le fruit de milliers d'heures de travail de nos ingénieurs.
Quelque 22 pays ont choisi de développer les solutions d'Apple et de Google. La France, comme le Royaume-Uni, a fait le choix de l'indépendance, comme elle l'a fait en matière de dissuasion nucléaire - et ce n'est peut-être pas un hasard. (Mouvements divers) Nous estimons qu'une grande entreprise n'a pas à contraindre les choix sanitaires d'une nation souveraine. La France a fait le choix de l'indépendance.
Je salue l'engagement de l'Inria et de l'équipe resserrée qui s'est engagée à ses côtés : Capgemini, Dassault Systèmes, Orange, les industriels qui ont travaillé gratuitement, mais aussi l'Inserm, l'Anssi, l'Institut Pasteur, Santé publique France ou encore l'armée de terre.
L'aventure se poursuit. Nous travaillons au déploiement d'un support hors téléphone. Nous avons été attentifs à la fracture numérique en rendant l'utilisation de StopCovid la plus simple possible, notamment pour les personnes handicapées.
À l'heure où une poignée d'entreprises quasi oligopolistiques étendent leur domination, c'est cette alliance de la recherche, des grandes entreprises, des startup et des institutions qui doit permettre à la France de conserver son indépendance sanitaire et technologique. Ce rapport à la science plonge ses racines dans le roman national français, celui de Lavoisier, de Marie Curie, des frères Lumière, de Louis Pasteur... (On se gausse sur les travées du groupe CRCE.)
Cette application est dans le prolongement de la voie d'indépendance et de souveraineté nationale ouverte par le Général de Gaulle et suivie par ses successeurs. (Exclamations ironiques à droite comme à gauche ; M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Pierre Ouzoulias. - Dressez-lui une statue !
M. Loïc Hervé. - Quel oecuménisme !
M. Jean-François Husson. - C'est de la lévitation.
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous ne citez pas Platon ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - La modernité a longtemps transcendé les différences partisanes ; la modernité libérale, monsieur Kanner, le progrès et l'émancipation ont longtemps été au coeur du programme historique de la gauche.
Ne perdons pas le fil de notre histoire à l'heure où le progrès n'a plus si bonne presse. Une partie de la France n'ose plus regarder l'innovation en face, qu'il s'agisse des OGM, de la 5G ou encore de l'intelligence artificielle. Le réchauffement climatique est bien sûr là pour nous rappeler que le progrès n'est bon en soi, et qu'il doit être maîtrisé et piloté.
M. Loïc Hervé. - On s'éloigne du sujet !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Mais un pays qui a peur d'innover et qui fait du principe de précaution l'alpha et l'oméga est un pays qui gère son déclin.
Il est rare de défendre ardemment un projet en espérant qu'il ne servira pas, mais l'espoir n'a jamais fait une stratégie. Tous les outils doivent être déployés, dès lors qu'ils respectent nos valeurs, pour combattre le virus.
Je vous demande de nous autoriser à déployer l'application StopCovid. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; MM. Franck Menonville et Pierre Louault applaudissent également.)
Orateurs inscrits
M. Philippe Adnot . - Vous connaissez mon esprit d'indépendance et ma volonté farouche de ne pas laisser réduire notre espace de liberté. Le traçage numérique est une remise en cause de nos libertés fondamentales. Même si j'ai de la sympathie pour les Chinois, la reconnaissance faciale, l'attribution de bons points n'est pas le modèle que je souhaite pour la France.
Pour autant, j'ai suivi avec attention le projet StopCovid car il faut sortir au plus vite de cette pandémie. Je regrette que le projet européen regroupant 135 chercheurs de huit pays ait achoppé. L'alliance improbable d'Apple et de Google a fait voler en éclats le consensus européen. J'approuve la volonté du Gouvernement de refuser que ces géants ne s'approprient un peu plus nos données. J'espère que nous pourrons avoir confiance dans l'application élaborée par l'Inria, qui devra assurer l'interopérabilité avec nos partenaires.
Dès lors que les garanties nécessaires seront effectives - limitation dans le temps, anonymat, volontariat -, et que des tests massifs seront réalisés, je voterai pour le déploiement de cette technologie afin de vaincre la pandémie, mais vous serez en liberté surveillée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, LaREM et RDSE)
Mme Éliane Assassi . - Le parcours de cette application a été chaotique. Un premier débat avait été annoncé pour fin avril puis repoussé par le Premier ministre au motif que l'application n'était pas prête. L'est-elle aujourd'hui ?
Vous avez annoncé son déploiement pour ce week-end, en attendant le feu vert du Parlement : mais quelle valeur accordez-vous au vote du Sénat ? Le même qu'à son vote sur le plan du déconfinement ?
Vous êtes catégoriques sur les précautions prises pour respecter les libertés publiques mais de nombreuses questions éthiques, politiques et techniques demeurent.
Le Bluetooth évite certes la géolocalisation mais c'est une véritable passoire ouverte au piratage.
En évoquant l'avis de la CNIL, vous omettez de mentionner qu'en l'état du projet de décret, les droits d'accès d'effacement ou d'opposition ne s'appliquent pas. Selon la représentante de l'Inria entendue ce matin par la commission de la culture, en temps normal, une telle application est développée en cinq ans, pas en trois mois : quelles que soient les ressources mobilisées, il y aura des failles. L'innocuité d'un système ne doit pas être présumée en comptant sur l'honnêteté des acteurs !
L'usage de l'application est volontaire, dites-vous, mais son non-usage ne risque-t-il pas d'être reproché, par un employeur par exemple ?
L'implication de grands groupes dans le développement de cette application ne nous rassure guère. Dans une tribune du Monde, trois spécialistes du numérique disent craindre un dévoiement possible de l'application comme un outil coercitif.
Les médecins et les épidémiologistes seraient tous favorables à cette application ? J'en connais qui ne le sont pas. Mais le Parlement est le seul juge de la défense des libertés publiques. Vous auriez mieux fait d'écouter les sachants sur les moyens de l'hôpital !
StopCovid ouvre la voie à des dispositions intrusives dans d'autres domaines et pour d'autres finalités. Nous sommes résolument opposés à cet engrenage qui risque de mener à une surveillance généralisée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR)
M. Emmanuel Capus . - Traçage, pistage, suivi des contacts, historique des rencontres : certains ont pu se demander si Big Brother n'avait pas fait son entrée dans la santé.
Le débat sur l'atteinte possible aux libertés individuelles et l'efficacité sanitaire de cette application est légitime et sain.
D'autres pays plus ou moins démocratiques travaillent à des dispositifs plus ou moins liberticides - géolocalisation, installation imposée - d'autres s'en remettent à Google et Apple. Malgré les pressions, le Gouvernement a fait l'effort de développer une solution française, premier pas, espérons-le vers la souveraineté numérique.
L'application sera déployée avec un code source ouvert : cela permettra de vérifier la conformité aux annonces et d'augmenter le niveau de sécurité.
Il faudra veiller à ce que personne n'ait accès aux identifiants et que l'utilisation reste volontaire. La CNIL a estimé que le Gouvernement avait respecté ses recommandations.
Les libertés individuelles ne sont pas une option. Les restrictions doivent être les plus limitées possible. Le principe de responsabilité individuelle implique la liberté de choix. Mais si elle n'est pas obligatoire, l'application est-elle toujours utile ?
Dans certains cas, les enquêteurs sanitaires sont démunis, notamment dans les zones urbaines denses, dans les transports en commun. L'application pourra y remédier. Les garanties apportées nous semblent suffisantes. Pour autant, l'humain doit demeurer prioritaire : il faudra des moyens suffisants pour les enquêteurs sanitaires.
La France continue de vivre avec le risque du Covid. La pire des privations de liberté, c'est le confinement. Dès lors qu'ils ne contreviennent pas à nos principes, tous les outils qui contribuent à faire reculer le virus recueillent notre soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM)
M. Loïc Hervé . - Le Gouvernement a choisi de consulter le Parlement sur l'application StopCovid. Notre débat est plus politique et philosophique que technique et juridique.
L'épidémie a tué 30 000 de nos concitoyens et mis notre économie à genoux. Mais nous ne devons pas pour autant passer d'une société de la bienveillance à une société de la surveillance.
Je reconnais vos efforts pour rendre cette application conforme au droit national et communautaire. Mais elle a tant de défauts pour si peu de mérites que je ne peux me résoudre à l'accepter.
Je ne suis pas favorable à la technologie à tout va, ni ne crois que la loi de 1978, la CNIL ou le RGPD seraient des freins à la croissance de la nouvelle économie, comme on l'entend ici ou là.
Par ailleurs, l'application aurait dû être mise en oeuvre pendant le confinement, alors que nombre de nos libertés étaient si lourdement atteintes, pas un mois après le déconfinement.
Les maires et présidents de collectivités locales s'étonnent que l'on évoque un consensus des associations des élus locaux sur le sujet.
Vous aviez annoncé il y a quelques semaines une application souveraine et européenne - je me réjouissais de la collaboration de l'Allemagne, de la Suisse et de notre pays - mais il n'en est rien in fine.
Les choix nationaux ont incité nos voisins à choisir une solution décentralisée, conformément à celles proposées par Apple et Google. Quel renoncement quand on sait que les systèmes sont difficilement interopérables !
Ces applications franchissent deux lignes rouges : l'expérimentation massive du traçage social dans une architecture numérique centralisée, et l'association de grands groupes à un dispositif qui fonctionnera, dans certains pays, par défaut dans leurs systèmes d'exploitation de leurs téléphones et de leurs montres connectées. C'est le début d'un basculement.
Même si les garanties apportées par le Gouvernement sont nombreuses, elles sont mineures par rapport au pas de géant que représente StopCovid. Le curseur qui devait osciller entre liberté et responsabilité s'est déplacé entre liberté et sécurité.
Je citerai pour finir La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire : « Il est incroyable de voir comment le peuple, dès qu'il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu'il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu'on dirait à le voir qu'il n'a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude ».
Pour moi et certains membres de mon groupe, StopCovid, c'est non ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tant que nous n'aurons ni vaccin ni traitement, il faudra se concentrer sur les moyens de casser les reins de ce virus : dès le début du confinement, j'avais dit au Gouvernement qu'il fallait axer l'action sur le dépistage, le traçage et l'isolement. C'est ce qu'on fait les pays qui ont mieux réussi que nous. Au sein de ce triptyque, le traçage est essentiel car il faut retrouver tous ceux qui ont été en contact avec la maladie. C'est dans ce cadre que vous nous présentez cette application, dans la continuité de l'article 6 de la loi que nous avons votée la semaine dernière sur la prorogation de l'état d'urgence sanitaire.
Cette application que vous nous soumettez a fait couler beaucoup d'encre et de sueur. Je salue les entreprises françaises qui ont bénévolement participé à la mise au point de cette application.
Il faut éviter les deux écueils cités par certains : le solutionnisme technologique et le remède pire que le mal. Nous n'avons pas à choisir entre la liberté ou le sanitaire ! Nous devons trouver le juste équilibre entre l'un et l'autre.
Nous ne devons écarter aucune solution mais sans renier nos valeurs démocratiques et républicaines. Nous étions face à un dilemme identique à l'époque des attentats.
Le 8 avril, je demandais au Président de la République plusieurs garanties, et la réponse m'est parvenue il y a quelques heures. Mais il y a loin de l'Olympe à la terre. (Sourires)
Tout d'abord, je demandais pour cette application l'efficacité, mais aussi le volontariat, l'anonymisation, l'autodestruction des données, la transparence et le code source ouvert. C'est le cas.
Il fallait enfin un contre-pouvoir, un contrôle, à la mesure de la puissance de la technologie.
Quant à l'efficacité, je voulais m'assurer que l'application fonctionnerait et serait utile. Elle sera sans doute peu téléchargée - moins que les 49 % évoqués par les sondages - mais on sait qu'en matière d'épidémiologie, un peu vaut mieux que rien du tout.
Je n'ai jamais fait preuve de complaisance à l'égard du Gouvernement...
M. Julien Bargeton. - C'est vrai !
M. Bruno Retailleau. - Pourtant, il faut donner une chance à cette application, et éviter la soumission aux Gafam, comme l'ont l'Allemagne, l'Italie et peut-être l'Espagne...
M. Julien Bargeton. - Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. - La souveraineté, dans le domaine numérique comme dans d'autres, est fondamentale. Si vous ne voulez pas être tracés, géolocalisés, n'utilisez surtout pas vos téléphones, mes chers collègues ! La CNIL estime que l'application telle qu'on nous la propose est plus protectrice que n'importe quel smartphone.
Il faut que la technologie soit compatible avec le respect de la vie privée et des données personnelles.
Le groupe Les Républicains a déféré la loi Avia au Conseil constitutionnel et j'en suis fier ; c'est au nom des mêmes principes de respect des libertés qu'il faut voter ce texte, pour se donner une chance de ne pas céder aux sirènes des Gafam. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et LaREM)
M. Jérôme Durain . - Monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain a suivi avec intérêt vos prises de parole dans la presse et les différents médias. Ce débat se déroule ce soir dans cet hémicycle dans un climat apaisé. Aussi, j'éviterai toute position dogmatique sur l'avenir de votre application.
La solution que vous nous proposez poursuit des objectifs utiles. Des efforts ont été faits pour répondre aux objections. Mais vous avez fait un choix technique discutable, celui d'une architecture centralisée ; cela peut se défendre, mais l'option décentralisée donne davantage confiance aux utilisateurs. C'est la raison du retrait de l'Allemagne, dont on connaît le souci en matière de respect des données personnelles. Nous regrettons l'échec du projet de coopération européenne. La France se retrouve isolée en retenant une solution peu populaire chez nos voisins.
GPS ou Bluetooth ? Là encore, on peut défendre le Bluetooth, qui ne géolocalise pas, mais il est aussi très fragile s'agissant des risques de piratage.
De fait, quant à la sécurité des données centralisées, je n'en suis pas convaincu, même si vous avez soumis le dispositif à l'Anssi.
Avec la vidéosurveillance et le hacking, la méfiance est généralisée.
Quant à l'atteinte aux libertés fondamentales, après les drones et les attestations de sortie, il est temps de dire stop. Et je crains que mon groupe, dans sa majorité, ne dise stop au StopCovid.
L'avis de la CNIL n'est pas si positif que vous ne le laissez entendre.
Les choix de la France ne sont pas ceux de la Corée. Mais la Corée nous enseigne que l'application peut par les concentrations de contacts, renseigner sur l'orientation sexuelle. À Singapour, pays discipliné, seuls 20 % de la population a téléchargé l'application. En Autriche, on compte 500 000 téléchargements pour huit millions d'habitants. La Suède, elle, a décidé de se passer de l'application.
Monsieur le ministre, nous préférons être convaincus a priori qu'a posteriori. Cette application arrive trop tard et ne changera rien. Le résultat d'un scrutin public, dans cette assemblée, sur le téléchargement de l'application serait sans doute décevant.
Monsieur le ministre, vos envolées s'apparentent à du solutionnisme technocratique. Ce n'est pas parce que nous savons le faire que nous devons le faire. StopCovid est plutôt AntiCovid. Il ne dispense pas des gestes barrières, ni de la préservation des libertés individuelles.
Mme Françoise Laborde . - La pandémie nous rappelle que les crises interrogent nos consciences sur les libertés fondamentales que nous sommes enclins à sacrifier, provisoirement ou non.
Je regrette les conditions de ce débat et la publication tardive du décret qui encadrera StopCovid. L'expérience de la plateforme APB, avec ses 1 582 violations critiques, nourrit l'inquiétude.
Les épidémiologistes et la CNIL jugeant cette application utile, pour briser les chaînes de contamination, constatent un relâchement d'une minorité de la population. La majorité d'entre nous a compris les enjeux sanitaires. Ce n'est pas en nous culpabilisant que vous convaincrez d'utiliser l'application. Il faut retrouver la confiance de la population dans la décision publique. En cela le comité de contrôle est une bonne chose.
Quant au public visé, je regrette que l'application ne soit pas disponible sous forme de boîtier pour les personnes âgées, qui peuvent être exposées dans les transports en commun, les commerces et les Ehpad.
La délibération de la CNIL de lundi m'a rassurée : elle valide le dispositif quant à son utilité et à sa proportionnalité, mais soulève des interrogations sur l'exactitude des données. Fallait-il numériser et centraliser le traçage ? Quel est le devenir des données ? Je regrette que nous devions voter séparément sur ces questions, alors que la CNIL reconnaît la complémentarité de StopCovid avec Contact Covid et le Sidep, beaucoup plus intrusifs.
La France et le Royaume-Uni ont choisi la centralisation de l'architecture du protocole, un choix risqué. Reconnaissons que des efforts ont été fournis pour garantir la sécurité mais j'ai besoin d'une garantie supplémentaire : la suppression des données figurant dans le serveur central lors de la désinstallation.
L'infiltration du numérique dans tous les pans de l'administration et de notre vie privée ne va pas sans danger : ce n'est pas parce qu'on peut le faire qu'on doit le faire et qu'on a le droit de le faire !
Pour les innovations numériques comme pour le reste, le facteur humain doit demeurer central en toutes circonstances. Une partie de mon groupe soutiendra la mise en place du StopCovid. Nous nous réjouissons de ce débat qui permet au Parlement, comme c'est son rôle, de se prononcer en toute conscience à un moment aussi important pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Julien Bargeton . - Benjamin Constant disait : « L'arbitraire n'est pas seulement funeste lorsqu'on s'en sert pour le crime. Employé contre le crime, il reste dangereux. » (M. Loïc Hervé s'exclame.)
Pour nous il n'y a, en l'occurrence, aucun arbitraire. Même si StopCovid suscite des interrogations, légitimes, mais il place le curseur au bon endroit.
Il est utile, les scientifiques nous le disent. Certes, l'avis des scientifiques n'oblige pas le Parlement mais c'est une condition préalable.
Les libertés individuelles, si chères à la construction de l'identité politique du Sénat, sont elles aussi respectées, ainsi que l'a reconnu la CNIL. L'État a, dans ces conditions, non seulement le droit mais le devoir impérieux de mettre en place l'application. (M. Loïc Hervé proteste.)
Il est heureux, me semble-t-il, que l'application soit développée dans un cadre public plutôt que de laisser un monopole sur notre bien le plus précieux, le lien social, aux géants du numérique.
Il ne faut pas, par naïveté, baisser la garde face aux Gafam. Dès lors que la crainte de l'arbitraire est levée, l'avis peut évoluer. Certains l'ont fait à l'Assemblée nationale. Certains ici ont eu des doutes et des interrogations. J'aimerais convaincre les derniers réticents...
Comment une application serait-elle à la fois inefficace et dangereuse ? Il faut choisir ses arguments ! L'un annule l'autre ! Cela me fait penser à l'histoire du chaudron emprunté dans L'Interprétation des rêves de Freud. Il ne faut être ni trop frileux ni trop fougueux : ce qui nous est proposé n'est pas Big Brother ! Pour autant, le principe de précaution ne présuppose pas l'inaction ; on nous le reprocherait.
Je crois que l'équilibre atteint au regard des libertés publiques et de l'utilité de l'application proposée suffit à lever les préventions initiales. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Le droit d'accès, il est vrai, madame Laborde, n'est pas garanti. Mais il ne peut l'être quand l'État n'a pas non plus ce droit.
Sur la question de M. Retailleau, je ne désespère pas de trouver une voie européenne avec le protocole Désiré. Une première réunion s'est tenue avec les Italiens, les Espagnols, les Allemands, hier, au sein de la Commission européenne. Je reste prudent mais j'espère des avancées début juillet ; ce serait une belle victoire pour la construction européenne, qui nécessitera probablement de nouvelles discussions avec les Gafa.
Messieurs Hervé et Durain, je ne crois pas verser dans le solutionnisme technologique : je vous ai dit ce matin en commission des lois que si vous aviez le choix entre les brigades d'enquête sanitaires et StopCovid, il faudrait choisir les premières. Mais il ne faut pas choisir et les études épidémiologiques montrent que l'application est complémentaire des brigades sanitaires. Je crois que la solution centralisée, c'est-à-dire d'un serveur sous le contrôle de la DGS, est préférable à la solution décentralisée en matière de sécurité.
En Corée du Sud, on a identifié un effet des foyers constitués de gens qui ne souhaitaient pas du tout que l'on sache qu'ils avaient été en contact. Mais lorsque des règles n'ont pas été respectées, à un enterrement, un mariage ou un match de football, par exemple, nul ne veut faire état de ses auteurs aux enquêteurs sanitaires. Dès lors, du temps est perdu pendant lequel l'épidémie se propage, y compris par des personnes asymptomatiques. Les enquêteurs sanitaires le voient tous les jours. Il vaut mieux, pour les personnes non coopératives, qui ne veulent pas qu'on sache où elles sont allées ni avec qui, StopCovid qui ne va pas aller chercher ces informations...
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. - Elles ne vont pas télécharger l'application !
Débat interactif
M. Pierre Ouzoulias . - La chronique de l'application est l'histoire du renoncement du Gouvernement à notre souveraineté numérique. La plateforme des données de santé est hébergée par Microsoft. Les données collectées seront pour partie stockées sur des serveurs situés hors de France : c'est la CNIL qui le dit.
Isolé, vous avez échoué à convaincre les Européens de se détourner d'Apple et de Google. Vous subissez ce qu'ils vous imposent : pour être efficace, l'application devrait être ouverte en permanence pour recevoir des informations du flux Bluetooth. Or cette perméabilité continuelle est déconseillée par les constructeurs : c'est une faille importante de sécurité des terminaux.
L'utilisation de cette application reposant sur la confiance, quelles garanties pouvez-vous apporter sur la sécurité des données stockées hors de France et sur les risques de piratage dus à l'utilisation permanente du Bluetooth ?
Mme Esther Benbassa. - Très bien !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Vous faites référence à une critique émise par la Quadrature du Net sur la question des Captcha, ce site qui vous demande de reconnaître des feux rouges et des voitures pour prouver que vous n'êtes pas un robot. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il n'existe pas de Captcha français. Or Orange a travaillé à l'installation d'un Captcha français qui sera disponible dans deux semaines seulement. Ce sera l'un des acquis collatéraux de l'application. Avec l'Anssi, nous avons trouvé une solution : le Captcha sera encapsulé dans WebView pour éviter les fuites de données.
Nous avons ouvert à des hackeurs éthiques l'attaque de notre installation, afin de nous protéger au mieux. Ils vont forcément trouver quelque chose et ce sera la meilleure manière d'obtenir les garanties les plus élevées.
L'application n'a pas besoin d'être ouverte en permanence. Du reste, la plupart des Français ont leur Bluetooth ouvert et ne se font pas pirater. Je reviens à la proportionnalité : si c'est utile, cela en vaut la peine.
M. Pierre Ouzoulias. - Vous ne m'avez pas répondu à ma question très précise sur les serveurs : les données seront-elles stockées dans un serveur français ? Je n'ai pas confiance ! Je n'installerais pas l'application, pour répondre au sondage de Loïc Hervé...(Sourires)
M. Dany Wattebled . - La France a fait le choix d'une architecture centralisée, comme le Royaume-Uni. Apple et Google, qui détiennent ensemble le monopole des systèmes d'exploitation des smartphones, s'y sont opposés au profit d'un système décentralisé.
L'Allemagne, l'Italie et la Suisse ont accepté cette solution, ce qui risque de compliquer l'interopérabilité. Qu'en sera-t-il ?
Quant à la cybersécurité, une architecture est-elle plus vulnérable que d'autres ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC)
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Je partage votre regret. Il est vrai que les chemins européens ont divergé, non pas pour des raisons techniques, mais pour des raisons politiques.
Il y a peu de chance que les solutions nationales centralisées et décentralisées soient interopérables. Il faudra alors télécharger l'application du pays où l'on arrive. C'est dommage pour l'Europe numérique. Mais l'histoire n'est pas finie : je viens de publier, avec mes homologues allemands, italiens, espagnols et portugais, une tribune très fine vis-à-vis d'Apple et de Google.
Nous travaillons, monsieur le président Retailleau, sur une troisième voie pour trouver une solution européenne. Pour l'Anssi et l'Inria, ainsi que des chercheurs opposés au tracing, la solution décentralisée est plus facile à attaquer.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Nous discutons depuis plus d'une heure de l'application StopCovid, ses risques et ses avantages, et je renvoie aussi à l'excellente audition que nous avons eue ce matin à la commission de la culture avec des chercheurs du CNRS et de l'Inria, mais la question essentielle est ailleurs : selon moi, elle réside dans le stockage des Health Data Hub, de nos données de santé.
Vous dites vouloir faire de la souveraineté numérique un enjeu. Dont acte. Mais le Health Data Hub est géré par Microsoft - alors conseiller à l'Élysée, vous aviez poussé à cette solution - et si l'application StopCovid n'est qu'une péripétie dans l'histoire des innovations numériques, la plateforme, elle, va durer, et c'est un choix irréversible de traitement de nos données de santé !
Pourquoi donc ne pas avoir choisi une entreprise française ou européenne ? Il y en avait. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Ce n'est pas mon choix mais il s'explique aisément. Les solutions françaises ne permettaient pas de faire les recherches scientifiques que nous souhaitions réaliser sur les données de santé : Amazon investit 22 milliards de dollars par an. Le retard européen dans la technologie du Cloud était trop grand pour que nous puissions faire tourner des algorithmes d'intelligence artificielle sur des infrastructures françaises...
M. François Bonhomme. - Il fallait demander aux PTT ! (Quelques sourires)
Après discussion avec des scientifiques et des chercheurs en intelligence artificielle, nous avons contractualisé avec Microsoft qui était le mieux disant en la matière. (M. Pierre Ouzoulias sourit.) Le choix entre souveraineté numérique et efficacité sanitaire nous a occupés longtemps.
Après la crise, il faudra travailler sur le Cloud des entreprises : c'est l'une des leçons à retenir.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Vous ne me ferez pas croire qu'il n'y avait pas une autre solution française, européenne ou internationale possible. OVH aurait pu candidater si le cahier des charges avait correspondu aux entreprises européennes.
Dans ce domaine, tout est en construction et Microsoft s'intéresse de près aux développements européens dans l'économie de la santé, où les données sont si convoitées. Mais il n'y a pas eu de nouveaux marchés, seulement extension d'un marché préalable. Je regrette cette absence de patriotisme français et européen alors qu'il faudrait mettre le paquet en matière de politique industrielle dans ce temps où tout se construit ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC, ainsi que sur les travées des groupes SOCR et CRCE)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. le président. - Vous avez largement dépassé votre temps de parole.
M. Philippe Bas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons beaucoup travaillé sur cette application, au travers de plusieurs auditions, notamment celles du président du Comité scientifique et de la présidente de la CNIL. Les rapporteurs Loïc Hervé et Dany Wattebled se sont beaucoup investis.
J'en retire que progressivement, les garanties se sont accumulées et les ambitions ont été revues à la baisse. Il est sans doute naturel qu'il en soit ainsi, dès lors que l'on quitte l'atmosphère des idées générales en apesanteur pour se rapprocher de l'architecture concrète du dispositif.
Transparence, volontariat, sécurité des données, autorité de contrôle indépendante, souveraineté : les garanties sont là. Mais les ambitions sont moindres et l'application finit par rassembler à l'outil singapourien qui a été abandonné.
Il faut peut-être laisser sa chance au dispositif, mais quel est son coût ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Bonne question, on attend la réponse !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Jusqu'ici, à part le temps de travail des quelques dizaines de chercheurs et des fonctionnaires qui y oeuvrent, l'application n'a rien coûté. Les entreprises ont travaillé gratuitement et je les en remercie, et il n'y a pas d'enjeux de propriété intellectuelle.
À partir de la semaine prochaine, nous entrons dans une autre phase, non plus de développement, mais de fonctionnement normal, et nous sommes en négociation. Le coût ne devrait pas excéder quelques centaines de milliers d'euros par mois. La santé n'a pas de prix...
M. Loïc Hervé. - « Quoi qu'il en coûte » !
M. Gérard Larcher. - Ah !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Oui, mais c'est peu au regard des lits de réanimation évités par l'application. Le rapport coût-efficacité est très positif. (Mme Éliane Assassi en doute.)
Mme Corinne Féret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Pour lutter contre l'épidémie, le Gouvernement a fait le choix de l'application StopCovid. Il ne faut pas oublier que le numérique ne doit nuire ni à la vie privée ni aux droits de l'homme.
L'application est-elle utile alors que nous ne pratiquons encore que peu de tests et que les personnes les plus concernées, c'est-à-dire pour l'essentiel les plus âgées, ne possèdent pas de smartphones ? Des études montrent qu'elle ne sera efficace que si 80 % de la population la télécharge. Il faudra veiller au contenu de l'information diffusée et à son adaptation aux mineurs qui possèdent un smartphone, pour qu'ils l'utilisent à bon escient. Des développements spécifiques sont-ils prévus à leur endroit ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - C'est effectivement une demande de la CNIL. Nous allons intégrer des éléments d'information mais nous ne pouvons pas aller plus loin car nous ne pouvons pas demander l'âge des utilisateurs. La CNIL a jugé cette approche équilibrée.
La fracture numérique est un sujet majeur. Mais même sans smartphone - seuls 40 % des plus de 70 ans en possèdent - les brigades sanitaires protègent les personnes âgées.
L'application concerne davantage les urbains actifs qui sortent dans les bars et restaurants ou vont au supermarché quand il y a beaucoup de monde et prennent les transports en commun. Pour autant, nous travaillons à un objet connecté que les personnes qui n'ont pas de smartphone, devraient pouvoir acquérir dès cet été.
M. Jean-Claude Requier . - Au détour de la dramatique crise sanitaire, le numérique est entré à grand pas dans le monde de la santé.
Mon groupe est attaché au respect des libertés individuelles et a pris acte des recommandations de la CNIL.
La France a choisi l'application Robert, à la différence de Google et d'Apple qui estiment leur solution plus respectueuse des libertés individuelles. Il semblerait dès lors que Covid-19 ne puisse pas être utilisée sur un Iphone, Apple ne permettant pas l'accès au Bluetooth en continu. Or nous savons que l'efficacité d'une application de traçage repose sur son adoption par un nombre critique de nos concitoyens, idéalement au moins 20 %.
Dans ces conditions, quelle est votre cible d'utilisateurs ? Quel impact aura l'application, si elle reste ouverte en arrière-plan, sur la batterie du téléphone ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Votre question a été au coeur des tests que nous avons réalisés ces deux dernières semaines sur les cent portables de dix-sept marques différentes les plus utilisés par les Français. Il s'agissait de faire en sorte que le téléphone n'éteigne pas l'application quand elle était en arrière-plan. Nous avons trouvé, comme les Anglais, une solution technique. Les Iphones représentent un peu moins de 20 % du marché. Ils sont « réveillés » par les Android quand ils se croisent. Ce mécanisme de contournement fonctionne bien ; nous captons environ 75 % à 80 % des personnes. Cela est suffisamment solide.
M. Martin Lévrier . - StopCovid est un projet français piloté par l'Inria et qui recueille l'appui de nombreux industriels. Vous avez choisi le savoir-faire français pour le mettre au service de l'intérêt général. Vous avez parlé de panache ; ma moustache en a frémi. (Rires)
L'application fonctionne sur le parc téléphonique de référence, mais plus de 23 % des Français sont exclus de l'univers des smartphones ; et d'autres, souvent mal à l'aise avec les outils numériques.
Des entreprises comme Sigfox à Toulouse travaillent à un bracelet connecté pour ces publics. Cette solution est-elle toujours envisagée ? Si oui, l'État contribuera-t-il à la distribution de ces outils ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Nous avons consulté des spécialistes de l'inclusion numérique et du handicap. De fait, l'application est très simple et compréhensible. Nous allons tout faire pour qu'elle soit adaptée pour les publics les plus éloignés du numérique, en concertation avec les associations des collectivités territoriales et les associations caritatives.
Nous travaillons avec une entreprise française, Withings, à une montre connectée, objet qui se perd difficilement. Les premiers tests sont satisfaisants ; reste à étudier l'industrialisation massive. L'objet coûterait 50 euros.
M. Olivier Henno . - Merci aux rapporteurs, aux orateurs. Après vous avoir écoutés, ce n'est pas tant les dangers de l'application qui m'inquiètent que son efficacité.
Il serait paradoxal d'être plus exigeant envers StopCovid qu'envers les Gafa en matière de données personnelles. Il y a un équilibre à trouver entre la protection collective et la liberté personnelle. La maladie rôde toujours, menace les plus fragiles ; nous n'avons ni traitement, ni vaccin, et n'en aurons pas à brève échéance.
Faut-il compter sur le seul confinement, avec son cortège de drames économiques et sociaux ? Tester, tracer et isoler : c'est le seul moyen de lutte efficace contre le virus.
Le Parlement sera vigilant sur les libertés. N'oublions pas que le problème ne réside pas dans la technologie mais dans l'usage que l'on en fait. C'est le bras qui tue, pas l'épée.
En attendant, il faut tout faire pour protéger les populations. Quels objectifs avez-vous retenus en termes d'utilisation ? J'entends mentionner 50 à 60 %. Quels moyens aurez-vous pour promouvoir l'application ? Les autres pays européens sont-ils susceptibles de faire le même choix de la souveraineté numérique ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Je ne crois aucunement que nous puissions atteindre ces proportions. Une seule application est détenue par plus de 60 % de la population française ! Un tel seuil n'a du reste pas de sens, car c'est en termes de bassin de vie qu'il faut raisonner.
Selon les travaux épidémiologiques, à partir d'un peu moins de 10 % d'un bassin, on obtient un effet systémique de protection ; l'efficacité augmente ensuite de manière linéaire.
Sur la souveraineté, seuls les Anglais ont fait la même chose que nous ; les Italiens, les Autrichiens, les Suisses ont fait un autre choix. Les Espagnols ne se sont pas encore déterminés. J'espère que nous trouverons un chemin commun, mais le choix européen reste incertain.
M. Alain Milon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pendant plusieurs semaines, la vie de notre pays s'est arrêtée ; les Français ont été privés de la liberté d'aller et venir. Le pays a lutté à l'aveugle. Puis, il y a un mois, le triptyque « tester, tracer, isoler » a été retenu pour entrer dans la phase de la lutte informée.
La Corée du Sud a misé, pour sa part, sur la connaissance la plus fine de la propagation du virus et sur l'information de la population. Si nous n'avons pas été prêts pour cette épidémie, il n'est pas interdit d'être prêt pour la prochaine, laquelle pourrait être plus insidieuse encore, et nous ferons face avec nos propres garanties de sécurité et de souveraineté.
Je suis favorable à l'utilisation d'une application raisonnée, maîtrisée, pour informer plutôt que d'enfermer. Mais je m'interroge sur vos évaluations. Quels sont les fondements des chiffres de 10 %, 50% ou 60% que vous avancez ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Les spécialistes d'Ebola, du SRAS, du MERS avaient déjà, à l'époque de ces épidémies, envisagé de telles applications. L'étude de l'université d'Oxford et de l'Imperial College est la plus complète dans notre appréhension du problème.
Les spécialistes de l'Inserm, de l'Institut Pasteur la considèrent comme très solide. Le temps est essentiel : en dix jours, en cas de prévenance des contacts, c'est une dizaine de milliers de morts qui sont évités. L'effet est exponentiel.
Mme Angèle Préville . - (M. Patrick Kanner applaudit.) Limiter la propagation de l'épidémie en cassant les chaînes de transmission est un objectif louable, mais le moyen choisi est contestable. Il nie la fracture numérique, territoriale et les lacunes de l'équipement en smartphones : 20 % des Français.
De plus, lorsque des données de santé sont en transit sur le cloud, il existe un risque certain de piratage et de vol de données. Le dispositif aiguise déjà les convoitises.
Tout ce qui est sur un smartphone n'est ni anonyme ni secret. Garantissez-vous que le système ne sera pas hacké ?
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Je ne le puis. Mais nous prenons toutes les mesures pour l'éviter, parfois sans proportion avec l'intérêt des données pour des hackers, qui préfèrent s'attaquer, par exemple, aux historiques de pathologies détenus par les hôpitaux. Ici, il ne s'agit que de listes de crypto-identifiants. Il n'existe nulle part de liste des personnes testées positives.
Nous avons demandé à des hackers de rechercher les failles, nous testons la sécurité du dispositif. C'est hélas plutôt la protection des systèmes d'information des hôpitaux publics qui reste insuffisante, et nous cherchons à sensibiliser les personnes physiques, les entreprises, les opérateurs de santé français.
Mme Angèle Préville. - Vos précautions n'empêcheront pas le piratage, peut-être par des États.
Vous connaissez la citation de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux » Nous aurons, quant à nous, gagné une méfiance généralisée.
Yuval Noah Harari dit qu'« une population motivée et bien informée est généralement beaucoup plus puissante et efficace qu'une population ignorante et sous contrôle policier. » La citoyenneté est un puissant levier, fédérateur, constitutif de notre République ; il est dommage que vous ne l'activiez pas.
Mme Sophie Primas . - Le Gouvernement a développé sa propre application. Je ne reviendrai pas sur les apories du projet ; je voudrais plutôt attirer votre attention sur un point plus discret, mais essentiel. Le Gouvernement a essuyé le refus d'Apple et Google de lever des barrières techniques sur leur système d'exploitation.
Vous avez certes trouvé une astuce, mais c'est inadmissible. La puissance publique est traitée par le duopole comme n'importe quel développeur d'applications.
On aurait pu prévenir cette situation si l'on avait suivi la proposition de résolution du Sénat du 19 février et adopté le principe de neutralité des smartphones. Le Gouvernement trouvait prématuré d'adopter le texte au niveau national... Quelle ironie ! Allez-vous inscrire le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérard Larcher. - Très bien !
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Vous avez raison : ce qui s'est passé est inadmissible. C'est en quelque sorte un abus de position dominante, mais on ne peut rien faire juridiquement. Il y a un marché fermé, concernant des infrastructures qui peuvent pourtant être considérées comme essentielles.
J'avais dit, en février, que nous préférions agir au niveau européen. Le Digital Services Act devrait être proposé par la Commission européenne avant la fin de l'année, avec des éléments sur les pratiques anticoncurrentielles. La France fera tout pour que la régulation des géants de l'internet figure dans le texte. Si ce n'est pas le cas, nous y reviendrons au niveau national. (M. Julien Bargeton applaudit.)
La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°105 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 313 |
Pour l'adoption | 186 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Prochaine séance demain, jeudi 28 mai 2020, à 9 heures.
La séance est levée à 23 h 55.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication
Annexes
Ordre du jour du jeudi 28 mai 2020
Séance publique
De 9 heures à 13 heures
Présidence : Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente
Secrétaires de séance : M. Michel Raison et Mme Annie Guillemot
1. Proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes et plusieurs de ses collègues (n°311, 2019-2020)
2. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte, présentée par MM. Yvon Collin, Henri Cabanel, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues (n°708, 2018-2019)
De 14 h 30 à 18 h 30
Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président
3. Proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol et M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (n°339, 2019?2020)
4. Débat sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire »
À l'issue de l'ordre du jour de l'après-midi et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Philippe Dallier, vice-président
5. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (texte de la commission, n°454, 2019-2020)
Analyse des scrutins
Scrutin n°105 sur la déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative aux innovations numériques dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19
Résultat du scrutin
Nombre de votants :342
Suffrages exprimés : 313
Pour : 186
Contre : 127
Le Sénat a adopté
Analyse par groupes politiques
Groupe Les Républicains (144)
Pour : 131
Contre : 7 - M. Yves Bouloux, Mme Marta de Cidrac, MM. Philippe Dallier, Alain Houpert, Mme Sylviane Noël, MM. Cyril Pellevat, Damien Regnard
Abstentions : 4 - Mmes Laure Darcos, Catherine Di Folco, Marie Mercier, Catherine Procaccia
N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, Mme Colette Giudicelli
Groupe SOCR (71)
Contre : 71
Groupe UC (51)
Pour : 10 - Mme Annick Billon, M. Jean-Marie Bockel, Mme Élisabeth Doineau, MM. Olivier Henno, Jean-François Longeot, Pierre Louault, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Gérard Poadja, Mme Lana Tetuanui
Contre : 17 - MM. Philippe Bonnecarrère, Olivier Cadic, Michel Canevet, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mme Nathalie Goulet, M. Loïc Hervé, Mme Sophie Joissains, M. Laurent Lafon, Mmes Valérie Létard, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Marie Mizzon, Mmes Catherine Morin-Desailly, Sonia de la Provôté, Nadia Sollogoub, Dominique Vérien, Michèle Vullien
Abstentions : 24
Groupe RDSE (23)
Pour : 7 - M. Jean-Marc Gabouty, Président de séance, M. Yvon Collin, Mmes Josiane Costes, Nathalie Delattre, Véronique Guillotin, Françoise Laborde, M. Jean-Claude Requier
Contre : 15
Abstention : 1 - M. Joseph Castelli
Groupe LaREM (23)
Pour : 23
Groupe CRCE (16)
Contre : 16
Groupe Les Indépendants (14)
Pour : 14
Sénateurs non inscrits (6)
Pour : 1 - M. Philippe Adnot
Contre : 1 - Mme Sylvie Goy-Chavent
N'ont pas pris part au vote : 4 - Mmes Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier
Conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Jeudi 28 mai 2020
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes et plusieurs de ses collègues (n°311, 2019-2020)
- Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte, présentée par MM. Yvon Collin, Henri Cabanel, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues (n°708, 2018-2019)
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol et M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (n°339, 2019 2020)
- Débat sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire »
À l'issue de l'ordre du jour de l'après-midi et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (texte de la commission, n°454, 2019-2020)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 2 juin 2020
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Jean-François Husson, Vincent Segouin, Mme Catherine Dumas et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°460, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)
- Proposition de loi tendant à sécuriser l'établissement des procurations électorales, présentée par M. Cédric Perrin (texte de la commission, n°468, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)
Mercredi 3 juin 2020
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 h 15 à 20 h 15
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Débat sur le thème : « Quelles nouvelles politiques publiques à destination de la jeunesse afin d'aider ces publics particulièrement exposés dans la prise en charge des conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire actuelle ? »
- Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, demandant au Gouvernement de mettre en oeuvre une imposition de solidarité sur le capital afin de renforcer la justice fiscale et sociale et de répondre au défi de financement de la crise sanitaire, économique et sociale du Covid-19, présentée par MM. Patrick Kanner, Vincent Éblé, Claude Raynal, Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (n°457, 2019-2020)
Jeudi 4 juin 2020
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi relative au statut des travailleurs des plateformes numériques, présentée par M. Pascal Savoldelli et plusieurs de ses collègues (n°717, 2018-2019)
- Proposition de loi visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement, présentée par Mme Cécile Cukierman et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°470, 2019-2020)
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à répondre à la demande des patients par la création de Points d'accueil pour soins immédiats (texte de la commission, n°462, 2019-2020)
- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux (texte de la commission, n°464, 2019-2020)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 9 juin 2020
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à protéger les victimes de violences conjugales (n°285, 2019-2020)
Mercredi 10 juin 2020
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15 et le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (procédure accélérée) ou nouvelle lecture
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d'un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires (procédure accélérée)
Jeudi 11 juin 2020
À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Suite de l'ordre du jour de la veille
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 16 juin 2020
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi permettant le don de congés payés sous forme de chèques vacances aux membres du secteur médico social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de Covid-19 (procédure accélérée) (A.N., n°2978)
Mercredi 17 juin 2020
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
À 16 h 15 et le soir
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi organique portant report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles (procédure accélérée)
Jeudi 18 juin 2020
À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris, et des conseillers de la métropole de Lyon de 2020, organisation d'un nouveau scrutin dans les communes concernées, fonctionnement transitoire des établissements publics de coopération intercommunale et report des élections consulaires ou nouvelle lecture
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 23 juin 2020
À 14 h 30
- Débat sur la situation du logement et du bâtiment (demande du groupe Les Républicains)
À 17 h 30
- Débat sur le bilan de l'application des lois (en salle Clemenceau)
À 21 h 30
- Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 18 et 19 juin 2020 (demande de la commission des affaires européennes)
Mercredi 24 juin 2020
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d'indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (n°320, 2019-2020)
- Débat sur le thème : « La crise du Covid-19, révélatrice d'un besoin renforcé de déconcentration et de décentralisation »
Jeudi 25 juin 2020
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)
- Proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes du Covid-19, présentée par Mme Victoire Jasmin et plusieurs de ses collègues (n°425, 2019-2020)
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (n°317, 2019-2020)
- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent (n°316, 2019-2020)
À 18 h 30
- Débat sur les conclusions du rapport : « Comment faire face aux difficultés de recrutement des entreprises dans le contexte de forte évolution des métiers » (demande de la délégation aux entreprises)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 30 juin 2020
À 14 h 30
- Éloge funèbre de Alain Bertrand
À 15 h 15
- Proposition de loi portant création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, présentée par M. Ronan Le Gleut et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°466, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)
Nominations à une éventuelle CMP
Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sont :
Titulaires : M. Philippe Bas, Mme Muriel Jourda, MM. René-Paul Savary, Loïc Hervé, Mme Monique Lubin, MM. Didier Marie, Thani Mohamed Soilihi
Suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Albéric de Montgolfier, Hervé Marseille, Éric Kerrouche, Mmes Josiane Costes, Esther Benbassa