SÉANCE

du mardi 26 mai 2020

84e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Joël Guerriau, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 34 questions orales.

Action contre l'illectronisme

M. Jean-Marie Mizzon .  - Dans une question écrite, j'avais alerté le Gouvernement sur le phénomène de l'illettrisme numérique ou illectronisme, et sur son traitement dans l'Éducation nationale.

Dans le numéro 28 de L'état de l'école rédigé fin 2018, il est indiqué que les écoles élémentaires continuent de s'équiper progressivement en matériels informatiques -  et que l'équipement informatique et numérique dans les écoles publiques du premier degré est moins généralisé que dans le second degré. Or l'apprentissage de l'outil informatique doit se faire au plus tôt et, pour certains, ne peut se faire qu'à l'école de la République. En effet, la maîtrise de l'informatique fait principalement défaut aux populations les plus fragiles et les plus défavorisées.

Pour que l'école reste une chance pour tous les enfants de la République, l'Éducation nationale entend-elle s'attaquer au problème et soutenir les communes dont les finances sont les plus fragiles ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Il y a une fracture numérique en France comme dans d'autres pays. Elle se réduit avec le temps. Nous avons pleinement conscience du phénomène.

Durant le confinement, nous avons distribué des tablettes, engagé un plan de 15 millions d'euros avec Julien Denormandie, mis en place des opérations spéciales avec des associations comme Emmaüs Connect, ou avec La Poste, et lancé le dispositif « Nation apprenante » via la télévision.

D'autres mesures sont en cours comme la création du Capes informatique ou une formation à la programmation informatique dès le primaire. En 2017, nous avons lancé le projet Écoles numériques innovantes et ruralité (ENIR) qui a financé 3 788 écoles de 3 570 communes ; l'État a ainsi investi 20 millions d'euros au travers des projets d'investissements d'avenir. Les états généraux du numérique se tiendront à Poitiers en novembre. D'autres plans sont à l'étude pour équiper les familles, en partenariat avec Julien Denormandie.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Toutes les administrations, y compris territoriales, dématérialisent leurs procédures. La maîtrise du numérique est essentielle pour l'accès aux droits. Pourtant 13 millions de Français sont en difficulté dans ce domaine. Il ne suffit pas de déclarer l'urgence nationale : il faut accélérer et amplifier les mesures.

École en zone rurale

M. Jean-François Husson .  - La crise a mis en lumière les fractures éducatives entre territoires urbains et ruraux. La relance peut être l'occasion de donner toute sa place à l'éducation en zone rurale. Deux rapports ont été publiés sur le sujet, l'un de la mission d'information du Sénat sur les nouveaux territoires de l'éducation, l'autre de Mme Salomé Berlioux. Quelle suite entendez-vous leur donner ?

Quel calendrier pour réformer la politique éducative dans les territoires ? Allez-vous sortir de la logique binaire qui concentre les moyens sur les zones urbaines et périurbaines ? Quelles mesures pour mieux prendre en compte le temps de l'enfant qui a considérablement évolué ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Il faut agir de manière unie sur le sujet de la ruralité. L'Éducation nationale contribue au rebond démographique car l'école est un facteur d'attractivité des villages ; s'il n'y a pas d'enfant, il n'y a pas d'école. Via les contrats départementaux ruraux et les stratégies pluriannuelles départementales, nous sommes au plus près du terrain. Nous mettons les moyens, et le taux d'encadrement est bien meilleur en milieu rural.

Je donnerai suite au rapport de Salomé Berlioux, à celui du Sénat ainsi qu'au rapport Azéma-Mathiot. Pour développer une politique d'éducation prioritaire adaptée aux territoires ruraux, il faut une vision globale du temps de l'enfant. Avec le déconfinement, nous développons les activités périscolaires et préparons la rentrée avec l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux en tenant compte des enjeux sociaux, sociétaux et d'attractivité de l'école rurale.

M. Jean-François Husson.  - J'apprécie vos propos rassurants. Cependant, dans mon département, je me bats depuis des années avec l'État pour mettre l'accent sur les territoires ruraux où il reste beaucoup de carences. Pour assurer l'égalité des chances, nous devons agir ensemble. Faites donc de la Meurthe-et-Moselle un territoire pilote !

Conséquences financières de la crise sanitaire sur les communes

M. Hervé Maurey .  - La crise sanitaire entraînera une perte de recettes évaluée à 14 milliards d'euros en 2020 et 2021 pour les collectivités territoriales. Les communes subiront des baisses de ressources - taxe de séjour, droits de mutation, loyers commerciaux, etc.  - et supporteront les pertes de recettes de syndicats dont elles sont membres qui gèrent piscines, restaurants scolaires ou centres de loisirs. Il faut s'attendre également à ce que la baisse des ressources de l'État et des autres collectivités se répercute sur les concours et subventions versés aux communes par un effet cascade.

La mobilisation exceptionnelle des communes face au Covid-19 a également conduit à des dépenses supplémentaires importantes, notamment pour la réouverture des écoles. Nombre d'entre elles risquent de connaître de réelles difficultés particulièrement en milieu rural. L'impact financier de la crise sera-t-il pris en charge par l'État ? Les maires ont besoin d'être rassurés.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Je vous prie d'excuser Mme Gourault.

Le Gouvernement porte une attention toute particulière à la situation des collectivités territoriales, dont les équilibres budgétaires sont remis en cause par les dépenses nouvelles et par la baisse prévisionnelle de plusieurs recettes fiscales.

Des facteurs de complexification s'ajoutent comme l'impossibilité de réunir les conseils municipaux durant le confinement pour adopter le budget primitif 2020.

Dès le mois de mars, des ordonnances ont décalé les dates limites d'adoption des budgets et l'arrêté des comptes pour 2020 et permis des dérogations et assouplissements en matière d'exécution budgétaire. Mme Gourault et M. Lecornu ont encouragé les préfets à utiliser les mesures de soutien à la trésorerie des collectivités fragilisées, comme les avances de fiscalité, de DGF et les acomptes de FCTVA. Une centaine de communes y ont eu recours.

Le Gouvernement s'est engagé à contribuer à hauteur de 50 % aux achats de masques effectués par les collectivités territoriales. Une mission a été confiée à Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales à l'Assemblée nationale, sur les conséquences de l'épidémie sur les collectivités territoriales. Le Gouvernement attend ses conclusions, qui seront remises très prochainement, pour adapter et accentuer l'accompagnement des collectivités.

M. Hervé Maurey.  - Je ne suis pas complètement rassuré. Décaler le calendrier d'adoption du budget ne suffira pas. J'aurai aimé un engagement sur la prise en charge des dépenses liées à la réouverture des écoles. Or l'État ne fait que financer les masques, à hauteur de 50 %.

Les communes, déjà victimes de la baisse des dotations sous le précédent quinquennat, représentent une part importante de l'investissement public, qui sera nécessaire pour la relance. Elles ne doivent pas faire les frais de cette terrible épidémie.

Hébergement d'urgence

Mme Éliane Assassi .  - Face à l'urgence sanitaire, le Gouvernement a dû mettre à l'abri les personnes sans domicile via le Service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO), mais de nombreuses questions demeurent. Le 115 nous fait part d'une hausse significative d'appelants : 119 personnes laissées à la rue faute de place, le 13 mai en Seine-Saint-Denis. Les places d'hôtel réquisitionnées seront occupées dès la reprise de l'activité, ce qui nous inquiète.

Les structures d'hébergement pérennes ont dû réduire leurs capacités d'accueil pour se conformer aux mesures sanitaires : la place va bientôt cruellement manquer. Nous craignons pour la période hivernale. Les services de l'État manquent de réponses, les structures de visibilité.

Les personnes mises à l'abri sont les plus vulnérables, familles monoparentales et enfants déscolarisés. Quel plan le Gouvernement va-t-il mettre en place ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Depuis le premier jour du confinement, nous avons travaillé d'arrache-pied pour apporter l'assistance nécessaire aux personnes à la rue ou dans des abris de fortune et ouvert plus de 20 000 places supplémentaires d'hébergement d'urgence. Hier soir, l'État a mis à l'abri près de 180 000 personnes - l'équivalent d'une grande ville ! Le dispositif d'hébergement d'urgence est conséquent et nécessaire vu la très grande précarité de nombre d'hommes, de femmes et d'enfants.

Nous avons réquisitionné des chambres d'hôtel, qui ont été très rapidement mises à disposition. Il faut désormais accompagner la sortie du confinement. Limiter la propagation du virus est essentiel. Nous nous y employons dans les centres ou via les maraudes, par la distribution de 5 000 masques par semaine et la mise en place de tests de dépistage.

Pour éviter une remise à la rue sèche, nous avons décalé la fin de la trêve hivernale au 10 juillet et donné instruction aux préfets d'y veiller. Enfin, nous poursuivons l'accompagnement social.

Réglementation environnementale 2020

Mme Anne-Catherine Loisier .  - J'attire votre attention sur les difficultés rencontrées par les industriels du bois et de la construction concernant la réglementation environnementale (RE) 2020.

Les matériaux bois et biosourcés ont la spécificité de séquestrer du carbone pendant toute la vie du bâtiment. Or le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) préconise de tenir compte de l'empreinte carbone de la construction, mais sans niveau d'exigence concernant le stockage.

Les professionnels du bois construction demandent la mise en place d'un indicateur consolidé, prenant en compte l'empreinte carbone globale, y compris la capacité de stocker du carbone dans le bâtiment.

Ne passons pas à côté de l'opportunité de décarboner le secteur de la construction, à l'origine de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

Une méthode de calcul plus favorable au bois est-elle écartée ? L'indicateur en matière de stock de carbone sera-t-il réglementaire et assorti d'un seuil ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Le bâtiment représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre, parfois plus. La RE 2020 se veut protectrice de l'environnement. Ministre du Logement et ingénieur des eaux et forêts, je crois beaucoup à la construction en bois qui tirera la filière en amont.

La RE 2020 doit être l'occasion de lui donner plus de place. Le diable est dans les détails, en l'occurrence la technicité de l'élaboration des indicateurs. La loi ELAN impose de prendre en compte l'ensemble du cycle de vie du matériel. Je serai intransigeant sur le sujet.

Le matériau biosourcé n'émet pas au moment de sa production, et a un bilan global meilleur que les autres matériaux.

Faut-il fixer une obligation de moyens, c'est-à-dire imposer un matériau en amont, ou de résultat, à travers un objectif d'émissions ? Bien que très attaché au bois, je suis favorable à la seconde solution. La filière du BTP réalise d'énormes efforts d'innovation, soutenons-la.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Je suis rassurée, je connais votre intérêt pour le matériau bois. Mais le diable se cache dans les détails, notamment les indicateurs sur le stockage effectif et la prise en compte de tout le cycle de vie. Nous attendons les décrets.

Surcoûts liés à la crise sanitaire pour les collectivités locales

M. Patrice Joly .  - Le Premier ministre a annoncé le 30 avril que l'État prendrait en charge 50 % du coût des masques achetés par les collectivités territoriales entre le 13 avril et le 1er juin.

Vu l'urgence et les difficultés d'approvisionnement, certaines collectivités avaient anticipé : le conseil départemental de la Nièvre a ainsi acquis dès le 25 mars des masques FFP2 pour 300 000 euros, à destination notamment des maisons médico-sociales, des maisons de retraite, des travailleurs médico-sociaux et des aides à domicile. Elles ne peuvent prétendre à aucune aide à ce titre, alors qu'elles ont compensé l'imprévoyance de l'État ! Une prise en charge serait-elle possible ?

Le remboursement de l'État n'est pas à la hauteur, et pénalise des collectivités dont la situation budgétaire déjà tendue : hausse prévisible des dépenses, notamment du RSA, baisse des ressources fiscales - droits de mutation, CVAE notamment.

Le département de la Nièvre devra ainsi absorber plus de 7 millions d'euros, sur un budget de 300 millions.

Il faut revoir les modalités de calcul de la participation de l'État et lancer un vaste plan de soutien aux collectivités pour financer la relance depuis les territoires.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Je salue l'action des collectivités territoriales en matière d'accompagnement social et de protection de nos concitoyens. Ministre de la Ville, j'ai travaillé constamment avec elles.

L'ensemble de ces dépenses ont pu fragiliser certaines collectivités. J'ai détaillé précédemment les mesures prises par le Gouvernement, dont la prise en charge d'une partie des commandes de masques. Le Premier ministre a retenu la date du 13 avril pour le remboursement contre le 28 avril initialement.

Le Gouvernement veut aller plus loin dans cet accompagnement. Des facilités financières ont été accordées dès le premier jour. Les conclusions de la mission du député Cazeneuve seront rendues dans quelques jours, le Gouvernement apportera des réponses rapidement. Mme Gourault a en outre adressé une circulaire aux préfets pour les inciter à mobiliser la DETR et la DSIL sur les projets d'investissement prioritaires en cette période.

Aides européennes à l'agriculture biologique

Mme Noëlle Rauscent .  - L'agriculture biologique se développe, sous l'impulsion d'un marché porteur et d'une politique de soutien dans le cadre de la PAC. Ces dernières années, les retards de paiements de ces aides ont mis en difficulté de nombreuses fermes. 2019 aura heureusement été l'année du rattrapage - mais certaines situations restent problématiques. Certains producteurs se voient refuser le paiement de leurs aides, voire infliger des pénalités, sous prétexte qu'ils n'ont pas respecté une règle de rotation des cultures - dont ils n'avaient pas connaissance. La règle n'étant communiquée que deux à trois ans après la demande d'aide, les producteurs n'ont eu aucune marge de manoeuvre pour adapter leurs assolements. Les demandes de remboursement peuvent mettre en péril l'équilibre financier des fermes.

Ces producteurs, qui respectent les cahiers des charges, demandent au ministère de trouver des solutions. L'annulation des demandes de remboursement semble être un préalable, ainsi que le versement des aides demandées.

L'arbitrage ministériel rendu ne donne de solution que pour les éleveurs et prive les céréaliers des aides au bio, ce qui va les fragiliser.

Les producteurs souhaitent tourner la page des retards de paiement, qui ont poussé certains à saisir la justice.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je vous prie d'excuser Didier Guillaume.

Comme pour toutes les aides de la PAC, la réglementation européenne prévoit pour les mesures agro-environnementales et climatiques un régime de sanction dissuasif mais proportionné en cas d'anomalie. Du fait des retards de versements des aides, les sanctions n'ont été appliquées qu'à l'été 2019. Certaines s'avèrent disproportionnées. Il est anormal de pénaliser des erreurs commises de bonne foi, plusieurs années de suite, du fait des retards d'instruction.

Les services du ministère de l'Agriculture ont donc revu leurs critères, tout en restant compatibles avec la réglementation européenne. Pour les campagnes 2015-2018, les sanctions seront allégées en cas de répétition. La publication d'un nouveau décret est imminente. Environ 1 500 agriculteurs bénéficieront de ces mesures dès cet été.

Mme Noëlle Rauscent.  - Merci mais vos réponses ne sont pas entièrement satisfaisantes car on impose aux producteurs de rembourser des aides perçues en toute bonne foi, sur la base de règles qu'ils ne connaissaient pas. Encourageons plutôt ceux qui font l'effort de se convertir au bio !

Surfaces pastorales

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'admissibilité des surfaces pastorales peu productives aux aides PAC est un sujet de préoccupation notamment dans les Alpes du Sud, en raison du relief et des spécificités locales.

Malgré des améliorations, il faut faciliter les déclarations des exploitants et mieux prendre en compte certains critères. La prise en compte des surfaces pastorales a été confirmée par le règlement « Omnibus » du 18 juillet 2018. Mais où en sont les négociations de la PAC 2021-2027 ? La France peut-elle garantir l'éligibilité de ces surfaces pastorales ? Les agriculteurs craignent pour la survie de leurs exploitations et de l'agropastoralisme.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Veuillez excuser Didier Guillaume.

L'élevage extensif maintient une activité économique cruciale et participe à la biodiversité et à la préservation des paysages. C'est pourquoi la France a défendu et obtenu leur reconnaissance dans le cadre de la PAC actuelle.

Le Gouvernement a étendu la prise en compte de ces surfaces dans 38 départements. Nous nous battons au niveau européen pour conserver cette reconnaissance.

Une réunion avec les professionnels sera reprogrammée prochainement pour faciliter et sécuriser la gestion de ces surfaces. Nous y travaillons collectivement, avec les élus et les organisations professionnelles agricoles.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - Je connais la détermination de Didier Guillaume. Ces aides sont indispensables pour nos territoires, fragilisés par la baisse du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) dans le budget de la future PAC ; la période 2021-2022 s'annonce catastrophique.

La répartition État-région proposée en avril prévoirait une baisse d'un tiers du Feader pour la région Sud PACA, ce qui mettrait fin aux investissements nécessaires au soutien au pastoralisme.

Financement des EPCI sans fiscalité propre

Mme Laure Darcos .  - Les EPCI sans fiscalité propre sont financés par une contribution budgétaire des communes membres. Toutefois, le comité d'un syndicat peut décider de lever les différentes taxes locales - taxes foncières, la taxe d'habitation et la cotisation foncière des entreprises (CFE) - en lieu et place de ces contributions budgétaires.

En 2018, le montant de la taxe d'habitation perçu par les EPCI sans fiscalité propre s'élevait à 90 millions d'euros. Avec la large suppression de la taxe d'habitation, l'imposition sera concentrée sur les taxes foncières et la CFE - donc sur les propriétaires et les entreprises. Dans le contexte actuel de déroute économique, le consentement à l'impôt risque d'être considérablement affaibli. Les entreprises sont exsangues. Des mesures de compensation à la suppression de la taxe d'habitation seront-elles prévues ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Vous m'avez adressé plusieurs courriers à ce sujet. Un syndicat de communes n'est pas un EPCI à fiscalité propre, donc n'a pas de pouvoir de taux ni la possibilité d'exonérer des contribuables. Son financement provient de la contribution des communes associées.

Dans le silence des statuts, le comité du syndicat est compétent pour réorganiser la répartition entre ces communes. Il peut lever une taxe additionnelle aux quatre taxes directes locales en remplacement de la contribution des communes. Le code général des impôts fixe le taux applicable et la répartition entre les communes - je vous ferai parvenir les détails par écrit.

La suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale conduit à une nouvelle répartition pour permettre la compensation. Le taux de taxe d'habitation est gelé à son niveau de 2019. Il y a bien un report de pression fiscale sur les derniers redevables de la taxe d'habitation, sur la taxe foncière et la CFE. Nous n'avons pas prévu de modifier les règles en la matière, même si j'entends votre interrogation sur l'acceptabilité de l'impôt par le tissu économique.

M. le président.  - Vous avez très largement dépassé votre temps de parole, monsieur le ministre.

Mme Laure Darcos.  - Merci de vos précisions. Cette compensation est indispensable. Les EPCI ont joué leur rôle pour pallier les manques de l'Agence régionale de santé (ARS), notamment pour la fourniture de masques... Ils sont aux abois. Nous serons très vigilants pour le prochain projet de loi de finances.

Concurrence déloyale des non-professionnels du tourisme

M. Max Brisson .  - Depuis le 14 mars 2020, cafés, restaurants et hébergements touristiques sont fermés. Les hôtels et campings se sont exécutés - mais certains hébergeurs individuels ont continué à louer leur logement via les plateformes malgré les arrêtés préfectoraux interdisant toute location touristique saisonnière. C'est une distorsion de concurrence inacceptable pour les professionnels de l'hôtellerie qui ont fait montre d'exemplarité.

Le même protocole sanitaire doit être appliqué partout. Les hôteliers ont établi leur protocole exigeant. Mais il n'y a aucun contrôle pour les non-professionnels, qui mettent à disposition des piscines par exemple, sans contrainte particulière ! Sans approche équitable, les inégalités perdureront. Allez-vous renforcer les contrôles sur les hébergements non professionnels ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Je salue l'engagement des professionnels du tourisme, durement frappés par la crise du sanitaire, qui ont fait preuve de solidarité en mettant des chambres à disposition des soignants ou des personnes sans domicile fixe.

Les propriétaires de meublés de tourisme comme les locataires ayant violé la loi ont été sanctionnés.

La limite des 100 kilomètres freine la reprise de l'activité, mais le Gouvernement se mobilise pour aider la filière, via des mesures d'urgence : exonération de cotisations sociales patronales, crédit de cotisations de 20%, chômage partiel prolongé jusqu'à septembre, prêt garanti par l'État renforcé, fonds de solidarité prolongé jusqu'à fin 2020. L'enveloppe tourisme de Bpifrance est portée de 250 millions d'euros à un milliard et les banques proposeront le report de mensualité sur douze mois.

M. Max Brisson.  - L'activité hôtelière est encore affectée dans les grandes métropoles. Les mesures d'urgence étaient bienvenues, mais cette crise a révélé un problème structurel de distorsion de concurrence entre la profession hôtelière et une économie plus spéculative que collaborative, qui n'est pas soumise aux mêmes règles.

Situation des travailleurs non-salariés

M. Édouard Courtial .  - Artisans, commerçants, professions libérales, agriculteurs, micro-entrepreneurs représentent près d'un emploi sur dix en France. L'Insee parle de travailleurs non-salariés et non pas de travailleurs indépendants. Ces derniers ont en partage une absence de lien de subordination et une prise de risques professionnels et personnels qui les rend très vulnérables dans ce contexte de crise. La période de confinement les a, pour certains, grandement fragilisés.

Je pense aux auto-écoles de l'Oise partenaires du Pass Permis, dispositif que j'avais mis en place lorsque j'étais président du conseil départemental, qui ont bénéficié de mesures d'urgence : une aide d'urgence de 500 euros leur a été accordée par le département.

Avec mon collègue Arnaud Bazin, j'ai déposé une proposition de loi prévoyant un soutien aux entreprises en cas de catastrophe sanitaire. Y êtes-vous favorable ?

Allez-vous prolonger certains dispositifs au-delà de mai pour les travailleurs non-salariés et surtout supprimer le conditionnement du Fonds de solidarité dans son second volet à l'emploi d'au moins une personne ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Fonds de solidarité est réservé aux petites entreprises et aux travailleurs non-salariés en difficulté financière. Le premier volet permet de compenser la perte de chiffre d'affaires par une aide de 1 500 euros et le second volet prévoit une aide complémentaire de 2 000 à 5 000 euros, pour éviter les licenciements massifs d'où la condition d'emploi d'au moins un salarié, qui a été récemment levée.

Le Fonds de solidarité est sans précédent par son ampleur et son périmètre. Au 24 mai, plus de 2,4 millions de demandes d'aides ont été traitées pour un montant de 3,2 milliards d'euros pour le premier volet et 10 700 aides pour un montant de 30 millions d'euros pour le deuxième volet.

En plus du report de charges fiscales et sociales, nous prévoyons notamment des exonérations ciblées et des reports de paiement de loyers et de factures d'eau, de gaz et d'électricité.

Inquiétudes sur l'avenir de Sanofi dans le Val-de-Marne

Mme Laurence Cohen .  - Depuis 2008, plus de 4 500 emplois ont été supprimés sur les 30 000 du groupe Sanofi, dont 2 500 en R&D qui constitue pourtant le coeur du métier. Un nouveau plan de restructuration vient d'être annoncé, avec 2 milliards d'euros d'économies d'ici à 2022, alors que les bénéfices s'élèvent à 7,5 milliards d'euros en 2019 et que le chiffre d'affaires a progressé de plus de 4 % cette même année. Sanofi a, en effet, décidé d'axer l'essentiel de son activité sur la biotechnologie et d'abandonner le secteur recherche « de petites molécules », se désengageant d'axes thérapeutiques majeurs en termes de santé publique anti-infectieux, neurologie, maladie Alzheimer, diabète, cardiovasculaire...

Alors qu'en 2008, notre pays comptait onze sites de R&D, il n'en reste plus que quatre aujourd'hui. Dans le Val-de-Marne, c'est notamment le site de Vitry-Alfortville qui est touché, avec la suppression de 124 emplois et 142 transferts inter-sites. Fermer ce site est une aberration qui nous mettrait dans une situation de dépendance vis-à-vis des autres pays pour l'approvisionnement en médicaments.

C'est le devenir d'une industrie majeure pour le pays et l'indépendance thérapeutique de la France qui est en jeu. Les sites de recherche sont en train de disparaître de notre territoire, avec un impact direct sur les sites de production au profit d'autres pays, tels que la Chine ou l'Inde.

Allez-vous mettre un terme à ce sacrifice industriel et pharmaceutique ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Sanofi dispose de 34 sites en France et de 25 000 salariés. Le Gouvernement a récemment rappelé l'entreprise à ses obligations en matière d'accès au vaccin contre le Covid. Sanofi a depuis lors précisé ses intentions.

Concernant notre dépendance aux produits de santé de première nécessité, nous allons engager la relocalisation avec les acteurs du secteur, dont Sanofi, comme nous le faisons dans d'autres secteurs comme les batteries.

Quant aux effectifs de R&D, 5 000 employés de Sanofi y travaillent en France, soit 40 % des effectifs mondiaux. La R&D nécessite une grande réactivité et il n'est pas anormal que ce groupe les réajuste régulièrement.

Le site de Vitry-sur-Seine a reçu plus de 300 millions d'euros d'investissements pour devenir un site de référence en matière de biotechnologie. L'État soutient également le campus Bioproduction dont Sanofi est pilote, porté par un consortium académique et industriel, et implanté à Vitry.

J'espère avoir pu vous rassurer sur l'avenir de la R&D de Sanofi en France.

Mme Laurence Cohen.  - J'ai été agréablement surprise par le début de votre réponse, et patatras... La fermeture du site d'Alfortville ne vous gêne pas. Il faut développer un pôle public du médicament et de la recherche, et donc suivre les préconisations de mon groupe.

En dix ans, Sanofi a reçu 1,5 milliard d'euros de crédit impôt recherche (CIR) ; cela mérite des compensations autres que des licenciements. Le rapport de Mme Gonthier-Maurin sur le CIR a malheureusement été enterré...

Donation au dernier vivant

Mme Jocelyne Guidez .  - Je regrette l'absence de Mme la Garde des Sceaux pour me répondre.

Joseph Joubert définissait la justice comme le droit du plus faible, d'où ma question. Certains enfants, en cas de décès d'un parent, réclament leur part au parent restant, ce qui peut l'amener à vendre une voiture ou sa maison. Les époux peuvent opter pour la donation au dernier vivant : le conjoint hérite certes de la quotité disponible, qui peut être très réduite en fonction du nombre d'enfants. En outre, les frais notariaux de tels actes peuvent paraître rédhibitoires pour certains.

Dès lors que le patrimoine a été constitué par les deux parents, il n'est pas juste que les enfants puissent demander leur part avant le décès du dernier conjoint.

Pour protéger le parent survivant, il conviendrait de modifier le droit en vigueur pour faire de la clause au dernier vivant le principe de droit commun, en ne visant que les couples mariés. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Veuillez excuser Mme la garde des Sceaux.

La loi du 3 décembre 2001 fait du conjoint survivant un héritier légal de premier ordre en l'absence d'un testament : il vient à la succession aux côtés des enfants du défunt et reçoit soit le quart de la succession en pleine propriété, soit l'usufruit de l'intégralité de la succession. La loi du 23 juin 2006 permet au défunt d'en faire son héritier privilégié, à un coût très réduit voire nul. Une donation au dernier vivant devant notaire est possible : les frais sont fixes et encadrés par l'État. Il est possible également de le faire par testament, ce qui est gratuit. La loi fiscale est très avantageuse puisque le conjoint survivant est exonéré de droits de succession.

Aller plus loin n'est pas souhaitable, notamment au regard des évolutions de la société - je songe aux droits des enfants issus d'une précédente union, qui pourraient perdre tout droit à l'héritage si le conjoint survivant héritait en premier.

Le rapport sur la réserve héréditaire remis le 13 décembre nourrira la réflexion à ce sujet.

Mme Jocelyne Guidez.  - J'entends votre réponse mais je ne la partage pas entièrement. Quand mon père est décédé, on m'a demandé si je voulais récupérer la voiture de mes parents... Des améliorations sont donc souhaitables.

Précarité des étudiants français

Mme Marie Mercier .  - Les étudiants français sont beaucoup trop nombreux à vivre sous le seuil de pauvreté. Il y a eu en outre la baisse des APL, l'augmentation du ticket-restaurant, le coût des mutuelles à acquitter. Certains étudiants en sont réduits à s'adonner à la prostitution. Avec le confinement, ils sont rentrés chez leurs parents : le coût des repas a donc augmenté pour les familles et les jeunes n'ont pas pu s'adonner aux petits boulots qu'ils faisaient d'habitude, tandis que leurs loyers continuaient de courir, loyers à la charge des parents.

Ces parents font partie de la grande famille de ceux que j'appelle les travailleurs payeurs : il s'agit de ces personnes qui travaillent mais qui ne peuvent percevoir aucune aide, étant juste au-dessus des seuils d'éligibilité...

Certes, l'aide de 200 euros a été la bienvenue, mais pourquoi ne pas envisager une compensation fiscale pour les bailleurs privés qui réduiraient leurs loyers ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La précarité étudiante est une de nos priorités depuis 2017. J'ai remplacé la cotisation à la sécurité sociale étudiante - plus de 200 euros par an - par une contribution vie étudiante et campus (CVEC) et élargi les aides spécifiques pour les étudiants, qu'ils soient boursiers ou non. J'ai également augmenté les bourses sur critères sociaux de 46 millions cette année.

L'épidémie a rendu encore plus prégnante la précarité étudiante. Avec les représentants étudiants, les établissements d'enseignement supérieur, les Cnous et Crous, nous avons envisagé des aides pour tous les étudiants, qu'ils soient boursiers ou non.

Dès la fin mars, la CVEC a été élevée à plus de 139 millions d'euros pour faciliter les mesures matérielles les plus urgentes : alimentation et numérique.

L'aide spécifique aux étudiants précaires a été augmentée de 10 millions d'euros et une autre aide est réservée aux étudiants qui ont perdu leur stage rémunéré et qui ne bénéficient pas de l'assurance chômage. Enfin, les frais d'inscription seront gelés à la rentrée.

Toutes ces mesures sont prises pour que l'ensemble de la jeunesse, y compris celle issue des classes moyennes, puisse avoir accès à l'enseignement supérieur.

Mme Marie Mercier.  - Merci pour ces précisions. Madame la ministre, je vous encourage à continuer dans cette voie, sans oublier les loyers.

Déroulement des concours durant la crise sanitaire

Mme Françoise Laborde .  - Le déroulement des examens et des concours dans l'enseignement supérieur durant la crise sanitaire fait l'objet de vives inquiétudes.

Pour les concours des classes préparatoires, il y a de fortes incertitudes sur l'hébergement des concurrents, notamment en Île-de-France, en raison de la fermeture des internats. En outre-mer, l'isolement des élèves en raison du décalage horaire est remis en question, ce qui inquiète également.

Les épreuves de première année commune aux études de santé (Paces) ont été maintenues ; à Toulouse, elles ont été modifiées et vidées de leur sens, alors qu'elles réuniront près de 3 000 candidats en lieu clos. Comment assurer le respect des mesures sanitaires ?

Enfin, il n'y a pas de directive claire concernant les étudiants dits à risques ou possiblement atteints du Covid-19. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Je salue le travail exceptionnel des établissements du supérieur et des services du ministère face au Covid-19.

Pour les concours, il fallait assurer la sécurité sanitaire des étudiants et des personnels en maintenant l'égalité des chances entre les candidats.

Dès le 24 mars, un comité opérationnel de pilotage interministériel pour les examens et les concours a été institué, dirigé par Caroline Pascal. L'entrée dans l'enseignement supérieur se fera sur dossier et sur la seule base du contrôle continu.

Pour des raisons d'équité, les concours d'entrée aux grandes écoles ont été maintenus : ils se dérouleront entre le 20 juin et le 7 août, parfois sans épreuves orales. Pour les concours d'accès en deuxième année de Paces, ils seront organisés à partir de la troisième semaine de juin. Nous avons préparé un protocole sanitaire validé la semaine dernière par la mission de Jean Castex et le ministère de la Santé.

Je comprends les interrogations mais l'engagement des établissements est à saluer.

Mme Françoise Laborde.  - Je sais que la situation est exceptionnelle mais les problèmes des 1 900 étudiants de Toulouse reste entier : ils se trouveront tous ensemble dans un hall d'exposition : comment dans ce cadre respecter les normes sanitaires ? Quel stress pour eux alors que le Paces reste un concours très difficile et qu'il en va de leur avenir professionnel !

Concernant les futurs professeurs de langues, j'espère que les oraux seront maintenus !

Sauvetage du capillaire ferroviaire

M. Jean Bizet .  - Je souhaiterais interroger Mme la ministre de la Transition écologique et solidaire sur l'enjeu que représente le sauvetage du capillaire ferroviaire pour le fret agricole et alimentaire.

Le fret ferroviaire est un levier majeur de la compétitivité des entreprises de l'agroalimentaire et de l'agro-industrie, il est un atout pour les territoires et pour la transition vers une mobilité plus propre. Responsable de seulement 0,4 % des émissions de gaz à effet de serre, chaque train chargé évite cinquante camions. C'est un outil précieux pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par la loi Énergie et climat du 8 novembre 2019.

Pourtant certaines lignes sont déjà fermées pour raisons de sécurité et près du quart de ce réseau de 4 200 kilomètres est aujourd'hui menacé : des travaux de remise en état s'imposent.

Or le maintien en l'état des lignes capillaires ne fait l'objet d'aucun plan national concerté et financé. Les opérations, sur demande de SNCF Réseau, se font au coup par coup et le plus souvent dans l'urgence, ce qui les rend plus coûteuses. Les chargeurs sont mis à contribution, de même que les collectivités locales.

Quelle est la stratégie du Gouvernement pour préserver la compétitivité du fret ferroviaire capillaire ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - Le développement du fret est essentiel pour le secteur agricole - un tiers du tonnage des lignes capillaires fret. L'État et SNCF Réseau travaillent depuis 2015 avec les parties prenantes pour définir les conditions de la pérennité de ces lignes. Dans le cadre du plan national concerté, l'État finance la régénération aux côtés de la SNCF et des collectivités à hauteur de 30 % des travaux, sur 35 lignes capillaires fret, soit 885 kilomètres de lignes, la moitié du trafic étant du fret agricole.

L'État poursuivra ses efforts. Jean-Baptiste Djebbari en a fait une priorité et demandera des soutiens financiers européens dans le cadre du Green Deal. Il développe aussi un modèle économique durable, qui prend en compte les lignes déficitaires et le « wagon isolé ».

La stratégie gouvernementale intègre l'ensemble des acteurs, comme lui mobilisés.

M. Jean Bizet.  - Vous parlez de 885 kilomètres, sur un réseau de 4 200 kilomètres : peut mieux faire !

Le recours au fonds européen pour les investissements stratégiques dans le cadre du Green Deal est de bonne méthode. L'investissement de l'État ne représente que 30 % du plan national : le ministère pourrait-il nous fournir le plan de charge de ces investissements ?

Aides à l'assainissement individuel

Mme Nadia Sollogoub .  - Alors que leur onzième programme a démarré le 1er janvier 2019, le budget des agences de l'eau a diminué et leurs missions se sont élargies. Dès lors, l'Agence de l'eau Seine Normandie a changé les critères d'éligibilité à ses aides, ce qui a mis en difficulté certaines communes qui ne sont pas encore aux normes. Elles avaient enfin réussi à convaincre les habitants de procéder aux études préalables, et surtout avaient annoncé des subventions.

Quelles mesures prendrez-vous pour éviter une promesse non tenue et l'abandon des efforts engagés ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Les aides ont été largement débattues dans le cadre du onzième programme des agences de l'eau mais l'assainissement non collectif n'a pas été retenu comme une priorité. L'accent est mis en effet sur la préservation des milieux aquatiques, les zones du littoral, les territoires fragiles de tête de bassin, et les zones d'impact bactériologique sur les zones de baignade.

Quatre communes du territoire que vous mentionnez restent éligibles aux aides. L'Agence de l'eau Seine Normandie examinera en juin la demande portant sur 350 000 euros pour financer 58 installations d'assainissement non collectif à Chevannes-Changy. Les propriétaires qui réhabilitent leur installation d'assainissement pourront bénéficier d'un certain nombre d'aides, notamment de la part des CAF, de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou des conseils départementaux.

Mme Nadia Sollogoub.  - La commune de Neuffontaines dans la Nièvre compte 104 habitants ; 50 d'entre eux se sont lancés dans une démarche de réhabilitation de leur installation, grâce au travail pédagogique de la maire. Ils sont soudain privés d'aides. Il y avait assez de pollution pour déclencher les études, mais pas assez pour financer les travaux, remarquent-ils ! Des communes voisines sont restées éligibles, certaines pourtant qui ont un assainissement collectif.

Indemnisation des copropriétaires du Signal

M. Michel Vaspart .  - L'immeuble du Signal à Soulac-sur-Mer en Gironde, menacé par l'érosion littorale, est tristement célèbre. L'indemnisation des copropriétaires devient urgente.

Pour mémoire, ces propriétaires avaient dû quitter leurs logements sur injonction préfectorale en 2014. Depuis lors, ils s'acquittent donc du paiement d'un loyer pour un autre logement, de l'assurance, des frais de syndic de copropriété et pour certains des emprunts immobiliers.

Ils mènent un combat pour une juste indemnisation du préjudice subi. Les élus et spécialement les parlementaires les soutiennent depuis des mois, voire des années.

La situation semblait s'être débloquée fin 2018 avec l'adoption dans la loi de finances d'un amendement fléchant des crédits à hauteur de 7 millions d'euros pour l'indemnisation de ces victimes. Le Sénat s'est prononcé trois fois sur le sujet à la quasi-unanimité. Pourtant, plus d'un an et demi plus tard, on ne connaît toujours pas les modalités de mise en oeuvre.

Pourquoi ce délai scandaleux, qui donne aux intéressés l'impression d'une trahison ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Nulle trahison dans cette affaire. L'ouverture des crédits adoptés dans la loi de finances 2019, reportée à celle de 2020, donne à l'État les moyens d'agir.

Cependant la valeur vénale des lots est très faible et le cadre ad hoc de l'indemnisation n'a pas été créé. Il y a un risque juridique : un juge pourrait estimer qu'il y a versement d'une libéralité. Le législateur ne souhaite certes pas revenir sur le vote du Parlement, mais s'assurer que la mise en oeuvre se fera dans un cadre juridique favorable ; les orientations ont été présentées lors du Conseil de défense écologique du 12 février.

M. Michel Vaspart.  - Depuis dix-huit mois, les ministres de l'Écologie et des Finances se renvoient la balle. Aujourd'hui, c'est le ministre de l'Écologie qui bloque. On va finir par croire que les ministres n'ont plus aucun pouvoir face à une technocratie tentaculaire.

L'avenir de l'enquête publique

M. Antoine Lefèvre .  - La loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance et son décret d'application du 24 décembre 2018 tendent à remplacer les enquêtes publiques par une simple consultation électronique du public. Deux régions, la Bretagne et les Hauts-de-France, l'expérimentent pour une durée de trois ans, jusqu'à fin 2021.

Mais un rapport remis au Gouvernement le 23 septembre 2019 a proposé d'accélérer et de simplifier les procédures obligatoires préalables à une implantation industrielle. Le préfet pourrait choisir entre une enquête publique et une simple consultation électronique, ce qui marque une fois de plus la volonté de s'affranchir des acquis de la participation du public.

Une partie de nos concitoyens n'a pas la possibilité de répondre à une enquête sur internet, comme le révèlent les travaux de la mission Illectronisme du Sénat. Le Défenseur des droits parle de recul des droits dans certains territoires.

Les phases obligatoires de consultation des citoyens du pays sont de plus en plus considérées, à tort, comme une perte de temps, un frein à la croissance et à la compétitivité. Or l'enquête publique constitue un dispositif essentiel au service de la démocratie locale, et le meilleur moyen de faire remonter ce qui est ressenti sur le terrain - le commissaire enquêteur n'a aucun lien avec quelque partie que ce soit, il conduit l'enquête publique de manière totalement indépendante.

La dématérialisation de l'enquête publique se ferait au détriment du présentiel et ne ferait qu'augmenter les frustrations, les incompréhensions et accroîtrait les risques de contentieux.

Le Gouvernement maintiendra-t-il l'enquête publique dans sa forme actuelle ? Pouvez-vous confirmer qu'il n'envisage pas un détricotage des garanties exigées par la convention d'Aarhus et le droit européen, concernant l'évaluation environnementale ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - L'enquête publique demeure bien la référence et l'accélération des procédures ne concerne que les projets non soumis à évaluation environnementale.

Une expérimentation est conduite en Bretagne et dans les Hauts-de-France en application de la loi Essoc. Un bilan sera adressé au Parlement qui tiendra compte de l'illectronisme et du problème de l'accès au droit. Les dispositifs mis en oeuvre jusqu'à ce jour, je vous rassure, respectent bien la convention d'Aarhus et la directive européenne.

Les délais des procédures ont été gelés dans le cadre de l'épidémie du Covid-19, précisément faute de pouvoir garantir la dimension présentielle, si importante.

Le Gouvernement reste attentif à l'importance de l'enquête publique, pilier majeur de la démocratie participative.

M. Antoine Lefèvre.  - Votre réponse me rassure mais nous resterons vigilants en attendant le bilan de l'expérimentation. Dans ma région, la population souhaite par exemple être associée au développement des projets éoliens.

Frais de transport en ambulance bariatrique

Mme Catherine Deroche .  - Les frais de transport en ambulance bariatrique sont pris en charge par l'assurance maladie, sur prescription médicale, dans un certain nombre de situations - hospitalisation, traitements ou examens pour les patients en affection de longue durée, en rapport avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, etc.

L'ambulance bariatrique est spécialement équipée pour des personnes de forte corpulence ou en situation de handicap nécessitant un équipage à quatre personnes, voire plus, et un brancard deux fois plus large. Mais, pour ce type de transport, le remboursement s'effectue uniquement sur la base d'un transport habituel et le reste à charge est très élevé, plusieurs centaines d'euros parfois, ce qui rend la situation insupportable financièrement et entraîne des retards ou des renoncements contraires à l'égal accès aux soins.

Qu'envisagez-vous pour améliorer la prise en charge des frais de transport de ces personnes ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Le ministère est attentif à l'accès aux soins de l'ensemble des assurés. La prise en charge des patients obèses a bénéficié du plan Obésité développé dès 2013. La feuille de route Obésité pour 2019-2022 renforce la structure et la lisibilité de l'offre de transport.

Le Gouvernement a conscience des difficultés que rencontrent ces patients surtout lorsqu'ils doivent faire appel à des transports privés. Le ministre Véran souhaite améliorer la situation : les négociations en cours entre les transporteurs sanitaires et l'assurance maladie traiteront de cette question. Une réponse financière opérationnelle devrait être bientôt apportée.

Mme Catherine Deroche.  - Les négociations conventionnelles avec les transporteurs sont bien le cadre pour traiter le problème. Je vous remercie.

Hôpital support en Ardèche méridionale

M. Mathieu Darnaud .  - J'associe mon collègue Jacques Genest à cette question.

J'ai déposé cette question le 27 janvier dernier, mais l'épidémie est passée par là. L'hôpital d'Aubenas aurait pu jouer un rôle majeur dans le dépistage, s'il avait été déclaré hôpital support.

Avec 330 000 habitants, l'Ardèche est le seul département à ne pas disposer d'une telle structure. Les besoins sont spécifiques, liés aux nombreuses activités sportives et aux activités saisonnières. Le bassin de santé de l'Ardèche méridionale regroupe 100 000 habitants l'hiver mais 300 000 l'été...

Le 11 février, en réponse au député Fabrice Brun, la ministre Christelle Dubos avait annoncé un décret pour créer les commissions médicales de groupement qui permettront à l'Agence régionale de santé (ARS) d'agir. Que de longues procédures ! Le maire d'Aubenas réclame tout simplement le retour de l'hôpital support : le Gouvernement compte-t-il accélérer le processus ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - La loi de modernisation du système de santé de 2016 vise à assurer une égalité des soins et à garantir une bonne coopération des établissements sur le territoire donné. La création des GHT exigeait un diagnostic, notamment la définition de périmètres cohérents, pour donner lieu à des projets partagés, structurants, et de nature à corriger les inégalités d'accès aux soins.

La période actuelle nécessite que les professionnels de santé se concentrent sur la crise du Covid. Avant de modifier éventuellement des périmètres géographiques, l'ARS doit procéder à un bilan du fonctionnement des groupements hospitaliers de territoires, dont celui de Sud Drôme Ardèche. Alors seulement elle pourra saisir les instances concernées.

M. Mathieu Darnaud.  - Le Gouvernement a insisté sur les enseignements à tirer de la crise. Renforcer le maillage sanitaire en Ardèche en est un.

Déremboursement de l'Elmiron

Mme Laurence Rossignol .  - En décembre 2019, le ministère de la Santé, à l'époque dirigé par Agnès Buzyn, a pris un arrêté entraînant le déremboursement de l'Elmiron, le seul médicament capable de soulager les douleurs invalidantes liées à la cystite interstitielle, une inflammation de la vessie qui concerne les femmes à 90 %.

Depuis février dernier, lorsque j'avais déposé ma question, le Gouvernement est revenu sur sa décision et un décret a rétabli le remboursement de l'Elmiron, le 11 mai. Ma question n'a plus guère lieu d'être !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Le remboursement a effectivement été rétabli par l'arrêté du 14 mai. Les associations de patients ont été prévenues.

Extension de la prime exceptionnelle au personnel médico-social

Mme Agnès Canayer .  - La crise sanitaire a mis en lumière les professions du médico-social, pas toujours reconnues à leur juste valeur.

La députée Agnès Firmin-Le Bodo vous a interrogé à leur sujet. Le Gouvernement a assuré le 11 mai le versement d'une prime exceptionnelle pour les aides à domicile, mais les services d'aides et d'accompagnement à domicile (SAAD) dépendent des conseils départementaux : la prime variera donc en fonction des ressources de ces derniers.

Le département de Seine-Maritime, qui compte 112 structures d'aide à domicile et consacre 82 millions d'euros au soutien aux personnes âgées dépendantes, est particulièrement endetté. Il aura du mal à prendre en charge cette prime.

Mais plus encore, il convient de revaloriser les salaires : 20 % des professionnels du secteur sont sous le seuil de pauvreté ; ils ne gagnent souvent pas plus de 900 euros par mois. Les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou intercommunaux (CIAS), comme celui de Fécamp, sont freinés dans l'embauche à temps plein par le plafond de l'exonération des cotisations : il faudrait le relever.

Les tarifs horaires varient également, de 17 à 25 euros.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour revaloriser les métiers de l'aide à domicile ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Beaucoup de professionnels s'interrogent sur le versement de l'aide aux professionnels de l'aide à domicile. Cela relève de la compétence des départements. Il en va de même, soit dit en passant, pour les travailleurs sociaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

L'assurance maladie financera la totalité des primes du personnel des Ehpad. Les personnels des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) en seront aussi bénéficiaires.

Les personnels des SAAD, eux, dépendent des conseils départementaux. Nous en discutons avec Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), mais la décision appartient aux conseils départementaux.

Seule la revalorisation des salaires et des carrières permet aux professionnels de se projeter dans l'avenir. Le Ségur de la santé traitera des sujets médico-sociaux. La belle réforme de la dépendance est devant nous. La revalorisation des salaires et des carrières sera débattue dans ce cadre.

Mme Agnès Canayer.  - Trente mille personnes en Seine-Maritime ont besoin de soins à domicile. Au lieu de renvoyer la responsabilité de la prime aux collectivités, il faudrait soutenir politiquement les professions concernées.

Autorisation d'absence des enseignants au titre d'un mandat représentatif

M. Philippe Bonnecarrère .  - L'exercice de mandats électifs par les salariés, notamment en matière sociale, est compliqué. Les salariés doivent pouvoir participer aux conseils d'administration des caisses où ils représentent leurs collègues. Tout employeur a vocation à faciliter cette participation, mais la direction centrale du ministère de l'Éducation nationale tient un discours différent. Il faut trouver une harmonisation avec le ministère de la Santé.

Au titre du premier alinéa de l'article L231-9 du code de la sécurité sociale, « les employeurs sont tenus de laisser aux salariés de leur entreprise membres d'un conseil ou d'un conseil d'administration, d'un organisme de sécurité sociale, le temps nécessaire pour se rendre et participer aux séances ». Un arrêt du Conseil d'État de 1994 étend la disposition à tous les agents de droit public. Or les enseignants de l'enseignement privé se voient refuser par le ministère de l'Éducation nationale une autorisation d'absence pour participer à un conseil d'administration de CPAM ou de CAF, au motif assez curieux d'une absence de disposition réglementaire, alors qu'une disposition législative existe. Comment faire respecter le code de la sécurité sociale ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Malgré le rappel du dispositif législatif du code de la sécurité sociale, certains employeurs refusent de fournir des autorisations d'absence pour de tels mandats.

Les conseils des organismes de sécurité sociale sont régis par le code de la sécurité sociale. Vous avez rappelé le dispositif qui s'applique tant aux agents de droit public que privé. Cela s'applique donc aux agents de l'Éducation nationale. J'ajoute que les organismes de sécurité sociale remboursent les salaires maintenus.

L'article L231-9 est d'application directe. Jean-Michel Blanquer le rappellera aux académies et tous les établissements.

Manque de places en instituts médico-éducatifs

M. Patrick Chaize .  - Malgré des avancées en matière de droits des enfants en situation de handicap, familles et associations de parents sont confrontés à une insuffisante capacité d'accueil des instituts médico-éducatifs (IME).

Avec onze IME et un institut d'éducation motrice (IEM), l'Ain compte 590 places autorisées, soit un taux d'équipement départemental de 3,57 quand celui de la région est de 4,69 et le taux national de 5,11. Il manque cent places en IME dans l'Ain pour atteindre le taux régional.

Des actions ont été engagées dans le cadre du schéma régional de santé Auvergne-Rhône-Alpes. Elles restent néanmoins insuffisantes au regard des besoins.

Il n'est pas concevable qu'un enfant, pour qui l'accompagnement spécifique proposé par les IME est reconnu nécessaire, se retrouve sans autre alternative que d'intégrer un établissement scolaire classique qui lui est absolument inadapté malgré les dispositifs d'aide.

Le Gouvernement entend-il prendre des mesures pour augmenter la capacité d'accueil des IME, dans les départements qui souffrent d'un important déficit de places, comme dans l'Ain ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Nous continuons de créer des solutions variées, selon les besoins. Nous investissons dans les établissements de l'Éducation nationale pour la scolarisation des enfants handicapés dans des conditions favorisant leur réussite.

Dans l'Ain, l'offre médico-sociale représente 540 places en IME, 407 places dans les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP), 36 places dans les IEM et 553 places dans les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad).

L'ARS de la région Auvergne-Rhône-Alpes a reçu 10 millions d'euros en 2019-2020 pour des financements complémentaires pour développer l'offre en accompagnant le choix des familles.

Le Président de la République, le 11 février dernier, a rappelé, durant la conférence du handicap, l'objectif d'inconditionnalité de l'accompagnement, impulsant les communautés « 360 » - communautés territoriales d'accompagnement - pour répondre aux difficultés complexes de certains.

L'Ain pourra bénéficier de ces solutions pour respecter chaque choix de vie.

M. Patrick Chaize.  - J'entends les engagements, mais les faits sont là. J'ai rencontré les responsables d'IME. Rétablissons les équilibres entre les départements, au profit notamment de l'Ain.

Accompagnement des enfants handicapés

Mme Christine Herzog .  - Ma question est similaire. Le problème est récurrent, à chaque rentrée scolaire : les demandes d'accompagnement pour les élèves en situation de handicap affluent, mais les moyens ne suivent pas. C'est le cas en Moselle.

Qu'il s'agisse d'obtenir une place dans un établissement spécialisé ou de bénéficier d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), les parents se heurtent à des listes d'attente qui les laissent totalement démunis et isolés. Le déploiement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) reste insuffisant. De même, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance prévoit le recrutement d'AESH, mais les moyens n'ont pas été à la hauteur de l'ambition.

Le 11 février 2020, lors de la cinquième Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé que « plus aucun enfant ne serait sans solution de scolarisation à la rentrée de septembre 2020 ». Il a également annoncé le recrutement de 11 500 AESH supplémentaires d'ici à 2022. Comment le Gouvernement compte-t-il atteindre ces objectifs et quels moyens seront déployés à la rentrée ?

Où en est le recrutement des 11 500 AESH ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Garantir une scolarisation de qualité pour les enfants en situation de handicap nécessite une transformation profonde de l'offre médico-sociale et du système éducatif. La coopération entre les deux secteurs est nécessaire. L'adaptation aux besoins des enfants était tout l'enjeu de la loi de 2005.

La loi de 2019 fait rentrer l'école inclusive dans le code de l'éducation. Un service dédié a été créé dans chaque département, incluant l'accélération du déploiement des unités spécialisées pour l'inclusion scolaire (ULIS).

Plus de la moitié des 360 000 enfants handicapés scolarisés bénéficient d'un accompagnement. Cela représente 125 millions d'euros par an. Les 84 % des AESH ont désormais un contrat de trois ans ou un CDI ; plus aucun d'entre eux n'est en contrat aidé. Ces actions seront amplifiées durant la rentrée 2020.

Mme Christine Herzog.  - La fermeture des écoles et le confinement ont accéléré les difficultés de ces enfants. Il est urgent de trouver des solutions.

Prise en charge des enfants handicapés français résidant à l'étranger

Mme Jacky Deromedi .  - Lors de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a pris des engagements importants. Où en est-on de la mise en oeuvre du forfait diagnostic autisme ?

Je veux vous interroger, plus spécifiquement, sur les enfants handicapés résidant à l'étranger ? Il a été annoncé également qu'il n'y aurait plus de départs contraints en Belgique en 2021. Où en est-on ?

L'accompagnement de tous les instants est épuisant pour les familles. Elles ont, parfois, été contraintes de rentrer en France, sans certitude d'avoir une solution.

L'autre solution est de déménager en Belgique, où les handicapés sont bien pris en charge, mais cela pose problème pour les autres enfants et pour l'activité professionnelle des parents. Ils peuvent aussi envoyer leur enfant dans un pensionnat spécialisé en Belgique, où il sera pris en charge... mais séparé de sa famille. Quelles mesures concrètes mettre en oeuvre pour que tout enfant handicapé soit accompagné et pris en charge, qu'il réside en France ou à l'étranger ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Vos préoccupations sont les nôtres. Le Président de la République a appelé à la responsabilité de tous, face à des difficultés immenses. Nous agissons pour trouver de nouvelles solutions. Des financements sont prévus pour éviter des départs non choisis en Belgique, garantir la qualité de la prise en charge là-bas, et développer les logements inclusifs, ainsi que les petites unités pour accueillir les autistes.

Le conventionnement avec les structures belges pour adultes sera généralisé - c'est déjà le cas pour les enfants.

Notre système n'est pas structuré pour bien accompagner. Nous allons créer un numéro unique pour éviter l'errance de porte en porte. Nous devons unir nos forces et construire la suite avec les acteurs locaux. Je les remercie de leur engagement. Pour la sortie de crise, les enfants en situation de handicap sont prioritaires.

Mme Jacky Deromedi.  - Merci de ces efforts. J'aimerais davantage pour les enfants à l'étranger. Certaines familles ne peuvent supporter financièrement ces coûts.

Moyen de paiement des demandeurs d'asile

Mme Patricia Schillinger .  - J'attire l'attention de M. le ministre de l'Intérieur sur la modification du moyen de paiement mis à disposition des demandeurs d'asile et ses conséquences sur la couverture de leurs besoins de base.

La carte d'allocation pour demandeur d'asile (ADA) est devenue une simple carte de paiement sans possibilité de retrait ou d'achat en ligne.

Différentes associations rapportent que ce type de carte est totalement inadapté à ce public. Pour les demandeurs d'asile accueillis en zone rurale, comme à Ferrette, petite ville située dans le département du Haut-Rhin, il est difficile de trouver des commerces où il est possible de régler par carte bancaire, ou alors seulement au-delà d'un certain montant, incompatible avec les faibles ressources dont disposent les demandeurs d'asile. Les boulangeries, La Poste, les transports, les cantines scolaires deviennent inaccessibles.

Le mécanisme de cash back mis en place semble mal fonctionner. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) estime que le fait de ne pas disposer librement de leurs ressources attente à la dignité des demandeurs d'asile.

Le Gouvernement va-t-il mettre en place des mesures afin de leur permettre de disposer d'un minimum de liquidités et de préserver ainsi la solidarité fragile durement construite au sein du territoire ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La mise à disposition d'une carte de paiement évite en effet, en limitant la circulation d'argent liquide, que l'allocation serve à d'autres fins que d'assurer des conditions de vie décentes aux demandeurs d'asile : elle a été expérimentée pendant plusieurs mois en Guyane, en lieu et place d'une carte de retrait, sans difficultés majeures et avec des retours positifs des acteurs économiques en particulier.

À Ferrette, le gestionnaire des deux structures d'hébergement s'est engagé à les équiper de terminaux de paiement ; en outre le nombre total de transactions autorisées sera déplafonné.

Une étude de l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration) montre que les demandeurs d'asile peuvent procéder à de petits achats avec une telle carte de paiement. En novembre 2019, 44 % des transactions ont porté sur un montant inférieur à 10 % de l'allocation.

Alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés en zones rurales puissent en disposer moins librement, cette carte a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain.

La mise en oeuvre de cette mesure sera suivie attentivement, en lien avec les associations. Le cas échéant, le dispositif sera adapté pour résoudre des difficultés concrètes.

Mme Patricia Schillinger.  - La petite commune de Ferrette reçoit tout de même plus de cent demandeurs d'asile. Il est important qu'ils soient suivis. Avec le Covid, le commerce de proximité est remis en cause.

Connaissance par les communes du nombre de leurs habitants

M. Olivier Paccaud .  - À l'heure des technologies connectées toujours plus précises, n'est-il pas cocasse qu'aucune commune ne connaisse le nombre exact de ses habitants ?

En effet, il n'y a pas d'obligation de déclaration à l'arrivée dans une commune alors même que plus de 10 % de nos compatriotes changent de lieu de résidence chaque année.

Outre la pratique de la courtoisie et du savoir-vivre, la déclaration obligatoire, permettrait aux communes de disposer d'une vision juste de leur population, afin d'améliorer le fonctionnement de leur service public, en faveur des aînés, ainsi que pour les politiques scolaire, périscolaire et d'accueil de la petite enfance, en n'oubliant personne dans les dispositifs qu'elles mettent en place.

Le recensement ne serait ainsi plus nécessaire et le calcul des dotations de l'État serait plus juste. La déclaration, réclamée par de nombreux élus locaux, serait familiale et dématérialisée, et ferait l'objet d'un récépissé de la mairie, qui servirait aussi de justificatif de domicile.

Un amendement en ce sens que j'ai déposé dans le cadre du projet de loi portant accélération et simplification de l'action publique a été adopté par le Sénat. Sera-t-il maintenu par l'Assemblée nationale ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le Gouvernement avait alors émis de fortes réserves. D'abord l'exécutif est engagé dans la simplification de normes et procédures ; or ce serait créer une charge en plus. De plus, cela pose un problème eu égard à la collecte de données personnelles : le fichier devait avoir des finalités précises. Enfin le recensement de l'Insee donne satisfaction. Le Gouvernement reste donc défavorable à un tel dispositif.

M. Olivier Paccaud.  - Monsieur le ministre, c'est une demande des élus des petites communes. Le dispositif, vous l'avez reconnu, existe dans d'autres pays européens.

Avenir du fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Didier Marie .  - L'avenir du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEDD) inquiète. En fournissant une aide alimentaire et matérielle à seize millions de personnes en Europe, ce fonds constitue le principal outil européen de lutte contre la pauvreté. Il finance, en France, un tiers des repas distribués.

Or, dans le contexte des négociations du nouveau cadre budgétaire européen pour la période 2021-2027, les moyens dévolus à l'aide alimentaire européenne seront largement diminués à partir de 2021.

Doté d'un budget de 3,8 milliards d'euros pour la période 2014-2020, le FEAD devrait en effet fusionner avec le fonds social européen (FSE+), dans lequel le budget de l'aide alimentaire serait compris entre 2 et 3 milliards d'euros pour sept ans. Si un tel scénario est confirmé, l'aide alimentaire européenne subirait une baisse drastique de ses moyens.

L'aide alimentaire représente pourtant un socle incontournable pour lutter contre la pauvreté et ses conséquences, en permettant d'autres mesures d'accompagnement que l'aide alimentaire, comme l'aide à la recherche d'emploi ou à l'accès à la culture et aux loisirs.

Il s'agit de la réponse irremplaçable, car parfois unique, à l'urgence que vivent des millions de personnes en France et dans toute l'Europe. La crise économique et sociale qui se profile, conséquence de la crise sanitaire mondiale, ne manquera pas d'aggraver la pauvreté et la précarité, privant des millions de personnes en France comme en Europe des ressources nécessaires pour avoir accès à une alimentation suffisante.

Le Gouvernement compte-t-il faire de l'aide alimentaire un pilier du fonds social européen, avec un budget dédié et renforcé, et ainsi lui permettre de continuer à répondre aux besoins immédiats des populations ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La protection des plus vulnérables est un volet essentiel de notre action. La France a soutenu l'initiative d'investissement en réponse au coronavirus dite « CRII+ » porté par la Commission européenne qui simplifie l'accès au FEAD en cette période difficile.

Les négociations sur le budget européen 2021-2027 se poursuivent. La Commission européenne propose une fusion de ce fonds avec d'autres au sein du fonds social européen.

Le Président de la République portera avec force la voix de l'Europe sociale pour le financement de l'aide alimentaire. La France défendra résolument le maintien des enveloppes pour les plus démunis. Christelle Dubos a entamé en décembre 2019 une concertation avec les associations du secteur sur la base des recommandations formulées par l'inspection générale des affaires sociales.

Au niveau national, les moyens seront préservés. Le Gouvernement s'y est engagé en ouvrant la consultation des associations en décembre 2019, conformément aux recommandations de l'IGAS.

La France reste attachée au modèle français de l'aide alimentaire, qu'il convient de renforcer dans le contexte épidémique, comme le Gouvernement s'y est engagé et le Président de la République l'a rappelé à plusieurs reprises.

M. Didier Marie.  - Les bénévoles de l'aide alimentaire attendent le soutien du Gouvernement. Espérons que les actes succéderont aux paroles.

Proposition de création d'un délégué interministériel aux enjeux transfrontaliers

Mme Véronique Guillotin .  - La France métropolitaine possède huit frontières et 360 000 travailleurs frontaliers.

La région Grand Est borde la Belgique, la Suisse, l'Allemagne, le Luxembourg. État et élus locaux ont créé des structures pour faciliter la vie quotidienne des frontaliers, et créer des projets communs et durables, comme des plateformes numériques. Ces dispositifs sont très agiles et mériteraient d'être davantage encouragés par l'État.

Mais le dialogue reste très interétatique : il faudrait un interlocuteur au niveau national pour matérialiser l'engagement de l'État, négocier sur un pied d'égalité avec les États voisins et piloter l'action des différents ministères compétents, les élus et les territoires, car malgré nos efforts de ces dernières années, les relations peuvent rester très déséquilibrées de part et d'autre de la frontière : des territoires fragiles doivent négocier avec un État économiquement très puissant.

Pourquoi ne pas créer un poste de délégué interministériel aux questions transfrontalières ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Nous avons une stratégie par frontière, afin d'encourager la coopération transfrontalière, sous l'égide d'un ambassadeur dédié. Cette coopération est une dimension de plus en plus importante de la construction européenne. Avec l'Allemagne, elle est encadrée par le traité d'Aix-la-Chapelle. Nous envisageons un traité analogue avec l'Italie. Nous avons d'autres projets avec d'autres voisins.

Les efforts dans ce domaine doivent être en phase avec les directives de l'Union européenne et une bonne coordination nationale : c'est le rôle de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), par nature interministérielle, qui compte un préfet pour les questions transfrontalières.

La libre circulation du personnel français de santé employé par nos voisins suisses et luxembourgeois est, on l'a vu, un enjeu crucial. Cela mérite un suivi interministériel encore plus coordonné et structuré.

Mme Véronique Guillotin.  - Oui, la coordination est indispensable. Il faut un dialogue d'État à État, en particulier avec le Luxembourg.

Écoles d'architecture

Mme Sylvie Robert .  - L'enseignement de l'architecture a fait ces dernières années l'objet d'une attention particulière : plusieurs rapports ont marqué la nécessité de l'inscrire dans les dispositifs de l'enseignement supérieur et de la recherche et de lui affecter des ressources à la hauteur de ses missions de formation initiale et continue, mais aussi de recherche et d'expertise.

En 2018, deux décrets relatifs aux écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) ont procédé à une importante réforme du statut des établissements. Mais l'écart entre l'ambition théorique affichée et la réalité des budgets est très grand.

La dépense moyenne pour un étudiant d'une ENSA s'élève à 7 597 euros, soit un investissement inférieur de 35 % à celui pour un étudiant dans le supérieur. De surcroît, les dotations par étudiant selon les ENSA sont très inégales, créant ainsi une rupture d'égalité manifeste entre étudiants, sans explication ni justification aucune. Pas moins de soixante postes administratifs restent vacants, ce qui contraint les enseignants-chercheurs à assumer des tâches qui ne sont pas les leurs.

Répondez aux besoins humains et financiers des ENSA, pour leur permettre d'accomplir sereinement leurs missions, d'autant plus importantes en période post crise sanitaire.

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - La réforme de 2018, aboutissement de plusieurs années de réflexion et de concertation, rapproche les ENSA du modèle universitaire. Cinq décrets l'ont mise en oeuvre, conservant l'autonomie des ENSA et renforçant leur ancrage territorial.

Elles se sont vu confier une mission d'expertise des politiques publiques d'architecture, du patrimoine, d'urbanisme et des paysages auprès des collectivités territoriales. Les questions financières et humaines n'ont pas été oubliées. Le recrutement des enseignants-chercheurs a été adapté. Quelque soixante-cinq postes ont été créés, des contractuels ont été titularisés. Le nombre de titulaires atteint 66 %.

Pour autant, je ne suis pas sourd aux inquiétudes que vous relayez et qui sont exprimées par les établissements. Je recevrai prochainement les directeurs et présidents de conseils d'administration. Les postes administratifs vacants seront publiés immédiatement, en complément de ceux publiés en 2019 et de ceux recrutés au concours en 2021 ; ainsi, 149 enseignants-chercheurs pourront être recrutés dès 2020. Une mission de l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles a été lancée sur le bilan d'étape de la réforme.

L'enjeu du patrimoine immobilier des écoles est crucial : ces ENSA occupent 195 000 mètres carrés vieillissants. Le 4 mars, j'ai ouvert une réflexion sur l'avenir de la formation et de la recherche en architecture.

Mme Sylvie Robert.  - Plusieurs écoles étaient en grève avant le confinement. Ce chantier est essentiel, au vu des enjeux écologiques. Il convient d'assumer une rentrée sereine ; nous comptons sur vous pour le projet de loi de finances pour 2021.

Violences sexuelles dans les sports de montagne

M. Cyril Pellevat .  - Depuis quelques mois, le sport français est secoué par une accumulation inédite de révélations de cas de violences sexuelles et de viols. Fin février 2020, vous avez annoncé, madame la ministre, une série de mesures pour lutter contre ce fléau, créant une cellule ministérielle dédiée à ce sujet, chargée de suivre les affaires qui sont signalées à ses services.

Pourtant, dans le cadre du groupe d'études du Sénat sur la montagne que je préside, il a été fait état du dysfonctionnement de cette plateforme, lors d'une audition consacrée aux violences sexuelles dans les sports de montagne. La personne auditionnée, pourtant impliquée dans la défense des victimes, nous a informés des difficultés à trouver le courriel ou le numéro de téléphone permettant de contacter cette cellule. Quelles sont les modalités de saisine ? Le ministère des Sports a-t-il suffisamment communiqué sur son existence pour en faire un outil efficace de lutte contre les violences sexuelles ?

N'aurait-il pas fallu créer une cellule ad hoc, indépendante des fédérations et du ministère, pour garantir sa pleine impartialité ? Aucune enquête n'a été mise en oeuvre sur les allégations de violences sexistes révélées à l'École nationale de ski et d'alpinisme (ENSA), malgré les témoignages. Les victimes méritent plus de soutien. Qu'allez-vous faire ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports .  - Cette question vous honore : il s'agit de la capacité de nos pouvoirs publics de protéger nos enfants. Depuis mon arrivée au ministère, la question des violences dans le sport fait l'objet d'une libération de la parole. Nous avons écouté, agi, on m'a même accusée de me désolidariser du mouvement sportif dont je suis issue. Les éducateurs sont admirables, mais il ne faut pas fuir nos responsabilités.

Des dispositifs nouveaux ont été créés, comme le contrôle d'honorabilité des bénévoles. Tous les faits font l'objet d'un contrôle administratif et d'un signalement au procureur de la République. C'est le cas aussi pour l'École nationale des sports de montagne (ENSM), où la chaîne de responsabilité a fauté à tous les étages. L'enquête est en cours ; les premiers résultats seront connus en juin.

Pouvons-nous faire mieux ? Sans doute. Mais le ministère et ses agents sont plus mobilisés que jamais. Si la parole des victimes sportives se libère, c'est sans doute qu'elles se sentent soutenues. Sachez en tout cas que nous ne faiblirons pas.

M. Cyril Pellevat.  - Je vous remercie. Je fais moi aussi partie du monde du sport et je sais vos difficultés. Nous souhaitons que les enquêtes aboutissent pour sanctionner les fautifs.

Communication des archives de la défense nationale

M. Pierre Laurent .  - Une application du décret du 2 décembre 2019 restreint l'application de l'instruction générale interministérielle 1300 (IGI 1300) de 2011. Celle-ci consiste à soumettre d'innombrables documents tamponnés « secret » de la période 1940-1970, jusqu'ici accessibles librement, à une procédure de déclassement longue et fastidieuse. Elle entraîne aussi des délais de communication très longs, voire l'impossibilité d'accéder à des archives pourtant communicables de plein droit selon le code du patrimoine. Les chercheurs usagers des archives publiques françaises, en particulier du service historique de la défense, sont depuis peu dans l'impossibilité de consulter des documents postérieurs à 1940 qui devraient être accessibles selon la loi, au prétexte qu'ils ont été tamponnés « secret » lors de leur production.

Cela concerne notamment toutes les pratiques opérées dans les terres alors colonisées par la France. Cette restriction peut avoir des conséquences dommageables pour la recherche historique et la réputation de la France en ce domaine. En outre, elle criminaliserait toute personne qui divulguerait des informations contenues dans des archives estampillées « secret Défense » qui depuis des années voire des décennies ont été massivement communiquées. Pour toutes ces raisons, de nombreux acteurs, dont un collectif de douze historiens de divers pays, mais aussi les membres du comité pour la mémoire de Josette et Maurice Audin, expriment une vive inquiétude et demandent à ce que l'IGI 1300 et ses modalités d'application soient réexaminées. Que comptez-vous faire ? Quel a été le rôle du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dans l'élaboration du décret du 2 décembre ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Le ministère applique la loi et les règles, celles de communicabilité après 50 ans posées par le code du patrimoine et celles édictées par le code pénal sur la protection du secret, renforcées par l'instruction générale de 2011. L'obligation de protection qui s'impose a été rappelée mi-juillet 2019 par le SGDSN.

La mise en oeuvre de cette protection entraîne des délais globalement longs. En aucun cas, le service historique ne ferme des fonds dont la consultation est indispensable au travail de mémoire.

Conscientes de la gêne occasionnée pour les chercheurs, nous avons prévu des adaptations d'application immédiate avec Florence Parly. Seuls les documents classifiés par des autorités extérieures au ministère de la Défense restent concernés, car le chef du service historique des archives de la défense peut décider de déclassifier les documents de plus de 50 ans.

Nous avons autorisé une déclassification au carton des archives pour la période 1940-1946. Elle devait être étendue. Quelque 30 agents supplémentaires seront recrutés et affectés à la déclassification.

M. Pierre Laurent.  - Un exemple pour montrer les incohérences : le Président de la République a décidé d'ouvrir les archives dans l'affaire Maurice Audin. Sans les mesures de déclassification, le travail des historiens serait entravé pour aller jusqu'au bout de la vérité.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.