Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 6 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mme Ghali.

Supprimer cet article.

L'amendement n°53 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°63, présenté par M. Ravier.

M. Stéphane Ravier.  - Le 18 février, le nouveau ministre des Solidarités et de la santé estimait que le régime communiste chinois avait bien géré la crise. La fascination pour les solutions autoritaires et liberticides semble monnaie courante dans cet état d'urgence... Chacun accepte que l'on ponctionne ses données personnelles auprès des opérateurs. A une époque pas si lointaine, nous aurions été scandalisés d'une telle atteinte à nos libertés fondamentales. Comme le disait Saint Augustin : « À force de tout voir, on finit par tout supporter ; à force de tout supporter, on finit par tout tolérer ; à force de tout tolérer, on finit par tout accepter ; à force de tout accepter, on finit par tout approuver » et par tout voter, serai-je tenté d'ajouter.

Plutôt que de traquer nos compatriotes, le Gouvernement devrait renforcer la cybersécurité de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos institutions. Comme le préconise la CNIL, adoptons une stratégie globale plutôt que d'abandonner chacun à lui-même. La priorité devrait être de fournir aux Français masques et tests de dépistage pour leur permettre de reprendre une vie normale.

M. le président.  - Amendement identique n°136, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n'est pas opposé au dépistage, mais le droit commun y suffit. Pourquoi ce système dérogatoire et nouveau, qui porte atteinte aux libertés individuelles ?

Les mesures de protection du secret médical sont d'ordre législatif ; or, ce projet de loi les relègue dans l'ordre réglementaire, ce qui crée une dégradation dans la hiérarchie des normes.

Le système actuel garantit dans la loi la protection des données individuelles, sous le contrôle du Parlement. C'est le sens de notre opposition à l'article 6. Nous ne souhaitons pas pour autant laisser les professionnels de santé sans armes. Nos propositions seront présentées dans notre amendement n°153.

M. le président.  - Amendement identique n°172 rectifié, présenté par Mmes Joissains, Morin-Desailly et Létard, MM. L. Hervé, Détraigne, Cadic et Bonnecarrère et Mmes Billon et C. Fournier.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Avec plusieurs de mes collègues, nous voulons la suppression de cet article. Monsieur le ministre, je vous ai demandé tout à l'heure en quoi l'inscription de données personnelles sur un fichier centralisé national était nécessaire. Vous m'avez répondu que l'on n'était plus à l'époque du crayon et de la gomme. Soit.

Je ne m'oppose pas à ce que M. Dupont Antoine vivant à Belfort, atteint du Covid-19, fasse l'objet d'une déclaration, que ses contacts soient identifiés et qu'une recherche soit entreprise. Mais une fois guéri, pourquoi conserver ces données dans un fichier national ? Vous ne m'avez pas répondu sur ce point.

Mme Morin-Dessailly a rappelé l'arrêté publié le 22 avril créant une base de données commune au Health Data Hub et à la CNAM. Le système d'information dont nous parlons ce soir a-t-il déjà été créé ? Nous subodorons que c'est le cas.

Selon BFM TV, l'application Stop Covid serait opérationnelle le 2 juin.

Si le système d'information est déjà créé et l'installation de l'application décidée, quelle est l'utilité du Parlement ? (Mme Catherine Morin-Desailly et M. Patrick Kanner applaudissent.)

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission est défavorable à ces amendements : il est indispensable de donner à l'État la capacité de dépister plusieurs centaines de milliers de personnes par semaine, sur la base de l'identification de nos concitoyens au contact des porteurs du virus. C'est une tâche titanesque, et il faut pour cela des outils efficaces.

Chaque jour perdu, ce sont des contaminations supplémentaires. Il faut un outil massif et centralisé pour répondre au caractère tout aussi massif de l'épidémie. Il n'y a pas de déconfinement possible si la France n'est pas en mesure de procéder à cette identification.

Ce texte n'est porté à notre connaissance que pour une raison : le dispositif mis en oeuvre va manipuler des informations médicales, qui doivent être limitées à la seule question de savoir si la personne est porteuse ou non du virus. Toute autre information médicale est inutile. Néanmoins, il faut une loi pour déroger au secret médical. Un décret ne suffit pas, car la loi protège mieux les libertés que le pouvoir exécutif. Le Gouvernement pourrait fort bien mettre en place un système d'information centralisé, sans le concours du législateur : l'article 9 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit des dérogations à la confidentialité des données de santé pour des impératifs de santé publique. Nous y sommes !

La question du système numérique utilisé par le Gouvernement est tranchée. Ce qu'il n'a pas le droit de faire, c'est d'autoriser des non-médecins à utiliser les données recueillies sans que la loi l'y autorise.

C'est pourquoi la commission des lois a demandé des garanties en ce sens, notamment l'avis conforme de la CNIL sur le décret mettant en oeuvre le système d'information, comme le prévoit un amendement du groupe socialiste.

M. Loïc Hervé.  - C'est une excellente idée !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il n'est pas possible de traiter 700 000 dossiers manuellement comme dans les années cinquante, et le dispositif ne peut être mis en oeuvre sans l'extension de l'accès aux données, sous couvert du secret, à d'autres personnes que des médecins. Je vous demande donc de ne pas adopter ces amendements.

M. Olivier Véran, ministre.  - Le système d'information, je dis et je le redis, n'est pas Stop Covid. (M. Philippe Bonnecarrère en doute fortement.) Une telle application ferait, le cas échéant, l'objet d'un débat parlementaire. Je le répéterai autant de fois que nécessaire...

De plus, ce dispositif n'est pas une nouveauté. Il existe déjà plusieurs fichiers accessibles à des salariés non-médecins de l'assurance maladie. Ce sont, par exemple, le fichier national des arrêts de travail, qui contient le motif de l'arrêt et qui est transcrit par des salariés de l'assurance maladie dans le fichier national de l'assurance maladie. Il existe aussi le fichier des affections longue durée, telles que le diabète ou l'hypertension. Tous deux sont liés au logiciel amelipro. Cela n'a jamais posé de difficulté, depuis une quinzaine d'années que ces systèmes existent.

Le recours à la loi marque l'extension du cadre dérogatoire de ce dispositif qui peut contrevenir au strict respect du secret médical à la lutte contre l'épidémie du Covid-19. La loi en décrit toutes les dérogations potentielles. Vos inquiétudes sont parfois légitimes et rationnelles, parfois non. Mais nous ne sommes pas en train d'inventer un nouveau dispositif. Il n'y a aucune rupture avec l'État de droit ; nous sommes dans la continuité d'outils qui existent déjà. Avis défavorable.

M. Olivier Henno.  - Ce débat est passionnant : il s'agit de trouver l'équilibre entre protections collectives et libertés individuelles, entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Quand j'ai découvert ce texte, ma réaction première fut d'estimer qu'il fallait supprimer cet article.

À ces questions s'ajoutent les problèmes de souveraineté numérique et de protection des données de santé contre les cyberattaques. Je vous renvoie au Bureau des légendes !

En commission des affaires sociales, nous nous sommes rendu compte que nous étions dans une situation bien particulière : la fin du confinement n'est pas du tout le retour à la vie normale : c'est un équilibre entre impératifs sanitaire, économique et social.

Si l'on n'arrive pas à tester, à tracer et à isoler, la contagion reprendra très vite. Et nous serions à nouveau privés de la liberté essentielle d'aller et venir.

Initialement hostile à l'article 6, j'ai été convaincu par le président Bas.

M. Bruno Retailleau.  - Le groupe Les Républicains votera contre ces amendements. Le confinement, c'est la stratégie de la cloche. Il était nécessaire pour désengorger les services de réanimation. Nous y sommes parvenus. Mais le Président de la République l'a dit ce midi : on n'a pas gagné la bataille, on l'a ralentie. Il faut absolument tracer les malades pour gagner la bataille.

Un premier système de traçage a été envisagé dans l'avant-projet de loi. Puis, le texte est passé en Conseil d'État. Enfin, la commission des lois a posé six garanties. Cédric O a déclaré ce matin qu'il viendrait au Parlement durant la semaine du 25 mai pour discuter de Stop Covid qui devrait être opérationnel le 2 juin. Aucun scoop, donc.

Notre métier consiste à trouver un juste équilibre entre les libertés publiques et la santé publique. Nous en sommes à plus de 30 000 morts, en incluant le décompte des médecins généralistes. La commission des lois a mis des garanties, ceinture et bretelles, sur la question des libertés.

Il faut savoir si on utilise de nouveaux moyens, très bordés, ou non ! La commission des lois n'a pas l'habitude de prendre ces questions à la légère.

Cher Olivier Henno, éthiques de responsabilité et de conviction se confondent, ici. Il faut voter les amendements tels que modifiés par la commission des lois.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Abandonnons l'application Stop Covid : Singapour vient de le faire, faute de résultat. L'épidémie est repartie et Singapour va opter pour des solutions plus radicales.

Je suis favorable à un traçage encadré. Dans une tribune du 8 décembre, les experts en cryptologie et sécurité nous alertent sur l'absence de solution souveraine pour le traitement des données. On connaît le CLOUD Act américain : à tout moment Microsoft USA peut demander des données européennes, y compris de santé.

Plus récemment, les chercheurs de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) nous ont alertés sur les systèmes de traçage dont l'anonymisation n'est pas définitive.

Je ne suis pas contre les avancées technologiques et il faut trouver des solutions pour lutter contre le virus, mais pas au prix des libertés individuelles. La concentration de toutes les données sur un fichier central pose problème alors que nous ne sommes pas sûrs de notre souveraineté.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Ne tombons pas dans le manichéisme : nous sommes tous favorables aux tests et au traçage. Mais en quoi un fichier central national détenant des données personnelles nous aidera-t-il dans l'exercice du déconfinement ?

Le système de recueil des données autorisé par le décret du 22 avril a-t-il, oui ou non, déjà été créé ? Qui ne dit mot consent. C'est donc qu'il a été créé, ce qui ne manque pas d'interroger sur le rôle du Parlement.

Le président Bas nous dit que la loi n'est pas nécessaire à la création de ce fichier. Mais l'article 9 du RGPD conditionne la création d'un tel fichier au respect de l'essence du droit à la protection des données. C'est tout le débat. Je regrette que le ministre ne réponde pas.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis.  - Je ne voterai pas ces amendements. Le dossier est plus qu'utile pour l'information des médecins et le traçage.

Les dossiers d'affections de longue durée (ALD) existent déjà. Ils contiennent nom, prénom, date de naissance, adresse et habitudes alimentaires de la personne concernée, ainsi que le type de diabète dont elle souffre, par exemple. Ces données sont utilisées pour connaître la prévalence géographique d'affection comme celle-ci.

Autre exemple, dans certaines régions de France, il y a plus d'appendicectomies ou d'opérations obstétricales que dans d'autres. Nous avons constaté qu'il y en avait moins en 2020 qu'en 2010, et moins en 2010 qu'en 1990. Les données recueillies dans les dossiers ont été très utiles pour produire ces analyses.

La rougeole et la tuberculose sont à déclaration obligatoire et non anonyme. Il n'y a pas d'anonymat des données ALD, manipulées par des salariés de l'assurance maladie, sauf pour le HIV, pour des raisons évidentes. Le fichier de la CNAM existe depuis trente ans. Il vise à mieux prévenir et mieux traiter les maladies.

Avec la commission des lois, nous avons bordé l'ensemble. Si la maladie est éliminée, ces dossiers disparaîtront. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Ouzoulias.  - Ce débat n'oppose pas ceux qui seraient pour ou contre le dépistage. Nous voulons tous donner à l'État le maximum de moyens pour assurer le dépistage.

La discussion porte sur l'opportunité de créer un système dérogatoire quand d'autres systèmes existent déjà qui permettent ce dépistage et qui ont été éprouvés en matière de libertés individuelles et de respect du secret médical.

Monsieur le ministre, nous attendons de la précision car ce projet de loi sera examiné par le Conseil constitutionnel et l'intention du législateur sera cruciale dans cet examen.

J'aimerais un argumentaire plus fin, précis et médical.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Ce dispositif est un pari que fait le Gouvernement. C'est un pari que certains d'entre nous sont prêts à accompagner, d'autres non. Nous avons tous le même objectif, celui d'éradiquer l'épidémie. Mais, dans cette chambre, nous savons bien que la protection des libertés publiques est incontournable.

Or vous proposez un dispositif qui inquiète. Les propos du secrétaire d'État au numérique, qui annonce un débat à l'Assemblée nationale sur l'application Stop Covid pour le 28 mai, ajoutent à la confusion.

Au groupe socialiste et républicain, nous ne voterons pas ces amendements de suppression car nous souhaitons poser nos exigences, dont certaines rejoignent les propositions de la commission des lois, notamment quand il s'agit de refuser les ordonnances. Certains sujets, comme les données personnelles, le consentement de l'usager et le secret médical nous ont opposés. Nous souhaitons que le débat ait lieu. Ce pari arrivé très tardivement sera peut-être inutile et inefficace. À moins que nous ne puissions le gagner.

M. Marc Laménie.  - J'ai été convaincu par le président Bas. L'article 6 est au coeur de ce texte. L'urgence sanitaire exige que nous soyons efficaces. Il faut retrouver la confiance. Même si nous parlons de données privées, l'objectif reste de sauver des vies. Il y va de l'intérêt de notre pays. C'est du bon sens.

M. Julien Bargeton.  - Dans le RGPD, l'une des six bases juridiques autorisant l'exception, c'est l'intérêt public supérieur. Cette condition est sans doute trop large et mal définie. La gravité meurtrière de cette pandémie la remplit indéniablement, malgré toutes les préventions légitimes qui peuvent s'exprimer. J'ai peur que vos réticences n'incitent les citoyens à se tourner vers des systèmes que nous ne contrôlons pas. (Mme Catherine Morin-Desailly proteste.)

M. Loïc Hervé.  - Avec Sophie Joissains, j'ai été rapporteur pour la commission des lois des conséquences de l'application en droit interne du RGPD. Il a été utile de montrer, d'ailleurs, qu'un continent entier, l'Europe, protégeait ses données contrairement aux États-Unis.

J'ai du mal à considérer que tout système informatique serait par nature une innovation et que le progrès est forcément devant nous. Je ne partage pas la fascination de certains pour la technologie.

Notre rôle est de poser des questions de principe. Certaines choses ont été acceptables pour le confinement et ne le sont plus. Je suis cosignataire d'un des trois amendements et je le voterai.

Mme Véronique Guillotin.  - Le groupe RDSE votera contre ces amendements. Le traçage est un outil indispensable de la lutte contre le Covid-19. Le débat doit avoir lieu.

La commission des affaires sociales et celle des lois ont amendé le texte dans le sens d'une plus grande sécurité juridique.

Les amendements identiques nos63, 136 et 172 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°153, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 3113-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les maladies entraînant un état d'urgence sanitaire prévu aux articles L3131-14 et suivants du code la santé publique. » ;

2° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « et 2° » sont remplacés par les mots : « , 2° et 3° ».

M. Pierre Ouzoulias.  - L'article L.3113-1 du code de la santé publique définit un régime particulier pour une trentaine de maladies infectieuses : celui des maladies à déclaration obligatoire.

Ce régime prévoit, sous le contrôle de l'État, je cite son article d'application R3113-4 : « de mettre en place d'urgence des mesures de prévention individuelle et collective et, le cas échéant, de déclencher des investigations pour identifier l'origine de la contamination ou de l'exposition ».

Il autorise l'organisation de mesures d'investigation et d'intervention et la collecte des informations indispensables pour la mise en oeuvre des mesures de prévention individuelle et collective.

On voit que son champ d'application est extrêmement large.

La CNIL a validé ce processus de traitement des informations de santé à plusieurs reprises. Le Gouvernement a ajouté la rubéole à cette liste de maladies infectieuses le 7 mai 2018.

Ce dispositif est parfaitement éprouvé et encadré. Pourquoi serait-il inadapté sur le Covid-19 ? En quoi avons-nous besoin d'un système dérogatoire ? Ce qui comptera, ce seront les moyens humains. L'outil informatique sera accessoire. Quels moyens avez-vous mis en place ?

M. le président.  - Amendement n°173, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Par dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, aux fins de surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que pour la recherche sur le virus covid-19 et les moyens de lutter contre sa propagation, des données relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être partagées dans le cadre d'un système d'information créé par décret en Conseil d'État et mis en oeuvre par le ministre chargé de la santé.

Ce ministre, ainsi que l'Agence nationale de santé publique, un organisme d'assurance maladie et les agences régionales de santé, peuvent en outre, aux mêmes fins, adapter les systèmes d'information existants et prévoir le partage des mêmes données dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa du présent I.

II.  -  Le système d'information mentionné au I, qui peut comporter des données de santé, a pour finalités la surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation.

L'intégralité des données ayant vocation à alimenter ce système d'information seront anonymisées préalablement à leur saisie.

III.  -  Outre les autorités mentionnées au I, le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, maisons de santé, centres de santé et médecins prenant en charge les personnes concernées, ainsi que les laboratoires autorisés à réaliser les examens de biologie médicale de dépistage sur les personnes concernées, participent à la mise en oeuvre de ce système d'information et peuvent, dans cette stricte mesure, avoir accès aux seules données nécessaires à leur intervention.

IV.  -  Les modalités d'application du présent article sont fixées par le décret en Conseil d'État mentionné au I après avis public de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret en Conseil d'État précise notamment, pour chaque autorité ou organisme mentionné aux I et III, les services ou personnels dont les interventions sont nécessaires aux finalités mentionnées au II et les catégories de données auxquelles ils ont accès, ainsi que les organismes auxquels ils peuvent faire appel, pour leur compte et sous leur responsabilité, pour en assurer le traitement.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Nous ne pourrions accepter un tel système - mise à part la question des équipes épidémiologiques sur le terrain - que s'il y avait anonymisation des données personnelles remontées dans le système d'information central.

Cette maladie, on l'a dit, est une saloperie. Un travail d'analyse et de recherche sur l'influence du diabète ou de l'hypertension, par exemple, nous paraît de bon aloi mais ne nécessite pas d'identification des données.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°153. Le régime des maladies à déclaration obligatoire, très artisanal, est inadapté. Les informations sont anonymes en théorie, mais pas en réalité. Les maladies concernées sont suffisamment rares, heureusement, pour ne pas exiger un système d'information à grande échelle. En l'espèce, ce système n'est pas opérant.

Au demeurant, le Parlement pourrait apporter un toilettage bienvenu à ce régime des maladies à déclaration obligatoire.

Monsieur Bonnecarrère, un fichier anonymisé à vocation épidémiologique est une bonne idée, mais pas pour remonter des filières de contamination, qui réclament précisément des données nominatives. Je ne doute pas que le ministère de la Santé développe déjà un tel projet épidémiologique pour mieux connaître le virus. Vous ouvrez un débat intéressant mais votre proposition ne répond pas à notre finalité. Avis défavorable aux amendements nos153 et 173.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable aussi ; le premier sera satisfait si un amendement du Gouvernement sur le caractère obligatoire de la déclaration est adopté.

Monsieur Bonnecarrère, nous ne créons pas de fichier national, mais nous nous greffons sur l'existant, à savoir le fichier amelipro, qui comporte des données non anonymisées sur l'état de santé des patients. Ce cadre législatif, ancien, n'a jamais été remis en cause.

Nous créons par ailleurs le Sidep, qui n'est pas un fichier mais un système d'information permettant au laboratoire de constituer la chaîne du prélèvement au résultat du test. Ce n'est pas une application de « traçage » - terme anxiogène auquel je préfère celui de suivi épidémiologique - mais d'étiquetage harmonisé quelles que soient les modalités de prélèvement, afin d'éviter les pertes de données.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Je crains que l'énergie mise à créer des systèmes d'information divers et variés ne se heurte à la mise en oeuvre pragmatique - voyez nos amis allemands. Autant je soutiens la mise en place d'équipes épidémiologiques de terrain, autant cet acharnement à monter des systèmes me laisse sceptique. (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias.  - Certes, la peste figure parmi les maladies infectieuses à déclaration obligatoire, mais aussi le chikungunya, la tuberculose et la dengue... Ma proposition émane de l'Académie nationale de médecine, qui n'a pas compris pourquoi le Gouvernement n'a pas ajouté le Covid à la liste par décret, comme il peut le faire, ce qui aurait permis de faire remonter une masse d'informations sur l'épidémie.

Comme M. Bonnecarrère, je souhaite que l'on soit efficace et opérationnel, et qu'on évite les usines à gaz.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis.  - La commission des affaires sociales avait envisagé d'intégrer le Covid-19 dans la liste des maladies à déclaration obligatoire. Elle y a renoncé parce qu'il s'agit d'une maladie épidémique et non chronique, qui pourrait être éradiquée si l'on trouve un vaccin, que le virus pourrait muter. Cela dit, le régime des maladies à déclaration obligatoire est obsolète et mériterait d'être revu.

L'amendement n°153 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°173.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par MM. Sueur, Kanner, Antiste et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Jomier, Lurel et Marie, Mmes Monier, Préville et de la Gontrie et MM. P. Joly, Lozach, Montaugé, Éblé et Vaugrenard.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et pour la durée strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus tard, pour une durée d'un an à compter de la publication de la présente loi, les données relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être partagées, sous réserve du recueil du consentement des personnes intéressées, dans le cadre d'un système d'information créé par décret en Conseil d'État et mis en oeuvre par le ministre chargé de la santé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La langue de bois n'est jamais très utile. Le groupe socialiste et républicain a beaucoup travaillé pour trouver une rédaction conciliant l'impérieuse nécessité de la santé publique et l'impérieuse nécessité du respect de la vie privée et des libertés publiques. Nous ne sommes pas parvenus à un accord, disons-le.

D'où cet amendement, signé par 17 d'entre nous, imposant le consentement des personnes concernées ainsi que le respect du secret médical. Nous le présentons pour la clarté du débat. Nous rejoignons par ailleurs le reste du groupe, et la commission, sur les six garanties, indispensables à nos yeux. Le procédé est inhabituel, mais l'engagement politique n'a de sens qu'assis sur le parler vrai.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1, au début

Supprimer les mots :

Par dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique,

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous maintenons le principe du secret médical.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Après la première occurrence du mot :

aux

insérer  le mot :

seules

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement encadre les finalités de la création d'un système d'information et l'adaptation des systèmes existants.

M. le président.  - Amendement n°204, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

par les mots :

strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus tard, pour une durée d'un an à compter de la publication de la présente loi

M. Olivier Véran, ministre.  - Il se peut que la fin de l'état d'urgence sanitaire ne coïncide pas avec l'extinction totale de l'épidémie. Il sera toujours nécessaire de pouvoir briser les chaînes de contamination.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

des données

par les mots :

les données

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par Mme Benbassa et M. Gontard.

I.  -  Alinéa 1

Supprimer les mots :

, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées,

II.  -  Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ....  -  Les données mentionnées au I et II ne peuvent être collectées qu'avec le consentement des personnes intéressées.

Mme Esther Benbassa.  - Le mécanisme prévu à cet article est particulièrement intrusif et bureaucratique. Aucun garde-fou n'est prévu sinon un simple rapport non contraignant de la CNIL. Le Gouvernement légifère en solitaire... La création d'un fichier recensant nos concitoyens n'a rien d'anodin -  notre Histoire l'a démontré  - et doit être strictement encadré. C'est ce que fait cet amendement en prévoyant le consentement de la personne concernée au recueil des données. Ce droit de regard préalable contribuera à la relation de confiance.

M. le président.  - Amendement n°177, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées,

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cet amendement impose le recueil du consentement des personnes intéressées pour traiter et intégrer leurs données dans ce qu'on nous présente tantôt comme un fichier, tantôt comme un système d'information.

Or autant nous sommes favorables aux équipes épidémiologiques de terrain pour casser les chaînes de contamination, autant nous considérons que les données médicales sont des données personnelles et qu'il vous appartient de consentir à ce qu'elles soient mises ou pas sur un système d'information national...

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère.  - S'il m'est permis, pour une fois, d'évoquer un élément personnel, il y a un an, je faisais campagne pour les élections européennes pour la liste Renew Europe. J'expliquais à mes concitoyens tarnais que s'ils étaient Américains, leurs données personnelles appartiendraient aux sociétés commerciales qui les recueillent ; que s'ils étaient Chinois, elles appartiendraient à l'État ; mais qu'étant Européens, c'est à eux qu'elles appartiennent. Je suis profondément contrarié que cela ne soit bientôt plus vrai. Ne vous y trompez pas, mon propos n'est pas politique - j'ai voté le soutien au Premier ministre hier- mais d'une autre nature.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos72 et 73. Je le redis, nous ne pouvons compter sur les seuls médecins pour recueillir des centaines de milliers de données par semaine. C'est bien parce qu'il faut déroger au secret médical que nous sommes réunis pour légiférer.

Je n'échangerai pas la satisfaction de savoir que le secret médical est sauf contre celle de savoir que nous avons construit un système efficace pour casser les filières de contamination et protéger nos concitoyens.

Avis favorable, en revanche, à l'amendement n°82, qui apporte une précision heureuse.

Quant à l'amendement n°204, monsieur le ministre, vous ne pouvez nous demander de faire survivre ce système que vous nous demandez d'approuver à la fin de l'état d'urgence sanitaire. Nous sommes dans un régime juridique d'exception qui s'éteindra de lui-même le 22 mars 2021. S'il s'avère qu'il faut une prolongation, nous en délibérerons ensemble. Avis défavorable.

Défavorable à l'amendement n°83, qui apporte une précision inutile.

Avis défavorable aux amendements nos65 et 177 : nous avons préféré un autre système, plus efficace, celui du droit d'opposition, classique en matière de traitement des données. Le consentement préalable compromettrait la faculté de remonter efficacement les filières de contamination pour protéger nos concitoyens.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos72 et 73 ; avis favorable à l'amendement n°82.

L'amendement n°204 du Gouvernement permet à mon avis de gagner du temps. Mais s'il faut revenir devant le Parlement pour proroger les dispositifs, soit.

Sagesse sur l'amendement n°83. Avis défavorable aux amendements nos65 et 177.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Ce n'est pas seulement le secret médical qui nous préoccupe mais l'absence de consentement des personnes, traditionnellement exigé pour la collecte de données. Le président Bas n'a peut-être pas pris assez au sérieux les amendements nos207 et 208 du Gouvernement qui incluent dans les listings les résultats négatifs, mais aussi les organismes assurant l'accompagnement social des intéressés, comme les associations ou les collectivités territoriales. Du coup, le champ des personnes concernées devient considérable. Avez-vous lu l'article du Journal du dimanche sur l'aréopage de personnes qui, au sein de l'AP-HP, réalisent ce travail de traçage ? On y trouve des ingénieurs, ou encore des hôtesses de l'air !

Secret médical et consentement de l'intéressé sont des valeurs fondamentales. C'est le sens de l'amendement déposé par une partie des membres du groupe socialiste et républicain. Je n'abuse pas de la bienveillance du président Larcher...

M. le président. - Bienveillance maîtrisée ! (Sourires)

M. Patrick Kanner.  - Notre groupe était en effet, non pas divisé, mais partagé sur ce point. Il y a une frontière fragile entre respect des libertés individuelles et efficacité de la protection sanitaire. Nous en sommes conscients. Certes, une majorité de notre groupe s'est alignée sur la commission des lois.

Mme Sylvie Robert.  - Nous avons accepté l'examen de cet amendement gouvernemental mais ce n'est pas un blanc-seing. L'encadrement de l'article n'en est que plus essentiel. Je salue les avancées importantes de la commission.

Le comité de suivi sera crucial. Il reste beaucoup de zones d'ombre et de flou.

La personne qui fait l'objet du recueil des données doit donner son accord.

Il faut bien expliquer la démarche et la finalité et préciser les droits en aval des personnes concernées. Mais je regrette qu'en amont, rien ne soit fait pour rechercher le consentement des personnes.

Nous avons fait un pari qui ne sera gagnant que si la stratégie sanitaire tient bon.

Mme Laurence Rossignol.  - Je ne suis pas signataire de cet amendement et ne le voterai pas car, à défaut de vaccin et de traitement, en France comme en Haïti et en Centrafrique, il n'y a pas d'autre moyen de combattre le vaccin que de repérer les malades et leurs contacts et de les isoler.

Monsieur le ministre, évaluez le risque que nous prenons en ne votant pas l'amendement exigeant le consentement, qui rendrait le fichier inopérant. Le climat des discussions est cordial mais n'invite pas à la confiance. On apprend que des fichiers ont déjà commencé à être construits, que les cas négatifs seraient inclus dans les listings... Vous étendez votre système.

Or le président de votre parti a le mauvais goût de qualifier le Sénat d'irresponsable parce qu'il n'est pas d'accord avec vos méthodes, vos procédés et vos arrière-pensées.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je préfère le consentement au non-consentement mais il ne faut pas que la personne contaminée refuse de dire qui elle a rencontré. C'est pourquoi le maintien de ce système d'information est incompatible avec le consentement. Le droit d'opposition, c'est autre chose.

En revanche, il est important que les personnes de la plateforme de l'assurance-maladie qui appellent les cas contacts ne donnent pas l'identité de la personne malade, ni ne divulguent celle de ces cas, pour éviter les suspicions et insister sur la nécessité du dépistage.

M. Bruno Retailleau.  - Nous ne connaissons que peu de choses sur la propagation du virus et les systèmes épidémiologiques nous permettront d'y voir un peu plus clair, sinon de sortir de la nuit pour entrer dans le brouillard.

Le RGPD est le régime le plus protecteur. Son article 15 est très clair, en cas de crise, on peut déroger à certains principes.

Je veux dire à Philippe Bonnecarrère que le RGPD ne constitue pas une patrimonialisation de nos données. Elles vont chez les Gafam ! Preuve en est qu'ils ont donné des informations aux autorités de 131 pays sur les mouvements de population, la fréquentation des pharmacies et des parcs publics. Les Gafam ont plus d'informations sur les mouvements des Français dans leur propre pays que l'État !

L'amendement n°72 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°73.

L'amendement n°82 est adopté.

L'amendement n°204 n'est pas adopté.

L'amendement n°83 n'est pas adopté.

L'amendement n°65 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°177.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme Rossignol, MM. Daudigny, P. Joly et Kerrouche, Mmes Préville et Meunier, M. Assouline, Mme Féret, M. Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Gillé, Leconte et Manable, Mme Lepage, MM. Tourenne, M. Bourquin et Antiste et Mmes Conway-Mouret et Perol-Dumont.

Alinéa 2

1° Après les mots :

en outre

insérer les mots :

, sous la direction d'un médecin,

2° Supprimer les mots :

être autorisés par décret en Conseil d'État à

3° Supprimer la seconde occurrence du mot :

à

Mme Laurence Rossignol.  - On évalue à quel point le système dont nous débattons est dérogatoire aux principes fondateurs du droit de la santé. Le secret médical est avant tout un droit des patients. Il faut préciser que les données ne peuvent être recueillies et exploitées que sous l'autorité d'un médecin.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

L'amendement n°185 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Après le mot :

collectées

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

ou partagées par ces systèmes d'information créés ou adaptés à ces fins ne peuvent être conservées à l'issue de la durée définie au premier alinéa.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'alinéa 3.

L'amendement n°48 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°188, présenté par Mme Joissains et M. Bonnecarrère.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Ces données ne peuvent en aucun cas être hébergées à l'extérieur de l'Union Européenne. 

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cet amendement a été rédigé par Mme Joissains. Il porte sur la localisation des données, sur le territoire européen et correspond au combat de longue date de la présidente Morin-Desailly pour la souveraineté numérique.

M. le président.  - Amendement n°182 rectifié, présenté par MM. Gremillet et de Legge, Mme Deromedi, MM. Perrin et Raison, Mmes Deroche, Chauvin et Noël, M. Priou, Mme Malet, MM. Cuypers, Pellevat et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Kennel, Bascher, Lefèvre, Charon et B. Fournier, Mme Lamure, MM. Houpert, Piednoir et Bonne, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Vogel et Vaspart, Mme Ramond, M. Danesi, Mme Canayer, MM. Joyandet, de Montgolfier, Grosdidier, Sido, Leleux et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Lassarade, M. Bonhomme, Mme Morhet-Richaud, M. Brisson et Mme Dumas.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il fixe également les conditions de protection des données recueillies dès l'installation des brigades sanitaires jusqu'au terme de leur mission et les conditions de leur hébergement en open data dans un data center situé sur le territoire national.

M. Max Brisson.  - Cet amendement se justifie par son texte même.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à tous ces amendements.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°188.

L'amendement n°182 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°190, présenté par MM. Malhuret, Wattebled et Capus.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans l'hypothèse où une exploitation statistique à des fins de recherche scientifique se révèle nécessaire, celle-ci est réalisée uniquement sur des données anonymisées.

M. Dany Wattebled.  - La protection de la vie privée implique que soient supprimées toutes les données à caractère personnel dès lors que leur utilité n'est plus avérée. Ce système d'information ne doit pas enrichir des systèmes d'information existants.

Cet amendement est issu d'un échange avec l'Association des départements de France concourant à la protection des données personnelles.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°190 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°205, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Olivier Véran, ministre.  - La commission a limité le périmètre des données de santé qui pourront être renseignées dans les systèmes d'information mis en place. Or les catégories de données seront fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL. Il n'est donc pas opportun de fixer ces éléments dans la loi.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous ne voulons pas laisser de blanc-seing au ministre pour qu'il écrive son décret comme il l'entend.

Toute donnée étrangère à la contamination par le Covid doit être écartée, sinon ce fichier donnera toutes les informations de santé d'une personne, qu'il s'agisse de diabète, de maladies cardio-vasculaires, respiratoires ou autres, d'antécédents de cancers, etc. sans qu'elles présentent un intérêt pour la lutte contre l'épidémie.

Monsieur le ministre, renoncez à cet amendement.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Cet amendement est passionnant car il porte sur l'essentiel, dont nous débattons depuis le début de la soirée. Nous avons un problème. Soit nous respectons l'anonymat et il n'y a aucune difficulté pour faire figurer les informations de santé, pour un bon travail de recherche. Soit nous acceptons l'identification et il ne faut pas inscrire toutes ces informations.

Si le Gouvernement veut maintenir l'identification ainsi que l'ensemble des données, il est certain qu'il nous placerait dans une situation impossible.

M. Olivier Véran, ministre.  - Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive des données de santé sans intérêt pour l'épidémie.

Je vais, une fois n'est pas coutume, parler en médecin. Ceux qui siègent parmi vous y seront sans doute particulièrement attentifs. Pour tester un patient, il y a la PCR, le test biologique. Mais imaginons qu'il y ait aussi à disposition un scanner pulmonaire pour identifier des lésions sous-jacentes, signes de la présence du virus, même en l'absence de symptômes, et de réaction positive aux tests.

Avec l'article tel qu'il est rédigé par la commission, cela ne peut plus être inscrit dans le dossier. Idem pour l'agueusie et l'anosmie, signes pathognomoniques de la maladie. Il ne faut pas empêcher les médecins d'indiquer les données qui leur semblent essentielles pour le suivi des malades. En outre, la CNIL donnera son avis sur le décret.

L'amendement n°205 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°206, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Supprimer les mots :

garantit et

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement précise la notion de droit d'opposition. Un malade peut ne pas vouloir apparaître comme le patient zéro, mais il ne peut refuser de figurer dans le système d'information. Sinon, le traçage de la chaîne de contamination serait rompu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau.  - Je ne comprends pas l'enjeu de cet amendement.

M. Olivier Véran, ministre.  - Votre commission a voulu garantir un droit d'opposition vis-à-vis du Sidep. Mais un malade pourrait s'opposer à la recherche de la chaîne de contamination en refusant de figurer dans le fichier...

L'amendement n°206 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 6 à 12

Supprimer ces alinéas.

Mme Esther Benbassa.  - Le dispositif de brigade proposé par le Gouvernement est flou. Pour détecter les chaînes de contamination, le projet de loi prévoit un système d'information reposant sur un recueil de données accessibles à des agents agréés.

C'est problématique car cela implique le recueil de données privées, transmises à des non-médecins, à des agents du ministère, sans garantie d'anonymisation et d'absence d'utilisation ultérieure.

La CNIL a alerté sur les dangers que pourrait représenter la création d'un listing des personnes malades. Rien ne garantit que celui-ci ne sera pas utilisé pour prendre des mesures discriminatoires à leur encontre. En outre, cet article porte atteinte au principe essentiel de secret médical. La santé publique est notre objectif commun, mais pas au prix de la diffusion de nos données personnelles.

Cet amendement expurge l'article 6 de sa substance la plus attentatoire à la vie privée.

M. le président.  - Amendement n°207, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Après le mot :

résultats

insérer les mots :

, y compris non positifs,

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement très important permet la transmission de résultats y compris non positifs dans le cadre du Sidep, afin que le système puisse parvenir à son objectif. Il faut éviter les pertes de données.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

III.  -  Outre les autorités mentionnées au I, tout organisme peut participer à la mise en oeuvre de ces systèmes d'information que dans la mesure où il répond strictement aux finalités et pour les seules données de santé définis au II. L'accès et la consultation de ces données sont exercés par ou sous le contrôle d'un professionnel de santé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous encadrons fortement la liste des organismes pouvant participer à la mise en oeuvre des systèmes d'information, selon les critères de finalités retenus, et pour les seules données de santé dont l'accès et la consultation sont réservés à un professionnel de santé, ou effectués sous son contrôle.

M. le président.  - Amendement n°208, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les organismes qui assurent l'accompagnement social des intéressés dans le cadre de la lutte contre l'épidémie peuvent recevoir les données nécessaires à l'exercice de leur mission.

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement permet la transmission de données nécessaires à l'accompagnement social des personnes vulnérables, dans le cadre des mesures prises pour lutter contre l'épidémie du Covid-19, à des organismes comme les services des collectivités territoriales, de l'État dans les territoires ou des associations, chargés spécifiquement du suivi des intéressés dans le cadre de la crise sanitaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°71 rectifié qui supprime du texte la mention des finalités du système d'information. Alors, il pourrait servir à n'importe quoi ! Le vote de cet amendement se retournerait contre les intentions de ses auteurs.

Avis favorable à l'amendement n°207 : il est important de suivre les personnes après un premier test négatif.

Avis défavorable à l'amendement n°85 qui supprime la liste des autorités pouvant accéder aux données de santé. De plus, il ne sera pas toujours possible d'avoir un professionnel de santé pour examiner les données collectées.

Sur l'amendement n°208, je propose une transaction : avis favorable si vous rectifiez, monsieur le ministre, votre amendement en ajoutant « strictement » devant « nécessaires ».

M. Olivier Véran, ministre.  - C'est entendu.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°208 rectifié.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis négatif sur les amendements nos71 rectifié et 85.

L'amendement n°71 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°207 est adopté.

L'amendement n°85 n'est pas adopté.

L'amendement n°208 rectifié est adopté.

L'amendement n°49 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié ter, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, MM. Marie, Durain, Kanner et Sueur, Mme Ghali, M. Dagbert, Mmes Lubin et de la Gontrie, M. Antiste, Mme S. Robert, MM. Daudigny et J. Bigot, Mme Monier et M. Duran.

Après l'alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Tout traitement automatique par un algorithme d'intelligence artificielle des données des systèmes d'information prévus au présent article est interdit.

M. Jérôme Durain.  - Le projet de loi bioéthique toujours en cours d'examen encadre le recours à des traitements algorithmiques dans le cas d'actes de santé « à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique ». Le patient devra être préalablement informé.

Cet amendement interdit l'utilisation par l'intelligence artificielle des données collectées par les systèmes d'information prévus à cet article. La consultation préalable des patients est obligatoire. Le défenseur des droits avait attiré notre attention sur le risque couru.

L'amendement n°38 rectifié ter, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces systèmes d'information.

Chaque semestre à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport détaillé sur l'application des dispositions du présent article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il convient de supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement et de la remplacer par des dispositions assurant le contrôle effectif du Parlement au cours de l'année d'application du présent article.

Cela est conforme à la position de la commission des lois, qui ne souhaite pas recourir aux ordonnances.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - En vous écoutant, puis en relisant votre amendement, je me rends compte qu'il faudra le réexaminer dans le cadre de la CMP : son objet est en contradiction avec son dispositif. Nous avons supprimé le recours aux ordonnances dans cet article ! Avis défavorable, en attendant.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet, nous avons eu tort de mentionner la suppression des ordonnances, déjà acquise. Je vous donne acte de votre lecture...

L'amendement n°90 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 12

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le Défenseur des droits établit un rapport spécial et public relatif à l'impact, notamment social, du traitement des données des systèmes d'information prévus au présent article sur les droits et libertés individuelles.

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement pourvoit aux risques de discrimination sur lesquels le Défenseur des droits a attiré notre attention. Confions à ce dernier un rapport spécial et public relatif à l'impact social du traitement des données par les systèmes d'information mis en place.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - le Défenseur des droits ne nous a pas attendus ! Il vient de remettre son rapport. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°81 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 13, première phrase

Après les mots :

avis public

insérer le mot :

conforme

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Selon cet article, le décret prévu sera pris après avis de la CNIL. Nous demandons un avis conforme. La présidente de la CNIL a indiqué ses exigences aujourd'hui devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, concernant aussi bien le questionnaire que la durée de conservation des données.

M. le président.  - Amendement identique n°176 rectifié, présenté par M. Bonnecarrère et les membres du groupe Union Centriste.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Compte tenu de notre faible appétence pour les fichiers, l'avis conforme et public de la CNIL serait une garantie pertinente.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable. Il y a d'autres cas connus de lien entre un avis conforme d'une autorité administrative indépendante (AAI) et le contenu d'un décret, et ce depuis plusieurs décennies. Cela a été le cas pour la CNIL jusqu'en 2004.

M. Olivier Véran, ministre.  - J'ai un doute constitutionnel. Il me semble que le Conseil constitutionnel a estimé que le Premier ministre ne pouvait exercer son pouvoir réglementaire sous la contrainte de l'avis conforme d'une AAI.

C'est pourquoi j'émets un avis défavorable même si je comprends la logique de ce dispositif.

Les amendements identiques nos99 et 176 rectifié sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°209, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 13, seconde phrase

Après les mots :

aux finalités mentionnées au II

insérer les mots :

et rendues obligatoires à ce titre

M. Olivier Véran, ministre.  - Il convient de donner un caractère obligatoire aux interventions des différentes personnes et organismes autorisés à accéder aux systèmes d'information mis en place en vue de lutter contre l'épidémie de Covid-19, notamment pour les laboratoires et les personnels de santé. Le caractère exhaustif du système est un élément essentiel pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement, très tardif, n'a pu être examiné par la commission. Il est difficile de l'interpréter.

Mais peut-être le président de la commission des affaires sociales nous livrerait-il son opinion ? (M. Alain Milon fait signe que non.)

Monsieur le ministre, si vous discutez de ce point avec l'Assemblée nationale, nous pourrons en reparler par la suite. Avis défavorable, donc.

L'amendement n°209 n'est pas adopté.

L'amendement n°189 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 14

Rétablir le V dans la rédaction suivante :

V.  -  En vue du rétablissement progressif de la libre circulation dans l'espace Schengen et dans l'Union européenne, le système d'information est conçu pour pouvoir être interopérable avec les systèmes équivalents mis en place dans l'Union européenne, dès lors que leur finalité est commune et que les conditions posées à l'exploitation et à la conservation des données respectent les conditions posées au IV du présent article.

M. Jérôme Durain.  - Nous proposons un dispositif destiné à faciliter le retour à la libre circulation dans l'Espace Schengen, dès lors que la recherche des chaînes de contamination est possible, dans le respect de nos exigences relatives au traitement des données personnelles, au sein de l'Union européenne.

L'amendement n°80, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°170, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 19 

Rédiger ainsi cet alinéa :

Sa composition, qui inclut un représentant de chaque groupe parlementaire, est fixée par décret.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement assure une représentation pluraliste du comité de contrôle et de liaison que notre commission se propose de créer. Chaque groupe parlementaire doit pouvoir y être représenté.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'Assemblée nationale et le Sénat respectent déjà leurs configurations politiques respectives pour les nominations aux organismes extérieurs. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°170 est retiré.

M. Bruno Retailleau.  - Quel sera l'effectif des brigades, monsieur le ministre ? On a évoqué 5 000, 20 000, 30 000 personnes. Qu'en est-il ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Plutôt que de parler de brigades, je préfère les qualifier de brigades d'anges gardiens. Je ne peux vous donner un chiffre précis : tout dépend du périmètre concerné. S'il s'agit de tous les professionnels de santé chargés du suivi épidémiologique, nous sommes bien au-delà de 100 000 personnes en théorie, puisque la totalité des médecins libéraux et hospitaliers est concernée, ainsi que les agents de l'assurance maladie et tous les salariés des ARS.

Le niveau 1 du suivi inclut tous les médecins de terrain de premier recours. Ils sont très nombreux. Le niveau 2 se situe au niveau de l'assurance maladie : quelque 3 000 personnes en sont chargées. Le niveau 3 repose sur les salariés des ARS et il s'agit encore de plusieurs milliers de personnes. La version anglo-saxonne ou coréenne du tracing inclut les personnes réalisant le portage des repas à domicile, par exemple.

Concrètement, au moins un salarié de l'assurance maladie sera mobilisé par jour pour 15 personnes, soit un malade et ses cas contacts.

M. Loïc Hervé.  - Je voterai l'article 6, bien que j'aie voté les amendements de suppression. Mes inquiétudes demeurent, mais l'avis conforme de la CNIL est une évolution importante. Il faut consolider la rédaction sénatoriale, dans la perspective de la navette.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je suis dans le même état d'esprit. Les deux commissions ont fait un excellent travail.

Il y a cependant une tension entre l'objectif de protection des libertés individuelles sur le long terme, en évitant le stockage de données dans le temps, et les nécessités de l'intelligence artificielle qui a besoin de beaucoup de données. Les Gafam savent déjà tout de nous, pourquoi leur confier nos marchés ? Pourquoi n'avoir pas choisi une entreprise française à dimension européenne et internationale comme OVH, pour le traitement des données ?

Je salue Martin Hirsch, directeur de l'AP-HP, qui a refusé la proposition de collecte et de traitement gratuits des données par l'entreprise Palantir, qui a travaillé avec la CIA.

Mme Laurence Rossignol.  - En matière sociale et particulièrement en droit de la santé, il faut souvent faire la balance entre libertés fondamentales et protection des plus faibles ou du plus grand nombre. J'ai fait le choix, grâce à la rédaction exigeante de la commission des lois, d'adhérer à cette méthode d'éradication de l'épidémie.

Cependant le Gouvernement n'a pas convaincu certains de mes collègues de groupe. Ce vote est sous haute surveillance. Je crains que vous ne rétablissiez votre texte à l'Assemblée nationale par amendement, ce qui remettrait en cause notre démarche de soutien.

À la demande du groupe CRCE, l'article 6 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°102 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l'adoption 278
Contre   29

Le Sénat a adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par MM. P. Joly et Durain, Mmes Lepage, Grelet-Certenais et Préville, MM. Antiste, J. Bigot et Devinaz, Mme Conway-Mouret, MM. Mazuir et Tissot, Mme Perol-Dumont, M. Duran et Mme Jasmin.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'établissement d'une carte de classification des départements selon leur état sanitaire épidémique est élaborée sur la base de critères comprenant le taux de circulation du virus, les capacités hospitalières en réanimation, la capacité locale de tests de détection des porteurs du virus mais aussi sur la base d'un dialogue à l'échelon départemental entre l'État, ses services sur le terrain, les professionnels et les élus locaux.

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement revient sur la carte verte et rouge. Il interpelle le Gouvernement sur les erreurs qui ont été commises dans la classification : l'absence de pertinence de certains critères retenus et l'absence de dialogue préalable.

Plusieurs départements se sont étonnés de se découvrir en zone rouge alors que les critères ne laissaient pas apparaître de risques supérieurs à ceux de départements similaires. Cela a été le cas du Lot, du Cher ou de la Haute-Corse, mais aussi de la Nièvre. Dans ce département, la surprise a été grande, car si l'on a compté quatre patients en réanimation, le service hospitalier mobilisé dispose de quinze respirateurs et peut adapter sa capacité de lits.

Notre collègue Joly note que le critère de saturation des équipements sanitaires à l'échelle régionale n'a aucun sens dans un département situé à l'extrémité d'une région : les malades potentiels peuvent parfaitement être orientés vers la région voisine.

L'image de la Nièvre a été écornée. Or c'est une campagne protégée. Il faut plus de dialogue.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Sagesse.

M. Olivier Véran, ministre.  - Défavorable.

M. Jean-Claude Requier.  - Le Lot, dans la carte publiée, était un nez rouge au milieu d'un océan de vert ! (Rires) Un médecin urgentiste avait comptabilisé tous les patients testés aux urgences... Cela a fait exploser le baromètre. Il en est résulté un grand émoi, dans ce département qui accueille de nombreux touristes. Le lendemain, le préfet est monté au créneau et tout est rentré dans l'ordre.

L'amendement n°37 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes définies à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles et les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d'un compte bancaire et des facturations de frais et de services bancaires durant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face l'épidémie de covid-19.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce texte doit aussi être d'urgence sociale. Les banques ne semblent pas toutes avoir compris quelle est la situation exacte des entreprises et des particuliers actuellement...

L'amendement précise que pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, les frais bancaires ne sont pas prélevés, pour les personnes fragiles financièrement. Car 500 euros, pour une famille en difficulté, c'est beaucoup.

Or les banques n'ont pas totalement répondu aux incitations du Président de la République et du Gouvernement en ce sens.

Cet amendement est simple. La « situation de fragilité financière » est définie par le code monétaire et financier.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

M. Philippe Mouiller.  - Je soutiens cet amendement et j'espère qu'une partie de mes collègues de groupe me suivront. Je rappelle que l'on n'a pas trouvé de solution sur les masques.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je regrette que les amendements présentant une dimension sociale fassent toujours l'objet d'explications particulièrement lapidaires de la commission et du Gouvernement.

M. Dany Wattebled.  - Je voterai cet amendement à dimension sociale, sans problème.

L'amendement n°121 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 7

M. Jean-Pierre Sueur .  - Notre groupe a déposé un amendement, écarté au titre de l'article 45 de la Constitution. Nous avions pris des engagements devant les associations d'élus pour que l'élection du maire et des adjoints dans une commune où le conseil municipal est au complet ait lieu avant fin mai.

M. le président.  - Amendement n°201 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéas 5 et 13

Supprimer ces alinéas.

L'amendement de coordination n°201 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°199, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 10

Après la seconde occurrence de la référence :

insérer la référence :

du I

L'amendement de coordination n°199, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°210, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Par dérogation au troisième alinéa du II de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le lieu où est effectuée la quarantaine par les personnes entrant dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution est décidé par le représentant de l'État.

M. Olivier Véran, ministre.  - Compte tenu de la situation spécifique des outre-mer, la lutte contre la propagation du virus passe dans ces territoires par les contrôles sanitaires aux frontières, en complément du confinement et de la montée en puissance des capacités sanitaires. C'est pourquoi une quatorzaine stricte est mise en oeuvre, en plus d'une interdiction forte sur les mouvements de personnes vers ces territoires.

Cet amendement confie au représentant de l'État le soin de déterminer le lieu de la quarantaine.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous avons souhaité quant à nous laisser une possibilité de choix, par exemple celui de passer la période de quarantaine à son domicile. Défavorable.

L'amendement n°210 n'est pas adopté.

L'article 7, modifié est adopté.

Les amendements nos193 et 52 ne sont pas défendus.

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Kanner .  - Le bureau exécutif de LaREM s'est fendu d'une saillie peut-être habituelle dans cette formation, regrettant la « démarche irresponsable qui a conduit une majorité de sénateurs à ne pas voter en faveur de la déclaration du Premier ministre, plaçant ainsi les logiques politiciennes avant l'intérêt national du pays ».

C'est une telle caricature, tant sur le fond que sur la forme ! Considérer la contradiction démocratique comme un danger pour la Nation relève d'une vision autoritaire. Nous nous considérons comme des lanceurs d'alerte sur la politique menée par le Gouvernement et sa stratégie de déconfinement.

Nous sommes globalement favorables à la prolongation de l'état d'urgence sanitaire. Cette délégation de pouvoir, dans la loi du 23 mars, a permis au Gouvernement de prendre 55 ordonnances relevant normalement de l'article 34 de la Constitution. Du jamais vu sous la Ve République ! Nous avons pris nos responsabilités. Mais ce soir, nous mettons un point d'arrêt à ce qui aurait pu constituer une dérive institutionnelle.

Je me félicite du vote de l'amendement de Mme Rossignol pour prévenir les violences conjugales. Nous nous sommes opposés au Stop Covid, un monstre du Loch Ness qui sort de plus en plus le museau au-dessus du lac.

Nous avons défendu les employeurs du secteur public, qui vont être surexposés dans les semaines à venir et qui doivent être protégés contre les démarches judiciaires - ce n'est pas du corporatisme, simplement du bon sens.

Nous déplorons l'absence totale d'anticipation de l'urgence sociale qui va suivre l'urgence sanitaire. Cela mettra en péril la confiance des Français.

En responsabilité, et avant un probable recours que nous porterons devant le Conseil constitutionnel, le groupe socialiste et républicain dans son immense majorité s'abstiendra. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Max Brisson .  - Malgré l'urgence sanitaire et le calendrier imposé par le Gouvernement, le Sénat a légiféré sérieusement. C'est sa marque.

Je salue les travaux de la commission des lois et de la commission des affaires sociales.

Artisans, commerçants, chefs d'entreprise, TPE, PME, directeurs d'école, inspecteurs de l'Éducation nationale, maires : tous auront à prendre des mesures capitales dans l'urgence. Chacun est prêt à prendre un risque pour que l'activité économique, culturelle, sociale reprenne.

Lorsqu'il y aura des plaintes des citoyens estimant qu'une réouverture d'école a mis en danger la santé de leurs enfants, quelles seront les protections des élus ?

Pour qu'il y ait confiance, il faut des réassurances. Le Sénat a clarifié le régime de responsabilité des élus. Il fallait dire le droit, fixer la règle, lever les incertitudes juridiques.

Il ne s'agit d'exonérer personne, encore moins le Gouvernement ou la haute administration, mais de protéger les petites mains opérationnelles du déconfinement qui mettront en oeuvre des protocoles qu'elles n'ont pas décidés. Il s'agit de tenir compte de la situation exceptionnelle, c'est la clé de l'engagement confiant. Le rejet unanime par le Sénat de l'amendement de suppression est un message fort.

C'est par le traçage, sécurisé mais de notre temps, que l'on cassera les reins de l'épidémie. L'outil numérique est le plus simple et le plus efficace pour vaincre. Nous serons attentifs au sort des six garanties introduites par le Sénat, socle de l'équilibre entre libertés publiques et santé publique. Elles constituent les garde-fous qui nous paraissent essentiels.

Le groupe Les Républicains votera ce texte et sera attentif à ce que les apports du Sénat ne soient pas remis en cause dans la navette. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - Nous ne sommes pas en guerre, c'est peut-être pire, dit Régis Debray. Le Covid-19 n'a ni drapeau, ni haine, ni buts de guerre. Dans une guerre, on meurt pour quelque chose, il y a deux camps. Tout le monde est contre une catastrophe. Le tragique, c'est l'absence de sens, l'absurde.

Par son vote, hier, le Sénat a signifié que le déconfinement proposé était improvisé, confus et incohérent. Le désastre social et économique ne sera qu'aggravé. Ce qui nous est demandé aujourd'hui est anecdotique, tant la part du réglementaire et des ordonnances est large. Comment ne pas s'interroger sur le peu de cas qui est fait du Parlement, vu les conditions de travail, inédites, qui lui sont imposées ?

En Espagne, les policiers distribuent des masques gratuits ; ici, on prévoit que les agents des transports verbalisent ceux qui n'en ont pas.

Le Gouvernement accentue la coercition à tout va, alors que masques et tests manquent, que l'impréparation des transports publics est criante, que la queue s'allonge devant les soupes populaires.

Le groupe CRCE proposait le libre choix des parents pour le retour à l'école, l'interdiction des licenciements et des expulsions locatives, la gratuité des masques, un renforcement du pouvoir du Parlement. Rien n'a été retenu.

Aucune précision n'a été donnée sur les modalités de la quarantaine. Tout ne peut pourtant être renvoyé au décret ! On met en place un système d'information inédit. À cet égard, les apports de la commission des lois, certes bienvenus, sont insuffisants : ni consentement au recueil des données, ni anonymisation.

Enfin, les maires ne doivent pas subir les conséquences des défaillances graves de l'État. Mais nous refusons l'élargissement incontrôlé de la déresponsabilisation. Nous devons déconfiner la démocratie. La lutte contre l'épidémie peut se poursuivre en dehors de l'état d'urgence.

En toute responsabilité, le groupe CRCE votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Nous soutenons la prorogation de l'état d'urgence, première brique de ce texte. En situation de crise exceptionnelle, il est normal que l'exécutif dispose de moyens d'action. Nous avons ainsi prorogé l'ensemble des habilitations à légiférer par ordonnances, ce n'était pas une petite décision.

Deuxième brique : la responsabilité pénale des décideurs. Les différents groupes se sont félicités du vote du Sénat sur ce sujet. Prudence toutefois. Si l'Assemblée nationale nous demandait, en échange, de renoncer aux garanties posées par la commission à l'article 6, il faudrait être vigilant. Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la loi Fauchon de 2000, la Cour de cassation s'étant refusée à lui transmettre une QPC sur le sujet.

S'agissant de l'assignation à résidence pour les malades, un équilibre nous semble avoir été trouvé.

Reste le débat sur l'article 6, que le groupe UC approuve pour l'essentiel, même si certains auraient souhaité dissocier l'action épidémiologique locale du système d'information national. Dans sa large majorité, il votera ce texte.

Malgré tout, l'économie de notre pays tient surtout grâce à la clé de voûte qu'est la Banque centrale européenne. Or la dernière décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe remet en cause sa faculté de rachats de créances pour injecter des liquidités dans l'économie. Les choses peuvent encore rebondir ; espérons que ce ne sera pas le cas de l'épidémie ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Véronique Guillotin .  - À l'issue de ces débats riches et condensés, des incertitudes demeurent sur la mise en oeuvre du déconfinement progressif, mais quoi de plus normal ? C'est un exercice inédit pour le Parlement comme pour le Gouvernement.

Dans l'attente de solutions médicales, comment arbitrer entre préservation de nos libertés et principe de précaution ? Faut-il ou non imposer le port du masque ?

Le système d'information est utile mais engendre des craintes légitimes. La mise en quarantaine est une privation de libertés qui a été correctement cadrée.

Nous sommes heureux que la responsabilité pénale et morale des maires ait été allégée.

Sur l'article 6, la question du consentement partage notre groupe. Nous considérons cependant le traçage comme un outil efficace.

Nous nous félicitons des mesures prises au sujet de l'accès de nos concitoyens d'outre-mer au territoire métropolitain, ainsi que de la transparence des prix du matériel médical.

Nous serons vigilants sur l'évolution du texte à l'Assemblée nationale.

Le groupe RDSE votera ce texte dans sa majorité, avec une minorité partagée entre abstention et vote contre.

M. Julien Bargeton .  - Je salue l'ensemble de ceux qui ont pris part à ce débat. Je rends hommage à la hauteur de vue du ministre, à la performance du président Bas dans des délais aussi courts, ainsi qu'aux prises de position du président Milon, toujours extrêmement éclairantes.

Nos échanges ont été riches, denses, évitant le piège du sectarisme, approfondissant les principes fondamentaux de notre République.

Quatre sujets restent en suspens : la date de fin de l'état d'urgence sanitaire, certaines mesures comme la quarantaine, le degré de responsabilité de ceux qui agissent dans le cadre de l'état d'urgence et l'article 6 qui ne mérite à mon sens ni excès d'honneur, ni excès d'indignité.

Sur chaque question nous avons dû arbitrer entre des principes, toujours en respect de celui de la proportionnalité. Je souhaite que cet état d'esprit prospère jusqu'à un accord en CMP.

« Je dis seulement qu'il y a sur cette terre des fléaux et des victimes et qu'il faut, autant qu'il est possible, refuser d'être avec le fléau », écrivait Albert Camus. Soyons donc de ceux qui combattent le fléau. Nous partageons cet objectif ; trouvons les solutions.

M. Dany Wattebled .  - Ce que nous craignions tant a pu être évité grâce aux efforts de tous : les hôpitaux n'ont pas été débordés. L'épidémie ralentit mais n'est pas vaincue. Dans les mois à venir, il nous appartient de rester sur nos gardes pour faire reculer le virus.

Nos concitoyens devront poursuivre leurs efforts. Le confinement, salutaire, ne saurait pourtant être davantage prolongé sans causer de dégâts sur la santé, la justice ou l'activité économique de notre pays.

Le groupe Les Indépendants se félicite que le Sénat ait mis fin à la prolongation automatique des détentions provisoires.

La reprise générale de l'activité doit être encadrée. L'augmentation de la propagation du virus doit rester la plus faible possible. L'outil numérique doit y contribuer. Ne nous en privons pas, mais encadrons son utilisation. Il fallait aussi préciser les conditions de la quarantaine.

Le groupe Les Indépendants se félicite du rôle renforcé donné au juge des libertés et de la détention, garant des libertés individuelles.

La quarantaine sera nécessaire pour enrayer l'épidémie, notamment dans les outre-mer.

La solution de cette crise ne saurait entièrement venir du Gouvernement. Chacun doit maintenir ses efforts. Le débat a mis en lumière le rôle incontournable des élus locaux. Le Sénat a eu raison de les protéger contre l'engagement de leur responsabilité pénale. Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de chacun pour réussir. C'est ensemble que nous vaincrons la maladie.

Ce projet de loi, amendé par le Sénat, a trouvé un équilibre satisfaisant. C'est heureux car rien ne saurait justifier le sacrifice de nos principes. « Vivre sans espoir, c'est cesser de vivre », écrivait Dostoïevski.

Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi.

M. Stéphane Ravier .  - Après six semaines et au moins 25 000 morts, le Gouvernement demande la prolongation de l'état d'urgence sanitaire. Le peuple français est un grand peuple, capable d'affronter les pires souffrances et d'accomplir les plus grands exploits, mais cela à condition que son chef lui dise la vérité et lui montre le cap. « On les aura ! », lançait Clemenceau, casque sur la tête, fournissant armes et munitions ; et on les a eus.

Mais ce Gouvernement est resté en seconde ligne, incapable d'offrir aucune protection aux Français. Les masques ? Trop techniques, a dit la porte-parole du Gouvernement. Inutiles selon le Premier ministre. Et voilà qu'ils seront bientôt obligatoires dans les transports publics sous peine d'amende.

Il est difficile de suivre des chefs qui ne savent pas où ils vont. Tout n'est que désordre et confusion. En banlieue, des émeutes éclatent dans une ambiance de racailles où l'on s'attaque aux policiers et aux pompiers.

Je l'ai dit il y a six semaines : vous avez menti, des Français sont morts et maintenant vous tremblez. Vous avez peur de la réaction des Français et peur de la justice.

Vous traitez nos concitoyens comme des enfants. Vous êtes prêts, dites-vous. Mais les Français ne sont plus prêts à subir des coupes budgétaires, à perdre leur emploi, à voir leurs anciens abandonnés et leurs proches mourir.

Restez chez vous, mais allez voter ; respectez les gestes barrières, mais mettez vos enfants à l'école, nous dites-vous. Les parents auront le choix entre perdre leur emploi et mettre leur enfant en danger - et vous vous défaussez sur les maires. Quand il y a le feu à la Nation, c'est à eux que vous faites appel ! La mort d'un enfant serait un drame impardonnable. Qu'un seul élève meure du coronavirus, et la sentence du peuple de France sera implacable. Vous serez reconnus comme responsables et coupables d'une politique criminelle. Naturellement, je voterai contre ce projet de loi.

À la demande du groupe CRCE, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°103 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 265
Pour l'adoption 240
Contre   25

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Je remercie le président de la commission des lois et celui de la commission des affaires sociales. Leur tâche était ardue ; ils ont su conduire, dans des conditions insatisfaisantes, un débat de qualité.

Je remercie aussi la présidente et les présidents de groupe. Nous avons abordé des sujets majeurs.

Nous ne pourrons pas poursuivre, de manière permanente, cette manière de légiférer. Notre assemblée, qui a un rôle de balancier stabilisateur, doit pouvoir prendre le temps, prendre de la hauteur.

Quant à la langue de bois qu'évoquait le président Sueur, monsieur le ministre, c'est une actinobacillose. (Sourires)

M. Olivier Véran, ministre .  - Je remercie les deux présidents de commission et l'ensemble des sénateurs. Nous avons fait un travail efficace, dans un temps contraint. J'étais heureux d'être avec vous pour mon premier texte législatif complet en tant que ministre.

L'essentiel a été maintenu. Il y a eu peu de velléités gouvernementales de revenir sur les décisions des commissions. Il s'agissait de faire valoir des arguments différents - et qui ne tente rien n'a rien. Ce projet de loi poursuit son chemin à l'Assemblée nationale. Je ferai mon possible pour que l'on puisse espérer une CMP conclusive. Les délais d'examen sont contraints, certes, mais ce sont les délais des Français qui le sont. Je comprends la saisine du Conseil constitutionnel, même si elle reportera d'autant l'application de ce texte.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 6 mai 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 5.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication