Urgence Covid-19 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi et du projet de loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

La procédure accélérée a été engagée sur ces deux textes.

Je rappelle que tous les orateurs, y compris le Gouvernement, s'exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Nominations à d'éventuelles CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein d'éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Réserve du titre premier

M. le président.  - Je vous indique que la Conférence des présidents a décidé la réserve du titre premier jusqu'à la fin de l'examen du texte.

Discussion générale commune

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - La France fait face à sa plus grave épidémie depuis un siècle. La crise est mondiale, avec 8 700 morts déjà, une propagation rapide de pays en pays, et une mortalité qui touche sans choisir, mais d'abord bien sûr les plus âgés et les plus vulnérables ; des prévisions épidémiologiques alarmantes qui peuvent faire craindre, si la riposte était défaillante, des centaines de milliers de décès à travers le monde.

La France est frappée de plein fouet et fait face avec détermination depuis janvier. Elle a recensé plus de 9 000 malades et déplore 264 morts à ce jour, un chiffre élevé et qui va s'accroître. Ni le Sénat ni l'Assemblée nationale ne sont épargnés, et je présente mes voeux de très rapide rétablissement aux parlementaires et fonctionnaires des assemblées malheureusement atteints.

Cette crise a des répercussions majeures sur tous les aspects de la vie de la Nation. En quelques jours, nos modes de vie, nos priorités, nos habitudes les plus courantes et nos préoccupations ont basculé. La vie économique, sociale, culturelle s'est comme figée.

Le Président de la République l'a dit : c'est une forme de guerre que nous menons et j'ai été frappé d'entendre la chancelière allemande, Mme Merkel, estimer hier qu'il s'agissait de la crise la plus grave que traversait l'Allemagne depuis 1945. Je m'inscris pleinement dans son analyse : cette période n'a rien de commun avec les crises économiques et financières connues depuis 1945.

Notre réaction, notre stratégie, notre objectif sont simples : faire face.

Dès janvier, nous organisions le rapatriement de nos compatriotes depuis la Chine et leur isolement rigoureux. À ce moment-là, certains disaient que, peut-être, nous en faisions trop. Dès les premiers « clusters » identifiés, dans l'Est, dans l'Oise, nous organisions leur confinement grâce à un travail méticuleux d'identification des cas contacts réalisé par les équipes du ministère de la Santé.

Pour 80 % des patients atteints, les symptômes sont bénins. Pour 10 %, ils sont sérieux. Et 5 % seront placés en réanimation. Or aucun système hospitalier ne peut tenir si ces 5 % arrivent au même moment ! Notre stratégie n'a pas varié : protéger les plus vulnérables, empêcher aussi longtemps que possible le virus de s'installer, en freiner au maximum la progression, pour aplatir le pic épidémique, pour donner à notre système de santé le temps de se mettre en ordre de bataille et pour nous rapprocher du moment où nous disposerons de traitements, voire de vaccins.

Dans l'Est, en Île-de-France, les hôpitaux font face à un afflux massif. Notre système tient le choc, au prix d'efforts considérables. Les personnels soignants sont la première ligne de la bataille, nous leur demandons l'impossible et ils accomplissent des miracles. Nous leur disons notre reconnaissance, comme le font les Français.

Dans un monde ouvert, rien ne peut être accompli sans coopération internationale. On le sait, c'est à la demande pressante de la France que se sont réunis en février dernier les ministres européens de l'Intérieur et de la Santé, alors que beaucoup estimaient qu'il n'y avait pas lieu de le faire... C'est en grande part sur l'insistance du Président de la République français qu'ont été prises les mesures sanitaires et la coordination aux frontières. La responsabilité première incombe aux États, mais nous devons coordonner les efforts de recherche ; tel était l'objet du récent sommet exceptionnel. C'est aussi par la solidarité européenne et internationale que nous jugulerons la crise - je salue les annonces de la Banque centrale européenne (BCE).

La bataille sera longue. Nous savons que le bilan en sera lourd. Nous n'avons à ce stade ni vaccin ni traitement, même si des essais cliniques laissent espérer des découvertes.

Nous agissons dans des délais courts, avec quelques principes simples. Humilité, d'abord. Nous ne savons pas tout. Confiance dans la science ensuite : toutes nos décisions sont fondées sur ce que nous disent les scientifiques. Nous ne leur déléguons pas la décision, et le consensus scientifique n'est pas chose aisée, mais nous entendons les avis.

Dernier principe, la transparence. Nous disons ce que nous savons, et ce que nous ne savons pas. La France saura surmonter cette épreuve à condition qu'on lui dise la vérité. Il y aura des discussions, des contestations et des polémiques sur nos choix. Discussions et contestations, même rugueuses, sont bienvenues. Nous en avons besoin.

Elles font avancer. Clemenceau, pendant la Grande Guerre, n'a jamais cessé de réunir le Parlement.

Les polémiques, elles, peuvent nous distraire et nous retarder. Je veux consacrer toute mon énergie à avancer. Le Président de la République et le Gouvernement sont engagés sans réserve, avec humilité et détermination ; nous sommes résolus à assumer nos décisions, prises sur la base de recommandations du corps médical.

Merci, monsieur le Président, merci aux présidents de groupe et de commission, d'avoir adapté leur organisation à des délais très resserrés et aux conditions sanitaires difficiles, pour que la démocratie parlementaire se mette en ordre de bataille.

Nous avons décidé, lundi, le confinement, une mesure sans précédent dans notre pays. Je mesure l'effort qu'il représente pour des millions de Français, contraints de travailler à distance, de gérer les inquiétudes, voire l'angoisse, de faire face à une baisse dramatique du chiffre d'affaires.

Je saisis ce moment pour le redire aux Français : ces mesures sont indispensables, ce sont les seules efficaces pour soulager les soignants et protéger ceux que nous aimons. Les négligences sont irresponsables, chacun a un rôle à jouer dans ce combat.

Les répercussions sur l'économie sont énormes, notamment dans des secteurs comme le transport aérien, avec des baisses de chiffre d'affaires de 50 %, voire 100 %. La crise bouleverse toutes les relations économiques, juridiques, administratives, ainsi que le fonctionnement des institutions démocratiques.

Le Président de la République a annoncé des mesures massives pour soutenir les personnes les plus fragiles, les salariés, les indépendants et les entreprises. Cela est nécessaire, pour ne pas ajouter l'angoisse sociale et économique à l'angoisse sanitaire.

L'urgence commande ; mais elle ne saurait aller sans respect du pouvoir de contrôle des deux assemblées.

J'ai donc l'honneur de vous présenter un projet de loi d'urgence assorti d'un projet de loi organique, et un projet de loi de finances rectificative, qui ont plusieurs objectifs.

Premier objectif : protéger quoi qu'il en coûte la population contre l'épidémie. Le deuxième consiste à prendre les mesures économiques et sociales que la situation impose. Le troisième vise à adapter temporairement certaines règles de droit. Enfin, quatrième objectif : tirer les conséquences de l'impossibilité d'organiser le second tour des élections municipales.

Le titre premier du texte initial concerne le report du second tour des élections municipales. Nous avons tenu le premier tour après une concertation et sur la base d'un consensus politique. Ces élections, c'est le temps fort de la démocratie ! J'avais réuni une partie des groupes politiques dès février, la question du maintien du scrutin avait alors été abordée. Et sur la base des avis scientifiques, nous avions maintenu le scrutin. Les scientifiques appelaient à une sensibilisation aux gestes barrières.

Jeudi dernier, au moment des annonces des premières mesures de confinement, la question a de nouveau été posée. Consulté à nouveau, le Conseil scientifique a estimé que le scrutin pouvait se tenir, pour peu que des consignes soient respectées. Samedi encore, nous consultions les experts. Qu'aurait-on dit si, par un décret pris nuitamment, nous avions annulé ou reporté le scrutin, alors que les Français continuaient, dimanche, à se promener tranquillement ? Certains auraient crié au coup de force.

Le scrutin s'est déroulé dans de bonnes conditions sanitaires ; mais l'inquiétude a saisi les Français, et la propagation du virus s'est accélérée. Nous avons donc décidé, lundi, le report du second tour, comme le recommandait le Conseil scientifique.

Le projet de loi en tire les conséquences.

Pour les communes où le premier tour n'a pas été conclusif, le second tour sera organisé en juin - sauf si le Conseil scientifique estime que c'est impossible : nous reviendrions alors devant vous pour décider de nouvelles mesures. Un rapport sera remis sur le sujet au Parlement à la mi-mai par le Gouvernement. Il évaluera aussi la possibilité d'installer les conseils municipaux déjà élus. À ce soir, les conditions ne sont pas réunies pour y procéder d'ici dimanche : vous partagez notre analyse. Notre solution est simple, claire et raisonnable : proroger les mandats des sortants pour assurer la continuité. Le 10 mai prochain, une séance publique sera organisée, où le Gouvernement expliquera ses choix au Parlement.

Le texte comprend aussi des règles pour clarifier un certain nombre de situations, comme celle des petites communes où le conseil municipal n'est pas encore au complet, ou pour assurer le bon fonctionnement des EPCI. Nous sommes ouverts à des améliorations.

Le titre II instaure l'urgence sanitaire et sociale. Nous gérons une pandémie. Les mesures que nous prenons méritent davantage qu'un arrêté ministériel. C'est pourquoi le projet de loi crée un cadre juridique clair et solide. Il est inspiré de la loi du 3 avril 1955 ; la prorogation du décret au-delà d'un mois passera par la loi. De telles mesures exceptionnelles, dans une démocratie, ne peuvent pas s'appliquer sans l'avis du Parlement.

Veillons aussi à ce que la loi nous permette de nous adapter à l'évolution de l'épidémie. Nous évoluons dans l'inconnu. Nous ne pouvons anticiper toutes les conséquences de cette vie mise sous cloche. Nous ne connaissons pas la durée, ni l'étendue, ni la nature des mesures à prendre, d'où la demande d'habilitation à procéder par ordonnances, notamment en matière économique.

Ce sont avant tout des mesures d'assouplissement de l'organisation du travail, de meilleure indemnisation du chômage partiel. Elles facilitent aussi la garde d'enfants.

Ces mesures sont enfin celles qui protègeront les plus fragiles : les sans-abri et les personnes handicapées notamment. Les expulsions locatives seront suspendues. Il y a aussi des mesures de bon sens. Les assemblées générales de toute nature, comme les réunions de copropriété, seront simplifiées, pour éviter d'avoir à se réunir ; les délais légaux dans les procédures juridiques en matière civile seront assouplis. Elles doivent nous aider à surmonter le gros de la tempête. Ensuite, malgré ses conséquences graves sur l'économie, la vie reprendra.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit plus de 45 milliards d'euros de soutien aux entreprises, 32 milliards d'euros de report de charges. Les indépendants bénéficieront d'un fonds de soutien d'un milliard d'euros.

Nous mettons également en place un système de garanties pour des crédits bancaires afin que les banques continuent à prêter aux entreprises et à soutenir leur trésorerie, avec un différé de remboursement.

Je remercie les assemblées de faire prévaloir l'union. Dans le même esprit, le Président de la République a décidé de suspendre l'examen de la réforme des retraites.

La France combat un ennemi silencieux, invisible, aveugle. La survenue d'une telle crise sanitaire est redoutée depuis longtemps : la vie a décidé qu'il nous reviendrait de l'affronter. Aux côtés de nos compatriotes, nous devons y faire face dans un esprit de responsabilité. Cette bataille, on le voit déjà, aura sa part d'ombre, de vols, de trafics, d'accapareurs, de profiteurs ; de violence, de bassesse, de polémiques, triste reflet de ce que l'homme peut produire lorsqu'il a peur et oublie qu'il appartient à une grande nation. Mais elle connaîtra surtout ses héros, ceux que nous saluons, et d'autres qui se révéleront. Elle connaîtra aussi ses victimes, dont il faut limiter le nombre.

Nous sommes une grande Nation. La facilité des temps tranquilles nous le fait oublier parfois. Nous vaincrons grâce à nos forces et à notre grandeur. Nous repartirons ensuite sur un pied nouveau. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SOCR)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - Depuis les mesures drastiques prises par le Gouvernement, c'est la première fois que nous sommes réunis en séance publique. Le Gouvernement agit, le Parlement doit répondre présent pour contribuer à relever ce défi exceptionnel lancé à notre pays et à chacun de ses citoyens. Le Parlement est présent, dans toutes ses composantes, pour représenter, et il est le seul à pouvoir le faire, la diversité de nos compatriotes. Il est uni, je l'espère, dans cette période si difficile de notre Histoire, où nous devons faire face et nous montrer à la hauteur des difficultés.

Nous portons la voix des Français, celle de la peur, mais aussi du sang-froid et de la responsabilité dans la tempête. L'épreuve, hélas, va s'aggraver ces prochains jours, avant l'amélioration que nous espérons.

Nous assumerons nos missions législatives et de contrôle. Nous devons être aux côtés des Français et assumer notre rôle constitutionnel pour ne pas laisser l'exécutif seul face à la crise. Nous prendrons notre part du fardeau. Je remercie le Premier ministre d'avoir rappelé l'importance de notre rôle, manifesté son intention de s'expliquer devant les représentants des Français, et reconnu l'obligation de passer par nous pour prendre des mesures exceptionnelles. Nous porterons l'exigence de dialogue, de transparence autant que d'unité nationale pendant cette période.

Le combat est celui de l'État comme celui de chacun de nos compatriotes. Chacun doit pouvoir dire : « le virus ne passera pas par moi ». Je salue l'esprit de discipline et de responsabilité des Français, qui ont désormais pris la mesure de la situation. Je salue aussi l'engagement des élus, des soignants et des agents publics.

La commission des lois a veillé à mettre la sécurité sanitaire des Français au premier plan des priorités, tout en veillant à ce que les autorités disposent de moyens d'accompagnement exceptionnels, et que les moyens dérogatoires du droit soient strictement proportionnés aux besoins.

Elle a souhaité, en outre, que les restrictions apportées aux libertés fondamentales soient proportionnées, temporaires, et soumises au contrôle du Parlement.

L'état d'urgence sanitaire permettra au Gouvernement de prendre des mesures restrictives : elles doivent être limitées et relever strictement des catégories énoncées par le législateur. Les règles de quorum et de procuration seront aménagées pour que les conseils municipaux puissent se réunir dans de bonnes conditions.

Afin d'éviter de nous éloigner trop des règles du droit commun, les déclarations de candidatures pour le second tour des élections municipales devront être déposées dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Je salue l'effort du Gouvernement sur l'élection des maires et des adjoints. Nous étions d'accord, la présidente Braun-Pivet et moi, pour que, si les élections étaient maintenues, des dispositions exceptionnelles soient prises afin que les maires puissent être élus par les conseils municipaux sans que tout le monde soit présent.

La commission des lois proposera un dispositif maintenant en place les élus de 2014 tant que durera le confinement. Un rapport sera rendu le 15 mai. Si la situation s'améliore, les élections pourront avoir lieu en juin. Sinon, le Gouvernement devra revenir devant le Parlement pour d'autres dispositions. La démocratie ne saurait être mise de côté. Du reste, si les maires n'étaient pas là dans la période actuelle, tout serait plus compliqué... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Franck Montaugé et Jean-Claude Tissot applaudissent également.)

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - À intervalle régulier dans son Histoire, le peuple français a été menacé par des défis graves, dont il a toujours su se relever. Un tsunami sanitaire et économique a commencé et la France doit rester debout.

La crise rappelle la valeur inestimable de la solidarité nationale, de notre service public et la formidable énergie collective de notre Nation. Rendons hommage à ces femmes et ces hommes qui oeuvrent, chaque jour, pour endiguer la crise ou en atténuer les effets.

Je pense en particulier à nos agriculteurs, à nos industriels, aux salariés du commerce, qui garantissent aux Français une alimentation suffisante, même quand les rayons des magasins sont assaillis par des consommateurs inquiets.

Le choc économique actuel agit à la fois sur la demande et sur l'offre. Il affectera fortement notre modèle. La France affrontera cette année une récession, peut-être pire que celle annoncée à ce stade par le Gouvernement, si la pandémie venait à durer.

C'est pourquoi la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à toutes les mesures du titre III. Néanmoins, nous avons des questions. Pouvez-vous nous confirmer que tous les professionnels sont visés par l'article 7 indépendamment de leur statut juridique, y compris par exemple les associations de l'économie sociale et solidaire, ou les professions libérales ?

Vous évoquez un seuil de 70 % de perte de chiffre d'affaires pour le mois de mars pour être éligible au fonds de solidarité. Ce seuil nous paraît trop élevé, notamment parce que le mois de mars est déjà entamé et que la comparaison avec mars 2019 se fait sur la base d'un mois marqué par la crise des gilets jaunes. Ce seuil est inadapté.

Chacun comprend que, dans ces circonstances, nous dérogions au droit commun du travail ou du commerce, mais il n'y a pas dans ce texte de limitation dans le temps. Or il y aura bien retour au droit commun. Quand se fera le retour à la règle : six mois, un an, après la fin de la crise ? L'indemnisation du chômage partiel est prévue sur la base des 35 heures, or certaines conventions collectives prévoient 39 heures hebdomadaires, voire plus.

Enfin, nous sommes étonnés que le monde des assurances ne contribue pas à l'effort de la Nation. (Approbation sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE)

Nous soutenons les efforts du Gouvernement mais nous serons vigilants sur l'application et l'équité des mesures. Nous suivrons leur mise en oeuvre en nous appuyant sur les retours du terrain, secteur par secteur, aussi bien des PME que des grandes entreprises. C'est pourquoi je soutiens l'initiative sénatoriale d'un suivi méthodique de l'application de ces mesures.

La crise atteindra également structurellement notre modèle économique. Elle nous montre que nous sommes entrés dans une période de graves incertitudes géopolitiques, écologiques, sanitaires et donc économiques. Après les « trente glorieuses », nous sommes sans doute entrés dans les « trente dangereuses ». Des chocs remettent en question notre modèle de société.

Dans ce monde incertain, la France ne manque pas d'atouts. Elle doit rester guidée par trois valeurs du modèle français : la souveraineté, la responsabilité et la résilience.

La souveraineté tout d'abord - économique, numérique, énergétique et alimentaire. La crise l'a montré, et la gaulliste que je suis en est convaincue : il faut cesser de croire aveuglément que nous pouvons compter sur les autres autant que sur nous-mêmes, il ne faut pas prendre à la légère notre destin économique ou alimentaire.

La responsabilité ensuite. L'État comme les collectivités territoriales auront une responsabilité immense. Il nous faut redécouvrir le temps long et en finir avec un court-termisme qui nous désoriente. Stoppez les cotations boursières !

Chacun, citoyen, consommateur, salarié, entrepreneur devra modifier ses attitudes pour prendre en compte les conséquences collectives de ses décisions individuelles.

La résilience enfin : la France de demain doit repenser sa capacité à réagir aux défis qui lui seront posés. Le rôle de l'État doit évoluer : plus régulateur, sans doute plus stratège, plus économe en période de croissance, pour disposer de plus de ressources budgétaires en cas de crise.

Le secteur privé doit réinventer de nouveaux modèles d'assurance, de nouveaux services, en particulier dans le domaine numérique pour faire face aux crises à venir.

Enfin, la société elle-même doit organiser sa propre capacité de résistance sociale, générationnelle et solidaire. Résilience, souveraineté, responsabilité : voilà le cap qu'il nous faut fixer dans cette tempête.

Nous relèverons ce défi. La France et son peuple sont puissants, l'Histoire ne cesse de le montrer. Mais la France devra changer, en particulier son modèle économique, pour mieux résister aux orages qui s'annoncent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales .  - Les circonstances exceptionnelles qui nous réunissent appellent des mesures exceptionnelles.

Parmi les dispositions du projet de loi ordinaire, la commission des affaires sociales s'est saisie pour avis du titre II, instaurant un état d'urgence sanitaire, ainsi que de l'article 7, qui prévoit l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances plusieurs mesures touchant le droit du travail ainsi qu'en matière sociale.

Deux principes ont guidé notre examen : la nécessité et la proportionnalité, avec le souci de ne pas aller plus loin que ce que nous prescrit la situation difficile actuelle et à venir - pour une période indéterminée.

Il nous a semblé que les dispositions de l'article 7 étaient nécessaires et proportionnées, à deux exceptions près.

Sur le titre II, en revanche, il est légitimement permis de s'interroger sur la nécessité d'un nouveau dispositif s'ajoutant au droit actuel.

La création d'un état d'urgence sanitaire répondrait à la nécessité de conforter la base légale du décret pris par le Premier ministre le 16 mars dernier, relatif aux mesures de confinement, par définition restrictives de certaines libertés publiques, qui s'imposent à nous depuis bientôt trois jours. Le Conseil d'État a estimé indispensable la définition d'une nouvelle base légale... dont nous n'avons pas approuvé toutes les modalités.

À notre sens, quatre difficultés pouvaient survenir : d'abord, le caractère pérenne du dispositif proposé, qui s'ajoutait aux dispositifs d'urgence sanitaire existants, au risque d'une concurrence juridique ; ensuite, le périmètre initial des restrictions aux libertés d'aller, de venir et de se réunir débordait largement les mesures du décret du 16 mars 2020 et faisait courir le risque d'une disproportion des mesures administratives ; en outre, certaines ambiguïtés relatives à l'articulation des rôles entre le ministre de la santé et le ministre de l'intérieur, que le décret du 16 mars 2020 mentionne ; enfin, un élargissement problématique des compétences du préfet, délégataire de l'ensemble des compétences normalement exercées par l'échelon ministériel.

Les modifications de la commission des lois apportent des corrections satisfaisantes.

Il nous faudra redéfinir ensemble, lorsque cet épisode douloureux sera passé, le régime juridique de l'urgence sanitaire, qui ne peut se satisfaire d'interventions législatives précipitées. Les conditions dans lesquelles nous légiférons, avec un texte connu seulement hier soir, ne nous laissent guère la capacité d'élaborer un dispositif d'exception pérenne et proportionné.

Sur l'article 7, deux remarques : les circonstances exceptionnelles ne sauraient constituer le support du recyclage de dispositions censurées par le Conseil constitutionnel - je pense aux assistantes maternelles ; et nous devons veiller en toutes circonstances à ne pas porter d'atteintes démesurées aux droits des salariés. C'est le sens de notre amendement sur le régime des congés payés.

Enfin, la commission des affaires sociales a rappelé que la protection des salariés était une obligation de résultat pour l'employeur. Le défaut de protections suscite des angoisses légitimes et n'est pas acceptable, s'agissant de personnes essentielles à la vie du pays. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Éliane Assassi .  - Cette séance, exceptionnelle, souligne la gravité de la crise. Notre présence dans un Paris désert souligne aussi la volonté du Parlement de tenir son rang et d'assurer à la République un équilibre des pouvoirs nécessaire en toutes circonstances.

Le virus se répand, l'épidémie gagne, des mesures extrêmes, lourdes, sont nécessaires.

Chers compatriotes, prenez soin de vous, restez chez vous, protégez les autres par votre prudence, respectez les consignes d'hygiène, les fameux gestes barrières, faites grandir la solidarité, soutenez les plus vulnérables, et affichez un soutien sans faille aux personnels de santé qui, dans des conditions d'une difficulté inimaginable, affrontent la maladie. Comment ne pas les applaudir ? Malgré un manque de moyens criant, ils sont là, debout, jour et nuit. Les femmes sont en première ligne, dans les hôpitaux, les Ehpad, mais aussi les magasins d'alimentation.

Oui, monsieur le Premier ministre, il y a urgence, grande urgence. Notre groupe fera sien l'appel à l'unité de la Nation, pour franchir cette épreuve dramatique. Comme nous l'avons prouvé en d'autres époques, nous sommes responsables ; le temps des controverses viendra plus tard. L'urgence, c'est de sauver des vies.

Le projet de loi, cependant, malgré les annonces d'Emmanuel Macron, ne marque aucune rupture avec les désastreuses politiques de santé publique qui nous ont amenés là où nous en sommes, à la situation de l'hôpital décrite par Laurence Cohen.

Le Président de la République, martelant « coûte que coûte », a pourtant appelé à doter la santé de moyens supplémentaires, parce que des biens et services devaient être en dehors des lois du marché ; mais rien là-dessus dans le projet de loi de finances rectificative...

Ce texte, au-delà des mesures d'urgence économique, laisse peu de place à l'urgence sanitaire elle-même.

Nous attendions des mesures d'urgence et des aides massives, immédiates, pour la fabrication des masques et le développement des tests, pour les personnels de santé, bien sûr, mais aussi pour d'autres professions, dont les policiers et les pompiers.

Le soutien à l'économie, fondamental, occulte le soutien à notre système de santé. Nous n'acceptons pas le poids que vous faites peser sur les salariés, première variable d'ajustement de la gestion des entreprises. Vous avez renoncé à suspendre les licenciements, alors que Muriel Pénicaud l'avait annoncé. Vous rétablissez le travail du dimanche. Et, jamais, vous ne demandez aux actionnaires et aux assureurs privés de mettre la main à la poche !

Ce texte pose aussi un problème démocratique. Certes, il faut agir vite, mais on ne peut mettre le Parlement sur la touche, en renvoyant à un ou deux mois un premier vote d'approbation de votre politique, alors qu'un délai de douze jours était prévu lors des états d'urgence précédents.

L'introduction de l'état d'urgence dans le code de la santé publique ne facilite-t-elle pas sa mise en oeuvre ultérieure ? Nous proposons la mise en place d'un comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, pluraliste, pour accompagner et contrôler l'action du Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, monsieur le président du Sénat, monsieur le ministre de l'Intérieur, merci d'avoir réuni les présidents de groupe pour échanger sur le report du second tour des élections municipales, mais on ne peut continuer ainsi : il faut un comité de suivi pluraliste se réunissant chaque semaine, dont les conclusions seraient rendues publiques.

Le report du deuxième tour est une bonne chose, mais pourquoi fixer au 24 mars la date limite du dépôt des listes ?

Cette grave crise sanitaire pose des questions planétaires sur notre modèle de société. La mondialisation sauvage, financière, qui privilégie à outrance le profit sur l'humain ne pourra plus suivre son cours. Beaucoup évoquaient le réchauffement climatique, c'est un virus au coeur de l'homme qui peut ouvrir la conscience de ceux qui ne croient qu'à l'argent.

Nous ne nous opposerons pas à ce texte, mais réservons notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Jamais un réalisateur de film catastrophe n'aurait imaginé un tel scénario ! Au début de l'hiver, sur un marché chinois où l'on vend pêle-mêle toutes sortes d'animaux à plumes et à poils, de champignons et de plantes médicinales improbables, et où des chauves-souris nichent dans les plafonds, un vieil homme achète à la découpe un animal bizarre : le pangolin. Il l'emporte, le prépare, le mange et meurt en quelques jours, bientôt suivis par d'autres clients du même marché. Les apparatchiks locaux, terrifiés à l'idée, assez plausible en Chine, d'être châtiés pour un événement dont ils ne sont pas responsables, menacent les soignants des pires sanctions s'ils ébruitent l'épidémie. Un jeune médecin passe outre. Il voit son compte WeChat bloqué puis meurt quelques jours plus tard de la maladie qu'il vient de découvrir. Entre le 17 novembre, date du premier cas, et l'annonce par les autorités chinoises en janvier de l'apparition d'un nouveau virus, nous avons perdu deux mois. Un petit foyer d'infection devient une pandémie.

Scène suivante : dans un palais à Ryad. La Chine est à l'arrêt, le cours du pétrole vacille. L'OPEP propose une réduction commune de la production à Poutine, qui refuse. Mohammed ben Salmane se venge en cassant les prix pour étouffer son concurrent. Le cours du Brent s'effondre. Les marchés plongent.

Dernière séquence : l'épidémie devient infodémie. Les informations et remèdes les plus farfelus se succèdent sur les réseaux antisociaux. Les chaînes d'infos en continu en concurrence effrénée ne trouvent plus assez d'experts de seconde zone pour répéter n'importe quoi. Plus personne ne comprend rien, la peur s'installe.

Ce film, que même Orson Welles n'aurait osé imaginer, c'est l'état du monde aujourd'hui.

Premier impératif : l'humilité. Si l'hémicycle devient une tribune politicienne, les Français ne nous le pardonneraient pas. Ils attendent des actes. La question n'est pas de s'écharper sur les élections municipales. Prenons garde au hors sujet !

Lorsqu'on a la chance de posséder l'un des meilleurs systèmes de santé au monde et des professionnels dont je tiens à saluer la compétence, le courage et l'abnégation, il faut faire confiance aux autorités sanitaires face à la marée des fake news, du complotisme et de la peur. Elles n'ont pas toutes les réponses, face à un ennemi inédit, mais elles sont pertinentes.

Prendre des mesures de confinement trop drastiques, c'est tuer l'économie ; ne pas en prendre, c'est laisser mourir des Français. Comme Nicolas Sarkozy avec les subprimes et François Hollande avec le terrorisme, il faudra au Président de la République, confronté à la plus grave crise de son mandat, beaucoup de force de conviction, de doigté, de sincérité.

Jusqu'à dimanche, on s'étonnait dans le monde de l'insouciance des Français, peuple rebelle, rétif aux consignes, réunis par milliers dans les parcs sous le soleil. Depuis lundi, spectacle saisissant, ils se comportent en citoyens, comme souvent dans les crises que l'Histoire leur a imposées.

Je ne suis pas pessimiste. La Chine, la Corée du Sud démontrent qu'avec des mesures adaptées la victoire sur l'épidémie n'est qu'une affaire de semaines, non de mois. La crise économique sera beaucoup plus profonde que celle de 2008, mais aussi beaucoup plus courte.

Ce sera ensuite une frénésie de consommer, de voyager, d'aimer, de vivre en somme.

Je l'ai vécu, souvent, dans des pays bien plus vulnérables que le nôtre. Il n'est rien de plus facile, nous disent les livres d'histoire, que d'oublier une épidémie, une guerre ou une catastrophe lorsqu'elle est terminée. Sans doute est-ce par cette capacité à confiner le malheur que l'humanité a su surmonter des crises infiniment plus graves que celle-ci. Nous la surmonterons. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce projet de loi décline les dernières annonces du Président de la République, que vous avez précisées, monsieur le Premier ministre. Nous sommes en guerre ; l'État soutiendra notre système de santé « quoi qu'il en coûte ».

Il y a 200 000 personnes infectées et plus de 8 200 décédées à ce jour : la situation nous invite à la responsabilité, à la solidarité. L'Europe est désormais le premier foyer de cette terrible pandémie.

Les mesures barrières n'ont pas été suivies par un grand nombre de nos concitoyens. Ainsi le Gouvernement a dû renforcer les mesures de précaution.

Cette situation sanitaire nous oblige à faire preuve de responsabilité, de réactivité, d'adaptation et de solidarité. Le projet de loi en est une traduction.

Le titre 2 répartit les pouvoirs entre le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, celui de la Santé et le représentant de l'État, par délégation.

Nous manquons de matériels suffisants pour nos soignants : c'est pourquoi je remercie les industriels qui ont pris l'initiative de produire des masques et des gels pour sécuriser l'activité des soignants, salués par les plus hautes autorités de l'État, applaudis chaque soir à 20 heures, et dont j'espère qu'ils bénéficieront d'une reconnaissance autre que symbolique.

À la crise sanitaire sans précédent s'ajoute une crise économique majeure. À long terme, la pérennité des entreprises, l'emploi des salariés, notre modèle économique en général, sont menacés.

Le projet de loi prévoit un train de mesures à prendre par ordonnances, notamment pour les TPE-PME et les artisans. Nous saluons ces dispositions, mais il reste une incertitude sur le report des cotisations Urssaf pour les PME et sur l'arrêt des chantiers. Dans quelles mesures les assurances privées pourront-elles être sollicitées au titre des garanties des pertes d'exploitation, notamment pour les restaurateurs ?

Cette crise interroge sur nos orientations économiques et sur la relocalisation des activités : il faudra un grand plan de formation et d'apprentissage pour réapprendre certains savoir-faire.

Nous ne doutons pas que le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour sortir de cette crise et nous vous accompagnerons pour cela. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Merci au Gouvernement d'avoir accepté de réserver le titre premier : il convient de discuter d'abord des mesures sanitaires avant de nous pencher sur les élections municipales.

Les Français acceptent les sacrifices et serrent les rangs ; le dévouement, la compétence, l'abnégation du corps médical vous obligent, monsieur le Premier ministre, à entendre ses justes revendications. Le service public est notre ADN républicain.

La démocratie doit demeurer exigeante. Elle n'est pas plus faible qu'un régime autoritaire pour faire face à un péril sanitaire : nous le prouverons. Il faut trouver un équilibre entre le maintien de l'ordre public et la préservation de nos libertés.

L'état d'urgence sanitaire diffère de celui que prévoit la loi du 3 avril 1955. Pourtant, ce texte est inquiétant. La loi de 1955 prévoit un contrôle continu du Parlement ; ici, le Parlement n'aura pas même connaissance des mesures prises dans ce cadre, alors qu'elles limitent de nombreuses libertés fondamentales. Cela ne nous convient pas. Aucun contrôle parlementaire n'est prévu ; pourtant, s'il est possible de réunir quatre commissions cette semaine, il doit être possible de voter les mesures prises au fil de l'eau.

Résistons à la tentation des exceptions au régime d'exception. Aucun comité scientifique ne peut être l'alpha et l'oméga de la décision politique. Il ne le demande pas d'ailleurs. Le comité scientifique devra être entendu par notre Parlement.

Je suis aussi inquiet de l'absence de définition de la notion de catastrophe sanitaire. Cela pourrait inclure des épidémies bénignes. Le champ d'application de la loi est incertain, ce qui laisse des marges d'appréciation illimitées.

Il faudrait prévoir a minima une caducité automatique de ce régime.

Enfin, nous ne pouvons accepter les lourdes dérogations au code du travail : d'où nos amendements. Les salariés ne doivent pas subir en première ligne cette crise. Ce sont les exigences minimales de la démocratie représentative.

Après le drame, la France se redressera. C'est pour cela que nous sommes fiers de la servir.

Mme Nathalie Delattre .  - Les Français font face depuis trois jours à des mesures lourdes, mais vitales. Confinés chez eux, ils ont suivi les prises de parole du Président de la République. Nos concitoyens respectent avec attention l'arsenal des mesures déployées par le Gouvernement pour protéger leur santé, assurer leur sécurité, maintenir leur emploi et garantir leur vote.

L'urgence et la gravité de la situation nous réunissent aujourd'hui, dans cet hémicycle, pour transcrire dans la loi les annonces faites à nos concitoyens et à nos élus. En tant que parlementaires, nous devons permettre l'inscription dans nos textes et l'application dans les faits de ces mesures d'urgence. S'il est difficile d'imaginer dès aujourd'hui toutes les conséquences qu'aura dans les jours, les semaines, et les mois qui viennent la pandémie, nous devons tout de même nous y employer.

Nous devons élaborer le cadre législatif d'un nouvel état d'urgence sanitaire pour les Français tout en veillant à ne pas empiéter sur leurs droits.

Les interdictions en vigueur concernant la liberté d'aller et de venir, la liberté de réunion ou la liberté d'entreprendre sont circonscrites dans le temps et dans l'espace. Pour garantir le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement même dans des circonstances exceptionnelles où l'unité nationale doit prévaloir, l'Assemblée nationale et le Sénat doivent être informés sans délai des mesures prises pendant l'état d'urgence que le Parlement reste le seul habilité à proroger.

Nous devrons également débattre de la durée d'habilitation à légiférer par ordonnances.

Enfin, je me félicite de l'adoption en commission de l'amendement que j'ai cosigné avec Jacqueline Eustache-Brinio pour prolonger la durée des commissions d'enquête, qui ne pourront pas procéder à leurs travaux et leurs auditions.

Nous devons tenter de répondre efficacement aux effets que la crise pourrait avoir pour notre économie et ses acteurs. Soutien à la trésorerie, aide à l'activité partielle, report du paiement des loyers et limitations de cessation d'activité et de licenciements sont essentiels à la survie de nos entreprises, en particulier nos TPE-PME qui constituent 99 % de notre tissu économique. J'ai défendu un amendement adaptant le dispositif prévu en cas de catastrophe naturelle au régime d'urgence sanitaire permettant aux départements de soutenir les entreprises. Je me réjouis que le Gouvernement ait été sensible à cette proposition et qu'il se soit engagé à la mettre en oeuvre par ordonnance.

Nous devons aussi anticiper l'impact que la mise en suspens de notre vie quotidienne pourrait avoir pour les demandes de validité de titres de séjour, pour les questions prioritaires de constitutionnalité, pour le nombre d'enfants pouvant être gardés par un même assistant maternel agréé ou pour le respect des horaires de travail. Les mesures appropriées sont intégrées au projet de loi.

La nécessité d'agir vite, de manière proportionnée, dans chaque domaine de la vie économique et sociale de notre pays, doit faire loi - en respectant le cadre de notre démocratie...

Des dispositions sont devenues indispensables à la réorganisation démocratique de nos assemblées locales, face au flottement qui résulte de la tenue du premier tour des élections municipales, mais qui ne permet pas la tenue du second tour pour quelque 5 000 communes.

Nous devons asseoir les bases d'un pouvoir exécutif local stable, capable d'accompagner nos administrés en ces temps difficiles. Le combat contre le Covid-19 ne pourra se faire sans nos élus de proximité - c'était le sens de ma question d'actualité au Gouvernement. Il faut reporter l'installation des conseils municipaux à la fin du confinement. En cas de démission d'un maire, le préfet prendra le relais.

Rien ne justifie la précipitation dans le dépôt des listes. J'ai déposé un amendement introduisant une obligation de dépôt douze jours avant le second tour.

Ces urgences ne doivent pas nous dispenser de l'avis du Conseil constitutionnel sur les mesures que nous prendrons.

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Nous sommes au coeur d'une crise majeure qui met en péril des centaines de milliers de vies, menace la santé de nos concitoyens. Le degré de responsabilité est d'autant plus élevé que l'épidémie est mondiale. Nous devons préserver des vies dans un contexte de profonde incertitude scientifique.

La démarche retenue par le Gouvernement est une action de défense dynamique. Il ne s'agit pas seulement d'arrêter des activités, il faut être proactif. Le Parlement doit s'associer à cette mission, notamment en soutenant le maintien des services publics, mais aussi des activités économiques essentielles du pays. Cela suppose d'assurer le fonctionnement régulier des institutions et de rester dans un État de droit plein et entier.

Des millions d'acteurs contribuent à cette dynamique : les salariés du service public et du privé, notamment dans le secteur des services aux personnes, les soignants, les élus, qui continuent à travailler malgré les risques. Le débat, comme l'a souligné le président de la commission des lois cet après-midi lors de notre réunion, porte sur le maintien du cadre de l'état d'urgence existant, conçu dans un contexte de conflit armé, ou sur la création d'un dispositif original, qui ne soit pas calqué sur le modèle sécuritaire.

Nous devons donner une base légale solide et équilibrée, au regard de l'État de droit, à ce régime. Il nous faut aussi adopter les mesures de soutien à l'action économique, dans un contexte de très fort ralentissement, très bien dessiné par le président Malhuret tout à l'heure. Nous devons tout faire pour que ce ralentissement ne se mue pas en paralysie. Il y aura rapidement des ordonnances avec des habilitations encadrées qui permettront un contrôle du Parlement. L'idée qu'il s'agit de la crise la plus grave depuis un siècle nous invite à faire appel à nos souvenirs historiques.

La grippe de 1919-1920 était déjà internationale, malgré des déplacements de personnes beaucoup plus limités à l'époque. Son caractère par vagues successives doit nous interpeller pour la suite de la présente pandémie.

Quant à l'adaptation de nos collectivités territoriales à ce moment de crise, il faudra assumer le caractère imparfait de l'installation des exécutifs locaux, la priorité devant aller à la continuité légale du fonctionnement de nos collectivités.

Je salue la compréhension, l'unité qui a présidé à nos débats. Plaçons-nous à cette hauteur, en sachant qu'il faudra reprendre le dialogue avec le Gouvernement dans les semaines qui viennent sur le pilotage de cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit aussi.)

M. Philippe Adnot .  - L'heure est à la solidarité nationale, pas à la critique politique ; l'heure est à la reconnaissance envers les soignants qui se dévouent malgré des moyens insuffisants, et envers ceux qui se mobilisent pour l'économie du quotidien.

Or il n'y a pas assez de gels, ni de masques, ni de lits. L'heure viendra de rendre des comptes, de relever les manquements et de tirer les leçons de ces dysfonctionnements, afin que notre société soit mieux organisée, mieux préparée, en situation de mieux réagir.

Pour l'heure, nous devons voter ces textes sans hésiter ni barguigner, mais sans renoncer non plus à l'exigence de contrôle en matière financière. Les coûts seront énormes, mais il faut les engager.

Il faudra peut-être utiliser les comptes épargne temps, les RTT, voire supprimer les jours fériés de mai pour assurer le redémarrage de l'économie. Ne nous y trompons pas : après la situation sanitaire extrêmement difficile, la situation financière ne le sera pas moins.

Dans les municipalités, je suis favorable à ce que les préfets permettent aux équipes qui ont été élues dimanche d'accéder aux responsabilités.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que l'épidémie du nouveau coronavirus a connu une forte progression dans notre pays ces derniers jours, le chef de l'État et le Gouvernement ont proposé une série de mesures d'une ampleur considérable, visant à maîtriser la situation et ralentir la progression du virus, dont nous discutons de la concrétisation législative.

Je tiens à rendre hommage à tous ceux qui, face à la maladie, sont au premier rang : les personnels soignants et les membres des forces de sécurité. Si, comme l'a affirmé le Président de la République, nous sommes en guerre, alors ce sont eux les soldats les plus exposés du front ; eux dont le dévouement dans l'assistance aux malades et dans la mise en place des mesures de sécurité sanitaire doit tous nous inspirer, et nous inciter à agir avec solidarité et responsabilité.

Dans cette épreuve, l'entraide et l'assistance offertes à son prochain sont d'autant plus essentielles et permettront de protéger les membres les plus fragiles de notre société.

Nous sommes face à un péril contre lequel l'égoïsme et l'indifférence sont autant de facteurs susceptibles de compliquer le travail des soignants, et par conséquent de mettre en péril des vies humaines. Il faut que chacun prenne ses responsabilités, avec sérieux et sans pessimisme. Agissons avec discernement, en respectant les préconisations des autorités sanitaires et en évitant de colporter des informations douteuses.

La question la plus complexe juridiquement est sans doute celle des conséquences à tirer du report du deuxième tour des élections. Nous nous trouvons dans une situation inédite, où cohabitent durablement des milliers de communes où un nouveau conseil municipal a d'ores et déjà été élu, avec d'autres où un deuxième tour demeure à organiser à une date ultérieure.

Des adaptations du droit ont été proposées par le Gouvernement, repoussant les fins de mandats, ajustant les procédures destinées à compléter les conseils communautaires.

Ajuster la loi aux circonstances est impératif. Cependant, certaines de ces mesures sont discutables. Ainsi de la fixation de la date de dépôt des listes pour le second tour. Il serait préférable de la fixer explicitement rapidement, plutôt que de la remettre au deuxième lundi précédant une date de scrutin encore incertaine, faisant par-là sortir encore davantage le déroulement de ces élections du droit commun.

Le texte du Gouvernement permet dans les petites communes l'élection d'un maire temporaire. Cette solution soulève des interrogations sur la sincérité du second tour du scrutin. En l'état actuel du droit, le maire sortant continue d'assurer après le premier tour certaines fonctions de gestion des affaires courantes et des urgences. N'est-il pas plus simple de prolonger le mandat des conseillers municipaux précédents et de prévoir le maintien de cette situation jusqu'au nouveau conseil municipal ?

La situation des communautés de communes est également complexe. Le Gouvernement semble privilégier la solution de l'exécutif temporaire.

Ces questions ne sont que les plus urgentes, car bien d'autres problématiques existent pour les collectivités. Il sera nécessaire d'adapter les règles afin de rendre possible un fonctionnement à distance. Faisons confiance à nos élus locaux.

Enfin, le texte ordinaire prévoit la création d'un état d'urgence sanitaire, reprenant de manière transparente certains des modes d'action de la loi de 1955 relative à l'état d'urgence. Il s'agit d'un outil puissant de lutte contre l'épidémie. Par certains aspects, il est plus exigeant que l'état d'urgence ordinaire - par exemple, sur le plan des réquisitions.

Cependant, tout comme ceux issus du dispositif de la loi de 1955, les pouvoirs accordés par l'état d'urgence sanitaire doivent être utilisés avec prudence, en prenant soin de systématiquement s'assurer de l'équilibre entre libertés publiques et exigences de la sécurité sanitaire. Il est essentiel que le Parlement évalue ces politiques et contrôle l'action du Gouvernement.

Le groupe Les Républicains votera ces textes et apportera sa contribution à la résolution de la crise sanitaire, sans jamais cesser de faire preuve de la vigilance et de l'exigence essentielles à l'action parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Face à cette crise sanitaire unique, le temps des interrogations et du bilan viendra plus tard. L'heure est à la cohésion nationale et à la solidarité. Je salue l'esprit de solidarité des différents groupes politiques et du président rapporteur, Philippe Bas.

Les maires, fidèles serviteurs, sont pleinement engagés aux côtés de l'État. Leur fonction et leur action doivent être sécurisées.

Le groupe de l'Union centriste souscrit à cet égard aux propositions de la commission des lois. Le maintien du dépôt des listes dans la foulée du premier tour est bienvenu ; mais il est impossible de traiter toutes les questions dans ce contexte mouvant. Chacun doit rester humble dans un océan d'incertitudes. La décision de ne pas installer les conseils municipaux interroge cependant.

Par l'engagement de ses élus et de ses soignants, la France montre sa capacité à faire face. L'urgence s'impose de procurer des équipements de protection aux soignants comme à ceux qui nous nourrissent. L'industrie agroalimentaire nous alerte sur le sujet. Nous tiendrons le cap avec vous pour que demain la Belle au bois dormant s'éveille à nouveau à la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne Chain-Larché .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rien ne sera plus jamais comme avant. La situation que nous vivons est inédite pour plusieurs générations : une crise sanitaire mondiale liée à un virus, entraînant des mesures privatives de liberté nécessaires pour contenir sa propagation, un système hospitalier submergé par la gravité de la maladie et en première ligne de cette « guerre », un arrêt brutal de l'économie mondiale.

Il est de notre devoir en tant que parlementaires de ne pas mettre la vie parlementaire et démocratique de ce pays en quarantaine, et d'assurer la continuité des institutions.

Les enjeux économiques sont multiples : comment accompagner cette crise dans le temps ? À la période de confinement, succédera la reprise d'une vie normale mais les entreprises seront durablement touchées. Les conséquences sur la trésorerie, la consommation et l'investissement se feront ressentir dans le temps.

Comment mettre en oeuvre les différentes mesures économiques de façon simple pour que les entreprises touchées par la crise bénéficient rapidement des mesures du plan ?

Quelle coordination est mise en place avec les pays de l'Union européenne ? Le Conseil européen a d'ores et déjà annoncé un plan de 25 milliards d'euros, mais on a vu en 2008 la nécessité d'une coordination des politiques nationales.

Quel modèle économique voulons-nous demain ? Il faudra penser à la relocalisation de certaines activités, accompagner les entreprises dans ce sens, renforcer les différents modèles agricoles. Cette crise doit nous apprendre à créer un nouveau modèle économique et agricole.

Les mesures économiques sont inscrites dans des habilitations très larges données au Gouvernement pour légiférer par voie d'ordonnances : si, au Sénat, nous n'y sommes généralement pas très favorables, les circonstances exceptionnelles et l'urgence d'agir justifient entièrement le recours aux ordonnances. Nous serons pleinement investis dans notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement : dans ce cadre, Sophie Primas a annoncé la mise en place d'une cellule de veille au sein de la commission des affaires économiques.

Les mesures du plan d'urgence, qui ont pour but de limiter les cessations d'activité d'entreprises, seront provisoires et concerneront le soutien à la trésorerie, les aides directes ou indirectes aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, la modification des obligations des entreprises vis-à-vis de leurs clients et de leurs fournisseurs, notamment en termes de délais, de pénalités et de nature des contreparties, le report ou l'étalement du paiement des loyers, des factures d'eau, d'électricité et de gaz afférents aux locaux professionnels, l'adaptation des dispositions relatives à l'organisation de la Banque publique d'investissement afin de renforcer sa capacité à accorder des garanties.

Ces mesures seront complétées par des dispositions relevant du code du travail.

Tout cela va dans le bon sens, c'est indéniable. De nombreuses questions restent néanmoins en suspens et j'espère que le Gouvernement pourra nous éclairer. Par exemple, pour obtenir l'aide de 1 500 euros du fonds de solidarité, l'abaissement du plafond de 70 % à 50 % de perte de chiffre d'affaires au mois de mars est plébiscité par les acteurs économiques.

Le Gouvernement entendra-t-il cette revendication ? Dans le secteur agricole, sont exclues des mesures de confinement de l'horticulture et des pépiniéristes qui doivent réaliser la majeure partie de leur chiffre d'affaires ces trois prochains mois : quelles mesures spécifiques seront mises en place à leur endroit ? Est-il envisagé que les banques ne facturent pas les frais de découvert et les agios ?

Les entreprises ont besoin de nous. Elles peuvent compter sur l'engagement du groupe Les Républicains à leur côté.

M. René-Paul Savary .  - Pour l'instant, le territoire est sidéré, mais serein. Toutefois, les lignes sont en train de bouger et la colère gronde. Les soignants manquent de moyens et de matériels, notamment dans le Grand Est. La Marne est un département moins touché que ses voisines d'Île-de-France ou d'Alsace. Mais le CHU de Reims a besoin de 42 000 masques pour trois jours ; il y en a environ 28 000 pour tout le département !

Les médecins de ville n'ont pas accès aux tests de dépistage. Cela ne peut pas continuer ainsi ! (Vifs Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, CRCE et SOCR) Je comprends bien le discours sur le « quoi qu'il en coûte » mais certains doivent continuer à travailler dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Il faut prendre des mesures en ce sens, au risque sinon, de brouiller le message adressé aux Français. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Catherine Deroche.  - Bravo !

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Je remercie les trois présidents de commission qui se sont exprimés.

Un mot sur l'état d'esprit avec lequel le Gouvernement abordera cet examen. Nous sommes ouverts. Il faut améliorer ce texte pour une raison simple : nous avons besoin du Parlement. Son contrôle est indispensable et légitime.

J'adresse ma reconnaissance à ceux qui ont participé au compromis trouvé sur la réunion des conseils municipaux.

Concernant l'état d'urgence sanitaire, je sais de mieux en mieux combien légiférer est délicat. C'est encore plus vrai dans les circonstances présentes. La loi de 1955 avait elle-même été rédigée et discutée, me dit-on, en quarante-huit heures...

Il faut raffermir le cadre juridique des mesures que nous allons prendre. L'article L3131-1 sur l'état d'urgence nous donne une base solide, mais il est insuffisant, selon le Conseil d'État, pour les mesures que nous comptons prendre.

Le texte initial du Gouvernement prévoyait une réunion du Parlement au bout de douze jours, comme la loi de 1955... (Mme Éliane Assassi s'exclame.) Madame la sénatrice Assassi, c'est le Conseil d'État qui nous a fait changer d'avis et nous avons finalement proposé un délai de trente jours. On me reproche parfois de ne pas assez l'écouter ! (Quelques sourires)

Monsieur Kanner, je respecte votre inquiétude. L'urgence, l'exception sont des sujets sensibles. Notre dispositif est robuste, davantage que ceux qui existent.

Quant aux masques et aux tests, le ministre de la Santé saura vous éclairer mieux que moi dans le cours de la discussion des articles.

Je salue le travail de la commission des lois qui a trouvé des solutions sur les questions inédites posées par le report des municipales ; je lui en suis reconnaissant, malgré mon désaccord sur la date limite du dépôt des listes.

Les dispositions économiques du titre III sont destinées à franchir le cap de l'urgence. Beaucoup de questions pratiques se posent pour des secteurs particuliers. Aussi, dans cet océan d'incertitudes, nous ne sommes pas en mesure de détailler nos actions. C'est pourquoi il y a beaucoup d'habilitations. Il faudra que les ordonnances soient présentées le plus vite possible au Parlement.

Merci pour la qualité de ces échanges.

La discussion générale commune est close.

M. le président.  - Les Français vont applaudir les soignants à 20 heures ; je gage que le Sénat s'y joindra. (M. le président, M. le Premier ministre et M. le Ministre, ainsi que l'ensemble des sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 21 h 30.

Discussion des articles du projet de loi

Les articles premier, 2 et 3 sont réservés.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

Mme Esther Benbassa .  - Face au coronavirus qui se propage, les articles 4 à 6 mettent en place un état d'urgence sanitaire permettant aux autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour la sûreté sanitaire de nos concitoyens. La liberté d'aller et venir est notamment concernée.

Nous comprenons l'urgence avec plus de 260 décès et 9 000 cas de contaminations - et nous nous résignons à cette solution. Mais nous n'accepterons aucun excès d'autorité ; les mesures prises doivent être proportionnées et respectueuses de l'état de droit.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Mouiller.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) À l'article L. 3131-10, après les mots : « professionnels de santé » sont insérés les mots : « y compris bénévoles » ;

M. Philippe Mouiller.  - Dans le contexte actuel, le bénévolat sera essentiel pour contribuer au renforcement des ressources médicales des établissements publics de santé.

Or le caractère limitatif des catégories de praticiens composant le personnel médical des établissements publics de santé rend incertaine la possibilité d'autoriser ce mode d'exercice.

Cet amendement étend donc les garanties assurées par l'établissement public de santé, dans le seul cas de l'urgence sanitaire, aux professionnels de santé y exerçant à titre bénévole.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.  - Avis défavorable car cela ne ressort pas de l'objet du texte. Le Gouvernement préfère conserver les seules dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire. Les bénévoles peuvent déjà bénéficier d'une protection juridique comme collaborateurs occasionnels.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement est utile. Il constitue une marque de reconnaissance pour ces bénévoles. Avis très favorable.

L'amendement n°24 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 10 

Après les mots :

catastrophe sanitaire

insérer le mot :

exceptionnelle

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Le Gouvernement a choisi de créer un régime spécifique d'état d'urgence sanitaire. Il existait cependant d'autres solutions, en se référant à la loi de 1955. La preuve, c'est que le ministre a pris des mesures sur ce fondement ! (M. le ministre en convient.)

À nos yeux, il importe de hiérarchiser entre la menace sanitaire grave, la catastrophe sanitaire et la catastrophe sanitaire exceptionnelle.

Il n'existe pas de définition claire de la notion de « catastrophe sanitaire ». Nous proposons de caractériser la situation actuelle le plus précisément possible pour éviter tout flou d'interprétation.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable. Nous pouvons déjà limiter les libertés individuelles et collectives, mais le Conseil d'État considère que la base juridique du dispositif doit être améliorée.

Le terme « exceptionnel » n'est guère précis, dites-vous. Mais la situation actuelle est exceptionnelle, tout le monde le constate, avec un confinement dans maints pays.

Notre rédaction a été approuvée par le Conseil d'État. Au-delà d'un mois, le dispositif est soumis à l'avis du Parlement.

M. le président.  - Je prie le rapporteur de m'excuser : j'aurais dû lui donner la parole avant le ministre.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Au contraire, je suis honoré de pouvoir m'expliquer après le ministre (Sourires)... d'autant que je partage son analyse.

Avis défavorable. S'il devait y avoir des catastrophes exceptionnelles, certaines seraient donc ordinaires, ce qui me semble incompatible avec la notion de catastrophe.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Naturelles, en tout cas !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous tenons à cet amendement. Le terme de catastrophe est banal dans la littérature juridique. Nous sommes d'accord pour voter des mesures exceptionnelles, qui sont sans précédent, mais uniquement dans le cadre actuel : elles ont vocation à cesser à la fin de l'événement.

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 11, première phrase et alinéa 16

Après les mots :

pris sur le rapport du ministre chargé de la santé

insérer les mots :

, après consultation des organisations représentatives du personnel

M. Fabien Gay.  - L'urgence n'interdit pas le débat. Il faut y associer les organismes syndicaux qui connaissent bien la situation des hôpitaux. Cet amendement prévoit leur consultation.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il est toujours utile de consulter le personnel, mais pas dans de telles situations d'urgence : avis défavorable, à regret.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

d'un mois

par les mots :

de douze jours

M. Pierre Laurent.  - Cet amendement ramène la durée de l'état d'urgence à douze jours comme le prévoit le régime de 1955 et comme l'envisageait le texte initial. Le délai proposé de trente jours nous semble exorbitant. Notre proposition n'empêche nullement de proroger l'état d'urgence au-delà de douze jours.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le Gouvernement a voulu créer, à côté du dispositif de 1955, un nouveau régime assorti de pouvoirs exorbitants du droit commun, comme la restriction de certaines libertés, pour combattre une crise sanitaire. D'autres régimes dérogatoires, comme celui de l'article 16 de la Constitution ou la théorie des circonstances exceptionnelles, existent.

La commission des lois a choisi une solution différente, estimant que tout régime dérogatoire pose des problèmes en matière de libertés. Nous avons souhaité que ce système ne puisse s'appliquer qu'à la présente crise et qu'il disparaisse avec elle. Il ne s'agit pas d'un régime permanent, pouvant être à nouveau mobilisé pour une autre crise.

Dès lors, s'agissant des délais, le prisme est différent. En l'espèce, le délai d'un mois à un sens. Sinon, nous allons devoir revenir débattre de questions déjà examinées douze jours auparavant.

Mme Éliane Assassi.  - Pourquoi pas ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je suis donc défavorable à l'amendement.

M. Olivier Véran, ministre.  - Le Gouvernement s'était initialement engagé pour une durée de douze jours, avant l'avis du Conseil d'État et celui de la commission des lois, auxquels il s'est rangé. Avis défavorable.

M. Pierre Laurent.  - Nous souhaitons comme vous que ce nouveau dispositif ne devienne pas permanent mais cela n'empêche pas un contrôle régulier du Parlement. Voyez tout ce qui s'est passé en douze jours ! Le fait de réunir le Parlement ne constitue pas un obstacle au déploiement des moyens nécessaires.

L'amendement n°52 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures réglementaires prises par le Gouvernement pendant l'état d'urgence sanitaire. À leur demande, sont portées à leur connaissance toutes informations utiles sur l'évolution de la catastrophe sanitaire ayant justifié sa mise en oeuvre.

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement précise les conditions du contrôle parlementaire s'exerçant pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - À la différence du Gouvernement, nous souhaitons que le contrôle porte sur toute la loi, non sur le seul volet relatif à l'urgence sanitaire. La dimension économique et sociale doit également être concernée par le contrôle du Parlement.

Retrait ou avis défavorable, en espérant que cela ne compromette pas l'adoption du texte dans les mêmes termes par les deux assemblées.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 16

Remplacer les mots :

du ministre chargé de la santé

par les mots :

des ministres chargés de la santé, de l'intérieur, de la défense, de l'outre-mer, de la justice et de l'économie

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement porte en réalité sur l'alinéa 13.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°17 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dès lors que les mesures peuvent limiter certaines libertés individuelles, il convient que le rapport sur lequel le Conseil des ministres se prononcera soit établi après avis des ministres en charge des secteurs concernés.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 23

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les modalités de restitution des réquisitions mentionnées au premier alinéa du présent article sont définies par décret en Conseil d'État.

M. Patrick Kanner.  - Le projet de loi n'évoque pas la restitution des lieux d'hébergement réquisitionnés pour l'hébergement notamment de personnes en grande difficulté sociale. Cet amendement vise à y remédier.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le code de la défense prévoit déjà les conditions de restitution. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Retrait ou avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°16 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 23

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 8° prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; le Conseil national de la consommation est informé des mesures prises en ce sens ;

« 9° en tant que de besoin, prendre toute autre mesure générale nécessaire limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-20.

II.  -  Alinéa 24

Remplacer la référence :

par la référence :

M. Olivier Véran, ministre.  - Le propre d'une telle crise sanitaire est d'être inédite et de justifier des mesures qui peuvent l'être également. Comment la liste serait-elle exhaustive dès maintenant ? Il pourrait être nécessaire de mettre en place un contrôle des prix comme je l'ai fait pour le gel hydroalcoolique.

L'objet de cet amendement est d'éviter une liste limitative des produits concernés par le contrôle des prix. Il faut conserver fluidité et souplesse, et simplifier, car il n'y a pas une minute à perdre.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je dissocie mon avis entre le 8° et le 9° de l'amendement. Je suis défavorable au 9° : nous avons fait un gros effort en dressant la liste des catégories d'actes que le Gouvernement peut prendre, car il y a une exigence constitutionnelle et républicaine à ne pas utiliser les pouvoirs exorbitants du droit commun sans procéder ainsi. Or vous ajoutez à nos huit catégories une neuvième : « toutes mesures utiles » ! C'est précisément ce que nous souhaitions éviter !

Nous aurions accepté une mesure d'encadrement des prix telle que celle que vous avez mentionnée.

Si vous voulez emporter notre adhésion, supprimez la deuxième partie de l'amendement - faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Je dois persister. Je n'exclus pas d'être amené à demander des licences d'office ou des plafonnements de prix de médicaments qui ne seraient pas produits en France, par exemple, pour des produits dont l'efficacité serait démontrée.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est possible dans le cadre du 8° !

M. Olivier Véran, ministre.  - Cela ne suffit pas, par exemple, pour un séquestre de médicaments qui, sinon, sortiraient de France. Des mécanismes trop complexes font perdre du temps.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je vous aurais volontiers aidé si vous aviez défini plus précisément dans le texte les intentions que vous venez de nous exprimer oralement de manière très claire.

Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Monsieur le ministre, comme beaucoup d'entre nous, je ne vous connaissais pas, bien qu'ayant une idée de votre parcours politique. Je ne vous imaginais pas défendre un contrôle des prix !

J'ai certes confiance en vos intentions. Mais la deuxième partie de l'amendement n'a rien à voir avec ces intentions : elle vous fait roi du monde !

Comme ministre de la Santé, vous faites une belle carrière, mais vous n'êtes pas ministre de l'Intérieur ni Premier ministre.

La commission des lois a souhaité encadrer les mesures que vous pourriez prendre. Le Sénat pourrait voter la première partie si vous en faisiez un amendement à part. Je crains, sinon, que le Sénat ne rejette votre amendement.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je propose un sous-amendement supprimant, dans le 9°, les mentions de la liberté d'aller et venir et de la liberté de réunion. Ne restera que la liberté d'entreprendre.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - J'ai beaucoup de respect pour le président Bas, mais nous sommes dans l'urgence. Cette mesure de contrôle des prix est indispensable... Ne bloquons pas le Gouvernement et votons cet amendement.

On m'a signalé une pharmacie qui aurait vendu 800 euros une boîte de 100 masques à un médecin... C'est inadmissible ! Je voterai l'amendement.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis.  - Je soutiens complètement la démarche du ministre car nous avons régulièrement des difficultés à obtenir certains types de médicaments. Nous évoquons régulièrement le sujet en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous avons besoin de tout l'arsenal juridique pour lutter contre l'épidémie.

Mme Laurence Cohen.  - Je soutiens le 8°, à propos duquel les explications du ministre sont très claires. Notre groupe est favorable à la licence d'office en faveur de laquelle nous avons beaucoup bataillé et je suis heureuse que le ministre nous rejoigne.

Mais le 9° est sans rapport avec cet objectif. Contentez-vous du 8°, qui serait voté sans difficulté !

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Je soutiens le président Bas. Je salue l'objectif poursuivi par le 8°, mais le 9° est sans limite : il vous permet de restreindre les libertés d'aller et venir et de réunion, or vous l'avez déjà fait en l'absence d'une telle disposition.

Par ailleurs, pourquoi ne pas en limiter le champ de la restriction à la liberté d'entreprendre au seul domaine sanitaire ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le 9° annule purement et simplement notre effort de circonscrire le champ des mesures que le Gouvernement sera autorisé à prendre. Il pourra tout faire !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - C'est normal, il est ministre de la Santé.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je souscris pleinement à la volonté de mettre tous les médicaments à disposition du public, mais cela ne doit pas être au prix des pleins pouvoirs.

Monsieur le ministre, vous vous exposez à un risque constitutionnel majeur. Cela remet en cause tout le dispositif. Aidez-moi à vous aider !

Je propose un sous-amendement vous permettant de prendre toute mesure pour mettre à la disposition des patients les produits pharmaceutiques nécessaires à leur traitement.

M. Vincent Capo-Canellas et Mme Jocelyne Guidez.  - Très bien !

M. Olivier Véran, ministre.  - L'article L. 3131 du code de la santé publique m'a permis de signer un arrêté restreignant la liberté d'aller et venir et la liberté de réunion.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cela ne signifie pas que cet arrêté soit légal, monsieur le ministre. Sinon vous ne nous présenteriez pas un projet de loi instaurant l'état d'urgence sanitaire.

M. Olivier Véran, ministre.  - Il n'y a rien d'illégal, monsieur Bas, dès lors que les mesures sont proportionnées et limitées dans le temps... J'ai pu interdire des rassemblements, faire fermer les cafés et commerces, ainsi que les écoles.

La finalité exclusive de ces mesures est la santé publique. Il y a un double contrôle par le juge et le Parlement. Le Conseil d'État a jugé cette disposition conforme.

Notre volonté n'est pas de limiter les libertés publiques. Cet amendement remplacera l'arrêté par un décret du Premier ministre.

M. François Patriat.  - Bravo.

M. le président.  - Sous-amendement n°100 à l'amendement n°90 du Gouvernement, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

  Alinéa 4

Après le mot :

toute

rédiger ainsi la fin de cet alinéa : 

mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de l'épidémie

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je me rallie à ce sous-amendement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Si l'article L. 3131 du code de la santé publique permet déjà au ministre de prendre ces mesures, il n'y a pas besoin du 9°. C'est la théorie des circonstances exceptionnelles qui a permis la mise en oeuvre de ces arrêtés - et c'est tant mieux car je souscris aux mesures prises.

Le sous-amendement n°100 est adopté.

L'amendement n°90, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 24, première phrase

Après le mot :

sont

insérer le mot :

strictement

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'objet de cet amendement se justifie par son texte même.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°18 est adopté.

L'amendement n°38 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 25

Après les mots :

de la santé 

insérer les mots :

, après consultation du comité de scientifiques,

Mme Laurence Cohen.  - Cet article confère des pouvoirs exceptionnels au ministre de la santé qui peut prescrire, par voie réglementaire, les mesures générales et individuelles qu'il juge nécessaires. Étant donné le champ indéfini des mesures en question, cet amendement prévoit une consultation du comité de scientifiques institué par ce texte.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Il y aura beaucoup de mesures individuelles ; le comité scientifique risque d'être engorgé.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis. Tout ce qui retarde la prise de mesures est malvenu. Pour la première fois, un conseil scientifique indépendant a été mis en place à l'occasion d'une crise sanitaire. Ne contraignons pas son action. Il fonctionne bien !

L'amendement n°50 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 25

Après les mots :

catastrophe sanitaire

insérer le mot :

 exceptionnelle

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je le retire puisque notre précédent amendement n'a pas été voté.

L'amendement n°35 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 28

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces dernières mesures font l'objet d'une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement précise les conditions d'information du procureur de la République concernant les mesures individuelles de restriction des droits et libertés appliquées dans le cadre du régime spécifique d'exception sanitaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

M. Alain Richard.  - Il est logique d'informer le procureur des mesures individuelles, mais quel est son rôle pour des mesures collectives ?

L'amendement n°36 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 30

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 3131-26.  -  En cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, un comité de scientifiques placé auprès du Premier ministre est réuni immédiatement. Il assure l'analyse et le suivi de l'évolution de la catastrophe sanitaire exceptionnelle et émet des recommandations rendues publiques.

« Il comprend des personnalités qualifiées pour leur expertise médicale et scientifique nommées par décret, deux députés et deux sénateurs nommés par le Président de leur assemblée respective. Son président est nommé par décret du Président de la République.

« Ce comité rend public périodiquement, et au moins une fois par semaine pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, son avis sur les mesures prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25.

« Sa composition et ses missions sont définies par décret.

« Ce comité est dissous lorsque prend fin l'état d'urgence sanitaire.

M. Patrick Kanner.  - Cet amendement prévoit la représentation du Parlement au comité scientifique, par deux sénateurs et deux députés.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 30, avant-dernière phrase

Remplacer le mot :

périodiquement

par les mots :

de manière hebdomadaire

Mme Éliane Assassi.  - La transparence est indispensable ; la cote de confiance du Gouvernement étant ce qu'elle est, il est préférable que le comité scientifique publie ses recommandations chaque semaine.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Benbassa.

Alinéa 30, avant-dernière phrase

Remplacer le mot :

périodiquement

par les mots :

de manière bimensuelle

Mme Esther Benbassa.  - Dans le même esprit que l'amendement précédent, je propose un rapport -- bimensuel plutôt qu'hebdomadaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ce conseil scientifique est un organe très précieux qui doit répondre aux questions du Gouvernement en matière de sécurité sanitaire, il ne doit pas être une institution avec des procédures.

Il serait difficile de justifier la présence de parlementaires ; ne rigidifions pas les choses. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable également. Il m'est arrivé de saisir le comité dans l'heure, le week-end. La lutte contre la crise sanitaire supporte mal la régulation et la périodicité. La souplesse, au contraire, est une arme dans notre guerre contre le virus.

Mme Nathalie Goulet.  - Le ministre Cazeneuve, en 2015, avait organisé un suivi de l'état d'urgence. Si vous vous engagiez à nous informer de la même façon, cela garantirait une transparence totale.

M. Pierre Laurent.  - Le Parlement donne au Gouvernement de grands pouvoirs ; quel accès a-t-il à l'avis des scientifiques qui fonde ses décisions ? Entendez notre demande de transparence.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous allons voter des mesures exorbitantes du droit commun ; nous ne pouvons pas le faire sans information transparente.

La manière dont on agit face à cette crise mondiale va définir le monde de demain et déterminera ce que sera notre démocratie. Cela passe par la transparence.

M. Patrick Kanner.  - Le comité scientifique facilite la prise de décisions, soit. Mais selon vos déclarations, le 12 mars, ce comité nous expliquait que nous pourrions déplacer 47 millions de Français le 15 mars... Le 16, ce même comité proposait le confinement. Des parlementaires en son sein garantiraient une plus grande transparence.

Mme Éliane Assassi.  - Depuis quelques minutes le ministre nous explique que le Parlement n'a pas besoin d'être informé... À quoi sert-il alors ? Le Sénat est le représentant des collectivités territoriales ; or les élus locaux sont en première ligne dans la crise sanitaire.

La qualité du comité scientifique n'est pas en cause.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce comité scientifique ad hoc, formalisé par ce texte, existait de façon informelle puisque des avis scientifiques ont été recueillis par vous-mêmes ou votre prédécesseur.

Ce qui m'a choquée, c'est d'entendre le Président de la République déclarer que ce comité avait recommandé de tenir les élections municipales. Ce n'est pas son rôle ! Cette décision est celle du Président de la République et du Gouvernement. Attention à ne pas faire de ce comité un paravent ou un ministre bis. Vos décisions sont politiques et d'ordre public ; ne vous abritez pas derrière ce comité.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis.  - Le 12 mars, le comité scientifique a conseillé la tenue du premier tour. Si des parlementaires avaient siégé dans le comité, seraient-ils allés contre l'avis de ceux qui savent ?

Il serait plus utile de faire siéger dans ce comité des gens de terrain, des praticiens hospitaliers comme vous, monsieur le ministre.

Je ne voterai pas ces amendements.

M. Olivier Véran, ministre.  - Madame Assassi, je respecte le Parlement. Cela fait huit heures que je suis devant vous, et non auprès de la cellule de crise sanitaire. (Protestations à gauche)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Être ici, cela fait partie de votre travail !

M. Olivier Véran, ministre.  - Monsieur Milon, il y a dans le comité un médecin généraliste, des praticiens de l'AP-HP, des hospitaliers de province, des chercheurs, dont un sociologue, une spécialiste des réseaux sociaux... C'est une organisation diverse, à dessein.

Personne n'a dit que ce comité prenait les décisions. (On en doute sur quelques travées.) Le comité scientifique m'a dit, jeudi dernier, qu'au point de vue scientifique la tenue du premier tour ne posait pas de risque particulier. Tout est transparent, les membres du comité n'ont signé aucune clause leur interdisant de communiquer et tous leurs avis sont publiés.

Nous introduisons le comité dans le droit pour donner au Parlement un droit de regard sur son fonctionnement.

L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos51 et 15.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 33

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de la promulgation de la loi n°      du      d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, il est instauré un comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité de scientifiques, d'un représentant par formation politique représentée au Parlement et d'un représentant par association nationale d'élus locaux. » ;

Mme Éliane Assassi.  - Défendu. Je m'associe aux propos de Mme Goulet : les réunions du comité de suivi de l'état d'urgence ont été utiles - quoi que je pense du Gouvernement qui l'a mis en place...

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°63 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 36

Après les mots :

des articles

insérer la référence :

L. 3131-1,

II.  -  Après l'alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les agents mentionnés aux articles L. 511-1, L. 521-1, L. 531-1 et L. 532-1 du code de la sécurité intérieure peuvent constater par procès-verbaux les violations des interdictions ou obligations mentionnées à l'alinéa précédent lorsqu'elles sont commises sur le territoire communal, sur le territoire de la commune de Paris ou sur le territoire pour lesquels ils sont assermentées et qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête.

III. - Alinéa 37

Après les mots :

des articles

insérer la référence :

L. 3131-1,

M. Olivier Véran, ministre.  - Quatre mille contraventions ont été délivrées dans les vingt-quatre heures qui ont suivi la mise en oeuvre du confinement.

Cet amendement confère aux agents de police municipale, gardes-champêtres, agents de la ville de Paris chargés d'un service de police, contrôleurs de la préfecture de police et agents de surveillance de Paris, la compétence pour constater ces contraventions.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement est savoureux. 2,5 % du temps utile des fonctionnaires de police à Paris est consacré au terrain...

L'amendement dote les agents municipaux de pouvoirs de police municipale... Les mêmes pouvoirs qui nous ont été refusés il y a quelques semaines. Rien n'est indiqué sur l'autorité hiérarchique, la formation, les pouvoirs confiés aux agents... Le flou règne et la Ville de Paris n'a pas été consultée sur cet amendement.

L'amendement n°63 rectifié est adopté.

L'amendement n°4 est déclaré irrecevable.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

L'amendement n°86 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures d'adaptation destinées à adapter le dispositif de l'état d'urgence sanitaire dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, dans le respect des compétences de ces collectivités.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement concerne l'application de l'état d'urgence sanitaire dans les territoires d'outre-mer.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°64 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 5 BIS

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - Le débat sur ce sujet a eu lieu. M. Bas nous a répondu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable, donc.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

de deux mois

par les mots :

d'un mois

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un des amendements les plus importants. M. Bas nous l'a dit, il est dans une logique différente.

Nous sommes très attachés aux pouvoirs du Parlement. De tels pouvoirs donnés au Gouvernement via une collection d'ordonnances, cela exige que le Parlement assure sa mission de contrôle !

Dans la première version du texte, l'état d'urgence devait durer douze jours. Le Conseil d'État a préconisé un mois. C'est le minimum au regard des droits du Parlement. La commission des lois a voté deux mois, reconduits de mois en mois.

La situation évolue rapidement. Pouvait-on imaginer il y a quelques heures qu'on demanderait à 30 000 communes de ne pas appliquer la loi en réunissant leur conseil municipal pour désigner le maire ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous ne sommes pas dans le cadre de l'état d'urgence défini par la loi de 1955. Dans le régime que propose la commission des lois, la loi ouvre directement la mise en oeuvre du pouvoir d'urgence sanitaire pour deux mois. Si le Gouvernement veut le proroger, il doit le demander au Parlement.

Si l'épidémie s'arrête mais repart dans six mois, le Gouvernement devra prendre un décret remettant en vigueur l'état d'urgence, pour un mois. Ce régime est valable un an ; il peut s'arrêter en mai, et être relancé en novembre si nécessaire.

Si l'épidémie n'est pas jugulée après un an, nous recommencerons la procédure. L'objectif, c'est de ne pas incruster l'état d'exception dans notre législation.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

M. Alain Richard.  - Il n'est pas judicieux d'encadrer la coopération entre le Parlement et le Gouvernement de cette manière. Il faut un dialogue souple avec chaque assemblée.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 5 bis est adopté, ainsi que l'article 6.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Mouiller.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 6141-7-3 du code de la santé publique, après les mots : « activités de recherche », sont insérés les mots : « ou de soins ».

M. Philippe Mouiller.  - Les fondations hospitalières sont limitées dans leur action, puisque leur objet se limite à concourir à la recherche. Il est nécessaire de leur permettre de soutenir les établissements publics de santé, via le financement de matériels et d'action de soins.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°27 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 6 BIS

M. Bruno Retailleau .  - Nous terminons le bloc sur l'état d'urgence sanitaire, et je ne vous laisserai pas partir, monsieur le ministre, sans que vous répondiez à la question sur les masques à laquelle M. le Premier ministre vous a chargé de répondre. Il y a deux heures, je réunissais par visioconférence l'ensemble des sénateurs de mon groupe n'ayant pu se déplacer dans l'hémicycle. Leurs retours sont catastrophiques.

Dans l'Oise - un cluster - les masques n'arrivent pas ! Il y a des déclarations du Président de la République et du Premier ministre et les masques n'arrivent pas ! Soit vous nous donnez les vrais chiffres, département par département ; soit vous nous dites : « non, l'État est dépassé » et les collectivités territoriales prennent le relais. J'ai contacté deux entreprises qui peuvent importer ou produire en Chine, où l'une d'entre elles est bien implantée, 400 000 masques par jour.

Ne nous jetez plus à la figure des millions de masques que l'on ne voit nulle part arriver ! Mon propre médecin traitant n'en a pas ! Monsieur le ministre, Je vous demande de répondre, en responsabilité !

J'arrive à la conclusion que ce qu'on nous a dit n'est pas la réalité.

Les États-Unis veulent-ils mettre la main sur les stocks de chloroquine, produite par une entreprise française, Sanofi, et une autre anglo-suédoise. Si ce médicament est la solution, j'espère que nous ne nous ferons pas souffler les stocks d'une entreprise française.

Je monte le ton sinon on nous le reprochera demain à tous, collectivement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Leconte .  - Les Français de l'étranger qui rentrent en France ne disposent pendant trois mois d'aucune assurance-maladie. Il est indispensable de prendre ce point en compte, monsieur le ministre...

M. Olivier Véran, ministre.  - C'est une séance de questions au Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol .  - Vous partez, monsieur le ministre ? J'ai un amendement après l'article 7... Je vais en parler.

M. le président.  - Non ! Dites ce que vous avez dire.

M. Olivier Véran, ministre.  - Allons bon !

Mme Laurence Rossignol.  - Les services d'orthogénie me remontent des difficultés d'accès à l'IVG, à tel point que le collège des gynécologues obstétriciens de France a diffusé une note à ses adhérents sur la prise en charge des IVG. J'ai déposé un amendement, à l'initiative de Mme Hatem, médecin-chef, gynécologue obstétricienne de la Maison des femmes : les délais ne sont pas cohérents avec ce qui se passe. Chaque année, 5 000 femmes vont à l'étranger car elles sont hors délais.

Aujourd'hui, il manque des médecins et on ne peut plus aller à l'étranger. Les médecins vous demandent d'allonger les délais de deux semaines.

Nous allons - dites-moi si je vous ennuie, monsieur le ministre - au-devant de gros problèmes, qui s'ajouteront aux autres que causera le confinement.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Il est 23 heures, je veux bien faire une séance de questions au Gouvernement... (Murmures de protestations à droite)

M. le président.  - Il est 23 heures pour nous tous aussi...

M. Olivier Véran, ministre.  - Je vais aller en cellule de crise...

M. le président.  - Répondez, monsieur le ministre...

M. Olivier Véran, ministre.  - Oui, la transparence, monsieur Retailleau, est là depuis le début.

En 2010, il y avait un stock d'État d'un milliard de masques chirurgicaux et de 600 millions de masques FFP2. Il y a eu une polémique qui a conduit à considérer que ce stock était inutile. En 2011, il y en avait 800 millions, en 2012, 680 millions, en 2013, 650 millions, et ainsi de suite, (Mme Marie-Pierre de la Gontrie proteste.) puis quand je suis arrivé au ministère, et quand Agnès Buzyn était ministre, 150 millions de masques chirurgicaux, et plus aucun masque FFP2.

Il a été considéré, après l'épisode de la grippe aviaire, que les productions étaient telles en Chine que les stocks n'étaient pas utiles, d'autant qu'ils pouvaient se périmer. On ne pouvait prévoir que la principale région productrice serait l'épicentre d'une épidémie.

Dès le 3 mars, nous avons réquisitionné tous les stocks - la France a été seule à le faire. Puis nous avons fait un monitoring, j'ai saisi les sociétés savantes, Santé publique France, en demandant qui devait avoir la priorité. J'ai déstocké 15 millions de masques - mais, il y a eu des vols - 14 000 masques dérobés la nuit au CHU de Montpellier, également dans les pharmacies.

M. Bruno Retailleau.  - C'est abominable, mais cela n'explique pas tout !

M. Olivier Véran, ministre.  - Les entreprises productrices travaillent désormais 24 heures sur 24 et ne peuvent pas exporter. Notre production hebdomadaire actuelle sur le territoire français est de 6 millions de masques chirurgicaux et s'élèvera à 8 millions la semaine prochaine.

Les 16, 17 et 18 mars, ont été livrés 12,3 millions de masques dont 1,7 million FFP2 aux professionnels de santé libéraux et aujourd'hui ont été livrés à l'ensemble des hôpitaux du territoire français 17 millions de masques chirurgicaux et FFP2.

Les hôpitaux support de chaque groupement hospitalier territorial sont chargés d'organiser la distribution. La logistique a été extrêmement compliquée. Nous avons dû passer par des prestataires, il y a eu des droits de retrait de certains livreurs, il a fallu intervenir en pleine nuit pour lever des séquestres, en raison des réquisitions que nous avons ordonnées...

M. Bruno Retailleau.  - Et l'armée ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Nous travaillons avec elle ! Elle nous a livré 6 millions de masques. Il reste 80 millions de masques chirurgicaux et quelques millions de FFP2. Nous avons passé des commandes à tous les pays pouvant nous livrer, quelles que soient les conditions de vente, afin que les médecins soient protégés...Je reçois de 20 à 30 messages par jour qui m'indiquent qu'il y a des entreprises disponibles. Une équipe de 15 logisticiens vérifie toutes les offres.

Agnès Pannier-Runacher travaille avec tous les industriels du papier et du textile. Si nous avions eu, comme en 2010, un milliard de masques chinois et 600 millions de FFP2, on n'en parlerait pas...

M. Philippe Adnot.  - Mais depuis, vous avez failli !

M. Olivier Véran, ministre.  - Sur la chloroquine, lorsque le professeur Didier Raoult m'a fait part de son projet de recherche clinique, j'ai fait en sorte qu'il obtienne en 24 heures le protocole afin de tester le médicament en bi-thérapie avec l'Azithromycine auprès de 24 malades. Après publication des résultats, il fallait avancer.

Depuis trois jours, une étude multicentrique a été mise en route, qui sera rapide. Il y a deux jours, les industriels m'ont dit être en capacité de fournir 300 000 boîtes de médicaments et de produire un million par an.

L'exportation de ces médicaments est impossible depuis deux semaines. Mais je ne veux pas en faire la promotion, car il faut en garantir la sécurité sanitaire et l'évidence sanitaire de son utilité pour les malades. Il ne faudrait pas que les Français se précipitent demain en pharmacie comme il y a un mois. Ce n'est pas un médicament anodin, il a des effets secondaires. Je serais irresponsable, comme ministre de la santé, de le promouvoir aujourd'hui. Croyez-moi, si on peut avoir une bonne nouvelle, on aura de quoi soigner les malades français !

Monsieur Leconte, M. Le Drian aurait pu vous répondre sur le retour des Français de l'étranger, sujet où il est très impliqué, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement.

Madame Rossignol, l'accès des Français à l'IVG m'intéresse profondément. Faut-il augmenter de deux semaines le délai de l'IVG ? Je ne crois pas. Je connais bien le formidable médecin que vous avez cité, qui s'occupe de la maison des femmes de Seine Saint-Denis. Je n'ai pas de difficulté à dire que je lui en parlerai ainsi qu'à Mme Schiappa, pour que l'on voie ensemble s'il y a lieu de prendre des dispositions pour faciliter l'accès à l'IVG.

Je ne vois pas le lien spontanément entre l'épidémie et cela, mais je vous répondrai dans les deux jours.

M. François Patriat.  - Très bien !

L'article 6 bis est adopté.

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Ravier.

Après l'article 6 bis 

Insérer un article additionnel ainsi rédigé

Tout licenciement est interdit durant l'état d'urgence sanitaire.

M. Stéphane Ravier.  - L'urgence sanitaire ne doit pas servir de prétexte au licenciement. Il faut protéger tous les salariés. Si le confinement dure, les demandeurs d'emploi n'auront plus aucun moyen de trouver du travail.

Des émeutes ont déjà eu lieu dans certains magasins ; n'ajoutons pas de l'insécurité économique à l'insécurité physique. Cela tient également lieu de présentation de mon amendement n°46 à l'article 7.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement est tellement général, mais il ferait qu'un salarié commettant une faute grave ne pourrait pas être licencié. On ne peut pas prendre des mesures aussi générales, injustes pour des employeurs. Pensons à nos artisans ! Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable. Je comprends l'intention d'éviter des vagues de licenciements. Mais traitons ce problème par l'activité partielle.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

ARTICLE 7 A

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de conséquence.

L'amendement n°97, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7 A, modifié, est adopté.

L'article 7 B est adopté.

M. le président.  - Je suis saisi d'une motion d'exception d'irrecevabilité déposée par la commission des lois, au titre de l'article 44 bis, alinéa 10 de notre règlement, sur les amendements nos23, 43, 54 et 58.

Motion n°92, présentée par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Constatant que les amendements n°s 23, 43, 54 et 58 visent à étendre le champ d'une habilitation à légiférer par ordonnances et qu'ils sont contraires au premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, le Sénat les déclare irrecevables en application de l'article 44 bis, alinéa 10, de son Règlement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les parlementaires n'ont pas le droit de se dessaisir de leurs compétences. Je présente ainsi cette motion contre des amendements qui en étendant le champ de l'habilitation, conféreraient au Gouvernement des pouvoirs supplémentaires de législation.

M. Fabien Gay.  - Le groupe CRCE est surpris. Nous avions deux amendements sur les licenciements au motif de la crise sanitaire, plus un qui établissait une validation par l'inspection du travail. Pourquoi ?

L'OIT prévoit que 25 millions d'emplois pourraient être touchés. C'est bien de protéger l'entreprise ; or l'entreprise n'est pas faite que de machines, elle est d'abord faite par ses salariés.

Nous sommes très surpris d'autant que nous venons d'entendre un argument similaire.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis favorable.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le précédent amendement s'en tenait au domaine législatif du Parlement et n'étendait pas une habilitation législative du Gouvernement, au contraire des vôtres.

La motion n°92 est adoptée.

Les amendements nos23, 43, 54 et 58 sont irrecevables.

ARTICLE 7

M. Fabien Gay .  - Il y a un débat sur les questions des congés payés, du travail dominical. Sur ces questions, quelle est la durée de l'habilitation ?

Durera-t-elle le temps de la crise sanitaire ? Ou trois ans ? Toutes les entreprises ou presque sont concernées !

Beaucoup de monde est au travail, dans les hôpitaux, les services publics - très bien ; mais aussi dans les entreprises privées. Si leurs salariés peuvent travailler, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le comité social et économique (CSE) doivent pouvoir se réunir. Prenez un décret sur cette question.

Enfin, le ministre de l'Économie a envisagé des nationalisations partielles ou totales. Le groupe CRCE est prêt à y travailler.

Toutes les mesures prises devront être contrôlées par un comité de pilotage surveillant toutes ces dérogations.

Mme Françoise Gatel.  - Les agents publics atteints du Covid-19 en arrêt maladie ont un jour de carence, au contraire des salariés du privé. M. Dussopt aurait promis une circulaire demandant aux employeurs publics d'être compréhensifs. C'est bien mais insuffisant. Qu'en est-il ?

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail.  - Cet amendement proposé étend le champ des habilitations aux collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 et à la Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°65 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Après les mots :

activité économique et

insérer les mots :

des associations ainsi que

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement lève une ambiguïté rédactionnelle, pour inclure les associations.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°66 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

1° Remplacer les mots :

aux entreprises

par les mots :

à ces personnes

et les mots :

ces entreprises

par les mots :

ces personnes

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement met en oeuvre le fonds de solidarité des entreprises en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je vous propose d'étendre votre amendement à toute autre collectivité territoriale ou établissement public volontaire.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Je le rectifie en ce sens. C'est une bonne idée.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°67 rectifié.

Amendement n°67 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

1° Remplacer les mots :

aux entreprises

par les mots :

à ces personnes

et les mots :

ces entreprises

par les mots :

ces personnes

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et toute autre collectivité territoriale ou établissement public volontaire

L'amendement n°67 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Après le mot :

notamment

insérer les mots :

en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre,

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement facilite l'activité partielle.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°68 est adopté.

L'amendement n°62 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Pierre Laurent.  - L'autorisation donnée aux employeurs d'imposer unilatéralement les jours de congés met en cause de manière grave et disproportionnée les droits des salariés. On voit déjà des entreprises le faire pendant la période de confinement. C'est une attaque contre les droits des employés. La CJUE a fait du droit au congé un principe du droit social de l'Union européenne.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

1° Supprimer les mots :

modifier les conditions d'acquisition de congés payés et

2° Après le mot :

employeur

insérer les mots :

lorsque le recours au télétravail est impossible ou pour éviter le recours à l'activité partielle

3° Supprimer le mot :

unilatéralement

M. Franck Montaugé.  - La disposition de l'article 7 concernant les congés payés et les jours de RTT déroge de manière exagérée au droit du travail en modifiant les conditions d'acquisition des congés payés, les employeurs concernés n'étant pas limités aux entreprises touchées par la crise due à l'épidémie en cours.

Cette disposition doit se restreindre à la crise sanitaire et aux entreprises en difficulté.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Fabien Gay.  - L'alinéa 8 mentionne la « continuité de la vie économique et sociale » - autant dire 95 % des entreprises ! Les entreprises nécessaires à la sécurité de la Nation, c'étaient EDF, la SNCF dont les agents assurent déjà la continuité du service public en travaillant le dimanche et les jours fériés.

Il faudra préciser quelles sont les entreprises concernées par les dérogations, et pour combien de temps.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 8

Après les mots :

vie économique et sociale

insérer les mots :

dont la liste est définie par décret

M. Jean-Claude Tissot.  - Cet amendement propose, si l'alinéa 8 n'était pas supprimé, une liste définie par décret des secteurs concernés par les dérogations.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- D'adapter, à titre exceptionnel, les modalités de détermination des durées d'attribution des revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 5421-2 du code du travail ;

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ce texte contient des dispositions permettant au Gouvernement de prendre des ordonnances facilitant le maintien dans l'emploi. Cela inclut la prise imposée de congés payés et des souplesses dans la mise en oeuvre de la durée légale du travail et du repos hebdomadaire.

Avis défavorable à tous les amendements, sauf à celui du Gouvernement.

L'aménagement de l'activité est préférable au chômage technique. (Mme Sophie Primas approuve.) L'obligation de prendre des congés payés n'ira pas au-delà de six jours.

Avis favorable à titre personnel au 69 que la commission des lois n'a pas eu le temps d'examiner. Il étend les dérogations à des secteurs d'activité ne relevant pas du code du travail, comme ceux relevant du code de l'agriculture ou des transports.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Des efforts sont nécessaires dans tous les secteurs économiques pour assurer la continuité de l'activité. Prendre une semaine de congés avant le chômage partiel est une des solutions.

L'entreprise a déjà la possibilité d'imposer la prise de congés payés, dans un délai de quatre semaines - trop long en période de crise. Concernant la durée du travail, les secteurs concernés ne sont pas cités, mais un décret déterminera des critères selon les secteurs. Il peut s'agir de l'alimentation, de la production de matériel médical par exemple.

Avis défavorable aux 56, 29, 57 et 30...

Mme Éliane Assassi.  - Pourquoi ?

M. Jean-Marc Gabouty.  - Sauf accord d'entreprise ou de branche contraire, la période de prise de congés court du 1er juin au 31 mai de l'année suivante. Les congés de 2020 ne sont donc pas encore ouverts.

Une entreprise ne peut obliger un salarié à prendre des congés par anticipation sur l'année suivante.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Madame la ministre, vous parlez d'union nationale, mais dans beaucoup de secteurs prévaut un sentiment d'injustice ; chez les salariés réquisitionnés ou ceux qui vivent dans des logements exigus. Ces dérogations suscitent de fortes inquiétudes.

La limitation du temps de travail protège aussi la santé des salariés : y déroger envoie un mauvais message.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Madame la ministre, vous allez permettre, disons-le, à la quasi-totalité des entreprises du pays de déroger au coeur du code du travail - les règles d'ordre public - comme M. Gay l'a remarqué.

De plus, votre amendement aggrave les inquiétudes. Vous nous donnez la possibilité de renier et rogner des droits au coeur de la protection des salariés.

M. René-Paul Savary.  - Après la sidération, il est temps d'adapter les conditions de travail, mais avec une stratégie précise.

Vous avez pris des dispositions d'urgence, en promettant aux entreprises qu'elles seraient protégées.

L'employé fragile pourra déclarer une pathologie sur le site d'Ameli, pour ne pas aller au travail. Tel travailleur n'ayant qu'un diabète léger saisira cette occasion, tandis que tel autre, atteint d'une forme plus sévère, ira travailler. Donc comment contrôler ? Il faut qu'un médecin traitant ou un médecin du travail valide cela.

L'imprécision nourrit les conflits sociaux alors que l'heure devrait être à l'unité.

M. Pierre Laurent.  - On essaie de nous endormir, mais le texte ouvre la porte à toutes les dérogations.

Le Conseil d'État rappelle que le Gouvernement doit veiller à ne pas porter d'atteintes excessives aux contrats en cours. Va-t-on dire aux caissières qu'elles devront travailler en juillet parce qu'elles auront dû prendre leurs congés payés ? Il faut poser cette question dès aujourd'hui !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est vrai...

Mme Laurence Cohen.  - Très bien !

M. Jean-Claude Tissot.  - Madame la ministre, les six jours de congés payés seront imposés aux salariés, qui devront donc passer leurs vacances chez eux, avec interdiction de sortir. C'est cela ? (Murmures à droite)

Mme Éliane Assassi.  - L'alinéa 7 permettra aux entreprises de contraindre les salariés à prendre leurs congés payés, RTT ou compte épargne temps. Résultat : les salariés n'auront plus de congés cet été !

C'est une rupture d'égalité selon que l'arrêt maladie pour garde d'enfants ou le télétravail sont possibles ou non. Il faut le supprimer.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Monsieur Laurent, il est temps de prendre conscience qu'on est en face d'une crise économique catastrophique. Il faut protéger les salariés...

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - ... et les entreprises grâce à l'activité partielle. Mais il faudra aider les entreprises à donner un coup de rein après la crise. Peut-être faudra-t-il travailler le dimanche, plus que 35 heures, et en juillet et en août ? (Mme Éliane Assassi proteste vivement.)

Je comprends l'inquiétude des salariés : quand cette dérogation prendra-t-elle fin ? Quand on est en congés payés, on gagne mieux sa vie qu'en chômage partiel. (Mme Éliane Assassi proteste derechef.)

Mme Françoise Gatel.  - Oui, il s'agit aussi de sauver des emplois. Madame la ministre, je comprends votre volonté de ne pas arrêter l'économie. Mais le secteur du bâtiment ne peut plus travailler ! Il n'y a plus de restaurants pour accueillir les ouvriers ! La promiscuité est telle que la sécurité n'est pas assurée, et la responsabilité de l'employeur est remise en cause. Certains employés se retournent déjà contre leur patron. Il faut être plus clair.

M. Philippe Mouiller.  - Nous sommes tous sollicités sur cette question. Un employeur qui ne peut fournir des masques à ses salariés prend-il un risque ? Il y a un flou complet. Certains métiers ne peuvent par nature respecter le mètre de distance.

Si nous sommes confinés jusqu'en juin et que les congés prennent le relais, notre économie subira beaucoup de difficultés.

Mme Éliane Assassi.  - Il n'en demeure pas moins que le confinement n'a rien à voir avec les vacances !

M. Fabien Gay.  - Nous défendons les entreprises nous aussi et les salariés. Sans eux, les entreprises ne tournent pas !

Vous disiez : « haro sur les grévistes » : eh oui, sans travailleurs, la production s'effondre !

Avec l'alinéa 7, à la sortie de la crise, les salariés pourront travailler 48 heures, soit un alignement sur le droit européen. J'ai entendu un collègue parlementaire tout à l'heure parler de la suppression des jours fériés en mai.

De quelles entreprises parlez-vous ? De quelle durée ? Combien de temps après la sortie de la crise sanitaire ? Si c'est trop longtemps après, ce sera sans nous. Le chômage partiel représente 84 % du salaire net. Si vous voulez soutenir les salariés, passez à 100 % !

M. Jean-Yves Leconte.  - Cette disposition est gênante, car inégalitaire. Le télétravail, tout le monde ne peut pas en faire : tout le monde n'est pas un cadre supérieur bien logé. Des salariés mal payés de la restauration et de l'hôtellerie vont payer à la place de l'État. C'est profondément injuste...

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Les entreprises le subissent aussi !

Mme Éliane Assassi.  - Le confinement, ce n'est pas des vacances !

Mme Laurence Cohen.  - Nous sommes tous conscients de la déflagration économique qui vient. Comme l'ensemble de mon groupe, je suis pour aider les entreprises mais pas au détriment des droits acquis des salariés - lesquels sont rognés depuis Mme El Khomri. (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Aujourd'hui, certains salariés ne travaillent pas, mais ce n'est pas un choix.

Les salariés doivent avoir des droits acquis, garantis dans la loi. Le temps où les travailleurs étaient corvéables à merci est passé - même si certains, dans le système économique actuel, voudraient y revenir. L'état dans lequel l'économie libérale est en ce moment devrait les faire réfléchir... En 2020, 40 heures, c'est déjà trop !

M. Antoine Lefèvre.  - Caricature ! Quand il n'y aura plus d'entreprises, il n'y aura plus d'emplois !

M. Franck Montaugé.  - Je confirme que la situation du bâtiment n'est pas tenable. La fédération de mon département fait état d'une incompréhension totale du Gouvernement.

Vous devez prendre des mesures précises, et non par filières - dans lesquelles se trouvent des situations trop hétérogènes.

Dans le secteur social et médico-social, de nombreux salariés sont en contact avec des personnes à risque. Je ne comprends pas pourquoi aucune mesure n'a été prise pour protéger les salariés.

M. Pierre Ouzoulias.  - On a beaucoup parlé des caissières de supermarché ; nous les remercions elles aussi par nos applaudissements de 20 heures. Certaines d'entre elles m'ont dit, les larmes aux yeux, qu'elles se sentaient dans la situation des liquidateurs de Tchernobyl. Si elles ne travaillaient pas, nous mourrions de faim. Elles auront droit, après cette période, à des vacances.

Il leur faut plus que des applaudissements, mais des augmentations de salaires - et des vacances !

M. Rémy Pointereau.  - Bravo !

M. David Assouline.  - L'unité nationale ne se décrète pas : les Français doivent se sentir dans un même combat, car respectés à égalité.

Cette guerre ne se mène pas avec des armes. Cela ne sera pas possible si nous disions à ceux qui travaillent ou ceux qui se confinent - et nous passons notre temps à dire que ce ne sont pas des vacances - qu'ils seront privés de vacances.

Ils seront dans une situation plus fragile si nous faisons ce que vous proposez, alors qu'il faut leur donner des forces pour les mobiliser.

Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol.  - Très bien !

M. Emmanuel Capus.  - Nous avons de la chance de vivre en France. En Chine, quand vous êtes confinés, le parti communiste chinois ne vous paie pas...

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne sommes pas en Chine !

M. Fabien Gay.  - Heureusement !

M. Emmanuel Capus.  - Les Chinois confinés à l'hôtel doivent même le payer.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Absolument !

M. Fabien Gay.  - Et alors ?

M. Emmanuel Capus.  - Ce n'est pas l'employeur qui prive le salarié de travail, c'est un état général. D'où la disposition protectrice du chômage partiel. Beaucoup de salariés voient que les indépendants, les artisans souffrent. (Interruptions à gauche)

M. le président.  - Laissez parler l'orateur !

M. Emmanuel Capus.  - Il ne serait pas exagéré que les employeurs mettent les salariés en congés payés six jours - ils ne seront pas privés de vacances.

Si nous ne le faisons pas, le risque est qu'ils soient dans un chômage définitif.

M. Fabien Gay.  - Eh bien !

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Notre rôle, c'est de protéger l'emploi de la vie économique.

Dimanche, les bars, restaurants, discothèques ont été interdits - deux millions de salariés sont de fait en chômage partiel. Le reste des secteurs ne sont pas interdits, mais il leur faut prendre en compte les gestes barrières.

L'ouverture que nous avons faite sur le chômage partiel a pour effet une vraie assurance sur l'emploi : nous échappons aux grandes vagues de licenciements. Le chômage partiel concerne aujourd'hui 560 000 salariés pour 1,7 milliard d'euros.

Tous les jours, j'ai des réunions téléphoniques avec les organisations patronales et syndicats de salariés, mais aussi avec les fédérations sectorielles.

Il ne s'agit pas de supprimer les congés payés, mais d'utiliser une prérogative de l'employeur dans le code du travail en supprimant le délai de prévenance, normalement de quatre semaines, pour six jours ouvrés seulement.

Sur la durée du travail, il faut aider les 99 secteurs qui en ont besoin.

Les Français veulent des produits frais. Or il manque 200 000 personnes pour ramasser les asperges et les fraises. Le secteur a besoin de faire travailler quelques hommes de plus pendant quelques semaines.

Le BTP, ce sont beaucoup d'emplois. Beaucoup d'entreprises ont pris des dispositions. La question est : tout le bâtiment peut-il s'arrêter en France ? Demain matin, nous avons une réunion téléphonique avec les trois fédérations.

La solution, c'est de définir, comme dans la grande distribution, où des panneaux de plexiglas seront mis en place, des protocoles.

Certaines choses ne seront pas possibles, mais toutes ne doivent pas s'arrêter.

Je rappelle que l'employeur a une obligation de moyens : il s'agit de dédoubler les équipes, de mettre en place des horaires décalés.

Vous craignez que les entreprises préfèrent les congés payés au chômage partiel : ce dernier leur est désormais intégralement remboursé.

Les postiers, les caissières sont nos héros du quotidien, notre base arrière. Nous allons nous adapter.

L'amendement n°56 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos29, 57 et 30.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

du code du travail

par les mots :

d'ordre public

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement donne la possibilité de prolonger les droits des chômeurs arrivant à échéance.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Laurence Rossignol.  - Rappel au Règlement : plus on avance, plus il reste d'amendements à examiner. Le Gouvernement va-t-il continuer à en déposer ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Non.

L'amendement n°103 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

et les prestations relevant des séjours de mineurs à caractère éducatif organisés dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement étend aux colonies de vacances les dispositions qui viseront le secteur du tourisme.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°37 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Dérogeant aux dispositions de l'article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 relatives à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Il s'agit de fluidifier la chaîne de la dépense publique.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°70 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Permettant à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale de consentir des prêts et avances aux organismes gérant un régime complémentaire obligatoire de sécurité sociale ;

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Il faut autoriser l'Acoss à faire des avances de trésorerie aux régimes complémentaires de sécurité sociale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°78 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 20

Après la première occurrence du mot :

délais

insérer les mots :

et procédures

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement vise les procédures de dépôt et de traitement des déclarations administratives pour les entreprises.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Le report de la TVA est-il prévu pour les entreprises ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Non. S'il y a de la TVA, c'est qu'il y a du chiffre d'affaires.

M. Philippe Mouiller.  - Beaucoup de particuliers, et pas seulement des entreprises, seront dans l'incapacité de tenir certains délais administratifs. Il faudra sans doute compléter les mesures pour en tenir compte.

L'amendement n°71 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Ravier.

Alinéa 21, première phrase

Après le mot :

droit

insérer les mots :

, notamment dans le cadre de l'indemnisation chômage,

M. Stéphane Ravier.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Le texte instaure un moratoire général qui rend inutile ce moratoire particulier.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 22

Supprimer les mots :

autres que pénales

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  -  Texte même !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°101 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 23

Remplacer les mots :

des délais d'audiencement

par les mots :

des délais au cours de l'instruction et en matière d'audiencement

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement concerne l'habilitation à opérer des adaptations en matière de délais de procédure judiciaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous en arrivons à des habilitations qui portent sur l'organisation administrative et non plus sur le soutien aux entreprises : ces ajustements ne sauraient perdurer au-delà de la crise car ils sont attentatoires aux droits et libertés.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai posé une question d'actualité tout à l'heure sur ce sujet. Des failles de procédure vont entraîner des nullités, donc des libérations. En cette matière, les ordonnances ne souffrent aucun délai, je songe aux extractions judicaires par exemple.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - C'est un amendement très préoccupant. L'aménagement des délais d'audiencement était envisagé : soit. Mais aménager les délais d'instruction, cela signifie maintenir des personnes en détention. On n'entend guère parler de la propagation de l'épidémie en prison, pourtant les détenus sont à quatre dans 9 mètres carrés, ils n'ont pas de masque, ils sont interdits de promenade. Nous allons assister à une explosion de l'épidémie en prison.

Or l'ordonnance envisagée laisse craindre une prolongation de la détention, pour des personnes qui ne sont pas condamnées.

L'amendement n°77 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 23

Remplacer les mots :

trois mois en première instance et six mois en appel

par les mots :

trois mois en matière délictuelle et six mois en appel ou en matière criminelle

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Il s'agit d'habiliter le Gouvernement à allonger les délais de détention provisoire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°76 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par le Gouvernement.

I  -  Alinéa 25

1° Après les mots :

personnes morales de droit privé

insérer les mots :

et autres entités

2° Remplacer les mots :

du droit des sociétés relatif à la tenue des

par les mots :

des règles relatives aux

II  -  Alinéa 26

Après les mots :

personnes morales de droit privé

insérer les mots :

et autres entités

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Il est proposé d'étendre les mesures relatives aux délibérations des organes dirigeants et des assemblées : les assemblées générales et conseils d'administration doivent être autorisés à se réunir virtuellement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°85 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Permettant aux autorités compétentes de prendre toutes mesures relevant du code de la santé publique et du code de la recherche afin, dans le respect des meilleures pratiques médicales et de la sécurité des personnes, de simplifier et d'accélérer la recherche fondamentale et clinique visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 ;

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement se justifie par son texte même.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°72 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Afin de faire face aux conséquences, pour les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, de la propagation du covid-19 et des charges découlant de la prise en charge des patients affectés par celui-ci, toute mesure dérogeant aux règles de leur financement ;

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement vise à déroger provisoirement aux règles de financement des établissements de santé, qui sont en première ligne dans la gestion de l'épidémie. La tarification à l'activité (T2A) ne répond pas aux circonstances. Nous régulariserons a posteriori.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas anodin. Mais je me félicite de cet amendement, d'autant que le groupe CRCE souligne depuis longtemps que la T2A n'est plus adaptée, ce qu'avait reconnu Agnès Buzyn.

L'amendement n°73 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Rossignol, M. Jomier, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Leconte et Sueur et Mme Meunier.

Alinéa 34

Supprimer cet alinéa.

Mme Laurence Rossignol.  - Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a essayé d'imposer une déclaration d'identité et un planning en ligne aux assistantes maternelles. Celles-ci, salariées de droit privé, s'y sont opposées. Le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition, or le Gouvernement la réintroduit dans ce texte, sans que l'on comprenne le rapport avec la situation d'urgence !

Les assistantes maternelles n'ont pas de masques, elles gardent plusieurs enfants, vecteurs de la maladie chez elles tout autant qu'à l'école. Elles ne se sentent pas considérées. Pourquoi, en plus, leur imposer une plateforme dont elles ne veulent pas ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le président Milon a fait un amendement qui circonscrit l'habilitation. Avis défavorable.

M. Philippe Mouiller.  - Les entreprises individuelles sans activité, notamment dans la formation, pourraient contribuer à la garde d'enfants mais en sont empêchées par les règles en vigueur.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 36

Après les mots :

et médico-sociaux

insérer les mots :

dans la limite de leur capacité d'accueil

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement limite l'accueil de nouveaux patients dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux en fonction de leurs capacités d'accueil, afin d'éviter de mettre en danger les personnes accueillies comme le personnel.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Pourquoi ?

Mme Laurence Rossignol.  - Vous comptez donc dépasser les capacités d'accueil des établissements visés ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Certains sont en difficulté mais d'autres indiquent pouvoir accueillir temporairement des personnes en difficulté. Ne les en empêchons pas.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 39

Supprimer cet alinéa.

Mme Laurence Rossignol.  - Le dispositif manquant de précision, le présent amendement propose la suppression du 6° de l'article 7.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 47

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... -  Les projets d'ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Cet amendement supprime certaines consultations obligatoires pour la rédaction des ordonnances, par exemple concernant l'adaptation du droit des copropriétés. Néanmoins, le Conseil d'État sera chaque fois consulté.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Laurence Cohen.  - Où sont les garde-fous ? La crise sanitaire est un prétexte pour donner les pleins pouvoirs accordés au Gouvernement. Est-il bien nécessaire de rester jusqu'au bout de la séance ?

M. le président.  - Nous irons jusqu'au bout.

L'amendement n°74 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Les dispositions législatives prises en vertu des 2° à 7° du I et du II du présent article sont applicables jusqu'au 1er avril 2021.

M. Jean-Yves Leconte.  - Neuf habilitations en matière économique et sociale, vingt-cinq en matière juridique et administrative : cela fait beaucoup d'ordonnances, et nous avons supprimé des consultations obligatoires. Il y a urgence, certes, mais si la ratification des ordonnances se fait avec autant de sérieux que le vote des habilitations...

Le travail parlementaire sur ces ordonnances ne pourra entrer dans le détail. C'est pourquoi l'amendement précise que toutes les dispositions prises en vertu des habilitations, n'étant pas lieu d'être pérennes, seront valides jusqu'au 1er avril 2021.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Dans certains cas, les mesures pourront s'éteindre à cette date, dans d'autres cas il conviendra de les prolonger au-delà : le couperet est trop brutal. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Par nature, les mesures à l'article 7 sont limitées à la durée de la crise sanitaire. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le groupe socialiste et républicain attache une grande importance à cet amendement.

D'habilitation en habilitation, tout devient possible. L'amendement précédent supprime les consultations obligatoires. C'est le flou intégral !

Ensuite, on nous assure que les mesures qui seront prises sont exceptionnelles. Très bien, mais à condition qu'elles ne puissent rester en vigueur une fois la crise finie. C'est le sens de cet amendement.

Il y a évidemment des mesures qu'il faudra proroger ; la sortie de la crise sera progressive. Mais il y a beaucoup d'exemples de dispositions exceptionnelles devenues pérennes. Il faut fixer des limites.

M. Alain Richard.  - Cet amendement porte sur l'intégralité des dispositions prises par ordonnances. Chacun comprend que la situation impose d'altérer un grand nombre de dispositions légales. Il y aura forcément une transition. Bien malin qui pourrait dire quand l'utilité de chaque modification prendra fin.

Soit nous ne votons pas cet amendement, et le Parlement pourra souverainement mettre fin à telle ou telle disposition quand il le jugera bon. Soit nous le votons et nous devons faire avant avril 2021 une revue complète des mesures pour décider lesquelles conserver. Ce n'est pas de bonne législation.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous avons prévu un délai assez long. S'il faut aller plus loin qu'un an, nous le ferons dans des conditions plus sereines. Nous sortons de tout contrôle au moins pour les prochains mois. Si nous voulons que les mesures soient efficaces, il faut qu'elles soient constitutionnelles.

Nous tenons à ce que le Parlement puisse faire son travail. Il est indispensable de voter cet amendement de sécurité juridique.

Mme Nathalie Goulet.  - Tout à l'heure, j'avais fait la proposition à Olivier Véran de constituer un comité de suivi de l'état d'urgence sanitaire.

Le Président de la République a dit quatorze fois que nous sommes en guerre. J'aimerais avoir un engagement, ou au moins un intérêt du Gouvernement pour cette proposition.

M. Pierre Laurent.  - Je suis sensible à l'exposé de M. Leconte. Madame la ministre, vous nous dites que ces dispositions prendront fin avec l'urgence sanitaire. Mais le délai d'un an est raisonnable : pourquoi refuser cet amendement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Les habilitations sont données pour la durée de la crise sanitaire. Aucune disposition n'a vocation à être pérenne

L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Meunier, M. Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Leconte et Temal et Mme Monier.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu'au 31 juillet 2020, l'interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu'à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.

Mme Laurence Rossignol.  - Depuis tout à l'heure, nous cherchons à amortir les effets de l'épidémie dans les activités économiques et sociales du pays. J'ai interrogé tout à l'heure le ministre de la Santé sur un sujet qui n'a peut-être pas été évoqué au Gouvernement - et ce serait bien normal vu le nombre de questions à traiter - et qui a donné lieu à une note du collège des gynécologues obstétriciens : l'effet sur le droit à l'IVG. Le collège a même envisagé de transformer des interruptions volontaires en interruptions médicales de grossesse. Cet amendement allonge le délai d'IVG de deux semaines pour ne pas forcer les médecins à trancher entre le respect de la loi et les situations dramatiques qu'ils ont sous les yeux. On ne peut pas régler ce problème en dehors de la loi. Il faut le faire ce soir.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque l'état d'urgence sanitaire a été déclaré, les débats contradictoires relatifs à la prolongation de la détention provisoire des personnes mises en examen, prévenues ou accusées peuvent, tant que l'état d'urgence sanitaire est en vigueur, se tenir sans que celles-ci comparaissent personnellement lorsque le recours aux dispositions prévues à l'article 706-71 du code de procédure pénale s'avère matériellement impossible.

Mme Nathalie Goulet.  - Dans quel délai les ordonnances sur la prolongation de la détention provisoire seront-elles prises ?

L'épidémie va entraîner de lourdes perturbations dans les juridictions pénales. La loi prévoit le recours à la visioconférence, mais les tribunaux sont très mal équipés.

Malgré l'avis défavorable de la commission, j'insiste : à défaut d'une ordonnance prise très rapidement, il y aura des libérations pour vices de procédure.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'article 7 que nous venons d'adopter répond à votre souci : il comprend une procédure écrite, plus souple encore que la visioconférence.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Le Gouvernement partage l'intention de cet amendement, cependant celui-ci est inutile. Par conséquent, retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°6 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par MM. Chaize et Retailleau.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 et en particulier d'assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux mentionnés à l'article L. 732-1 du code de la sécurité intérieure, toute mesure visant à :

- déroger aux procédures de délivrance d'autorisations par les autorités administratives,

- déroger aux procédures d'information des autorités administratives,

- prévoir des modalités de réquisitions des personnels des exploitants de ces réseaux et de ces services, ainsi que de leurs sous-traitants,

est autorisée pendant une durée de six mois à compter de la date de publication de la présente loi.

M. Bruno Retailleau.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Retrait car satisfait !

L'amendement n°19 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par MM. Chaize et Retailleau.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 et en particulier d'assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux mentionnés à l'article L. 732-1 du code de la sécurité intérieure, toute mesure visant à permettre la collecte et le traitement de données de santé et de localisation, est autorisée pendant une durée de six mois suivant la date de publication de la présente loi.

M. Bruno Retailleau.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Retrait.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°20 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Éblé et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'ensemble des dépenses engagées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour faire face à l'urgence sanitaire imposée par l'épidémie de Covid-19 et à ses conséquences en matière sociale, économique et de fonctionnement des services publics sont considérées comme résultant d'éléments exceptionnels affectant significativement leurs résultats au sens des dispositions du troisième alinéa du V de l'article 29 de la loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

M. Patrick Kanner.  - Le pacte de Cahors, c'est le retour du contrôle d'opportunité de l'État sur les dépenses des collectivités territoriales. Tout le monde ne l'a pas signé du reste, quitte à risquer des amendes.

Les régions vont mettre en place des aides économiques, les départements vont acheter des millions de masques : ces dépenses doivent échapper au cadre du contrat de Cahors.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Très juste !

M. le président.  - Amendement n°79, présenté par le Gouvernement.

 Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les V et VI de l'article 29 de la loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ne sont pas applicables aux dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l'année 2020 des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés aux trois premiers alinéas du I du même article.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Ces contrats ont permis une vraie maîtrise des dépenses publiques.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Ce sont les élus qui ont réalisé cette maîtrise, pas le pacte ! (On renchérit sur diverses travées.)

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Nous proposerons de suspendre en 2020 les plafonds de dépenses.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je serais plutôt tenté de retenir l'amendement du Gouvernement, qui va plus loin que celui du groupe socialiste : celui-ci gagnerait à s'y rallier.

L'amendement n°8 est retiré.

M. Alain Richard.  - Ce système de Cahors, voté je le rappelle par la majorité sénatoriale et adopté par le Parlement, est pluriannuel. Comment vérifier le respect des plafonds sur plusieurs années si une année est neutralisée ? Il faudra améliorer le dispositif.

L'amendement n°79 est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier et Castelli, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde et M. Roux.

Supprimer cet article.

Mme Nathalie Delattre.  - L'article prolonge automatiquement de quatre mois la durée d'habilitation. Même chose pour la ratification. Or la confiance n'exclut pas le contrôle. Nous ne pouvons pas étendre démesurément la durée d'habilitation. Le Gouvernement pourra repasser devant le Parlement s'il le souhaite.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le législateur est toujours réticent à se défaire de son pouvoir constitutionnel. Mais en cette période exceptionnelle, il est sage de laisser au Gouvernement un peu de temps pour préparer les ordonnances. Ce n'est pas abdiquer le pouvoir de contrôle du Parlement.

L'exécutif a accepté le sacrifice de différer certaines réformes qui lui tenaient à coeur.

Aujourd'hui, c'est la guerre contre le coronavirus qui mobilise toutes les énergies. Retrait ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement est excellent. Les ordonnances privent le Parlement de contrôle. Là, c'est une véritable collection d'ordonnances !

Elles seront prises sans consultation, l'habilitation comme la ratification s'allongent dans le temps. Tout est possible, dans ces conditions ! Nous allons voir le Parlement engorgé par les ratifications, qui donnent lieu à des débats désormais - sauf si l'on considère qu'ils sont purement formels, et alors on dissout l'essence du travail parlementaire.

M. Pierre Laurent.  - La rigueur juridique proverbiale du président Bas lui ferait-elle en cet instant défaut ? On ne pourrait pas élargir le champ des ordonnances au risque de dessaisir le Parlement de ses pouvoirs, mais on pourrait reconduire automatiquement une habilitation ?

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les élections permettant le renouvellement de ces conseils se sont tenues avant la date de promulgation de la présente loi.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement prolonge le mandat des présidents d'université. Je n'en vois pas l'utilité. En effet, l'article L. 719-8 du code de l'éducation permet la mise en place d'une administration provisoire de l'université et autorise le recteur à prendre toutes mesures. Revenons-en au droit en vigueur !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je salue l'efficacité du Gouvernement qui a déposé un amendement à 23 h 27. Mes félicitations au ministre de l'Éducation nationale.

Cependant, j'ai quelques réticences sur cet amendement qui nous impose d'élire toutes affaires cessantes les présidents d'université.

Il n'y aura pas de réunions des conseils d'université nous dit-on, car l'élection se fera par voie électronique : l'Éducation nationale a un temps d'avance sur les collectivités territoriales ! (Sourires)

Malheureusement, je ne peux m'exprimer qu'à titre personnel. Je ne chercherai pas à vous convaincre...

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Il se passe souvent plusieurs semaines entre l'élection des membres des conseils d'université et celle du président.

Mme Françoise Gatel.  - Comme dans les conseils municipaux ?

M. Pierre Ouzoulias.  - C'est donc une expérimentation électorale qui pourrait s'étendre aux conseils municipaux ? Monsieur le président Bas, je vous fais confiance.

L'amendement n°104 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

ARTICLE 10

Mme Esther Benbassa .  - Avec cet amendement, le Gouvernement prend ses responsabilités en matière migratoire. Beaucoup de migrants craignent d'être enfermés en centre de rétention administrative, avec des conséquences insoutenables à l'heure de la pandémie. Faisons preuve de solidarité avec les migrants pour qu'ils vivent cette crise de la manière la moins dramatique possible. Je remercie le Gouvernement.

M. David Assouline .  - J'ai déposé deux amendements sur la situation des étrangers en France, dont l'un a été jugé irrecevable. Il ne s'agit que de suspendre deux décrets pris en décembre pour limiter l'accès aux soins des étrangers en France. Le premier réduisait de douze à six mois la période de maintien des droits, faisant basculer les migrants de la protection maladie universelle vers l'aide médicale d'État ; le second introduisait un délai de résidence de trois mois pour l'accès aux soins. Non seulement ce n'est pas humain, mais cela devient un danger pour l'ensemble des Français.

M. Jean-Yves Leconte .  - L'évolution de l'épidémie a fait oublier la tragédie à la frontière grecque. Or les deux vont s'aggraver, d'autant plus que chaque pays membre de l'Union européenne se retranche derrière les frontières nationales.

Madame la ministre, une question : que deviendront les titulaires d'un visa court séjour Schengen qui ne peuvent pas rentrer chez eux ? Comment les États membres traiteront-ils leur situation ?

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Ravier.

Première phrase

Remplacer les mots :

cent quatre-vingt jours

par les mots :

quatre-vingt-dix jours

M. Stéphane Ravier.  - Même en période d'urgence sanitaire, cet incorrigible Gouvernement, qui s'occupe des Français avec de graves manquements, donne toujours plus pour les demandeurs d'asile. Pour eux, les préfectures restent ouvertes. Le confinement est de quinze jours. On prolonge leurs droits de cinq mois ! Certains juges ordonnent la libération de tous les clandestins en centre de rétention administrative.

Pour les Français, c'est « Restez chez vous » ; pour les étrangers, c'est « Restez chez nous ».

Cette crise, que fuient de plus en plus d'étrangers qui prennent d'assaut les bateaux pour l'Algérie, révèle vos erreurs et vos aveuglements idéologiques. Les nôtres n'ont qu'un seul pays, et ils se terrent de peur d'y mourir prématurément.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'état d'urgence sanitaire suspend les procédures de placements en centres et locaux de rétention prévue aux articles L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. David Assouline.  - Après avoir éprouvé une nausée en entendant M. Ravier, je veux parler à l'humanité de chacun.

Nous savons la promiscuité, les difficultés d'accès aux soins dans les centres de rétention.

D'après le droit, la rétention est le prélude au raccompagnement. Dans cette situation de pandémie, nous n'avons aucune raison de laisser les étrangers dans les centres puisque nous ne pouvons pas les renvoyer chez eux dans un avion.

Des dispositions ont été prises pour que, si quelqu'un est diagnostiqué, il ne soit pas mis en centre de rétention administrative. Mais peu de cas sont identifiés.

Cet amendement suspend momentanément les placements en centre de rétention.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Votre proposition empêche toute utilisation des centres de rétention, qui pourtant sont parfois utiles.

Vous avez raison de vous inquiéter des conditions de vie dans ces centres. Il revient au préfet, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, de ne pas placer les étrangers dans un centre sans perspective raisonnable d'éloignement. C'est, me semble-t-il, une garantie suffisante. Avis défavorable.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Avis défavorable.

M. David Assouline.  - J'aurais voulu quelques mots du Gouvernement... En effet, il n'est pas nécessaire de passer par la loi. Le Gouvernement, je l'ai dit, se contente de ne pas faire enfermer ceux qui n'ont pas de symptômes. Mais nous le savons désormais, d'autres peuvent être porteurs de la maladie. Il faut aller beaucoup plus loin ! De plus, l'objet de la rétention est d'éloigner, et il n'y a pas, en ce moment, de possibilités d'éloignement.

Cet amendement est surtout un appel au Gouvernement.

M. Jean-Yves Leconte.  - Madame la ministre, même si vous n'êtes pas spécialiste de ces questions, vous représentez le Gouvernement, il n'est donc pas illégitime de vous demander des réponses. Vous ne m'avez pas répondu non plus sur les titulaires de visas de court séjour Schengen qui viendraient à expirer.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - Les préfets, avec discernement et humanité, apprécieront les situations au cas par cas.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté, ainsi que l'article 12.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Muriel Pénicaud, ministre.  - En cohérence avec l'amendement du Gouvernement précisant les conditions d'exercice du contrôle parlementaire pendant l'état d'urgence sanitaire, cet amendement supprime l'article 13 du texte issu des travaux de la commission des lois, qui a le même objet.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je ne vous suis pas... Pourquoi ne pas vous ouvrir davantage au regard du Parlement sur les mesures que vous allez prendre ? Nous demandons que l'ensemble de ce texte fasse l'objet d'un contrôle du Parlement. Pourquoi l'empêcher, alors que nous explorons ensemble les voies de l'union nationale ? La commission des lois s'est opposée unanimement à votre amendement.

M. Alain Richard.  - Le président Bas dispose d'une gamme d'attitudes oratoires que l'on ne peut qu'admirer. Il sait aussi bien que moi que sa demande est inconstitutionnelle. Souffrez, monsieur le président, que le Gouvernement vous rappelle au respect de la Constitution.

L'amendement n°91 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

La séance est suspendue pour quelques instants.

M. le président.  - Nous en venons à l'article premier, qui était réservé.

ARTICLE PREMIER (Précédemment réservé)

L'amendement n°80 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par M. Ravier.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer les mots :

mois de juin 2020

par la date :

17 mai 2020

II.  -  Alinéa 4

Remplacer la date :

10 mai

par la date :

30 avril

III.  -  Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Si le second tour n'a pas pu se tenir avant l'échéance fixée au premier alinéa du présent article, de nouvelles élections des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon sont organisées dès que la situation sanitaire le permet.

Après analyse du comité scientifique placé auprès du Gouvernement, les dates de ces élections sont fixées en conseil des ministres.

M. Stéphane Ravier.  - Les deux tours d'une élection ne sont pas deux élections, mais une seule. La sincérité du scrutin, déjà gravement entachée par les injonctions contradictoires exprimées par le Premier ministre - « restez chez vous, mais allez voter ! »  - souffrirait d'un second tour dans trois mois.

À Marseille, l'abstention a dépassé 65 %. Toutes les villes qui n'ont pas élu de maire seront contraintes de rejouer le premier tour ! C'est l'ancienne ministre de la Santé qui a parlé de mascarade... La vérité est inévitable : le Gouvernement savait, pour cette catastrophe sanitaire, et il n'a rien fait !

Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, dénonce l'incurie de la haute administration. La mascarade de cette élection a été dénoncée par l'ancienne ministre de la Santé elle-même. Quand nos soignants se battent, des politiques au rabais...

M. le président.  - Votre temps est écoulé et vous pourriez modérer vos propos.

M. Stéphane Ravier.  - Vous osez me couper la parole, alors que vous appliquez stricto sensu...

M. le président.  - Monsieur Ravier, vous n'avez plus la parole.

L'amendement n°81 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°82.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur.  - Chacun sait les incertitudes sanitaires que nous connaissons. Nous proposons que ce soit sur la base d'un nouveau rapport que la solution par les dépôts de candidatures soit proposée.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier et Castelli, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde et M. Roux.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Par dérogation à l'article L. 267 du code électoral, les déclarations de candidatures pour le second tour doivent être déposées au plus tard à dix-huit heures douze jours avant le jour du scrutin.

Mme Nathalie Delattre.  - La date du dépôt des candidatures ne doit pas relever d'une ordonnance. Nous proposons qu'elle soit fixée douze jours avant l'élection.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par Mmes Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

le mardi 24 mars 2020 à dix-huit heures

par les mots :

une semaine après la publication de la présente loi

Mme Éliane Assassi.  - L'allongement du délai de dépôt des candidatures est nécessaire. Nous sommes tous touchés par les mesures de confinement. L'expérimentation des nouvelles procédures numériques pourra prendre plus de temps que prévu.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

le mardi 24 mars 2020

par les mots :

le second vendredi qui suit la promulgation de la présente loi

II.  -  Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Patrick Kanner.  - L'objectif de cet amendement est de figer les résultats du premier tour, car les deux tours d'une élection sont un tout. N'allongeons pas le délai artificiellement.

L'amendement n°39 n'est pas défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je ne crois pas l'amendement n°44 réaliste. Avis défavorable. (M. Stéphane Ravier manifeste son mécontentement.) Ne nous écartons pas - concernant le délai du dépôt de candidatures - plus qu'il n'est nécessaire de la norme. Monsieur le ministre, vous avez annoncé qu'il n'était pas utile aux candidats de respecter le délai fixé pour les dépôts de candidatures, espérant que le Parlement le repousserait. Certains l'ont fait, d'autres ont différé, confiants dans la parole ministérielle.

Cela ne facilite pas notre travail. On ne peut plus s'en tenir à la date de mardi dernier. La commission des lois a considéré qu'il était préférable de s'en tenir à la règle du droit commun. Il n'y a aucune raison de différer une démarche plus dangereuse pour le candidat que son déplacement au supermarché.

Nous avons adopté le 24 mars, soit mardi prochain. Mais je m'interroge : est-ce réaliste ? Peut-être devrions-nous différer cette date. Je propose de retenir la date du mardi 31 mars. Comment ? En proposant un sous-amendement à l'amendement n°5, qui propose la date la plus proche de celle que je propose... (Mme Éliane Assassi ironise.) J'espère ainsi rassembler votre groupe, monsieur le président Kanner, ainsi que la majorité sénatoriale et que, portés par cette dynamique, nous trouvions une solution qui satisfasse tout le monde.

Avis défavorable aux amendements nos87, 25 rectifié bis et 83, rédigés de manière moins claire que celui de M. Kanner.

M. le président.  - Ce sous-amendement porte le n°111.

Sous-amendement n°111 à l'amendement n° 5 de M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

le mardi 31 mars 2020

M. Christophe Castaner, ministre.  - Doit-on penser que le dépôt doit se faire deux jours après le premier tour, soit le mardi suivant, ou cinq jours avant le deuxième tour ? Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que le fameux article 267 du code électoral, que plusieurs d'entre vous ont évoqué, précise que les déclarations de candidatures pour le second tour doivent être déposées au plus tard à 18 heures, douze jours avant le jour du scrutin. La loi en vigueur fait donc clairement référence au second tour.

Nous appliquerions donc bien l'esprit du texte en retenant cinq jours avant le second tour. Mais les incertitudes sanitaires ne permettent pas de déterminer aujourd'hui une date pour le second tour.

Nous préférons attendre un rapport du conseil scientifique, pour éclairer la décision de maintenir ou non le second tour avec une échéance à la fin du mois de juin, le Premier ministre ayant évoqué la date du 21 juin quand il a rencontré l'ensemble des partis politiques, des groupes politiques et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Gouvernement suggère de ne pas se précipiter.

Un certain nombre d'entre vous ont vécu des moments de négociation entre les deux tours. Pour moi, je ne peux y penser sans nostalgie.

Dans une salle, on parle du programme, dans une autre où la négociation est en général plus difficile, des places sur les listes. Ce sont des moments chaleureux, mais justement cela ne peut se faire en temps de confinement : ce n'est pas seulement un dossier à déposer à la préfecture. (Mme Sophie Primas le conteste.)

Avis défavorable à votre sous-amendement, monsieur le président. Le 31 mars, c'est trop tôt.

Avis défavorable à l'amendement n°44, mais le propos de M. Ravier n'avait rien à voir avec l'objet de l'amendement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Dois-je vous rappeler l'article L. 267 du code, qui se réfère bien explicitement au deuxième jour qui suit le premier tour ? (M. le ministre de l'Intérieur maintient son interprétation.) Le législateur a voulu éviter un état de confusion trop prolongé.

Ne dérogeons pas à une règle aussi fondamentale. Des déclarations dématérialisées seront possibles.

Monsieur le ministre, cette loi prévoit que le second tour des élections municipales aura lieu avant le 30 juin, alors même qu'il n'est pas sûr que l'élection pourra être organisée avant cette date ! Si ce n'est pas possible, il faudra revenir nous voir, monsieur le ministre, reconnaissez-le !

Tant que cette loi future n'aura pas été votée, il faut organiser le second tour qui aura lieu forcément avant le 30 juin. Le dépôt de candidature devra donc avoir lieu le plut tôt possible après le premier tour. Il me semble qu'en fixant la date du 31 mars, on n'encourt aucun reproche et la règle étant la même pour tous, chacun pourra s'y référer.

Mme Nathalie Delattre.  - Le groupe RDSE maintient son amendement, qui propose un dépôt douze jours avant les élections.

Monsieur le président, vous parlez d'un simple enregistrement en préfecture.

À Bordeaux, où quatre listes se maintiennent, ce sont quatre fois 65 candidats qui devront aller à la préfecture. J'espère qu'ils pourront envoyer leur déclaration de manière dématérialisée, car il ne serait pas raisonnable d'avoir autant de candidats sur les routes dans plusieurs milliers de communes.

M. Jean-Marc Gabouty.  - On peut comprendre l'article du code ainsi : le deuxième jour suivant le premier tour, à condition que le second tour ait lieu le dimanche suivant.

Cet enchaînement est logique car il fait de la campagne électorale un tout. Si les listes sont déposées le 31 mars, cet acte ne sera pas suivi de la campagne. Pour le premier tour, la date de candidature était le 27 février - et celle de dépôt des documents officiels le 28 février, ce qui complique la tâche d'une profession que je connais bien.

On multiplie les particularités. En toute logique, le délai doit se faire dans des délais normaux de douze à quinze jours avant l'élection, pour que le temps de la campagne et celui de l'élection soient liés.

M. Jean-Claude Tissot.  - Que deviennent les listes qui ont déjà été déposées mardi dernier, conformément à la loi ?

M. Bruno Retailleau.  - Le rapport doit nous donner un éclairage scientifique sur la possibilité d'organiser le second tour - cela n'a rien à voir avec le dépôt des listes. J'étais favorable au 24 mars - pas par attachement aux ides de mars...mais parce qu'il fallait créer un consensus - c'est le propre de la démocratie. Or nous sommes, dans tous les groupes sauf LaREM, favorables à la fin mars. D'où cette proposition du 31 mars, par laquelle chacun fait un pas vers l'autre.

M. Alain Richard.  - Tout cela, qui est inspiré d'une profonde sincérité, entraîne tout de même quelques retombées politiques...Le président Bas dit que la loi crée une obligation de tenir les élections avant la fin juin ; le président Retailleau soutient, conformément à l'avis du Conseil d'État, qui rejoint mon interprétation, qu'au-delà du butoir du 30 juin, ce ne sera pas un second tour. Or nous sommes dans une période d'incertitudes.

Il ne reste que la question des fusions de listes. Je ne crois pas que tout puisse se faire par la voie numérique : si l'on change les listes, il faut une nouvelle signature de chaque candidat, garantissant son acquiescement.

Mme Esther Benbassa.  - Je m'exprime en tant que membre rattachée au groupe CRCE. Les écologistes jugent la proposition du Gouvernement de fixer la date par une ordonnance, adéquate. Les équipes sortantes verront leur mandat prorogé jusqu'à mi-mai. Pourquoi s'arc-bouter sur le 31 mars pour le dépôt des candidatures ? L'heure est à la lutte contre le coronavirus. Les discussions sur les alliances politiques auront lieu, mais pas maintenant.

Mme Françoise Gatel.  - Le groupe UC était favorable à la clarté et aux points de repère fixes. Les élus locaux ne savent plus que faire.

Chacun d'entre nous a une position cohérente. J'estime qu'il est dangereux de jouer avec les règles de droit.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Qu'adviendra-t-il des listes déposées ? Elles sont écrasées par le fait que le second tour n'aura pas lieu : l'accessoire suit le principal. Un nouveau dépôt sera nécessaire.

Il n'existe pas de preuve électronique : une nouvelle liste fusionnée ne pourrait être acceptée par mail.

Sur un plan plus politique, si l'élection n'avait pas lieu en juin, les listes fusionnées avant la décision auraient des difficultés à mener campagne dans quelques mois séparément, surtout les petites listes.

Imaginez que quelqu'un dépose une liste par mail au nom du président Retailleau : le préfet de Vendée s'exécuterait immédiatement ! (Sourires) Il faut une preuve matérielle de dépôt. Sur un plan juridique, l'article L. 267 prévoit que le décompte se fait rétroactivement dans le premier alinéa, a posteriori dans le deuxième.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le système adopté par la commission des lois règle le problème des listes déposées avant mardi dernier. Elles peuvent se maintenir et ouvrir des négociations avec d'autres listes pour les mettre à égalité avec toutes les listes.

Le problème de la déclaration électronique se résoudra sans difficulté. La fraude sur papier existe aussi et j'ai toute confiance dans la capacité d'adaptation de votre administration, monsieur le ministre.

Ce débat est nécessaire, mais secondaire au vu des préoccupations actuelles des Français. En mettant fin aux tractations au plus vite, nous rendrions service au pays. Nous serions ainsi en ordre de marche pour l'élection.

La dissociation des deux tours est un exercice très délicat. Plus délicat encore : si le seuil du 30 juin était passé, la question de l'organisation des élections sénatoriales serait posée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Pierre Laurent.  - J'incline pour la date du 31 mars qui semble faire consensus. Les discussions se sont engagées sur deux principes : sécurisation du premier tour, report du second tour. Mais le doute sur le second tour gagne du terrain. S'il n'a pas lieu en juin, le premier tour est-il remis en cause ?

M. Christophe Castaner, ministre.  - Le Conseil d'État estime que la date butoir du 30 juin est nécessaire, car un délai trop long mettrait en cause la sincérité du scrutin et ferait tomber les résultats du premier tour pour les communes où le premier tour n'a pas été décisif.

L'amendement n°44 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos87 et 25 rectifié bis.

L'amendement n°83 est retiré.

Le sous-amendement n°111 est adopté.

L'amendement n°5, ainsi sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°93 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

A.  -  Après l'alinéa 4

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

Ce rapport examine également les risques sanitaires et les précautions à prendre :

1° Pour l'élection du maire et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour ;

2° Pour les réunions des conseils communautaires.

B.  -  Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

II.  -  Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité national scientifique.

C.  -  Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu'à l'entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu'à cette même date ;

D.  -  Alinéas 9 et 10, seconde phrase

Remplacer la référence :

V

par la référence :

V bis

E. - Alinéa 27

Après les mots :

Pour les

insérer les mots :

listes de candidats ou les

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement très important tire les conséquences de la décision politique prise cet après-midi, à l'issue d'une réunion présidée par le président du Sénat et le Premier ministre, en présence du ministre de l'Intérieur et du ministre des relations avec le Parlement, à laquelle participaient tous les présidents de groupe.

Il aurait été infiniment souhaitable d'organiser comme prévu vendredi, samedi et dimanche l'élection des maires et adjoints des communes où une liste l'avait emporté au premier tour.

Annuler cette élection est une décision très lourde, justifiée par le confinement. Si le Gouvernement voulait maintenir l'élection, il fallait introduire un quorum plus faible, des procurations plus nombreuses, permettre un scrutin dans une autre salle que celle de la mairie, de manière à éviter la promiscuité.

Beaucoup d'élus auraient souhaité un maintien ; mais certains s'apprêtent à braver la loi et les consignes du ministère et des préfets de maintenir ou non le second tour avec une échéance à la fin du mois de juin, et vous le savez, le Premier ministre avait évoqué la date du 21 juin quand il a rencontré l'ensemble des partis politiques, des groupes politiques et des deux présidents de l'Assemblée et du Sénat en ne tenant pas cette élection.

Cet amendement reporte donc à la fin du confinement l'élection des maires et adjoints. La date sera fixée sur la foi du rapport du comité scientifique qui sera remis le 10 mai.

Il conviendra de rassurer ceux des maires qui craignent que l'on annule leur élection. Nous avons reçu plusieurs messages en ce sens et l'information devra être diffusée de manière très rigoureuse dans les jours à venir. C'est pourquoi le mandat des anciens conseils municipaux, maires, adjoints et délégués communautaires est prorogé jusqu'à la nouvelle élection.

M. le président.  - Sous-amendement n°108 à l'amendement n° 93 rectifié de M. Bas, au nom de la commission des lois, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 93, alinéa 8

Après le mot :

décret

insérer les mots :

au plus tard au mois de juin

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°93 rectifié. Le maire a une responsabilité cruciale en matière sanitaire. Maintenir en place l'exécutif sortant va dans le bon sens. Nous ne partageons pas la culture américaine, où l'élection présidentielle peut précéder l'installation du président de plusieurs mois.

Je proposerai seulement de retirer quelques pouvoirs au Gouvernement en introduisant la date butoir du 30 juin.

Mme Françoise Gatel.  - Il est tôt, chacun est fatigué. Nous vivons des débats graves dans un moment exceptionnel. Je souscrivais à l'idée du président Bas jusqu'à 13 heures. Mais le Premier ministre nous a annoncé que nous étions dans un océan d'incertitudes. C'est précisément parce que nous avons besoin d'élus locaux dans la crise. Il peut poursuivre la procédure.

Lorsque j'ai été élue la première fois, j'ai été confrontée à une situation inédite, c'est vrai. Mais enfin, comment expliquer à un adjoint qui s'est présenté contre son maire et a perdu, à un maire qui a décidé de se retirer, qu'il faudra repartir comme avant ? À titre personnel, je ne voterai pas ces dispositions.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je découvre à l'instant ce sous-amendement. Je vais réfléchir à voix haute...

Mme Esther Benbassa.  - En deux minutes et demie ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les présidents de commission peuvent s'exprimer, à chaque fois qu'ils demandent la parole, mais je n'en abuserai pas. Nous ne pouvons pas laisser s'éterniser la situation actuelle. Nous pouvons en juin être dans la même situation que vendredi, samedi et dimanche du point de vue sanitaire.

Si l'on dit que l'on ne différera pas la date au-delà du 30 juin, il faut que vous apportiez votre soutien à l'amendement n°95 rectifié qui dispose que tout doit être fait pour que l'élection ait lieu avant cette date...

M. Philippe Mouiller.  - Très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable au sous-amendement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Difficile de ne pas voter cet amendement eu égard à ce qu'a dit le comité scientifique. Nous ne pouvons pas nier le malaise. La loi dispose que dans les huit jours après l'élection, le conseil municipal doit élire le maire. Or depuis hier, on dit qu'il ne faut pas appliquer la loi et ce texte annulerait l'action de ceux qui l'ont appliquée...

C'est le pouvoir politique qui prend les décisions. Il est dommageable que le conseil scientifique, instance consultative, ne se soit pas enquis plus tôt de ces problèmes. Un traumatisme certain va être créé dans 30 000 communes où resteront en place des élus battus.

Nous allons avaliser la non-application de la loi. Ce sont les experts qui décident de la politique : c'est une couverture et ce n'est pas un bon principe.

M. Philippe Adnot.  - Je me rallierai à la position de consensus du président Bas, malgré les problèmes qu'il y a à ne pas appliquer tout de suite une élection. Je vois que les experts sont une couverture inopportune. Dans les communes où la majorité a perdu et où les choses se passent mal, la commission spéciale sous l'autorité du préfet devrait donner à l'équipe qui a gagné la conduite des affaires.

M. Alain Richard.  - Il faut écouter l'alerte sanitaire, mais le rapport du comité scientifique n'est pas détaillé. Dans 20 000 des 30 000 communes, il s'agit de réunir sept ou onze personnes...

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Voire moins !

M. Alain Richard.  - Le risque de transmission dans un groupe de cette taille est maîtrisable, s'il respecte la logique et les distances interpersonnelles.

Sur les 30 000 communes, il y en a certainement 25 000 où pour l'essentiel c'est la même équipe qui reprend les rênes...

M. Philippe Adnot.  - Seulement dans 50 % des cas.

M. Alain Richard.  - Mais il en reste où ce ne sera pas le cas. La décision est très différente de celle qui appellerait 20 millions d'électeurs aux urnes.

Le 10 mai, le comité rendra un rapport sur deux points très différents.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Alain Richard.  - Nous devons garder la possibilité de dire oui à l'élection des maires, mais pas forcément au second tour.

M. Bruno Retailleau.  - Il y a quelques heures, j'étais favorable à un maintien de cette élection avec des règles différentes : rehaussement du quorum, augmentation des procurations, voire vote dans l'urne.

Ce qui a changé, c'est l'avis du conseil scientifique, mais pas seulement. Chacun a entendu l'angoisse des maires qui commençaient même à pétitionner. Les Français n'auraient pas compris qu'on maintienne les élections.

Monsieur le ministre, il faut que vous vous engagiez solennellement à ce que l'élection, lorsque le résultat est acquis, ne soit jamais annulée.

Les préfets devront émettre une circulaire pour expédier les affaires courantes.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Je comprends toutes vos remarques. Ce matin, un maire m'a interpellé sur Europe 1. J'ai évoqué la solution envisagée d'abord. Dans la voiture qui m'a conduit aux questions d'actualité au Gouvernement, j'ai eu l'avis du président du conseil scientifique, pour qui même les conditions spéciales envisagées faisaient courir un risque. J'ai évoqué avec vous ce risque sanitaire, qui doit éclairer la décision politique sans s'y substituer. Il ne faut donc pas contraindre les élus et les fonctionnaires municipaux.

La suppression du second tour impliquerait une loi. Nous devons organiser au plus tôt l'élection de ces maires. Je serai donc favorable à tous les allègements de procédure - avec quelques réserves sur le vote à main levée, contraire au secret du vote.

Si dans certaines situations, l'équipe en place ne veut pas assumer ses responsabilités, le préfet peut choisir une équipe par mandat spécial. Le bon sens l'incitera - et je le recommanderai - à choisir la tête de la liste victorieuse.

Oui à toutes les modalités pour simplifier au maximum le processus, à condition que cela reste exceptionnel : oui aux machines à voter, mais j'ai des doutes sur la validité des mails.

Le sous-amendement n°108 est adopté.

L'amendement n°93 rectifié, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°28 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°96, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéas 13 à 18

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

V.  -  Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne comptant parmi leurs membres aucune commune mentionnée aux 1° et 2° du III du présent article, l'organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II.

V bis.  -  Dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, à compter de la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II du présent article et jusqu'à la première réunion de l'organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour :

1° Si le nombre de sièges attribués à une commune mentionnée aux 1° et 2° du III du présent article, en application du VII de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, est supérieur au nombre de conseillers communautaires attribués à la commune par l'arrêté préfectoral en vigueur jusqu'à la date du premier tour, les sièges supplémentaires sont pourvus par les autres conseillers municipaux pris dans l'ordre du tableau du conseil municipal ;

2° Si le nombre de sièges attribués à une telle commune en application du même VII est inférieur au nombre de conseillers communautaires attribués à la commune par l'arrêté préfectoral en vigueur jusqu'à la date du premier tour, les conseillers communautaires de la commune sont les conseillers municipaux qui exerçaient à la même date le mandat de conseiller communautaire, pris dans l'ordre du tableau du conseil municipal.

3° En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, d'un siège de conseiller communautaire pourvu en application des 1° et 2° du présent V bis, ce siège est pourvu par un conseiller municipal n'exerçant pas le mandat de conseiller communautaire pris dans l'ordre du tableau du conseil municipal.

4° Le président et les vice-présidents en exercice à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II sont maintenus dans leurs fonctions, à la condition qu'ils conservent le mandat de conseiller communautaire. Les délégations consenties en application de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales ainsi que les délibérations prises en application de l'article L. 5211-12 du même code, en vigueur à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II du présent article, le demeurent en ce qui les concerne. Dans le cas où il n'exerce plus le mandat de conseiller communautaire, le président est remplacé dans la plénitude de ses fonctions, jusqu'à cette même élection, par un vice-président conservant le mandat de conseiller communautaire dans l'ordre des nominations ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé. En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le président est provisoirement remplacé dans les mêmes conditions.

Le présent V bis est applicable aux établissements publics territoriaux créés dans le périmètre de la métropole du Grand Paris.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Pendant la période qui s'ouvre, il ne faut pas que des conseils communautaires de 200 personnes se réunissent - d'autant plus que les élections en leur sein prennent toujours beaucoup de temps.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 13 à 17

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

V.  -  Pour les établissements publics de coopération intercommunale comptant parmi ses membres au moins une commune où un second tour est nécessaire, le mandat des conseillers communautaires est prorogé jusqu'au second tour des élections municipales.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Lafon.

I.  -  Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'avant-dernier alinéa du présent V est applicable, le cas échéant, au président et aux vice-présidents des conseils de territoire des établissements publics territoriaux créés dans le périmètre de la métropole du Grand Paris.

II.  -  Alinéa 18

Remplacer les mots :

au dernier alinéa du IV

par les mots :

à l'avant-dernier alinéa du V

M. Laurent Lafon.  - Cet amendement corrige un oubli - mais l'adoption de celui du président Bas le rendrait sans utilité.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je préfère mon amendement à l'amendement n°41. Il satisferait, en revanche, l'amendement n°21.

M. Alain Richard.  - Cet amendement apporte des solutions solides, sous réserve d'un petit perfectionnement, mais il me semble que dans le cas d'une augmentation ou d'une diminution du nombre de conseillers communautaires du fait de l'évolution démographique, il faut prendre en compte le résultat de l'élection de 2014. L'ordre du tableau ne convient pas pour choisir qui entre et qui sort.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous retirons l'amendement n°41. L'amendement n°96 est beaucoup plus précis. Dans le dispositif du Gouvernement, les nouveaux délégués dans les communes ayant pu former un conseil municipal complet du fait d'un premier tour conclusif étaient pris en compte. La commission propose plus simplement de prolonger l'ancien conseil communautaire.

S'ensuivront quelques bizarreries, lorsque quelqu'un qui a été battu présidera une intercommunalité, par exemple. L'amendement de M. Bas prend en compte les variations du nombre de délégués par commune. Que faire pour les communes nouvelles qui n'ont pas de liste complémentaire ? Il faudra remédier au problème.

L'amendement n°96, s'inscrivant dans la logique de prolongation de l'existant, a l'avantage de la simplicité.

L'amendement n°96 est adopté.

L'amendement n°41 n'a plus d'objet.

L'amendement n°21 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

VI.  -  Par dérogation aux articles L. 251, L. 258, L. 270 et L. 272-6 du code électoral et L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales, les vacances constatées au sein du conseil municipal ne donnent pas lieu à élection partielle :

1° Jusqu'à la tenue du second tour dans les communes pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet au premier tour ;

2° Jusqu'à la date mentionnée au premier alinéa du II du présent article dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet au premier tour.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est un amendement de conséquence pour éviter les élections partielles dans les communes en attente de l'élection du maire et de ses adjoints.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°94 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Après l'alinéa 29

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Pour l'application du II du présent article, le statut des candidats élus au premier tour dont l'entrée en fonction est différée ne leur confère ni les droits ni les obligations normalement attachées à leur mandat. Le régime des incompatibilités applicable aux conseillers municipaux et communautaires, aux conseillers d'arrondissement et de Paris, ne s'applique à eux qu'à compter de leur entrée en fonction.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement répond à des interrogations posées en commission.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°105 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 30

1° Après les mots :

par dérogation au I

insérer les mots :

et au II

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans ces territoires, les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction en même temps que les conseillers municipaux et communautaires élus au second tour. 

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet amendement adapte les modalités du second tour et la date de réunion des conseils municipaux en Polynésie française et Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il a été déposé très tardivement et il est par surcroît complexe. Il lie le destin des élus au premier et second tour. Cela pose un problème d'application. Je vous propose de traiter le problème dans le cadre de l'ordonnance. Retrait ?

L'amendement n°110 est retiré.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS (Précédemment réservé)

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Par dérogation à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, cette réunion se tient à une date fixée par décret, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l'analyse du comité national scientifique.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est un amendement de coordination qui se justifie par son texte même.

M. le président.  - Sous-amendement n°109 à l'amendement n°98 de M. Bas, au nom de la commission des lois, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 98, alinéa 3

Après le mot :

décret

insérer les mots :

au plus tard au mois de juin

M. Christophe Castaner, ministre.  - Ce sous-amendement est de coordination lui aussi.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il s'agit plutôt, me semble-t-il, d'un sous-amendement de cohérence. Avis favorable.

Le sous-amendement n°109 est adopté.

L'amendement n°98, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Primas.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le vote peut avoir lieu à main levée, sauf opposition de l'un des membres du conseil municipal.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet amendement précise que le vote électronique par mail n'est pas légal.

M. le président.  - Amendement n°95 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

I. - Alinéa 7

1° Après le mot : 

électronique

insérer les mots :

ou par un vote par correspondance papier

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, dans des conditions fixées par décret

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le dernier alinéa du I du présent article s'applique à une date fixée par décret et, au plus tard, au 10 mai 2020.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous ouvrons la possibilité d'un vote par correspondance pour la première réunion des conseils municipaux. Il représenterait une garantie, dans les circonstances sanitaires actuelles.

Pour le rendre possible, un décret serait pris au plus tard le 10 mai 2020.

Avec l'amendement n°107, le Gouvernement supprime le vote électronique pour l'élection des maires. Les élections des représentants des Français de l'étranger avaient certes en leur temps donné lieu à de graves difficultés, mais nous devrions être en mesure de les surmonter - bien sûr, pas la semaine prochaine, mais dans deux mois, peut-être ? Avis défavorable.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.  - Je comprends que le vote par mail ne soit pas possible, mais les partis politiques, les mairies organisent déjà des votes électroniques sécurisés. Le nombre de votants est ici très faible.

M. Christophe Castaner, ministre.  - La question n'est pas le vote, mais la validation de l'identité électronique. Cela pourrait être un motif de vice de forme. Nous n'aurons pas de système fiable dans les deux mois.

M. Patrick Kanner.  - Pas moins de 1,1 million de Français se sont identifiés pour participer par voie électronique à la pétition sur la privatisation d'ADP.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le ministère de l'Intérieur peut solliciter les compétences des ministères des Finances et des Affaires étrangères, qui utilisent déjà la signature électronique.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Évitons les provocations... Je n'étais pas ministre lorsque la procédure de recueil des signatures a été mise en place pour les référendums. Le texte faisait référence au numéro de carte d'électeur, qui n'est pas une carte d'identité.

On peut choisir de sous-grader le niveau de sécurité pour l'élection du maire ; mais il vaut mieux organiser cette élection selon les standards de sécurité les plus élevés.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le respect de l'anonymat et de l'identité du conseiller municipal est essentiel. Mais le Parlement, en votant cet amendement, invite le Gouvernement à prendre un décret pour en mettre en place les conditions.

De plus, le Sénat a récemment ouvert un dispositif rendant opérationnel le droit de pétition par voie électronique. La procédure est assortie de toutes les garanties nécessaires. Je ne sais pas quels seraient les délais nécessaires à son extension à l'élection des maires. Mais ouvrons les possibilités. Je pense donc qu'il existe des solutions techniques. Cela offrira une possibilité de plus aux conseillers municipaux pour voter : par correspondance, par procuration, par voie électronique.

L'amendement n°107 n'est pas adopté.

L'amendement n°95 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... .- Les dispositions du présent article sont applicables sur tout le territoire de la République.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement étend à l'outre-mer les dispositions que nous adoptons.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°102 est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 2 (Précédemment réservé)

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, sans pouvoir modifier le délai limite de dépôt

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet amendement de coordination avec l'amendement déposé à l'article premier, alinéa 2 permettra au Gouvernement de déterminer la période complémentaire de dépôt des candidatures par ordonnance.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il n'y a pas de coordination à prévoir puisque l'amendement mentionné n'a pas été adopté.

L'amendement n°88 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

5° Aux modalités d'organisation de l'élection des maires, des adjoints aux maires, des présidents et vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Cet amendement assouplit l'organisation des élections.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - On adopte un dispositif dans la loi et on habilite le Gouvernement à le modifier... Nous n'avons pas légiféré dans de bonnes conditions, et peut-être n'avons-nous pas épuisé toutes les questions... Avis favorable.

L'amendement n°106 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3 (Précédemment réservé)

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le mandat des conseillers consulaires et des délégués consulaires est prorogé au plus tard jusqu'au mois de mai 2021.

M. Jean-Yves Leconte.  - La campagne des élections des conseillers et délégués consulaires n'a pas commencé ; il est douteux que ce scrutin puisse être organisé dans de bonnes conditions sur l'ensemble de la planète avant la fin du mois de juin.

Cet amendement affirme le droit des Français hors de France à une vraie campagne. Une date irréaliste décrédibiliserait le processus.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - C'est un moment très important...

M. le président.  - Vous n'avez plus la parole.

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéas 1, 3, seconde phrase, et 4, première phrase

Remplacer les mots :

des Français de l'étranger

par les mots :

consulaires

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les conseillers consulaires deviendront « conseillers des Français de l'étranger ».

Avis défavorable au n°32.

M. Christophe Castaner, ministre.  - Avis favorable à la clarification proposée par M. Bas. Quant au premier amendement, un report d'un an susciterait les mêmes discussions que pour les élections municipales. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci au président Bas pour son amendement. Le nouveau titre sera valide à la prochaine élection.

Depuis le début de la séance, nous avons essayé d'identifier des contraintes et d'y répondre.

Sur les conseillers consulaires, l'élection ne pourra se tenir dans le courant du mois de juin, mais vous nous opposez la rigidité des délais. Ne traitez pas les Français de l'étranger comme s'ils ne méritaient pas une campagne correcte.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je comprends les difficultés, mais si nous n'organisons pas l'élection des conseillers des Français de l'étranger en juin, nous ne pourrons organiser les élections sénatoriales en septembre.

Monsieur le ministre, comment faire pour que ces élections aient lieu dans les meilleures conditions possible ?

M. Christophe Castaner, ministre.  - Nous pourrons organiser une réunion de travail avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères pour trouver la meilleure façon de faire campagne.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

L'amendement n°99 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Explications de vote

M. Patrick Kanner .  - Nous avons travaillé de façon improbable. Mais il y a urgence à protéger les Français, à nous montrer exigeants et vigilants. Il y a trop d'habilitations, de chèques en blanc, voire en bois. Trop d'imprécisions aussi, se traduisant par des amendements déposés au petit matin. Les amendements du groupe socialiste et républicain, qui n'avaient vocation qu'à encadrer le texte, n'ont pas été bien accueillis.

Malgré les enjeux, le groupe s'abstiendra en espérant que le Gouvernement puisse protéger les Français.

Mme Éliane Assassi .  - Nous ne nous opposerons pas à l'adoption du texte car il contient des mesures de protection de nos concitoyens.

Mais plusieurs points ne nous satisfont pas : pas de moyens pour les hôpitaux, des dérogations nombreuses au droit du travail, un Parlement qui semble mis sur la touche : mon groupe s'abstiendra.

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°95 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 254
Pour l'adoption 252
Contre     2

Le Sénat a adopté.

Discussion de l'article unique du projet de loi organique

M. Jean-Yves Leconte .  - La manière dont notre pays fera face à cette épidémie dira quelle société nous aurons demain, quel rôle nous aurons dans le monde de demain.

Nous devons défendre l'État de droit. Nous avons vu combien les questions prioritaires de constitutionnalité étaient dans ce domaine des outils puissants. Nous ne pouvons pas exclure tout contrôle de constitutionnalité, sachant que le contrôle de légalité sera considérablement allégé. Je comprends les contraintes, mais tous les Français y sont soumis puisqu'on les envoie en téléconférence. La Cour de cassation et le Conseil d'État ne peuvent-ils pas statuer en téléconférence ?

Je voterai contre ce texte.

L'article unique du projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 240
Pour l'adoption 238
Contre     2

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 20 mars 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 4 h 10.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication