Information sur les produits agricoles et alimentaires
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Je salue le choix du Sénat de la procédure de législation en commission, facteur d'accélération du travail législatif, même si la discussion a quand même duré une année.
Ce texte porte sur un sujet consensuel : le patriotisme alimentaire et l'information transparente du consommateur afin d'éclairer son choix d'achat.
L'étiquetage doit être avant-gardiste tout en préservant nos productions et en prenant en compte la compétitivité de nos filières. Transition agro-écologique et équilibre économique de nos filières doivent aller de pair.
C'est un texte non de compromis mais de consensus entre le Sénat et l'Assemblée nationale, qui ont su faire un pas l'un vers l'autre.
Je salue les présidents Roland Lescure et Sophie Primas qui ont su travailler ensemble, et les rapporteurs Barbara Bessot-Ballot, Henri Cabanel et Anne-Catherine Loisier.
Le Gouvernement est évidemment favorable à ce texte qui devrait être définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 8 avril.
On peut avoir des regrets sur la bière, les plantes et parfums aromatiques, le miel... Mais un consensus est un consensus. Mme Primas a beaucoup insisté sur cette notion : il fallait que cette proposition de loi prospère.
Les discussions ne sont pas closes ; la Commission européenne a donné son accord de principe à l'étiquetage de la volaille, de la viande de ruminants et du porc pour la restauration hors domicile. Cette disposition devrait pouvoir entrer en vigueur d'ici l'été.
Merci pour votre diligence. (Applaudissements sur le banc de la commission, ainsi que sur toutes les travées)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques . - Cette proposition de loi aborde des sujets bien connus au Sénat ; elle fait suite à la loi EGalim et aux deux propositions de loi de Mme Monier et de M. Bouchet, adoptées en avril dernier.
Un travail considérable a été réalisé en amont avec l'Assemblée nationale. Neuf articles sur douze satisfont la quasi-totalité des rédactions du Sénat.
Beaucoup de dispositions sont très attendues par les consommateurs et les producteurs agricoles.
Ainsi est-il de l'affichage par ordre décroissant de tous les pays d'origine des miels présents dans un mélange, solution dégagée par le Sénat dès 2018, la plus ambitieuse dans le respect du droit européen.
Le ministre s'est engagé à encadrer les pratiques de l'affinage des fromages à l'extérieur des fermes pour continuer à bénéficier de l'appellation « fermier », en reprenant deux garanties proposées par le Sénat : une précision par décret des conditions à remplir en matière d'usages traditionnels et une concertation à mener pour éventuellement préciser sur l'emballage le nom de l'affineur mais également celui du producteur des fromages fermiers.
De même il est prévu le rétablissement du caractère obligatoire de la déclaration de récolte, amendement que nous avions ajouté dans la loi EGalim et que nous avions proposé de nouveau dans une proposition de loi en mars dernier.
Enfin, l'affichage obligatoire de l'origine des viandes porcines, ovines, des viandes de volailles et de la viande hachée en restauration hors foyer. C'était le cas pour la seule viande bovine : désormais, cet affichage s'imposera pour toutes les viandes. Il faut se réjouir d'un tel article car les trois-quarts de la viande consommée dans les restaurants sont importés, sans que le consommateur en soit informé. (M. Jean-Paul Emorine approuve.)
Au total, seul un article n'a pas été adopté conforme et retournera devant l'Assemblée nationale le 8 avril, comme vient de le dire M. le ministre. Notre objectif est une mise en oeuvre rapide de ces dispositions discutées depuis deux ans, au service de l'intérêt général. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Henri Cabanel, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Mme Sophie Primas applaudit.) À l'heure où le mot « blocage » est associé au Parlement, nous allons voter sur un texte de consensus entre députés et sénateurs pour éviter la concurrence entre différentes propositions de loi.
Le texte de Marie-Pierre Monier adopté en avril dernier a été intégralement repris, ce qui démontre que la pédagogie est payante. L'adoption de cette proposition de loi, certes non exhaustive, est très attendue par les consommateurs.
La France doit faire bouger les lignes européennes sur l'étiquetage alimentaire. Les consommateurs constatent des tromperies manifestes tous les jours : c'est notamment le cas lorsqu'un bag in box de vin fait apparaître un nom provincial et un paysage typiquement français alors qu'il est écrit, en tout petit, sur une face non visible, que le vin est d'origine espagnole. C'est encore le cas récemment de produits étiquetés sous appellation d'origine protégée (AOP) et indication géographique protégée (IGP) européennes alors qu'ils ne respectaient pas le cahier des charges. Ces fraudes ont été détectées par les services de la DGCCRF, c'est bien mais insuffisant.
Les deux chambres ont souhaité, aller plus loin. C'est le cas sur l'affichage de l'origine des vins vendus dans la restauration hors foyer, quel que soit le contenant, ou sur la Clairette de Die.
Certaines solutions proposées peuvent aller trop loin, mais le ministre s'est engagé à notifier ces rédactions à la Commission européenne pour en évaluer la conventionalité.
L'article 5 bis lutte contre les affichages trompeurs sur les bouteilles de bière ; c'est le seul qui restera en discussion à l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi est le fruit d'un travail parlementaire au-delà des clivages politiques. Je remercie les présidents Primas et Lescure, les rapporteurs Bessot Ballot et Loisier. (Applaudissements)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) Cette proposition de loi réintroduit des dispositions de la loi EGalim censurées par le Conseil constitutionnel. Merci aux présidents et aux rapporteurs des deux assemblées pour leur implication et pour avoir participé à cette réussite commune.
Le consommateur mérite une information claire et juste sur les produits alimentaires.
Ainsi de l'origine des produits alimentaires vendus sur les plateformes en ligne, de l'étiquetage des viandes, des vins et du miel ; de l'étiquetage transparent de certains produits comme les « steaks » et les « saucisses » de produits ne contenant pas ou peu de viande.
Je veux rendre hommage au ministre de l'agriculture, Didier Guillaume, qui nous a donné des garanties sur le contenu des futurs décrets d'application.
Je me réjouis également que cette proposition de loi simplifie des règles qui sont obsolètes ou qui constituent des freins pour certaines filières agricoles. Ainsi, l'abrogation de la loi de 1957 pour l'appellation « Clairette de Die » est bienvenue...
M. Didier Guillaume, ministre. - C'est vrai !
M. Bernard Buis. - ...comme l'encadrement du label « Fromage fermier » affiné en dehors de l'exploitation.
Ce texte concourt à la réconciliation entre les consommateurs et les producteurs.
Souhaitons que la navette s'achève au plus vite pour une mise en application rapide. Tout a été voté conforme par la commission, sauf l'alinéa 3 de l'article 5 bis qui conduisait à des absurdités.
Le groupe LaREM votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur le banc de la commission)
Mme Cécile Cukierman . - Au cours des deux dernières années, à l'occasion de l'examen de la loi EGalim, de la proposition de loi en modifiant certaines dispositions, et lors des nombreux débats sur l'agriculture, le groupe CRCE n'a eu de cesse de vouloir accorder un juste revenu aux agriculteurs et de donner au consommateur la meilleure information pour une alimentation saine, durable et de qualité. Nous avons aussi attiré l'attention sur les conditions de vie des agriculteurs.
A ce propos, je me félicite qu'un groupe d'étude sur les agriculteurs en détresse ait été créé fin 2019 et j'espère que les auditions menées permettront de proposer des solutions viables pour ces professionnels en souffrance.
Cette proposition de loi reprend un texte analogue voté il y a moins d'un an, notamment sur l'étiquetage de la provenance du miel et du vin ; sur les fromages fermiers affinés hors de l'exploitation, le débat ici avait été nourri. Certains craignaient que n'en bénéficient des fromages sans signe de qualité.
Alors que prolifèrent les traités de libre-échange, il est impératif de renforcer ces labels. Face à l'industrie agroalimentaire et à la grande distribution, le Gouvernement est incapable de garantir un revenu décent aux agriculteurs : comment leur demander des produits sains alors que, dans le même temps, le Gouvernement ne cesse de signer des accords de libre-échange qui les incitent à exporter à bas prix ?
Ces améliorations au compte-gouttes surchargent le calendrier législatif ; pourquoi ne pas mieux légiférer en amont ? Laissons-nous le temps de légiférer pour bien légiférer. Ne perdons pas de vue la crise sociale que subissent les agriculteurs depuis tant d'années. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure, applaudit également.)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; Mme Agnès Constant applaudit également.) Cette proposition de loi reprend des articles de la loi EGalim censurés par le Conseil constitutionnel car jugés sans lien direct avec l'objet du texte initial.
Je salue le travail conjoint de l'Assemblée nationale et du Sénat, la convergence de vues des groupes politiques pour une entrée en vigueur plus rapide. M. le ministre s'est engagé à ce que les décrets d'applications soient pris dès le vote définitif.
Ce texte, renforçant les règles d'étiquetage, protège agriculteurs, viticulteurs et éleveurs, à l'heure où la France perd des parts de marchés dans le monde.
L'article 2 bis renforce l'information sur le pays d'origine des viandes servies dans la restauration, alors qu'aujourd'hui 75 % sont importés, sans que le consommateur en soit informé.
Les articles 4 et 5 renforcent les indications de provenance du vin. Nous ne pouvons omettre le pays d'origine, même pour les produits issus de l'agriculture biologique.
En plus de leur bilan carbone très lourd, les produits alimentaires bio étrangers n'apportent pas les mêmes garanties de cahier des charges que les produits français, d'où un amendement déposé par notre groupe que nous aimerions voir adopté le moment venu.
À l'issue d'un travail transpartisan, cette proposition de loi simplifie des règles obsolètes ou qui constituent des freins.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte, qui répond aux attentes des producteurs et des consommateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM et sur le banc de la commission)
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'étiquetage alimentaire est une attente sociétale majeure, même si le sujet est complexe. Il faudra définir des priorités sinon les étiquettes de Rocamadour seront plus grandes que le fromage.
Cette proposition de loi est une opportunité de démontrer l'excellence de l'industrie agro-alimentaire française. Les discours qui se nourrissent de la peur sont indécents. La France doit être fière de ses produits alimentaires car elle est exemplaire.
La Commission européenne refuse les spécificités au nom du marché unique. Si toutes les normes de production agricole étaient les mêmes au niveau européen, la Commission pourrait avoir raison. Mais ce n'est pas le cas : une pomme produite en Pologne n'a pas les mêmes standards de production qu'une pomme française.
La difficulté est accrue par la multiplication des traités de libre-échange avec des pays qui n'ont pas du tout les mêmes standards. Selon le droit européen, tous les produits européens sont équivalents. Or les normes sont différentes selon les pays. Les consommateurs n'en peuvent plus de ce micmac européen et veulent de la transparence. Cette situation ubuesque doit cesser et la future PAC devra tenir compte de ces attentes. Cette loi doit être entendue comme un signal fort.
Je salue le travail de M. Lescure et de Mme Bessot Ballot à l'Assemblée nationale, ainsi que de Mme Loisier et M. Cabanel au Sénat.
Cette loi fait évoluer de nombreux sujets, mais dans la limite de sa conformité au droit européen. Nous avons d'ailleurs des doutes sur certaines rédactions retenues dans le texte final, issues de compromis nécessaires. Je pense à l'indication des pays d'origine du cacao, que la directive sectorielle ne prévoit pas. Je pense également à la sortie du catalogue officiel de semences vendues aux jardiniers amateurs. Il importe que la Commission européenne se prononce sur la conventionalité de ces sujets afin que nous ayons les idées claires.
Il faut surtout souligner les nombreuses avancées, notamment sur le miel, l'origine des vins, l'étiquetage des viandes et la Clairette de Die.
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. À vous monsieur le ministre de poursuivre le travail à l'échelle européenne. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)
Mme Marie-Pierre Monier . - J'associe à mes propos Mme Artigalas, M. Montaugé et plusieurs de nos collègues. Cette proposition de loi traite l'ensemble des sujets de ma proposition de loi même si elle est différente.
Le texte initial a prospéré et bien grandi. Je salue Mme Loisier, M. Cabanel et Mme Bessot Ballot qui m'ont associé à leurs travaux, ainsi que mes collègues drômois.
Les consommateurs et les producteurs sont impatients - notamment les fabricants de Clairette de Die.
La mention d'informations valorisantes est le fruit d'une exigence croissante de qualité et de traçabilité.
Sur les 12 articles du texte de l'Assemblée nationale, 5 sont identiques ou très proches de la proposition de loi votée par le Sénat en avril dernier. D'autres articles rejoignent certaines de nos propositions, comme le maintien du caractère obligatoire de la déclaration de récolte ou la commercialisation des semences relevant du domaine public.
Les débats ont déjà eu lieu. La procédure de législation en commission est particulièrement légitime. Elle accélère la mise en oeuvre des mesures attendues. C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain a décidé de ne pas déposer d'amendement à une exception près à l'article 5 bis, sur l'étiquetage des bières.
Pourtant certaines mesures ne nous conviennent pas pleinement, par exemple sur l'étiquetage du miel ou du fromage fermier.
M. le ministre a dit que des décrets seraient rapidement publiés, notamment à l'article premier. Nous les attendons.
L'examen de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale le 8 avril prochain est une bonne nouvelle.
Le groupe socialiste et républicain soutient ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Joël Labbé . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Cette proposition de loi comporte des mesures intéressantes et utiles prévues dans EGalim mais censurées par le Conseil constitutionnel.
L'étiquetage des pays d'origine du miel est une réelle avancée pour les apiculteurs et les consommateurs. La France doit aller plus loin pour que les pourcentages de chaque origine du miel soient affichés : ce serait une réelle avancée. D'autres pays comme l'Espagne, le Portugal et la Grèce souhaitent également aller en ce sens.
Les dispositions sur l'origine du vin, de la bière, de la gelée royale et du cacao vont aussi dans le bon sens. Certains produits sont mieux traités que d'autres : pourquoi cette politique à géométrie variable ?
Je n'ai pas redéposé mes amendements en séance dans le souci d'un vote conforme.
M. Didier Guillaume, ministre. - Merci !
M. Joël Labbé. - Néanmoins, je souhaite attirer votre attention sur l'affichage de l'origine des huiles essentielles. Les plantes médicinales sont un patrimoine que nous devons faire valoir, car nous importons 80 % des plantes que nous consommons. Il faudra aller plus loin.
M. Didier Guillaume, ministre. - C'est vrai !
M. Joël Labbé. - Le plan du Gouvernement sur le bien-être animal prévoit l'étiquetage du mode d'élevage au niveau européen. J'espère que cet engagement sera tenu. Même chose pour l'étiquetage des OGM.
Je souhaite que nous ayons d'autres occasions de faire progresser la transparence. Les attentes des consommateurs sont très fortes. C'est aussi dans l'intérêt des producteurs.
Je ne partage pas le point de vue de la présidente Primas sur les semences paysannes, résistantes par définition. Il faut les défendre, car les virus comme celui qui touche la tomate risquent de se multiplier.
Je regrette que la mesure de la loi EGalim sur l'étiquetage des huitres n'ait pas été reprise. Le Comité national de la conchyliculture (CNC) travaille à un rapport sur le sujet. Les ostréiculteurs traditionnels ne sont pas assez écoutés.
Je regrette aussi l'affaiblissement du label fromage fermier. Les industriels cherchent à le récupérer.
Malgré mes réserves, le groupe RDSE, Ronan Dantec et moi-même, voteront favorablement le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et LaREM)
M. Pierre Louault . - Je salue le travail intelligent entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Je salue le président Lescure, la présidente Primas, ainsi que Anne-Catherine Loisier et Henri Cabanel.
Avec un vote conforme, on reste toujours un peu sur sa faim. Après l'échec d'EGalim, il fallait se rattraper. Cette proposition de loi conforte la qualité de l'agriculture française.
C'est l'occasion aussi de rappeler aux consommateurs d'où viennent les produits.
Monsieur le ministre, je vous demande d'encourager les acteurs à aller plus loin dans les décrets d'application.
Cette proposition de loi comporte des avancées fortes sur les produits préemballés mais aussi sur les pays d'origine du miel même si l'on aurait pu aller plus loin. Nous faisons aussi un effort sur les lieux de provenance de la viande. C'est le pays d'origine et non le lieu de transformation qui doit être mis en avant.
En ce qui concerne les fromages fermiers, on a fait plaisir aux affineurs mais n'oublions pas l'éleveur-producteur. Ce sont deux savoirs complémentaires. Encourageons les affineurs à inscrire le nom du producteur : ce serait une avancée.
Les mesures sur le vin étaient attendues depuis longtemps.
Produire des semences est un métier, monsieur Labbé ! Mon voisin a acheté des plants de chou bio : sur douze semences, il n'a récolté que quatre choux-pommes et huit choux à vache, donc dégénérés.
Comme tous les autres groupes, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Indépendants)
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur toutes les travées)
La séance est suspendue à 17 h 20.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 18 heures.