Conventions France-Burkina Faso
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso.
Discussion générale
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - « La liberté a souvent, hélas, le goût du sang versé ». C'est ainsi que, le 2 décembre dernier, le Président de la République ouvrait l'éloge funèbre des treize soldats français morts dans l'opération Barkhane.
Le Burkina Faso participe pleinement des fragilités, crises et défis qui affectent le Sahel. Le sacrifice de ces héros montre combien la France prend sa part de la lutte contre le terrorisme dans cette région et a donné l'occasion à nos concitoyens de témoigner leur attachement à ce combat.
Le Président de la République l'a confirmé lors de son déplacement en Côte d'Ivoire auprès des forces françaises qui assurent l'acheminement de la logistique sur la « voie sacrée » qui mène de Port-Bouët jusqu'à Gao.
Le 18 décembre dernier à Pau, le Président de la République a annoncé devant le G5 Sahel l'envoi de renforts et de moyens logistiques et de renseignements pour continuer ce combat. Nous espérons que nos alliés en profiteront pour renforcer la présence de l'État et pour consolider leurs forces de sécurité. Cet objectif politique de retour de l'État dans ces régions est aussi important que l'effort militaire.
C'est pourquoi la coopération judiciaire en matière pénale et d'extradition entre la France et ses partenaires sahéliens est un objectif majeur.
L'accord de coopération actuel avec le Burkina Faso date de 1961. Depuis 2014, la France a adressé vingt demandes d'extradition, essentiellement pour des affaires de terrorisme et d'atteintes aux personnes. J'ai à ce propos une pensée particulière pour Thierry Gouy, mort dans la nuit du 13 au 14 août lors d'une attaque à Ouagadougou.
Un groupe de travail interministériel sur l'entraide pénale travaille avec les États du Sahel. Des négociations sont également menées avec le Niger et le Mali. Les deux conventions que ratifie ce projet de loi modernisent un cadre de coopération devenu obsolète.
Depuis 2014, le Burkina Faso a émis quatre demandes d'entraide et deux demandes d'extradition à la France ; mais ce faible nombre ne doit pas occulter l'importance des affaires concernées.
Ces deux conventions permettent une coopération large, grâce au recours aux techniques spéciales d'enquêtes - auditions par vidéoconférence, demandes d'informations en matière bancaire, saisies et confiscations d'avoirs criminels, livraisons surveillées, infiltrations et interceptions de télécommunications.
Nous clarifions les modalités de communication et de transmission des demandes, notamment dans les cas les plus urgents et instituons des mécanismes de consultations à différentes étapes. La lutte contre l'impunité sera renforcée pour les extraditions. Nous précisons les modalités de l'arrestation provisoire des personnes recherchées pour éviter leur fuite et celles de la communication entre les autorités compétentes des deux États. Ces mécanismes sont inspirés de ceux du Conseil de l'Europe et des textes internationaux.
Notons toutefois plusieurs motifs de refus : infraction politique ou de nature exclusivement militaire, ou encore lorsque nous avons des raisons sérieuses de croire que l'extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques. Cette convention applique le principe non bis in idem. La France n'extradera pas une personne passible de la peine capitale, sauf garanties suffisantes. Notons à ce propos que le nouveau code pénal burkinabé a aboli la peine capitale depuis le 31 mai 2018, mais qu'elle demeure prévue par des lois spéciales en matière militaire.
Les deux conventions prévoient la protection des données à caractère personnel. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. Olivier Cigolotti, rapporteur de la commission des affaires étrangères . - Je remercie André Reichardt et Philippe Mouiller qui ont souhaité cet examen en séance, pour évoquer la situation dramatique du Burkina Faso.
Ces conventions actualisent notre coopération judiciaire. Le cadre de 1961, obsolète, doit s'adapter aux changements et aux enjeux actuels. Les autorités françaises sont confrontées à une certaine lenteur d'action des autorités burkinabé, ce qui a pour effet de les vider de leur substance.
La France a négocié avec les pays sahéliens ; une convention avec le Mali devrait être signée rapidement. Ces conventions sont nécessaires en cas d'attentats ou d'enlèvements.
Tout le monde a en mémoire la double attaque du 2 mars 2018 contre l'ambassade de France et l'Institut français à Ouagadougou, ou la libération des deux otages français le 9 mai 2019 qui a coûté la vie à deux militaires du commando Hubert.
Il y a eu 750 morts depuis 2015 et plus d'un demi-million de déplacés au Burkina Faso. L'ensemble du territoire burkinabé est déconseillé aux voyageurs par le Quai d'Orsay. Les zones frontalières avec le Mali, le Niger et le Togo sont particulièrement dangereuses. Quelque 3 600 Français vivent au Burkina Faso et 10 000 s'y rendent chaque année alors que le ressentiment contre la France ne cesse de s'accroître.
En novembre dernier, une embuscade contre un convoi d'une société minière canadienne a fait 40 morts et une soixantaine de blessés. À cela s'ajoutent des trafics de stupéfiants et d'êtres humains. Terrorisme et grande criminalité sont liés, le deuxième finançant le premier.
Ces conventions visent à lutter contre le terrorisme, en renforçant la coopération bilatérale. Le renouvellement du cadre conventionnel permettra de fluidifier les échanges entre les parties, garantissant ainsi une meilleure exécution des enquêtes contre les infractions terroristes.
La nouvelle convention organise les modalités de communication entre ses parties et définit les délais d'exécution des demandes. Elle prévoit des techniques spéciales d'enquêtes comme les opérations d'infiltration, les interceptions de télécommunications ou encore les livraisons surveillées qui consistent à laisser passer certains convois de drogues pour permettre l'arrestation des commanditaires ou des destinataires du trafic.
Le texte offre de larges possibilités en matière de gel des avoirs et de confiscation. Les magistrats burkinabé ont été formés dans le cadre des programmes de coopération. L'appui au retour de l'État sur le territoire est l'un des quatre piliers identifié au sommet de Pau.
Cette convention répond aux exigences internationales - refus possible d'extradition en cas de peine de mort, ou pour les affaires mettant en cause les opinions politiques, religieuses ou la nationalité. Le volume d'extradition est très faible : six dossiers ont été ouverts, sans aucune remise des personnes pour le moment.
L'une de ces demandes mérite d'être signalée : elle concerne l'extradition de François Compaoré, frère de Blaise Compaoré, président du Burkina Faso de 1987 à 2014. François Compaoré a été arrêté le 29 octobre 2017 à l'aéroport de Roissy sur le fondement d'un mandat d'arrêt émis par un juge d'instruction investiguant sur les assassinats, en 1998, de Norbert Zongo, journaliste d'investigation, et de ses trois compagnons de voyage. Aux termes de la demande d'extradition, François Compaoré encourait la peine de mort du chef criminel d'incitation à assassinats. En juin dernier, la Cour de cassation a écarté la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'intéressé et a rejeté le pourvoi qu'il avait formé contre l'avis favorable de la chambre de l'instruction. À la lumière de ces arrêts, un décret du Premier ministre accordant l'extradition est en cours de rédaction.
L'ambassadeur du Burkina Faso m'a indiqué que cette décision d'extradition était très attendue par la population burkinabé et qu'elle apaisera les ressentiments qui s'expriment actuellement à l'encontre de notre pays, comme a pu le faire la décision du Président de la République de déclassifier des archives sur l'assassinat de Thomas Sankara. L'un des défis qui se posent aujourd'hui au gouvernement burkinabé est d'ordre mémoriel et cette décision est heureuse à cet égard. Les conventions examinées aujourd'hui seront sans incidence sur la procédure d'extradition de François Compaoré puisque la partie burkinabé a adressé sa demande avant leur entrée en vigueur.
Ces nouvelles conventions répondent au souhait émis par les autorités françaises d'une coopération plus efficace avec les pays du Sahel dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée et n'impliquent aucune adaptation de nos dispositions législatives ou réglementaires.
Je préconise donc l'adoption de ce projet de loi, comme la commission à l'unanimité. (Applaudissements sur toutes les travées)
M. Rachid Temal . - Ces conventions remplacent celles de 1961, en les améliorant. À l'époque, c'était la Haute-Volta ; depuis, les relations diplomatiques et le cadre juridique ont évolué.
Les conventions sont conformes aux standards habituels. Pour le groupe de travail du G5 Sahel, la renégociation de ces conventions était nécessaire pour adapter les dispositifs à la lutte contre le terrorisme.
Au Burkina Faso, la criminalité est liée au terrorisme car elle le finance. Il faut lutter contre ce mécanisme. Le pays est dans un état d'extrême urgence. Le terrorisme sévit au nord du pays ; 36 civils en ont été victimes lors d'un récent attentat sur un marché.
La France a engagé ses troupes dans l'opération Barkhane. Je salue l'engagement de nos troupes et le sacrifice des soldats tombés dans la lutte contre l'idéologie islamiste. Merci de nous donner l'occasion d'un débat sur l'opération Barkhane. Il faut réadapter notre dispositif à la situation locale au Sahel.
Nous nous inscrivons dans la politique des « 3D » : diplomatie, défense, développement. Je regrette à ce propos la baisse des engagements de l'AFD dans ce pays.
Je salue l'accord de 2018 pour la transmission d'archives sur la mort du président Thomas Sankara en 1987 et l'extradition de François Compaoré, mis en cause pour l'assassinat du journaliste Norbert Zongo - qui revêt une symbolique particulière et pousse des milliers de Burkinabé à demander justice chaque 13 décembre.
Un nouveau code pénal a été promulgué le 21 juin 2018, abrogeant la peine de mort - même s'il n'y avait pas eu d'exécution depuis 1988.
Ces conventions excluent l'extradition pour des délits d'opinion ou des poursuites liées à la religion ou à la nationalité.
Les conventions renforceront l'amitié entre nos peuples, l'État de droit et la lutte contre le terrorisme.
M. Jean-Claude Requier . - La situation sécuritaire et humanitaire est préoccupante au Burkina Faso et au Sahel, où depuis quelques mois, les attentats djihadistes se multiplient. Lundi dernier, 39 personnes ont ainsi été tuées sur un marché, s'ajoutant aux 600 victimes depuis quatre ans - sans parler du demi-million de personnes déplacées.
Inquiétons-nous de l'extension des trois groupes terroristes - deux liés à Al-Qaïda au nord, un lié à l'État islamique (EI) à l'est depuis 2018.
En octobre, les forces de l'opération Barkhane ont évité que la ville de Djibo ne tombe aux mains des djihadistes, ce qui n'est pas sans rappeler l'intervention aux côtés des Tchadiens contre une incursion d'une cinquantaine de pick-up venus de Libye.
Grâce à l'engagement des soldats français - parfois jusqu'au sacrifice de leur vie - nous obtenons des succès militaires ; mais l'insurrection djihadiste ne recule pas. Les groupes s'adaptent et détectent les fragilités pour cibler leurs actions, notamment dans la zone des trois frontières.
Le G5 Sahel doit intensifier ses efforts. Je ne suis pas partisan du désengagement de la France, car nous sommes en première ligne. Les acteurs régionaux doivent se ressaisir. La fragilité institutionnelle de ces pays ne facilite pas les choses.
Un sentiment anti-français se répand au Mali et au Burkina Faso. La réforme du franc CFA annoncée par le Président de la République devrait contribuer à l'atténuer. (M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État, approuve.) L'ouverture des archives concernant l'assassinat de l'ancien président charismatique Thomas Sankara va également dans le sens d'une amélioration de l'image de la France.
Quant au renouvellement des conventions, il permettra de fluidifier la communication entre les parties et annoncer une meilleure exécution des décisions.
Les institutions judiciaires burkinabé faciliteront la mise en oeuvre de la réforme pénale. Si la peine capitale a été abrogée dans le dernier code pénal burkinabé, elle est encore en vigueur pour des cas régis par des lois spéciales.
Sous ces réserves, le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)
M. Richard Yung . - Ces deux conventions promeuvent une coopération judiciaire bilatérale plus efficace dans la lutte contre le terrorisme. Le Burkina Faso est régulièrement visé par des attaques terroristes : contre l'ambassade de France en mai 2018 ou plus récemment sur un marché, au moment même où une loi autorisant la constitution de milices d'autodéfense contre le terrorisme était discutée au Parlement. La communauté française du pays vit enfermée à Ouagadougou.
Une politique d'entraide forte entre nos deux pays palliera les failles du dispositif actuel contre le terrorisme.
Le Burkina Faso est un lieu de passage pour tous les trafics - drogue, cigarettes, êtres humains... - qui remontent de la Guinée vers ce grand supermarché qu'est devenu le Sahara.
La convention précise notamment que le secret bancaire ne peut pas être invoqué.
La France soutient les efforts de démocratisation du pays depuis l'élection en 2015 du président Kaboré. C'est le premier partenaire bilatéral du Burkina Faso avec 100 millions d'euros d'aide - ce qui est insuffisant mais indispensable.
Le pays vit une crise humanitaire sans précédent, avec un accès à l'eau et à l'assainissement limité et 300 000 enfants souffrant de malnutrition et privés d'éducation.
La crise sécuritaire est renforcée par la faiblesse de l'armée burkinabé - malgré les formations que nous assurons depuis soixante ans. L'état d'urgence est permanent dans quatorze provinces. Le terrorisme s'étend de plus en plus au nord-est du pays et aux frontières avec le Niger et le Mali. Cinq ou six groupes terroristes y sévissent avec des allégeances politiques et religieuses différentes.
En décembre dernier, l'Union européenne a annoncé un renfort de moyens. Les deux conventions s'inscrivent dans ce processus de lutte contre le terrorisme. La convention d'extradition est conforme aux droits français et européen.
Nous soutenons la ratification de ces deux textes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC)
Mme Christine Prunaud . - Les deux conventions que nous examinons semblent aller dans le bon sens. Elles garantissent l'aide apportée par la France au Burkina Faso. Veillons à ne pas faire du copier-coller de notre administration dans cet effort de démocratie.
Nous suivons de près le dossier de François Compaoré. La Côte d'Ivoire s'était montrée réticente à l'extrader, d'autant qu'il a acquis la nationalité de ce pays. La France pourrait être un bon intermédiaire pour obtenir qu'il soit jugé au Burkina Faso.
Conformément à la promesse du Président de la République à Ouagadougou en novembre 2017, les archives françaises relatives à la mort de Thomas Sankara ont été déclassifiées : c'est une avancée majeure.
Ces deux conventions aideront le Burkina Faso. Le groupe CRCE votera donc la ratification de ce texte, malgré les réserves qu'il entretient sur la politique générale de la France au Sahel.
L'audition récente du général Castres - général en retraite, je le précise - a été éclairante sur la gestion des crises au Sahel. En reprochant à des forces étrangères de manipuler l'opinion burkinabé, Emmanuel Macron a minimisé le rôle des armées nationales dans cette zone.
Tous ces pays ne misent pas forcément sur une armée forte, certains voulant au contraire qu'elle ait le moins d'influence possible. Il faut dire aussi que leurs moyens matériels sont bien inférieurs aux nôtres.
De nombreux groupes terroristes se renforcent. Les soldats français se retrouvent en difficulté et le ressentiment contre la France s'accroît.
Comment justifier l'envoi de deux cents soldats français supplémentaires dans la zone ? Qu'est-ce que cela va changer ? Soulevons plutôt la question des perspectives : comment aboutir à la paix ? La solution ne peut être que politique ; il faudra bien s'y atteler un jour. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Olivier Cigolotti, rapporteur, applaudit également.)
M. Robert Laufoaulu . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) « Les bons sentiments ne suffisent pas à notre protection. La guerre n'est pas un phénomène hors-sol, réservé aux autres : elle vient frapper tous ceux qui refusent de la regarder en face. La sécurité n'existe que pour qui s'en donne les moyens. » C'est ainsi que le général Vincent Desportes caractérisait la position de la France après les attentats de 2015. La menace djihadiste est née et a prospéré dans des territoires où l'État est affaibli, où le règne de la loi n'a plus cours et où les populations sont délaissées.
La géographie du Sahel a toujours été propice au développement des trafics, auxquels s'ajoutent désormais les attaques terroristes. La France est l'une des principales forces à l'oeuvre dans la lutte contre le djihadisme. Quelque 4 500 soldats français sont engagés dans des conditions très difficiles. Le groupe Les Indépendants tient à rendre hommage à leur courage.
Les guerres asymétriques nous rappellent que gagner la guerre, c'est avant tout bâtir la paix. Pour mettre fin à un conflit armé, on ne peut pas faire l'économie d'une réponse politique.
La France a développé la stratégie « 3D » où le militaire ne représente qu'un seul volet, conjugué à la politique et à l'aide au développement.
Le Burkina Faso connaît une dégradation de ses conditions sécuritaires et une aggravation de la crise humanitaire. Si rien n'est fait, les pays voisins, Mali et Côte d'Ivoire, seront menacés et les effets se feront sentir jusqu'en Europe.
Les deux conventions envoient un double message. L'un aux criminels, qui seront plus efficacement poursuivis, l'autre aux populations, qui verront l'autorité de l'État renforcée. La France et le Burkina Faso travaillent main dans la main pour mettre fin aux infractions ; l'État doit retrouver sa place dans toutes les régions.
Le groupe Les Indépendants votera la ratification de ces textes et restera attentif à la situation au Sahel. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE ; MM. Olivier Cigolotti, rapporteur, et Olivier Cadic applaudissent également.)
M. André Reichardt . - Je me réjouis du retour à la procédure d'examen normale, à la demande de mon groupe Les Républicains sur ces conventions. La situation dramatique du Burkina Faso l'imposait.
Le Burkina Faso est au bord du gouffre, alors que c'est l'une des clefs de la stabilité de l'Afrique de l'Ouest. S'il venait à tomber, toute la côte guinéenne serait menacée. Les conséquences atteindraient aussi l'Europe. Nous tenons compte de cette dimension régionale dans les travaux du groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest que j'ai l'honneur de présider.
La priorité numéro un est la lutte contre l'État islamique au Grand Sahara. Au Levant, les cendres de Daech sont brûlantes. L'Irak et la Syrie sont des poudrières. Il faut éviter de renouveler les mêmes erreurs en Afrique.
En 2015, je présidais la mission d'information contre le djihadisme. Quatre ans après, je suis à nouveau membre de celle contre la radicalisation. Sans action de long terme là-bas, notre action ici sera inefficace. Une bonne gouvernance, c'est la force de la loi et la garantie de son application. Empêcher la diffusion de l'idéologie djihadiste passe aussi par le renforcement des moyens judiciaires ici et là-bas.
La France ne peut agir seule, mais a besoin de coopérer avec tous les pays de la zone, y compris l'Algérie et le Maroc. Or en dépit de la présence d'un magistrat de liaison à Dakar, les demandes d'extradition ou d'entraides prennent parfois des années avant d'avoir une réponse, ce qui est dommageable pour tous. La promulgation d'un nouveau code pénal en 2018 et la réforme de la procédure judiciaire sont les signes positifs du développement d'un État de droit.
Les montants liés au trafic de drogue atteignent des milliards de dollars. Il faut pouvoir lutter contre les filières et cette convention y participera.
Sans surprise, le groupe Les Républicains votera la ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti, rapporteur, applaudit également.)
M. Olivier Cadic . - Les conventions que nous ratifions aujourd'hui s'inscrivent dans la stratégie globale de notre pays au Sahel. Nous y sommes engagés depuis sept ans pour lutter contre le terrorisme, avec les opérations Serval puis Barkhane.
Mais le terrorisme impose d'aller au-delà de la seule action militaire. Les menaces sont quotidiennes. Tout peut arriver à tout instant. Merci, monsieur le ministre, d'avoir cité nos compatriotes disparus à Ouagadougou. Que l'on me permette de saluer le courage de Martine Voron, conseillère consulaire à Ouagadougou, dont le bureau était à 60 mètres des tirs. Ayant tenté en vain de contacter l'ambassade et le consulat général - qui étaient également attaqués - elle a fini par joindre l'ambassadeur, bloqué à l'aéroport, qui lui a délégué ses pouvoirs pour avertir la communauté française. Elle a ainsi envoyé, seule, le plus de courriels possible avant de subir des tirs d'artillerie. Un militaire burkinabé entre dans son bureau, tire, avant de se rendre compte de son erreur et de l'évacuer. Elle a été décorée de la Légion d'honneur.
Au Burkina Faso, de nombreux réseaux de criminalité s'organisent autour de trafics. L'orpaillage illégal - dans un pays où l'or constituait 71 % des exportations, le trafic de cocaïne ou de pierres précieuses comme les diamants sont importants. La rénovation du cadre juridique est nécessaire pour lutter contre ces infractions.
La question du délai d'examen des demandes est cruciale : malgré la présence d'un magistrat de liaison régional, basé à Dakar, ce délai, supérieur à un an, peut parfois atteindre plusieurs années. Pour y remédier, un groupe de travail a été mis en place par le ministère français de la Justice.
Ces conventions ont pour principal objectif de favoriser une meilleure exécution des demandes françaises aux autorités burkinabé, dans des délais plus rapides. Elles sont conformes aux engagements européens et internationaux de la France, ce que nous saluons. Nous soutiendrons leur ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE)
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Président délégué du groupe d'amitié France-Burkina Faso, je juge ces accords essentiels. Cette coopération renouvelée s'inscrit prioritairement dans la lutte contre le terrorisme, aux ressorts multiples. Elle accélère les extraditions. Dans un contexte sécuritaire fortement dégradé, l'ONU considère désormais le Burkina Faso comme l'épicentre de la crise. Ces conventions réaffirment l'État de droit et ses valeurs en matière de justice.
Il y a cinq ans, le régime de Blaise Compaoré est tombé car le peuple a refusé la modification de la Constitution. C'est un triple message aux populations ; aux terroristes qui doivent savoir que l'État burkinabé, soutenu par la France, mettra en oeuvre les conditions juridiques afin qu'ils répondent de leurs actes là-bas et en Europe si nécessaire ; aux États voisins, qui malgré l'inquiétude, constatent que la France et la communauté européenne sont toujours sur place.
Angel Losada, représentant spécial de l'Union européenne au Sahel, l'a très bien résumé : « le vide de l'État, c'est l'oxygène du terrorisme ». Il faut élaborer des projets adaptés aux populations, adopter une vision régionale et décloisonnée des crises. Mettons en place, entre Africains et Européens, une coopération plurisectorielle.
J'espère que la France oeuvrera en ce sens dans sa future loi d'orientation et de programmation de développement et de solidarité internationale, que le Parlement attend patiemment. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté.
L'ensemble du projet de loi est adopté.
Mme la présidente. - À l'unanimité.