SÉANCE

du mercredi 15 janvier 2020

47e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Dominique de Legge.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Veuillez respecter le temps !

Suivi judiciaire des djihadistes (I)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur quelques travées du groupe UC) « Il était à l'isolement depuis six mois, on n'a rien pu faire avec lui. Nous sommes inquiets de le laisser sortir. »

Voilà les propos d'un surveillant de prison sur Flavien Moreau, premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie, en 2014 à sept ans de prison pour terrorisme, libéré ce lundi, un peu moins d'un an avant la date prévue, malgré une détention parsemée d'incidents. Il fait l'objet d'une double mesure de surveillance judiciaire - d'une durée de 11 mois et 18 jours - et administrative.

Une quarantaine de djihadistes français ont retrouvé la liberté depuis 2018. Une vingtaine d'autres doivent être libérés bientôt.

Faute de solutions sur place et de volonté politique, le rapatriement de djihadistes français apparaît de plus en plus comme une hypothèse envisageable.

Le problème de la récidive se pose : comment s'assurer de l'absence de dangerosité de ces individus ? La lutte contre la radicalisation est un combat de longue haleine. Comment améliorer notre arsenal juridique, insuffisant, pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La lutte contre le terrorisme islamiste est une priorité du ministère de la Justice. (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Nous disposons des outils nécessaires. Les djihadistes de retour sont systématiquement judiciarisés, par le Parquet national antiterroriste que nous avons créé il y a quelques mois. Cela se traduit par l'engagement de poursuites du chef d'association de malfaiteurs terroriste. La peine encourue peut aller jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.

Ils sont incarcérés dans des établissements adaptés. Sur 224 revenants, les trois quarts sont en détention dans des établissements pénitentiaires adaptés à leur profil, soit à l'isolement, soit dans des quartiers spécifiques. À leur sortie, ils sont suivis par un juge spécialisé, sont soumis à des obligations de contrôle très strictes et peuvent être pris en charge dans l'un des centres de jour que nous avons créés. La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme prévoit des mesures adaptées, telles que l'obligation de pointage, de domiciliation fixe et l'interdiction de quitter la commune. Le cas que vous citez est soumis à ce double suivi judiciaire et administratif.

Nous sommes absolument vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe Les Indépendants)

Réforme des retraites (I)

M. le président.  - Je salue M. le Premier ministre qui vient de rejoindre l'hémicycle.

M. René-Paul Savary .  - Cela tombe bien : Je suis rapporteur sur la loi Retraite. Celle-ci, sujet tabou en France, est un pacte entre générations, comme vous l'avez dit hier soir lors de vos voeux, monsieur le Président, en votre présence, monsieur le Premier ministre.

Lorsqu'on bouscule un tel pacte, il est normal que cela provoque certaines réactions épidermiques. Quels éléments allez-vous nous fournir pour que nous prenions des décisions en pleine sérénité ? À quel âge les Français pourront-ils partir, avec quel montant de retraite ? Quel sera le coût de cette réforme ?

Vous nous demandez, monsieur le Premier ministre, 23 habilitations à légiférer par ordonnances. Quelles garanties allez-vous offrir au Parlement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites .  - (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées du groupe SOCR ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM). Je sais votre engagement sur ce sujet et celui du Sénat. Il est vrai que nous bousculons certaines situations paraissant acquises. Mais nous nous sommes engagés à créer un système universel, avec une caisse commune à tous, indépendamment de la situation professionnelle ou statutaire, permettant aux Français d'exercer leur solidarité entre eux. (Murmures de protestations et marques d'ironie sur plusieurs travées des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) Notre volonté est de créer un système plus solide et durable (Même mouvement)

M. Michel Savin.  - Répondez ! (Protestations à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - À la question !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - L'équilibre du dispositif, c'est sa pérennité (Les protestations vont croissant.) Dès qu'elle sera prête, dès le passage en conseil des ministres, vous aurez l'étude d'impact et nous pourrons en débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; quelques huées à droite)

M. René-Paul Savary.  - Merci pour ces précisions un peu décevantes... Soit vous faites une réforme avec les Français, soit contre eux. Idem pour les parlementaires. Il y a une ligne rouge. Si nous n'avons pas tous les éléments, comment prendre une décision ?

L'article 9 dispose que le point dépend du niveau moyen des salaires, c'est bien ! Mais avec quel financement ? On le voit à l'article 10 avec l'âge pivot. Dites la vérité aux Français ! Il faudra travailler plus longtemps pour bénéficier de cette générosité... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sinon les pensions baisseront ! Manifestement, vous avez encore du chemin à faire ! N'hésitez pas à écouter et respecter le Parlement, notamment le Sénat ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Démission de 1 200 médecins hospitaliers (I)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Si le conflit sur la réforme des retraites a un temps éclipsé les problèmes de l'hôpital, ceux-ci restent bien réels. La colère, montée en mars dernier des services d'urgence, gagne tous les établissements.

En Haute-Garonne, l'impensable s'est produit, avec la fermeture des urgences de l'hôpital de Saint-Gaudens. Le Gouvernement a présenté un plan d'urgence, le 20 novembre. Le succès n'est pas au rendez-vous. Les mesures sont insuffisantes, trop partielles, trop tardives. Les moyens manquent. Les relations avec l'administration posent problème.

Bien sûr nous ne pouvons faire porter le chapeau à ce seul Gouvernement ; la lente détérioration des hôpitaux publics a commencé il y a bien longtemps, avec les 35 heures. (Murmures sur quelques travées des groupes CRCE et SOCR) Comment enrayer cette épidémie et rétablir un lien de confiance entre le personnel hospitalier, l'administration et les autorités sanitaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous connaissons les attentes du personnel hospitalier. (On en doute manifestement sur les travées du groupe CRCE.) Tarifs hospitaliers en hausse après dix ans de baisse et reprise d'une partie de la dette, primes pour les soignants...

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas sérieux !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - ... réinvestissement massif de 150 millions d'euros pour l'équipement du quotidien dès ce mois de janvier, ouverture de nouveaux lits, ces mesures sont significatives.

Quelque 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires seront dégagés sur trois ans et 1 milliard d'euros de marge de manoeuvre en plus grâce à la reprise de la dette. Nous sommes au-delà des ordres de grandeur réclamés par le collectif à l'origine de la pétition. Ces moyens supplémentaires permettront de créer de nouvelles primes, de nouveaux lits, de moderniser les conditions de travail.

Toutes ces mesures changeront le quotidien des soignants et des patients. Nous comprenons l'impatience du personnel et nous nous engageons à les mettre en oeuvre au plus vite. Le débat continue : la ministre recevra une partie des signataires dès cette semaine. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Pierre Médevielle.  - Il y a urgence ! Lorsque l'hôpital tousse, c'est le système de santé qui vacille. Les pratiques médicales n'obéissent pas toujours aux logiques financières et administratives. Nos Français méritent une égalité de traitement pour les soins de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Convention citoyenne pour le climat

M. Frédéric Marchand .  - « Les citoyens ont demandé plus de démocratie, ils ne veulent plus être simplement celles et ceux qui respectent les lois. La Convention citoyenne pour le climat, c'est cela. » Voilà ce que déclarait, le 10 janvier, le Président de la République devant les 150 membres de cette Convention, tirés au sort.

Il s'agit d'une expérience démocratique inédite et très regardée par nos voisins européens. Les mesures que la Convention préconisera devraient permettre de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 dans un esprit de justice sociale.

Une nouvelle étape de la fermeture des centrales à charbon a été franchie avec la signature des contrats de territoire du Havre, de Saint-Avold et de Cordemais.

Sans conteste, la diversité et la parité de la Convention citoyenne pour le climat sont essentielles à la qualité de ses délibérations et propositions. (Murmures sur certaines travées à droite) Elles seront soumises sans filtre au Président. C'est une méthode originale qui ouvre le chemin du politique en construisant des voies de consensus dans notre société.

Démocraties représentative et participative ne doivent pas se concurrencer ni se regarder en chiens de faïence, mais travailler ensemble pour faire face à l'urgence climatique qui s'impose à nous. Si on veut réussir cette aventure démocratique inédite, il faut prendre des « options fortes », selon le Président et de telles options sont aussi l'apanage de la démocratie représentative. Comment envisager l'articulation entre la Convention citoyenne du climat et les représentants de la Nation que nous sommes ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - La création de la Convention citoyenne pour le climat est un moment charnière pour la démocratie et pour l'écologie.

C'est en quelque sorte la continuation du grand débat. Je salue les 150 Français qui travaillent d'arrache-pied depuis plusieurs semaines. Avec Mme Borne, nous suivons leurs travaux avec beaucoup d'attention.

Ces citoyens sont extrêmement soucieux de ce que nous ferons de leurs propositions. Le Président de la République a réaffirmé l'engagement que les propositions de la Convention citoyenne pour le climat seront reprises sans filtre. Elles devront être, à cette fin, claires, détaillées, opérationnelles.

M. Philippe Dallier.  - Qu'est-ce que cela veut dire ? Et le Parlement ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État.  - Elles devront être présentées au plus tard en avril 2020. Les propositions les plus abouties seront soumises au référendum ou au Parlement ou feront l'objet de mesures réglementaires ou d'un travail entre les parlementaires et les citoyens. Le référendum pourra être à questions multiples. Face à l'urgence climatique, il faut agir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Réforme des retraites (II)

M. Jean-Marc Gabouty .  - On peut adhérer aux principes généraux de la réforme des retraites : régime universel avec suppression des régimes spéciaux, système à points, équilibre financier. On peut imaginer de prévoir une réforme du financement du régime actuel, afin d'en assurer l'équilibre à court ou moyen terme, avec ou sans mesure d'âge ; on peut prévoir aussi le financement de la phase de transition.

Mais je m'interroge sur la compatibilité entre un âge d'équilibre prédéfini avec un système par points. Ce dernier, en introduisant une individualisation de la retraite, fait disparaître la notion de retraite à taux plein et relativise les critères d'âge et de durée de cotisation.

Dans ces conditions, l'ajout d'un deuxième âge de référence, avec bonus-malus, nuit à la compréhension de la réforme et ne répond pas aux impératifs de simplicité et de justice.

Ne peut-on pas inscrire dans la réforme l'équilibre financier, tout en effaçant la référence à un âge d'équilibre prédéfini ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Que M. Menonville et M. le rapporteur Savary veuillent bien m'excuser pour mon retard.

Nous discutons d'un texte en préparation (Murmures) qui n'a pas encore été soumis au Conseil des ministres - il le sera le 24 janvier prochain. Il doit être étudié auparavant par le Conseil d'État et divers organismes consultatifs.

Nous engagerons - vous et moi nous sommes impatients - la discussion à ce moment. N'allons pas plus vite que la musique en nous lançant dans des discussions pointues.

MM. Pierre Laurent et Martial Bourquin.  - Et la procédure accélérée ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Ce fut la procédure choisie pour toutes les réformes des retraites précédentes... Cela n'a donc rien d'exceptionnel !

Dans le futur système, l'âge d'équilibre sera l'un des instruments de pilotage de l'équilibre du système. Ce n'est pas l'âge légal, qui est une autre notion. L'âge d'équilibre sera au fond l'âge de départ à taux plein. Nous ne supprimons pas l'âge légal.

Pour certains Français, il peut être opportun de faire valoir leurs droits à la retraite à partir de 62 ans. Pourquoi les priver de cette possibilité ? Mais l'âge d'équilibre sera une incitation à travailler plus longtemps pour équilibrer le système de retraite par répartition, c'est vrai. Ce n'est ni un gros mot ni un scandale. (Protestations sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Nous n'utilisons pas l'arme de l'âge légal, qui est aveugle, mais créons une incitation qui prendra en compte la réalité des parcours - pénibilité, carrière longue, handicap. Nous en débattrons à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce débat sera riche, intense, et permettra collectivement de produire une loi bonne et juste pour que l'ensemble des Français, quels que soient leurs métiers et leurs statuts, puissent envisager la retraite avec sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées des groupes UC et RDSE)

M. Jean-Marc Gabouty.  - Merci. Certains effets semblent toutefois curieux. Au nom de quoi, dans un système à points, un assuré serait-il affecté d'un malus s'il part entre l'âge légal et l'âge d'équilibre ?

Démission de 1 200 médecins hospitaliers (II)

Mme Michelle Gréaume .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Plus de 1 200 médecins ont lancé hier un cri d'alarme, en vous adressant une lettre réclamant des moyens financiers pour l'hôpital public. Ils ont démissionné collectivement de leur poste administratif.

Cette action grave et inédite dénonce l'austérité budgétaire, ainsi que la dégradation des conditions de travail et de l'offre de soins. Comment comprendre que des chirurgiens annulent une opération sur des enfants une heure avant ou que des enfants en urgence pédiatrique soient transférés à des centaines de kilomètres ?

Les mesures de votre plan d'urgence sont insuffisantes. L'hôpital public a besoin d'un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 4,5 %, de l'arrêt immédiat des fermetures de lits, d'un recrutement urgent de 100 000 personnes, d'une réévaluation des rémunérations de toutes les catégories professionnelles. Combien de temps vous faudra-t-il pour comprendre que votre plan est insuffisant ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Martial Bourquin applaudit également.)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous partageons le constat et les inquiétudes des patients. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE) Je ne peux pas vous laisser dire que nous ne faisons rien. (Même mouvement)

Nous proposons une refonte en profondeur de notre système de soins. Nous réorganisons la médecine de ville pour alléger de leur charge les hôpitaux publics. (On proteste derechef sur les mêmes travées.)

Nous proposons une plus grande délégation des tâches entre les soignants, pour libérer du temps médical, ainsi que des primes. (Idem)

Dans votre région, les Hauts-de-France, l'investissement au quotidien représente 13,8 millions d'euros dont 6,3 millions pour le département du Nord, 292 000 euros pour le centre hospitalier de Douai, 550 000 euros pour celui de Roubaix et 371 000 euros pour celui de Tourcoing.

Pas moins de 1,5 milliard d'euros seront ainsi débloqués sur trois ans pour augmenter les tarifs hospitaliers. (Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Pierre Ouzoulias protestent.) La dette sera reprise à hauteur de 10 milliards d'euros. La ministre prévoit aussi des moyens pour l'ouverture de lits. Elle a demandé à cette fin aux hôpitaux de faire remonter les besoins en aval des urgences. Elle était ce lundi à Corbeil-Essonnes pour constater le déploiement de ces mesures : les résultats arrivent. (Protestations sur les travées du groupe CRCE ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Michelle Gréaume.  - Le Gouvernement doit finir par entendre la colère qui monte dans le pays, que ce soit pour sauver notre hôpital public ou réformer notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Doctrine du maintien de l'ordre

M. David Assouline .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Comme en mai dernier, je vous interroge sur les violences policières. Vous les aviez alors niées. Vous semblez les reconnaître, à présent, avec le Président de la République, c'est heureux.

Dénoncer de telles dérives, c'est rendre hommage aux milliers de policiers qui font leur travail difficile et dangereux avec maîtrise, parfois au sacrifice de leur vie. Je pense avec émotion au policier mort avant-hier, tué par un malfrat. Je pense à tous ceux qui malgré les sollicitations incessantes, depuis des années face au terrorisme, depuis un an face aux manifestations de protestations sociales, accomplissent leurs missions avec sang-froid, dans le respect de nos principes républicains.

Au-delà de la déontologie nécessaire, pensez-vous que votre « nouvelle doctrine de maintien de l'ordre », sonnant comme un permis de se lâcher, a une responsabilité dans cette situation où la liberté de manifester est menacée ?

Que faire pour que les centaines d'enquêtes de l'IGPN ne soient plus enterrées ? Seul en Europe, continuerez-vous à placer des lanceurs de balles de défense (LBD) et des grenades contenant du TNT dans les mains de ceux qui font face à des manifestants pacifiques et non des soldats ennemis ou des terroristes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Je ne répéterai pas ce qu'ont déclaré le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur sur l'exemplarité des policiers et voudrais rappeler le contexte que vous semblez perdre de vue : les manifestations sont de plus en plus violentes. Souvenez-vous, depuis les manifestations contre la loi El Khomri, puis les gilets jaunes et maintenant contre la réforme des retraites, elles s'en prennent, sous l'influence de mouvances ultra, avec une grande violence, aux institutions, aux policiers, au mobilier urbain et aux commerces. (Protestations sur plusieurs travées des groupes CRCE et SOCR)

Avec Christophe Castaner, nous assumons totalement notre doctrine qui s'appuie sur la réactivité et la rapidité pour faire cesser, par des interventions rapides, dans ce type de manifestations, les graves troubles à l'ordre public. Nous ne souhaitons pas que certains se donnent bonne conscience sur le dos de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Aussi je réfute le terme de violences policières, qui, en occultant ces violences inacceptables, constitue une offense à notre police et à notre gendarmerie. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Républicains et UC)

Cela ne nous empêche pas de réfléchir, à froid, à notre doctrine, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un schéma national de maintien de l'ordre public Nous réunissons dans cet esprit des experts de tous les pays, des magistrats et des ONG aussi importantes que la Ligue des Droits de l'homme ou Amnesty International, avec des policiers. Sachez qu'en Europe certaines polices envient la façon dont nous gérons l'ordre public. (Protestations sur les travées du groupe CRCE).

Je tiens à nouveau à rendre hommage à l'ensemble de nos policiers et de nos gendarmes et à la mémoire de Franck Labois, tué il y a quelques jours. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes LaREM, UC et Les Républicains)

M. David Assouline.  - La grande majorité de manifestants dont je parle est pacifique... (Exclamations dubitatives à droite) même si la droite le conteste ! Bien sûr, je condamne avec force les casseurs.

Rendre hommage aux policiers, c'est condamner les dérives qui ont eu lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE et protestations sur les travées des groupes LaREM et Les Républicains)

Suivi judiciaire des djihadistes (II)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Le premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie a été libéré lundi de la prison de Condé-sur-Sarthe ; il avait été condamné en novembre 2014 à sept ans de prison ferme. Pour nos concitoyens, ce sera un test de notre capacité à suivre et à contrôler les djihadistes libérés après avoir purgé leur peine.

À ce jour, 224 djihadistes sont détenus en France ; ils sortiront progressivement dès cette année. Mme la garde des Sceaux nous a assuré qu'il y aura un suivi judiciaire par un juge spécialisé ainsi qu'un suivi administratif - obligation de pointage, interdiction de quitter leur domicile. Ces mesures, conçues pour des condamnés de droit commun, suffiront-elles à rassurer les Français ? En avons-nous les moyens, sachant qu'il faut 20 agents pour surveiller quelqu'un 24 heures sur 24 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les condamnations pénales des djihadistes sont sévères. Depuis 2015, avec le procureur Molins, nous avons criminalisé l'association de malfaiteurs terroriste, permettant d'alourdir les peines.

En détention, ils font l'objet d'un traitement adapté à leur singularité.

Nous améliorons la détention des preuves sur les terrains de combat, avec le concours de la DGSI et des États-Unis dont les spécialistes récupèrent des preuves sur place. Cela nous permet de constituer des dossiers denses.

À la sortie de prison - car dans un État de droit, les peines ont une fin - ils font l'objet d'un suivi rigoureux par un juge de l'application des peines spécialisé. Peut s'y ajouter un suivi administratif, via les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prévues par la loi Sécurité intérieure. Enfin, les services de renseignements sont très présents. Les mailles sont serrées ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. André Reichardt.  - Vous ne me convainquez pas. Une condamnation à sept ans de prison pour avoir combattu en Syrie, une libération au bout de six, c'est peu.

Se pose la question du repentir. Les prisons françaises ne sont pas des centres de déradicalisation, bien au contraire. Nous n'avons pas d'outil pour mesurer la dangerosité de ceux qui sortent. Les surveillants de Condé-sur-Sarthe se disent inquiets... Et vous voulez faire rentrer les djihadistes qui sont détenus en Irak et en Syrie ? Comment ferons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Réforme des retraites (III)

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) À chaque jour, un nouveau démenti, un nouveau miroir aux alouettes. Vous naviguez à vue et nos concitoyens n'obtiennent pas de réponse. On ne modifie pas un pilier de notre contrat social sur un coin de table ! On envisagerait maintenant de modifier l'âge légal par ordonnance ! De qui se moque-t-on ? Les Français désapprouvent votre réforme et soutiennent massivement les grévistes car ils ont compris que tout le monde y perdra : ne percevront le seuil minimal de 1 000 euros que ceux qui auront effectué une carrière continue au Smic...

Personne n'est dupe. Comme avec l'assurance chômage, vous mettez les syndicats au pied du mur. Après avoir sciemment organisé le non-financement des régimes via les exonérations de cotisations et le recul de l'emploi public, vous convoquez maintenant une conférence de financement orchestrée pour aboutir à un désaccord qui vous permettra de passer en force, par ordonnance. Vous méprisez le Parlement, qui devra se prononcer en procédure accélérée sur une réforme tronquée de son financement. Quand retirerez-vous votre texte au profit du dialogue social ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - La tonalité de votre question est pour le moins critique... (Sourires) C'est votre droit. Plus contestables sont certaines inexactitudes.

Je ne « convoque » pas la conférence de financement, j'accède à une demande des organisations syndicales qui doit permettre de formuler des propositions permettant le retour à l'équilibre en 2027. Si elles respectent les deux bornes que nous avons fixées - la non-diminution des pensions et la non-augmentation du coût du travail (Exclamations à gauche) - nous les reprendrions à notre compte et les proposerions au Parlement. Vous vous faites le chantre du dialogue social : en voilà un exemple concret, borné dans le temps et dans son objet. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; exclamations à gauche)

Certaines organisations syndicales, qui participeront à la conférence de financement, sont opposées par principe à un système universel ou à un système par points. Nous ne nous départirons pas notre projet sur ces deux engagements.

Le champ des habilitations au Gouvernement - le président du Sénat s'en fait souvent l'écho - doit être très précisément défini pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité. Si nous voulons reprendre les mesures proposées par la conférence de financement, nous devons laisser aux partenaires sociaux la totalité des instruments disponibles en les mentionnant dans l'article d'habilitation ; à eux de dire ceux qu'ils retiennent. Une rédaction large ne ferme pas le débat, elle l'ouvre ! (Protestations à gauche) L'objectif est toujours d'arriver à l'équilibre en 2027. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées des groupes RDSE, Les Indépendants et UC)

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Sur le fond, nous sommes en désaccord. Sur la forme, nous demandons depuis longtemps une étude d'impact et des éléments sur le financement - et ce n'est que maintenant que vous commencez à y songer, alors que la réforme est déjà lancée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

Dette publique de la France

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a un an, le ministre de l'économie déclarait au Sénat : la dégradation de nos finances publiques tient en trois chiffres, faciles à retenir : 33 % d'augmentation de la dette publique en dix ans ; 3 % d'augmentation de la dépense publique ; 3 %, d'augmentation des impôts. Un tantinet arrogant, voire méprisant, il se disait déterminé à dépenser moins et mieux, pour réduire la dette.

Après le mouvement des gilets jaunes et pendant celui des retraites, ne retenez qu'un seul chiffre : 100. La dette est à 100 % du PIB, le déficit public à 100 milliards d'euros, et vous prenez 1 000 milliards d'euros aux contribuables, soit 10 fois 100.

N'avez-vous pas oublié de vous appliquer votre propre leçon ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Je ne suis pas là pour donner des leçons à quiconque. (« Oh ! » à droite) Merci de rappeler les chiffres. La dette publique a effectivement augmenté de 33 points entre 2008 et 2017, passant de 64 % à 97 %. (Exclamations à gauche.) Est-ce que je m'en satisfais ? Non. Cependant, ayez l'honnêteté de reconnaître que nous l'avons stabilisée, que nous avons sorti la France de la procédure pour déficit public excessif et engagé de nombreuses baisses de dépenses publiques, sur les emplois aidés ou le logement par exemple.

M. Patrick Kanner.  - Ce sont les pauvres qui payent !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons entendu le message des Français : les baisses de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de différentes taxes étaient attendues par les Français. Elles sont justes et nécessaires.

Nous ferons tout ce qui pourra l'être pour stabiliser et réduire la dette publique. J'espère que vous nous soutiendrez. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Laurent Duplomb.  - Montesquieu disait : « J'aime les gens de mon pays, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ». Les Français ne sont pas dupes ! Ma grand-mère disait : « il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes ». (Sourires) Attention, car à force d'arrogance et le mépris, cela pourrait finir à la lanterne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Stratégie au Sahel

M. Olivier Cigolotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La liste des attaques djihadistes contre les forces présentes au Sahel s'allonge et, avec elle, celle des victimes, militaires comme civiles, africaines comme françaises.

Alors que la zone d'affrontements s'étend, une part croissante de la population locale rejette la présence sur place de nos armées. Il était donc important que les pays du G5 redisent leur soutien à l'appui de la France dans la lutte contre les terroristes - ce qu'ils ont fait à Pau.

Pourtant, de nombreuses questions sur l'avenir de l'opération Barkhane demeurent. L'envoi de 220 soldats français supplémentaires au Sahel suffira-t-il, au regard de l'intensité et de l'extension de la menace ? La demande faite aux Américains de maintenir leur présence dans la région découle d'une rumeur d'un éventuel retrait. À quelle échéance aurons-nous des assurances sur ce point ? En cas de retrait avéré des États-Unis, il faudrait un soutien européen.

Pouvez-vous nous éclairer sur la force Takuba que vous appelez de vos voeux et sur la révision du mandat de la Minusma ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - Lors du sommet de Pau, nous avons assumé un tournant stratégique : concentrer nos efforts militaires dans la région des trois frontières, où l'État islamique au Grand Sahara, filiale de Daech, sème le chaos. Le Président de la République a annoncé le déploiement immédiat de 220 soldats supplémentaires. Mais Barkhane ne peut pas tout faire toute seule. La clé du succès réside dans le collectif. Le Président de la République a donc annoncé, aux côtés des chefs d'État du G5 Sahel, la création d'une coalition pour le Sahel, sous commandement conjoint, pour plus de renseignement, de coordination et de réactivité.

La force Takuba regroupera des forces spéciales européennes afin d'aider les forces armées locales à monter en compétence dans la lutte contre le terrorisme. Nous comptons sur le soutien précieux des États-Unis et échangeons régulièrement ; je me rendrai prochainement à Washington pour consolider le dispositif.

Enfin, au Sahel comme ailleurs, la solution n'est pas que militaire, et il n'y aura pas de sécurité sans développement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE)

Réforme du bac

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans cinq jours débuteront les épreuves communes de contrôle continu en classe de première, qui s'inscrivent dans votre réforme du bac. Les lycéens sont stressés, les professeurs inquiets, les équipes chargées de l'organisation au sein des établissements, paniquées.

Certains syndicats enseignants appellent à la grève de surveillance, ce que je ne cautionne pas. Mais cela révèle la rupture du dialogue entre votre ministère et la communauté enseignante.

L'impréparation est manifeste : découverte tardive des sujets, du logiciel de correction, difficultés liées à la dématérialisation. Une centaine d'actions sont en cours. Pouvez-vous rassurer le personnel et garantir que les épreuves se dérouleront bien dans des conditions normales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Maryvonne Blondin applaudit également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - J'ai déjà dû répondre à des inquiétudes sur certains points de la réforme du bac, qui ne se sont pas vérifiées. Les épreuves de contrôle continu visent à éviter le bachotage et à relever le niveau ; elles ont déjà commencé dans certains lycées, sans aucun problème, ni humain ni technique.

Certains professeurs disent qu'ils ne corrigeront pas les copies, créant ainsi le problème qu'ils dénoncent. Sur le plan technique, tout est prêt. Quelque 1,7 million de copies seront scannées pour une correction dématérialisée, permettant aux élèves de consulter leur copie en ligne.

Ces épreuves, d'une ou deux heures, portent sur trois matières dans la voie générale, quatre dans la voie technologique ; c'est une forme de galop d'essai qui ne comptera pas pour plus de 2 % de la note finale. Vous verrez dans un mois, vous saluerez les progrès accomplis. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur plusieurs travées des groupes RDSE et Les Indépendants)

M. Stéphane Piednoir.  - Non, l'ambiance n'est pas à la sérénité. Ne masquez pas les difficultés. Vous appelez à construire une école de la confiance. (M. Martin Lévrier s'impatiente.) Un élément manque pour cela : la transparence et, pourquoi pas, la sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Attractivité de la France

M. Julien Bargeton .  - (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM) En 2018, la France a attiré 339 projets industriels issus d'investissements étrangers, devant l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Un euro sur cinq investis en Europe l'est en France. C'est dans ce contexte que va se tenir le sommet « Choose France ».

Mais pour redistribuer la richesse, il faut d'abord la créer. L'État et les collectivités territoriales y contribuent certes, mais d'abord les entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE)

La France a longtemps souffert d'un déficit de compétitivité, marqué par un chômage élevé.

Des obstacles demeurent, liés au risque de guerre commerciale, mais les mesures, notamment fiscales, portées par le Gouvernement ont redressé la compétitivité de la France. Pour la première fois depuis longtemps, l'emploi industriel a augmenté. Il faut poursuivre, car 50 000 postes restent à pourvoir dans l'industrie. (On s'impatiente sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quels leviers, quelles priorités pour inscrire cette performance dans la durée ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - La France est devenue la nation industrielle la plus attractive en Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; on se gausse sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour la première fois depuis dix ans, nous avons créé 12 000 emplois industriels en 2018 puis en 2019. Nous devrions tous nous en réjouir. C'est le fruit de la politique menée par le Président de la République et le Gouvernement en matière de fiscalité du capital, qui a permis à l'industrie d'investir. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains)

M. Jean-Louis Tourenne.  - C'est faux !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons aussi agi sur la qualification, pour rendre les métiers industriels plus attractifs.

Nous allons redoubler d'efforts pour inscrire ces résultats dans la durée. Nous voulons une industrie puissante, décarbonnée...

M. Jean-Louis Tourenne.  - Déshumanisée !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - ... ouvrir de nouvelles filières, investir dans l'innovation, former davantage d'ingénieurs et faire de la France, la première puissance industrielle en Europe. C'est à notre portée et nous y arriverons. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur plusieurs travées du groupe RDSE)

Démission de 1 200 médecins hospitaliers (III)

M. Jean Sol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À l'heure où plus de mille médecins hospitaliers, dont 600 chefs de service, vous ont envoyé une lettre de démission collective pour protester contre le manque de moyens de l'hôpital public, nous assistons à un burn out généralisé du corps hospitalier.

Les conditions de travail font peser un risque sur la qualité des soins et menacent la sécurité des patients. Les soignants ne sont pas des machines mais des êtres humains qui vouent leur vie à soigner les autres. Notre hôpital est en déliquescence, au bord de l'asphyxie ! Faudra-t-il un drame pour que le Gouvernement réagisse ?

Les mesures annoncées le 20 novembre sont symboliques et insuffisantes. C'est un plan de communication, non un plan d'urgence. Seule une vraie réforme en profondeur de notre système de santé peut sauver l'hôpital public : organiser un Grenelle de la santé, rénover la gouvernance en sortant de l'inflation bureaucratique, rééquilibrer le pouvoir entre l'administration et les médecins, revaloriser les salaires, recruter, rouvrir des lits. Mme la ministre a été médecin hospitalier, elle ne peut pas laisser mourir l'hôpital ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Cette transformation en profondeur du système de santé, nous la menons.

Vous demandez une augmentation du temps médical, une meilleure répartition des tâches entre corps médicaux, une meilleure gouvernance : nous le faisons, en mettant les soignants au coeur de la gouvernance. (Exclamations)

M. Pierre Ouzoulias.  - Sortez du déni !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État.  - Vous demandez une meilleure répartition entre hôpital et médecine de ville : le plan « Ma Santé 2022 » le prévoit.

Une revalorisation des salaires des personnels : nous le faisons en augmentant les tarifs hospitaliers et en allégeant leur dette, pour qu'ils puissent investir. Nous répondons en tout point à vos sollicitations à travers le plan « Ma Santé 2022 » et la loi Santé que vous avez récemment votée. (Applaudissements sur quelques travées du groupe LaREM ; Mme Éliane Assassi s'exclame.)

M. Jean Sol.  - Pour sortir de cette impasse avant qu'elle se transforme en catastrophe sanitaire, il faut passer des déclarations d'intentions aux financements et aux actes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Pouvoir d'achat des Français

M. Martial Bourquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Le taux du Livret A est à 0,75 % ; il risque de passer à 0,5 % en février. Il avait été gelé lors du précédent quinquennat pour éviter une telle baisse. Que va-t-il rester de l'épargne populaire ?

Le pouvoir d'achat des plus fragiles ne cesse de baisser : hausse du prix de l'électricité, des carburants, des frais bancaires... Vous invoquez les baisses d'impôts - mais la moitié des Français n'en paient pas. 

M. André Reichardt.  - C'est bien le problème !

M. Martial Bourquin.  - Seulement 30 % des entreprises ont accordé la prime Macron, sans compter la baisse des APL, la désindexation des prestations familiales...

M. Philippe Dallier.  - Justement, pour financer les baisses d'impôts !

M. Martial Bourquin.  - ... et la réforme de l'assurance chômage - une tuerie, selon les mots d'un syndicaliste.

Quand lutterez-vous contre la pauvreté plutôt que de l'accentuer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Les Français les plus modestes ont aussi besoin de logement social, financé par le Livret A. Si vous voulez plus de logement social, il faut un taux du Livret A raisonnable. (Exclamations à gauche)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Rendez l'argent à Action Logement !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'État emprunte à 0,1 % à dix ans, les taux de la BCE sont négatifs. Pour construire du logement social, il faut la ressource la moins coûteuse possible.

Oui, il y a une épargne populaire, c'est le Livret d'épargne populaire, dont le taux n'est jamais inférieur à l'inflation.

Le pouvoir d'achat a augmenté de 1 % en moyenne sur les dix dernières années. En 2018 et en 2019, la hausse était de 2,3 %. Grâce à la politique du Gouvernement, le pouvoir d'achat a augmenté...

M. Jean-Louis Tourenne.  - Pour les riches !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Reste que 14 % des Français sont en situation de pauvreté. C'est trop. Mais ils sont 34 % parmi les chômeurs. Lutter contre le chômage, c'est la meilleure façon de lutter contre la pauvreté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Martial Bourquin.  - Les Français ont financé la baisse des déficits et des charges sociales, la suppression de l'ISF et la double année de CICE. Vous avez opéré un basculement inédit de la fiscalité des entreprises et des plus riches sur les ménages, au prix du chômage, de la précarité et de la pauvreté. C'est une honte pour la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de M. David Assouline, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.